Ciseaux

Elle créchait chez son cousin favori et il était très généreux de la laisser dormir et vivre avec lui.
Même s’il l’adorait, cela lui permettait d’avoir un oeil sur elle en tant que famille et cela rassurait ses parents.
Elle n’était pas difficile à vivre puisqu’elle était souvent dehors pour ne pas trop empiéter sur l’espace de Jasper.
Puis elle rencontra ce groupe de personnes.
Elle aimait ces gens. Ils ne la connaissaient pas mais ils l’avaient acceptée comme elle était.
Ils ne savaient pas qu’elle était une princesse ni son milieu social. Elle était elle, et elle était paumée.
Ils l’étaient tous un peu aussi, paumés, jeunes et insouciants, plein de rêves. Ils profitaient de la vie sans trop se poser de questions.
Peut-être qu’ils se posaient beaucoup trop de questions, mais ensemble, ils avaient moins peur d’affronter le lendemain. Ils n’étaient pas seuls à galérer et ne pas savoir quelle direction prendre dans leur vie.
Elle sympathisa avec beaucoup de personnes différentes.
Elle découvra l’alcool, l’ivresse de cette boisson.
La cigarette, les drogues.
Elle avait cette chance d’avoir une amie qui l’avait prise sous son aile et qui l’encadrait lorsqu’elle avait gouté et expérimenté ses premières drogues.
Elle avait beaucoup lu, alors elle savait qu’elle devait faire attention à ne pas devenir dépendante, mais elle avait essayé.
Puis, elle s’était battue.
Malgré son caractère, on ne lui en avait pas tenu rigueur et c’était devenu une petite pique, une blague qu’on racontait de temps en temps.
Le jour où l’un d’entre eux la qualifia de princesse à cause de son apparence. Plus précisément de ses magnifiques et longs cheveux blonds.
Elle se remémora d’où elle venait et ce qu’elle était réellement. En colère, elle s’était coupée les cheveux sur un coup de tête.

— Hé, la petite princesse, là !
Un jeune homme un peu éméché l’interpela.

Il n’était pas méchant, il ne pensait pas à mal, p’tre même qu’il cherchait à faire son intéressant et attirer l’attention d’Aurore.
Ses amis l’arrêtèrent et se moquèrent gentiment de lui.

— Mec, arrête, t’es pas en état…
— À ta place je tenterai rien, déjà, il y a son chien, en plus, elle est du genre à chercher la baston…
— C’est bon. Je voulais juste être gentil. C’est vrai qu’elle ressemble à une petite princesse, avec ses cheveux longs bouclés, il y a pas un conte comme ça, déjà ?
— … Tu confonds pas avec boucle d’or ? Rien à voir, en plus c’est pas une princesse dans l’histoire.
— Ah ouais…

Aurore s’était retournée vers lui et elle s’était figée.
Ses cheveux longs lui rappelaient qu’elle était une princesse ? Foutaises. Elle ne voulait pas être considérée comme telle ici.
Elle chercha des yeux quelque chose et elle vit une grande paire de ciseaux dans un recoin de bureau.
Beaucoup de choses trainaient ici, dans cette maison abandonnée.
Avec les ciseaux dans sa main, elle s’approcha du garçon, qui se mit à paniquer. Ses amis aussi.

— Wow, euh du calme, je t’ai pas insulté, pose ça !
Dit-il en levant ses mains pour se défendre et reculant lentement.

Elle s’arrêta, puis coupa ses cheveux au dessus de ses épaules, laissant ses longues bouclettes s’échouer lentement sur le sol.
La coupe était inégale, après avoir fini, en passant ses doigts entre sa chevelure pour vérifier qu’elle n’avait pas oublié de longues mèches.

— Et comme ça, je ressemble encore à une princesse ?!
Demanda t-elle en le regardant dans les yeux.

— T’es tarée ma parole.

Tous les autres personnes présentes s’étaient arrêtées et l’observaient, estomaquées de ce qu’elle était en train de faire.
Elle tourna les talons pour reposer les ciseaux à leur place et retourna auprès de son amie, qui la regarda avec un sourire mi-amusée mi-choquée.

— Tes beaux cheveux… t’es sûre que tu vas pas le regretter… ?
Demanda t-elle, avec une pointe de tristesse.

— C’est que des cheveux, ça va repousser.
Repondit-elle en haussa les épaules.

L’autre pouffa de rire.

— T’es vraiment quelque chose. C’est ta fierté ou quoi ? J’arrive pas à y croire. Tu me surprendras toujours. Qu’est ce que ta famille va dire ?
— … Mon cousin va p’tre être surpris… j’espère que mon autre cousin va pas me faire la tronche… je continue de poser pour lui pour des photos…
— Ah bah ça… tu me diras, ça te donne un certain style…

Elle esquissa un sourire crispé et passa à autre chose.

*

— Pense à ramasser et jeter le reste de tes cheveux, quand même… je sais que les lieux sont pas en super bon état mais si on peut les conserver à peu près propres et agréables…
— E-excuse moi… je le fais tout de suite !

Elle avait alors jeté ses chutes de bouclettes dorées dehors, après avoir emprunté une pelle et une brosse, elle le vida au pied d’un buisson, un peu plus loin.
Ne se posant pas plus de questions.
Son ADN ne passa pas inaperçu.
Quelqu’un tapis dans l’ombre vint récupérer les cheveux et s’en alla aussitôt, aussi discrètement qu’il était apparut.

Quelques semaines après, William était passé la voir.
Elle ne voulait pas le voir et l’ignora. Elle s’en alla de l’appartement avec Ten’ mais William continua de la suivre jusqu’au bois.
Excédée, Aurore s’arrêta dans le bois et daigna discuter avec lui.

— Tu vas me suivre encore longtemps ?!
— Et toi ? Tu vas jouer à l’adolescente encore longtemps ? Tu sais à quel point tes parents et ta famille sont inquiets ?
— T’es venu jusqu’ici pour me dire ça ? Tu te prends pour mon père ? Pour mon frère ?!
— Peut-être, parce qu’eux n’osent pas et te gâtent en te laissant faire ce que tu veux. Tu t’en rends compte, au moins ? À quel point tu as de la chance d’avoir des parents aussi coulants ?! C’est facile de fuir et de rester chez ton cousin et vivre ta vie insouciante.
— Et alors… ? En quoi ça te concerne ? Je fais ce que je veux. Tu es jaloux ? Tu souhaiterais faire la même chose ?!
— Ca me concerne parce que tu ne vois pas ce que tu deviens en faisant n’importe quoi.

En entendant les voix hausser, les nouveaux amis d’Aurore vinrent voir et ils ne comprirent pas tout de suite le sujet de leur discussion.
Certains qui n’étaient pas spécialement proches d’Aurore prirent tout de même son parti, ce qui la surprit.

— Hé… c’est qui lui… ? Il te cherche des problèmes ? Parce que si c’est le cas, on va s’occuper de lui.

William n’avait pas peur. Il fut surpris qu’elle soit aussi entourée mais il savait se battre un minimum et les entraînements dans leur monde étaient plus sévères qu’ici. Il n’avait aucune crainte à se défendre contre plusieurs humains.
Il resta neutre. Il ne souriait pas pour les provoquer et il n’avait pas peur, cela le désolait et l’attristait s’il n’était plus possible de parler avec elle.
Il aurait pu avoir la mission indirecte des parents d’Aurore de la ramener à la maison, mais ce n’était pas ça. Il s’en fichait s’il décevait ses parents, par contre il avait un lien fort avec elle. Il l’aimait et la voir se détruire ainsi lui était insupportable.
Il voulait l’aider à aller mieux et la soutenir dans ses choix, sans avoir l’impression de la perdre et qu’elle mette sa santé en danger.
Il avait eu les échos de Jasper qui lui avait raconté pour l’alcool et les drogues, et cela l’inquiétait terriblement.
Il ne dit rien et attendit qu’Aurore décide.

— Merci les gars… mais ça va aller. C’est quelqu’un que je connais… pardon pour le bruit, on va aller discuter ailleurs… et parler moins fort.
S’excusa Aurore.

Un des garçons attrapa l’épaule d’Aurore avant qu’elle ne se dirige vers William.

— T’es sûre, hein… ? Tu peux compter sur nous s’il te fait chier.
Lui dit-il en ne prenant même pas la peine de baisser sa voix.

Elle lui sourit en réponse et acquiesça.

— Oui, c’est gentil, ça va aller.

William fut à moitié rassuré lorsqu’elle vint le voir.
Ten’ la suivit et semblait heureux de revoir William.
Ils se posèrent sur une souche d’arbre tombée lors d’une tempête, certainement.
William était également content de revoir Ten’ et le câlina pendant leur discussion, avant que Ten’ ne se pose auprès d’Aurore et se repose, bercé par leurs voix.

— Bon, qu’est ce que tu veux… ?
Demanda t-elle aussitôt, boudeuse.

— … Merci de prendre le temps de discuter avec moi, déjà.
— … Ouais… fais vite, je n’ai pas que ça à faire…
— Wow, mais depuis quand tu parles comme ça… ?
— …

— Tu me détestes à ce point… ?
Demanda t-il, à demi-mot, mais son regard était sur Aurore.

Il voulait savoir le véritable fond de sa pensée. Est-ce qu’elle avait changé au point de ne plus l’encadrer.
Elle n’osait pas le regarder. Peut-être avait-elle honte au fond d’elle.
Il attrapa son menton, gentiment, pour qu’elle se tourne vers lui.

— Hé, mes sentiments n’ont pas changé pour toi. Ca me fait de la peine de te voir comme ça, tu veux pas qu’on en discute… ? Je ne suis pas là pour tes parents, mais parce que je m’inquiète personnellement. Parle moi… qu’est-ce que je n’ai pas compris ?
— … Tu ne comprendrais pas…
— Essaye… ?
— Je ne suis pas une princesse ici. On ne reste pas avec moi parce que les gens connaissent mes parents. Tu peux pas savoir à quel point ça fait du bien d’exister pour moi… on ne me juge pas pour mon statut. J’aime cette liberté…
— Est-ce que tu te sentais prisonnière avec moi… aussi ?
— Non, bien sur sûr que non ! Avec toi je pouvais être moi-même. Mais c’était une exception… j’avais constament peur d’être jugée et de ternir l’image de mes parents…

Il la serra dans ses bras. Il aurait souhaité l’embrasser mais il ne savait pas s’il pouvait se le permettre.

