Condition

Elle était assise sur un rebord, les cheveux très longs et lisses de couleur ébène lui retombaient devant.
Appuyée légèrement en avant, ses vêtements étaient un peu amples et fluides en lin. Une chemise qui se ferme en cache coeur et un pantalon large.
Son visage fin et son regard perdu, paraissait beaucoup plus petit que le reste de son corps.
Son coeur s’arrêta un instant ainsi que son attention, sur cette personne.
Quelque chose l’attirait chez elle.
Son côté frêle, la douceur naturelle qui se dégageait de son aura. Malgré cela il décela une pointe de mélancolie dans son expression.
Elle réveillait en lui son côté protecteur et aimant. Il désirait, de manière irationnelle, la prendre dans ses bras et de la rassurer.
Lorsqu’elle se tourna vers lui et lui adressa un large sourire, son coeur fit un bond.
Jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il était pour la personne derrière lui.

2019.01.07

Il n’avait jamais rencontré quelqu’un qui dégageait une aura comme la sienne.
Elle sauta du rebord pour rejoindre la personne à qui était adressé le sourire.
Il n’osa pas se retourner, il ressentait une pointe de jalousie.
Elle marchait d’un pas enjoué lorsque quelqu’un d’autre la bouscula. L’impact la fit perdre l’équilibre et elle tomba au sol, sur le flanc.
La personne ne s’excusa même pas et continua son chemin.
Lui, de nature plutot calme, se précipita vers la personne qui faisait comme de rien n’était et la rattrapa assez rapidement.
Il l’interpella et se contrôla pour ne pas lui arracher le bras en lui faisant comprendre de se retourner.

— Vous pourriez vous excuser au moins.
Dit-il en contenant sa colère.

— Quoi ?

Il avait l’air ennuyé par sa remarque.
Il soupira.

— Pourquoi ? Qu’est-ce que tu me veux ?!
— Vous venez de bousculer quelqu’un. Présentez lui vos excuses.
— Tss… c’est qu’une Ignorée, son existence même est une erreur. Je vais pas m’excuser. Allez, arrête de me faire perdre mon temps.

Et il s’en alla. Le laissant sans voix.
Son amie l’aidait à se relever.

— Il l’a fait exprès, j’en suis sûre… !
Rouspétait-elle.

— Haha…
Essayait-elle de rire.

— J’aurais dû mieux regarder où je marchais… c’est rien…
Dit-elle en forçant un sourire.

Elle était extrêmement triste d’entendre ça de sa bouche.

— Ce n’est pas à toi de te remettre en cause…

Elle serra un peu plus fort ses mains dans les siennes.
Le garçon revint les voir, perdu dans ses pensées.
Il n’osa pas les approcher plus, et les regarda s’éloigner.
Il connaissait la règle concernant les Ignorés, cependant il n’avait jamais été confronté à une situation ni à un comportement aussi détestable vis à vis d’Eux.
L’occasion de croiser le chemin d’un Ignoré peut être rare, c’était du moins son cas. Il se demanda si l’aura que dégageait cette fille était propre à sa condition.

2019.01.13

Remède

Elle descendait les marches pour aller chercher dans la pièce de laboratoire, de quoi préparer aux bonnes quantités le mélange curatif.
Elle avait l’air grave. Elle se dirigea vers son conjoint, les feuilles volantes à la main, comportant les informations précieuses.

— Il faut que je te dise quelque chose… je pense qu’elle nous a caché quelque chose de très important…

2018.12.20

 

Elle reprit doucement connaissance.
Les paupières s’ouvrirent lentement, la vision encore trouble. Elle se fit à son toucher et son ouïe, son odorat. C’étaient les draps de son lit, elle reconnaissait leur douce odeur et le tissu du bout de ses doigts.
Sa main se resserra sur un bout de la couverture. Une faible poigne mais elle réussit.
Elle entendait les voix et elle reconnut celle de son amie ainsi que celle de sa mère.

— J’aurais besoin de discuter avec elle lorsqu’elle se réveillera.
Disait sa mère, la voix tremblotante, d’une manière presque imperceptible mais elle connaissait trop bien sa génitrice.

Elle jeta un regard vers elle. Elle vit mais flou, le visage de sa mère se tourner vers elle.
Elle accourut à ses côtés.

— Comment tu te sens ?
— … Bien ?

— Est-ce que vous pouvez nous laisser, s’il vous plaît ?
Demanda t-elle aussitôt.

L’amie jeta un regard insistant au garçon qui observait la scène. Ils sortirent.
La jeune fille était encore dans les vapes et avait refermé ses yeux, imaginant la scène au bruit des pas.
Lorqu’elles furent enfin seules. Elle s’assit à côté de sa fille. En serrant fort sa main.

— J’ai trouvé dans tes notes… que tu prenais un traitement beaucoup plus fort actuellement…

Elle détourna la tête. Elle savait qu’elle allait être le sujet de conversation.

— Je comprends mieux pourquoi tu as insisté pour aller à la fête de saison cette année… je souhaite pas que tu me caches ce genre de détails. Je veux être au courant, me préparer psychologiquement à cette éventualité. Est-ce que tu comprends… ?

Elle n’osait pas ouvrir les yeux pour affronter le visage triste de sa mère. Encore moins ouvrir sa bouche pour prononcer le moindre mot.
Elle n’avait aucune excuse. Elle restait persuadée que l’ignorance protègerait ses parents de l’angoisse de la fragilité de sa santé.

— On peut encore réfléchir à une solution, ensemble. Nous n’allons pas te laisser affronter cela seule…

Elle marqua une pause, avant de continuer en baissant d’un ton.

— Tu ne lui as rien dit… n’est-ce pas… ?

Le manque de réponse confirma son inquiétude.

— Nous pouvons travailler ensemble sur une nouvelle formule du remède… l’améliorer pour qu’il soit moins lourd-

Elle réagit enfin.
Elle repoussa la main de sa mère.

— J’ai déjà fait au mieux, maman.
Dit-elle en contenant sa colère.

