Long voyage

Cean avait alors moins de 10 ans, son père était allongé au centre de la chambre, sur le ventre.
Il avait perdu connaissance.
Il avait couru appeler sa mère et sa grand-mère en urgence.
Elle accourut à toute vitesse, paniquée.
Sa grand-mère l’aida à l’installer sur une couverture de matelas et le recouvrir d’un châle pour pas qu’il n’attrape froid.
Il faisait nuit.
Ils étaient tous les trois autour de lui, attendant qu’il se réveille.
Sa mère savait que ça allait arriver, elle était au bord des larmes. On ne pouvait rien faire d’autre. Aucun remède n’existait pour cela.
Elle serrait les poings, à genoux, à la gauche du père.
Il finit par ouvrir les yeux, le souffle court, il avait du mal à respirer et était pâle.
Il mit quelques secondes avant de se rendre compte de ce qui se passait.
Il observa la scène, sa femme à sa gauche, sa mère et son fils à sa droite.
Cean était resté muet, il ne savait pas trop ce qui se passait.
Il pensait que son papa était juste malade.
Sa mère, ne pouvant plus contenir ses larmes et sa joie lorsque son époux ouvrit les yeux, apporta sa main au visage pour étouffer ses pleurs.
Cean ne comprenait pas pourquoi elle pleurait.
Son père regarda sa mère, il lui sourit.
Il lui tendit sa main pour essuyer ses larmes, lui caressa le visage.

— Ne pleure pas, j’ai été très heureux d’avoir pu vivre à tes côtés…

Quelqu’un frappa à la porte de la demeure, la grand-mère se leva et partit voir qui c’était.
Une femme aux longs cheveux bouclés vénitiens tombant jusqu’au bas du dos, entra dans la pièce. Elle portait une magnifique robe aux couleurs claires à multiples plis. Ses yeux de jade étaient d’un vert sublime.
Elle s’approcha de son père.
Un homme portant un masque blanc et dans un uniforme qu’il n’avait jamais vu la suivit et lui chuchota quelque chose à l’oreille.

— C’est prêt, Mère supérieure.

Elle acquiesça, et s’accroupit aux côtés de sa mère.
Sa mère la fixa les larmes aux yeux.
La mère supérieure la prit alors dans ses bras.
L’homme pénétra dans la pièce, se positionna tout près de son père et le porta.
Sa mère le suivit du regard et leva sa main comme s’il était possible d’arrêter ce garde d’emmener son aimé.
La mère supérieure l’empêcha de se lever. C’était sa manière de lui dire « C’est le cycle naturel de la vie. Il faut le laisser partir. »
Son père était encore conscient.
Cean regarda la scène sans réagir puis demanda à sa mère.

— Ils vont guérir papa… ?
Dit-il inquiet.

Elle ne savait pas quoi répondre.

— … Papa est parti pour un long voyage et ne pourra pas revenir…
Dit-elle entre ses sanglots.

Il comprit plus tard que son père était mort, qu’il n’y pouvait rien à part continuer sa vie.
Il apprit à l’école le cycle de la vie.
Les différents statuts des gens dans cette société.
C’était bien entendu compliqué mais tout ce qu’il devait retenir était que son père était retourné à l’Arbre.

2013.3.19

Champignons

Elle essaie d’aider un guerrier blessé lors d’un combat contre une bête. Le combat n’est pas fini. La bête continue de le poursuivre.
Il faut qu’il se dépêche d’atteindre l’étage supérieur s’il veut survivre.
Il est à bout de force. Il pense qu’il va mourir.
Elle, elle arrive à l’etage, avec son panier de champignons et d’herbes.
Une longue cape qu’elle aime porter.
Elle marche quelques minutes lorsqu’elle tombe sur le guerrier qui semble blessé sévèrement.
Elle ne se pose pas de questions et s’approche de lui rapidement. En laissant son panier à côté.

— Est-ce que ça va… ? Que vous est-il arrivé ?

Surpris de sa rencontre, il essaie de faire court en paroles.

— Ne reste pas là. Va t-en. Je suis poursuivi.

Après une courte réflexion.

— Je vais vous aider. La sortie est juste devant !

Elle l’aide à prendre appui sur elle et marcher.

— Merci… Si…

À peine a t-il fini sa phrase, un bruit se fit entendre non loin.
La bête s’approchait et non lentement.

— Cours ! Va t-en ! Laisse-moi !

Elle ne voulait pas se retourner, elle entendait les pas de la bête se rapprocher.

— On y est presque… !

Par malheur. Le guerrier faiblit et trébucha.
Les deux s’affalèrent au sol.
La bête n’était qu’à quelques mètres.
Elle paniqua.
Elle tenta de se relever aussi vite qu’elle le pouvait.
Il semblait qu’elle s’était faite une entorse.
La bête était à quelques centimètres d’elle.
Elle tenta d’aider l’homme à se remettre sur pieds et finir les derniers mètres avant d’atteindre la sortie.
Il ne pouvait pas se relever.

— Dégage ! Reste pas là !

Elle ne pouvait pas se résoudre à le laisser. Sa cheville étant un autre problème.
Au loin. Un autre homme, cheveux longs et noirs ébènes. Le regard dur. Il faisait la ronde.
Il entendit le cri de la bête. Alerté par ceci. Il se rendit immédiatement sur le lieu en s’orientant grâce à son ouïe.
Elle n’était pas loin de sa position.
C’est là qu’il vit devant lui, la jeune fille et l’homme blessé s’étaler au sol.
À quelques mètres à sa droite. Une énorme bête était hors d’elle.
Il courut.
Il la vit ramper jusqu’à son compagnon. Prendre son bras et tenter de le relever.
L’homme ne bougeait pas.

— Va t-en, laisse moi !