— Promets moi juste de prendre soin de toi…
Dit-il, dans un murmure.

— … Je sais pas ce qu’on a pu te raconter, mais même si j’ai pu goûter à de la drogue et qu’il m’arrive de boire de l’alcool, je te rassure que c’est toujours en bonne compagnie et que je reste maîtresse de moi-même… toute drogue n’est pas mauvaise… je fais très attention à ne pas devenir accro…
Essaya t-elle d’expliquer.

William écouta ses arguments avec attention avant de l’étreindre un peu plus fort.

— Ok… je te fais confiance alors. Excuse moi de m’être emporté… tu sais à quel point je tiens à toi…

Ce à quoi, Aurore préféra garder le silence
Elle se contenta de lui rendre son étreinte.

— Je crois que je n’ai plus rien à faire ici… je vais rentrer… fais attention et je vais rassurer tes parents… est-ce que tu comptes rentrer bientôt ?
— Pas tout de suite… mais oui, il va falloir… je sais que je leur dois des explications…
— Je te laisse alors. Je crois que tes amis ne m’apprécient pas trop, je ne préfère pas les recroiser…
— T’es sûr que tu ne veux pas rester un peu avec nous… ?
— Non, ça ira. Je te fais confiance. Je ne voudrais pas gâcher l’ambiance, allez, à plus Aurore !

Il s’en alla, sans demander son reste.
Lorsqu’Aurore revint dans la maison, pour rejoindre ses amis, ils la dévisagèrent et la questionnèrent.

— C’était qui ?
— Il te voulait quoi ?

Elle n’eut qu’à dire la vérité.

— C’était mon ex…
Répondit-elle simplement.

Ce qui en dit long sur le fait qu’elle ne voulait pas en parler d’avantage. La réponse était parfaite pour qu’elle n’ait pas plus de curiosités et elle ne trahissait rien en terme d’informations privées sur elle.

*

Une fois, Aurore arriva dans la maison et elle était étrangement vide.
Jusqu’à ce qu’elle tombe sur le corps endormi dans une position étrange de son amie, sur le canapé.

 

2021.04.20

Ursidés

Ils avaient fait de leur mieux pour se rapprocher de leur destination mais ils ne coupèrent pas à une seconde nuit à la belle étoile.
La tente fut installée en un rien de temps et ils purent dîner avec quelques récoltes locales.

— On n’est plus très loin. On devrait arriver demain sur les coups de midi si on se dépêche.
— Je ne pensais pas que c’était aussi loin.
— Il n’existe pas de route dégagée, impossible d’y aller avec une voiture, à la limite on aurait pu y aller à cheval…
— Je n’étais pas spécialement pressée et je me disais que ça me ferait du bien de faire un peu de camping dehors…
— Si les alentours n’étaient pas si dangereux… quand je pense que tu voulais faire ce voyage seule !
— Ok, d’accord, j’avais sous-estimé le danger ! Mais il n’avait pas l’air méchant non plus…
— Et s’il t’avait viol-
— Ok ok, effectivement, j’ai eu tort ! Ca te va… ?
— Mouais…

— J… je vais aller me coucher, je suis vraiment épuisée de cette courte nuit…
Bailla t-elle.

— À qui le dis-tu… allons-y. Reposons-nous, cette fois.

Ils s’endormirent aussitôt mais quelque chose réveilla Gabriel au beau milieu de la nuit.
Cette fois-ci, Alexandra continua à dormir à poings fermés.
Il sortit voir ce qui le dérangeait. Une présence persistante, nombreuse.
Il restait sur ses gardes mais il fut pris au dépourvu quand il vit un groupe d’ours sortir de l’ombre et l’encercler. Ils étaient plus grands et plus larges que lui.

— Que fais un humain dans notre forêt ?!
S’exprima celui qui semblait être à la tête du groupe.

La fourrure parsemée de blanc mais d’un brun foncé et brillant. Il s’avança.

— Bonsoir… excusez-nous, nous ne sommes que de passage, ma femme et moi-même, nous cherchons à atteindre la ville à quelques kilomètres d’ici. Nous serons partis dès demain à l’aube.
Expliqua Gabriel en restant courtois.

Il était seul et ces créatures étaient beaucoup trop nombreuses s’il venait à devoir se battre, c’était la défaite assurée.

— … Je ne sens pas la présence de votre femme. Est-ce que vous cherchez à nous duper, humain ?!
Renifla l’ours, debout sur ses pattes.

— Non, je vous assure. Notre tente possède une barrière magique pour masquer notre présence… mon épouse dort profondément, elle n’entend pas ce qui se passe en dehors…

Les ours étaient méfiants et Gabriel ne savait pas quoi faire pour les convaincre de sa bonne foi.
Tout ce qu’il pouvait espérer, c’est que cela ne tourne pas mal.
Le champ de force autour de la tente était assez puissant pour empêcher les intrus d’entrer, si jamais la situation devenait dangereuse, Alexandra devrait être sauve.

— Réveillez la.
Une voix grave avec beaucoup de coffre s’éleva.

Gabriel n’eut pas d’autre choix que d’obéir.

— ‘Xandra…
— Hm… ?
— Nous avons un problème…
— Hmm…
— Il faut que tu te réveilles, il y a des habitants de la région qui nous attendent dehors…
— Hein… ? Mais il est quelle heure… ?
— Je sais… ne les faisons pas attendre…

Elle se leva, la tête à moitié embrumée et ils sortirent tous les deux.
Et elle se figea à la vue des ours.
Elle était trop endormie pour avoir senti leur présence et son coeur fit un bond dans sa poitrine.
Elle s’accrocha à Gabriel, et fut complètement réveillée à présent.

— Gabriel… ?
— Je suis là…

Il était au moins aussi rassuré qu’elle mais il devait faire mine de gérer la situation.

— Séparez les.
— Quoi ?
— Il est hors de question ! On était censé discuter calmement ! Ma femme reste avec moi !
— Gabriel !

Les ours les encerclèrent et ils furent plusieurs à se mettre entre Gabriel et Alexandra. Elle fut emmenée de force loin de lui et interrogée.
Tout en elle lui disait qu’elle ne devait pas se débattre. Ils faisaient le double de sa taille en hauteur et en largeur, ils auraient pu la réduire en bouillie sans le moindre effort, alors elle les suivit à contre-coeur. Mais pas sans parler.

— Il doit y avoir un malentendu, nous ne voulons pas de problème et nous cherchions juste à passer la région-
— Nous savons. Suivez nous sans un mot. On vous expliquera la situation.

Lorsqu’elle fut amenée dans une hutte, tout fit sens. On lui expliqua qu’une cheffe ourse était blessée et malade depuis quelques jours et qu’ils n’arrivaient pas à trouver l’origine de son mal.
Malheureusement elle était trop têtue pour demander de l’aide a des guérisseurs et n’accepte de recevoir que des femmes. Et cela ne court pas les forêts.
Les étrangers ont trop peur d’eux et depuis qu’il y a des pièges tendus contre eux, ils sont beaucoup plus méfiants également.
Qu’ils soient étrangers à la région est plutôt une aubaine, mais leur cheffe ne peut toujours pas faire confiance aux hommes. Elle tolère les femmes.

— Est-ce que vous pouvez l’examiner, s’il vous plaît ? On ne fera rien à votre époux. C’est juste pour le garder à distance.
— Je peux voir ce que je peux faire… mais je ne vous promets rien. Ma spécialité n’est pas la guérison mais j’ai appris quelques bases.
— Merci, ça sera déjà beaucoup.

Et elle rencontra la cheffe qui était en très mauvaise forme. Elle grogna puis referma les yeux. Elle était très affaiblie.
Alexandra en eut le coeur brisé.
L’ourse avait plusieurs blessures dues à un combat pas équitable. Plusieurs coupures sur ses extrémité à des stades différents et surtout certaines qui s’étaient infectées, sans oublier la présence de poison.
Le même poison qu’Alexandra ne pouvait pas toucher.

— Je connais une infirmière qui pourrait la soigner mais là… il lui faut de véritables soins d’urgence. Elle est vraiment affaiblie. Est-ce qu’elle mange ?
— Pas assez… elle n’a plus beaucoup d’appétit et même ses mets favoris ne l’intéressent plus…
— Elle doit souffrir énormément, je détecte la présence de poison. Je peux essayer de lui guérir les blessures superficielles mais celles avec le poison… je risque d’avoir besoin de mon mari…
— Ce n’est pas possible. Nous ne pouvons pas autoriser votre mari à venir ici.
— Je veux vraiment vous aider mais il y a une chose qui est hors de ma portée.
— Nous verrons apès, alors. S’il vous plaît.
— Je vais essayer, mais elle est très affaiblie.

L’ourse avait un éclat niché sous la peau, près d’organes vitaux et Alexandra savait que c’était ce bout de corps étranger qui posait problème pour la guérison.
Elle prévint et essaya de le retirer via la magie. Elle essayait de le déplacer précautieusement.
Un cri d’agonie retentit dans la forêt.
Alexandra resta imperturbable.

— Vous avez entendu ce bruit ?
Demanda Gabriel, qui avait fini par s’asseoir, s’avouant vaincu et ne pouvant pas s’échapper de sa prison vivante d’ours.

Les ours avaient levé leur museau puis ignoré la question de Gabriel. Ils savaient ce que c’était et comptaient sur leurs pairs pour gérer la situation.

Lorsqu’elle réussit à extirper le bout métallique magique qui suaintait de poison, elle fit bien attention à ne pas entrer en contact avec.
Elle invoqua sa magie d’eau pour nettoyer la plaie des résidus de poison, et déplaca l’eau sale loin d’elle.
Elle ne savait pas quoi faire de plus, ses connaissances étaient basiques.
Pour aider à la cicatrisation, elle utilisa alors sa propre énergie vitale. Comme la guérison n’était pas son domaine, elle n’arriva pas à doser et utilisa trop de son essence.
L’ourse cheffe reprit un peu de couleurs.
Mais ce fut au tour d’Alexandra de ne pas se sentir bien.

