Piste

Ten’ reniflait les traces.
William avait insisté pour venir et superviser Ten’ si besoin. En réalité, c’était une excuse pour pouvoir participer et aider à retrouver Aurore et Hélène.
Il savait qu’il n’aurait jamais eu l’aval si la présence de Ten’ n’était pas si importante.
Chris n’était pas loin, guettant le moindre signe hostile. Il semblait inquiet et protégeait de loin William.
Il savait se battre, juste les bases, mais il n’était pas formé pour une vraie attaque ennemie. Il le considérait comme un fils, il avait un âge proche d’Alain et il l’avait côtoyé un moment comme compagnon d’Aurore.
Alain n’était pas loin et restait en retrait, il observait également les alentours.
Ne souhaitant pas être dans les pattes de son père.
Alexandra était derrière et fermait la marche.
Aux aguets, tout était trop calme.
Une des équipes d’éclaireurs n’était pas revenue, l’autre avait confirmé qu’ils avaient vu des individus et entendu des bribes de conversation.
Par chance, ils ne s’étaient pas fait repérer et ils étaient rentrés aussitôt qu’ils avaient pu.

Gabriel était resté au domaine pour gérer les affaires importantes, à contre-coeur. Il avait embrassé Alexandra sur le front en la priant d’être prudente.

Leur calme fut de courte durée.
Alexandra regardait les alentours, guettant le moindre bruit, en l’air, derrière la forêt dense.
Ten’ s’arrêta au milieu d’une clairière.
William avait suivi, Ten’ était perdu et ne comprenait pas pourquoi les traces s’arrêtaient ici.
Chris n’eut pas le temps de prévenir William de rester à couvert.
Une personne s’abattit sur William, descendant du ciel à toute vitesse.
Chris se précipita et réussit à s’interposer juste à temps, son arme s’entrechoqua avec celle de l’ennemi.
C’était un piège.
William avait sursauté et par réflexe, s’était protégé de son bras avant l’impact.
Alexandra s’était arrêtée avant d’être à découvert, elle avait fait signe à Alain de ne pas intervenir, de rester caché derrière un buisson avec elle, et ils observaient si d’autres personnes étaient en embuscade en les attendant.

— Joli réflexe.
Prononça une voix féminine qui était encapuchonnée.

L’impact avait rejeté sa capuche en arrière, laissant voir ses cheveux courts, d’un noir brillant.
Sa peau était pâle, et un sourire parcourait son visage.
Il n’y avait pas de bonne réaction, Chris ne pouvait pas demander à Ten’ et William de s’enfuir. Il ne savait pas s’il y avait d’autres dangers ailleurs.
Le mieux était qu’ils restent derrière lui pour qu’il puisse les protéger.
Pendant ce temps, il jaugeait la force de l’adversaire.
Sur la défensive, il encaissait.
Il savait qu’Alexandra et Alain étaient en sécurité, il pouvait et devait leur faire confiance.
L’adversaire enchaîna les attaques.

— Bah alors, on a que ça dans le ventre ? Même les gamines avaient plus de mordant.

Chris eut une poussée de rage en entendant ces derniers mots. Elle le provoquait. Elle savait qu’ils étaient là pour elles.
Il se retint mais il attendit encore un peu avant d’attaquer et l’immobiliser.
Elle ne sembla même pas surprise.

— Que vas tu faire ? Me tuer ?
Demanda t-elle avec son sourire habituel, comme si tout ceci n’était qu’un jeu.

— Où sont-elles ?
Chris garda une voix calme, contrôlée, pour ne pas la laisser prendre le dessus.

— Qui ça ? Les gamines ? Qui sait…

Chris resserra son emprise, l’ennemie était à terre, sur le ventre, et il bloquait ses bras derrière son dos.
Les articulations avaient du mal mais la personne ne semblait pas s’en plaindre.

— Tu peux me briser les membres, je ne dirai rien. Et votre toutou ne sera d’aucune utilité. Quelle facilité de leurrer son odorat, ç’en est ridicule. On savait qu’il reviendrait chercher sa maîtresse. Pitoyable.

Chris mit un peu plus de force et un crac se fit entendre, il venait de déboîter une épaule à la femme sous lui.

— Ah. C’est embêtant, tu m’as cassée. De toute facon, vous arrivez trop tard, elles sont à notre maître maintenant. Il doit déjà être au courant de votre présence. Nous allons venir à vous et vous détruire.

Elle avait à peine réagit, son sourire s’était légèrement effacé mais elle continuait de parler, et ne pas répondre à la question.
Chris ne réagit pas.

— Tu pensais que j’allais te supplier de me laisser en vie ? Pour qui nous prends-tu.

Elle se mit à rire et Chris lui donna une giffle qui la fit se taire et l’assoma, au sol.
Il n’eut pas d’autres vagues d’ennemi mais il savait que cela n’allait pas tarder.
Il fit signe à William et Ten’ de se remettre dans la forêt et rejoindre Alexandra et ils discutèrent de la situation.
Chris n’avait rien, à peine essoufflé, quelques froissements sur ses vêtements.

— William, tu rentres avec Ten’. Si les mots de cette garce sont vrais, nous fonçons droit dans des pièges avec Ten’. Ce n’est pas de sa faute mais mieux vaut que vous rentriez.
Chris avait prononcé, froidement.

William avait eu le coeur qui s’était resserré mais il savait que ce n’était pas contre lui. Il prit sur lui.

— D’accord…

Il avait garde Ten’ auprès de lui et le consolait, Ten’ chouinait et savait qu’il avait été dupé.
Chris s’était alors accroupi pour caresser Ten’ à son tour.

— Je sais mon grand. On va ramener Aurore et Hélène. T’as fait de ton mieux. Tu nous as déjà bien aidés.

Alexandra et Alain le caressèrent aussi avant qu’il ne s’en aille.

— C’est plus sûr pour vous. On ne sait pas encore ce qui nous attend et vous serez en securité au moins.
Dit Alexandra.

Elle se concentra et forma un portail pour William et Ten’.

— Préviens Gabriel pour nous, on continue nos recherches. Merci William.
Sourit timidement Alexandra avant de refermer le portail derrière eux.

— Ca va aller ?
S’enquit chris. C’était subtile mais la création d’un portail utilisait une dose conséquente de magie.

Elle lui sourit et reprit sa respiration.

— Ca devrait aller. À force de créer des portails, je sens que je vais bientôt devenir pro en la matière.
Blagua t-elle.

Alain soupira.

— Continuons, à couvert. Je sens qu’on se rapproche de quelque chose si on continue dans cette direction.
— J’ai la même impression.

— Si la clairière était un piège, est-ce qu’on devrait aller dans la direction opposée ?
Demanda Alain.

— C’est ce que j’aurais pensé mais je sens des présences lointaines, dans cette direction.
— De même… dépêchons nous avant la tombée de la nuit.

Ils étaient en train de perdre espoir lorsqu’ils entendirent des voix. Ils se cachèrent et camouflèrent leur présence.
Alexandra connaissait un sort.

— Il parait qu’on va bientôt recevoir de la visite.
— S’ils arrivent à nous trouver et passer notre garde ailée.
— Il y en a une qui n’est pas rentrée, ça t’inquiète pas ?
— Si c’est qu’une seule, c’est rien.
— On devrait pas faire gaffe, nous aussi ?
— C’est la pause, on a le droit de prendre un peu l’air, non ? On rentre tout de suite. Arrête de faire ta rabat-joie.
— Je suis prudente, c’est tout.
— Je serai là pour te protéger.

Il pouffa de rire.

— Tu seras le premier à te tirer pour sauver ton cul ! Ouais ! Je sais même pas pourquoi je continue à te parler… je me tire.
— Ne me laisse pas, si je me fais attaquer, qui va me défendre ?!
— Démerde toi. Ca nous fera des vacances.
— T’es de mauvaise humeur parce que le maître tringle les gamines, ou quoi ?
— Je vois pas le rapport ?!
— C’est vrai qu’elles ont l’air bonnes…
— Tu me dégoûtes.
— J’ai une petite préference pour la blanche, elle a l’air docile comme une poupée.
— Ok, j’en ai assez entendu. Va te faire bouffer par un ours.
— Jalouse, va…

Chris et Alain tremblaient de rage derrière leur cachette mais ils avaient tous bien entendus.
Alexandra les avait maintenus pour les calmer et attendre de pouvoir suivre les voix pour trouver une entrée.
Lorsque les voix cessèrent, ils sortirent avec précaution de leur cachette et Chris chercha un passage.
Ils y passèrent un certain temps avant de découvrir l’entrée camoufflée par de la magie.
Une illusion parfaite et subtile derrière un buisson.
Ils se regardèrent dans les yeux.

— On l’explose ?
— Ou on attend que quelqu’un en sort et on s’infiltre de manière plus discrète.
— Je sais pas si j’ai envie de perdre du temps… elles sont quelque part à l’intérieur et je sens qu’elles ont besoin de nous.
— Je suis assez d accord mais ça risque d’être plus dangereux. On ne sait pas combien ni quelle force de frappe ils ont.

Après l’explosion.
Des gardes sortirent paniqués et ils furent maîtrises par la magie, tandis qu’Alexandra, Chris et Alain étaient bien à l’abri.
Le flux s’arrêta et on entendit des voix sortir de l’entrée.

— Ils sont où ces foutus gardes ailés quand on a besoin d’eux ?!
— Ils sont combien dehors ?
— Aucune idée, tu veux y aller pour voir ?!
— Non merci !

Alexandra créa un bouclier et ils décidèrent de pénétrer dans la gueule du loup.
L’entrée descendait dans une sorte de galerie souterraine mais éclairée par des cristaux magiques dans les murs, incrustés.
Les attaques étaient absorbées ou rebondissaient sur le bouclier d’Alexandra. C’était un simple bouclier sans effort qu’elle avait créé.
Chris put en sortir pour attaquer et mettre hors d’état de nuire les gardes et Alain restait en retrait, à côté de sa mère.
Alain avait rarement l’occasion de voir ses parents en combat, sur le terrain ou pour de vrai.
Les yeux ébahis devant les pouvoirs magiques de sa mère et des capacités de son père.
Alexandra remarqua son attitude et lui sourit une fraction de seconde avant de retourner son attention sur leur défense.
Il savait que son père était doué en combats mais pas à ce point. Ce qu’il montrait à ses cours n’étaient qu’une infime partie de ses compétences réelles.
Il était à peine essoufflé de ce qu’il faisait actuellement.
Alain se rendit compte de la chance qu’il eut de ne jamais avoir été pris dans un tel conflit avec son père.
C’était trop simple, les premières lignes furent faciles à passer, puis ils n’eurent qu’à attendre au compte goutte les autres défenses se manifester.
Le plus dur fut de s’orienter et de chercher où elles étaient.
Chris en attrapa quelques uns pour leur faire avouer où les filles étaient prisionnières mais ils n’en savaient rien ou préféraient ne rien dire.
Exaspéré, ils continuèrent à fouiller chaque couloir et chaque pièce. Ouvrant chaque porte en espérant qu’elles soient là.
Ils ne savaient pas à quel point les lieux étaient vastes mais il ne préféra pas y penser et continua à chercher.
Alexandra fit de même de son côté, sans avoir plus de succès et Alain prit ses aises pour en faire de même.
Les premières lignes n’étaient pas très fortes comparé à la force de frappe d’Alain, et il pouvait s’en occuper sans trop de mal.
Les couloirs finirent par se rejoindre à un carrefour et ils préférèrent rester groupés et continuèrent en remontant vers le couloir le plus large.
Ils continuèrent à se batte contre les ennemis qui se présentaient.

Alain ouvrit une porte et quelqu’un en sorti. Un peu plus large et musclé que les précédents ennemis. En un coup, il le prit par surprise et sa force prit au dépourvu Alain qui se retrouva au sol.
L’ennemi ne lui laissa pas de seconde chance ni de temps pour qu’il se relève, il l’enchaîna au sol.
Alexandra intervint et fit apparaître un bouclier sur lequel le coup s’interrompit.
L’adversaire se retourna pour voir Alexandra derrière lui, et il n’attendit pas pour foncer sur elle et la frapper.
Elle garda et dévia son attaque, pour en profiter et lui asséner un coup.
Il bougea à peine, les coups qu’Alexandra essaya de lui donner n’étaient pas assez puissants pour le faire tomber.
Les coups suivants qu’elle reçut étaient plus puissants et elle eut du mal à les contenir, il enchaîna les coups de poings qu’elle réussit à éviter, et ceux qu’elle ne réussit pas à éviter furent gardés par ses bras.
Tout son corps tremblait, tentant de résister à ne pas s’écrouler sous le poids et la force de son adversaire.
Elle regretta de n’avoir pas évité ces coups.
Puis elle dut y mettre plus de puissance elle-même, dans ses coups, à sa prochaine attaque pour le faire chanceler. Sa magie aidant, et augmentant la portée de son attaque, elle répliqua en gardant une certaine cadence, rendant les coups qu’elle venait de recevoir voire plus.
Il ne cacha pas sa surprise et il fut submergé au bout d’un certain moment, ne réussissant plus à tenir sa garde, il prit de plein fouet au visage et dans ses côtes, les coups de poings et les coups de jambes d’Alexandra.
Essoufflé et en prenant du recul, il sourit tout en la regardant.

— Pas mal pour une gonzesse.

Elle ignora son commentaire.
Alain s’était relevé et s’était mis en sécurité tout en ne gênant pas, il avait regardé toute la scène, avec une étincelle d’admiration pour sa mère.

— Où sont-elles ?
Demanda t-elle. Sans flancher.

— Qui ça… ? Oh, les gamines ? Très bonne question… qui sait.
Répondit-il avec un sourire narquois sur son visage.

Alexandra n’apprécia pas son ton et elle reprit ses attaques, plus rapide et avec plus de force.
Il finit au sol, amoché, elle était sur lui et elle l’avait attrapé par le col pour le maintenir. Prête à lui asséner un autre coup en plein visage.
Il ne daigna même pas lever ses bras pour se protéger.

— Où sont-elles ?
Répéta t-elle, avec le même ton.

— … Aucune idée.
Finit-il par répondre, il n’avait plus la force de provoquer ni de rire.

Elle le relâcha et se releva. Le laissant s’écrouler au sol, à moitié inerte.
Alain eut un frisson dans le dos en se disant qu’il avait de la chance que sa mère ne lui ait jamais donné une telle raclée.
Elle s’arrêta un instant devant lui.

— Tu n’as rien ?
— N-non. Merci m’man…

Elle posa une de ses mains sur son épaule et lui sourit.
Chris était dans un autre couloir et ne semblait pas rencontrer de difficulté. Il se retourna lorsqu’ils le rejoingnirent.

— Des nouvelles ?
Demanda t-il.

— Non. Et toi ?
— Non plus.
— On continue.
— Ca va, Alain ?
— O-oui…

Il baissa les yeux, un peu honteux de s’avouer vaincu.

— Certains gardes sont des durs à cuire. Si Aurore et Hélène sont tombées dessus, ça ne m’étonne pas qu’elles n’aient pas pu se défendre… il y en a un qui avait l’air de les connaître.
— Sois prudent, Alain. N’hésite pas à battre en retraite si tu sens la différence de force. On n’est pas sur un terrain d’entraînement, la moindre erreur est fatale.
— Je sais, p’pa…

Alexandra donna une tape amicale à son fils qui n’appréciait pas trop le ton de son père.

— Il dit ça parce qu’il s’inquiète.
Lui murmura sa mère avec un sourire tendre.

Il soupira et jeta un regard furtif au dos de Chris.
Ils remontèrent les couloirs, ouvrirent des portes et combatèrent les adversaires jusqu’à tomber sur celui qui avait l’air de commander.

— Ce sont donc vous les intrus qui mettent le bazar chez moi.

Ils restèrent silencieux.
Il avait une certaine prestance, une attitude mais physiquement, il ressemblait à n’importe quel garde, un peu musclé. Il n’était pas spécialement habillé pour le maître des lieux.

— Vous arrivez plus tôt que prévu, je suis plutôt surpris que vous ayez réussi à remonter jusqu’ici. Vos pisteurs ne sont pas mauvais, mais vous arrivez quand même trop tard. Elles m’appartiennent. La petite blonde va porter mes enfants. L’autre pourra toujours servir de servante. Un rôle qui lui siera à ravir pour la bâtarde qu’elle est.

Alexandra ne fut pas la seule à voir rouge. Chris était sur le point de bondir et Alain n’était pas loin de faire pareil. Elle les empêcha d’intervenir. Elle voyait que Chris n’avait qu’une envie : de lui faire ravaler ses mots au sujet d’Hélène.
L’ennemi rit aux éclats.

— Le chien veut aboyer ? Je vais vous chasser de mon territoire, et retourner à mes occupations. La fête a assez duré.

Il reprit son sérieux et décida de viser Alain en premier.
Il fonça sur lui, laissant tout le monde sans voix et stupéfait. Chris réussit à réagir à temps, plus rapide, il s’interposa en poussant Alain. Il fut percuté à moitié par l’attaque.
Il se revela aussitôt quelque peu déboussolé.
Alain ne savait pas comment réagir, il n’était d’aucune utilité dans ce combat et pire, il gênait.

— Alain, on le retient, essaye de trouver les filles.
Dit Alexandra en revenant auprès de Chris pour vérifier qu’il n’était pas trop blessé.

— Laisse moi quelques secondes ‘Xandra, je vais bien. Jaugeons sa force, si un de nous deux suffit, l’autre te rejoindra, Alain.
— Pas de risques inutiles, d’accord ?

Elle lança un sort de bouclier sur Alain pendant qu’il passa. Un projectile lui fut envoyé mais rebondit sur la protection. Ce qui agaça l’ennemi, mais qui n’insista pas. Pour lui ce n’était pas une grande menace.
Alain s’était figé une seconde lorsqu’il vit le projectile arriver dans sa direction. Lorsqu’il comprit que sa mère le protégeait, ils s’échangèrent un regard et il continua son chemin.

Des portes s’ouvraient mais celle des filles restait fermée. Elles étaient dans un sommeil profond et artificiel.

Alexandra affronta le chef, ou celui qui semblait être aux commandes.
L’empêchant de prendre pour cible Alain une nouvelle fois et permettant à Chris de reprendre ses esprits.
L’adversaire sourit et ne la prit pas au sérieux, moqueur, il pensait déjà la vaincre jusqu’à ce qu’elle lui donne un coup qui le fit vibrer. Elle avait beaucoup plus de force qu’il ne pensait.

— Pas mal… mais combien de temps tu vas tenir ?

Elle préféra économiser sa salive. Restant concentrée.
Il semblait s’amuser.

— Tu as un partenaire bien inutile… si seulement tu étais encore fertile, je t’aurais pris en tant qu’épouse.
Semblait-il réfléchir à haute voix.

Elle l’ignorait.
Il ne semblait pas vouloir l’attaquer sérieusement alors elle en profita pour le repousser dans ses retranchements.
Il attrapa sa taille, elle le repoussa et le frappa.
Il posa ses mains sur sa poitrine, elle le giffla, fort.
Chris était dans une bulle de protection et voyait la scène, il se remettait de l’attaque qu’il avait prit de plein fouet, mais il n’avait rien de grave.
L’ennemi le provoquait. Il le voyait lui jeter des regards en sous-entendant qu’il voulait s’approprier Alexandra.
Il était plus jeune. Cela se voyait qu’il cherchait la partenaire parfaite avec qui s’accoupler pour avoir des descendants. Il jouait et était trop confiant contre Alexandra.
Elle n’y allait pas encore avec toute sa force mais au bout de quelques minutes, elle avait réussit à jauger sa puissance et son potentiel d’attaque.
Elle prit du recul et rejoignit Chris qui était sur pieds, attendant de voir avec elle la stratégie à employer.
Il avait vu qu’elle ne s’était pas donnée à 100%, le combat allait être bientôt fini.
Un peu essoufflée, elle lui dit ce qu’il devait savoir sur ses points faibles ou forts.

— Si tu veux, je te le laisse, il ne devrait pas te causer de souci.
— Avec plaisir… mais je crois que ça sera plus humiliant pour lui si c’est toi qui t’en occupes…
— T’es sûr que tu ne veux pas lui clouer le bec ?
— La tentation est grande…
— Allons y tous les deux, ca sera vite fini et on pourra rejoindre Alain.

Elle le laissa d’abord attaquer
L’ennemi ne faisait plus le fanfaron. Tentant de reprendre sa respiration lorsqu’elle avait prit ses distances, il déchanta lorsqu’il réalisa qu’il affronterait les deux en même temps.
Il n’y avait pas de règles sur le champs de bataille.

— On ne se frotte pas à notre famille sans en subir les conséquences.
Prononça Alexandra avant de donner un dernier coup qui le fit tomber.

Ils le laissèrent inconscient sur le sol.
Alain ne rencontra pas d’autres adversaires coriaces et finit par ouvrir toutes les portes avant de tomber sur la bonne pièce.
Une porte annodine.
Elles étaient là, dans le lit. Endormies comme si de rien n’était.
La joie qu’il ressentit en les voyant enfin était incommensurable, puis elle s’évapora.
Quelque chose n’allait pas.
Elles n’avaient pas réagit au bruit. Elles étaient dans des vêtements différents et on aurait pu penser qu’elles étaient inconscientes ou pire, mortes.
Il s’approcha d’elles en espérant qu’elles respirent encore. Leur pouls était faible ainsi que leur respiration mais elles étaient vivantes. Il lâcha un soupir de soulagement.

— Hélène, Aurore…

Il essaya de les secouer doucement, pour les réveiller, puis plus vivement.
Elles ne bougeaient pas. Il se questionna sur leur état. Etaient-elles juste endormies ? C’était trop étrange.
Puis il paniqua. Que devait-il faire dans cette situation ?
Ne disait-on pas qu’il ne fallait pas réveiller un somnambule ? Est-ce qu’il faisait bien d’essayer de les réveiller ?
Il vérifia rapidement si elles n’étaient pas blessées, mais il n’osa pas les toucher plus.
Une voix s’éleva derrière lui.

— Elles ont été droguées.

Il sursauta.

— Qui es-tu ?!
Demanda t-il sur ses gardes, prêt à l’attaquer.

C’était une femme à l’apparence jeune, adossée sur le cadre de la porte, qui ne semblait pas alarmée par Alain.

— Personne, je voulais juste être sure qu’elles soient entre de bonnes mains.

— … Pourquoi ?
Se méfia Alain.

— Dans ce bazar ambiant, j’avais peur que quelqu’un en profite pour les embarquer. Il ne faut pas sous estimer ces hommes…
Soupira t-elle.

Voyant Alain dubitatif, elle continua ses explications.

— Je compte en profiter pour me barrer d’ici. Les femmes n’étaient pas spécialement bien traitées et nous étions vues comme inférieures en tous points. Ca m’a toujours dérangé et quand j’ai vu le traitement de ces filles, je ne pouvais pas m’en aller en les laissant à la merci de n’importe quel pervers. Je ne vais pas t’attaquer, je ne suis pas ton ennemie et je n’ai rien à gagner à me battre.
— Merci… ?
— Pas besoin de me remercier. Je n’ai rien pu faire pour empêcher ce qu’elles ont subi…

Elle était sur le point de partir.