— Cela fait un moment que j’ai tourné dans tous les sens le problème…

Une quite de toux la stoppa. Plus forte en intensité, jusqu’à ce qu’elle se plie en deux dans son lit.
Du sang tacha ses mains, puis les draps.
Puis coula de ses narines.
Sa mère paniquée appela son époux qui se trouvait au rez-de-chaussée.
Il était encore en compagnie des deux amis.

— Je crois qu’il vaut mieux que vous rentrez chez vous pour aujourd’hui… excusez-nous.
Dit-il, avant de les raccompagner à la porte.

Ils s’en allèrent à contre-coeur. Après avoir entendu la toux de leur amie, ils n’étaient pas sereins.
Le père monta aussi vite qu’il put pour voir l’état de sa fille.
Sa quinte s’était calmée mais elle respirait avec difficulté.
Sa mère partit chercher un gant de toilette et une cuvette d’eau pour nettoyer le carnage.
Son père l’aida à se réinstaller en surélevant légèrement sa tête.

— Comment te sens-tu… ?
Demanda t-il, inquiet.

— … Mieux…
Sourit-elle.

— Je suis désolée de vous causer autant de souci.
Rajouta t-elle. En fermant les yeux.

Le coeur brisé, il lui embrassa le front.

— Je t’aime…
Dit-il, comme si c’étaient les derniers mots que sa fille risquait d’entendre.

— Papa…

Elle lui attrapa le poignet puis la main pour la serrer dans la sienne.

— Ne sois pas si triste…

Lorsque sa mère revint, elle s’était presque assoupie.
Elle lui passa rapidement un coup de gant sur son visage et ses mains.
La fraîcheur du gant humide la fit frissoner un peu.

— Ça ira mieux demain, ne vous inquiétez pas…
Les rassura t-elle, d’une voix rauque et faible.

Elle s’endormit.
Les parents s’échangèrent un regard, un soupir à l’égard de leur fille, et la laissèrent se reposer.
Après être descendus dans la salle, ils brisèrent le silence.
Elle lui tendit la feuille qu’elle avait trouvée sur le bureau avec les indications précises de son remède.

— Je comprends mieux… Qu’est-ce qu’on peut faire de plus… ?
Dit le père.

— Rien… j’en ai bien peur. Je lui ai proposé d’y réfléchir ensemble, mais je crois qu’elle a déjà retourné le problème dans tous les sens…

Elle dormit deux jours avant de s’en remettre.

2018.12.26

Canapé

Arrivés chez elle, ils entrèrent dans le salon et elle indiqua le canapé qui se trouvait sur leur droite.
Il posa la frêle jeune fille dessus, et retira sa longue veste pour la recouvrir jusqu’au cou.
Elle s’asseya sur un fauteuil à côté et l’incita à faire de même.

2018.11.30

 

Elle se mit à l’aise sur le fauteuil et invita le jeune homme à faire de même.
Encore inquiet pour l’état de santé de la jeune fille qu’il venait d’allonger en face de lui, il jeta des regards interrogateurs à l’autre fille.
Comprenant son désarroi, elle daigna lui répondre, après un soupir.

— Lorsqu’elle est dans cet état, on ne peut rien faire à part attendre qu’elle reprenne ses esprits. Expliqua t-elle.

— On ne peut rien faire d’autre… ?
— Non, on est impuissant, c’est comme ça. Elle devrait revenir à elle dans pas très longtemps. J’ai malheureusement… l’habitude.

— Je vois…
Répondit-il dépité.

— Profitons-en pour discuter. Tu voulais en savoir plus sur elle ? Voici sa demeure. Ses parents ont dû partir faire une balade. Tu peux t’en aller maintenant si tu ne souhaite pas t’impliquer plus. Elle ne t’en voudra pas de partir. Sache le.

— Je reste.
Dit-il, sans hésiter.

— Et toi ? Depuis combien de temps tu es à ses côtes ?
Demanda t-il.

— Ça… un petit moment. On se connait depuis qu’on est petites mais je l’ai retrouvée que récemment…

2018.12.10

Bien entourée

Le moment tant espéré finit par se créer.
Le jeune homme se retrouva seul avec la jeune fille aux cheveux noirs.
Elle semblait perdue dans ses pensées, souriante et observant les alentours, attendant que son amie revienne.
Lui, beaucoup plus nerveux. Maintenant qu’il avait une occasion de lui parler, les mots ne venaient pas et il ne savait pas quoi dire d’approprié pour faire bonne impression. Il savait que les deux filles étaient dans une relation particulière, mais il souhaitait tout de même en apprendre plus.
Les mains moites et la gorge sèche. Il prit son courage à deux mains pour tenter de dire des banalités.
Ils se firent interrompre par un groupe de jeunes filles qui l’abordèrent.

Un groupe de filles l’observait et il était le centre de leur discussion.

— C’est bien le garçon qui est à l’école d’arts martiaux ?
— Même si on a du mal à le reconnaître dans ces vêtements… c’est bien lui.
— Qu’est-ce qu’il fait avec cette fille… ?
— C’est une Ignorée, si je ne me trompe pas…
— Peu importe qui elle est, nous ne sommes pas obligées de lui parler. C’est l’occasion si tu veux l’aborder ! Je sais que tu en pinces pour lui depuis un moment.
— … Je ne sais pas si c’est une bonne idée…
— Allez, un peu de courage. On va venir avec toi. Tu n’as pas à être intimidée.

Ces trois jeunes filles avancèrent vers le jeune homme. L’une embarquée par ses deux amies.
Elles le saluèrent et le coupèrent dans son élan, sans y faire attention. Elles accordèrent un rapide regard à la jeune fille, qui leur sourit par politesse.
Lorsqu’elles commencèrent par entamer une discussion avec le garçon, la fillette brune décida d’elle-même, de se retirer pour les laisser tranquille.
Elle avait l’habitude de ce genre de comportement et cela ne lui fit rien ressentir.
Alors qu’elle était en train de se retourner pour partir, il s’en rendit compte.
Les trois jeunes filles ne l’intéressaient pas le moins du monde. Il y était totalement indifférent, et cherchait un moyen de couper court sans leur manquer de respect.
Lorsqu’il vit la brune se retirer, son coeur se resserra et il agit par panique. Il l’interpela et s’avança d’un grand pas vers elle, en manquant de pousser les autres filles, et lui attrapa le poignet.
Lorsqu’il reprit ses esprits, il se retourna pour s’excuser de son comportement auprès des arrivantes.