— Merci… humaine.
— Je… je vous en prie, c’est… vraiment pas grand chose. Vous devrez vraiment voir un vrai guérisseur pour soigner vos plaies. Ce n’est pas ma spécialité, j’ai peur d’avoir omis des détails importants-

Elle tituba et commença à avoir du mal à se maintenir droite.

— Est-ce que tout va bien… ?
Demanda une autre ourse, voyant leur invitée regarder dans le vide et se figer.

Elle essayait de faire en sorte de ne pas avoir le vertige mais la sensation était trop étrange.
Elle commença à voir les tâches qu’elle reconnut aussitôt.

— Je vais…

Elle posa une main au sol pour se stabiliser et elle sombra. Le noir.
Les ourses paniquèrent et la transportèrent dans une autre hutte. Ils retournèrent auprès de son compagnon pour le prévenir.
On l’emmena auprès d’elle et lorsqu’il la vit, son coeur fit un bond dans sa poitrine.

— Qu’est-ce que vous lui avez fait… ?!
La colère l’emporta et les ours l’immobilisèrent.

— Calmez vous, elle s’est juste évanouie, on croit…
— Lâchez moi !
— Si vous promettez de vous calmer.

Ils lui expliquèrent la situation et leur reconnaissance, il essaya de se contrôler pour ne pas s’énerver et alla à ses côtés pour l’examiner et s’assurer qu’elle n’avait rien, pour de vrai.
Elle ne resta pas inconsciente longtemps.
Allongée, elle reprit ses esprits assez rapidement et elle raisonna son époux.

— Hey…
— Hey, toi… que s’est-il passé… ?

Il la serra dans ses bras, mort d’inquiètude.

— J’ai essayé de guérir leur cheffe…
— J’ai compris…
— Comment elle va ?

— Beaucoup mieux, grâce à vous.
Une voix prit la parole pour leur répondre.

— Tant mieux alors…
— Nous nous excusons pour nos manières mais lorsqu’on a vu que vous étiez une femme, nous avons saisi notre chance. Nous ne faisons pas confiance aux hommes…
— Il lui faudra de véritables soins.
— Merci pour votre aide, nous serons reconnaissants à vie.

— Bien, est-ce que nous pouvons retourner à notre tente… maintenant ?
S’impatienta Gabriel.

— Oui bien sûr, nous pouvons également vous prêter cette hutte si vous avez moins confortable.
— C’est gentil mais nous allons retourner dans la notre.

Il aida Alexandra à se relever et se tint prêt à partir.

— Laissez nous vous raccompagner.

Il gromela mais ne refusa pas sa proposition, Alexandra lui avait donné un coup de coude dans les côtes.
Les ourses firent un signe et un ours vint vers Alexandra, et la souleva.
Gabriel ne put rien faire, il contesta mais une ourse lui expliqua que c’était la moindre des choses.
Alexandra était réchauffée par la fourrure de l’ours qui la portait, serrée dans ses bras.
Elle était comme dans un cocon douillet et le remercia lorsqu’ils furent enfin arrivés.
Il ne fit pas de commentaire, et se contenta de souffler par ses nasaux.

Gabriel revérifia qu’elle allait bien, par acquis de consicence et véxé de n’avoir pas pu s’interposer.
La nuit fut encore courte.
Le lendemain matin, alors qu’ils venaient de sortir de la tente pour la replier et chercher de quoi prendre le petit déjeuner.
Des oursons et des ours vinrent à leur rencontre avec des baies et fruits déjà préparés, sur un énorme plateau.
La cheffe, encore faible mais qui allait beaucoup mieux maintenant tirée d’affaires, les salua et les remercia à nouveau, surtout Alexandra. Elle ignora pratiquement Gabriel.
Assise sur un tronc d’arbre coupé, l’ourse s’assit sur une natte que des mâles lui apportèrent, et elle commença à discuter avec Alexandra d’égale à égale.
Gabriel posa son manteau sur les épaules de son aimée, l’embrassa sur le dessus de sa tête pendant qu’elle écoutait attentivement les explications, et alla s’asseoir un peu plus loin, près des mâles.
Ils lui expliquèrent que leur tribue était matriarcale et que les mâles étaient considérés comme inférieurs.

— Ce n’est pas le cas chez vous ?
Demanda un des ours, curieux et surpris par leur comportement.

— Non… ? Je dirais que c’est plutôt 50/50, même si techniquement, je suis à la tête du domaine… Alexandra est mon épouse et elle a au moins autant de légitimité que moi… je le pense.
— Impressionnant… nous avons rarement le choix ici… alors commander…

 

2021.02.20

Marchand itinérant

La tente installée, ainsi que la barrière magique, ils se posèrent à l’intérieur.
Il faisait encore jour mais le soleil était sur le point de décliner. Il avait été sage de commencer à mettre en place leur installation pour la nuit, tant qu’ils y voyaient encore.
Elle avait ramassé quelques branches de bois sec et ils avaient décidé de l’emplacement.
Ils étaient complémentaires et le montage se déroula sans accroc.
Ils étaient en plein milieu de la forêt.
Le lit était un bloc de racines dans lequel il y avait assez de feuilles mortes pour former un nid douillet.
Un drap assez épais fut posé par dessus pour servir de matelas.
Ils voyageaient léger.
La magie aidait grandement mais certaines choses étaient vitales comme la nourriture.
Leur dernier repas était déjà loin.
Gabriel partit chasser un petit animal tandit qu’Alexandra était allée ramasser des baies et des fruits comestibles.
Ils n’étaient pas loin d’un point d’eau et Gabriel revint assez rapidement avec du poisson qu’ils grillèrent autour d’un petit feu de bois.
Il semblait s’amuser comme un enfant.
Lorsqu’il fit nuit noire, éclairé que par les flammes de leur feu, ils se ressèrrent dans les bras l’un de l’autre et Gabriel lança un sort d’eau pour éteindre proprement les dernières braises avant de retourner dans leur tente de luxe.
Ils se couchèrent habillés parce qu’il ne faisait pas assez chaud pour dormir nus, et qu’il n’y avait pas de couverture. Le drap couette servant de matelas prenait déjà une grande place en plus de leur sacs de voyage.
Leur cape-manteau servirent de petite couverture.
Alexandra s’était roulée en boule dans la sienne et Gabriel s’était collé à elle pour lui donner en plus un pas de sa cape, et la prendre dans ses bras.
Elle semblait déjà s’être endormie et il ne tarda pas à la rejoindre au pays des songes.

Elle se réveilla, d’un coup, dans l’incapacité à se rendormir. Elle avait assez dormi mais il faisait encore nuit et elle pouvait deviner qu’ils étaient en plein milieu de la nuit.
Quelque chose n’allait pas et elle sut tout de suite qu’il y avait une présence dehors. Pas loin de la tente.
Elle ressentit sa présence mais Gabriel dormait à poings fermés.
Elle s’extirpa du lit en douceur pour ne pas le réveiller. Elle allait s’en charger.
Il gromela quelque chose mais se rendormi aussitôt lorsqu’elle se leva.
Elle sourit et sortit de la tente.
Elle ne fit pas quelques pas dehors qu’elle sut à peu près où se trouvait l’intrus, si elle pouvait l’appeler comme ça.
Elle s’arrêta et regarda autour d’elle. Une boule de lumière qu’elle avait invoquée éclairait faiblement les alentours.

— Que voulez-vous ? Sortez de votre cachette.
Dit-elle, en continuant de scruter autour d’elle.

Elle restait sur la défensive. Qui cela pouvait bien être ?
Elle n’eut pas à attendre longtemps que la présence se manifesta.
Une forme humaine, en tunique légère, la peau brune et les cheveux mi-longs, clairs. Ses yeux brillaients d’une couleur dorée. Son apparence était étrange.

— Ah, je ne suis pas déçu d’avoir tant attendu, délicieuse étrangère.
— Qui êtes vous ?!
— Un simple habitant de la forêt des plaisirs. Amusons nous un peu puisque nous sommes ici.

Elle ne comprenait pas, la forêt des plaisirs ? C’est vrai qu’elle n’avait pas regardé les zones alentours sur sa carte lorsqu’elle avait prévu ce voyage. Vaguement elle se rappelait qu’il y avait un lieu qui s’appelait comme ca, un peu plus loin, mais elle ne connaissait pas bien ses habitants.
Non, elle était prête à l’attaquer.

— Tu ne veux pas jouer ? Je ne te veux que du bien, tu peux te détendre, je ne te ferai aucun mal.
— Non, merci, partez.
— Ne dis pas ca.

Il avança vers elle, il s’approcha et elle recula.
Elle était prête à le frapper.
Lorsqu’il s’approcha trop près, tendant sa main vers elle, c’est ce qu’elle fit, elle repoussa violemment sa main, et il eut un mouvement de recul.

— Aïe, mais ça fait mal. Pas la peine d’être aussi violente.
— Je vous ai dit de partir. Je ne sais pas ce que vous voulez mais je ne suis pas intéressée.
— T’es une farouche… ça va me donner du fil à retordre mais c’est amusant…

Des racines vinrent enlacer les chevilles d’Alexandra et la prit par surprise. Elle tenta de se dégager immédiatement mais des lianes descendant des arbres tombèrent sur elle et lui agrippèrent les bras et le cou.
Elle était en danger.
Elle bougea, rapidement pour se dégager à temps, elle avait sous-estimé son adversaire. Destabilisée, elle était maintenant tombée par terre.

— Je suis dans mon habitat, tu n’arriveras pas à me vaincre aussi facilement.

Il s’approcha d’elle mais elle se débattait, et malgré les lianes qui entravaient ses mouvements, elle essayait de le frapper et elle réussit presque, s’il n’avait pas attrapé ses bras pour l’en empêcher.
Elle tenta de lui donner des coups de pieds.

— Oh, mais calme toi ! Je ne vais pas te blesser !
S’exclama t-il, dépassé par cette furie qui ne voulait pas baisser sa garde.

Il la fit inhaler des spores et elle retint sa respiration, le plus longtemps qu’elle put avant de ne plus pouvoir. Elle respira contre sa volonté ces particules fines, elle toussota et essayer de souffler pour dégager l’espace, sans succès. C’était trop tard.
Il pensa et commença à se réjouir qu’elle se laisserait maintenant faire.
Il avait tort. Elle s’arrêta de gigoter pendant quelques secondes avant de se débattre à nouveau.