Elle ne voulait pas le laisser là. Si proche du but.
L’homme aux cheveux noirs arriva à temps pour s’interposer et tuer la bête.
Elle se retourna vers le combat. Elle vit de dos ce nouvel arrivant.
Elle qui pensait mourir.
Elle ne put s’empêcher de se sentir triste pour la bête qui venait d’être sacrifiée à sa place. Alors que la loi naturelle en aurait décidé autrement.
Leur sauveur fit comme de rien n’était. Il dépeça la bête pour en récupérer les matériaux utiles et réutilisables. Rien ne devait être fait en vain. Sa mort ne serait pas vaine.
Bien qu’étant le chasseur, il se sentait désolé pour cet animal.
Le guerrier blessé avait fini par perdre connaissance. Sa blessure à la poitrine était assez profonde, il saignait beaucoup.
Elle vit le guerrier à terre. Sans aucune réaction. Elle tenta de le secouer pour qu’il ouvre tout de même les yeux.
Il respirait encore. Faiblement.
Il fallait agir vite. Elle le mit sur le dos, le déshabilla, déchira son haut.
Il avait un torse plutôt musclé.
Il continuait de saigner par la blessure au milieu de sa poitrine.
Elle approcha son visage et lui lécha la coupure et le surplus de sang pour désinfecter.
Ainsi fait, elle fouilla dans son sac en bandoulière. Il contenait une partie d’herbes médicinales qu’elle ramassait. Ils étaient dans des bocaux.
Elle n’avait pas entendu le bruit lorsqu’elle était tombée, quelques bocaux se sont cassés. En mettant la main dans son sac pour y chercher ce qu’elle voulait, elle se coupa. Elle s’ouvrit une partie de la main droite.
Le sauveur avait fini de s’occuper du cadavre de la bête. Laissant derrière lui la carcasse. D’autres animaux de la forêt passeraient débarrasser.
Il se retourna et vit la jeune fille lécher le torse de son compagnon.
Puis chercher dans son sac et ressortir vivement sa main d’où le sang commençait à couler.
Il s’approcha d’elle, s’accroupit, prit sa main et la lui lécha.
Elle ne s’y attendait pas du tout.
Ses lèvres étaient teintées du sang du guerrier blessé.
L’homme aux cheveux noirs passa son doigt sur son visage pour essuyer quelques taches de sang.
Elle essuya elle-même une grande partie du revers de sa robe.
Elle renversa une partie de son sac au sol pour prendre ce dont elle avait besoin.
Elle prépara rapidement une petite conconction. Une sorte de pâte verte qu’elle appliqua sur le corps de l’homme à demi-nu.
Elle sortit une bande de tissu. Elle n’était pas très conséquente mais devrait suffire. Elle demanda de l’aide au sauveur pour qu’il soulève un peu le patient pendant qu’elle appliquait le pansement.
Ceci fini. Il n’était pas encore réveillé.
Le sauveur le porta. Elle devait l’aider. Elle remit avec précaution les morceaux de verre dans son sac. Elle se releva tant bien que mal en essayant de ne pas montrer qu’elle s’était blessée.
Il était de dos et portait le blessé par le bras.
Elle se dépêcha de le rejoindre et de l’aider à soutenir l’homme par l’autre bras.
Le ténébreux la regarda. Il fut surpris qu’elle vienne lui donner un coup de main.

— Merci. Comment s’appelle t-il ?

— Je… sais pas…

Ce fut son tour de prendre un air étonné.
Elle resta muette. Elle savait qu’elle allait être réprimandée si les gens l’apprenaient. Telle était la règle.
Il ne brisa pas le silence. Lui-même était en tort d’avoir porté main forte à ces deux gens.
Elle boîtait, il n’y fit pas attention en pensant que son sac limitait ses mouvements, ce qui expliquait sa démarche étrange.
Elle récita une litanie à tue-tête pour éviter de penser à la douleur.
Ils sortirent du sous sol, utilisant les racines vieilles depuis plusieurs décennies qui formaient un escalier en colimaçon. Un escalier sans marche.
Quelques lianes tombaient des côtés. Pour n’importe quel étranger à ces lieux, l’entrée était un grand trou à lapins.
L’étage était haut de plusieurs mètres, où qu’on regarde, tout n’était fait que de terre et de racines de toutes sortes et de toutes formes.
À croire que cela ne tenait qu’à la force d’une certaine magie.
C’était un terrier grandeur nature.
Il y faisait sombre, quelques champignons luminescent servaient à éclairer les lieux et donnaient une ambiance étrange.
Ils étaient là naturellement, comme s’ils guidaient les plus courageux qui s’aventuraient par là.
L’endroit était des plus dangereux. Des kilos de terre pouvaient se libérer des racines et leur tomber dessus sans crier gare.
À l’air libre, elle reprit un peu son souffle. Elle s’était convaincue que la douleur n’était que dans sa tête.
Il la vit couverte de sueurs froides.

— Je peux le porter seul.

Il la prit en pitié, elle était de constitution faible, il pensa.
Elle fit non de la tête.

— Ça va aller…
Souffla t-elle.

Ils reprirent le chemin.
Ils arrivèrent à un énorme arbre.
Immense tronc. Les racines vues à l’étage inférieur doivent lui appartenir. Au pied, plusieurs buissons de forme assez grande.
Une personne en sortit. Un garde.
Il reconnut le ténébreux.

— Que s’est-il passé ?!

Il ne répondit pas et fit signe de dégager du passage.
Il les regarda passer.
Derrière les buissons on pouvait voir la même structure de racines et de lianes qui montaient en faisant tout le tour du tronc.
Des rideaux de lianes recouvraient le tronc et derrière ceux-ci, l’escalier s’y trouvait de sorte que personne ne se doutait qu’il était possible de monter.
En haut de l’arbre, à plusieurs dizaines de mètres, les branchages et les épaisses feuilles cachaient la vie qu’il s’y trouvait.
Arrivés, un autre garde s’avança vers eux.
Le ténébreux refusa de répondre aux questions, il lui coupa la parole pour lui demander s’il le connaissait, le blessé.
Une autre personne s’avança et répondit que oui.
Le ténébreux fit signe à la fille de lâcher le bras de l’homme. Elle s’exécuta en poussant un soupir de soulagement.
Le garde prit sa place, elle s’éclipsa discrètement.
Leur arrivée avait créé un rassemblement de plusieurs personnes autour, qui voulaient savoir ce qu’il s’était passé.
Elle ne voulait pas y être mêlée. Le ténébreux semblait être connu et fit figure de héros. La scène apparaissait comme un sauvetage.
Il se retourna pour la chercher des yeux. Elle était déja partie.
Lui-même ne voulant pas avoir de problèmes, confia le corps inconscient du blessé aux personnes qui savaient où il habitait et s’éclipsa.

Elle se dépêcha de rentrer chez elle, en faisant attention à ne pas trop forcer sur sa cheville droite.
Arrivée devant chez elle, un homme d’âge mûr travaillait sur une arme, le marteau à la main, il tapait pour attendrir le fer.
C’était une échoppe ouverte, un comptoir faisait à moitié le tour, on pouvait voir aux murs des armes tels que des épées, des couteaux, des hâches. Des boucliers.
Le travail du fer.

— Papa, je suis rentrée !
Souffla t-elle en tentant de prendre un air enjoué et pas trop souffrant.

Elle se dépêcha d’emprunter la porte pour retourner dans sa chambre et se soigner tranquillement. Elle ne devait surtout pas mettre son père en alerte à cause de cet incident. Déjà qu’il ne voyait pas d’un bon oeil qu’elle s’aventure seule dans la forêt.
Il se retourna pour voir la silhouette de sa fille entrer précipitemment dans la demeure.
Il avait à peine eu le temps de lui répondre.

— Lys ! Viens me voir.

Elle s’arrêta et fit une grimace. C’était pas bon. Elle n’était pas propre et en plus blessée.
Elle fit demi-tour et pencha sa tête dans l’ouverture de la porte pour que son père puisse la voir.

— Oui… ?
Elle lui sourit.

Sans se retourner il dit.

— Viens ici.

Elle savait qu’il voulait qu’elle s’asseye à côté de lui.
Elle prit une grande gorgée d’air et vint lentement.
Il se retourna. Le bruit de ses pas n’était pas comme à l’accoutumée.
Regardant ses pieds, elle ne fit pas attention au regard de son père.