— Excusez-moi, j’ai quelque chose à lui dire…

Il utilisa cette excuse pour s’extirper de cette situation gênante.
C’est pour cela qu’il n’appréciait pas vraiment ces fêtes de rencontres. Il se faisait souvent aborder par des groupes et cela le mettait extrêmement mal à l’aise d’avoir un intérêt proche du néant pour ces choses là.
Les filles voyant l’intérêt qu’il avait pour cette autre personne, n’insistèrent pas et s’en allèrent bredouille.
Celle qui était partie s’absenter quelques minutes observait la scène de loin.
Elle était curieuse d’en connaître un peu plus sur les intentions de son camarade d’école.
Son poignet encore dans la main grande et chaude du jeune homme, elle n’osa même pas se retourner vers lui, elle était comme figée.
Il s’excusa sur le champ et la relâcha.

— Est-ce que tu as quelque chose d’important à me dire… ?
Demanda t-elle, déconcertée.

Elle lui faisait maintenant face et essayait de le sonder.
Gêné par la situation, il évitait son regard, jusqu’à ce qu ils se croisent et il resta à la dévorer des yeux.

— J’aimerais en apprendre un peu plus sur toi…
Dit-il, avec tout son courage.

Elle ne savait pas quoi répondre, et comme sauvée, son amie revenait et les interpela.
Elle en profita pour à son tour faire un tour, et les laisser seuls.
Ce qui arrangeait son amie qui voulait discuter avec lui. Il voulut la suivre mais elle l’en empêcha et lui fit comprendre de la laisser.

— Qu’est-ce que tu lui veux ?
— Pardon ?
— Je vous ai vu. Si c’est pour la blesser, tu auras affaire avec moi, même si tu es mon aîné.
Dit-elle, menaçante.

— Il y a méprise. Je souhaite juste la connaître plus amplement.

Il avait repris son assurance.

— Tu es amoureux ?
Demanda t-elle, directe.

Cela le prit au dépourvu mais il répondit avec le même aplomb.

— Je crois que oui.

— Tu la connais à peine et tu crois l’aimer ?
Répondit-elle agacée.

— Justement, c’est pour cela que je souhaiterais en apprendre plus sur elle.

Elle soupira.

— Fais ce que tu veux, tant que tu ne lui fais pas de mal… allons la rejoindre.

Au loin, un groupe de plusieurs adultes descendait d’une branche peu empruntée et marchait joyeusement.

— Je m’excuse que nous n’ayons pu partir que maintenant.
Disait une femme qui avait les vêtements avec le tissu le moins riche.

— Tu n’as pas à t’excuser ! C’est tout à fait normal de finir le travail de la journée. C’est déjà aimable de ta part de nous autoriser à nous rendre à cette fête.
— Je ne sais pas si c’est un cadeau que je vous fais en vous mettant dans une situation délicate lorsque vous rencontrerez quelqu’un qui vous plaît, ici…
— Ne t’en fais pas. C’est à nous de gérer !

La plupart partirent devant et laissèrent la femme accompagnée de son amie.

— Ce sont vraiment des enfants !
Dit l’accompagnatrice.

— Laisse-les donc s’amuser. Nous avons également peu d’occasion d’être toutes les deux ensemble, tout simplement.

— C’est bien vrai.
Dit-elle en attrapant le bras de la femme.

Elles marchèrent les bras l’un dessous l’autre, en prenant leur temps et profiter de ce moment rien qu’à elles.
Elles aperçurent une jeune fille accroupit à côté d’un buisson. Elles s’échangèrent un regard et décidèrent d’aller voir.

— Est-ce que tout va bien ?
Demanda la femme aux longs cheveux rouges et bouclés.

Ils étaient légèrement attachés dans son dos.
Elle s’accroupit auprès d’elle et lui prit la main.
La jeune fille aux cheveux ébènes, releva lentement le visage pour les voir, et sa vision un peu trouble ne s’améliora pas, et elle perdit connaissance.
L’autre femme, qui avait les cheveux bruns foncés lisses, attachés grâce à une barrette en bois, l’aida à l’allonger sur le sol.

— C’est celle que j’avais repérée… je ne pensais pas qu’elle serait autant affaiblie…
Dit-elle songeuse et inquiète.

— Il va falloir que j’accélère les choses.

La main sur son pouls, elle examinait soigneusement sa condition.

— Qu’est-ce qu’on fait ?
— Rien. Regarde, ça doit être ses amis.

Ils la virent à terre et accoururent.

— Que s’est-il passé ?
— Elle n’avait pas l air de se sentir bien, et elle vient de perdre connaissance.
Expliqua la brune.

— Merci de vous être occupées d’elle… nous allons la ramener chez elle. Merci encore… désolée du dérangement.

Elle avait l’habitude de gérer ce genre de situation depuis, et expédia l’échange le plus rapidement possible.
Elles s’en allèrent sans rien demander de plus, mais la rousse se retourna vers eux pour leur jeter un dernier regard.

— Elle a l’air d’être bien entourée.
Songeait-elle.

— Tu sais ce qu’elle a… ?
Demanda le garçon.

— Je crois que j’ai un peu trop abusé de sa présence ce soir. J’aurais dû la raccompagner plus tôt…
Disait-elle sous le poids de la culpabilité.

— Je vais la porter, je vous accompagne.
Dit-il sans tarder en la prenant dans ses bras, prenant bien soin de caler sa tête dans le creu de son épaule et son cou.

Il saurait où elle habite par la même occasion.
Il ne put cacher sa surprise lorsqu’il la soupesa. Elle était extrêmement légère.

— Elle est aussi fragile que tu le penses.
Dit-elle en devinant le fond de sa pensée.

— Ne t’avise même pas d’en profiter pour la toucher de manière inapropriée, ou je t’arrache tes bijoux de famille.
Rétorqua t-elle agacée, mais elle lui montra le chemin.

— Je ne risque pas.
Répondit-il naturellement.

Essayant de cacher son coeur battant à vive allure.
Il sentait l’odeur du shampoing et de sa chair lui arriver aux narines.