— Mon aphrodisiaque n’a aucun effet… ? Impossible !

Il avait tort mais elle ne dit rien.
Elle avait ressenti les effets sur son corps. Une chaleur étrange l’avait envahi dans son bas ventre et tout son corps lui criait de se laisser porter par cette agréable sensation.
Elle avait un mental d’acier, du moins c’est ce qu’elle croyait.

— Tu ne me laisses pas le choix…

Elle sentit des picotements dans ses bras.
Lorsqu’elle regarda, des épines étaient en train de s’enfoncer dans sa chair au niveau de ses poignets et elle hurla. Pas très longtemps.
Une substance pénétra dans son sang, elle sentit comme un liquide froid couler dans ses veines et se propager sous sa peau.
Puis plus rien. Elle perdit connaissance.

— Que vais je faire de toi, maintenant… ? Attendre que ton compagnon vienne… ?

Il put l’observer de plus près, maintenant qu’elle était immobile, suspendue par les branches et les racines, les lianes l’entourant.
Il ne risquait plus d’être blessé par un coup de sa part, à présent.
Il caressa ses courbes de ses mains, elle ne pouvait pas réagir et il fut presque déçu de n’entendre aucun son sortir de sa bouche.
Il n’eut pas à attendre longtemps, son partenaire sortit de la tente quelques minutes après. Ne voyant pas revenir sa femme, il fut réveillé et inquiet.

Il avait ouvert les yeux après avoir tâté le lit et ne pas avoir sa femme à ses côtés.
Le cri qu’elle avait poussé n’avait pas réussit à lui parvenir. La tente avait été édifiée sous une barrière magique qui coupait les sons et bruits parasites pour assurer un confort optimal.
Il se rappela qu’elle lui avait dit quelque chose, ou pas, mais elle était sortie. Elle devrait être revenue, mais sa place avait eu le temps de refroidir.
Une angoisse l’envahit, puis il remarqua la présence d’un étranger à l’extérieur. Cela ne le rassurait pas, mais la présence de sa femme n’était pas loin. Elle nétait pas loin.
Il sortit de la tente en restant sur ses gardes, il observa les alentours, s’attendant à une embuscade.
Ils n’étaient pas loin. À une dizaine de mètres de là.
Et lorsqu’il vit cet étranger, il ressemblait à un homme mais il n’en était pas sûr, caresser sa femme. Il vit rouge.
Il était sur le point de le frapper, lorsqu’un nuage de spore vint l’entourer et, pris au dépourvu, il en inhala une partie.
Son érection fut tout de suite visible, à travers son pantalon, et l’inconnu ne se priva pas de le commenter.

— Oh, je vois que monsieur est plutôt bien monté. Vous voulez peut-être vous amuser av-

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Gabriel avait continué son chemin et lui avait écrasé son poing sur son visage, l’envoyant valser plusieurs mètres plus loin, contre un arbre, et raclant le sol.
Il délivra sa femme qui, détachée des lianes et des épines, commença tout de suite à reprendre ses esprits, dans les bras de son époux.
À moitié consciente, elle essaya de lui parler mais ses mots n’avaient aucun sens.
La colère était grande dans la poitrine de Gabriel, et il tremblait lorsqu’il la serrait contre lui.
Il vérifia rapidement qu’elle n’avait rien, et son attention retourna sur le trouble fêteur qui était en train de se relever tout en se massant la joue.

— Bah dis donc, vous êtes du genre violent. C’est pas comme ça qu’on salut quelqu’un qui vous veut du bien…
— Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous allez me le payer. Qu’avez vous fait à ma femme ?!
— Oh là, il y a un malentendu, je n’ai voulu que son bien, j’ai juste dû l’endormir pour ma propre sécurité. Je ne vous veux aucun mal, croyez moi !

L’étranger commençait à paniquer, il ne comptait pas se battre contre lui, ni contre eux, si elle reprenait ses esprits.
Le voyant dubitatif, il continua ses arguments pour se défendre.

— Si j’avais voulu vous faire du mal, j’aurai pu tuer cette délicieuse femme pendant qu’elle était inconsciente… je vous en prie, laissez moi dissiper ce malentendu.

— C’est qui ce… malade… ?
Réussit à dire Alexandra, qui entendait ce qui se passait sans trop réussir à se relever.

— Je ne me suis pas présenté, quel idot je fais. Je suis un habitant de la forêt des plaisirs, on m’appelle Baïfa. J’ai senti votre présence non loin de notre région et je me suis dit que je pourrais vous faire un petit cadeau de bienvenue. Nous avons très peu de visite par chez nous…
— Sans blague, si vous accueillez ainsi tous les visiteurs.. pas étonnant que tout le monde évite votre territoire… !
— Que diriez-vous d’un petit champignon de notre cru ? Il ne nécessite que très peu d’entretien et il procurera un plaisir non négligeable à quiconque souhaiterait l’utiliser, j’en ai de différentes tailles et couleurs, de quoi satisfaire tous les goûts-

Gabriel s’en alla en ignorant le dialogue de vente, il retourna dans la tente pour y allonger sa femme et ressorti régler son différend avec le vendeur.

— Je vous l’offre, alors ne partez pas ! Nous avons mal commencé notre rencontre… pour vous, nous avons des modèles plus adaptés pour votre profil… que diriez-vous de cette mousse ? Elle épouse parfaitement la forme de votre pén-
— Ca ne m’intéresse pas. Ca ne nous intéresse pas et allez vous-en avant que je vous refasse l’autre côté de votre mâchoire.
— … Ne soyez pas comme ça, monsieur… c’est un présent, même des présents ! Je ne vous demande rien en retour !
— Sans façon. Partez avant que cela ne devienne désagreable pour vous.
— Mais… je n’ai rien fait de mal…
— Si c’est ce que vous pensez vraiment, vous allez devoir réfléchir sérieusement à vos actions…

Gabriel invoqua une bourrasque et l’inconnu disparut aussitôt de son champs de vision.
Retournant dans la tente, il se précipita auprès d’Alexandra qui était en train de reprendre ses esprits.

— Est-ce que… comment te sens-tu… ? Je suis tellement désolé… je…
Il était pataud et il ne savait pas quoi dire tellement il se sentait coupable.

— Gabriel… ça va…
Elle tendit la main vers lui pour le calmer. Il l’attrapa aussitôt et l’embrassa.

Assis à ses côtés, il l’enlaça.

— Il ne t’a pas… ?
— Non, je ne crois pas… je n’ai rien, mis à part ces satanées ronces… je crois que je vais bien. Qu’est-ce qu’il voulait… ?

Il la serrait dans ses bras musclés de toutes ses forces, comme s’il avait peur qu’elle disparaisse.

— Aucune idée. Je l’ai fait partir. Je ne pense pas qu’on puisse discuter avec lui.
— … Tu vas finir par me briser les os, si tu continues…
— Pardon… je m’en veux tellement…
— Ne le sois pas, j’ai été imprudente, c’est totalement de ma faute… alors cesse de te tourmenter et finissons cette nuit qui est déjà trop courte…

Il la regarda dans les yeux, et passa ses doigts sur sa joue avant de l’embrasser sur le front.

— D’accord… nous en discuterons demain… enfin dans quelques heures.

Il s’allongea près d’elle, et elle se blottit contre lui pour dormir.

— C’est… ton érection que je sens contre mes fesses… ?
— Oui… excuse moi, c’est l’aphrodisiaque de tout à l’heure qui fait encore effet… n’y prête pas attention…
— Et… tu vas réussir à t’endormir avec cette érection… ?
— … Peut-être.

Elle se retourna pour lui faire face.
Elle le regarda dans les yeux, il avait les joues rouges et il détourna son regard.
Elle approcha son visage du sien, et l’embrassa sur le coin de sa bouche, puis sur ses lèvres.
Il l’attrapa avec fougue pour lui rendre son baiser.
Elle avait eu trop honte de lui avouer, mais l’aphrodisiaque lui avait également fait de l’effet. Elle avait tout fait pour se contrôler et ne rien laisser paraître mais elle avait envie de lui.

— Notre nuit est déjà écourtée…
Dit-elle, à demi-mot, entre deux baisers passionnels.

Il grogna en réponse. Trop occupé à la caresser et la déshabiller.
Heureusement que la tente avait une barrière magique qui isolait le son dans les deux sens.
Ils purent laisser exprimer leur émoi sans se soucier de déranger le voisinage.

Le lendemain matin, ils n’étaient pas très frais.
Il l’embrassa dans le cou, pendant qu’elle essayait de se relever, décoiffée et nue, sous les capes qui avaient servi de couverture. Elle s’habilla et se recoiffa tandis qu’il la regardait, amusé.

— Qu’est-ce que tu es belle…
— Arrête de dire des sottises et dépêche toi… on lève le camp, il nous reste encore du chemin…
— Oui, oui… je serai prêt en un rien de temps, laisse moi juste t’admirer encore un peu.

Elle bailla et elle sortit de la tente pour se débarbouiller au point d’eau le plus proche.
Elle sentit la présence de l’inconnu et n’attendit pas comme hier qu il s approche pour l attaquer et l immboliser.

— Qu’est-ce que tu me veux cette fois ?!
— … Je… j’ai réfléchi à ce que votre mari a dit… hier soir… et je tenais à m’excuser… même si je ne comprends pas vraiment pourquoi… est-ce que vous pouvez me libérer… ? Je promets de ne rien faire…
— Au moindre geste suspect, je te sectionne un membre, compris ?!

Alexandra décida de le relâcher et attendit qu’il s’exprime.

— Euh… merci… enfin… est-ce que vous pourriez m’expliquer ce que j’ai fait de mal… hier soir ? Je sais que nos coutumes peuvent être différentes des autres éthnies, mais ça me dépasse…

Elle soupira.