— Hé, tu sais où tu vas aller ? Ce n’est pas grand chose, mais si un jour tu as besoin d’aide… j’habite dans une autre région, mais si tu peux me trouver, je te rendrai la pareille…
— T’es mignon. Je note. Pour l’instant je vais juste me balader… retrouver un peu de liberté. Salut.

Elle sourit timidement puis tourna les talons pour s’en aller.

Peu de temps après, Chris et Alexandra arrivèrent.
Alexandra se précipita dans la pièce et s’approcha des filles, tandis que Chris jetait un dernier coup d’oeil aux alentours, au cas où il y aurait un autre danger.

— On m’a dit qu’elles étaient droguées… elles ne réagissent pas et je ne sais pas si on doit essayer de les réveiller…

La voix d’Alain était emplie d’émotions. Il essayait de garder la tête froide mais voir ses soeurs dans cet état et l’adrénaline des combats retombée, il avait une boule dans la gorge qui ne demandait qu’à éclater.

— Ca va aller, on va les ramener à la maison. Elles sont en vie, c’est déjà énorme.

Alexandra posa sa main réconfortante sur le bras d’Alain, sa voix était douce et posée, même si elle-même avait du mal à garder une consistence face à ce qu’elle voyait.
Elles étaient dans des tenues provoquantes et humiliantes.
Chris s’approcha et serra son poing sans rien dire.

— Je vais ouvrir le portail directement ici.
— Ok. Alain, est-ce que tu peux porter Aurore ? Je vais prendre Hélène.

Alain s’exécuta. Aurore était la plus légère. Plus petite, un peu plus menue. Il la porta dans ses bras, il fut presque surprit qu’elle soit si légère.
Chris fit de même avec Hélène.

— Elles respirent. C’est très faible mais elles sont en vie, c’est le principal…
Ajouta Chris, en pensant à voix haute.

Alexandra se concentra quelques minutes et ouvrit un portail devant leurs yeux.
Ils pénétrèrent le flux magique, et à chacun de leur passage, elle sentit sa magie à elle se consumer considérablement.
C’étaient quatre personnes qui venaient de voyager, elle se dépêcha d’elle-même prendre le portail, qui se referma derrière elle, presque aussitôt.
La sortie était sur le point d’encrage dans le même monde mais à la sortie de celui qui menait à la boutique. Cela était plus simple de choisir un point existant que de devoir recréer une sortie.
Elle avait chronométré pour qu’elle ne soit pas trop érintée par ce sort.
Le mal était fait.
Elle était pâle, le contrecoup de la consomation magique était trop importante.
Elle eut une palpitation et le souffle court pendant un instant.
Chris s’inquiéta et savait ce qu’il se passait.
Elle l’interrompit avant qu’il ne dise quoi que ce soit.

— Allez à l’infirmerie tout de suite. Je… j’arrive tout de suite.
Dit-elle, à leur direction.

Elle les força à y aller et elle put tenter de reprendre son souffle.
Elle croisa par hasard Cean qui s’alarma tout de suite.

— Maman, mais… tu es vraiment pas dans ton assiette… je savais pas que vous étiez rentrés… ?
— Ils sont partis à l’infirmerie, les filles ont besoin de soin en priorité… je vais bien, ça va passer… j’ai un peu sous-estimé les portails…

Elle se redressa et sourit à son fils, et elle se remit à marcher d’un pas pressé jusqu’à l’infirmerie mais ses pas flanchèrent.
Cean la rattrapa pile poil au bon moment.

— Maman ! Tu forces trop… viens, je t’accompagne, il faut qu’on t’examine aussi…

— Tu as peut-être raison…
Avoua t-elle, l’esprit embrumé, elle se sentait faible. Le contre-coup était violent.

2021.06.09

Disparition

Il avait pu retrouver le chemin du retour jusqu’à la ville et il se dirigea vers la boutique de vêtements.
Le sens de l’orientation des animaux est parfois impressionnant.
Il se faufila dans la galerie, effrayant à moitié les passants et touristes qui ne l’avaient jamais vu. Les autres savaient qu’il était le chien de la famille qui tenait la petite boutique de vêtements.
Ils levèrent tout de même un sourcil, étonnés qu’il ne soit pas accompagné de sa maîtresse. Mais continuèrent leur chemin, retournant à leur balade.
Il aboya et tenta de pousser la porte du magasin, sans y parvenir, lorsqu’une cliente à l’intérieur le vit.
Elle s’adressa au gérant, soucieuse de savoir s’il connaissait ce chien, qui rentrait panique et surtout un peu sale.
Alain s’excusa auprès de sa cliente et ouvrit la porte pour laisser entrer Ten’ qui l’ignora pour se rendre directement dans l’arrière boutique.
Alain lâcha un soupir et attendit de voir arriver les deux filles, mais rien. Un peu inquiet, il revint vers sa cliente pour la servir de son mieux mais décida de fermer boutique juste après.
Il était déjà presque le soir et de toute facon, la galerie était également sur le point de fermer.
Il jeta un coup d’oeil à sa montre. Elles auraient dû rentrer il y a un moment et Ten’ n’était jamais loin d’Aurore. C’était étrange.
Il alla voir dans l’arrière boutique pour rejoindre Ten’, qui grattait à la porte qui menait dans l’autre monde.

— Mais qu’est-ce qu’il t’arrive ? Où sont Hélène et Aurore ?
Questionna t-il en sachant qu’il n’allait avoir aucune réponse.

Ten’ chouina, désespéremment en lui tournant autour pour qu’il ouvre et le laisse partir.

— Bon, attends encore un peu. Je finis de fermer et je t’accompagne, d’accord ?

Impatient, Ten’ n’avait pas d’autre choix, et arrêta au moins de gratter à la porte.
Alain ne prit pas trop de temps, il vérifia que la porte du magasin était bien verrouillée ainsi que celle menant à l’arrière boutique et le sas. Double précaution.
À peine il ouvrit, Ten’ se faufila et courut droit devant, sachant déjà où il devait se rendre.
Alain eut du mal à le suivre.
La porte menait à une sorte de débarras, et derrière les tas de cartons et étagères, il y avait un rideau qui cachait un mur non palpable.
Encore une précaution de plus. Le mur faisait illusion mais lorsqu’on tendait la main, elle passait à travers.
Après ce mur, il y avait un couloir et une seconde porte qui menait vers le château de Gabriel et Alexandra.
Ce portail avait été installé peu de temps après l’achat des murs de la boutique, et il était bien pratique pour retourner à la maison en cas de problème.
Ten’ fonça vers l’extérieur et se rendit chez William.
Alain dut courir pour tenter de le rattraper, ne sachant pas ce qu’il se passait, il ne craignait qu’une chose, qu’il s’en aille et ne revienne jamais. Il ne savait pas ce qu il aurait dit à Aurore. Il n’avait jamais été très proche de Ten’ et il ne comprenait pas son comportement. Il n’avait pas la patience avec les animaux.
Il se souvenait de William et il le salua, gêné, lorsque Ten’ vint lui sauter dessus, dans le jardin de ses parents.

— Wow, doucement mon grand, qu’est-ce qu’il se passe ?
Répondit-il, souriant et caressant Ten’ avec affection.

— Salut William, désolé, je ne sais pas ce qui lui prend… il est rentré seul et je n’ai pas vu Aurore ni Hélène…
— Salut Alain.

William remarqua l’état de Ten’ et l’ausculta tout en le caressant.

— Il y a un problème… ?
Demanda Alain, le voyant songeur.

— Il est rentré il y a longtemps… ? Tu sais où il était… ? Ca sent… la magie et il est blessé légèrement à quelques endroits.
— Il y a moins d’une demi-heure, je dirais… bah dis donc, ça l’a pas gêne pour tracer, apparemment, ses blessures. Il était avec elles pour une balade en montagnes, mais il me semble qu’elles étaient en voiture. C’est pas la porte à côté…

Il sortit son téléphone pour tenter de les appeler ou de leur envoyer un message.
Sans succès.
Ten’ aboya.

— Mon grand… Aurore et Hélène… est-ce qu’elles sont en danger… ?

William le regarda dans les yeux et Ten’ aboya une seconde fois, il le tira avec sa gueule, par son pull, pour qu’il se lève et le suive.
Alain commença à s’inquiéter réellement.

— Est-ce que tu crois… ?
— Je ne sais pas… mais suivons le. Il n’est pas dans son état habituel… je crois qu’il veut nous emmener quelque part.
— J’appelle mes parents, j’ai un mauvais pressentiment…

*

— Aurore ? Hélène ?

Alexandra était dans son bureau et Gabriel était dans la même pièce, elle répondait au téléphone et le ton qu’elle avait, fit lever le visage de son époux vers elle.

— Il y a un problème ?
Demanda t-il, sans attendre de réponse immédiate.

Elle lui fit signe d’attendre.

— Ok, j’arrive tout de suite, je m’occupe de prévenir Chris. On se rejoint dans la boutique.

Elle raccrocha et attrapa son manteau avant d’ouvrir la porte.

— Aurore et Hélène ne sont pas rentrées, Ten’ est avec Alain. J’y vais, je te préviendrai. William est là aussi.
— Quoi ? Et tu me laisses là ?
— Il faut que quelqu’un reste ici.
— Ok, laisse moi voir si j’ai des infos ici, à ce sujet… on ne sait jamais. Mais tu n’y vas pas seule !
— Je prends Chris au passage, ne t’en fais pas.
— Si elles ont vraiment disparu… merde !

— Ca va aller… on va les retrouver… elles ne doivent pas être très loin. Ca ne fait même pas 24h…
Dit-elle, pour se rassurer.

Elle lui sourit, avant de franchir la porte.
Le coeur battant, serré, elle était morte d’inquiétude.
Elle tenta de contrôler ses émotions et se rendit directement sur le lieu de travail de Chris qui fut surpris de la voir arriver à moitié essoufflée.

— Alexandra ?
— Chris, prends le minimum et suis moi. Alain nous attend à la boutique.
— Pardon ?
— Hélène et Aurore ne sont pas rentrées… Ten’ semble savoir où elles sont, ils nous attendent avant de faire le trajet.
— Ok, laisse moi 2 minutes, j’arrive.

Il prit sa veste et y rangea ses armes favorites avant de suivre Alexandra jusqu’à la porte de téléportation.
Il remarqua son inquiètude et ce fut à son tour de la rassurer.

— Hé… on va les retrouver, d’accord ?
Dit-il en serrant sa main dans la sienne.

Elle sourit timidement, sans être convaincue mais ses mots la réconforterent un peu.
Elle savait qu’elle ne devait pas céder à la panique, mais elle s’imaginait le pire.
Un accident de voiture ?
William avait dû calmer Ten’ et lui donner de l’eau et de quoi manger, par chance Aurore avait laissé un sac de croquettes dans la réserve, au cas où.

— Là, là… reprends des forces, on en a pas pour longtemps, on va te suivre après, je sais que le temps presse mais on doit prendre nos précautions et s’organiser.

William caressa Ten’ tout en lui parlant, accroupi à ses côtés. Comme s’il pouvait comprendre ses mots.
Alain le regardait faire et il était rassuré qu’il soit là. Il n’aurait jamais pu gérer Ten’ seul. Il se sentit idiot et inutile. Il n’eut pas trop le temps d’y penser, que la porte de la réserve s’ouvrit.
Ils arrivèrent dans la boutique et ils remarquèrent la présence de William.

— Bonjour…
Salua t-il timidement, son coeur fit un bond à la vue de Chris.

— William… ah… avec Ten’, j’aurais dû m’en douter.
Dit Chris, compréhensif.

— Si, ça concerne Aurore…
Précisa t-il, gêné.

— Je sais que tu connais mieux Ten’ que nous, mais tu n’es pas obligé de nous accompagner.. je ne sais pas ce qui nous attend.
Dit Chris.

— J’y tiens.
Répondit-il, d’une voix assurée.

Ils s’échangèrent tous un regard approbateur et ils se mirent en route.
Ce fut long, ils durent y aller à pieds en empruntant des petits chemins dans les bois parce que Ten’ était passé par là sur le chemin du retour.
Ils lui faisait confiance mais avec la nuit et le froid, ils ne savaient pas encore combien de temps ils allaient devoir marcher.
Puis ils virent des lianes qu’ils reconnurent, surtout Alexandra, Chris et Alain.
Et la voiture d’Hélène.
Alexandra se précipita sur la voiture, vérifiant si elles étaient encore dedans.
Ten’, pista les dernières traces jusqu’à quelques mètres plus loin et s’arrêta à un endroit et chouina, et s’écroula de fatigue.

— Merci Ten’, c’est du beau boulot… tu dois te reposer maintenant.

William resta à ses côtés pour vérifier qu’il n’était pas blessé ailleurs.
Quant à Chris, ayant l’habitude du terrain, il vérifia les alentours et remarqua les traces de lutte et les indices laissés par ci et par là.
Alain resta planté là, sans pouvoir faire quelque chose, désemparé. Sa soeur n’était pas là et au vu des indices qu’il avait sous les yeux, cela ressemblait à un accident mais il n’y avait aucune trace de leur corps.
Il avait un pressentiment que sa soeur était en vie mais il ne savait pas si c’était ce qu’il essayait de se convaincre ou la fameuse intuition des jumeaux.
Voyant leur fils et son état devant la scène après bataille, Chris s’adressa à lui.

— Il se fait tard… rentrez avec William et Ten’, reposez vous. La soirée à été longue. On va continuer à chercher avec maman. Ok ?
— … Papa…
— Je préfère que tu sois en sécurite à la maison, préviens Gabriel de la situation et de ce que tu sais.
— On ne capte pas du tout ici. Impossible d’envoyer des messages sur le téléphone. Les filles ont dû se rendre compte de la même chose.
— Elles se sont battues contre quelque chose, c’est certain. Ten’ est blessé donc ça confirme cette hypothèse, et je ressens des traces de portail juste là où Ten’ s’est pose. Je pense qu’il a dû perdre leur trace à cet endroit.
— Je vais ouvrir un portail un peu plus loin, près de la voiture, venez.

Alexandra se dirigea vers l’endroit propice et se concentra avant de faire apparaître une petite fissure en diagonale assez large pour faire passer une personne. Elle n’était pas très douée pour ce genre de magie mais cela devrait suffire, elle avait posé le point de sortie dans la réserve de la boutique. Tant que le portail permettait de se déplacer dans le même monde, il n’était pas trop gourmand en terme d’énergie.

— Merci maman.

William eut du mal à relever Ten’ et tenta de le porter, mais il était trop grand et lourd.
Ten’ réussit à se remettre debout et marcher jusqu’au portail avec difficulté.

— Allez mon grand, encore un petit effort et on sera rentré. Je vais te soigner chez moi.
Dit William pour l’encourager.

— Merci William…
Remercia Alexandra avant qu’il ne passe le portail.

Il força un sourire.

— On te tiendra au courant de la suite, merci encore pour tout…

*

Chris et Alexandra étaient maintenant seuls.

— La trace s’arrête ici… difficile de dire combien ils étaient mais certainement trop forts. On peut commencer à compter par ici. C’est étrange qu’ils n’aient pas laissé de traces avant.
— C’est Aurore qui a invoqué son pouvoir pour la voiture… au vu du sens, elles sont tombées de la route au dessus mais il n’y a aucun impact. Je n’ai pas vu de trace de sang à l’intérieur, j’espère qu’elles vont bien…
— Il n’y a pas de trace de sang sur le sol non plus, peu importe leur raison, ils les voulaient en bon état… heureusement…
— Super… pour combien de temps… ?

Elle soupira et se remit en marche pour repasser l’endroit au peigne fin, la boule au ventre.
C’était certain, c’était un enlèvement.

« J’espère qu’elles vont bien, j’espère qu’elles sont encore en vie. »
Se répétait-elle, en boucle, perdue dans ses pensées, le regard à l’affut du moindre indice.

Chris, s’en rendit compte, il la connaissait trop bien. Il était également inquiet pour Hélène et Aurore, mais il réussissait à garder un certain calme. Maître de ses émotions, peut-être qu’il n’arrivait pas encore à réaliser la gravité de la situation.
Il attrapa la main d’Alexandra et la serra contre sa poitrine.

— Je suis désolée…
Lâcha t-elle, les larmes aux yeux. Ses émotions venaient de prendre le dessus et le geste de Chris venait d’ouvrir ses vannes.

— Ne sois pas désolée, on a quelques indices, on va les retrouver, et vite… rentrons pour prévenir Gabriel. Je ne pense pas qu’on puisse trouver autre chose. Les traces disparaissent avec le portail qu’ils ont posé. Il nous faudra un spécialiste pour nous en dire plus sur la distance de la sortie, ou même la destination…

— Ah… tu as raison, rentrons. Il fait trop sombre pour bien y voir… je vais rouvrir mon portail vers la boutique…
— Ca va aller… ?
— Oui… merci Chris… je sais que je ne devrais pas perdre mon calme comme ça…

Il l’embrassa sur le front.

*

Ten’ était en soin chez William.
Alain était auprès de Gabriel et Cean les avaient rejoint.
Ils étaient dans le bureau et attendaient le retour d’Alexandra et Chris.
Lorsqu’ils arrivèrent, elle s’approcha de Gabriel, Chris s’était approché de son fils pour lui parler.
Gabriel ne put s’empêcher d’attraper Alexandra et de la serrer dans ses bras.
Il avait remarqué ses yeux légèrement rouges et malgré son sourire forcé, il la connaissait trop bien pour deviner qu’intérieurement, elle était beaucoup trop inquiète.

— Alain m’a fait un résumé, est-ce qu’il y a autre chose que je dois savoir… ?
Demanda t-il, en serrant la main d’Alexandra.

— Chris a proposé qu’on demande un expert de portails de téléportation. Il doit rester des résidus qu’on peut encore analyser… aucune nouvelles de ton côté ?
— Non. C’est étrange qu’on ait rien reçu comme demande de rançon… ni aucune annonce au sujet d’enlèvement… j’ai déjà fait une demande pour l’expert, il ne devrait plus trop tarder. De mon côté… je n’ai rien trouvé, encore…

— Il n’y avait pas de trace de sang, même s’il y a eu une lutte, je pense qu’elles ont été en sous nombre et contre beaucoup plus fort. J’ai une certaine certitude qu’ils les voulaient en vie…
Expliqua Chris.

— C’est toujours ça de prit… qu’est-ce qu’ils peuvent bien leur vouloir s’ils n’en n’ont pas après nous… ?

Alain n’osait pas s’exprimer. Il se sentait coupable de n’avoir pas réagit plus vite, et compris le message lorsque Ten’ rentra seul.

— Alain… tu n’aurais rien pu faire de plus, ne te jette pas la faute. Lorsque Ten’ est rentré, je pense qu’elles avaient déjà pris le portail, depuis un long moment.
Essaya Chris, de lui remonter le moral.

Il baissait la tête, les poings serrés, en restant silencieux.
Chris n’insista pas plus.
Cean était également silencieux, il écoutait les échanges sans broncher. Sa seule forme d’expression était son poing qui était crispé et serré.
Sa soeur, ses soeurs avaient disparu et il n’arrivait pas à imaginer un scénario qui se finissait bien.
Il n’avait aucune idée de comment les retrouver, ni ses parents. Il sentait le désespoir dans cette pièce mais ils devaient y croire.
Après avoir échangé leurs informations, cela ne servait à rien d’étaler leurs hypothèses et ressasser les idées noires. Cean et Alain quittèrent la pièce, après que leurs parents les mirent en garde de faire attention et ne pas s’éloigner ni se balader seuls.

— On sait. On sait se défendre maman…
Avait répondu Cean, exaspéré.

— Hélène aussi… sait se défendre… ne sous-estimons pas l’ennemi.
Répliqua Chris, pour le mettre en garde.

— … On fera attention.
Finit par dire Cean, un peu gêné de s’être fait reprendre.

Ils ne pouvaient rien faire d’autre qu’attendre.
Les minutes et les heures passèrent et Alexandra, ne pouvant tenir sur place, se rendit dans la salle d’entraînement pour s’échauffer et laisser échapper toute cette frustration. Tenter de penser à autre chose.
Gabriel ne pouvait pas se joindre à elle, il lui restait d’autres affaires à traiter, il jeta un coup d’oeil à Chris et lui fit un léger signe de la tête pour lui demander de la suivre. Chris acquiesça, c’était ce qu’il avait prévu, et ils quittèrent le bureau, laissant Gabriel seul.
Chris servait d’adversaire et en profita pour s’échauffer également, se tenant prêt pour toute éventualité.
Alain et Cean avaient fini par avoir la même idée et, en entendant du bruit dans cette salle d’entraînement, curieux, ils y jetèrent un coup d’oeil, et ils virent leur mère se battre avec Chris qui défendait. Parant chaque coup. Il était concentré et cela ressemblait à un combat unilatéral. Ils avaient rarement l’occasion d’assister à un entraînement sérieux de leur mère.
Ils s’échangèrent un regard, puis essayèrent de se remémorer la dernière fois qu’ils avaient pu regarder leur mère se battre. Cela remontait à trop loin. Lorsqu’ils étaient encore petits et qu’ils avaient l’habitude de la suivre partout.
Ils en eurent quelques sueurs froides de voir la différence de force entre elle et eux, et se jaugèrent mutuellement. Pensant la même chose, qu’ils devraient également s’entraîner plus souvent.
Ils avaient grandi et ils avaient suivi des cours, mais il était vrai qu’ils n’avaient plus eu d’occasion ni de raison de se battre sérieusement.
Ils n’osèrent pas déranger et s’en allèrent, utiliser une autre salle d’entraînement.
Chris les avait vu, leur mère étant dos à eux, et trop concentrée, elle n’avait pas fait plus attention.
Il jeta un regard rapide vers la porte entrouverte lorsqu’ils s’en allèrent.

— Es-tu prête ? C’est à mon tour.
Dit-il, avec un sourire mesquin sur son visage.

Elle était essoufflée et voyant son attitude joueuse, elle ne put que se détendre et lâcher un petit rire.

— Pardon, je crois que j’y suis allée un peu fort… ok, à ton tour.

Elle prit un peu de recul et changea de position de son corps pour être de trois-quart en face de lui, les poings levés, elle se balançait d’un pied sur l’autre. Prête à parer quelques coups, elle hôcha la tête en sa direction.
Il n’y alla pas de main morte. Il commença fort et cela la surprit. Il sourit un peu plus, la voyant prise au dépourvu, elle se repositionna et para les coups.
Son humeur taquine l’aida à relâcher la pression un instant, se prenant au jeu, elle laissa de côté ses angoisses et sa colère face au temps qui s’écoulait.

— Ca va mieux ?
S’enquit-il.

Elle lui sourit, transpirante, en guise de réponse.
Après leur session d’échanges. Ils sortirent de la salle et entendirent des éclats de voix dans une autre salle.
Elle s’étonna et interrogea Chris d’un regard.
Il haussa les épaules et l’incita à aller voir.
Elle ne se fit pas prier, et elle vit avec surprise ses fils.