2018.11.27

Fête

À chaque changement de saison, une fête se déroulait sur la grande place.
C’était l’occasion de réunir les habitants des différentes branches.
Pour les jeunes célibataires, une occasion en or de faire des rencontres.

Elle avait invité son amie de toujours, la jeune fille aux cheveux ébène.
Lorsqu’elle se présenta devant chez elle. Elle était plus que nerveuse.
Ses parents avaient insisté pour qu’elle mette les habits adéquats : une longue robe au bustier haut.
Un joli noeud était présent sur le haut de sa poitrine.
Le bas était fluide avec de nombreux volants.
La tenue appropriée pour cette fête dansante.
Un large cardigan sur les épaules qui descendait jusqu’au sol et aux longues manches.
De quoi mettre en valeur n’importe quelle personne durant la danse.
Les cheveux attachés en arrière, laissant quelques mèches trop courtes et frisées de part et d’autre de son visage.
Elle souriait nerveusement, à l’idée de voir son amie dans la même tenue. Puis se rendant compte qu’elle esquissait un sourire inconsciemment, elle essayait de reprendre une expression neutre.

Elle ne se fit pas trop attendre.
Elle se tournait vers sa maison, prévenant ses parents qu’elle était enfin prête pour sortir.
Ses longs cheveux noirs virevoltant autour d’elle lorsqu’elle se retourna vers elle, le sourire aux lèvres.
Quelques mèches étaient tressées et réunies en arrière. C’était une occasion rare pour arborer une coupe de cheveux plus sophistiquée que d’habitude.

Lorsqu’elle croisa le regard de son amie qui l’attendait devant chez elle, elle sourit de plus belle.
Elles se retrouvèrent à se sourire mutuellement.
La tenue était la même, mais les couleurs étaient différentes et selon les goûts de chacuns.
Les hommes tout comme les femmes, avaient le droit de porter ce costume et réciproquement.
Même s’il avait été conçu pour mettre en valeur des formes féminines, rien ne l’interdissait.

Les bras l’un par dessus et l’autre par dessous, elles se rendirent à la fête pour profiter de l’ambiance joyeuse plus que pour les rencontres.
Des petites échoppes étaient ouvertes la nuit spécialement pour cette date.
La fête battait son plein en soirée : un petit feu était allumé en plein milieu, donnant une source de lumière légère sans mettre en danger les lieux.
Des musiciens étaient assis non loin sur des gros coussins, et jouaient des airs rapides ou lents selon leur envie et ce qui se prêtait le mieux à l’atmosphère. Il y avait des instruments à cordes et des percutions, qui entraînaient les plus joyeux ou permettait un moment plus doux et romantique, pour les jeunes couples.

Elles s’étaient assises dans un coin tranquille et observaient les nombreuses petites lumières dans les branches au dessus d’elles.
Sur un banc pas très large, leur permettant d’être assises serrées l’une contre l’autre.
Cette période de l’année n’était pas très fraîche, c’était le passage à l’automne.
Il faisait encore bon pour porter cette tenue légère.
Discutant de banalités, elles parlaient également des autres passants qui dansaient ou ceux qui regardaient juste les moins timides.

Il s’était rendu à cette fête à contre-coeur, ses parents le lui avaient un peu forcé la main.
Il n’avait pas spécialement d’ami proche ni de personne en vue pour mener une vie de couple.
Cela préoccupait un peu ses parents. Plus au sujet d’avoir des amis à qui se confier que pour être en couple.
Il avait fini par céder, n’ayant pas mieux à faire.
Il avait fait l’effort de porter la tenue pour cette occasion. Une tenue similaire à celle des femmes, mais avec un col fermé.
Le par-dessus était également léger et aux longues manches.
Ses cheveux avaient été réunis en arrière et étaient attachés de manière lâche avec un petit ornement solide, sous lequel on pouvait voir le ruban blanc qui avait servi à serrer et maintenir les longues mèches rebelles.
Il avait pris une petite sucrerie à grignoter, sur le stand devant lequel il s’était arrêté. Une brochette de boulettes à base de riz et de sucre.
Remerciant gentiment la tenancière, il se tourna un peu pour observer les autres personnes danser autour du feux, ou encore discuter joyeusement à proximité.
Des boissons plus au moins fermentées étaient également proposées, à consommation modérée, elles désinhibaient certaines personnes sans non plus les pousser à l’excès et les rendre incontrôlables.
Les proches surveillaient et encadraient leurs amis pour que la fête reste un moment agréable.
Il reconnut au loin la jeune fille qu’il avait déjà croisé quelques fois, non loin du lieu où il s’entraînait.
Son apparence actuelle le fit ressentir quelque chose au plus profond de lui. Quelque chose qu’il n’avait pas encore ressenti.
Alors qu’il était perdu dans ses pensées à analyser la nature de cette émotion, il l’observait de loin.

Elle s’était levée du banc, et voulait danser.
Son amie n’osant pas la rejoindre, refusa de l’accompagner et lui fit signe de danser pour elle.
Elle lui tenait les mains et souhaitait qu’elle se lève avec elle, mais elle finit par les lui lâcher.
Elle appréciait particulièrement cet air et se résolut à faire une danse rien que pour son amie.
Toujours souriante, mais tout de même un peu gênée. Elle se mit à tournoyer et appliquer les quelques mouvements que sa mère lui avait appris.
Le sourire de son amie s’effaça pour laisser place à un visage surpris et admiratif.
On pouvait voir l’émotion gagner ses pupilles.
Elle assistait à un magnifique spectacle.

Il assista également à ce spectacle de loin.
Il était resté figé devant cette scène.
Il aurait souhaité se rapprocher pour mieux pouvoir l’admirer mais il ne la connaissait pas, et c’était bien la première fois qu’il éprouvait ce genre d’attirance.
Ne se reconnaissant plus lui-même, il sortit de sa torpeur. Il songeait à un moyen de lui parler, même s’il ne savait pas quoi lui dire. Ce n’était pas dans son caractère de ne rien faire lorsque son coeur désirait quelque chose.