— C’est peut-être pour ça qu’effectivement, les voyageurs évitent votre région. On ne force pas les gens, comme tu las fait hier soir. Même si c’est pour leur « faire du bien » comme tu le dis. S’ils ne sont pas d’accord, c’est non. Compris ?! Ca sappelle du harcèlement sexuel par chez nous.
— Harcèlement… ?! Oh non, ce n’est rien de tel-
— Ca ne se fait pas, c’est tout. C’est clair ? Je n’ai pas donné mon accord hier soir, et maintenant je veux qu’on me laisse tranquille. À cause de toi j’ai passé une nuit très courte !

— Ah, j’ai cru sentir que vous en aviez quand même profité !
S’exclama t-il, fier de lui.

Elle devint rouge et s’en alla, en l’ignorant.

— Je l’ai véxée… ? Mais il n’y a rien de mal à profiter des plaisirs de la vie… ces gens sont vraiment bizarres… chez nous, on ne se prend pas autant la tête. Hey, ne partez pas !

Il la suivit et ce fut au tour de Gabriel d’intervenir, il le projeta contre un autre arbre, avec la force de ses avant-bras qu’il cala sous son menton.

— Ne t’avise pas de t’approcher de nous une fois de plus, ou je t’explose la tête, la prochaine fois.
— … Oui monsieur…

Une voix au loin se fit entendre.

— Laisse le, Gabriel, on s’en va…

Alexandra était en train de réunir ses dernières affaires. La tente était déjà démontée.
Il le relâcha et retourna auprès d’elle.

— T’es sure… ? Je pourrais le finir maintenant.
— Ca n’en vaut pas la peine. C’est une culture différente, on fera attention à le signaler la prochaine fois qu’on passe pas loin de leur région.

Elle ignorait totalement l’habitant de la forêt, et il eut un pincement au coeur.
Il ne voulait pas causer du tort à son peuple par ses actions.

— S’il vous plaît… je ne veux pas que vous ayez une mauvaise image de mon peuple…

À voir son état abattu, Alexandra eut un peu de sympathie, Gabriel lâcha un soupir de désapprobation.

— Le problème, c’est que je crois que c’est le genre de situation qui arrive beaucoup trop souvent. Vos agissements nuisent à votre réputation.
— Je…

— Si vous êtes encore dans les parages à votre retour, nous en discuterons. J’ai peut-être une idée mais là nous sommes pressés
Finit par dire Alexandra.

— Tu es sure… ? Ou c’était un stratagème pour qu’il arrête de nous suivre… ?
Demanda Gabriel, en chuchottant.

— Non, je suis sincère… peut-être qu’une boutique pour adultes serait la bienvenue, dans notre région. Qu’en penses-tu… ?
— … C’est vrai que nous n’en avons pas… ça pourrait être une idée… tu es…
— Je n’ai encore rien décidé, on devra en discuter plus sérieusement après notre voyage d’affaire… !

 

2021.02.07

Sans défense [R-18]

Elles étaient toutes les deux portées comme des choses. Les bras des personnes qui les soutenaient ne semblaient pas de très bonne humeur d’effectuer cette tâche, mais le travail devait être fait, et correctement.
On les emmena à pieds, puis un portal s’ouvrit et on l’emprunta pour arriver enfin à destination.
Le climat était un peu plus doux, encore en plein air, l’entrée du domaine était proche.
Le portail se referma derrière leurs pas.
Lorsqu’on arriva dans le hall, une servante en chef les acceuilla et leur signifia qu’il fallait les emmener dans une pièce particulière.
Les petites mains n’eurent pas d’autre choix que d’obéir sans effectuer le moindre commentaire en face de cet employée. Il ne fallait pas la vexer.
On les jeta dans cette sorte de cave ou pièce à débarras.

Le temps s’écoula et Hélène fut la première à retrouver conscience.
Elle avait quelques douleurs mais cela restait supportable, le temps qu’elle comprenne leur situation.
Il faisait noir complet, la pièce n’était pas éclairée et elle était allongée sur le sol.
Elle pensa à sa soeur, et tout en tâtonnant autour d’elle, elle se mit à l’appeler.
Ses mains finirent par toucher quelque chose, et c’est avec appréhension qu’elle essaya de deviner si ce qui était sous ses mains était quelque chose qu’elle reconnaissait, si c’était un corps et s’il était encore vivant.
Elle entendit gémir.
Aurore était en train d’émerger également, et les mains d’Hélène qui étaient en train de la tripotter l’avaient un peu dérangée dans son sommeil.

— Aurore ! C’est toi ?!
— Hmm… oui, Hélène… ? Où est-ce qu’on est… ?
— Aucune idée… je viens aussi de me réveiller… J’y vois rien… et toi… ?
— Hmmm, ma tête… attends, je dois pouvoir invoquer un peu de lumière…

Elle utilisa un peu d’énergie pour faire apparaître une lumière chaude au creux de sa main, progressive et leurs yeux eurent un peu de mal à s’habituer et voir plus précisément ce qui les entouraient.
Lorsqu’elles comprirent dans quelle genre de pièce elles se trouvaient, elles tremblèrent d’effroi et elles se prirent dans les bras.
C’était une salle de torture. Des instruments de toutes sortes étaient installés un peu partout, également sur les murs. Des crochets de suspension au plafond.
Des chaînes et menottes, des fouets, martinets…
Hélène se leva et essaya d’ouvrir la seule porte qu’il y avait. Sans succès, mais elle ne pouvait pas rester là, à ne rien faire et ne rien tenter
Elles avalèrent leur salive sans oser rien dire.

— Je… j’espère que Ten a pu s’en sortir…
Prononca Aurore, en essayant de se rassurer comme elle pouvait. Ca restait une chose positive.

— Avec un peu de chance… il aura pu rentrer à la maison et peut-être prévenir les parents… putain oui, nos portables !

Elle sortit son appreil mais sa joie fut de courte durée. Le réseau était inexistant.
Aurore fit de même, même résultat.

— Tout va bien se passer…
Dit Hélène pour rassurer Aurore et se rassurer, pour ne pas céder à la panique.

— Oui…
Répondit Aurore, sans trop de conviction.

Elle se serrèrent dans les bras l’une de l’autre en attendant leur sort.

*

La porte s’ouvrit avec fracas.
Elles sursautèrent et se tournèrent vers l’origine du bruit. Elles ressèrent leur étreinte.
La lumière s’alluma et elles virent l’homme qui entra dans la pièce. Il était grand, musclé et il marchait le dos droit et il les regardait de haut, comme si elles étaient des esclaves ou des insectes.
Un sourire mesquin sur son visage, il semblait se délecter de la peur qui envahissaient les jeunes filles au sol.
Elles se relevèrent presque en hâte et Hélène s’interposa tout de suite, souhaitant protéger Aurore. Elle fit un pas en avant et décala sa soeur derrière elle.
Elles essayaient de se donner une certaine consistence, mais aucun son n’arrivait à sortir de leur bouche.
Il s’avanca jusqu’à Hélène et s’arrêta devant elle pour l’observer. Amusé par son comportement.

— Qu’est-ce que vous voule- ?!
Finit-elle par demander.

Il la giffla. Une claque du revers de sa main qui résonna dans la pièce et qui envoya valser le corps de la brunette comme si ce n’était qu’une poupée.
Elle tomba par terre, déboussolée.
Aurore étouffa un cri. Elle s’agenouilla vers sa soeur pour empêcher l’homme de faire plus. Ou pire.

— Apprends où es ta place, gamine.
Sa voix était grave et grondante, sans aucune émotion.

Un rictus satisfait de la punition qu’il venait de lui infliger.
Aurore se tint entre sa soeur et lui.
Il s’approcha d’elles et il attrapa Aurore par les cheveux pour la mettre debout.
Elle essaya de ne pas crier, pour ne pas lui donner cette satisfaction mais des larmes de douleur étaient au coin de ses yeux.
D’une seule main, il la tennait et d’un coup de pied, il fit déplacer le corps de sa soeur sur un demi-mètre.
Aurore ne voulait pas se laisser faire mais elle n’avait presque plus d’énergie magique.
Le peu qu’elle réussit à faire apparaître, fut de petites ronces qui sortirent de ses cheveux pour s’enfoncer dans la main de son agresseur.
Il ne réagit pas et observa ce spectacle, mi-amusé.
Les épines n’arrivaient pas à pénétrer sa peau et il n’en souffrait pas.

— C’est toi la petite princesse. Pitoyable. C’est tout ce que tu sais faire ?

Aurore ne tenta pas de répondre. Elle essayait de se concentrer sur la douleur dans ses cheveux et se tenir sur la pointe de ses pieds pour moins souffrir.
Il la tira et la jeta contre un mur où se trouvait une croix sur laquelle on pouvait attacher quelqu’un via des chaînes.
D’un geste, il utilisa une force invisible pour tenir la blonde les membres écartés sur la croix et dans un autre bruit, des sortes de menottes se refermèrent sur ses poignets et ses chevilles, la laissant à sa merci.
Il fit demi-tour et alla chercher Hélène en la trainant au sol et lui réserva le même traitement, sur une croix en face de sa soeur.

— Qu-est-ce que vous allez nous faire ?!
Cracha Hélène qui ne tenait plus, la rage bouillait en elle.

— Oh, tu es du genre à avoir besoin d’une bonne correction, toi. Ta soeur semble plus intelligente et docile.

Il lui attrapa la mâchoire ce qui résultat que Hélène essaya de lui mordre un doigt en dégageant son visage.
Il lui donna une seconde claque et elle lui cracha dessus.
Il lui rendit un coup de poing dans le genou, puis il s’essuya le visage dans les vêtements de sa prisonnière.
Aurore avait le coeur meurtri de voir sa soeur ainsi.
Hélène riait de manière démente. Ne connaissant pas de limite et Aurore aurait voulu l’empêcher d’attiser la colère de leur ravisseur qui était en train de tourner ses talons et d’aller voir Aurore.

— C’est facile de nous tabasser alors qu’on est attachées, sale lâche.
Provoqua Hélène.

— C’est quoi ton problème, petite ? Tu veux que je te tue sur le champ ? Tu sais dans quelle situation tu te trouves exactement ?
Repondit-il, sans même s’énerver. Presque exaspéré.

— Si tu tiens si peu à la vie. Je peux exaucer ton souhait, petite insolente.
— Que de la gueule, oui !
— Tu risques de regretter tes paroles.