— Ils sont venus jeter un coup d’oeil lorsqu’on s’entrainait.
— Je n’ai rien remarqué…
— Tu étais trop dedans en plus d’être de dos.
— … Parfois j’oublie qu’ils sont adultes et indépendants…

— Même s’ils ont de bons restes, ils devraient clairement revenir aux cours des confirmés.
Soupira Chris.

Ce qui fit glousser Alexandra.
Après leur séance, ils se dirigèrent vers les douches.
Les garçons dans la partie du vestiaire qui leur était réservée, Alexandra préféra rentrer chez elle.

*

Ce fut en pleine nuit qu’ils eurent des nouvelles des experts. Ils avaient réussi à trouver une trace infime du lieu possible d’arrivée du portail. Le résidu était faible mais ils étaient presque certains que c’était dans leur dimension, et la distance probable était vaste mais cela leur donnait un lieu où commencer les recherches.
La carte indiquait une région qu’ils connaissaient peu, rocheuse, montagneuse. Ils ne savaient même pas quelle éthnie occupait cette zone et la probabilité qu’elle soit hostile à leur égard était forte.

— Voici donc le périmètre possible… rien ne nous dit qu’elles soient là, mais au moins, cela nous indique un endroit où on peut commencer à enquêter.
— Ce n’est pas la porte à côté…
— J’ai déjà une équipe qui est partie faire un premier repérage, je préfere attendre leur retour avant de foncer tête baissée.
— Je suis d’accord… même si j’ai du mal à ne rien faire, je sais que c’est la décision la plus sage. Toujours rien sur une potentielle rançon… ?
— Rien. Personne d’extérieur n’a cherché à me joindre. Pas de message. À croire que ça n’a aucun lien avec nous.
— Ou alors… ils n’ont aucune intention de négocier…

Chris était resté songeur.
Etudiant le dénivelé de la carte, il finit par s’exprimer après avoir écouté les arguments des deux autres.

— On va avoir besoin de Ten’… je vais aller voir William et en discuter avec lui, déjà pour savoir si son état lui permet de nous accompagner… mais j’ai peur que sans lui, on n’arrive à rien. Il y a énormément de montagnes… cela leur offre un avantage et de quoi se cacher.

Alexandra se dirigea vers lui et attrapa sa main pour la serrer dans la sienne. Sans un mot.
Il se tourna vers elle et lui sourit tristement.
Son étreinte était plus forte.
Même s’il gardait son sang-froid, il était extrêmement inquiet et essayait de ne pas le montrer.
Elle resta à ses côtés et elle le connaissait assez pour savoir que cette situation l’affectait.
Elle lui apportait du soutient.

 

2021.06.09

Réconciliation

Cela faisait des semaines qu’Aurore était à l’extérieur.
Sa mère ne semblait pas inquiète, elle était avec Jasper et elle lui faisait confiance, à lui et à sa fille.
Son père était un peu plus inquiet et aurait pu aller la chercher directement si sa femme ne l’avait pas raisonné.

— Comment tu peux rester aussi calme… ?
— Elle nous avait déjà parlé de son désir de vivre en ville, qu’elle vole un peu de ses propres ailes. Elle n’est pas sans toit. Jasper est responsable.
— Mais… elle est encore si jeune !
— Non. Elle est majeure et elle n’est plus une enfant. Tu as du mal à couper le cordon parce que tu la considères encore comme ton bébé.
— Non ! … Peut-être… je suis juste inquiet. Je veux comprendre… Est-ce qu’elle nous en veut… ?
— Je ne pense pas… tu as peut-être mis trop de pression sur elle en lui disant que tu voulais qu’elle prenne la suite…
— Je sais… on en a déjà parlé… ce n’était pas mon intention, tu le sais bien…
— Quoi qu’il en soit. Elle a juste besoin d’expérimenter et d’un peu de liberté. Tant qu’elle ne fait rien de grave, laissons la prendre la distance dont elle a besoin. Pour l’instant. William est rentré l’autre jour et nous as rassuré sur ce qu’il en était, tu te souviens ?
— Si elle est en train de faire n’importe quoi, je lui passerai un savon !
— Je ne sais pas si tu es inquiet ou en colère, parfois.
— Un peu des deux. Comprends moi, on a aucune nouvelles d’elle. Elle est partie du jour au lendemain sans aucune explication.

Ils récupérèrent un message urgent et confidentiel.
Gabriel l’ouvrit, curieux de recevoir un tel courrier.
Alexandra était à ses côtés et lorsqu’ils lurent le contenu. Plusieurs fois.

— Il a dû se passer quelque chose. Tu connais le destinataire ?
— Non, mais j’ai déjà entendu parlé d’une certaine Chloé. Si je ne me trompe pas, c’est une vampire qui est installée en ville. Je vais demander à mes informateurs de me retrouver l’adresse exacte dans les archives.
— Qu’est-ce que cela veut dire… ? Est-ce que tu penses que c’est un piège ?
— … Les probabilités sont faibles, d’après mes sources, c’est une pacifique. D’où sa planque en ville. Ce n’est qu’un tout petit clan et nous provoquer n’est pas dans son intérêt.
— J’aurais bien proposé d’y aller mais tu sembles le plus qualifié… puis je pense que vous avez besoin de discuter avec Aurore.
— … J’irai demain matin, il est trop tard maintenant. Je te confierai les affaires à traiter de manière urgente et-
— Oui, ne t’en fais pas, je sais comment ça marche, depuis le temps.

Elle posa sa main sur l’épaule de Gabriel et lui adressa un sourire rassurant.

— Ne t’inquiète pas…
— Non, je ne m’inquiète pas. Si tu me dis que cette Chloé est pacifique, je te fais confiance.

*

Gabriel arriva en ville.
Il n’était pas à l’aise mais il n’avait pas le choix. Il était bien habillé : une chemise légère, un pantalon en jeans et un manteau long.
Il entra dans le bâtiment et se dirigea à l’accueil pour demander Chloé.
Vladislaw le reçut et il prévint de suite l’intéressée. Très peu de personnes étaient au courant de Chloé et la demander était chose rare.
Chloé arriva, aussi bien habillée que l’invité, elle se présenta et l’invita à la rejoindre dans un lieu plus approprié.
L’accueil n’était pas très éclairé, une lumière tamisée laissait voir les murs et le sol, mais les détails comme les visages n’étaient que peu visibles.
Gabriel ne se sentait pas en sécurité et il s’attendait à une embuscade, ou un piège. Il était méfiant.
Lorsqu’on lui dit d’attendre, il se tenait sur ses gardes.
Et il fut surprit, même s’il aurait dû s’y attendre, de voir une jeune fille à peine plus âgée que sa propre fille, le saluer et l’inviter à la suivre.
C’était perturbant. Il savait qu’elle était plus vieille que lui en terme d’âge, beaucoup plus âgée, mais son apparence physique était toute autre.
Elle vit sa réaction dans son regard, et ne put s’empêcher de sourire.
Ce n’était pas tous les jours qu’elle avait de voir cette surprise sur le visage des gens en sachant ce qu’elle était.

— Bonjour, vous êtes… le père, je présume ?
Demanda t-elle, avec sa politesse habituelle.

Elle le salua en lui tendant sa main pour la lui serrer.
Il eut un moment d’absence, ne sachant pas comment y répondre avant de tendre la sienne.
La poigne de la jeune femme était forte.

— Veuillez me suivre, nous allons discuter dans un lieu plus adapté.
Annonca t-elle.

En ouvrant la marche. Elle rassura Vladislaw qui était au guichet et emmena l’inconnu à l’intérieur, derrière la porte réservée au staff.
Il lui était étrange de voir cette personne si jeune, parler de manière si soutenue.
Lorsqu’ils arrivèrent dans la pièce ouverte qui ressemblait à un salon, il put enfin voir son interlocutrice avec une lumière plus forte, même si elle restait diffuse. Sa jeunesse était encore plus frappante.
Sa corpulence, la finesse de sa morphologie et de ses traits.
Elle le fit s’asseoir et commença à discuter plus amplement avec lui.

— C’est un honneur de vous rencontrer. Je suis Chloé, avant de commencer, est-ce que je peux vous offrir quelque chose à boire ?

Elle était confortablement installée dans le canapé et proposa cela sans arrière pensée mais son interlocuteur ne sembla pas le prendre ainsi.

— Enchanté. Gabriel. Non, merci. Est-ce que ma fille… ?

Il ne savait pas comment se comporter, il restait méfiant et sur ses gardes, observant ses alentours et se demandant si Aurore était vraiment là.

— Ne vous inquiétez pas, votre fille se repose dans une des chambres. Je souhaitais m’entretenir avec vous calmement au préalable.
Expliqua Chloé avec sa voix douce.

Gabriel resta silencieux et attendit, invitant Chloé à continuer.

— Je m’excuse pour cette invitation soudaine, c’est un des miens qui a pris l’initiative de ramener votre fille ici parce qu’elle était en danger.

Elle expliqua les détails puis montra la chambre de Nao et laissa Gabriel entrer et discuter avec Aurore.
Elle était réveillée, assise sur le lit, elle avait entendu leurs voix et elle appréhendait le moment où son père viendrait la récupérer.
Il fut aussi surpris de la voir, croyant que ce n’était qu’un piège, il avait eu tort.
Un peu gêné de ne pas savoir par quoi commencer leur retrouvailles, il s’avança un peu pataud jusqu’à elle.

— Est-ce que je peux m’asseoir à côté de toi… ?
Demanda t-il, craignant qu’elle ne refuse.

Elle acquiesça d’un mouvement de tête et se décala pour lui laisser la place.

— Bonjour, papa…
Répondit-elle, honteuse.

Elle ne savait pas de quoi exactement. D’avoir été confronté au danger où d’être partie de la maison ? Quel était le pire ?

— Bonjour Aurore… comment vas-tu… ?
— Ca va… mis à part… que tu aies dû venir jusqu’ici pour me chercher… je suis désolée…
— C’est rien, je peux prendre le temps de venir te voir, surtout si tu es en danger… ne sois pas désolée pour ça…
— Je… je suis aussi désolée d’être partie de la maison… sans rien vous dire…
— … Pourquoi tu nous as rien dit… ? On aurait pu en discuter sans que cela embête ton cousin… puis… est-ce qu’on a fait quelque chose ou dit quelque chose qui t’aurait fait penser le contraire… ?
— Non… c’est que… j’avais besoin de réfléchir… seule… pardon…
— … Maman a dit que je devais te laisser le temps, si elle ne m’avait pas raisonné, peut-être que je serai venu frapper chez Jasper et te ramener par la peau du cou sans tarder… je te dois peut-être des excuses… au sujet de ce que je t’ai dit sur la succession. Je ne voulais pas te mettre la pression. C’est vrai que je vois en toi les qualités pour et j’ai envie que tu prennes notre suite, mais ce n’est peut-être pas ce que tu souhaites. Tu es encore jeune et tu as le temps de choisir ta voie. Sache que si jamais tu le veux, peu importe quand, je serai ravi de te former.
— Merci… C’est vrai que j’ai eu peur… ça m’a fait peur d’avoir… de te decevoir… j’avais encore envie de vivre des nouvelles choses et des expériences… j avais peur de ne pas etre la fille modele que vous esperiez si je vous confiais ce que j avais vraiment envie de faire… puis… j avais besoin de faire le point…

*

Après s’être expliqués longuement dans la chambre, ils se serrèrent dans les bras.

— Est-ce qu’on rentre à la maison… ?
— Oui… je crois qu’il est temps…

Chloé était ravie qu’ils n’y ait pas de disputes et elle les laissa s’en aller.
Aurore s’inclina timidement et les remercia, elle et Nao qui n’était pas loin.
Inquiet pour Chloé, il s’était positionné en tant que garde à ses côtés et dévisageait Gabriel de manière intense et impolie.

 

2021.06.07

Illusion

Elle était venue dans cette maison où elle avait l’habitude de passer pour passer du bon temps et retrouver des amis, mais ce jour là, quelque chose clochait.
Elle était arrivée plus tôt dans la journée parce qu’elle n’avait ni de travail et n’était pas non plus étudiante.
Son amie avait l’habitude d’être là, c’était la propriétaire officieuse des lieux.
Elle ne travaillait pas ou peu, ce qui lui permettait de s’occuper de l’endroit, et en échange, ceux qui venaient ici lui apportaient souvent de quoi manger, des denrées alimentaires, des vivres, qu’elle pouvait consommer et ainsi continuer à mener ce train de vie.

Lorsqu’Aurore arriva, elle eut un mauvais pressentiment. Elle n’avait pas l’habitude de ressentir cela, mais aujourd’hui et en cet instant précis, elle n’était pas à l’aise et Ten’, qui l’accompagnait toujours, avait ressenti également quelque chose.
Il grognait et s’était avancé pour passer devant Aurore.
Elle avait peur.
Elle n’osait pas avancer dans ce lieu qui était d’habitude si accueillant.
Une boule dans la gorge et un poids dans l’estomac, elle s’avança prudemment pour avoir une vision d’ensemble.
Elle avait appris ça. Ce n’était vraiment pas grand chose et elle regretta de n’avoir pas suivi de manière plus assidue les cours que Chris lui avait donnée quand elle était plus jeune.
Elle observa la pièce à vivre, où se trouvait plusieurs canapés et une table basse.
Tout était rangé et propre ce qu’il signigiait que son amie était passée par là.
Aurore l’appela, à haute voix, en espérant une réponse.
Le son résonna dans la maison, sans réponse.
C’était angoissant.
Puis en s’approchant, elle aperçut le corps sur un des canapés. Il était allongé et la personne semblait s’être endormie mais quelque chose en Aurore craignait le pire.
Elle s’avança encore plus près, et elle reconnut son amie. Sa chère amie.
Elle voulut s’approcher et la toucher pour savoir si elle était encore en vie.
Elle ne savait pas comment réagir, elle avait envie de crier et hurler. Que se passait-il ?
Est-ce que c’était une mauvaise blague ?
C’était certainement le cas.
Une voix retentit derrière elle et l’arrêta.

— C’est un piège, n’approche pas.
Une voix masculine, froide et sèche prononça ces mots dans le creux de l’oreille d’Aurore, ce qui la fit sursauter.

Ten’ n’avait pas réagit, ce qui était étrange en y repensant, elle se souvenait de cette voix.
Elle se retourna et elle tomba nez à nez avec le jeune adolescent qu’elle avait croisé auparavant.
Elle était encore plus dans l’incompréhension.
Elle le regardait avec tellement de questions qui lui venaient à l’esprit qu’elle ne sut pas par quoi commencer.
Il ne l’aida pas et ne répondit en rien à ses questions non posées.

— Ne reste pas là. Sortez, et maintenant.
Dit-il, toujours aussi froid mais plus pressant.

Il lui attrapa le bras et l’entraina en dehors de la maison.
Ten’ les suivit aussitôt.
À l’extérieur, le garçon l’attira derrière un arbre et à l’écart de la maison.
Aurore était essoufflée et son coeur battait trop vite. Elle était encore secouée par les évènements.
Puis elle vit la maison prendre feu.
Elle se figea et était sur le point de s’effondrer quand le jeune homme posa sa main sur son épaule.

— Ce n’est qu’une illusion. Ce n’est pas réel. Quelqu’un en a après toi.
Aurore était en état de choc.

Est-ce qu’elle devait faire confiance à cet enfant ?
Est-ce que ce n’était pas plutôt lui, l’ennemi ? Pourtant Ten’ ne semblait pas être sur ses gardes.
Pendant qu’Aurore était perdue dans ses pensées, une attaque surgit de nulle part et allait s’abattre sur elle, Ten’ n’eut pas le temps de réagir et ne pouvait rien faire.
Le projectile magique fut dévié grâce au garçon qui poussa Aurore, il s’était jeté sur elle pour pouvoir éviter la trajectoire et il avait pu invoquer un bouclier qui dévia une partie de l’attaque.
Il ne regardait pas Aurore, il essayait de deviner d’où provenait l’assaut, malheureusement il n’avait pas eu le temps de voir et ils avaient été assez bons pour se camouffler à nouveau ou bien changer tout de suite d’endroit.
Il jura et se releva aussitôt, après avoir attendu assez pour s’assurer que la voie était libre.
Il tapa ses vêtements pour retirer les morceaux de feuilles mortes et la terre sur les tissus.

— Tu sais rien faire ?! T’as rien remarqué ? Tu n’es plus en sécurité ici.

Il continuait de guetter les environs, en craignant une autre attaque.
Il n’était pas spécialement agréable ni gentil avec Aurore et elle était trop en état de choc pour relever ses paroles.
Elle se força à se remettre debout, toute seule.
Cela ne lui était même pas venue à l’idée de lui demander de l’aide et il était trop occupé à scruter les alentours pour lui tendre la main.
Lorsqu’il la vit enfin debout.

— Suis moi.
Dit-il, aussi froidement qu’à son habitude.

Elle hésitait. Est-ce qu’elle devait vraiment le suivre… ? Il venait de la protéger, ce n’était pas rien.
Voyant son hésitation, il soupira.

— Je ne te veux rien, mais ça me ferait chier de te laisser mourir ici ou qu’on t’enlève alors que j’étais dans le coin. On discutera lorsqu’on sera arrivé.
Expliqua t-il, en essayant de paraître sympathique.

C’était le maximum de ce qu’il pouvait faire.
Elle se laissa convaincre, elle n’avait pas le choix. Elle ne pouvait pas retourner chez son cousin et le mettre également en danger.
Elle espérait qu’il allait bien. Elle ne pouvait que l’espérer.
Elle hôcha la tête et le suivit.

*

Ils faisaient presque la même taille, il était légèrement plus petit qu’elle. Il faisait si jeune même s’il se donnait des airs de grande personne. La manière dont il s’habillait pouvait le faire passer pour un jeune étudiant mais son physique était vraiment plus jeune.
Elle se demanda si ce n’était pas parce qu’il était asiatique. Elle ne voulait pas être raciste mais c’était son fil de pensée.
Elle le suivit sans rien dire, elle n’osait rien dire et Ten’ ne semblait pas s’en méfier.
Elle jeta un regard sur son chien, en pensant très fort qu’elle faisait confiance à son flair.
Ils sortirent du bois assez rapidement et se retrouvèrent dans les ruelles de la ville assez rapidement.
C’était plus rassurant d’être entouré d’autres passants mais il ne semblait pas baisser sa garde.
Ils empruntèrent une petite ruelle et entrèrent par la porte de sortie.
Enfin à l’intérieur, il faisait sombre, une lumière rouge tamisée était prédominante mais avec la soleil à l’extérieur, Aurore avait des taches sombres devant les yeux et il lui fallut quelques minutes avant de s’habituer et voir quelque chose.
Elle aurait pu avoir peur, elle était plus que vulnérable.

— Bon, maintenant qu’on est ici, on va pouvoir prendre notre temps pour parler.
— Qui es-tu, réellement… ? »
— Un vampire. Je crois qu’on nous appelle encore comme ça, dans ce monde ?
— Pourquoi tu m’aides… ?
— … J’étais dans le coin. J’ai vu que quelqu’un avait récupéré tes cheveux, et ça m’a paru assez louche pour que je mène mon enquête… on se fait chier quand on peut vivre des centaines d’années, ouais.
— Tu aurais pu me laisser…
— Oui oui, simple acquis de conscience. J’aurais eu du mal à dormir en sachant que j’aurais pu faire une bonne action… quelqu’un doit avoir une mauvaise influence sur moi… bref. Ca n’a pas l’air de t’étonner qu’on en ait après toi. T’es qui, au juste ?
— …
— Je t’ai révélé mon identité. Tu n’es pas une simple humaine, apparemment. Sinon ils n’auraient pas pris tes cheveux pour te traquer et monter ce stratagème.
— Je ne suis pas complètement humaine… est-ce que mon cousin ne risque rien… ?
— Je sais pas qui c’est, mais normalement il ne rsique pas grand chose. Avec tes cheveux ils ne peuvent traquer que toi.

Elle lâcha un soupir de soulagement.

— Pourquoi on en a après toi ? Ca n’a pas l’air de t’inquiéter alors que tu y passais si je n’étais pas intervenu.

C’était à son tour d’être curieux.
Il n’eut pas le temps d’avoir sa réponse qu’il entendit quelqu’un approcher dans sa direction.

— Hé, que vois-je ?! Tu as amené quelqu’un ?! Et tu nous la présente pas… ?
Flora arriva, mi-amusée et surprise de cette nouvelle présence.

Ten’ restait sur ses gardes mais ne montrait pas les crocs.

— Bonjour… comment s’appelle ton amie ?
Demanda Flora, curieuse.

Il ne sut pas quoi répondre.

— Ne me dis pas que tu ne sais même pas son prénom… je te pensais cavalier mais pas à ce point !
Flora semblait outrée. Il ne releva pas mais il avait déjà envie qu’elle s’en aille.

— … Aurore… je m’appelle Aurore. Excusez moi, nous ne sommes pas vraiment amis… il m’a aidé et…

— Attends. Il t’a aidé ?!
Flora était choquée au point de la faire répéter puis, après avoir jaugé son compagnon de haut en bas, laissa Aurore continuer.

— Eh bien… je n’aurais jamais cru ça de lui. Je vois que Chloé à quand même une bonne influence sur toi.
— Je… ne voudrais pas déranger.

Aurore avait vu à quel point l’arrivée de cette femme le mettait mal à l’aise, et elle préférait ne pas s’éterniser. Est-ce qu’elle était également une vampire ?

— Oh non, Aurore, c’est ça ? Tu ne déranges pas du tout, si Nao t’as emmenée ici c’est qu’il y a une bonne raison. Par contre, mieux vaut en parler avec Chloé, c’est elle qui commande ici. Suis moi. Nao, tu viens aussi.

— Il n’est pas méchant tu sais, juste un peu farouche. Pardonne lui.

Flora parlait de lui comme s’il n’était pas là et Aurore pouvait très bien l’imaginer pester intérieurement et rouler des yeux.
Elle préféra rester silencieuse.

— Oh, j’ai oublié de me présenter, tu peux m’appeler Flora.
— Merci… pour votre hospitalité…
— Ce n’est rien. Nous sommes une famille ici, c’est normal de s’entraider. Et tu seras en sécurité ici, pour le moment.

Ils se rendirent dans une pièce un peu plus éclairée, c’était au sous-sol et cela avait été amenagé comme une pièce à vivre, un salon assez grand et spacieux, confortable.
La lumière restait tamisée mais était plus douce, jaune orangée.
Cela ressemblait à un studio appartement avec 4 chambres à coucher.