— Mais… Tu boîtes ?!

Elle se figea. Elle releva la tête.
Son père posa son marteau et sa pince, se leva et s’approcha d’elle.
Elle avait honte.
Elle allait se faire réprimander.

— Papa… Je suis désolée…
— Oui ?

Il l’observait de haut en bas. Ses vêtements étaient sales.

— J’ai cassé des bocaux…
— Tu es tombée ?
— Oui…
— Assieds-toi.

Il l’aida à s’asseoir sur le tabouret qu’il tira.
Il lui enleva son sac. En faisant cela il vit la fente rouge foncé sur sa main.
Il lui prit le poignet et la dévisagea.
Il lui prit le pied droit et enleva sa chaussure. Elle ne put s’empêcher de faire une moue. Elle avait mal.
Il s’y prit plus doucement après avoir vu sa réaction.
Il enleva sa chaussette et vit la cheville qui avait prit une teinte rose-violet.
Il ouvrit le sac, pour y chercher des bandages.
Il vit les morceaux de verre avant d’y mettre sa main. Elle se sentit rassurée. Elle n’aurait pas à expliquer qu’elle n’avait plus la bandelette, puisqu’elle se trouvait sur le torse du blessé.
Il se leva et alla chercher de quoi appliquer un peu de pomade et des bandages.
Il emprunta la porte.
La salle était de taille moyenne et carrée. Tout en bois. Une table au milieu, couverte d’un carré de nappe en patchwork. Au fond à droite, près d’une fenêtre, une armoire se tenait là. Il ouvrit et chercha un pot en terre. Dans un tiroir, il en sortit un ruban blanc.
Il retourna auprès de sa fille.
Soulevant le couvercle, il prit une petite quantité de pâte verte entre ses doigts et l’appliqua lentement sur la partie foncée de la cheville.
Le contact était frais comparé au chaud brûlant de l’entorse.
Elle frissona. Il prit la bandelette et l’appliqua délicatement.
Ensuite il prit sa main et lui appliqua une petite couche verdâtre le long de la ligne rouge sèche.
La coupure avait un peu cicatrisé mais la blessure était encore fraîche. Le contact de la pomade et de la peau intérieure la fit sursauter.
Heureusement, il lui tenait le poignet assez fort. Il lui fit son bandage pour la main et retourna ranger le tout.
Elle était restée assise et attendait sa réprimande.

— Fais attention la prochaine fois…
Lâcha t-il, en soupirant.

Elle se mit sur le point de se lever mais son père s’approcha d’elle et la porta jusqu’à sa chambre.
Ils empruntèrent la porte qui était restée entrouverte, puis un escalier pour accéder à l’étage. Il la posa délicatement sur le lit de sa chambre.
Elle se sentait encore plus mal que si elle s’était faite gronder par son père.
Elle restait là, assise au bord du lit à mediter. Il s’était passé tout ça et son père ne devait pas en savoir un mot.
Il redescendit. Prit le sac qui était resté dans l’avant de la boutique et le renversa sur la table de la salle. Les bocaux et les morceaux de verres éparpillés. Il pourrait séparer les bocaux en bon état et le reste plus tard.
Il partit chercher un bac contenant un peu d’eau dans des sortes de conteneur. De l’eau bouillante.
Il prit une serviette et monta le tout dans la chambre.
Il fallait qu’elle se débarbouille.
Ses mains étaient un peu égratinées et crasses de terre.
Elle revit monter son père avec le bassin et la serviette.

— Je te laisse ça ici, ta mère devrait pas tarder à rentrer, on ira prendre un bain plus tard.
— Merci, papa…

Pour ce qui était du bain, cela se passait dans un endroit où l’eau de pluie était récoltée, certains étaient chargés de puiser de l’eau au pied de l’arbre, près d’une source. Elle était chauffée à l’aide de charbon brûlé dans un four géant. Au-dessus, le grand bac contenait toute l’eau. C’était une sorte de sauna.
Ils se lavaient à l’extérieur de la baignoire immense, l’eau rejetée à travers les branches et formaient un fin rideau de goutelettes. Elle retournait à la nature.

Sa mère rentra. Sa fille était son portrait craché, à part qu’elle avait les cheveux lisses et noirs comme ceux de son père et non clairs et ondulés comme ceux de sa mère. C’était une très belle femme. Elle revint avec un panier plein de plantes de toutes sortes.

— Je suis rentrée.

Elle rentra par une autre porte qui donna directement dans la pièce principale. Elle vit les débris sur la table.
Son époux finit son boulot dans la devanture et rentra également dans la pièce.
Il la prit dans ses bras pour l’accueillir.

— Ta fille est tombée et s’est foulée la cheville en plus de tout ça…
Dit-il en désignant les objets cassés sur la table.

Elle prit un air surpris.

— C’est bien ta fille pour être aussi maladroite…
— C’est aussi la tienne pour être aussi obstinée à vouloir s’aventurer dans la forêt !

Elle posa ses affaires et s’approcha de la table.

— N’y touche pas, je vais m’en occuper. Monte plutôt la voir.

Elle s’exécuta.
Elle toqua doucement sur la porte avant de l’ouvrir.
Lys s’était allongée recroquevillée sur son lit et s’était endormie après s’être un peu déshabillée et essuyée le visage.
Sa mère s’assit à côté d’elle, l’observa, ses bandages sur la main et la cheville. Elle la réveilla en douceur.

— Lys… Je suis rentrée, papa range vite-fait tes affaires et on va aller prendre un bain.

Elle ouvrit doucement les yeux.
Sa mère réunit quelques affaires et aida sa fille à descendre.
Fernando, son père avait tout juste finit. Elle, en pyjama. Elle se fit assoir à la table. Sa mère, Rosalya, chercha quelques savons et produits à prendre dans un petit sac, avec les vêtements de rechange, tandis que Fernando enlevait les bandages. Les herbes avaient dû agir ces dernières heures.
Il remettrait de nouveaux bandages après le bain.

— Allons-y.
Finit-il par dire.

Il porta sa fille sur son dos après lui avoir mis un pull.
Il commençait à faire tard. Il ne fallait pas en plus qu’elle attrape froid.
Rosalya était particulièrement de bonne humeur.
Lys devait mourir de honte, tandis qu’elle se rappelait quand elle était beaucoup plus petite.
Elle finit par sourire. Elle aimait ses parents.
Arrivés à destination. Il la posa à terre et il partit d’un autre côté parce que les bains n’étaient pas mixtes.
Il n’y avait pas trop de monde pour une fois. Les gens saluèrent rapidement la mère qui soutenait sa fille. Elles se déshabillèrent, laissant leurs vêtements dans un petit panier, elles prirent une serviette et se rendèrent dans une plus grande salle remplit de buée. Il y faisait chaud.
Elles se lavèrent et entrèrent dans le bain.
Ils les regardaient du coin de l’oeil, puis finirent par les ignorer.
Après avoir terminé, elles sortirent, s’essuyèrent et s’habillèrent avec des vêtements propres. Les anciens vêtements étaient mis dans le sac à la place des neufs.