Il s’approcha d’elle à nouveau.
Et Aurore paniqua. Elle ne savait pas ce qu’Hélène cherchait à faire mais cela ne présageait rien de bon. L’homme était dangereux, elle l’avait ressenti et Hélène devrait le savoir. Pourquoi cherchait-elle à le provoquer de la sorte ?
Il la détacha, contre toute attente.

— Vas-y, essaye donc de me toucher.
Dit-il, par défi.

Elle était en piteux état mais elle avait toujours la volonté de se battre, rebelle comme elle l’était.
Elle se tint prête et essaya de le frapper mais il para tous ses coups.
De temps en temps, il contre-attaquait et envoyait Hélène reculer sur plusieurs mètres.
Elle était de plus en plus essoufflée et lorsqu’elle s’arrêta d’essayer de le frapper, ce fut à son tour de répliquer. Et il n’y alla pas de main morte.
Les coups étaient puissants et Hélène était maintenant à terre ne pouvant même plus se relever.
Elle avait peut-être même perdu connaissance.
Il se rapprocha à nouveau d’elle pour peut-être l’achever.

— Arrêtez… ! S’il vous plaît, par pitié… ne la tuez pas… elle ne savait pas ce qu’elle disait… je vous en prie…
Finit par s’exprimer Aurore, d’une petite voix tremblotante et en cherchant le regard d’Hélène.

L’homme arrêta ses pas et se retourna, surprit.

— Le petit oiseau a donc une voix. Ta soeur semble avoir perdu la tête, qu’est ce que tu vas faire pour sa punition ? Tu veux te sacrifier pour elle ?
— Je… oui. Si vous la laissez partir, je ferai ce que vous voulez…
— Qu’est ce qui te dit que j’ai besoin de toi ? Tu essayes de marchander ? Vous ne savez même pas ce que vous êtes pour moi. Vous êtes juste des jouets que j’ai ramassé et dont je vais me débarrasser sous peu. Dès que cela ne sera plus divertissant.

Aurore déglutit.

— Cependant je ne suis pas un monstre, je tiens ma parole si tu trouves quelque chose d’intéressant à m’offrir en échange.
— Je… utilisez moi comme bon vous semble… mais laissez ma soeur tranquille… laissez la partir…

Il rit à gorge déployée.
Elles restèrent silencieuses, attendant son verdict.

— Tu as de l’audace. Je ne libèrerai pas ta soeur, par contre je veux bien l’épargner si tu me fais jouir.

Il détacha Aurore d’un coup, elle faillit s’échouer par terre mais ne fit que trébucher avant de réussir à retrouver son équilibre.

— Suce-moi.
Ajouta t-il en faisant glisser son pantalon jusqu’à ses chevilles.

Aurore n’eut pas d’autre choix, même réticente elle devait le faire et elle remercia le ciel que sa soeur ne soit pas en état de voir ça.
Lorsqu’elle eut fini, elle était en train de recracher le sperme dans sa bouche sur le sol, et elle avait envie de vomir.
Hélène reprit connaissance qu’à ce moment là et vit l’homme remonter son bas d’un air satisfait.

— Effectivement, tu sais te servir de ta bouche, petite.

Il s’en alla en refermant la porte derrière lui et laissant les deux filles dans le noir.

— Aurore… que s’est-il passé… ?! Parle moi…
— …
— Ne me dis pas qu’il t’a forcé à…
— … C’est rien, Hélène…
— Pourquoi… ?!
— En échange de ta vie…
— Je… ! Aurore… je suis tellement désolée… je ne voulais pas…
— Je sais… ne t’inquiète pas… c’était rien… mais promets moi d’arrêter de le provoquer… tu sais qu’il est dangereux… il allait vraiment te tuer…
— Je… je sais… pardonne moi… je pensais pas qu’il était aussi fort… Rah ! Ca m’énerve… ça devait pas se passer comme ça… !

Elle serra sa soeur dans ses bras.

*

Elles n’avaient aucune notion du temps qui passait et lorsqu’il revint, il n’était pas seul.
D’autres hommes étaient là.

— Amusez-vous avec la brune.
Dit-il tout simplement.

Ils attrapèrent Hélène et l’emmenèrent au milieu de la pièce, la séparant d’Aurore, qui contesta.

— Vous m’aviez promis que vous laisseriez ma soeur tranquille ! Menteur !!
S’époumona Aurore, hors d’elle.

— Du calme, petite furie, j’ai tenu parole. J’ai dit que je ne la tuerai pas. Mes hommes veulent juste se distraire, je ne vais pas leur refuser cela. Qui serais-je pour leur en empêcher, hein ?

Hélène était paniquée mais elle avait promis qu’elle arrêterait de le provoquer alors qu’elle avait qu’une seule envie, de cracher son venin et les insulter mais elle ferma sa bouche et essaya de réfléchir à des mots plus adéquats.

— … Prenez moi à sa place. Echangez moi… !
S’exclama Aurore, voyant le regard effarré d’Hélène qui ne semblait absolument pas prête par ce qui allait suivre.

— Quoi… ?! N-non, Aurore, ne fais pas ça…

Un des homme posa sa paume sur sa bouche pour la faire taire et des larmes coulèrent sur ses joues.

— Que dis-tu, ma petite… ? Ca t’a pas suffit hier… ? Tu te sacrifies encore une fois pour ta soeur ? C’est beau cet amour entre soeurs, mais est-ce que tu penses être capable d’encaisser ce que j’avais prévu pour ta soeur ?

— Je peux. Laissez moi prendre sa place
Répéta t-elle, sûre d’elle, sans une once de peur.

Il claqua des doigts et ses hommes lachèrent Hélène qui s’effondra au sol, impuissante.
On lui mit une boule dans la bouche pour l’empêcher de parler ce qui eut effet de la faire baver.
Des liens furent apposésà ses poignets.
Dubitatif, celui qui semblait commander, fit signe à ses hommes de s’occuper d’Aurore, qui fut détachée.
Elle se massa rapidement les poignets, là où les menottes serraient sa peau, et se tint droite.

— Ma soeur n’a pas besoin de voir ça…

— Oh si, bien au contraire…
Sourit-il, satisfait.

Aurore n’eut pas le choix.
Les hommes l’embarquèrent au milieu de la salle, et la déshabillèrent en arrachant presque ses vêtements.

— Interdiction d’éjaculer en elle. Est-ce que c’est clair ? Si vous tenez à votre troisième jambe.
Ajouta t-il sur un ton sévère et autoritaire.

Il connaissait ses hommes et leur lubricité.
Il devait être du genre à tenir ses paroles puisqu’aucun ne chercha à jouer avec le feu.
Il était à côté d’Hélène et il lui tenait le visage pour qu’elle continue de regarder ce qui se passait sous ses yeux.

— Ca serait dommage de rater ce spectacle… ta soeur se sacrife pour que tu n’aies pas à subir ça. N’en perds pas une miette.

Hélène essayait de détourner le regard, fermer les yeux, mais les sons étaient terribles.
Le bruit des coups de rein et des suçons, des va-et-vient dans la bouche de sa soeur, ou bien des fluides dans ses parties intimes, rien n’allait.
Aurore faillit vomir à plusieurs reprises, les hauts le coeur lorsque les hommes peu intentionnés lui enfonçaient trop loin leur membre dans sa gorge, les sons étaient clairs dans la pièce.

— Non… ne regarde pas…
S’exprima Aurore entre ses sanglots, malmenée.

Un des hommes posa sa grande main sur sa bouche pour l’empêcher de s’exprimer plus.
Ils ne l’épargnèrent pas et cela sembla durer sans fin, au bout d’une bonne heure, cela n’était pas encore fini et chaque homme voulait prendre son pied et profiter de ce corps.
Ceux qui avaient déjà éjaculé, l’avait fait dans sa bouche, sur son visage ou sur son corps et elle était poisseuse de fluides et de transpiration.
Elle ne tenait plus debout et elle avait fini par abandonner, relâcher ses muscles, à bout de force.
Les hommes la maintenaient de manière à pouvoir continuer de la pénétrer.
L’un la portait pendant que l’autre la culbutait, ou alors les deux pouvaient s’introduire en elle par ses deux orifices. La douleur était telle qu’elle s’était mordue les lèvres jusqu’au sang.
Lorsqu’ils l’eut recouverte de leur foutre, ils la laissèrent au sol, à moitié consciente et les larmes aux yeux.
On relâcha Hélène qui se précipita sur sa soeur, inconsolable.
Elle bouillonnait de rage et elle priait intérieurement qu’ils paient tous un jour où l’autre, d’avoir fait cela.
Aurore avait trop honte pour croiser le regard de sa soeur, et Hélène s’en voulait trop d’être coupable de ce qu’elle venait de vivre.
Elles restèrent silencieuses, sans trop quoi dire.
Hélène n’osa pas toucher Aurore, elle ne se sentait pas légitime de pouvoir l’effleurer.
Elles étaient impuissantes dans cette situation.
Elles n’étaient pas assez fortes pour les battre, et au vu de l’état de fatigue d’Aurore, elle n’était pas dans la capacité de faire quoi que soit avec sa magie.
Hélène devait se contrôler pour ne pas se jeter dans la gueule du loup, et que cela retombe encore sur sa soeur. Elle prenait son mal en patience tout en les maudissant tous autant qu’ils étaient.

— Emmenez les dans la salle d’eau.
Prononça la voix grave et toujours sans émotion.

Des hommes vinrent vers elles, et c’est avec panique qu’elles se firent transporter jusqu’à une autre salle.
Aurore n’était pas encore revenue de son état à moitié consciente, se fit trainer par les bras, et Hélène dut se lever et avoir l’air la plus docile mais elle n’arriva pas à se laisser faire à 100%.
On les jeta dans une pièce avec juste des toilettes et des douches, carrelée du sol au plafond.
On les laissa et on referma la porte.
Aurore était à moitié nue avec le peu de vêtements qui lui restaient sur la peau.

— Aurore…
La voix d’Hélène était faible, une émotion indescriptible.

Elle ne savait pas comment s’adresser à sa soeur qui s’était sacrifiée. elle se sentait terriblement coupable et désolée.
Aurore reprit ses esprits et mit tous ses efforts à se relever. À moitié assise, elle essayait de recouvrir son corps avec les lambeaux qu’on lui avait laissé comme vêtements. Honteuse, elle n’osait pas regarder Hélène, et ne savait pas non plus comment réagir ni lui parler.