 

2021.04.21

Ciseaux

Elle créchait chez son cousin favori et il était très généreux de la laisser dormir et vivre avec lui.
Même s’il l’adorait, cela lui permettait d’avoir un oeil sur elle en tant que famille et cela rassurait ses parents.
Elle n’était pas difficile à vivre puisqu’elle était souvent dehors pour ne pas trop empiéter sur l’espace de Jasper.
Puis elle rencontra ce groupe de personnes.
Elle aimait ces gens. Ils ne la connaissaient pas mais ils l’avaient acceptée comme elle était.
Ils ne savaient pas qu’elle était une princesse ni son milieu social. Elle était elle, et elle était paumée.
Ils l’étaient tous un peu aussi, paumés, jeunes et insouciants, plein de rêves. Ils profitaient de la vie sans trop se poser de questions.
Peut-être qu’ils se posaient beaucoup trop de questions, mais ensemble, ils avaient moins peur d’affronter le lendemain. Ils n’étaient pas seuls à galérer et ne pas savoir quelle direction prendre dans leur vie.
Elle sympathisa avec beaucoup de personnes différentes.
Elle découvra l’alcool, l’ivresse de cette boisson.
La cigarette, les drogues.
Elle avait cette chance d’avoir une amie qui l’avait prise sous son aile et qui l’encadrait lorsqu’elle avait gouté et expérimenté ses premières drogues.
Elle avait beaucoup lu, alors elle savait qu’elle devait faire attention à ne pas devenir dépendante, mais elle avait essayé.
Puis, elle s’était battue.
Malgré son caractère, on ne lui en avait pas tenu rigueur et c’était devenu une petite pique, une blague qu’on racontait de temps en temps.
Le jour où l’un d’entre eux la qualifia de princesse à cause de son apparence. Plus précisément de ses magnifiques et longs cheveux blonds.
Elle se remémora d’où elle venait et ce qu’elle était réellement. En colère, elle s’était coupée les cheveux sur un coup de tête.

— Hé, la petite princesse, là !
Un jeune homme un peu éméché l’interpela.

Il n’était pas méchant, il ne pensait pas à mal, p’tre même qu’il cherchait à faire son intéressant et attirer l’attention d’Aurore.
Ses amis l’arrêtèrent et se moquèrent gentiment de lui.

— Mec, arrête, t’es pas en état…
— À ta place je tenterai rien, déjà, il y a son chien, en plus, elle est du genre à chercher la baston…
— C’est bon. Je voulais juste être gentil. C’est vrai qu’elle ressemble à une petite princesse, avec ses cheveux longs bouclés, il y a pas un conte comme ça, déjà ?
— … Tu confonds pas avec boucle d’or ? Rien à voir, en plus c’est pas une princesse dans l’histoire.
— Ah ouais…

Aurore s’était retournée vers lui et elle s’était figée.
Ses cheveux longs lui rappelaient qu’elle était une princesse ? Foutaises. Elle ne voulait pas être considérée comme telle ici.
Elle chercha des yeux quelque chose et elle vit une grande paire de ciseaux dans un recoin de bureau.
Beaucoup de choses trainaient ici, dans cette maison abandonnée.
Avec les ciseaux dans sa main, elle s’approcha du garçon, qui se mit à paniquer. Ses amis aussi.

— Wow, euh du calme, je t’ai pas insulté, pose ça !
Dit-il en levant ses mains pour se défendre et reculant lentement.

Elle s’arrêta, puis coupa ses cheveux au dessus de ses épaules, laissant ses longues bouclettes s’échouer lentement sur le sol.
La coupe était inégale, après avoir fini, en passant ses doigts entre sa chevelure pour vérifier qu’elle n’avait pas oublié de longues mèches.

— Et comme ça, je ressemble encore à une princesse ?!
Demanda t-elle en le regardant dans les yeux.

— T’es tarée ma parole.

Tous les autres personnes présentes s’étaient arrêtées et l’observaient, estomaquées de ce qu’elle était en train de faire.
Elle tourna les talons pour reposer les ciseaux à leur place et retourna auprès de son amie, qui la regarda avec un sourire mi-amusée mi-choquée.

— Tes beaux cheveux… t’es sûre que tu vas pas le regretter… ?
Demanda t-elle, avec une pointe de tristesse.

— C’est que des cheveux, ça va repousser.
Repondit-elle en haussa les épaules.

L’autre pouffa de rire.

— T’es vraiment quelque chose. C’est ta fierté ou quoi ? J’arrive pas à y croire. Tu me surprendras toujours. Qu’est ce que ta famille va dire ?
— … Mon cousin va p’tre être surpris… j’espère que mon autre cousin va pas me faire la tronche… je continue de poser pour lui pour des photos…
— Ah bah ça… tu me diras, ça te donne un certain style…

Elle esquissa un sourire crispé et passa à autre chose.

*

— Pense à ramasser et jeter le reste de tes cheveux, quand même… je sais que les lieux sont pas en super bon état mais si on peut les conserver à peu près propres et agréables…
— E-excuse moi… je le fais tout de suite !

Elle avait alors jeté ses chutes de bouclettes dorées dehors, après avoir emprunté une pelle et une brosse, elle le vida au pied d’un buisson, un peu plus loin.
Ne se posant pas plus de questions.
Son ADN ne passa pas inaperçu.
Quelqu’un tapis dans l’ombre vint récupérer les cheveux et s’en alla aussitôt, aussi discrètement qu’il était apparut.

Quelques semaines après, William était passé la voir.
Elle ne voulait pas le voir et l’ignora. Elle s’en alla de l’appartement avec Ten’ mais William continua de la suivre jusqu’au bois.
Excédée, Aurore s’arrêta dans le bois et daigna discuter avec lui.

— Tu vas me suivre encore longtemps ?!
— Et toi ? Tu vas jouer à l’adolescente encore longtemps ? Tu sais à quel point tes parents et ta famille sont inquiets ?
— T’es venu jusqu’ici pour me dire ça ? Tu te prends pour mon père ? Pour mon frère ?!
— Peut-être, parce qu’eux n’osent pas et te gâtent en te laissant faire ce que tu veux. Tu t’en rends compte, au moins ? À quel point tu as de la chance d’avoir des parents aussi coulants ?! C’est facile de fuir et de rester chez ton cousin et vivre ta vie insouciante.
— Et alors… ? En quoi ça te concerne ? Je fais ce que je veux. Tu es jaloux ? Tu souhaiterais faire la même chose ?!
— Ca me concerne parce que tu ne vois pas ce que tu deviens en faisant n’importe quoi.

En entendant les voix hausser, les nouveaux amis d’Aurore vinrent voir et ils ne comprirent pas tout de suite le sujet de leur discussion.
Certains qui n’étaient pas spécialement proches d’Aurore prirent tout de même son parti, ce qui la surprit.

— Hé… c’est qui lui… ? Il te cherche des problèmes ? Parce que si c’est le cas, on va s’occuper de lui.

William n’avait pas peur. Il fut surpris qu’elle soit aussi entourée mais il savait se battre un minimum et les entraînements dans leur monde étaient plus sévères qu’ici. Il n’avait aucune crainte à se défendre contre plusieurs humains.
Il resta neutre. Il ne souriait pas pour les provoquer et il n’avait pas peur, cela le désolait et l’attristait s’il n’était plus possible de parler avec elle.
Il aurait pu avoir la mission indirecte des parents d’Aurore de la ramener à la maison, mais ce n’était pas ça. Il s’en fichait s’il décevait ses parents, par contre il avait un lien fort avec elle. Il l’aimait et la voir se détruire ainsi lui était insupportable.
Il voulait l’aider à aller mieux et la soutenir dans ses choix, sans avoir l’impression de la perdre et qu’elle mette sa santé en danger.
Il avait eu les échos de Jasper qui lui avait raconté pour l’alcool et les drogues, et cela l’inquiétait terriblement.
Il ne dit rien et attendit qu’Aurore décide.

— Merci les gars… mais ça va aller. C’est quelqu’un que je connais… pardon pour le bruit, on va aller discuter ailleurs… et parler moins fort.
S’excusa Aurore.

Un des garçons attrapa l’épaule d’Aurore avant qu’elle ne se dirige vers William.

— T’es sûre, hein… ? Tu peux compter sur nous s’il te fait chier.
Lui dit-il en ne prenant même pas la peine de baisser sa voix.

Elle lui sourit en réponse et acquiesça.

— Oui, c’est gentil, ça va aller.

William fut à moitié rassuré lorsqu’elle vint le voir.
Ten’ la suivit et semblait heureux de revoir William.
Ils se posèrent sur une souche d’arbre tombée lors d’une tempête, certainement.
William était également content de revoir Ten’ et le câlina pendant leur discussion, avant que Ten’ ne se pose auprès d’Aurore et se repose, bercé par leurs voix.

— Bon, qu’est ce que tu veux… ?
Demanda t-elle aussitôt, boudeuse.

— … Merci de prendre le temps de discuter avec moi, déjà.
— … Ouais… fais vite, je n’ai pas que ça à faire…
— Wow, mais depuis quand tu parles comme ça… ?
— …

— Tu me détestes à ce point… ?
Demanda t-il, à demi-mot, mais son regard était sur Aurore.

Il voulait savoir le véritable fond de sa pensée. Est-ce qu’elle avait changé au point de ne plus l’encadrer.
Elle n’osait pas le regarder. Peut-être avait-elle honte au fond d’elle.
Il attrapa son menton, gentiment, pour qu’elle se tourne vers lui.

— Hé, mes sentiments n’ont pas changé pour toi. Ca me fait de la peine de te voir comme ça, tu veux pas qu’on en discute… ? Je ne suis pas là pour tes parents, mais parce que je m’inquiète personnellement. Parle moi… qu’est-ce que je n’ai pas compris ?
— … Tu ne comprendrais pas…
— Essaye… ?
— Je ne suis pas une princesse ici. On ne reste pas avec moi parce que les gens connaissent mes parents. Tu peux pas savoir à quel point ça fait du bien d’exister pour moi… on ne me juge pas pour mon statut. J’aime cette liberté…
— Est-ce que tu te sentais prisonnière avec moi… aussi ?
— Non, bien sur sûr que non ! Avec toi je pouvais être moi-même. Mais c’était une exception… j’avais constament peur d’être jugée et de ternir l’image de mes parents…

Il la serra dans ses bras. Il aurait souhaité l’embrasser mais il ne savait pas s’il pouvait se le permettre.

— Promets moi juste de prendre soin de toi…
Dit-il, dans un murmure.

— … Je sais pas ce qu’on a pu te raconter, mais même si j’ai pu goûter à de la drogue et qu’il m’arrive de boire de l’alcool, je te rassure que c’est toujours en bonne compagnie et que je reste maîtresse de moi-même… toute drogue n’est pas mauvaise… je fais très attention à ne pas devenir accro…
Essaya t-elle d’expliquer.

William écouta ses arguments avec attention avant de l’étreindre un peu plus fort.

— Ok… je te fais confiance alors. Excuse moi de m’être emporté… tu sais à quel point je tiens à toi…

Ce à quoi, Aurore préféra garder le silence
Elle se contenta de lui rendre son étreinte.

— Je crois que je n’ai plus rien à faire ici… je vais rentrer… fais attention et je vais rassurer tes parents… est-ce que tu comptes rentrer bientôt ?
— Pas tout de suite… mais oui, il va falloir… je sais que je leur dois des explications…
— Je te laisse alors. Je crois que tes amis ne m’apprécient pas trop, je ne préfère pas les recroiser…
— T’es sûr que tu ne veux pas rester un peu avec nous… ?
— Non, ça ira. Je te fais confiance. Je ne voudrais pas gâcher l’ambiance, allez, à plus Aurore !

Il s’en alla, sans demander son reste.
Lorsqu’Aurore revint dans la maison, pour rejoindre ses amis, ils la dévisagèrent et la questionnèrent.

— C’était qui ?
— Il te voulait quoi ?

Elle n’eut qu’à dire la vérité.

— C’était mon ex…
Répondit-elle simplement.

Ce qui en dit long sur le fait qu’elle ne voulait pas en parler d’avantage. La réponse était parfaite pour qu’elle n’ait pas plus de curiosités et elle ne trahissait rien en terme d’informations privées sur elle.

*

Une fois, Aurore arriva dans la maison et elle était étrangement vide.
Jusqu’à ce qu’elle tombe sur le corps endormi dans une position étrange de son amie, sur le canapé.

 

2021.04.20

Ursidés

Ils avaient fait de leur mieux pour se rapprocher de leur destination mais ils ne coupèrent pas à une seconde nuit à la belle étoile.
La tente fut installée en un rien de temps et ils purent dîner avec quelques récoltes locales.

— On n’est plus très loin. On devrait arriver demain sur les coups de midi si on se dépêche.
— Je ne pensais pas que c’était aussi loin.
— Il n’existe pas de route dégagée, impossible d’y aller avec une voiture, à la limite on aurait pu y aller à cheval…
— Je n’étais pas spécialement pressée et je me disais que ça me ferait du bien de faire un peu de camping dehors…
— Si les alentours n’étaient pas si dangereux… quand je pense que tu voulais faire ce voyage seule !
— Ok, d’accord, j’avais sous-estimé le danger ! Mais il n’avait pas l’air méchant non plus…
— Et s’il t’avait viol-
— Ok ok, effectivement, j’ai eu tort ! Ca te va… ?
— Mouais…

— J… je vais aller me coucher, je suis vraiment épuisée de cette courte nuit…
Bailla t-elle.

— À qui le dis-tu… allons-y. Reposons-nous, cette fois.

Ils s’endormirent aussitôt mais quelque chose réveilla Gabriel au beau milieu de la nuit.
Cette fois-ci, Alexandra continua à dormir à poings fermés.
Il sortit voir ce qui le dérangeait. Une présence persistante, nombreuse.
Il restait sur ses gardes mais il fut pris au dépourvu quand il vit un groupe d’ours sortir de l’ombre et l’encercler. Ils étaient plus grands et plus larges que lui.

— Que fais un humain dans notre forêt ?!
S’exprima celui qui semblait être à la tête du groupe.

La fourrure parsemée de blanc mais d’un brun foncé et brillant. Il s’avança.

— Bonsoir… excusez-nous, nous ne sommes que de passage, ma femme et moi-même, nous cherchons à atteindre la ville à quelques kilomètres d’ici. Nous serons partis dès demain à l’aube.
Expliqua Gabriel en restant courtois.

Il était seul et ces créatures étaient beaucoup trop nombreuses s’il venait à devoir se battre, c’était la défaite assurée.

— … Je ne sens pas la présence de votre femme. Est-ce que vous cherchez à nous duper, humain ?!
Renifla l’ours, debout sur ses pattes.

— Non, je vous assure. Notre tente possède une barrière magique pour masquer notre présence… mon épouse dort profondément, elle n’entend pas ce qui se passe en dehors…

Les ours étaient méfiants et Gabriel ne savait pas quoi faire pour les convaincre de sa bonne foi.
Tout ce qu’il pouvait espérer, c’est que cela ne tourne pas mal.
Le champ de force autour de la tente était assez puissant pour empêcher les intrus d’entrer, si jamais la situation devenait dangereuse, Alexandra devrait être sauve.

— Réveillez la.
Une voix grave avec beaucoup de coffre s’éleva.

Gabriel n’eut pas d’autre choix que d’obéir.

— ‘Xandra…
— Hm… ?
— Nous avons un problème…
— Hmm…
— Il faut que tu te réveilles, il y a des habitants de la région qui nous attendent dehors…
— Hein… ? Mais il est quelle heure… ?
— Je sais… ne les faisons pas attendre…

Elle se leva, la tête à moitié embrumée et ils sortirent tous les deux.
Et elle se figea à la vue des ours.
Elle était trop endormie pour avoir senti leur présence et son coeur fit un bond dans sa poitrine.
Elle s’accrocha à Gabriel, et fut complètement réveillée à présent.

— Gabriel… ?
— Je suis là…

Il était au moins aussi rassuré qu’elle mais il devait faire mine de gérer la situation.

— Séparez les.
— Quoi ?
— Il est hors de question ! On était censé discuter calmement ! Ma femme reste avec moi !
— Gabriel !

Les ours les encerclèrent et ils furent plusieurs à se mettre entre Gabriel et Alexandra. Elle fut emmenée de force loin de lui et interrogée.
Tout en elle lui disait qu’elle ne devait pas se débattre. Ils faisaient le double de sa taille en hauteur et en largeur, ils auraient pu la réduire en bouillie sans le moindre effort, alors elle les suivit à contre-coeur. Mais pas sans parler.

— Il doit y avoir un malentendu, nous ne voulons pas de problème et nous cherchions juste à passer la région-
— Nous savons. Suivez nous sans un mot. On vous expliquera la situation.

Lorsqu’elle fut amenée dans une hutte, tout fit sens. On lui expliqua qu’une cheffe ourse était blessée et malade depuis quelques jours et qu’ils n’arrivaient pas à trouver l’origine de son mal.
Malheureusement elle était trop têtue pour demander de l’aide a des guérisseurs et n’accepte de recevoir que des femmes. Et cela ne court pas les forêts.
Les étrangers ont trop peur d’eux et depuis qu’il y a des pièges tendus contre eux, ils sont beaucoup plus méfiants également.
Qu’ils soient étrangers à la région est plutôt une aubaine, mais leur cheffe ne peut toujours pas faire confiance aux hommes. Elle tolère les femmes.

— Est-ce que vous pouvez l’examiner, s’il vous plaît ? On ne fera rien à votre époux. C’est juste pour le garder à distance.
— Je peux voir ce que je peux faire… mais je ne vous promets rien. Ma spécialité n’est pas la guérison mais j’ai appris quelques bases.
— Merci, ça sera déjà beaucoup.

Et elle rencontra la cheffe qui était en très mauvaise forme. Elle grogna puis referma les yeux. Elle était très affaiblie.
Alexandra en eut le coeur brisé.
L’ourse avait plusieurs blessures dues à un combat pas équitable. Plusieurs coupures sur ses extrémité à des stades différents et surtout certaines qui s’étaient infectées, sans oublier la présence de poison.
Le même poison qu’Alexandra ne pouvait pas toucher.

— Je connais une infirmière qui pourrait la soigner mais là… il lui faut de véritables soins d’urgence. Elle est vraiment affaiblie. Est-ce qu’elle mange ?
— Pas assez… elle n’a plus beaucoup d’appétit et même ses mets favoris ne l’intéressent plus…
— Elle doit souffrir énormément, je détecte la présence de poison. Je peux essayer de lui guérir les blessures superficielles mais celles avec le poison… je risque d’avoir besoin de mon mari…
— Ce n’est pas possible. Nous ne pouvons pas autoriser votre mari à venir ici.
— Je veux vraiment vous aider mais il y a une chose qui est hors de ma portée.
— Nous verrons apès, alors. S’il vous plaît.
— Je vais essayer, mais elle est très affaiblie.

L’ourse avait un éclat niché sous la peau, près d’organes vitaux et Alexandra savait que c’était ce bout de corps étranger qui posait problème pour la guérison.
Elle prévint et essaya de le retirer via la magie. Elle essayait de le déplacer précautieusement.
Un cri d’agonie retentit dans la forêt.
Alexandra resta imperturbable.

— Vous avez entendu ce bruit ?
Demanda Gabriel, qui avait fini par s’asseoir, s’avouant vaincu et ne pouvant pas s’échapper de sa prison vivante d’ours.

Les ours avaient levé leur museau puis ignoré la question de Gabriel. Ils savaient ce que c’était et comptaient sur leurs pairs pour gérer la situation.

Lorsqu’elle réussit à extirper le bout métallique magique qui suaintait de poison, elle fit bien attention à ne pas entrer en contact avec.
Elle invoqua sa magie d’eau pour nettoyer la plaie des résidus de poison, et déplaca l’eau sale loin d’elle.
Elle ne savait pas quoi faire de plus, ses connaissances étaient basiques.
Pour aider à la cicatrisation, elle utilisa alors sa propre énergie vitale. Comme la guérison n’était pas son domaine, elle n’arriva pas à doser et utilisa trop de son essence.
L’ourse cheffe reprit un peu de couleurs.
Mais ce fut au tour d’Alexandra de ne pas se sentir bien.

— Merci… humaine.
— Je… je vous en prie, c’est… vraiment pas grand chose. Vous devrez vraiment voir un vrai guérisseur pour soigner vos plaies. Ce n’est pas ma spécialité, j’ai peur d’avoir omis des détails importants-

Elle tituba et commença à avoir du mal à se maintenir droite.

— Est-ce que tout va bien… ?
Demanda une autre ourse, voyant leur invitée regarder dans le vide et se figer.

Elle essayait de faire en sorte de ne pas avoir le vertige mais la sensation était trop étrange.
Elle commença à voir les tâches qu’elle reconnut aussitôt.

— Je vais…

Elle posa une main au sol pour se stabiliser et elle sombra. Le noir.
Les ourses paniquèrent et la transportèrent dans une autre hutte. Ils retournèrent auprès de son compagnon pour le prévenir.
On l’emmena auprès d’elle et lorsqu’il la vit, son coeur fit un bond dans sa poitrine.

— Qu’est-ce que vous lui avez fait… ?!
La colère l’emporta et les ours l’immobilisèrent.

— Calmez vous, elle s’est juste évanouie, on croit…
— Lâchez moi !
— Si vous promettez de vous calmer.

Ils lui expliquèrent la situation et leur reconnaissance, il essaya de se contrôler pour ne pas s’énerver et alla à ses côtés pour l’examiner et s’assurer qu’elle n’avait rien, pour de vrai.
Elle ne resta pas inconsciente longtemps.
Allongée, elle reprit ses esprits assez rapidement et elle raisonna son époux.

— Hey…
— Hey, toi… que s’est-il passé… ?

Il la serra dans ses bras, mort d’inquiètude.

— J’ai essayé de guérir leur cheffe…
— J’ai compris…
— Comment elle va ?

— Beaucoup mieux, grâce à vous.
Une voix prit la parole pour leur répondre.

— Tant mieux alors…
— Nous nous excusons pour nos manières mais lorsqu’on a vu que vous étiez une femme, nous avons saisi notre chance. Nous ne faisons pas confiance aux hommes…
— Il lui faudra de véritables soins.
— Merci pour votre aide, nous serons reconnaissants à vie.

— Bien, est-ce que nous pouvons retourner à notre tente… maintenant ?
S’impatienta Gabriel.

— Oui bien sûr, nous pouvons également vous prêter cette hutte si vous avez moins confortable.
— C’est gentil mais nous allons retourner dans la notre.

Il aida Alexandra à se relever et se tint prêt à partir.

— Laissez nous vous raccompagner.

Il gromela mais ne refusa pas sa proposition, Alexandra lui avait donné un coup de coude dans les côtes.
Les ourses firent un signe et un ours vint vers Alexandra, et la souleva.
Gabriel ne put rien faire, il contesta mais une ourse lui expliqua que c’était la moindre des choses.
Alexandra était réchauffée par la fourrure de l’ours qui la portait, serrée dans ses bras.
Elle était comme dans un cocon douillet et le remercia lorsqu’ils furent enfin arrivés.
Il ne fit pas de commentaire, et se contenta de souffler par ses nasaux.