2013.3.9

Toxine

Un jeune homme avec les cheveux blonds et courts, il avait une grande veste claire qui était typique des étudiants en herbologie.
Son sac en bandoulière, un carnet de notes à la main. Il se rendait à la bibliotheque où il passait la plupart de son temps.
À son passage à l’âge adulte, sa mère l’avait laissé partir, inquiète.
Son père n’était plus depuis déjà presque 10 ans.
De santé fragile, il faisait parti des rares gens « élus » pour succéder à la mère supérieure.
Ils étaient choisis pour leur capacité à absorber le plus de toxines dans leurs poumons. Ceci était naturellement à double tranchant. Leur espérence de vie était diminuée de beaucoup.
À leur mort, la mère supérieure les accompagnait, ainsi que la garde royale, jusqu’au plus profond de la forêt, dans cette vaste étendue de fleurs blanches qui ont la propriété de purifier le corps.
Son corps avait été déposé sur ce lit blanc.

2013.3.8

Ébloui

Un garde de rang supérieur entra brusquement dans la pièce.

— Alexandre ? Veuillez me suivre.
Sa voix était dure.
Il fut surpris.
Lys le regardait d’un air paniqué.
Elle se doutait que c’était en rapport avec ce qui s’était passé hier.
Alexandre acquiesça, il se tourna vers Lys et lui sourit.
Il suivit les pas du garde.

— Merci pour la boisson.
Adressa t-il à Fernando.

Il avait un visage serein, rien à se reprocher.

*

— Bienvenue Alexandre.

Sa voix était claire.
Il mit un genoux à terre et baissa la tête en face de la silhouette qu’il pouvait deviner à travers le voile lumineux.

— Sais-tu pourquoi je t’ai convoqué… ?

Il ne répondit pas.

— Je sais ce qui s’est passé hier, dans les bois.

Sa voix ne laissait transparaître aucune émotion.

— Tu as transgressé la Règle…

On entendit les froissements d’un vêtement. Elle se déplaçait.
Elle se retourna et avança vers Alexandre à pas lents.
La panique envahissait le coeur du jeune homme.
Il acceptait sa sentence.

— Cependant, je te réserve un autre avenir.

La voix le sortit de ses pensées.
Alors qu’il s’attendait à perdre la vie quelques secondes auparavant, il releva la tête.

— Disons que je ferme les yeux pour cette fois.

Il aperçut la mère supérieure.
Elle était habillée d’une longue robe blanche à plis. Son visage était pâle et jeune. Ses cheveux d’un blond vénitien bouclaient à leur pointes et tombaient jusqu’au bas de ses hanches.
La lumière de derrière lui donnait un air irréel.
On semblait voir l’illusion d’un sourire sur son visage.

— Tu peux te relever.

Il s’exécuta en n’osant pas la regarder de nouveau.
Elle était un peu plus petite que lui.

— Sais-tu pourquoi cette loi existe ?

Après une pause, il répondit.

— Pour mieux protéger les gens… ?

Elle acquiesça d’un mouvement de tête.

— Je te propose une formation dans ma garde personnelle. Tu n’as pas besoin de me répondre tout de suite. Considère cela tranquillement. Si tu acceptes, sache que tu auras de grandes responsabilités.

Il était soudainement devenu muet.
La surprise se lisait sur son visage tout entier.

— Toutes tes questions trouveront leurs réponses si tu acceptes ma proposition.
Dit-elle comme si elle devinait ce qui se passait dans sa tête.

Elle lui sourit gentiment.

— Repasse quand tu veux si tu acceptes. Dans le cas contraire, fais comme si de rien n’était. Ne laisse pas les autres choisir pour toi. C’est le seul conseil que je te donnerai.

Il baissa sa tête en signe de remerciements.

— Entendu, j’y réfléchirai à tête reposée.

Il tourna les talons et s’en alla sans jeter de regards derrière lui.
Il semblait calme.
À la sortie, ses yeux mirent un peu de temps à se réhabituer à la lumière du soleil.

*

Il arriva devant le bâtiment et ses portes imposantes.
Il vit sortir un homme aux cheveux noirs. Il semblait ébloui par la lumière extérieure.
Après quelques instants et en se rapprochant, il le fixa comme s’il le connaissait.
Il se demanda s’il avait pu rencontrer cette personne par le passé.
Le garde lui fit signe d’entrer.
Il passa devant l’inconnu qui le dévisageait, lui fit un signe de tête pour dire bonjour, puis pénétra à son tour dans la sombre pièce.
Il comprenait mieux la réaction de son prédécesseur.
Après quelques secondes d’adaptation, il s’avança jusqu’à la source de lumière.
Une silhouette était de dos.

— Bienvenue, Cean.

Au son de la voix, il mit un genoux à terre à quelques mètres de la mère supérieure.

— Tu te doutes de la raison de ta venue…

Il garda son silence.
Des sueurs froides apparaissaient sur son front.
Il fixait le sol.
Le ton froid de la mère supérieure ne le mettait pas en confiance.

— Sais-tu pourquoi la Règle existe t-elle… ?

C’était comme le calme avant la tempête.
Il ravala sa salive et répondit avec précaution.

— Elle existe pour que les gens ne mettent pas en danger leur propre vie… ?

— Oui. Elle enseigne de prendre soin de sa propre vie et de dépendre de soi-même. Sais-tu pourquoi es-tu ici ?
— J’ai mis en danger ma propre vie et que je ne devrais pas être en vie aujourd’hui…
— Pas seulement ta vie, mais aussi la vie d’une autre personne…

Il frissonna. Un sentiment de culpabilité l’envahit.

— Ne t’inquiète pas pour la jeune fille. Elle va bien. Ta vie pose un problème.

Il ferma les yeux, s’attendant au pire.

— Disons que tu as été retrouvé inconscient dans la forêt, dans la version officielle. Aujourd’hui, c’est un avertissement que je te donne. En espérant que tu retiennes la leçon et apprenne de tes erreurs.

Il releva la tête.

— V… vous n’allez pas me punir.. ?

—Ne t’es-tu pas assez puni par ta propre bêtise ?
Répondit-elle.

Il regarda ses blessures et se tut.

— La chance que tu as eu hier ne se reproduira pas.

Elle se tourna vers lui, d’un pas léger.
Il fut stupéfait de la beauté et de la jeunesse de la mère supérieure.
Elle leva l’index droit jusqu’à devant ses lèvres.

— Gardons secret ce qui s’est réellemment passé.

2013.3.7

Bouteille

Il rapporta le panier oublié devant la forge.
Fernando le remarqua aussitôt.
Il fit comme si de rien n’était.

— Bonjour, on m’a dit que ceci appartenait à votre fille…
Commença t-il finalement.

Fernando le jaugea rapidement de haut en bas puis lui adressa un sourire.

— Merci bien, ceci est effectivement à ma fille.

Il lui tendit le panier remplit de quelques plantes.

— Elle a dû l’égarer dans la forêt.