— Je suis désolée… Hélène… que tu aies dû voir ça…
Prononca t-elle, les larmes aux yeux, la douleur en elle.

Hélène se mordit la lèvre, de voir Aurore dans cet état et surtout qu’elle s’excuse pour cela alors qu’elle n’avait rien fait de mal.
Elle lui sauta dans les bras pour la serrer contre elle, et la rassurer. C’était la seule chose en son pouvoir.

— … Qu’est-ce que tu racontes ?! Pourquoi t’es désolée… ?! C’est de ma faute si tu as dû faire ça… pourquoi ça serait à toi d’être désolée… ?! C’est moi… je suis désolée que tu aies subi ça à ma place…. pourquoi… ?!

— Viens, on dirait que c’est une sorte de salle de bain… il y a des toilettes… est-ce que tu veux y aller en premier… ? Je vais utiliser la douche… si ça te va…
— D’accord…

Aurore tituba jusqu’aux toilettes et elle dut s’installer en étant dans la même piece que sa soeur, mais elle n’était plus à se préoccuper de ce genre de détails après ce qu’elle avait pu voir juste avant.
Malgré cela, elle cacha son visage dans ses mains en étant plus que gênée par les bruits qui sortaient de son postérieur. Elle se vidait de l’air qui avait pu entrer en elle à cause des hommes.

— On a grandi ensemble, Aurore… vraiment, ne t’en fais pas pour ça…
La rassura sa soeur, du mieux qu’elle put.

Pour l’aider à passer outre, elle enclencha l’eau de la douche pour recouvrir une partie des sons, ce qui la soulagea.
Lorsqu’elle finit, elle retira ses vêtements pour pouvoir se nettoyer.
Il n’y avait rien, que de l’eau.
Alors elle se rinça, longuement, de la tête aux pieds.
Laissant couler l’eau chaude, presque brûlante, la réchauffer et lui faire oublier les douleurs que son corps avait subi.
Il n’y avait même pas de serviette pour s’essuyer.
Elles restèrent alors sous le jet de la douche pour ne pas attraper froid.

— Ce sont vraiment des raclures… nous laisser dans cette pièce sans savon, sans papier toilette, sans serviette… je sais même pas si on devrait être reconnaissante qu’il y ait au moins l’eau chaude…

Aurore préféra rester silencieuse. Elle était perdue dans ses pensées. Sa magie ne marchait pas. Elle n’était pas assez forte… pourtant elle avait déjà réussi des exploits sans le vouloir mais dans cette situation, elle n’y arrivait pas… ou bien elle était trop épuisée pour pouvoir manifester correctement ses pouvoirs.
Hélène remarqua qu’elle était ailleurs, sa soeur regardait ses mains sans rien dire, son esprit était parti loin. Elle n’osa pas la rappeler sur l’instant présent. Elle venait de subir un viol, tout de même.
Alors elle lui laissa le temps nécessaire, elle se tut.
Elles durent arrêter de se rincer et elles essayèrent de se sécher comme elles purent puis se rhabiller, à moitié mouillées. C’était mieux que rien et rester nues.
Hélène tournait en rond et n’arrivait pas à rester sur place sans rien faire tandis qu’Aurore s’était assise dans un coin sec, à réfléchir à cette situation.
Elles espéraient toutes les deux que ce n’était qu’un mauvais rêve, ou que leurs parents et leur famille viennent vite à leur secours, elles étaient totalement impuissantes.

*

Elles entendirent le verrou et Hélène se rapprocha d’Aurore, toujours sur ses gardes.
La porte s’ouvrit et on les emmena dans une autre chambre.
Elles traversèrent les couloirs en terre et de roches. Hélène essayait de

 

2021.03.26

Route de montagne

Les cheveux longs et légèrement bouclés. Toutes les deux dans la voiture.
C’est Hélène qui conduit, elles vont faire une petite virée dans les montagnes, rien que toutes les deux.
Elle est brune et à la peau légèrement hâlée tandis que sa soeur est pâle, les cheveux blonds.
Dur de croire qu’elles soient soeurs.
Aurore a les yeux vairons et Hélène a les yeux marrons foncés comme ceux de leur mère.
La musique tourne dans le lecteur et c’est dans la bonne humeur qu’elles roulent.
Hélène est prudente mais elle aime la vitesse et fait rugir le moteur de temps en temps, lorsque la route lui permet. Pour faire peur à sa petite soeur, pour la taquiner. Aurore la réprimande et la sermonant de faire attention, ou de regarder la route.
Il y a encore une bonne heure de route,  » est le moment de rattraper le temps en papotant et en se racontant les dernières nouvelles.

— Tu ne m’as jamais racontée pourquoi tu avais cassé avec William.. Il t’a fait quelque chose… ? Si c’est le cas, ne t’en fais pas qu’on va aller lui en toucher deux mots !

— Non ! Bien sur que non !
Répondit-elle outrée.

— C’est juste que je voulais expérimenter de nouvelles choses… ce n’était pas compatible avec mes projets et je préférais casser que de le garder en otage, tu sais…
— Oh… je vois. C’est vrai que maman et papa le voyaient déjà comme leur gendre, tellement vous étiez bien ensemble, mais je comprends. Enfin, c’est pas pour te faire regretter ton choix, hein !
— Oui oui, ne t’en fais pas. On reste de bons amis… même un peu plus parfois…
— Ah bon ?! Petite cachotière !
— C’est pas de ma faute ! C’est un trop bon amant… !
— Ah bah d’accord, je comprends mieux !
— Comprendre quoi ?! Et toi? Hein ? T’es en couple ?
— Hum… on va peut-être passer sous un tunnel…
— Oui oui, c’est ça, allez crache le morceau !
— Bon d’accord… j’en ai pas encore parlé aux parents… Alain est au courant mais c’est tout… c’est encore assez récent mais je suis avec un humain… il est un peu plus jeune que moi. Voilà.
— Quoi, voilà ? T’as une photo ? Il est comment ? Tu me le présentes bientôt ?
— Wow wow, du calme. Erm… je dois avoir des photos de lui sur mon téléphone, tu peux regarder si tu veux…
— T’es sure ? Je ne vais pas tomber sur des photos bizarres ?
— Oh, mademoiselle, j’ai rien de bizarre sur mon tééphone ! C’est toi qui fait un boulot chelou, je te signale !
— Ok ok, je retire ce que j’ai dit.

Elles rirent et Aurore débloqua le téléphone de sa soeur pour regarder dans les photos.
Elle vit la bouille de quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. C’était une photo un peu floue mais plein de charme, un jeune homme blond, aux cheveux ébourrifés et aux lunettes rondes, souriait timidement à la caméra, et semblait avoir voulu échapper au cliché.
Une autre photo où il regardait ailleurs et n’avait pas remarqué qu’on le prenait en photo. Ses yeux étaient d’un bleu clair brillant et ses longs cils lui donnaient un air angélique. Il faisait jeune et avait quelque chose de très innocent.

— Il s’appelle comment ? J’aimerai bien le rencontrer, moi.
— Ah… ! Il travaille pas très loin de la boutique et généralement on prend juste la pause déjeuner ensemble… je lui en parlerai…

Le reste du trajet se passa sans encombre avec d’autres anecdotes.
Elles arrêtèrent la voiture pas loin de l’entrée de la zone forestière et elles marchèrent.
Il n’y avait personne et elles pouvaient continuer leur conversation tout en ayant la possibilité d’utiliser leurs pouvoirs. Hélène n’en avait pas réellement mais Aurore pouvait s’en donner à coeur joie. S’entraîner à utiliser ses pouvoirs et impressionner sa grande soeur.
Ten’ avait dormi sur la banquette arrière tout le long du trajet et pouvait maintenant se dégourdir les pattes. Il courrait partout et sautait de joie, plein d’énergie.

— L’autre fois, un ancien des cours de mon père est venu me voir pendant ma pause…
— Tu veux dire, te voir, ici ?
— Ouais, j’étais au parc et j’attendais mon copain…
— Oh non. Il était amoureux de toi, c’est ça ?
— J’en sais rien ! Mais il m’a tellement énervée ! À me dire ce que je dois faire, que je gâchais mon talent ou quoi, que maman n’approuvait pas ! N’importe quoi ! Rien que d’y penser… !

Elle donna des coups dans le vide pour extérioriser sa colère et Aurore la regarda, en se tenant à l’écart et n’osant rien dire pour ne pas ajouter de l’huile sur le feu.

— Bref, on s’est battu et mon copain a vu ça. J’avais trop honte… !
Hélène se cacha le visage dans ses mains et se mit à chouiner.

— Tu devais être trop classe. Avoue, il a dû kiffer.
— Je crois… j’avais tellement peur de sa réaction, mais il m’a embrassée !
— C’est un lover ton copain !
— Il est trop mignon, mon coeur fond à chaque fois que je le vois…
— Ahah, t’es complètement amoureuse, hein !
— Roh ça va. J’ai le droit d’expérimenter ça à mon âge ! Tout le monde n’a pas eu la chance de tomber sur le prince charmant aussi tôt que toi !
— William est un prince charmant, pour toi ?
— Un peu, non ? Il fait charmeur aussi. Je me suis toujours demandée s’il était pas gay, à tout le temps être collé à Cean et pas avoir de copine.

Aurore pouffa de rire.

— Non mais c’est vrai ! Il était loin d’être moche et je ne l’avais jamais vu avec une fille… avant toi.
— Tu vas me dire que t’avais un crush sur lui ?
— Absolument pas ! C’etait le genre de mec à faire n’importe quoi à l’école, juste pour attirer l’attention. À se demander comment Cean a fait pour ne pas mal tourner avec ce genre de fréquentation… c’était le genre de mec populaire par son charisme, il me sortait par les trous de nez.
— Eh bah dis donc, il est habillé pour l’hiver là. Tu m’en avais jamais parlé…
— Bah… c’était assez étrange de le voir en dehors de l’école. Après le lycée. J’aurais jamais imagine qu’il puisse être aussi sérieux avec le taf de ses parents.
— Je t’avais raconté qu’il était venu une fois me chercher au lycée ?
— Il venait souvent te chercher, non ?
— Oui mais la première fois, il est venu dans ma classe, me chercher.