Figée sur le banc, lorsqu’elle finit de danser.
Un large sourire sur son visage, les cheveux légèrement emmêlés, elle se tourna vers son amie et lui demanda ce qu’elle en pensait, sachant qu’elle n’était pas douée pour ce genre d’activités.
Elle se leva et s’approcha d’elle avec un visage dur.
Elle lui remit ses mèches en place, d’un geste très délicat, s’approchant de son visage plus qu’à l’accoutumée. Elle en profita pour l’embrasser sur la joue. Puis doucement, elle décala son visage pour l’embrasser sur le coin des lèvres, et finalement, sur la bouche.

L’observateur au loin ne s’attendait pas à ce dénouement. Il faillit avaler de travers sa boulette qu’il était en train de mâcher.
Cette fois-ci, il se sentit envahi d’un autre sentiment, différent. Il ne savait pas mettre le doigt dessus, si c’était de la tristesse ou de la colère.
Il se revoyait la scène, et s’imaginait à la place de l’autre fille qui lui avait donné ce baiser, et se sentit bizarre. Une chaleur vint à ses joues.
La tenancière, le voyant ainsi lui demanda s’il ne serait pas amoureux. Ce à quoi il ne sut pas quoi répondre.

— Amoureux… ?
Répéta t-il, découvrant ce sentiment.

Il se tourna vers la tenancière lui demandant s’il pouvait reprendre une brochette.
Elle lui tendit volontiers.
Perdu à nouveau dans ses réflexions, il ne se rendit pas compte de la présence qui arriva à côté de lui.
C’étaient les deux jeunes filles qui s’étaient rapprochées du même stand et souhaitaient également déguster ces brochettes.
La tenancière souriante leur en distribua.
La jeune fille aux cheveux noirs salua par politesse l’homme qui était là avant elles, sans savoir qui cela pouvait être.
L’autre fille, le reconnut et ne cacha pas sa surprise de le voir. Elle savait qu’il n’était pas du genre à se rendre à ce genre d’évènements.
Elle le salua également et fit les présentations lorsque son amie se tourna vers elle pour en apprendre plus sur cette connaissance.
Il ne pensait pas qu’il aurait la chance de faire sa connaissance et d’être présenté à celle pour qui il avait des sentiments.
Un peu pataud, il fut avare en mots et ne fut que spectateur de ces échanges.
Il savait maintenant comment s’appelait cette jeune fille si spéciale pour lui.
Le voyant si silencieux, la fille aux bouclettes lui proposa de se joindre à elles s’il le désirait, par politesse.
Politesse qu’il ne refusa pour rien au monde.
Malgré la relation particulière qu’elles avaient, il ne put qu’être heureux de pouvoir être aux côtés de cette jeune fille mystérieuse, pour en apprendre un peu plus sur elle, et sur lui-même.

Elle approcha son amie par derrière et croqua une de ses boulettes à même la brochette, par surprise.
Elle feint d’être indignée de son comportement puis ria.
Elle attrapa la seconde boulette avec ses petites dents pour la déguster.
Voyant que le jeune homme la fixait, elle se demanda s’il voulait également goûter.
Même s’il avait déjà mangé deux brochettes, il ne refusa pas sa proposition.
Ils se rapprochèrent et sa main frôla la sienne lorsqu’elle lui tendit la brochette en bois.
Son coeur battait à toute allure. Il fut le seul à y prêter attention.
Les deux filles étaient déjà parties à un autre stand pour déguster les divers et autres mets.

2018.11.16

Étal

Cendres avait vu une arme sur l’étal de Ferdinand qui lui avait tapé dans l’oeil.
Il jeta un dernier regard sur l’objet avant de partir sans se retourner.
Il reviendrait.

Le lendemain, il revint, à la plus grande surprise de l’artisan.
Cendres n’habitait pas du tout dans ce quartier et avait refait exprès tout le trajet pour retourner à son atelier.

— Bonjour ? Que puis-je faire pour toi ? Tu as oublié quelque chose, peut-être ?
Demanda Ferdinand.

— Bonjour monsieur. L’arme que vous avez là, m’intéresserait…
Répondit Cendres en pointant l’épée.

Ferdinand se retourna et attrapa l’arme pour lui tendre.

— Bien sûr, tu peux la regarder de plus près si tu le souhaites. Je peux même y apporter des modifications si besoin.

Cendres n’était pas très bavard mais manipulait l’épée avec un regard expert et l’observait sous toutes ses coutures, en jouant avec la lumière et caressant la lame.
Ferdinand assistait à la scène comme un spectacteur satisfait.

— Je vais vous la prendre, monsieur.
Finit par dire Cendres.

— Bien. Je vais juste la nettoyer et lui donner un petit coup de neuf avant de te la léguer, si tu permets.
Ajouta Ferdinand, en tendant sa main pour la récupérer.

— C’est qu’elle est sur la devanture depuis un moment sans intéresser personne… elle a un peu pris la poussière.
Dit Ferdinand gêné.

— C’est une belle pièce. J’ai de la chance que personne ne se soit manifesté avant moi.
— Dis-moi. Tu as fait tout ce chemin juste pour elle ?

— Oui. Je suis exigeant et je n’avais pas encore trouvé d’arme qui me plaise autant, jusque là. J’ai gardé mon épée d’apprenti pendant tout ce temps. J’attendais juste le bon moment pour en changer.
Expliqua Cendres.

— Je vois…
Dit Ferdinand songeur.

Il lui rappelait l’époque où il était lui-même aventurier.

Cendres en profita pour regarder de plus près les autres pièces qui étaient exposées.
Il avait plus le temps pour s’attarder sur chaque détail contrairement au jour précédent.
La porte s’ouvrit derrière lui, ce qui le fit un peu sursauter.

— Papa ! Tu peux me tailler mon crayon-…
S’écria Lys en même temps qu’elle passait la porte.

Elle s’arrêta dans son élan lorsqu’elle vit Cendres qui avait l’air presque aussi surpris qu’elle.
Elle se demandait ce qu’il faisait ici, puis voyant son père travailler, elle rougit. Elle était dans une situation peu avantageuse pour elle.

— B-bonjour… je… pardon de vous avoir dérangés…
Bafouilla t-elle avant de retourner ses talons.