Gabriel revérifia qu’elle allait bien, par acquis de consicence et véxé de n’avoir pas pu s’interposer.
La nuit fut encore courte.
Le lendemain matin, alors qu’ils venaient de sortir de la tente pour la replier et chercher de quoi prendre le petit déjeuner.
Des oursons et des ours vinrent à leur rencontre avec des baies et fruits déjà préparés, sur un énorme plateau.
La cheffe, encore faible mais qui allait beaucoup mieux maintenant tirée d’affaires, les salua et les remercia à nouveau, surtout Alexandra. Elle ignora pratiquement Gabriel.
Assise sur un tronc d’arbre coupé, l’ourse s’assit sur une natte que des mâles lui apportèrent, et elle commença à discuter avec Alexandra d’égale à égale.
Gabriel posa son manteau sur les épaules de son aimée, l’embrassa sur le dessus de sa tête pendant qu’elle écoutait attentivement les explications, et alla s’asseoir un peu plus loin, près des mâles.
Ils lui expliquèrent que leur tribue était matriarcale et que les mâles étaient considérés comme inférieurs.

— Ce n’est pas le cas chez vous ?
Demanda un des ours, curieux et surpris par leur comportement.

— Non… ? Je dirais que c’est plutôt 50/50, même si techniquement, je suis à la tête du domaine… Alexandra est mon épouse et elle a au moins autant de légitimité que moi… je le pense.
— Impressionnant… nous avons rarement le choix ici… alors commander…

 

2021.02.20

Marchand itinérant

La tente installée, ainsi que la barrière magique, ils se posèrent à l’intérieur.
Il faisait encore jour mais le soleil était sur le point de décliner. Il avait été sage de commencer à mettre en place leur installation pour la nuit, tant qu’ils y voyaient encore.
Elle avait ramassé quelques branches de bois sec et ils avaient décidé de l’emplacement.
Ils étaient complémentaires et le montage se déroula sans accroc.
Ils étaient en plein milieu de la forêt.
Le lit était un bloc de racines dans lequel il y avait assez de feuilles mortes pour former un nid douillet.
Un drap assez épais fut posé par dessus pour servir de matelas.
Ils voyageaient léger.
La magie aidait grandement mais certaines choses étaient vitales comme la nourriture.
Leur dernier repas était déjà loin.
Gabriel partit chasser un petit animal tandit qu’Alexandra était allée ramasser des baies et des fruits comestibles.
Ils n’étaient pas loin d’un point d’eau et Gabriel revint assez rapidement avec du poisson qu’ils grillèrent autour d’un petit feu de bois.
Il semblait s’amuser comme un enfant.
Lorsqu’il fit nuit noire, éclairé que par les flammes de leur feu, ils se ressèrrent dans les bras l’un de l’autre et Gabriel lança un sort d’eau pour éteindre proprement les dernières braises avant de retourner dans leur tente de luxe.
Ils se couchèrent habillés parce qu’il ne faisait pas assez chaud pour dormir nus, et qu’il n’y avait pas de couverture. Le drap couette servant de matelas prenait déjà une grande place en plus de leur sacs de voyage.
Leur cape-manteau servirent de petite couverture.
Alexandra s’était roulée en boule dans la sienne et Gabriel s’était collé à elle pour lui donner en plus un pas de sa cape, et la prendre dans ses bras.
Elle semblait déjà s’être endormie et il ne tarda pas à la rejoindre au pays des songes.

Elle se réveilla, d’un coup, dans l’incapacité à se rendormir. Elle avait assez dormi mais il faisait encore nuit et elle pouvait deviner qu’ils étaient en plein milieu de la nuit.
Quelque chose n’allait pas et elle sut tout de suite qu’il y avait une présence dehors. Pas loin de la tente.
Elle ressentit sa présence mais Gabriel dormait à poings fermés.
Elle s’extirpa du lit en douceur pour ne pas le réveiller. Elle allait s’en charger.
Il gromela quelque chose mais se rendormi aussitôt lorsqu’elle se leva.
Elle sourit et sortit de la tente.
Elle ne fit pas quelques pas dehors qu’elle sut à peu près où se trouvait l’intrus, si elle pouvait l’appeler comme ça.
Elle s’arrêta et regarda autour d’elle. Une boule de lumière qu’elle avait invoquée éclairait faiblement les alentours.

— Que voulez-vous ? Sortez de votre cachette.
Dit-elle, en continuant de scruter autour d’elle.

Elle restait sur la défensive. Qui cela pouvait bien être ?
Elle n’eut pas à attendre longtemps que la présence se manifesta.
Une forme humaine, en tunique légère, la peau brune et les cheveux mi-longs, clairs. Ses yeux brillaients d’une couleur dorée. Son apparence était étrange.

— Ah, je ne suis pas déçu d’avoir tant attendu, délicieuse étrangère.
— Qui êtes vous ?!
— Un simple habitant de la forêt des plaisirs. Amusons nous un peu puisque nous sommes ici.

Elle ne comprenait pas, la forêt des plaisirs ? C’est vrai qu’elle n’avait pas regardé les zones alentours sur sa carte lorsqu’elle avait prévu ce voyage. Vaguement elle se rappelait qu’il y avait un lieu qui s’appelait comme ca, un peu plus loin, mais elle ne connaissait pas bien ses habitants.
Non, elle était prête à l’attaquer.

— Tu ne veux pas jouer ? Je ne te veux que du bien, tu peux te détendre, je ne te ferai aucun mal.
— Non, merci, partez.
— Ne dis pas ca.

Il avança vers elle, il s’approcha et elle recula.
Elle était prête à le frapper.
Lorsqu’il s’approcha trop près, tendant sa main vers elle, c’est ce qu’elle fit, elle repoussa violemment sa main, et il eut un mouvement de recul.

— Aïe, mais ça fait mal. Pas la peine d’être aussi violente.
— Je vous ai dit de partir. Je ne sais pas ce que vous voulez mais je ne suis pas intéressée.
— T’es une farouche… ça va me donner du fil à retordre mais c’est amusant…

Des racines vinrent enlacer les chevilles d’Alexandra et la prit par surprise. Elle tenta de se dégager immédiatement mais des lianes descendant des arbres tombèrent sur elle et lui agrippèrent les bras et le cou.
Elle était en danger.
Elle bougea, rapidement pour se dégager à temps, elle avait sous-estimé son adversaire. Destabilisée, elle était maintenant tombée par terre.

— Je suis dans mon habitat, tu n’arriveras pas à me vaincre aussi facilement.

Il s’approcha d’elle mais elle se débattait, et malgré les lianes qui entravaient ses mouvements, elle essayait de le frapper et elle réussit presque, s’il n’avait pas attrapé ses bras pour l’en empêcher.
Elle tenta de lui donner des coups de pieds.

— Oh, mais calme toi ! Je ne vais pas te blesser !
S’exclama t-il, dépassé par cette furie qui ne voulait pas baisser sa garde.

Il la fit inhaler des spores et elle retint sa respiration, le plus longtemps qu’elle put avant de ne plus pouvoir. Elle respira contre sa volonté ces particules fines, elle toussota et essayer de souffler pour dégager l’espace, sans succès. C’était trop tard.
Il pensa et commença à se réjouir qu’elle se laisserait maintenant faire.
Il avait tort. Elle s’arrêta de gigoter pendant quelques secondes avant de se débattre à nouveau.

— Mon aphrodisiaque n’a aucun effet… ? Impossible !

Il avait tort mais elle ne dit rien.
Elle avait ressenti les effets sur son corps. Une chaleur étrange l’avait envahi dans son bas ventre et tout son corps lui criait de se laisser porter par cette agréable sensation.
Elle avait un mental d’acier, du moins c’est ce qu’elle croyait.

— Tu ne me laisses pas le choix…

Elle sentit des picotements dans ses bras.
Lorsqu’elle regarda, des épines étaient en train de s’enfoncer dans sa chair au niveau de ses poignets et elle hurla. Pas très longtemps.
Une substance pénétra dans son sang, elle sentit comme un liquide froid couler dans ses veines et se propager sous sa peau.
Puis plus rien. Elle perdit connaissance.

— Que vais je faire de toi, maintenant… ? Attendre que ton compagnon vienne… ?

Il put l’observer de plus près, maintenant qu’elle était immobile, suspendue par les branches et les racines, les lianes l’entourant.
Il ne risquait plus d’être blessé par un coup de sa part, à présent.
Il caressa ses courbes de ses mains, elle ne pouvait pas réagir et il fut presque déçu de n’entendre aucun son sortir de sa bouche.
Il n’eut pas à attendre longtemps, son partenaire sortit de la tente quelques minutes après. Ne voyant pas revenir sa femme, il fut réveillé et inquiet.

Il avait ouvert les yeux après avoir tâté le lit et ne pas avoir sa femme à ses côtés.
Le cri qu’elle avait poussé n’avait pas réussit à lui parvenir. La tente avait été édifiée sous une barrière magique qui coupait les sons et bruits parasites pour assurer un confort optimal.
Il se rappela qu’elle lui avait dit quelque chose, ou pas, mais elle était sortie. Elle devrait être revenue, mais sa place avait eu le temps de refroidir.
Une angoisse l’envahit, puis il remarqua la présence d’un étranger à l’extérieur. Cela ne le rassurait pas, mais la présence de sa femme n’était pas loin. Elle nétait pas loin.
Il sortit de la tente en restant sur ses gardes, il observa les alentours, s’attendant à une embuscade.
Ils n’étaient pas loin. À une dizaine de mètres de là.
Et lorsqu’il vit cet étranger, il ressemblait à un homme mais il n’en était pas sûr, caresser sa femme. Il vit rouge.
Il était sur le point de le frapper, lorsqu’un nuage de spore vint l’entourer et, pris au dépourvu, il en inhala une partie.
Son érection fut tout de suite visible, à travers son pantalon, et l’inconnu ne se priva pas de le commenter.

— Oh, je vois que monsieur est plutôt bien monté. Vous voulez peut-être vous amuser av-

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Gabriel avait continué son chemin et lui avait écrasé son poing sur son visage, l’envoyant valser plusieurs mètres plus loin, contre un arbre, et raclant le sol.
Il délivra sa femme qui, détachée des lianes et des épines, commença tout de suite à reprendre ses esprits, dans les bras de son époux.
À moitié consciente, elle essaya de lui parler mais ses mots n’avaient aucun sens.
La colère était grande dans la poitrine de Gabriel, et il tremblait lorsqu’il la serrait contre lui.
Il vérifia rapidement qu’elle n’avait rien, et son attention retourna sur le trouble fêteur qui était en train de se relever tout en se massant la joue.

— Bah dis donc, vous êtes du genre violent. C’est pas comme ça qu’on salut quelqu’un qui vous veut du bien…
— Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous allez me le payer. Qu’avez vous fait à ma femme ?!
— Oh là, il y a un malentendu, je n’ai voulu que son bien, j’ai juste dû l’endormir pour ma propre sécurité. Je ne vous veux aucun mal, croyez moi !

L’étranger commençait à paniquer, il ne comptait pas se battre contre lui, ni contre eux, si elle reprenait ses esprits.
Le voyant dubitatif, il continua ses arguments pour se défendre.

— Si j’avais voulu vous faire du mal, j’aurai pu tuer cette délicieuse femme pendant qu’elle était inconsciente… je vous en prie, laissez moi dissiper ce malentendu.

— C’est qui ce… malade… ?
Réussit à dire Alexandra, qui entendait ce qui se passait sans trop réussir à se relever.

— Je ne me suis pas présenté, quel idot je fais. Je suis un habitant de la forêt des plaisirs, on m’appelle Baïfa. J’ai senti votre présence non loin de notre région et je me suis dit que je pourrais vous faire un petit cadeau de bienvenue. Nous avons très peu de visite par chez nous…
— Sans blague, si vous accueillez ainsi tous les visiteurs.. pas étonnant que tout le monde évite votre territoire… !
— Que diriez-vous d’un petit champignon de notre cru ? Il ne nécessite que très peu d’entretien et il procurera un plaisir non négligeable à quiconque souhaiterait l’utiliser, j’en ai de différentes tailles et couleurs, de quoi satisfaire tous les goûts-

Gabriel s’en alla en ignorant le dialogue de vente, il retourna dans la tente pour y allonger sa femme et ressorti régler son différend avec le vendeur.

— Je vous l’offre, alors ne partez pas ! Nous avons mal commencé notre rencontre… pour vous, nous avons des modèles plus adaptés pour votre profil… que diriez-vous de cette mousse ? Elle épouse parfaitement la forme de votre pén-
— Ca ne m’intéresse pas. Ca ne nous intéresse pas et allez vous-en avant que je vous refasse l’autre côté de votre mâchoire.
— … Ne soyez pas comme ça, monsieur… c’est un présent, même des présents ! Je ne vous demande rien en retour !
— Sans façon. Partez avant que cela ne devienne désagreable pour vous.
— Mais… je n’ai rien fait de mal…
— Si c’est ce que vous pensez vraiment, vous allez devoir réfléchir sérieusement à vos actions…

Gabriel invoqua une bourrasque et l’inconnu disparut aussitôt de son champs de vision.
Retournant dans la tente, il se précipita auprès d’Alexandra qui était en train de reprendre ses esprits.

— Est-ce que… comment te sens-tu… ? Je suis tellement désolé… je…
Il était pataud et il ne savait pas quoi dire tellement il se sentait coupable.

— Gabriel… ça va…
Elle tendit la main vers lui pour le calmer. Il l’attrapa aussitôt et l’embrassa.

Assis à ses côtés, il l’enlaça.

— Il ne t’a pas… ?
— Non, je ne crois pas… je n’ai rien, mis à part ces satanées ronces… je crois que je vais bien. Qu’est-ce qu’il voulait… ?

Il la serrait dans ses bras musclés de toutes ses forces, comme s’il avait peur qu’elle disparaisse.

— Aucune idée. Je l’ai fait partir. Je ne pense pas qu’on puisse discuter avec lui.
— … Tu vas finir par me briser les os, si tu continues…
— Pardon… je m’en veux tellement…
— Ne le sois pas, j’ai été imprudente, c’est totalement de ma faute… alors cesse de te tourmenter et finissons cette nuit qui est déjà trop courte…

Il la regarda dans les yeux, et passa ses doigts sur sa joue avant de l’embrasser sur le front.

— D’accord… nous en discuterons demain… enfin dans quelques heures.

Il s’allongea près d’elle, et elle se blottit contre lui pour dormir.

— C’est… ton érection que je sens contre mes fesses… ?
— Oui… excuse moi, c’est l’aphrodisiaque de tout à l’heure qui fait encore effet… n’y prête pas attention…
— Et… tu vas réussir à t’endormir avec cette érection… ?
— … Peut-être.

Elle se retourna pour lui faire face.
Elle le regarda dans les yeux, il avait les joues rouges et il détourna son regard.
Elle approcha son visage du sien, et l’embrassa sur le coin de sa bouche, puis sur ses lèvres.
Il l’attrapa avec fougue pour lui rendre son baiser.
Elle avait eu trop honte de lui avouer, mais l’aphrodisiaque lui avait également fait de l’effet. Elle avait tout fait pour se contrôler et ne rien laisser paraître mais elle avait envie de lui.

— Notre nuit est déjà écourtée…
Dit-elle, à demi-mot, entre deux baisers passionnels.

Il grogna en réponse. Trop occupé à la caresser et la déshabiller.
Heureusement que la tente avait une barrière magique qui isolait le son dans les deux sens.
Ils purent laisser exprimer leur émoi sans se soucier de déranger le voisinage.

Le lendemain matin, ils n’étaient pas très frais.
Il l’embrassa dans le cou, pendant qu’elle essayait de se relever, décoiffée et nue, sous les capes qui avaient servi de couverture. Elle s’habilla et se recoiffa tandis qu’il la regardait, amusé.

— Qu’est-ce que tu es belle…
— Arrête de dire des sottises et dépêche toi… on lève le camp, il nous reste encore du chemin…
— Oui, oui… je serai prêt en un rien de temps, laisse moi juste t’admirer encore un peu.

Elle bailla et elle sortit de la tente pour se débarbouiller au point d’eau le plus proche.
Elle sentit la présence de l’inconnu et n’attendit pas comme hier qu il s approche pour l attaquer et l immboliser.

— Qu’est-ce que tu me veux cette fois ?!
— … Je… j’ai réfléchi à ce que votre mari a dit… hier soir… et je tenais à m’excuser… même si je ne comprends pas vraiment pourquoi… est-ce que vous pouvez me libérer… ? Je promets de ne rien faire…
— Au moindre geste suspect, je te sectionne un membre, compris ?!

Alexandra décida de le relâcher et attendit qu’il s’exprime.

— Euh… merci… enfin… est-ce que vous pourriez m’expliquer ce que j’ai fait de mal… hier soir ? Je sais que nos coutumes peuvent être différentes des autres éthnies, mais ça me dépasse…

Elle soupira.

— C’est peut-être pour ça qu’effectivement, les voyageurs évitent votre région. On ne force pas les gens, comme tu las fait hier soir. Même si c’est pour leur « faire du bien » comme tu le dis. S’ils ne sont pas d’accord, c’est non. Compris ?! Ca sappelle du harcèlement sexuel par chez nous.
— Harcèlement… ?! Oh non, ce n’est rien de tel-
— Ca ne se fait pas, c’est tout. C’est clair ? Je n’ai pas donné mon accord hier soir, et maintenant je veux qu’on me laisse tranquille. À cause de toi j’ai passé une nuit très courte !

— Ah, j’ai cru sentir que vous en aviez quand même profité !
S’exclama t-il, fier de lui.

Elle devint rouge et s’en alla, en l’ignorant.

— Je l’ai véxée… ? Mais il n’y a rien de mal à profiter des plaisirs de la vie… ces gens sont vraiment bizarres… chez nous, on ne se prend pas autant la tête. Hey, ne partez pas !

Il la suivit et ce fut au tour de Gabriel d’intervenir, il le projeta contre un autre arbre, avec la force de ses avant-bras qu’il cala sous son menton.

— Ne t’avise pas de t’approcher de nous une fois de plus, ou je t’explose la tête, la prochaine fois.
— … Oui monsieur…

Une voix au loin se fit entendre.

— Laisse le, Gabriel, on s’en va…

Alexandra était en train de réunir ses dernières affaires. La tente était déjà démontée.
Il le relâcha et retourna auprès d’elle.

— T’es sure… ? Je pourrais le finir maintenant.
— Ca n’en vaut pas la peine. C’est une culture différente, on fera attention à le signaler la prochaine fois qu’on passe pas loin de leur région.

Elle ignorait totalement l’habitant de la forêt, et il eut un pincement au coeur.
Il ne voulait pas causer du tort à son peuple par ses actions.

— S’il vous plaît… je ne veux pas que vous ayez une mauvaise image de mon peuple…

À voir son état abattu, Alexandra eut un peu de sympathie, Gabriel lâcha un soupir de désapprobation.

— Le problème, c’est que je crois que c’est le genre de situation qui arrive beaucoup trop souvent. Vos agissements nuisent à votre réputation.
— Je…

— Si vous êtes encore dans les parages à votre retour, nous en discuterons. J’ai peut-être une idée mais là nous sommes pressés
Finit par dire Alexandra.

— Tu es sure… ? Ou c’était un stratagème pour qu’il arrête de nous suivre… ?
Demanda Gabriel, en chuchottant.

— Non, je suis sincère… peut-être qu’une boutique pour adultes serait la bienvenue, dans notre région. Qu’en penses-tu… ?
— … C’est vrai que nous n’en avons pas… ça pourrait être une idée… tu es…
— Je n’ai encore rien décidé, on devra en discuter plus sérieusement après notre voyage d’affaire… !

 

2021.02.07

Sans défense [R-18]

Elles étaient toutes les deux portées comme des choses. Les bras des personnes qui les soutenaient ne semblaient pas de très bonne humeur d’effectuer cette tâche, mais le travail devait être fait, et correctement.
On les emmena à pieds, puis un portal s’ouvrit et on l’emprunta pour arriver enfin à destination.
Le climat était un peu plus doux, encore en plein air, l’entrée du domaine était proche.
Le portail se referma derrière leurs pas.
Lorsqu’on arriva dans le hall, une servante en chef les acceuilla et leur signifia qu’il fallait les emmener dans une pièce particulière.
Les petites mains n’eurent pas d’autre choix que d’obéir sans effectuer le moindre commentaire en face de cet employée. Il ne fallait pas la vexer.
On les jeta dans cette sorte de cave ou pièce à débarras.

Le temps s’écoula et Hélène fut la première à retrouver conscience.
Elle avait quelques douleurs mais cela restait supportable, le temps qu’elle comprenne leur situation.
Il faisait noir complet, la pièce n’était pas éclairée et elle était allongée sur le sol.
Elle pensa à sa soeur, et tout en tâtonnant autour d’elle, elle se mit à l’appeler.
Ses mains finirent par toucher quelque chose, et c’est avec appréhension qu’elle essaya de deviner si ce qui était sous ses mains était quelque chose qu’elle reconnaissait, si c’était un corps et s’il était encore vivant.
Elle entendit gémir.
Aurore était en train d’émerger également, et les mains d’Hélène qui étaient en train de la tripotter l’avaient un peu dérangée dans son sommeil.

— Aurore ! C’est toi ?!
— Hmm… oui, Hélène… ? Où est-ce qu’on est… ?
— Aucune idée… je viens aussi de me réveiller… J’y vois rien… et toi… ?
— Hmmm, ma tête… attends, je dois pouvoir invoquer un peu de lumière…

Elle utilisa un peu d’énergie pour faire apparaître une lumière chaude au creux de sa main, progressive et leurs yeux eurent un peu de mal à s’habituer et voir plus précisément ce qui les entouraient.
Lorsqu’elles comprirent dans quelle genre de pièce elles se trouvaient, elles tremblèrent d’effroi et elles se prirent dans les bras.
C’était une salle de torture. Des instruments de toutes sortes étaient installés un peu partout, également sur les murs. Des crochets de suspension au plafond.
Des chaînes et menottes, des fouets, martinets…
Hélène se leva et essaya d’ouvrir la seule porte qu’il y avait. Sans succès, mais elle ne pouvait pas rester là, à ne rien faire et ne rien tenter
Elles avalèrent leur salive sans oser rien dire.

— Je… j’espère que Ten a pu s’en sortir…
Prononca Aurore, en essayant de se rassurer comme elle pouvait. Ca restait une chose positive.

— Avec un peu de chance… il aura pu rentrer à la maison et peut-être prévenir les parents… putain oui, nos portables !

Elle sortit son appreil mais sa joie fut de courte durée. Le réseau était inexistant.
Aurore fit de même, même résultat.

— Tout va bien se passer…
Dit Hélène pour rassurer Aurore et se rassurer, pour ne pas céder à la panique.

— Oui…
Répondit Aurore, sans trop de conviction.

Elle se serrèrent dans les bras l’une de l’autre en attendant leur sort.

*

La porte s’ouvrit avec fracas.
Elles sursautèrent et se tournèrent vers l’origine du bruit. Elles ressèrent leur étreinte.
La lumière s’alluma et elles virent l’homme qui entra dans la pièce. Il était grand, musclé et il marchait le dos droit et il les regardait de haut, comme si elles étaient des esclaves ou des insectes.
Un sourire mesquin sur son visage, il semblait se délecter de la peur qui envahissaient les jeunes filles au sol.
Elles se relevèrent presque en hâte et Hélène s’interposa tout de suite, souhaitant protéger Aurore. Elle fit un pas en avant et décala sa soeur derrière elle.
Elles essayaient de se donner une certaine consistence, mais aucun son n’arrivait à sortir de leur bouche.
Il s’avanca jusqu’à Hélène et s’arrêta devant elle pour l’observer. Amusé par son comportement.