Un peu gêné, il détourna le regard pour ne pas avoir à affronter les yeux du père.
Voyant qu’il n’était pas très à l’aise, il proposa.

— Je peux vous offrir quelque chose à boire, pour vous remercier d’être passé, peut-être ?

Il n’eut pas le temps de refuser que l’homme avait déjà ouvert la porte et l’incitait à entrer.
À la table, était assise Lys, sous un châle, dans une robe longue, les cheveux lâchés, longs et sombres. Elle s’occupait de quelques mélanges et préparations d’herbes médicinales.
Elle fut surprise par le bruit de la porte. Elle se retourna.
Son père ne s’attendait pas non plus à la voir ici.

— Lys, ce jeune homme a rapporté le panier que tu avais perdu dans la forêt.

Il entra dans la pièce, il la vit.
Son bandage a la main droite, puis lorsqu’elle se tourna vers lui, il vit un bandage à la cheville.
Fernando remarqua la surprise de son invité à la vue de Lys.

— Ma fille est un peu maladroite, elle s’est foulée la cheville en tombant.
Dit-il, pour casser le silence et en guise d’explication aux bandages.

Elle rougit et fixa ses mains sur ses genoux.
Les deux partis muets.
Fernando partit chercher une bouteille de boisson à base de plantes et quelques verres.

— Installe-toi, je reviens tout de suite.
Dit-il en s’adressant au jeune homme.

Il se dirigea, timide, jusqu’à la table, prit une chaise et s’assit non loin de Lys.

— Merci… Pour mon panier… et…

Elle ne finit pas sa phrase, il savait ce à quoi elle se referrait et lui coupa la parole avant qu’elle ne dise quoi que ce soit d’autres.

— C’est rien…

Il regardait autre part. Observant la pièce. Tout était fait de bois comme toutes les habitations ici. Il y avait quelques pots de fleurs près des fenêtres mais pas trop pour garder une certaine simplicité.
L’ambiance qui s’y dégageait était apaisante.
Elle osa relever la tête et enregistra ses traits en sa mémoire.
Il avait un visage carré aux traits durs. Ses cheveux étaient sombres comme les siens, longs jusqu’aux épaules peut-être. Il les avait attachés à l’aide d’une fine corde tressée. Son regard était intimidant, tel un animal sauvage qui ne se laissait pas approcher.
On pouvait deviner sa corpulence et ses muscles à travers ses vêtements.

— Au fait, on ne s’est pas presenté la dernière fois… Je m’appelle Alexandre…

Sortant de sa rêverie, elle baissa la tête et rougit.

— Enchantée, je m’appelle…
D’une petite voix, prise au dépourvue.

— Lys.

Il finit par tourner son regard vers elle pour jauger sa réaction.
Elle prit un air surpris et le regarda dans les yeux.

— Ton père t’as appelée tout à l’heure. Je me doute que c’est ton prénom…
Repondit-il en souriant.

Son sourire était rassurant. Cela adoucissait son visage.
Il détendit un peu l’atmosphère.
Fernando revint enfin.
Il posa la bouteille sur la table, entre les deux gens, ainsi que les deux verres faits de bois.

— Prenez votre temps, je retourne à la boutique !

Il sortit aussitôt, fermant la porte derrière lui.
Elle ne savait plus où se mettre.
Elle voulut prendre la bouteille, Alexandre l’attrapa avant et les servit.

— Ta mère n’est pas là… ?
— Elle ne rentrera pas tout de suite…
— Dans ce cas je vais faire vite. Ce qui s’est passé hier doit rester entre nous.
Dit-il assez rapidement et à voix basse en regardant vers la porte de peur que quelqu’un n’entre et surprenne leur conversation.

Elle acquiesça d’un hochement de tête.
Il finit son verre et se leva.

— Je ne vais pas m’imposer trop longtemps.

Par réflexe, elle voulut aussi se lever et le raccompagner.
Il l’en empêcha d’une main sur son épaule qui signifiait « reste assise ».

2013.3.7

Pilliers

Un garde de rang supérieur s’arrêta devant le comptoir.
Fernando remarqua sa présence et releva la tête.
Quelle fut sa surprise de voir qui c’était.

— Bonjour… Que puis-je faire pour vous… ?
Dit-il, un poil nerveux.

— Bonjour, est-ce qu’Alys est ici ?
Dit-il d’une voix calme et posée sans trahir la moindre émotion.

Fernando paniqua mais tenta de ne rien laisser paraître.

— … Oui, c’est à quel sujet… ?

Il se leva.

— La mere supérieure désirerait s’entretenir avec elle.

Cela n’était jamais bon. La mère supérieure ne voyait pas souvent les gens du peuple sauf pour une réprimande ou une promotion, quelques peu d’évènements étaient importants pour qu’elle se tarde dessus.
À contre-coeur, il accompagna le garde à la porte, il frappa rapidement avant d’entrer.
Alexandre était debout, la main sur l’épaule d’Alys.
Les deux se retournèrent vers la porte dès qu’ils entendirent Fernando frapper puis entrer.
Il ne dit rien et laissa passer le garde.
Les deux jeunes furent figés de stupeur à la vue du garde.
Ils comprirent le visage blême du père.

— Mademoiselle Alys ? Veuillez me suivre s’il vous plaît.

Elle se leva avec un peu de mal.

— Monsieur Alexandre. Vous venez avec nous.

Il acquiesça d’un léger mouvement de tête.
Ils avaient tous les deux peur de la nature de leur convocation.
Elle se leva sans faire d’histoire bien qu’elle ait la cheville foulée.
Alexandre l’aida à se déplacer.
Elle mit des sandalles et sortit.
Son père était inquiet mais voyant qu’elle n’y allait pas seule il fut un peu plus rassuré.
Avant de quitter la maison, elle lui adressa un sourire.
Dehors, le silence était pesant. À leur passage, les gens se retournaient et chuchotaient entre eux.

— Ils ont dû transgresser la règle…
— Tu crois que ça a un rapport avec ce qui s’est passé hier… ?

Rosalya était à ce moment dans les ruelles et vit sa fille suivre le garde.
Elle se figea.
Elle courut vers chez elle.
Elle ouvrit la porte avec fracas.
Fernando était assis à la table, songeur.
Il se retourna avec stupeur.
Rosalya était essouflée après avoir couru.
Il se leva et la prit dans ses bras. Il savait qu’elle devait avoir croisé sa fille avec le garde.
Elle ne put parler et s’effondra en sanglots.

— Ne t’inquiète pas. Tout va bien se passer. Faisons confiance à notre fille…
Dit-il d’une voix douce et rassurante en la réconfortant.

Il la serrait fort dans ses bras de sa main gauche et de l’autre il lui caressait doucement le dos. De ses paroles il voulait aussi se rassurer.
Que la mère supérieure convoque quelqu’un, cela n’était jamais un bon présage.