— Attends Lys.
Arrêta son père.

— Sers donc quelque chose à notre client. S’il te plaît.

Voyant Cendres faire des gestes pour lui signifier que ce n’était pas la peine.

— J’insiste.

Lys, encore un peu gênée, retourna à l’intérieur de la maison et sortit des verres et une bouteille.
Elle boitait encore un peu mais elle pouvait se déplacer.
Elle posa le tout sur la table et le servit.

— Vous aviez l’air intéressé par les travaux de mon père, je ne vous retiens pas plus.
— … Tu peux me tutoyer, je ne suis pas si vieux que ça…

2018.01.26

Carafe

Il l’avait emmenée avec lui.
Le médecin avait dit qu’il était possible de trouver un remède qui pourrait soulager Hélène de son mystérieux mal.
Il y avait un peu trop de « peut-être » mais ce n’est pas comme s’il avait le choix.
Il était rentré chez lui, après une journée bien remplit.
Il avait ouvert la porte, la tête perdue dans ses pensées, il regardait la serrure en la poussant.
Ruminant quelques mots et attendant qu’Hélène lui souhaite la bienvenue.

— Je suis rentré…

Aucun bruit.
Aucun retour.
Il releva la tête en balayant la pièce des yeux.
Il manquait quelque chose sur la table.
La nappe, ainsi que tout ce qui se trouvait sur la table.
Il baissa les yeux.
Hélène était là.
Il ne voyait que ses jambes.
Elle était allongée à côté de la table.
On aurait pu croire qu’elle faisait une sieste, ou une mauvaise blague.
Si la nappe n’était pas par terre avec des débris de verre à quelques centimètres de son corps.

Il ne comprit pas tout de suite la situation.
Il eut un blanc.
Que faisait-elle par terre.
Puis.

— Hélène… ?

En espérant qu’elle lui réponde.
Où que la personne devant ses yeux était quelqu’un d’autre.
Il reconnaissait la robe qu’elle avait l’habitude de porter.
Se rendant compte au bout de quelques secondes qu’il n’avait pas de réponse.
Il posa rapidement ses affaires par terre. Son sac à dos et son manteau.
Il manqua de trébucher en enjambant la petite marche de l’entrée.
Il prit soin d’éviter les morceaux de verre et s’agenouilla auprès d’elle en ne sachant pas trop quoi faire.
Il remarqua que l’eau de la carafe s’était déjà évaporée.
Il se demanda depuis quand elle était dans cet état.
Il écarta précautionneusement la vaisselle cassée et contrôla la respiration d’Hélène ainsi que son pouls.

Son souffle était court et saccadé.
Il ne ressentait presque pas son pouls.
Elle était froide.
Il passa son bras droit sous la taille mince de la jeune fille.
De son autre main, il maintint la tête.
Il l’approcha de lui, et la serra dans ses bras pour lui transférer un peu de chaleur humaine.
Il se releva doucement et la porta jusqu’au lit, et la coucha sous la couverture.
Alors qu’il l’avait bordée depuis quelques minutes, songeant à aller prévenir le médecin.
Elle entrouvrit ses minuscules yeux.
Son corps commençait à se réchauffer et elle reprenait un peu conscience.
Son souffle était toujours aussi irrégulier.
Il fut surpris qu’elle reprenne conscience.
Cela semblait utiliser ses dernières forces.
Elle vit la silouhette familière de Ray. Elle ne voyait pas très clair.
Elle sentit sa présence.
Elle n’arrivait pas à parler.
Elle sentit sa main caresser son visage.
Elle sentit son baiser sur son front.

— Repose-toi.
Murmura t-il.

Elle voulut bouger sa main droite pour le toucher.
Elle ne put que la déplacer de quelques centimètres sous la couverture avant qu’il l’arrête et prenne sa main et en embrasse les doigts.

— Je suis là.
Lui dit-elle. Pour la rassurer.

Elle sombra de nouveau dans un sommeil.
Il éteignit la lumière de la chambre et laissa la porte entrouverte avant de retourner dans la salle principale.
Il voulait pouvoir entendre le moindre bruit.
Il fit un peu de rangement sur le sol pour éviter que quelqu’un ne se blesse.
Ceci fini, il retourna jeter un coup d’oeil dans la chambre pour s’assurer qu’elle dormait et que tout se passait bien.
Il ferma la lumière du salon et partit chercher le médecin.

Le médecin était toujours disponible en cas d’urgence.
Il entra dans le hall et se dirigea vers l’accueil.
L’hôtesse était là et se demandait ce qu’il avait à faire à une heure aussi tardive ici.

— Bonsoir, excusez-moi, est-ce que le docteur Michel est disponible ?
Demanda t-il le souffle un peu court.

— Je suis désolée monsieur, le docteur est en pause actuellement.
Repondit-elle d’un ton doux et calme.

Dans la chambre à quelques mètres de là, les murs étants un peu fins, Michel, à moitié endormi sur son lit, entendit une voix familière.
Après avoir reconnu à qui elle appartenait, il se leva et sortit de la pièce.
Au bruit de la porte, l’hôtesse se retourna.
Elle voulut dire quelque chose mais le médecin leva la main droite pour lui faire signe que ce n’était pas nécessaire et qu’il prenait la situation en main.
Il se dirigea vers lui, surprit.

— Bonsoir, que puis-je faire pour toi ?
Demanda t-il d’une voix chaleureuse. Des poches sous les yeux.

— Bonsoir Docteur, je m’excuse de vous réveiller à une telle heure…

— Ce n’est rien, je dois bien nourrir cette rumeur qui dit que je ne dors jamais… Par contre, je vais aller chercher un thé, suis-moi et raconte-moi ce qui t’ammène. Tu en veux un ?
Dit-il le sourire au coin des lèvres.

— Non merci.
Refusa t-il poliment.

— Tu es bien celui qui a prit la petite Hélène sous son aile, n’est-ce pas ?
— Oui, justement… C’est à son sujet…

Il prit une inspiration et lui raconta la situation.

— J’étais conscient qu’elle avait une santé fragile… Mais je ne pensais pas que son état allait s’agraver…

La main libre sur son menton, songeur.
Il finit son thé et récupéra sa trousse dans sa pièce personelle et lui fit signe de lui indiquer le chemin.