— Qu’est-ce que vous voule- ?!
Finit-elle par demander.

Il la giffla. Une claque du revers de sa main qui résonna dans la pièce et qui envoya valser le corps de la brunette comme si ce n’était qu’une poupée.
Elle tomba par terre, déboussolée.
Aurore étouffa un cri. Elle s’agenouilla vers sa soeur pour empêcher l’homme de faire plus. Ou pire.

— Apprends où es ta place, gamine.
Sa voix était grave et grondante, sans aucune émotion.

Un rictus satisfait de la punition qu’il venait de lui infliger.
Aurore se tint entre sa soeur et lui.
Il s’approcha d’elles et il attrapa Aurore par les cheveux pour la mettre debout.
Elle essaya de ne pas crier, pour ne pas lui donner cette satisfaction mais des larmes de douleur étaient au coin de ses yeux.
D’une seule main, il la tennait et d’un coup de pied, il fit déplacer le corps de sa soeur sur un demi-mètre.
Aurore ne voulait pas se laisser faire mais elle n’avait presque plus d’énergie magique.
Le peu qu’elle réussit à faire apparaître, fut de petites ronces qui sortirent de ses cheveux pour s’enfoncer dans la main de son agresseur.
Il ne réagit pas et observa ce spectacle, mi-amusé.
Les épines n’arrivaient pas à pénétrer sa peau et il n’en souffrait pas.

— C’est toi la petite princesse. Pitoyable. C’est tout ce que tu sais faire ?

Aurore ne tenta pas de répondre. Elle essayait de se concentrer sur la douleur dans ses cheveux et se tenir sur la pointe de ses pieds pour moins souffrir.
Il la tira et la jeta contre un mur où se trouvait une croix sur laquelle on pouvait attacher quelqu’un via des chaînes.
D’un geste, il utilisa une force invisible pour tenir la blonde les membres écartés sur la croix et dans un autre bruit, des sortes de menottes se refermèrent sur ses poignets et ses chevilles, la laissant à sa merci.
Il fit demi-tour et alla chercher Hélène en la trainant au sol et lui réserva le même traitement, sur une croix en face de sa soeur.

— Qu-est-ce que vous allez nous faire ?!
Cracha Hélène qui ne tenait plus, la rage bouillait en elle.

— Oh, tu es du genre à avoir besoin d’une bonne correction, toi. Ta soeur semble plus intelligente et docile.

Il lui attrapa la mâchoire ce qui résultat que Hélène essaya de lui mordre un doigt en dégageant son visage.
Il lui donna une seconde claque et elle lui cracha dessus.
Il lui rendit un coup de poing dans le genou, puis il s’essuya le visage dans les vêtements de sa prisonnière.
Aurore avait le coeur meurtri de voir sa soeur ainsi.
Hélène riait de manière démente. Ne connaissant pas de limite et Aurore aurait voulu l’empêcher d’attiser la colère de leur ravisseur qui était en train de tourner ses talons et d’aller voir Aurore.

— C’est facile de nous tabasser alors qu’on est attachées, sale lâche.
Provoqua Hélène.

— C’est quoi ton problème, petite ? Tu veux que je te tue sur le champ ? Tu sais dans quelle situation tu te trouves exactement ?
Repondit-il, sans même s’énerver. Presque exaspéré.

— Si tu tiens si peu à la vie. Je peux exaucer ton souhait, petite insolente.
— Que de la gueule, oui !
— Tu risques de regretter tes paroles.

Il s’approcha d’elle à nouveau.
Et Aurore paniqua. Elle ne savait pas ce qu’Hélène cherchait à faire mais cela ne présageait rien de bon. L’homme était dangereux, elle l’avait ressenti et Hélène devrait le savoir. Pourquoi cherchait-elle à le provoquer de la sorte ?
Il la détacha, contre toute attente.

— Vas-y, essaye donc de me toucher.
Dit-il, par défi.

Elle était en piteux état mais elle avait toujours la volonté de se battre, rebelle comme elle l’était.
Elle se tint prête et essaya de le frapper mais il para tous ses coups.
De temps en temps, il contre-attaquait et envoyait Hélène reculer sur plusieurs mètres.
Elle était de plus en plus essoufflée et lorsqu’elle s’arrêta d’essayer de le frapper, ce fut à son tour de répliquer. Et il n’y alla pas de main morte.
Les coups étaient puissants et Hélène était maintenant à terre ne pouvant même plus se relever.
Elle avait peut-être même perdu connaissance.
Il se rapprocha à nouveau d’elle pour peut-être l’achever.

— Arrêtez… ! S’il vous plaît, par pitié… ne la tuez pas… elle ne savait pas ce qu’elle disait… je vous en prie…
Finit par s’exprimer Aurore, d’une petite voix tremblotante et en cherchant le regard d’Hélène.

L’homme arrêta ses pas et se retourna, surprit.

— Le petit oiseau a donc une voix. Ta soeur semble avoir perdu la tête, qu’est ce que tu vas faire pour sa punition ? Tu veux te sacrifier pour elle ?
— Je… oui. Si vous la laissez partir, je ferai ce que vous voulez…
— Qu’est ce qui te dit que j’ai besoin de toi ? Tu essayes de marchander ? Vous ne savez même pas ce que vous êtes pour moi. Vous êtes juste des jouets que j’ai ramassé et dont je vais me débarrasser sous peu. Dès que cela ne sera plus divertissant.

Aurore déglutit.

— Cependant je ne suis pas un monstre, je tiens ma parole si tu trouves quelque chose d’intéressant à m’offrir en échange.
— Je… utilisez moi comme bon vous semble… mais laissez ma soeur tranquille… laissez la partir…

Il rit à gorge déployée.
Elles restèrent silencieuses, attendant son verdict.

— Tu as de l’audace. Je ne libèrerai pas ta soeur, par contre je veux bien l’épargner si tu me fais jouir.

Il détacha Aurore d’un coup, elle faillit s’échouer par terre mais ne fit que trébucher avant de réussir à retrouver son équilibre.

— Suce-moi.
Ajouta t-il en faisant glisser son pantalon jusqu’à ses chevilles.

Aurore n’eut pas d’autre choix, même réticente elle devait le faire et elle remercia le ciel que sa soeur ne soit pas en état de voir ça.
Lorsqu’elle eut fini, elle était en train de recracher le sperme dans sa bouche sur le sol, et elle avait envie de vomir.
Hélène reprit connaissance qu’à ce moment là et vit l’homme remonter son bas d’un air satisfait.

— Effectivement, tu sais te servir de ta bouche, petite.

Il s’en alla en refermant la porte derrière lui et laissant les deux filles dans le noir.

— Aurore… que s’est-il passé… ?! Parle moi…
— …
— Ne me dis pas qu’il t’a forcé à…
— … C’est rien, Hélène…
— Pourquoi… ?!
— En échange de ta vie…
— Je… ! Aurore… je suis tellement désolée… je ne voulais pas…
— Je sais… ne t’inquiète pas… c’était rien… mais promets moi d’arrêter de le provoquer… tu sais qu’il est dangereux… il allait vraiment te tuer…
— Je… je sais… pardonne moi… je pensais pas qu’il était aussi fort… Rah ! Ca m’énerve… ça devait pas se passer comme ça… !

Elle serra sa soeur dans ses bras.

*

Elles n’avaient aucune notion du temps qui passait et lorsqu’il revint, il n’était pas seul.
D’autres hommes étaient là.

— Amusez-vous avec la brune.
Dit-il tout simplement.

Ils attrapèrent Hélène et l’emmenèrent au milieu de la pièce, la séparant d’Aurore, qui contesta.

— Vous m’aviez promis que vous laisseriez ma soeur tranquille ! Menteur !!
S’époumona Aurore, hors d’elle.

— Du calme, petite furie, j’ai tenu parole. J’ai dit que je ne la tuerai pas. Mes hommes veulent juste se distraire, je ne vais pas leur refuser cela. Qui serais-je pour leur en empêcher, hein ?

Hélène était paniquée mais elle avait promis qu’elle arrêterait de le provoquer alors qu’elle avait qu’une seule envie, de cracher son venin et les insulter mais elle ferma sa bouche et essaya de réfléchir à des mots plus adéquats.

— … Prenez moi à sa place. Echangez moi… !
S’exclama Aurore, voyant le regard effarré d’Hélène qui ne semblait absolument pas prête par ce qui allait suivre.

— Quoi… ?! N-non, Aurore, ne fais pas ça…

Un des homme posa sa paume sur sa bouche pour la faire taire et des larmes coulèrent sur ses joues.

— Que dis-tu, ma petite… ? Ca t’a pas suffit hier… ? Tu te sacrifies encore une fois pour ta soeur ? C’est beau cet amour entre soeurs, mais est-ce que tu penses être capable d’encaisser ce que j’avais prévu pour ta soeur ?

— Je peux. Laissez moi prendre sa place
Répéta t-elle, sûre d’elle, sans une once de peur.

Il claqua des doigts et ses hommes lachèrent Hélène qui s’effondra au sol, impuissante.
On lui mit une boule dans la bouche pour l’empêcher de parler ce qui eut effet de la faire baver.
Des liens furent apposésà ses poignets.
Dubitatif, celui qui semblait commander, fit signe à ses hommes de s’occuper d’Aurore, qui fut détachée.
Elle se massa rapidement les poignets, là où les menottes serraient sa peau, et se tint droite.

— Ma soeur n’a pas besoin de voir ça…

— Oh si, bien au contraire…
Sourit-il, satisfait.

Aurore n’eut pas le choix.
Les hommes l’embarquèrent au milieu de la salle, et la déshabillèrent en arrachant presque ses vêtements.

— Interdiction d’éjaculer en elle. Est-ce que c’est clair ? Si vous tenez à votre troisième jambe.
Ajouta t-il sur un ton sévère et autoritaire.

Il connaissait ses hommes et leur lubricité.
Il devait être du genre à tenir ses paroles puisqu’aucun ne chercha à jouer avec le feu.
Il était à côté d’Hélène et il lui tenait le visage pour qu’elle continue de regarder ce qui se passait sous ses yeux.

— Ca serait dommage de rater ce spectacle… ta soeur se sacrife pour que tu n’aies pas à subir ça. N’en perds pas une miette.

Hélène essayait de détourner le regard, fermer les yeux, mais les sons étaient terribles.
Le bruit des coups de rein et des suçons, des va-et-vient dans la bouche de sa soeur, ou bien des fluides dans ses parties intimes, rien n’allait.
Aurore faillit vomir à plusieurs reprises, les hauts le coeur lorsque les hommes peu intentionnés lui enfonçaient trop loin leur membre dans sa gorge, les sons étaient clairs dans la pièce.

— Non… ne regarde pas…
S’exprima Aurore entre ses sanglots, malmenée.

Un des hommes posa sa grande main sur sa bouche pour l’empêcher de s’exprimer plus.
Ils ne l’épargnèrent pas et cela sembla durer sans fin, au bout d’une bonne heure, cela n’était pas encore fini et chaque homme voulait prendre son pied et profiter de ce corps.
Ceux qui avaient déjà éjaculé, l’avait fait dans sa bouche, sur son visage ou sur son corps et elle était poisseuse de fluides et de transpiration.
Elle ne tenait plus debout et elle avait fini par abandonner, relâcher ses muscles, à bout de force.
Les hommes la maintenaient de manière à pouvoir continuer de la pénétrer.
L’un la portait pendant que l’autre la culbutait, ou alors les deux pouvaient s’introduire en elle par ses deux orifices. La douleur était telle qu’elle s’était mordue les lèvres jusqu’au sang.
Lorsqu’ils l’eut recouverte de leur foutre, ils la laissèrent au sol, à moitié consciente et les larmes aux yeux.
On relâcha Hélène qui se précipita sur sa soeur, inconsolable.
Elle bouillonnait de rage et elle priait intérieurement qu’ils paient tous un jour où l’autre, d’avoir fait cela.
Aurore avait trop honte pour croiser le regard de sa soeur, et Hélène s’en voulait trop d’être coupable de ce qu’elle venait de vivre.
Elles restèrent silencieuses, sans trop quoi dire.
Hélène n’osa pas toucher Aurore, elle ne se sentait pas légitime de pouvoir l’effleurer.
Elles étaient impuissantes dans cette situation.
Elles n’étaient pas assez fortes pour les battre, et au vu de l’état de fatigue d’Aurore, elle n’était pas dans la capacité de faire quoi que soit avec sa magie.
Hélène devait se contrôler pour ne pas se jeter dans la gueule du loup, et que cela retombe encore sur sa soeur. Elle prenait son mal en patience tout en les maudissant tous autant qu’ils étaient.

— Emmenez les dans la salle d’eau.
Prononça la voix grave et toujours sans émotion.

Des hommes vinrent vers elles, et c’est avec panique qu’elles se firent transporter jusqu’à une autre salle.
Aurore n’était pas encore revenue de son état à moitié consciente, se fit trainer par les bras, et Hélène dut se lever et avoir l’air la plus docile mais elle n’arriva pas à se laisser faire à 100%.
On les jeta dans une pièce avec juste des toilettes et des douches, carrelée du sol au plafond.
On les laissa et on referma la porte.
Aurore était à moitié nue avec le peu de vêtements qui lui restaient sur la peau.

— Aurore…
La voix d’Hélène était faible, une émotion indescriptible.

Elle ne savait pas comment s’adresser à sa soeur qui s’était sacrifiée. elle se sentait terriblement coupable et désolée.
Aurore reprit ses esprits et mit tous ses efforts à se relever. À moitié assise, elle essayait de recouvrir son corps avec les lambeaux qu’on lui avait laissé comme vêtements. Honteuse, elle n’osait pas regarder Hélène, et ne savait pas non plus comment réagir ni lui parler.

— Je suis désolée… Hélène… que tu aies dû voir ça…
Prononca t-elle, les larmes aux yeux, la douleur en elle.

Hélène se mordit la lèvre, de voir Aurore dans cet état et surtout qu’elle s’excuse pour cela alors qu’elle n’avait rien fait de mal.
Elle lui sauta dans les bras pour la serrer contre elle, et la rassurer. C’était la seule chose en son pouvoir.

— … Qu’est-ce que tu racontes ?! Pourquoi t’es désolée… ?! C’est de ma faute si tu as dû faire ça… pourquoi ça serait à toi d’être désolée… ?! C’est moi… je suis désolée que tu aies subi ça à ma place…. pourquoi… ?!

— Viens, on dirait que c’est une sorte de salle de bain… il y a des toilettes… est-ce que tu veux y aller en premier… ? Je vais utiliser la douche… si ça te va…
— D’accord…

Aurore tituba jusqu’aux toilettes et elle dut s’installer en étant dans la même piece que sa soeur, mais elle n’était plus à se préoccuper de ce genre de détails après ce qu’elle avait pu voir juste avant.
Malgré cela, elle cacha son visage dans ses mains en étant plus que gênée par les bruits qui sortaient de son postérieur. Elle se vidait de l’air qui avait pu entrer en elle à cause des hommes.

— On a grandi ensemble, Aurore… vraiment, ne t’en fais pas pour ça…
La rassura sa soeur, du mieux qu’elle put.

Pour l’aider à passer outre, elle enclencha l’eau de la douche pour recouvrir une partie des sons, ce qui la soulagea.
Lorsqu’elle finit, elle retira ses vêtements pour pouvoir se nettoyer.
Il n’y avait rien, que de l’eau.
Alors elle se rinça, longuement, de la tête aux pieds.
Laissant couler l’eau chaude, presque brûlante, la réchauffer et lui faire oublier les douleurs que son corps avait subi.
Il n’y avait même pas de serviette pour s’essuyer.
Elles restèrent alors sous le jet de la douche pour ne pas attraper froid.

— Ce sont vraiment des raclures… nous laisser dans cette pièce sans savon, sans papier toilette, sans serviette… je sais même pas si on devrait être reconnaissante qu’il y ait au moins l’eau chaude…

Aurore préféra rester silencieuse. Elle était perdue dans ses pensées. Sa magie ne marchait pas. Elle n’était pas assez forte… pourtant elle avait déjà réussi des exploits sans le vouloir mais dans cette situation, elle n’y arrivait pas… ou bien elle était trop épuisée pour pouvoir manifester correctement ses pouvoirs.
Hélène remarqua qu’elle était ailleurs, sa soeur regardait ses mains sans rien dire, son esprit était parti loin. Elle n’osa pas la rappeler sur l’instant présent. Elle venait de subir un viol, tout de même.
Alors elle lui laissa le temps nécessaire, elle se tut.
Elles durent arrêter de se rincer et elles essayèrent de se sécher comme elles purent puis se rhabiller, à moitié mouillées. C’était mieux que rien et rester nues.
Hélène tournait en rond et n’arrivait pas à rester sur place sans rien faire tandis qu’Aurore s’était assise dans un coin sec, à réfléchir à cette situation.
Elles espéraient toutes les deux que ce n’était qu’un mauvais rêve, ou que leurs parents et leur famille viennent vite à leur secours, elles étaient totalement impuissantes.

*

Elles entendirent le verrou et Hélène se rapprocha d’Aurore, toujours sur ses gardes.
La porte s’ouvrit et on les emmena dans une autre chambre.
Elles traversèrent les couloirs en terre et de roches. Hélène essayait de

 

2021.03.26

Route de montagne

Les cheveux longs et légèrement bouclés. Toutes les deux dans la voiture.
C’est Hélène qui conduit, elles vont faire une petite virée dans les montagnes, rien que toutes les deux.
Elle est brune et à la peau légèrement hâlée tandis que sa soeur est pâle, les cheveux blonds.
Dur de croire qu’elles soient soeurs.
Aurore a les yeux vairons et Hélène a les yeux marrons foncés comme ceux de leur mère.
La musique tourne dans le lecteur et c’est dans la bonne humeur qu’elles roulent.
Hélène est prudente mais elle aime la vitesse et fait rugir le moteur de temps en temps, lorsque la route lui permet. Pour faire peur à sa petite soeur, pour la taquiner. Aurore la réprimande et la sermonant de faire attention, ou de regarder la route.
Il y a encore une bonne heure de route,  » est le moment de rattraper le temps en papotant et en se racontant les dernières nouvelles.

— Tu ne m’as jamais racontée pourquoi tu avais cassé avec William.. Il t’a fait quelque chose… ? Si c’est le cas, ne t’en fais pas qu’on va aller lui en toucher deux mots !

— Non ! Bien sur que non !
Répondit-elle outrée.

— C’est juste que je voulais expérimenter de nouvelles choses… ce n’était pas compatible avec mes projets et je préférais casser que de le garder en otage, tu sais…
— Oh… je vois. C’est vrai que maman et papa le voyaient déjà comme leur gendre, tellement vous étiez bien ensemble, mais je comprends. Enfin, c’est pas pour te faire regretter ton choix, hein !
— Oui oui, ne t’en fais pas. On reste de bons amis… même un peu plus parfois…
— Ah bon ?! Petite cachotière !
— C’est pas de ma faute ! C’est un trop bon amant… !
— Ah bah d’accord, je comprends mieux !
— Comprendre quoi ?! Et toi? Hein ? T’es en couple ?
— Hum… on va peut-être passer sous un tunnel…
— Oui oui, c’est ça, allez crache le morceau !
— Bon d’accord… j’en ai pas encore parlé aux parents… Alain est au courant mais c’est tout… c’est encore assez récent mais je suis avec un humain… il est un peu plus jeune que moi. Voilà.
— Quoi, voilà ? T’as une photo ? Il est comment ? Tu me le présentes bientôt ?
— Wow wow, du calme. Erm… je dois avoir des photos de lui sur mon téléphone, tu peux regarder si tu veux…
— T’es sure ? Je ne vais pas tomber sur des photos bizarres ?
— Oh, mademoiselle, j’ai rien de bizarre sur mon tééphone ! C’est toi qui fait un boulot chelou, je te signale !
— Ok ok, je retire ce que j’ai dit.

Elles rirent et Aurore débloqua le téléphone de sa soeur pour regarder dans les photos.
Elle vit la bouille de quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. C’était une photo un peu floue mais plein de charme, un jeune homme blond, aux cheveux ébourrifés et aux lunettes rondes, souriait timidement à la caméra, et semblait avoir voulu échapper au cliché.
Une autre photo où il regardait ailleurs et n’avait pas remarqué qu’on le prenait en photo. Ses yeux étaient d’un bleu clair brillant et ses longs cils lui donnaient un air angélique. Il faisait jeune et avait quelque chose de très innocent.

— Il s’appelle comment ? J’aimerai bien le rencontrer, moi.
— Ah… ! Il travaille pas très loin de la boutique et généralement on prend juste la pause déjeuner ensemble… je lui en parlerai…

Le reste du trajet se passa sans encombre avec d’autres anecdotes.
Elles arrêtèrent la voiture pas loin de l’entrée de la zone forestière et elles marchèrent.
Il n’y avait personne et elles pouvaient continuer leur conversation tout en ayant la possibilité d’utiliser leurs pouvoirs. Hélène n’en avait pas réellement mais Aurore pouvait s’en donner à coeur joie. S’entraîner à utiliser ses pouvoirs et impressionner sa grande soeur.
Ten’ avait dormi sur la banquette arrière tout le long du trajet et pouvait maintenant se dégourdir les pattes. Il courrait partout et sautait de joie, plein d’énergie.

— L’autre fois, un ancien des cours de mon père est venu me voir pendant ma pause…
— Tu veux dire, te voir, ici ?
— Ouais, j’étais au parc et j’attendais mon copain…
— Oh non. Il était amoureux de toi, c’est ça ?
— J’en sais rien ! Mais il m’a tellement énervée ! À me dire ce que je dois faire, que je gâchais mon talent ou quoi, que maman n’approuvait pas ! N’importe quoi ! Rien que d’y penser… !

Elle donna des coups dans le vide pour extérioriser sa colère et Aurore la regarda, en se tenant à l’écart et n’osant rien dire pour ne pas ajouter de l’huile sur le feu.

— Bref, on s’est battu et mon copain a vu ça. J’avais trop honte… !
Hélène se cacha le visage dans ses mains et se mit à chouiner.

— Tu devais être trop classe. Avoue, il a dû kiffer.
— Je crois… j’avais tellement peur de sa réaction, mais il m’a embrassée !
— C’est un lover ton copain !
— Il est trop mignon, mon coeur fond à chaque fois que je le vois…
— Ahah, t’es complètement amoureuse, hein !
— Roh ça va. J’ai le droit d’expérimenter ça à mon âge ! Tout le monde n’a pas eu la chance de tomber sur le prince charmant aussi tôt que toi !
— William est un prince charmant, pour toi ?
— Un peu, non ? Il fait charmeur aussi. Je me suis toujours demandée s’il était pas gay, à tout le temps être collé à Cean et pas avoir de copine.

Aurore pouffa de rire.