À l’autre bout du village.
Le jeune homme blond se réveillait dans une pièce vide. Au sol un tapis à base de bambous, les murs étaient en bois et en papier. Une porte coulissante se trouvait en face de lui.
Au centre, une couverture qui lui servait de matelas et une autre qui le recouvrait. Il était allongé, il se réveilla en sursaut.
Il évita de faire des mouvements brusques. Il était à moitié nu, le torse recouvert de bandages.
Il ne se rappelait plus de grand choses. La dernière chose qu’il lui restait en tête était la jeune fille qui avait tenté de l’aider avant qu’il ne perde connaissance.
La porte glissa et une femme âgée apparut. Elle était habillée d’une robe ample aux longues manches qui se refermait en entourant la taille.
Elle entra d’un air grave. Elle fut surprise que le jeune homme soit réveillé.

— Cean… Comment te sens-tu ?
— J’ai eu de meilleurs jours…

Elle s’avança dans la pièce, suivit d’un homme portant un masque blanc.
Sa stature, ses vêtements. C’était un garde.

— La mère supérieure vous demande.

Sa voix ne laissait transparaître aucune émotion.
Il savait qu’il ne pouvait désobéir. Il devait se lever et le suivre quelque soit son état.
La dame l’aida à se redresser.
Elle partit chercher un pull et lui enfila.

— Merci, grand-mère…

Elle le regarda partir avec le garde d’un regard inquiet.
Il lui adressa un sourire qui lui disait de ne pas s’inquiéter.
Il avait encore un peu mal mais fit comme si de rien n’était. Du moins il essaya.
Les gens se retournaient à son passage. Il ignorait leurs regards.

— Ça doit avoir un rapport avec ce qui s’est passé hier…
Chuchotaient les passants.

Le chemin jusqu’à la mère supérieure était assez long.
Ils passèrent par la grande place, les grandes avenues jusqu’à arriver à un petit chemin qui montait jusqu’au sommet de l’arbre.
Le sentier semblait tenir à rien, en réalité les lianes et autres branches s’enroulaient entre elles et formaient une sorte de structure de cordes qui soutenait le tout.
Ils arrivèrent à des étages au dessus du village.
Le sentier s’était agrandi et au bout se tenait une énorme demeure.
La porte était très grande.
Le garde poussa le battant de droite pour y laisser passer les deux appelés.
Ils entrèrent dans une grande salle. Des pillers dressés parallèlement sur les côtés montraient le chemin.
Au bout, un rideau s’étendait et maintenait une partie de la salle dans l’obscurité.

— Suivez-moi.

Ils se regardèrent, et suivirent le garde.
Arrivés jusqu’au rideau il dit.

— Attendez ici.

Derrière le voile de tissu, on apercevait la lumière de l’extérieur. Celle-ci aveuglait un peu avec le contraste de la pièce plongée dans l’obscurité.
On pouvait apercevoir le bas d’une silhouette.
Le garde passa dans l’ouverture et sembla s’adresser à quelqu’un.
On put deviner un mouvement.
On n’entendait que des voix lointaines.

— … Entendu.
Dit-il à contre-coeur et fit le chemin inverse, et prit la sortie.

Les laissants tous les deux, interrogateurs.
Quelques minutes plus tard, la porte d’entrée se rouvrit, quelqu’un entra, s’avança jusqu’à eux.
Le rayon de luminosité qui s’échappait d’entre les rideaux permettait de distinguer les visages.
À la vue du visage de la jeune fille, Cean se figea. Il fut rassuré qu’elle soit en vie. Il ne reconnut pas l’homme qui l’accompagnait.
Ils se dévisagèrent l’un l’autre.

— Bienvenue.

Une voix se fit entendre dans la clarté.
Ils furent tirés de leurs échanges de regard.
Ils fixèrent la même direction.
La voix était neutre. Impossible de deviner le moindre sentiment.
C’était la mère supérieure. Il n’y avait pas de doute.
Elle ne sortit pas de son anonymat.

— Vous vous doutez surement de la nature de ma convocation.

Ils étaient en ligne devant la figure invisible, et baissèrent tous la tête au même moment où elle prononça ces paroles. De honte.
Ils allaient se faire réprimander.
La voix était ni en colère ni chaleureuse. Il était difficile de deviner le moindre ressenti qu’elle pouvait avoir. Impossible de prévoir ce qu’elle allait dire.

— Que devrais-je faire de vous… ? Devrais-je vous éliminer sur le champ… ? Cean, Alys, Alexandre… Savez-vous pourquoi cette loi existe… ?

— Pour qu’on ne mette pas notre vie en danger… ?
— Pour faire les bons choix… ?
— Pour protéger les gens… ?

— C’est juste. Pour avoir enfreint les règles, je devrais vous punir pour montrer l’exemple… Cean, tu aurais dû mourir. Alys, pour avoir en plus désobei, c’est la double peine. Alexandre, tu n’as que désobei…
J’ai une proposition à vous faire. Gardons ceci comme notre secret. Dans la version officielle, Cean. Tu as été blessé et retrouvé inconscient par Alys et Alexandre.
Ceci est une deuxième chance que je vous donne. Retenez la leçon.
Vous ne doutez pas que votre famille s’inquiétera de la nature de votre convocation.
Cean, tu diras cela. Alys et Alexandre, j’ai des projets pour vous.

2013.3.7

Blondinet

Pendant ce temps, à l’extérieur.

— Bonjour, excusez-moi. Êtes-vous Fernando ?

Fernando releva la tête et vit par dessus le comptoir un jeune homme aux cheveux courts et clairs. Ses yeux étaient d’une couleur ciel.
Il eut un silence de quelques secondes avant qu’il ne réponde.
Le blondinet attendait patiemment sa réponse. Il ne semblait pas très sûr de lui, il fixait l’expression de son interlocuteur pour tenter d’y deviner s’il ne s’était pas trompé de personne.
Fernando se releva en tapant sur ses genoux pour se dégourdir et s’étirer, finit par regarder le jeune, le jaugea.

— Oui, c’est bien moi. C’est à quel sujet ?

En se relevant il observa de plus près ce gringallet et vit les bandages qui dépassaient du col de son haut.
Le ton pâle de son visage trahissait une certaine convalescence.
Il ouvrit la bouche pour la refermer quelques secondes après sans produire un son. Il semblait chercher ses mots.
Il plongea sa main dans la poche gauche et y chercha quelque chose.

— J’aurais quelque chose à rendre à votre fille…

— … Elle est à la maison, rends-lui en main propre.
Dit-il en désignant d’un mouvement de tête la porte derrière lui, il lâcha un soupir et se rassit.
Il prit un air surpris, il ne s’y attendait pas.

— Frappe avant.
Souffla t-il avant de retourner à son activité.