2013.5.27

Bagages

Elle se réveilla, les cheveux en pagaille, elle regarda autour d’elle et en direction du couloir, à l’affût du moindre bruit.
Bien entendu, elle était seule.
Elle venait de rêver de son passé.
Essence n’était plus là, cela faisait un bout d’années qu’elle était partie, elle vivait avec Olivier dans une autre branche et semblait heureuse.
Elles ne se voyaient plus mais pensaient l’une à l’autre.

Avant son départ, le jour-J.
Elle était là, dans le couloir devant la porte, les valises à ses pieds. Elle se retourna vers Rosalys.
Elle ouvrit ses bras et Rosalys courut vers elle.

— Merci pour toutes ses années, j’ai vraiment été heureuse à tes côtés…

— C’est à moi de dire merci…
Répondit Rosalys, entre quelques sanglots.

— Prends soin de toi…

Olivier était devant la porte, de l’autre côté. Lorsqu’elle ouvrit la porte pour partir, il salua Rosalys.

— Prends soin de toi, Rosalys…
Dit-il avant de quitter l’endroit, avec quelques bagages sur les bras.

Essence ne se retourna pas, quelques larmes coulèrent sur ses joues. Elle les ravala.
Olivier détourna le regard.
Elle ne voulait pas pleurer devant sa fille adoptive.

La table recouverte de papiers, de notes, de crayons et autres feuilles séchées.
L’armoire de rangements, des petits tiroirs carrés au dessus du bureau, des étiquettes aux poignets.
Elle se leva lentement, se dirigea vers l’autre pièce qui semblait être une cuisine. Le double évier en inox, elle posa une bassine au-dessus, prit un grand thermos posé au pied et renversa une petite quantité d’eau chaude dans le conteneur.
Elle y plongea une serviette, l’essora et s’essuya le visage.
Une petite fenêtre en hauteur laissait entrer la lumière dans la pièce.

2018.01.21

Remercier

Lorsqu’elle était plus jeune, elle était déjà de santé fragile.
Son père était mort lors d’une bataille et sa mère avait succombé à la maladie. La laissant seule à l’âge de 6-7 ans, orpheline.
Elle n’avait pas manqué d’amour durant tout ce temps.
Ayant hérité des gènes de sa mère, elle ne pouvait qu’assister rarement aux classes.

Sa santé se dégrada peu après qu’elle fut seule.
Elle commença à faire de plus en plus souvent des malaises à l’école.
Elle ne pouvait plus pratiquer les sports.
Tout le monde savait qu’elle n’en n’aurait plus pour très longtemps.

Ainsi la règle d’or était : on n’aide personne. Aucune n’exception était faite.

Des prédispositions étaient prises pour des cas où un enfant n’avait plus de parents.
Sa maîtresse, professeure principale de la classe, s’était proposée pour l’accueillir chez elle et la prendre en charge comme tutrice.
Elle vivait elle-même seule dans un appartement.
Elle lui donna tout l’amour d’une mère.
Ne pouvant être à tout temps avec la jeune fille. Elle lui enseigna les bases pour qu’elle puisse prendre soin d’elle lorsqu’elle serait absente.
Elles savaient qu’elles ne devaient pas trop s’attacher parce que la vie de Rosalys ne tenait qu’à un fil.

Elle finit par ne plus retourner en cours. Ses camarades firent comme si de rien n’était.
Ils ne pouvaient pas faire autrement.
À la fin de la première scolarité, sa mère adoptive l’informa qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait.
Rosalys opta pour les recherches qui lui permettraient d’aller à son rythme sans gêner personne.
Elle se spécialisa dès ses 12 ans.
Sa condition physique ne lui autorisait pas d’autres choix.

N’étant pas sa véritable mère, elle l’appelait par son prénom.
Essence.
Elle était plutôt grande et forte.
Les cheveux ondulés et bruns foncés qui lui arrivaient aux oreilles.
Les professeurs étaient juste en dessous de l’échelle des employés suprêmes qui étaient sous les ordres directs de la mère supérieure.

Lorsque Rosalys se sentit mieux, Essence l’accompagna au centre de recherches et lui expliqua les cours préparatoires.
La plupart des gens qui connaissaient la situation, plaignait Essence d’avoir un tel fardeau.
Un jeune homme la percuta par mégarde et il tomba sous le charme d’Essence.
Il n’était alors pas au courant de Rosalys.

Rosalys comprit tout de suite que ces deux personnes s’aimaient.
Elle n’attendit pas qu’Essence lui parle de ce sujet.
Elle ne voulait pas abandonner Rosalys.
Elle lui fit comprendre qu’elle pouvait s’en sortir seule, qu’elle était assez grande maintenant.

— Essa…

Elle était encore dans sa chambre et l’appela de l’autre pièce.

— Rosa ?

Sa voix était lointaine.

— Tu sais… Je suis grande maintenant…

— Oui, je sais que tu apprends et grandis vite.
Dit-elle en souriant.

— Tu sais… Je peux vivre seule maintenant…

Il eut un silence et Essence s’approcha de la chambre et regarda Rosalys.
La tête baissée, elle leva ses yeux sur sa mère adoptive.

— … Je peux partir s’il le faut…

Essence accourut, s’agenouilla et lui prit ses mains.

— Qu’est-ce que tu racontes ?!
Dit elle, paniquée.

Elle resserra ses mains et chercha le regard de Rosalys.

— Tu sais… Tu pourrais vivre avec Olivier…
Dit-elle à voix basse en fixant ses mains.

Essence se figea.
Rosalys avait assisté à la proposition d’Olivier et elle savait qu’Essence ne lui avait pas encore répondu. La raison de sa non-réponse c’était bien entendu elle.
Elle comprit aussitôt, et soupira.
Elle chercha quelque chose à dire.
De toute manière elle ne pouvait éviter ce sujet.

— … Tu sais que je t’aime comme ma propre fille, n’est-ce pas… ?

Elle releva la tête.
Essence se releva et s’asseya sur le lit, à côté de Rosalys.