— Non mais c’est vrai ! Il était loin d’être moche et je ne l’avais jamais vu avec une fille… avant toi.
— Tu vas me dire que t’avais un crush sur lui ?
— Absolument pas ! C’etait le genre de mec à faire n’importe quoi à l’école, juste pour attirer l’attention. À se demander comment Cean a fait pour ne pas mal tourner avec ce genre de fréquentation… c’était le genre de mec populaire par son charisme, il me sortait par les trous de nez.
— Eh bah dis donc, il est habillé pour l’hiver là. Tu m’en avais jamais parlé…
— Bah… c’était assez étrange de le voir en dehors de l’école. Après le lycée. J’aurais jamais imagine qu’il puisse être aussi sérieux avec le taf de ses parents.
— Je t’avais raconté qu’il était venu une fois me chercher au lycée ?
— Il venait souvent te chercher, non ?
— Oui mais la première fois, il est venu dans ma classe, me chercher.

Hélène s’arrêta et dévisagea Aurore.

— Ouais.
— Il est débile ou quoi.
— J’ai cru mourir de honte, personne était encore au courant qu’on était ensemble.
— Dis-moi que tu l’as frappé.
— Non, mais je lui ai fait un peu la tête…
— T’es trop gentille, je te l’ai toujours dit.

Hélène avait reprit son allure de marche.

— Maintenant je comprends mieux pourquoi le prof’ a presque fait une attaque en le voyant dans notre classe.
— Tu m’étonnes. C’est vraiment un imbécile. Je vois pas d’autres mots.

— Depuis quand tu sais faire ça ?!
Demanda Hélène, stupéfaite des pouvoirs de sa soeur.

—Je ne sais pas, j’essaye juste… tu sais bien que je m’entraîne à utiliser ça qu’avec toi… j’ai un peu honte de montrer ça aux parents…
Répondit Aurore, gênée.

Elle venait de faire sortir de terre quelques racines qu elle essayait de controler par la pensee. Elle bougeait ses doigts et ses mains pour tenter de visualiser.

— Tu devrais pas, je suis sure qu’ils t’aideraient à t’améliorer ! Moi je suis impressionnée ! Je suis incapable de faire ce que tu fais, je n’ai que ma force brute.
— Et moi je suis bien incapable de me battre avec autant de classe que tu le fais !

Le soleil commençait à décliner et elles décidèrent de rentrer. Ten’ retourna à la voiture et se posa sur la banquette arrière comme à l’allée, cette fois-ci, Aurore avait plie un plaid dans lequel Ten’ pourrait poser ses pattes sans salir la petite voiture de sa soeur.
Après avoir attaché leur ceinture, les filles étaient prêtes à reprendre la route.
Il faisait encore jour, le ciel avait prit une teinte rosée et elles profitèrent de ces derniers instants de calme avant de retourner en ville.

— C’est vrai que c’est agréable de prendre l’air frais. Ca me manque un peu en ville, heureusement qu’on peut prendre la voiture pour venir jusqu’ici.
Affirma Hélène perdue dans ses pensées.

— Dis plutôt que c’est une bonne excuse pour prendre le volant !
— C’est vrai aussi !
— On pourrait retourner à la maison, mais il parait que c’est plus dangereux…
— C’est ce que disent les parents, parce qu’ils sont toujours trop inquiets, je pense sincèrement que notre génération ne risque rien. En plus je suis certaine que les alentours du domaine sont surveillés et sécurisés.
— C’est pas pareil… ici on est libre.
— Si on part du raisonnement des parents, ça devrait être aussi dangereux pour nous d’aller nous balader aussi loin.
— Tu as raison. Qu’est-ce qui fait que c’est moins risqué ici, à ton avis ?
— Parce qu’il y a moins de gens comme nous ici, mais concrètement, on encourt les mêmes risques. Si on devait s’arrêter de vivre à cause du danger, ça serait ennuyeux non ?
— Hm… je préférerai ne rien risquer mais tu n’as pas tort. Tu crois que notre génération n’a rien à craindre ?

— En tout cas, moi, je ne suis pas la fille de Gabriel donc je pense que je n’ai aucune valeur aux yeux des ennemis de chez nous.
Dit Hélène avec sarcasme avant de se rendre compte de l’impact de ses mots.

— Ah, désolée Aurore, je ne voulais pas… tu sais, ça ne me fait rien de ne rien valoir aux yeux des autres. Tant que les gens qui comptent pour moi savent ce que je vaux, ça me va. C’est le plus important.
— Je vois… je… c’est juste que je m’en veux que tu aies vécu dans notre ombre alors que…
— Je sais, je sais. Ce n’est pas de ta faute alors arrête. En tout cas si c’est après toi qu’on peut en avoir, je te protègerai. Je ne les laisserai pas faire !
— Merci… j’aimerai être capable de me défendre moi-même, quand même.
— Oui oui, laisse moi un peu me vanter tant que je le peux.

La bonne humeur revint rapidement dans le véhicule.
Le paysage était magnifique et Aurore était perdue dans sa contemplation. De temps en temps, elle jetait un coup d’oeil à Hélène.
Elle ressemblait tellement à leur mère, même avec sa peau couleur café, son attitude et son caracère venaient bien de quelque part.
Son assurance, surtout.
Elle resta silencieuse, rendant un sourire à Aurore quand leur regards se croisaient, puis son attention retournait à la route.

Quelque chose percuta la voiture de plein fouet.
En un instant, leur moment de plénitude explosa.
Tout sembla se passer au ralenti.
Il n’y avait rien sur la route pourtant leur véhicule se fit projeter par dessus la palissade de la route montagneuse et elles étaient en train de finir dans le ravin.
Tout se passa très vite.
Aurore paniqua, et dans cette action, ses pouvoirs réussirent à les sauver de justesse.
Les grosses racines sortirent et amortirent leur chute. Elles attrapèrent et enlacèrent le véhicule, les secouant, mais les secousses s’arrêtèrent aussitôt.
Les roues ne touchaient pas le sol, elles avaient été balotées dans tous les sens et elles étaient la tête à l’envers.
Aurore essaya de reprendre ses esprits tout de suite.
Ten’ chouina et aboya pour signifier qu’il était encore là.
Ce qui aida Aurore à revenir sur terre, Hélène était la plus secouée.
Dans les mouvements, elle semblait s’être cognée contre son volant et ailleurs. Par chance les vitres n’avaient pas été cassées mais rien n’était sûr pour les filles.

— Hélène !! Est-ce que ça va ?!
— Hmmm… Aurore… je te jure, j’ai fait attention… ce n’était pas moi…
— Je sais, j’ai vu. Il n’y avait rien sur la route, c’était trop bizarre…
— Putain !

Hélène sembla reprendre ses esprits aussitôt, et paniqua.

— Putain putain putain-
— Calme toi, il faut qu’on sorte d’ici. Est-ce que tu peux bouger… ?
— Aurore, ce qu’on disait tout à l’heure, est-ce-
— Hélène, on va d’abord sortir de la voiture…

Alors qu’Aurore essayait de rester calme et de ne rien laisser paraître, il fallait qu’elle s’occupe des priorités.
Hélène ne semblait pas en état de refléchir. Encore à moitié confuse, elle essayait de se remettre les esprits en place.

— D’accord, tu as raison… j’ai un peu mal à la tête mais ça devrait aller.

Elles étaient la tête en bas, encore attachées à leur ceinture de sécurité, et Aurore fut la première à se déclipser. Elle séchoua dans un grand bruit de taule sur la toiture et réussit à s’extirper après avoir réussit à ouvrir sa portière.

— Ok… à mon tour…
Hélène fit la même chose à son tour, en jurant pour ponctuer chaque respiration.

Ten’ s’était engouffré dans la portière du côté d’Aurore et il était aux aguets. Il ressentait le danger, même loin, il savait qu’elles étaient vulnérables dans cette situation et cette géographie.
Aurore rejoint Hélène et vérifia qu’elle n’avait rien de cassé. Inquiéte elle n’osait pas la toucher pendant qu’elle semblait se remettre d’une énorme migraine.

— Ca va… ça va… passer. Quelle situation de merde. Le soleil commence à se coucher, avec les arbres ici, on va rien voir dans pas longtemps… !
— Je viens de vérifier, on capte rien sur mon téléphone.

— Merde, moi non plus.
S’exclama Hélène en regardant sur son propre appareil.

La barre indiquait aucun signal.

— On va pas pouvoir prévenir… il ne nous reste pas d’autre choix, il faut rentrer à pieds…
— Ou passer la nuit dans la voiture… mais vu comment elle est, ça va être compliqué…
— Tu… penses pouvoir la remettre dans le bon sens… ?
— Euh… je sais même pas comment j’ai fait pour faire… ça. Alors la remettre dans le bon sens…
— Okay, bon on va marcher avant qu’il fasse complètement noir… avec un peu de chance on va peut-être pouvoir s’arrêter dans une zone d’habitation, un petit village. Et surtout avoir du réseau…

Elles récupèrent ce qu’elles pouvaient dans la voiture, dont le plaid de Ten’ et elles se mirent en marche.
Lorsque le soleil disparu complètement du ciel, la température baissa drastiquement et Aurore se serra contre sa soeur, enroulée dans la petite couverture.

— T’as toujours peur du noir… ?
Demanda Hélène, pour détendre un peu l’ambiance et le silence qui s’était installé.

— Je, je ne vois pas de quoi tu veux parler…
Répondit-elle en tremblant légèrement.

Hélène sourit légèrement.

— T’as entendu ce bruit… ?
Taquina la brune.

— N-non ? Arrête, ne me fais pas marcher… c’est pas drôle…
Chouina Aurore.

— Aha, ok. Par contre… c’est vraiment trop bizarre cet accident, je te promets que j’ai fait attention…
Expliqua Hélène.

Elles n’avaient pas osé en parler parce qu’elles savaient toutes les deux ce que ça impliquait, et inconsciemment elles préféraient se voiler la face. Malheureusement ce n’était pas une solution.

— Je sais, je te fais confiance et j’ai vu également q’il n’y avait rien sur la route…

Ten’ ouvrait la marche pour indiquer le chemin. De temps en temps il aboyait pour signifier qu’il fallait passer par là, où pour qu’elles se dépêchent.

—Je sais que Ten’ nous préviendra si jamais il y a une présence… mais je reste sur mes gardes…
— Moi aussi… même si je ne sais pas me battre…
— Tu sais courir au moins ?
— Ah oui ! Tu savais que je devais aller à la salle pour me garder en forme pour mon boulot ?
— Non… ? Tu soulèves des poids ?

— Arrête de te moquer de moi !
Répondit Aurore en la poussant, faisant mine d’être agacée.

*

[Alternative] Hélène semblait avoir perdu connaissance. Le choc et la voiture qui était retournée, elle avait dû prendre un mauvais coup.
C’est l’aboiement de Ten’ qui tira Aurore de son état à demie consciente.
Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle ne distinguait plus grand chose à cause des arbres qui les entouraient mais également du soleil qui était en train de disparaître du ciel.
Elle avait peut-être eu un petit moment d’abscence.
Elle regarda autour d’elle et remarqua les racines qui entouraient le véhicule et qui l’avaient maintenue au dessus du sol, de pas grand chose mais elle pouvait le deviner parce qu’elle tanguait. La chute avait été amortie et elle était reconnaissante.
Elle tenta d’appeler et de réveiller sa soeur, mais sans succès. Au bout de plusieurs minutes, quand elle réussit à se détacher, elle se retrouva à quatre pattes sur le toit à l’intérieur de la voiture.

— Hmm… que…
— Hélène ! Il faut qu’on sorte de là ! Tu peux bouger ?
— Je… crois…

Elle répondit à moitié dans les vapes, elle avait encore du mal à comprendre où elle était.
Aurore la pressait, inquiète, un mauvais pressentiment lui disait qu’elles devaient se mettre en sécurité le plus vite possible, et que rester dans la voiture n’était pas une solution.
Elle la détacha et tenta d’extirper sa soeur qui n’était pas en état de réagir.
Elle avait dû se cogner trop fort pour être aussi sonnée.
Ten’ était déjà dehors et semblait guetter la moindre présence hostile.
Aurore tenta de supporter le corps de sa soeur et l’aida à marcher sur le chemin que Ten’ avait ouvert pour elles. Il les invitait à le suivre.
Hélène titubait mais fini par reprendre peu à peu ses esprits, l’air de l’extérieur et le fait qu’elles soient maintenant la tête dans le bon sens.

— Merci Aurore…

— C’est rien, quelque chose me dit qu’on est pas au bout de nos peines…
Répondit-elle en jetant un coup d’oeil à son téléphone.

À ce moment précis, son appareil vola a plusieurs mètres d’elle, une force invisible lui avait arraché de ses mains. Ni elle, ni sa soeur et encore moins Ten’ ne sentit la présence s’approcher.
L’objet se cogna contre un arbre avant de finir au sol, dans un bruit étouffé par les feuilles mortes.
Hélène se tint sur ses gardes, du mieux qu’elle put et Ten’ aboya. Malgré ce à quoi ils venaient d’assister, aucun d’entre eux n’arrivait à savoir d’où venait la menace.
Ils se regardèrent et en ne sachant pas quoi faire, et Aurore alla chercher son téléphone avant de continuer leur chemin en suivant les indications de Ten’ dans un silence oppressant.
Par chance, son smartphone marchait encore, malheureusement elle n’avait aucun réseau.
Elle put l’utiliser comme lampe d’appoint, au moins, mais elles avaient peur.
Hélène avait maintenant repris tous ses esprits.
Son téléphone ne captait pas mieux et la panique grandissait en elles.
Ten’ s’arrêta et elles en firent de même.
Elles se regardèrent, attendant un signe de Ten’, lorsqu’Aurore s’avança, elle vit le gouffre qui les attendaient s’ils continuaient leur chemin.
Il semblait aussi perdu qu’elles et ne comprenait pas pourquoi le chemin qu’il avait cru assez sécurisé, ne l’était plus.
Aurore recula et lui fit signe de reculer avec elle, elle avait peur qu’il y ait un éboulement.

— Parfait, le chien a suivi notre plan sans se méfier.
Une voix se fit entendre et peu de temps après, une silouhette apparut, encapuchonnée.

Elle n’était pas seule et Aurore se rapprocha de Hélène qui essayait de se positionner pour se défendre.
Ten’ était également en train de grogner et tentait de s’interposer entre elles et l’ennemi.
Il faisait froid, elles avaient peur, elles tremblaient.
D’un geste vif, leur adversaire envoya un coup invisible projeter le corps d’Hélène comme si ce n’était qu’une poupée de chiffons.
Aurore sursauta et lorsqu’elle vit sa soeur valser à plusieurs mètres, quelque chose en elle se resserra.
Le temps de tourner sa tête pour suivre le mouvement, son instinct réagit plus vite que sa pensée, sa magie intervint et des racines apparurent de sous terre pour tenter de rattraper le corps de Hélène, pour au moins faire en sorte que sa chute soit moins dure.
Aurore courut auprès d’elle pour voir si elle allait bien mais le coup avait dû être trop violent. Ainsi que l’impact. Elle avait cogné fort contre un tronc et le bruit avait retentit comme une explosion au milieu du silence de la nuit.
Hélène était inconsciente, déjà sonnée par l’accident, ce dernier coup n’avait en rien aidé, ni arrangé son état physique.
Aurore ne pouvait rien faire d’autre à part rester à ses côtés et faire de son mieux pour la protéger. Ten’ aboyait et grognait. Les ennemis étaient en lévitation à plusieurs mètres au dessus et ils étaient inatteignables.
Il ne pouvait rien faire à part signifier son mécontentement.
Les inconnus, agacés, finirent par l’envoyer valser, également, mais de l’autre côté, du côté du ravin.
Aurore cria et leva le bras comme si elle pouvait les en empêcher, c’était trop tard.
Il glapit et, des racines sortirent de terre pour se précipiter sur le corps de Ten’ et le saisir avant une chute mortelle.
Une figure encapuchonnée s’approcha d’Aurore rapidement pour la saisir au cou et l’empêcher de nuire.
La poigne qui la saisit au cou était forte, elle l’attrapa comme si de rien n’était et la souleva.
Elle en eut le souffle coupé et elle n’osa plus bouger. C’était douloureux et elle avait bien trop peur de sentir sa nuque se casser dans cette main froide et puissante.
Elle essaya de ramener Ten’ sur la terre ferme et elle pria pour qu’il s’échappe.
Elle sentit qu’elle avait pu le relâcher plus loin et elle prit tout le souffle qui lui restait pour lui dire de fuir.
Il chouina mais voyant les réactions des adversaires, il courut pour sauver sa peau, et ses poils.
Des attaques tentèrent de l’attraper mais aurore essaya de le protéger du peu de forces qui lui restait.
Elle avait utilise trop de fois sa magie, et malgré ses capacités, elle n’avait pas l’habitude de s’en servir autant ni si intensément. Sa réserve d’energie magique n’était malheureusement pas infinie, et cela elle l’avait oublié.
Elle commençait à avoir l’esprit embrouillé mais elle pensait que ça venait du fait qu’elle n’arrivait plus à respirer.

— Relâche la avant qu’elle meure. Il faut qu’elles restent en vie.
Prononça une voix au loin, qui résonna jusqu’à elle.

— Tant pis pour le chien, on n’en a plus besoin.
Dit une autre voix.

Ils étaient à moitie camouflés dans les airs, derrière les feuillages et les branches des arbres. Aurore essayait de deviner combien ils pouvaient bien être, mais elle était sure de rien.
On la relâcha.
Elle put reprendre son souffle et elle tomba à genoux au sol, surprise de sa libération mais aussi n’ayant plus aucune énergie dans ses jambes. Elle se massa le cou, tout en reprennant des grandes bouffées d’air.
Que pouvaient-ils bien lui vouloir ?
Elle sentit les regards sur elle. On l’observait attentivement.
Elle essaya de se relever, sans succès, elle perdit l’équilibre et elle sentit son énergie la quitter.
Elle s’effondra de tout son corps.
De petites racines tentèrent de l’attraper avant qu’elle ne s’échoue.

— On a même pas besoin d’intervenir. Parfait.

Les silhouettes descendirent doucement pour se poser devant Hélène et Aurore qui étaient maintenant inconscientes.
On les ramassa et on les porta pour les embarquer.

— Porte les avec soin, je ne voudrai pas plus abîmer la marchandise. Le maître risque de nous en vouloir.
— Tss… j’ai compris.

Les soutenant précieusement, on les emmena.

 

2021.02

Bagarre

— Vas-y frappe. Frappe moi encore si t’as des couilles !
Avait-elle crié.

Elle était déjà abîmée, les cheveux en batailles, courts, de manière désordonnée, elle était animée par une certaine rage qu’elle-même ne comprenait pas et elle provoquait son adversaire.

— Aurore, ça suffit, tais toi…
Lui disait une jeune femme qui la retenait d’un seul bras.

Elle était inquiete et voulait éviter que cela dégénère mais la jeune fille blonde ne voulait rien entendre.
En face, plusieurs garçons essayaient de raisonner leur ami.

— Arrête, laisse la, elle sait pas ce qu’elle dit.

Le jeune homme était peut-être trop fier pour la laisser s’en tirer ainsi, l’alcool n’aidant pas, les témoins non plus, il n’allait pas se laisser insulter ainsi.
Puis il y avait sa manière de le regarder dans les yeux, son regard de défi, l’air de lui dire qu’il ne serait pas capable de la frapper encore une fois.
Qu’est ce qu’il craignait ? Semblait-elle lui dire, avec son sourire narquois.
Il se dégagea de l’emprise de ses amis et fit signe que c’était bon. Qu’il avait compris le message.
Puis il prit un dernier élan pour s’avancer vers elle et lui cogner la joue avec son poing.
C’était si agréable, il en avait tellement envie et cela le soulageait de pouvoir lui en coller une pour lui fermer son clapet.

Le monde s’arrêta un instant et les regards des différentes personnes aux alentours virent la scène au ralenti.
Aurore se prit une droite sur sa joue gauche et elle finit à terre avec l’impact, sonnée.
Elle resta au sol, et elle sourit.
La jeune femme aux cheveux noirs s’approcha d’elle et jeta un regard noir au garçon qui était déjà en train de partir, un sourire satisfait sur son visage.

— T’es vraiment qu’un connard.

— C’était ce qu’elle voulait.
Répondit-il sans même se retourner, en haussant les épaules.

Ses amis s’écartèrent et désapprouvaient sa dernière action.

— Mec, tu n’avais pas besoin de faire ça…
— Tu sais qu’elle a juste un peu trop bu.
— Je veux rien savoir, c’est elle qui m’a demandé, maintenant laissez-moi tranquille.

Aurore souriait. Elle était sonnée, elle ne se sentait pas de se relever tout de suite. Son cerveau traitait les informations au compte goutte avec l’alcool qu’elle avait ingéré. Elle était contente de recevoir ce dernier coup. Jamais on ne l’avait frappée de cette manière et c’est comme si elle avait besoin de ça pour s’arrêter. Pour comprendre qu’elle avait fait une erreur, qu’elle méritait ce dernier coup.

—Ca va… ? Comment tu te sens ? Tu peux te relever ?
La voix chaleureuse à ses côtés la tira de ses pensées.

— Hmm… oui, ça va… attends juste un peu…

Le gout métallique du sang dans sa bouche, elle n’osa pas toucher son visage mais la sensation qu’elle avait sur sa peau, une légère brûlure, était assez explicite pour qu’elle se rende compte qu’elle était blessée et pas qu’un peu. Il n’y était pas allé de main morte et elle rit d’elle-même, silencieusement.
Les mains de son amie l’aidèrent à garder l’équilibre et lui donner la force de se remettre sur pieds, d’être un peu plus digne.

— Merci…
Elle lui adressa un sourire gêné et elles se dirigèrent vers un canapé.

— Attends-moi, je reviens avec une trousse de soin.

Elle grimaça lorsqu’on lui appliqua de l’alcool sur la peau.

— Je suis désolée…
Murmura t-elle, coupable.

— Pour quoi ? Pour ça… ? Oh ! Ne t’en fais pas. Vraiment. Il y a déjà eu pire ici. C’est rien ça.
La brune la rassura et sourit tout en continuant à lui désinfecter ses plaies.

Elle n’osa pas demander ce qui avait pu bien se passer ici de pire, et se tut. Ten’ était revenu à côté d’elle.
Elle lui avait ordonné de ne pas intervenir et il avait chouiné, impuissant. Elle le caressait tout en se crispant à chaque fois que le coton qui était imbibé d’alcool touchait sa peau.
Un des amis du garçon qui l’avait frappée vint la voir.

— Excuse le, il est comme ça quand il boit un peu trop…

Il était sincèrement désolé du comportement de son ami.
Aurore lui rendit un sourire aussi sincère que possible. Sa réaction la faisait sourire parce qu’elle savait qu’elle l’avait cherché et qu’elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même.

— C’est pas à toi de t’excuser, puis je suis tout autant fautive… j’ai bien mérité ma raclée.
Dit-elle le sourire aux lèvres.

— Ne fais pas trop la fière. Je n’aurais jamais pensé que tu ailles aussi loin, t’es vraiment pas possible… qu’est-ce que tes parents vont dire lorsqu’ils vont te voir dans cet état…
La jeune femme la rappela à l’ordre et soupira.