2013.3.1

Hiérarchie

Ils vivaient dans un arbre gigantesque au beau milieu d’une immense forêt.
La forêt était peuplée d’animaux en tous genres et peu de gens y pénétrait pour chasser et récupérer certains matériaux rares et disponibles qu’à cet endroit.
À l’orée de cette densité d’arbres, un panneau tentait de dissuader les quelques malheureux aventuriers. Il les mettait en garde contre le danger qu’abritait ce lieu.
Les gens vivant dans cet arbre vieux de plus de cent ans n’étaient pas des gens ordinaires. Le commun des mortels vivaient à l’extérieur : la ville.
Ces habitants hors du commun n’étaient connus de personne.
Ils évitaient le contact humain, telle était leur règle.
« Humain » parce qu’ils ne se considéraient pas de la même race que les gens de l’ « extérieur ».
Cela ne se voyait pas par leur apparence, mais lorsqu’on regardait plus en détails, on se rendait compte de la différence de culture et de leurs caractéristiques physiques.
Ils s’entraînaient régulièrement pour garder une forme et être assez fort pour se défendre.
Une véritable société à part entière.
Pour ne pas se faire remarquer des autres, comme ils vivaient dans l’arbre , toute une structure était présente à hauteur des branches et du feuillage. Un village existait à la cîme. À la fois à la vue de tous et invisibles, camouflés par les feuilles et les nuages.

Cette forêt n’était pas ordinaire. Elles se divisait par étages.
Ses habitants se considéraient comme étant les protecteurs de celle-ci. Une certaine hiérarchie ainsi que des rangs de supériorité, le rôle de chacun était mis en place.
Les animaux ressemblaient à des bêtes plus ou moins féroces. Ils étaient désignés par les « gens de l’extérieur » comme étant des « monstres ».
L’étage supérieur : l’arbre, était difficile d’accès. Normalement personne d’étranger ne pouvait y accéder. L’entrée était sévèrement gardée par plusieurs personnes qui se relayaient à toute heure.

2013.1.7

Purée de pois

L’histoire se passe dans une gigantesque forêt.
Elle se trouve en plein milieu de la ville.
Des familles y vivent.
Un énorme arbre imposant. Certains vivent en hauteur. D’autres en sous-sol.
On savait quand on s’approchait et qu’on entrait dans le territoire de ces gens pas comme les autres.
Une sorte de passage entre des ronces et des branches. Un panneau indiquait le danger que représentait cet endroit.
Des animaux en tous genres que les villageois appelaient « monstres ». On ne pouvait y entrer sans préparation.
Des chasseurs étaient formés et s’y aventuraient pour traquer et abattre quelques de ces bêtes. Ils récupéraient alors quelques biens utiles tels que la peau ou les cros. Le reste, ils pouvaient le vendre au plus offrant, à une taverne ou bien ils se le partageaient entre eux.
Ils ne croisaient pas beaucoup d’habitants de la forêt. Ils ne savaient pas à quoi ils ressemblaient et personne ne cherchait à savoir. Ils devaient être monstrueux pour pouvoir vivre avec les bêtes féroces.

Un jour comme les autres. Des chasseurs étaient à l’orée de la forêt et allaient commencer leur chasse.
Ils prirent une grande partie de la forêt en embuscade.
Dans l’arbre, les gens commencèrent à s’agiter.

— Que se passe t-il ?!
Avait crié un jeune garcon en sentant le grabuge qui se passait au pied de l’arbre.

Il voyait des animaux se disperser et sembler fuir l’entrée de leur zone.

— Encore des chasseurs ?!

Dans un cas comme celui-ci, ils ne pouvaient rien faire. C’était la loi du plus fort et les bêtes les plus faibles et lentes se faisaient attraper. Aucun droit d’intervenir. Éviter à tout prix contact avec les personnes de l’extérieur.
Les habitants de l’arbre se calmèrent peu à peu. Ils furent juste surpris par la présence des chasseurs aujourd’hui encore.

— Ils sont de plus en plus nombreux ces derniers temps.
— C’est à la mode de venir chasser ?
— Bientôt, il n’y aura plus grand monde à cet étage. Ils devront s’aventurer plus loin.

Quelques adultes étaient assis sur une grosse branche et discutaient en observant ce qu’il se passait, de loin.
Une dame alarmée, interpela le jeune homme.

— Rosalys n’est pas avec toi… ?

Il semblait qu’elle avait courru.
Étonné, il lui retourna la question.

— Non, pourquoi… ?

Reprenant son souffle, la jeune femme expliqua.

— Elle comptait descendre à la forêt, depuis je n’ai pas de nouvelles… J’esperais qu’elle était avec toi…

— Quoi ?! Elle a dit ça quand ?! Elle y est encore ?!
Dit-il paniqué.

— Je ne sais pas !
— Qu’elle inconsciente ! J’espère qu’elle est sur le chemin du retour… ! Je vais la chercher.

Il courrut vers les gens qui observaient la scène de leur perchoir.

— Excusez-moi, vous n’auriez pas vu une jeune fille, cheveux très longs, dans la première zone ?
— Hein, quoi… ? Euh. Non. Dis, toi t’as pas vu une fille ?
— Il y a quelqu’un qui est resté en bas ? C’est de la folie !
— Hé, là-bas. Ca serait pas elle ? Elle est un peu loin de là où sont les chasseurs, mais il faut qu’elle rentre tout de suite. Ils avancent rapidement…
— Par l’Arbre.
— Merci messieurs ! J’y vais de ce pas ! J’espère arriver à temps !

Il fila.

— Surtout évite à tout prix de les croiser de face ! Telle est la loi. Si elle est perdue, tu ne peux rien faire. C’est ainsi.

Il le savait. C’était bien ça qui l’embêtait. Il ne pouvait rien faire qui puisse le mettre à découvert. Il fallait qu’il se dépêche à tout prix.

Elle était au milieu d’une pelouse verdoyante. Elle jouait avec les petits animaux, sans se soucier de ce qui se passait aux alentours.
Elle avait demandé la permission de descendre à la première zone. Son père avait accepté.

— Il ne devrait pas y avoir de chasseurs aujourd’hui. Ils sont déjà venus hier. Ca m’étonnerait qu’ils reviennent aujourd’hui aussi. Bon d’accord, mais fais attention et ne rentre pas trop tard.

Elle avait sauté de joie.
Elle aimait cette zone 01. C’était là où les animaux étaient le plus vulnérables, le plus faibles. Les autres habitants préferaient s’entraîner avec les bêtes plus fortes et endurantes qui se trouvaient dans des zones plus sûres.
De nature faible, elle se sentait proche des animaux de cette zone. Elle aussi était très vulnérable.
Ils devaient se sentir seuls, voyant très peu de monde, mis à part les chasseurs, et leur vie ne tenant qu’à un fil. Elle voulait essayer de les aider pour qu’un plus grand nombre réussisse à s’échapper au cas où.
Passer du bon temps avec eux, au moins.
Elle était à présent seule, elle s’était alongée dans l’herbe et appréciait la beauté du paysage. Les quelques rayons de soleil qui transperçaient les différents feuillages. Bien qu’elle ait une mauvaise vue.
Elle entendit comme une agitation au loin. Des animaux apeurés semblaient fuir un danger.
Non, ce n’était pas possible. Des chasseurs ?!
Elle paniqua un instant. Elle devait fuir le plus rapidement possible.
Elle se leva et s’apprêta à courir.
Les bêtes à quatre pattes couraient plus vite qu’elle.
Elle se fit dépasser assez rapidement.
La loi s’appliquait pour tout le monde. C’était chacun pour sa peau.
Derrière elle, un bruit de tir se fit entendre.
Une biche venait de se faire prendre les pattes dans un filet à poids.
Elle hésita. Ils étaient pas en vue, encore.