— Je ne veux pas te laisser seule, même si je dois faire patienter Olivier, même s’il trouve quelqu’un d’autre entre temps…
Rosalys répondit avec ferveur.

— Mais… Tu l’aimes, non… ?
— Oui… Je l’aime mais je t’aime aussi.
— Je ne veux pas être un fardeau. Je ne veux pas que tu aies à décliner à cause de moi…
— Et moi, je ne veux pas te laisser seule…
— Tu dois lui dire oui. Je m’en irai. Je suis assez grande maintenant. Je peux vivre seule.

Après un long silence et un soupir d’Essence.

— D’accord… Tu as gagné. Mais il n’est pas question que tu partes d’ici.
— Mais-
— Ne t’inquiète pas, je lui donnerai une réponse demain et je lui demanderai ce qu’il en pense. Il n’est pas question que tu partes.
J’insiste pour que tu gardes la maison. Si quelqu’un doit partir ça sera moi. Tu connais les règles. À partir du moment où je ne serai plus là, on ne pourra peut-être plus se voir… Ça te va ?

— Oui…
Dit-elle les larmes aux yeux.

Rosalys, dans les bras d’Essence.

— Merci…
Dit-elle, entre ses pleurs.

— C’est à moi de te remercier…
Répondit-elle, en lui caressant doucement la tête.

Elle souriait et cachait ses larmes.

Le lendemain, elle exposa les faits à Olivier.
Il était venu chercher Essence à la fin de ses heures à l’école.
Elle disait au revoir à ses derniers élèves, lorsqu’Olivier, à la porte l’admirait.
Il suivait du regard les élèves sortant de la classe. Il entra dans la pièce, ferma la porte coulissante derrière lui et salua Essence.
Il contourna le bureau, posa ses mains sur la table et la regarda dans les yeux.

— Est-ce que tu as ta réponse aujourd’hui… ?

Elle fit mine de l’ignorer, prit un air triste, contourna le meuble pour se positionner en face de lui et soupira en baissant la tête.
Il se tourna vers elle.

— C’est… Non ?
Dit-il avec tristesse.

Elle releva la tête et lui prit ses mains.

— C’est oui.
Dit-elle avant de sourire.

Son visage s’illumina.

— C’est vrai ?!

Elle hocha la tête.

Il la prit dans ses bras et la souleva.
Sa joie était immense.

— Cependant, j’ai mes conditions.
Dit-elle après qu’il l’eut reposée.

— Tout ce que tu veux !

Il était euphorique.

— Je laisse ma maison à Rosalys.

Il eut une pause et acquiesça.

— Je m’excuse de t’avoir imposé à choisir entre elle et moi…
— C’est grâce à elle si j’accepte ta proposition aujourd’hui. Je sais que les gens n’approchent pas les personnes dans son état, mais je pense que tu peux peut-être la remercier… ?

2013.4.18

Transfert

Ses cheveux virevoltèrent dans un courant d’air chaud.
Sa magnifique robe blanche aux mille plis dansa dans cet air fantastique.
Son visage était apaisé, ses yeux fermés, elle semblait méditer.
Les lanières du haut de son habit qui se croisaient dans son dos.
Elle était au milieu d’un champs de fleurs blanches.
Au second plan, le majestueux Arbre.
Elle ouvrit ses yeux lentement et regarda dans sa direction et lui sourit.
Elle lui tendit la main pour qu’elle approche.
Elle avança à petits pas. Elle était un peu angoissée. Elle ignorait ce qui allait se passer.
Elle mit sa main dans celle de la Mère Supérieure.
Sa chevelure longue et d’un blond vénitien brillant retomba dans son dos, avec grâce.
Elle serra la main de la jeune fille dans la sienne et approcha son front du sien.
Elle n’osa pas poser ses questions alors qu’elles fusaient au fur et à mesure que le temps passait.
Ce silence était sacré.
Elle referma ses yeux et commença à réciter des formules venant d’un autre monde. Elle ne reconnaissait pas ce langage.
Elle n’eut pas le temps d’essayer de déchiffrer le moindre mot ni le sens, qu’une lumière ocre tomba sur elle.
Cela l’électrisa sur-le-champ.
Ses forces quittèrent ses jambes.
La Mère la soutint avec un bras autour de ses hanches et l’autre main maintenait le contact entre leurs deux fronts. Elle continua son chant étrange et rapide tout en gardant les yeux fermés pour garder une concentration nécessaire.
La jeune fille avait ses yeux grands ouverts, le regard fixant un horizon inconnu, sous le choc.
Le flot de paroles affluait directement dans sa tête, des images étaient projetés directement sur ses rétines. Elle avait la bouche grande ouverte mais aucun son n’en sortait.
C’était la Connaissance de centaines d’années, de milliers d’années, voire plus.
Voilà ce qu’était le rôle et l’importance de la Mère Supérieure.
Le poids était maintenant sur ses propres épaules.
Au bout de quelques minutes où Faya récita l’incantation, aucun son ne sortit de sa bouche. Elle garda ses lèvres ouvertes comme pour reprendre son souffle bien qu’aucun signe d’épuisement n’était apparant.
Elle referma lentement sa mâchoire et rouvrit les yeux, elle put détacher son front de celui de la jeune fille et la posa délicatement, les genoux au sol.
Ses lèvres étaient encore entrouvertes et son regard exprimait le vide.
La lumière s’estompa peu à peu.

Les élus étaient choisis et préparés pour cet évènement.
Ce qui était sûr, c’est qu’ils possédaient une force mentale très supérieure à la moyenne et devaient pouvoir supporter cette épreuve. Normalement.

Les couleurs revinrent graduellement dans les yeux de la jeune fille.
Ses forces étaient également de retour.
Elle prit conscience de son importance à présent. Il lui faudrait encore un peu de temps avant de tout digérer.
Elle regarda la Mère qui lui sourit encore.
Sans rien dire, elle se leva, la laissant au sol.
Elle lui tourna le dos et s’avança vers l’Arbre.
Elle posa sa main qui paraîssait minuscule sur le tronc.
Se retourna une dernière fois et prononça quelques mots.
Sa silhouette éblouissante et rouge disparut dans l’arbre.

2013.3.27