— … Ah ça… je vis chez mon cousin donc ça devrait aller. Mes parents n’auront pas à voir ça…
Sa bonne humeur s’effaça.

Après avoir demandé l’heure, elle se dit qu’il était temps pour elle de rentrer. Elle culpabilisait encore d’avoir dégradé la bonne ambiance même si on la rassurait du contraire. Elle n’était plus aussi à l’aise et il commençait vraiment à se faire tard.
L’alcool et la petite altercation l’avaient fatiguée et si elle ne bougeait pas d’ici, elle savait qu’elle allait s’endormir dans un coin.
Sa tête tournait un peu mais elle était sur le point de désoûler, elle mit énormément d’efforts à se lever sans tanguer ni trébucher.

— Tu es sûre ? Tu pourrais rester encore un peu.
— Oui… merci, mais je pense que j’en ai assez fait pour aujourd’hui…
— Tu veux pas qu’on te raccompagne ? Le soleil est en train de se coucher et j’aurais peur que tu te perdes.
— Non non, vraiment. Je connais le chemin et j’ai Ten’ avec moi. Je risque rien.

Son interlocutrice soupira.

— Je peux te raccompagner sinon.
— Non, reste là. C’est gentil mais ça va aller.

Elle tenta d’écourter la conversation et partir le plus rapidement possible.
Saluant rapidement ceux qui restaient, qui lui jetèrent un regard rapide ou juste un signe de main pour lui dire au revoir.
Elle avait besoin d’air frais.
Entre la douleur de sa petite bagarre, son alcoolémie alors qu’elle était pratiquement à jeun, et la fatigue, elle n’était pas au meilleur de sa forme, mais la température extérieure et la légère brise de début de soirée lui étaient agréable.
Elle prit une grande inspiration et elle marcha, Ten’ ouvrant la marche.
Elle aurait pu rentrer directement mais elle se dit qu’il était préférable qu’elle désaoule avant.
Puis elle avait envie de se balader encore un peu dehors, seule, à réfléchir et profiter du calme ambiant.
Ten’ s’arrêta net.
Ce qui l’interpela c’est qu’il trottait normalement et ses pas s’arrêtèrent abruptement, et elle reconnaissait l’attitude de son animal.
Il y avait quelqu’un.
Elle le rappela à elle, parce qu’elle ne savait pas qui c’était et il aurait mieux fallu que Ten’ n’agresse personne, et surtout pas un passant.
Elle le calma et l’incita à ne pas grogner. C’était malpoli.

— Il y a quelqu’un… ?
Demanda t-elle, sur ses gardes.

Elle avait senti la présence de quelque chose mais comme la supposée personne ne semblait pas se manifester, elle était dans le doute.
Elle sentait le danger. Elle n’était pas certaine mais cela pouvait être dangereux et même avec Ten’, elle devait être prudente. Elle tentait de garder une certaine contenance et ne pas montrer qu’elle avait peur.
Elle entendit le bruit d’un froissement de feuilles et de branchages qu’on déplacait puis elle vit l’ombre se dégager et apparaître devant elle.
Une ombre d’apparence plutôt humaine.

Il avait fini par sortir de sa cachette, même si cela n’en était pas vraiment une. Il ne pouvait plus passer inaperçu maintenant que l’animal avait senti sa présence.
Il ne cacha pas sa mauvaise humeur et il lâcha un soupir exaspéré en se dévoilant.
C’était un jeune homme, ou plutôt un adolescent d’origine asiatique, les cheveux en bataille et mi-longs, lui retombant sur le devant du visage.
Et il était vraisemblablement de mauvaise humeur.

— Salut… ?
Dit Aurore, pour engager la conversation.

Elle ne savait pas comment réagir face à cet adolescent, qui n’avait pas l’air majeur.
Son attitude l’avait quelque peu dérangée. Il venait clairement de claquer de la langue, d’exaspèrement, même si c’était fait de maniere discrète, elle l’avait entendu, et il trainait des pieds, comme s’il aurait préféré ne pas être découvert.
Qu’est ce que cela pouvait signifier ?
Est-ce qu’il comptait l’effrayer ?

— … Salut…
Repondit-il en regardant ailleurs. Il n’avait pas envie de parler ni rester ici.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu t’es perdu… ?
Demanda t-elle, voulant être amicale.

Ce n’était pas le meilleur moment pour elle, qui etait en train de désaouler mais elle fit de son mieux.

— Et toi ? Tu fais quoi ici ?
Rétorqua t-il, sur la défensive, presque agressivement.

— Comme tu peux le voir, je promène mon chien…
Mentit-elle.

Sa réponse tenait. Elle ne savait pas s’il connaissait l’endroit où ses amis faisaient la fête, et elle préferait jouer l’ignorante que de dévoiler quelque chose qui ne devait pas l’être.

Il jeta un regard noir à Ten’ et revint sur Aurore, pas convaincu par sa réponse mais il n’avait pas d’autres idées sur sa raison dans les bois, et il haussa les épaules, attendant impatiemment de pouvoir s’extirper de sa compagnie.

— Tu ne m’as pas répondue, tes parents savent que t’es ici ? Si t’es perdu, je peux te raccompagner à la sortie. Je m’y rendais de toute façon.

— Mes parents ?! Tu crois que j’ai quel âge ?
Il se sentit insulté et il haussa un peu sa voix, laissant éclater son agacement.

— … L’âge de pas traîner dehors tout seul, et surtout pas à cette heure-ci…
— Regarde toi ! T’as pas l’air plus âgée que moi !
— Je suis majeure !
— Moi aussi !

Elle n’avait pas la tête à se prendre le choux avec un jeune et un silence était revenu, où les deux inconnus se jaugeaient sans rien faire, puis elle décida de continuer son chemin et l’ignorer.
Elle eut un moment d’absence, certainement dû à l’alcool, mais elle sentit le sol se dérober sous ses pieds, ce qui n’était pas possible. Elle posa sa main sur un arbre, n’importe quel support qui pourrait l’aider à ne pas tomber, puis. Elle sombra.
Elle ne se sentait pas bien et des tâches étaient apparues sous ses yeux avant que tout ne s’éteigne.
Elle se crut dans un rêve.

Il la vit faillir et la seconde d’après, alors qu’ils étaient éloignés de quelques mètres, il était près ‘elle, à la maintenir. Il n’était pas inquiet mais juste blasé, et cela l’embêtait qu’il doive intervenir pour cela.
Le chien était prêt à se mettre à aboyer lorsqu’il vit sa maîtresse dans ses bras.
Le jeune garcon le fit taire d’un regard, et parla.

— Rassure-toi, je ne vais pas la dévorer. Ne t’avise pas d’aboyer ou c’est toi va servir de proie.
Sa voix était glaciale et on aurait pu voir des flammes dans ses pupilles.

Il était exaspéré.

— Pourquoi ça n’arrive qu’à moi ? Je voulais juste me promener tranquillement et je tombe sur une gamine qui empeste l’alcool et vu comment elle est fine, elle doit certainement être à jeun.

Il leva les yeux au ciel et se mit à converser tout seul, pour l’aider à extérioriser sa mauvaise humeur.
Il l’attrapa dans ses bras et la posa délicatement au sol sur ses genoux et il retira son blouson pour la recouvrir.

— Ne me regarde pas comme ça, personne n’irait boire du sang d’aussi mauvaise qualité. Tu ferais un meilleur choix.
Ajouta t-il en direction du chien qui ne semblait toujours pas rassuré de sa présence.

— Je ne vais rien te faire non plus. Elle m’a totalement passé l’envie de quoi que ce soit. Ta maîtresse. J’espère qu’elle va se réveiller bientôt parce que je n’ai pas que ça à faire que de la veiller jusqu’au petit matin.

Elle entendait un bruit de fond, des paroles mais elle n’en comprenait pas entièrement le sens.
Elle était dans une sorte de brume et toute l’énergie dans son corps s’était envolée.
Elle se sentit enveloppée d’une douce chaleur minime et ses sens lui revinrent petit à petit.
Lorsqu’elle reprit ses esprits, elle fut extrêmement surprise de se retrouver sur les genoux du garçon, avec quelque chose sur elle.
Ten’ était à ses côtés également mais semblait effrayeé par l’inconnu.

— Ah… merci… ?
Réussit-elle à prononcer, encore à moitié dans les vapes.

— Ah, c’était pas trop tôt. Bon si t’es réveillée, bouge de là et rentre chez toi.

Elle était en train de penser que cet individu n’était peut-être pas si méchant mais aussitôt qu’il ouvrit la bouche, elle put balayer sa gentillesse d’un grand revers de sa main. Elle avait maintenant envie de le frapper.
Si seulement son état lui permettait.
L’effet fut immédiat. Elle se releva aussitôt, et lui rendit son manteau. Elle n’avait rien d’autre à ajouter, à ce désagréable personnage.

— Fais gaffe sur le chemin, gamine.
Dit-il, avant de se retourner et partir.

— Toi-même, gamin !
Dit-elle, un peu trop fort, rouge de honte et de colère, jusqu’aux oreilles.

Sur le retour, elle fulminait.

— Tu te rends compte ? Ce petit a l’air prétentieux… tellement énervant !

Elle parlait toute seule et à la fois en s’adressant à Ten’ qui ne pouvait pas lui répondre.
Elle rentra chez Jasper et se coucha aussitôt après s’être brossée les dents et s’être lavée.
Elle se jeta sur le canapé et s’endormit presque aussitôt.

Lorsque Jasper rentra, il était déjà tard et il dut allumer la lumière dans l’entrée. Il remarqua Aurore et tenta de ne pas faire trop de bruit.
Il revenait de soirée aussi.
Il était soulagé qu’elle soit rentrée dormir. Il lui arrivait de découcher et cela l’inquiétait qu’elle n’ait pas de bonnes fréquentations mais elle était grande, après tout.
Ten’ leva une oreille puis se rendormit.
Jasper enleva son manteau et ses chaussures, et passa voir sa cousine de plus près.
C’est à ce moment là qu’il remarqua les blessures sur son visage.
Et même si elle s’était lavée, une odeur d’alcool et de cigarette légère l’imprégnait.
Une panique l’envahit. Il était dépasé par cette situation.
Il avait assuré à sa tante qu’il prendrait soin d’Aurore mais en réalité, elle faisait ce qu’elle voulait et il ne pouvait pas la fliquer. Il avait confiance en son sens des responsabilités pour qu’elle ne se mette pas en danger ou dans des situations périlleuses.
Son coeur se ressera et il sortit son téléphone pour appeler quelqu’un : Cean.

— Allô ? C’est qui… ?
Une voix à moitié endormi répondit.

— Excuse-moi de t’appeler aussi tard, c’est Jasper. C’est au sujet d’Aurore.
— … Il est quelle heure… ? Oh…

Les yeux plissés, Cean regarda l’heure sur son téléphone.

— Est-ce que tu peux venir… ? Maintenant ?…
— Euh… laisse-moi le temps de m’habiller, j’arrive.

Chez Jasper.

— Salut…
— Désolé d’avoir bouzillé ta nuit..
— C’est rien, si tu me dis de venir c’est que c’est important.
— Oui… suis moi…

Ils quittèrent le pas de la porte où ils chuchotaient, pour entrer dans l’appartement et après avoir refermé derrière, ils purent parler de manière normale, tout en faisant attention de ne pas parler trop fort.
Jasper l’emmena dans le salon où une petite lumière tamisée éclairait doucement la pièce, puisque Aurore dormait dans le canapé.
Elle dormait à poings fermés, épuisée et surtout saoule.
Il était probable que la lumière ne la réveille pas, ni le son de leurs voix.

— Je suis rentré de ma soirée, elle était déjà comme ça. Je sais pas si tu peux le voir…
— Si… elle s’est battue ? Puis…

Il s’approcha un peu plus d’elle pour sentir.

— Elle sent l’alcool… ?
— C’est ce que je me suis dit.

— Je sais qu’elle est en âge de boire… et elle est grande mais… qu’est-ce qu’on peut faire pour qu’elle arrête de faire n’importe quoi…
Soupira Cean, profondément affecté par l’état de sa soeur.

— Je ne sais pas… j’ai préféré t’en parler à toi en priorité… je ne suis pas sûr qu’en parler à tes parents soit productif… autant ta mère, je sais qu’elle peut prendre ça calmement… mais ton père, j’suis désolé mais je le vois totalement s’énerver et à vrai dire, il me fout les jetons.
— T’as bien fait… tu as bien raison… mon père risque de venir jusqu’ici la ramener de force à la maison, si jamais il l’apprend… pourquoi elle fait ça… ? Est-ce qu’elle t’en a parlé… ?
— Non… pas encore… je voulais pas la brusquer et attendre qu’elle m’en parle d’elle-même, mais là… j’ai préféré te demander quoi faire, ou au moins te prévenir de la situation.
— Merci… je vais voir ce que je peux faire. Je vais p’tre en toucher deux mots à William. Peut-être qu’il pourrait lui faire entendre raison, lui.
— Son ex ?
— Oui, et un très bon ami à moi.
— D’accord… donne-lui mon contact si jamais il a besoin.
— Merci.
— Et Hélène ou Alain ?
— Non… ils ont déjà beaucoup à faire avec leur boutique. Je sais qu’ils sont au courant mais je ne veux pas les embêter avec ça. On en a discuté ensemble déjà. On a décidé de laisser Aurore faire. Elle a fait exprès de laisser son téléphone à la maison. C’est qu’elle a besoin d’être seule et qu’elle ne cherche pas à discuter. Pour l’instant… je crois…
— Je vois…
— Enfin, bref. Merci encore de prendre soin d’elle. Tu nous diras ce qu’on te doit pour… tout ça.
— T’es fou. Tu me dois rien. C’est tout à fait normal. On est de la même famille et tu vois bien que je suis loin d’être dans la merde financièrement.
— Mais, elle doit bien manger ou faire quelques dépenses ?
— Je ne veux pas en entendre parler. Puis, à manger pour un ou pour deux, c’est du pareil au même. Elle n’est même pas dépensière. Elle m’emprunte des vêtements et elle avait apparemment ramené quelques changes.
— … Vraiment merci. Je te revaudrai ça.
— C’est vraiment la moindre des choses et t’en fais pas.
— … Tu me tiens au courant ? Je vais y aller alors…
— J’suis vraiment navré que tu aies dû faire le trajet juste pour ça… mais j’avais besoin de ton avis.
— Non, tu as bien fait de m’appeler. On va rien dire pour l’instant. Elle a juste passé une bonne soirée… et je vais en parler à William. C’est lui qui la connait le mieux je pense…

*

Nao rentra particulièrement de mauvaise humeur.

— Cette fichue gamine !!

On l’entendit arriver de loin et une jeune femme l’accueuillit, amusée.

— Qu’est-ce qui t’arrive encore ?
La rousse aux cheveux bouclés attachés en queue de cheval, l’interpela.

— Rah, rien.. juste une gamine qui m’a manqué de respect et qui m’a parlé comme si j’étais un gamin ! Tu te rends compte ?!

— D’un autre côté… dur de lui en vouloir, tu en as l’apparence…
Dit-elle tout en le regardant de haut en bas.

Il retira son parka et se mit à l’aise.
C’était un endroit sombre et des petites lueurs rougeâtres éclairaient les coins des pièces.
Ils étaient dans la partie privée réservée au staff.

— C’était plutôt elle la gamine ! J’aurais pu l’éviter mais elle avait un chien qui a sentit ma présence, quelle nuit de merde. Ca m’a totalement coupé l’envie de chasser.
— Ah, mais c’est pour ça que t’es de si mauvaise humeur ?
— Moque toi… qu’est-ce qu’elle ma foutu en rogne.
— J’aurais aimé être là pour observer comment elle t’a parlé. J’suis sure que c’était pas si dégradant. T’es toujours trop susceptible, aussi…
— C’est pas toi qui est bloqué dans ce corps d’enfant…
— C’est vrai… mais c’est ce qui fait que tu es si mignon !

Elle s’approcha de lui pour le serrer dans ses bras et le décoiffer de plusieurs mouvements de sa main sur sa chevelure.
Il eut un moment d’hésitation entre éviter la confrontation et se laisser faire. Il ne lutta pas longtemps et elle était en train de l’enlacer dans ses bras.
Il soupira et attendit simplement qu’elle s’arrête.

*

Une jeune fille plutôt fine aux cheveux longs noirs attachés en chignon tressé, passa par là.

— Chloé !
La rousse lâcha sa proie et salua chaleureusement la brune habillée d’une robe longue sombre.

Le jeune s’inclina respectueusement.

— Flora, Nao. Que se passe t-il ici ? Je vous ai entendu de l’autre bout du bâtiment.
Elle les salua amicalement.

— Pardon Chloé… je…
— Juste Nao qui râlait encore.

Haussa t-elle les épaules en lui coupant la parole.
Chloé esquissa un sourire et jeta un regard attendrit au jeune garcon qui ne savait plus où se cacher, honteux.

— Et je peux savoir le sujet de son mécontentement ?

Elle avait une voix douce et presque cristaline, mais sa manière de parler était distinguée, comme venu d’un autre temps. Elle semblait curieuse de l’objet de discorde. Elle s’arrêta devant eux et les interrogea.

— Son apparence, comme d’habitude quoi.

Il aurait voulu lui sommer de se taire mais il réagit trop tard et elle prononça ces mots avant qu’il ne puisse faire quoi que ce soit. Il était confus, et regarda ses pieds.
Son attitude arrogante et désinvolte laissait place à celui d’un enfant timide et prit sur le fait.

Elle le vit et son sourire s’effaça lentement. Elle était consciente de son complexe et elle ne pouvait rien faire pour cela. À part être désolée.

Et le fait de la voir dans cet état le chagrinait tout autant. Il ne voulait pas l’inquiéter de cette manière. Ni être l’objet de son embarras.
Et comme d’habitude il savait ce qu’elle allait dire.

— Je suis désolée…

Elle serra ses poings, discrètement. Elle fronça légèrement des sourcils, signe de sa profonde compassion et tristesse. De son impuissance pour l’aider. Une mimique imperceptilble pour certains mais pas pour lui. Il la connaissait par coeur.
Et comme à chaque fois, il la rassurait.

— Ce n’est pas de votre faute…
Il se mordit la lèvre. Il avait horreur de cette situation.

Flora se rendit compte du malaise et changea de sujet.

— Au fait, je peux venir dans ta chambre ce soir ?
Demanda t-elle à Chloe d’une voix chantante, et enjouée.

— Tu peux, mais je ne serai pas là.
Répondit-elle en lui rendant un sourire complice.

— Oh non, c’est ce soir ?
— Eh oui, je m’en vais d’ici quelques heures, le temps de régler quelques détails ici. Je vous laisse le reste. C’est d’accord ?
— Oui bien sûr, on se chargera du reste. Pars tranquille !
— Merci Flora. Si il y a le moindre souci, tu m’appelles. Je rentrerai au plus vite.

Elle fit un signe de main puis inclina doucement sa tête en direction de Nao avant de repartir dans une autre direction.

— Il faut que tu te décoinces, Nao…
— Et toi, comment tu fais pour lui parler comme ça ? T’as pas l’impression de lui manquer de respect ?!

— Qu’est-ce que tu racontes ? Depuis le temps, on forme une famille. Il faut que tu arrêtes de te prendre la tête comme ça. Même Vlad’ est moins coincé que toi alors qu’il est arrivé plus tard.
Dit-elle exaspérée.

— C’est pas pareil… il la veut pour lui tout seul.
— N’importe quoi, arrête d’être jaloux comme un poux, et enterre cette rancoeur que t’as envers lui. T’as vraiment un problème avec ça. Il l’a prit son rateau et ça fait déjà une dizaine d’années alors tourne la page. Il n’y a plus que du respect pour Chloé et peut-être un amour mais pas celui d’un amant. On est pas tous comme toi.
— C’est pas vrai. Je ne suis pas amoureux… je souhaite juste la protéger… pour la remercier de ce qu’elle a fait pour moi, de m’avoir sauvé… mais de quoi j’ai l’air avec mon corps de mioche… à côté d’elle ? Je voudrai juste avoir l’air plus grand, plus fort, plus musclé… tout ce que j’ai, c’est ce corps frêle et sans forme. Qu’elle puisse compter sur moi.
— … Elle nous a tous sauvé. Tu n’es pas l’exception. Nous aussi on veut lui rendre la monnaie de sa pièce. Mais ce n’est pas pour ça qu’elle nous a aidé. Tout ce que moi je peux faire, c’est l’aider et me rendre utile. Tant que je me plais à ses côtés, je reste. Sinon je suis libre de partir. Tout comme toi. Elle ne nous a jamais obligé à rester auprès d’elle, tu le sais non ?
— Oui…. et tu dors vraiment avec elle… ?
— Bah oui. Pourquoi ? Oh, tu aimerais bien aussi ? Fais pas ton timide. T’as qu’à lui demander.
— T-tcrois vraiment que ça suffit pour qu’elle accepte ?!
— C’est ce que je fais. J’suis sure que ça lui ferait plaisir en plus. Essaye, tu seras fixé. Par contre, elle est pas dispo tout le temps.
— Je sais… c’est ce soir qu’elle va le voir…
— Oui. J’avais oublié. J’ai rien contre lui mais c’est comme ça.
— Ce vieux croulant… je ne sais pas ce qu’elle lui trouve.
— Là, c’est toi qui manque de respect. Ca reste son maître.
— Mouais… en vrai j’dois être un peu jaloux. Il est tout ce que je ne suis pas, physiquement, et ça m’énerve… qu’il reste dans son château de merde à rien faire. Je sais pas comment il fait pour pas se faire chier.
— T’es médisant. Tu sais très bien que c’est un domaine qu’il gère et qu’il y a des dossiers à traiter que tu n’imagines pas. Je sais que tu n’y es pas allé souvent mais c’est un endroit plutôt agréable. Okay, c’est un peu vieillot mais ça a son charme. Chloé y a passe un bon bout de temps avant de venir s’installer ici.
— Elle a eu l’intelligence de partir, oui.
— Bref, c’est un papi un peu sévère mais il ne faut pas le sous estimer.
— … Il ne m’a jamais vraiment accepté…
— … C’est ce que tu crois.
— Tu sais pas mentir. Je le sais… j’ai déjà entendu des bouts de conversation entre elle et lui. Je sais qu’il s’est toujours méfié à cause de mon « âge ». Je sais aussi à quel point elle m’a défendu. Il voulait me tuer, tu sais ?
— … Oui… je suis désolée que tu aies dû entendre ça. Pour tout t’avouer, j’étais pas confiante non plus, et j’aurai été la première à te détruire si jamais tu avais tenté quelque chose contre Chloé…

— Et tu aurais eu raison.
Il sourit.

— Mais… je pense qu’il a finit par t’accepter, depuis le temps. Tu n’es plus un « nouveau né ».
— Merci d’essayer de me réconforter… mais bref, on va attendre qu’elle rentre de son séjour là bas. T’as besoin de moi pour des trucs à faire ?

 

2020.12.22