— Qu’est-ce qu’elle fait ?! Cours !
Criait le jeune homme descendant le plus vite qui le pouvait l’arbre, sautant de branches en branches.

Elle s’immobilisa et fit apparaître une épaisse brume.
Ainsi elle pouvait transgresser la loi sans qu’il n’y ait aucun témoin.
Elle ne pouvait pas l’abandonner.
Elle fit demi-tour et tenta le plus vite qu’elle le put de détacher les pattes de la biche. Elle était encore jeune, ça aurait été trop injuste que sa vie se termine ici.

— Chef, nous avons réussi à avoir une biche !
— Ce n’est qu’une biche, ne vous réjouissez pas trop vite. On ne va pas rentrer qu’avec ça.

Un homme dans la trentaine.
Il portait une armure, une épée à la ceinture et une dague à disposition dans sa botte.
Autour de lui, trois autres hommes un peu plus jeunes l’accompagnaient.

— Est-ce que c’était une bonne idée de venir aujourd’hui, en sachant que les proies les plus intéressantes, une autre équipe est passée les chasser hier… ?
— C’est pour ça qu’on vient. Pour l’effet de surprise, et on ne s’attardera pas au premier palier. Ce qui nous intéresse ce sont les plus grosses proies beaucoup plus loin, au plus profond de la forêt.

Il semblait songeur.
Il voyait la biche au loin, les pattes prises dans un lasso.
Il s’arrêta. Une brume épaisse venait d’apparaître. Elle provenait de l’endroit où se trouvait l’animal.
C’était plus qu’étrange.
Ses hommes se figèrent.

— Chef, qu’est-ce qu’on fait ?

Il leva le bras, signe qu’ils devaient rester derrière.

— Restez groupés, cela ne signifie rien de bon. Je vais aller y jeter un oeil. Si je ne suis pas de retour, rentrez.

Il savait au fond de lui qu’il pouvait être une cible facile, mais sa curiosité l’avait poussé à avancer vers le danger.
Il avait cru voir quelqu’un au loin derrière l’animal à terre. Une silhouette. Une fine silhouette. Allait-il pouvoir rencontrer un habitant de ces lieux ? Etait-ce quelqu’un de perdu ?
La brume s’épaississait de plus en plus. Il voyait à peine à quelques mètres devant lui.
Il devinait la forme de la biche, une forme foncée à quelques mètres devant lui. La forme grandissait.

Elle réussit à la détacher. Elle soupira de soulagement.
La bête tenta de se relever tant bien que mal et partit en galopant comme elle le pouvait derrière elle.
Elle se releva, doucement et la vit disparaître dans sa brume.
L’homme s’approcha encore et vit la silhouette se transformer en une personne.
Ses pas surprirent la jeune fille.
Elle se retourna paniquée.
Ils étaient à quelques centimètres l’un de l’autre.

Il n’en croyait pas ses yeux. Une fille ici ? Elle ressemblait à une jeune fille tout à fait normale.
Il jeta un regard au sol, elle s’était libérée. Était-elle la biche ?
Il ne savait pas par quoi commencer la conversation.
Elle lui faisait face.
Comme ce dernier ne disait rien, elle recula peu à peu, espérant qu’elle puisse disparaître comme sa sauvée.

— Qu’est-ce que tu fais là ?

Il avait posé cette question, la tutoyant, comme elle semblait beaucoup plus jeune que lui. S’adressant comme à un enfant.
Elle prit peur, elle voulut reculer de plus d’un pas et trébucha sur une racine.

« Non, ce n’est pas le moment ! »

Elle allait tomber, quand l’inconnu devant elle, s’approcha rapidement et l’attrapa par la hanche avant même qu’elle puisse s’exclamer.
Leur visage étaient si proches qu’elle sentait le souffle de sa respiration.
Était-ce un chasseur ? Allait-il la tuer ?
Pour tous les habitants de l’Arbre, s’ils voyaient ça, ses parents seraient la risée de tous et elle serait déjà considérée comme morte.

Lui-même surprit de son action. Il l’observait. C’était une fille tout à fait normale.
Il la relâcha.

— Excuse-moi…

Se rendant compte de son geste il se sentit gêné, il détourna quelques secondes son regard. Quelques secondes de trop, elle en profita pour se retourner et filer dans la purée de pois.
Un peu déçu de cette rencontre très courte, il retourna sur ses pas, en récupérant le filet qui était resté au sol.
Il allait devoir expliquer cela à ses hommes. Ou non.

2012.10.26

Plancher

Elle s’était réveillée en sursaut et jeta un coup d’oeil par la fenêtre.
Il faisait déjà jour depuis un moment.
Elle se jeta hors du lit et se précipita en dehors de sa chambre.
Ses pas sur le plancher résonnaient à l’étage d’en dessous.
On l’entendait parcourir sa chambre et descendre les escaliers pour finalement arriver dans la salle à vivre.

— Maman ! Pourquoi tu ne m’as pas réveillée !?
Demanda t-elle, avant même d’arriver en bas.

Sa mère ainsi que son père étaient assis autour de la table, et ils n’étaient pas seuls.
Elle eut un moment de pause, où elle eut honte de se montrer en robe de nuit devant un invité.
Ils se tournèrent vers elle, et elle découvrit la présence de son ami.
Il était assis à la table, en face de ses parents et sembla aussi gêné qu’elle.
Ils avaient l’air d’avoir une discussion sérieuse et elle venait de les déranger.
Toute rouge, elle ne trouva pas les mots par lesquels commencer.

— Ah- bonjour- je- voulais pas vous déranger-

Elle était sur le point de rebrousser chemin, lorsque son père l’interpela.

— Reste donc, nous parlions justement de toi.

Elle se figea et avança à petits pas jusqu’à prendre place aux côtés de son ami, et amoureux.
Il était presque aussi rouge qu’elle et n’osa pas la regarder dans les yeux.

— Le jeune homme ici, vient de nous demander ta main.
Expliqua tout simplement son père.

— Nous n’avons aucune objection mais le plus important, c’est l’avis de la personne concernée. Qu’en penses-tu ?

Elle rougit jusqu’aux oreilles, et chercha de l’aide dans les yeux de ses parents avant de jeter discrètement un regard vers son ami.
Il était aussi gêné qu’elle mais il avait le regard sûr et attendait une réponse sérieuse.

— Tu as le droit de refuser, nous ne te forcerons pas la main.
Ajouta son père.

Elle savait qu’il préparait sa demande puisqu’il lui en avait déjà parlé, mais maintenant c’était réel et elle était prise au dépourvu.
Elle accepta sans hésiter, ce qui rassura ses parents ainsi que son ami, qui put lâcher un soupir de soulagement.
Il attrapa sa main et la serra dans la sienne.

— Je promets que je prendrai soin de toi.

2016.08.13