Hélène s’arrêta et dévisagea Aurore.

— Ouais.
— Il est débile ou quoi.
— J’ai cru mourir de honte, personne était encore au courant qu’on était ensemble.
— Dis-moi que tu l’as frappé.
— Non, mais je lui ai fait un peu la tête…
— T’es trop gentille, je te l’ai toujours dit.

Hélène avait reprit son allure de marche.

— Maintenant je comprends mieux pourquoi le prof’ a presque fait une attaque en le voyant dans notre classe.
— Tu m’étonnes. C’est vraiment un imbécile. Je vois pas d’autres mots.

— Depuis quand tu sais faire ça ?!
Demanda Hélène, stupéfaite des pouvoirs de sa soeur.

—Je ne sais pas, j’essaye juste… tu sais bien que je m’entraîne à utiliser ça qu’avec toi… j’ai un peu honte de montrer ça aux parents…
Répondit Aurore, gênée.

Elle venait de faire sortir de terre quelques racines qu elle essayait de controler par la pensee. Elle bougeait ses doigts et ses mains pour tenter de visualiser.

— Tu devrais pas, je suis sure qu’ils t’aideraient à t’améliorer ! Moi je suis impressionnée ! Je suis incapable de faire ce que tu fais, je n’ai que ma force brute.
— Et moi je suis bien incapable de me battre avec autant de classe que tu le fais !

Le soleil commençait à décliner et elles décidèrent de rentrer. Ten’ retourna à la voiture et se posa sur la banquette arrière comme à l’allée, cette fois-ci, Aurore avait plie un plaid dans lequel Ten’ pourrait poser ses pattes sans salir la petite voiture de sa soeur.
Après avoir attaché leur ceinture, les filles étaient prêtes à reprendre la route.
Il faisait encore jour, le ciel avait prit une teinte rosée et elles profitèrent de ces derniers instants de calme avant de retourner en ville.

— C’est vrai que c’est agréable de prendre l’air frais. Ca me manque un peu en ville, heureusement qu’on peut prendre la voiture pour venir jusqu’ici.
Affirma Hélène perdue dans ses pensées.

— Dis plutôt que c’est une bonne excuse pour prendre le volant !
— C’est vrai aussi !
— On pourrait retourner à la maison, mais il parait que c’est plus dangereux…
— C’est ce que disent les parents, parce qu’ils sont toujours trop inquiets, je pense sincèrement que notre génération ne risque rien. En plus je suis certaine que les alentours du domaine sont surveillés et sécurisés.
— C’est pas pareil… ici on est libre.
— Si on part du raisonnement des parents, ça devrait être aussi dangereux pour nous d’aller nous balader aussi loin.
— Tu as raison. Qu’est-ce qui fait que c’est moins risqué ici, à ton avis ?
— Parce qu’il y a moins de gens comme nous ici, mais concrètement, on encourt les mêmes risques. Si on devait s’arrêter de vivre à cause du danger, ça serait ennuyeux non ?
— Hm… je préférerai ne rien risquer mais tu n’as pas tort. Tu crois que notre génération n’a rien à craindre ?

— En tout cas, moi, je ne suis pas la fille de Gabriel donc je pense que je n’ai aucune valeur aux yeux des ennemis de chez nous.
Dit Hélène avec sarcasme avant de se rendre compte de l’impact de ses mots.

— Ah, désolée Aurore, je ne voulais pas… tu sais, ça ne me fait rien de ne rien valoir aux yeux des autres. Tant que les gens qui comptent pour moi savent ce que je vaux, ça me va. C’est le plus important.
— Je vois… je… c’est juste que je m’en veux que tu aies vécu dans notre ombre alors que…
— Je sais, je sais. Ce n’est pas de ta faute alors arrête. En tout cas si c’est après toi qu’on peut en avoir, je te protègerai. Je ne les laisserai pas faire !
— Merci… j’aimerai être capable de me défendre moi-même, quand même.
— Oui oui, laisse moi un peu me vanter tant que je le peux.

La bonne humeur revint rapidement dans le véhicule.
Le paysage était magnifique et Aurore était perdue dans sa contemplation. De temps en temps, elle jetait un coup d’oeil à Hélène.
Elle ressemblait tellement à leur mère, même avec sa peau couleur café, son attitude et son caracère venaient bien de quelque part.
Son assurance, surtout.
Elle resta silencieuse, rendant un sourire à Aurore quand leur regards se croisaient, puis son attention retournait à la route.

Quelque chose percuta la voiture de plein fouet.
En un instant, leur moment de plénitude explosa.
Tout sembla se passer au ralenti.
Il n’y avait rien sur la route pourtant leur véhicule se fit projeter par dessus la palissade de la route montagneuse et elles étaient en train de finir dans le ravin.
Tout se passa très vite.
Aurore paniqua, et dans cette action, ses pouvoirs réussirent à les sauver de justesse.
Les grosses racines sortirent et amortirent leur chute. Elles attrapèrent et enlacèrent le véhicule, les secouant, mais les secousses s’arrêtèrent aussitôt.
Les roues ne touchaient pas le sol, elles avaient été balotées dans tous les sens et elles étaient la tête à l’envers.
Aurore essaya de reprendre ses esprits tout de suite.
Ten’ chouina et aboya pour signifier qu’il était encore là.
Ce qui aida Aurore à revenir sur terre, Hélène était la plus secouée.
Dans les mouvements, elle semblait s’être cognée contre son volant et ailleurs. Par chance les vitres n’avaient pas été cassées mais rien n’était sûr pour les filles.

— Hélène !! Est-ce que ça va ?!
— Hmmm… Aurore… je te jure, j’ai fait attention… ce n’était pas moi…
— Je sais, j’ai vu. Il n’y avait rien sur la route, c’était trop bizarre…
— Putain !

Hélène sembla reprendre ses esprits aussitôt, et paniqua.

— Putain putain putain-
— Calme toi, il faut qu’on sorte d’ici. Est-ce que tu peux bouger… ?
— Aurore, ce qu’on disait tout à l’heure, est-ce-
— Hélène, on va d’abord sortir de la voiture…

Alors qu’Aurore essayait de rester calme et de ne rien laisser paraître, il fallait qu’elle s’occupe des priorités.
Hélène ne semblait pas en état de refléchir. Encore à moitié confuse, elle essayait de se remettre les esprits en place.

— D’accord, tu as raison… j’ai un peu mal à la tête mais ça devrait aller.

Elles étaient la tête en bas, encore attachées à leur ceinture de sécurité, et Aurore fut la première à se déclipser. Elle séchoua dans un grand bruit de taule sur la toiture et réussit à s’extirper après avoir réussit à ouvrir sa portière.

— Ok… à mon tour…
Hélène fit la même chose à son tour, en jurant pour ponctuer chaque respiration.

Ten’ s’était engouffré dans la portière du côté d’Aurore et il était aux aguets. Il ressentait le danger, même loin, il savait qu’elles étaient vulnérables dans cette situation et cette géographie.
Aurore rejoint Hélène et vérifia qu’elle n’avait rien de cassé. Inquiéte elle n’osait pas la toucher pendant qu’elle semblait se remettre d’une énorme migraine.

— Ca va… ça va… passer. Quelle situation de merde. Le soleil commence à se coucher, avec les arbres ici, on va rien voir dans pas longtemps… !
— Je viens de vérifier, on capte rien sur mon téléphone.

— Merde, moi non plus.
S’exclama Hélène en regardant sur son propre appareil.

La barre indiquait aucun signal.

— On va pas pouvoir prévenir… il ne nous reste pas d’autre choix, il faut rentrer à pieds…
— Ou passer la nuit dans la voiture… mais vu comment elle est, ça va être compliqué…
— Tu… penses pouvoir la remettre dans le bon sens… ?
— Euh… je sais même pas comment j’ai fait pour faire… ça. Alors la remettre dans le bon sens…
— Okay, bon on va marcher avant qu’il fasse complètement noir… avec un peu de chance on va peut-être pouvoir s’arrêter dans une zone d’habitation, un petit village. Et surtout avoir du réseau…

Elles récupèrent ce qu’elles pouvaient dans la voiture, dont le plaid de Ten’ et elles se mirent en marche.
Lorsque le soleil disparu complètement du ciel, la température baissa drastiquement et Aurore se serra contre sa soeur, enroulée dans la petite couverture.

— T’as toujours peur du noir… ?
Demanda Hélène, pour détendre un peu l’ambiance et le silence qui s’était installé.

— Je, je ne vois pas de quoi tu veux parler…
Répondit-elle en tremblant légèrement.

Hélène sourit légèrement.

— T’as entendu ce bruit… ?
Taquina la brune.

— N-non ? Arrête, ne me fais pas marcher… c’est pas drôle…
Chouina Aurore.

— Aha, ok. Par contre… c’est vraiment trop bizarre cet accident, je te promets que j’ai fait attention…
Expliqua Hélène.

Elles n’avaient pas osé en parler parce qu’elles savaient toutes les deux ce que ça impliquait, et inconsciemment elles préféraient se voiler la face. Malheureusement ce n’était pas une solution.

— Je sais, je te fais confiance et j’ai vu également q’il n’y avait rien sur la route…

Ten’ ouvrait la marche pour indiquer le chemin. De temps en temps il aboyait pour signifier qu’il fallait passer par là, où pour qu’elles se dépêchent.

—Je sais que Ten’ nous préviendra si jamais il y a une présence… mais je reste sur mes gardes…
— Moi aussi… même si je ne sais pas me battre…
— Tu sais courir au moins ?
— Ah oui ! Tu savais que je devais aller à la salle pour me garder en forme pour mon boulot ?
— Non… ? Tu soulèves des poids ?

— Arrête de te moquer de moi !
Répondit Aurore en la poussant, faisant mine d’être agacée.

*

[Alternative] Hélène semblait avoir perdu connaissance. Le choc et la voiture qui était retournée, elle avait dû prendre un mauvais coup.
C’est l’aboiement de Ten’ qui tira Aurore de son état à demie consciente.
Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle ne distinguait plus grand chose à cause des arbres qui les entouraient mais également du soleil qui était en train de disparaître du ciel.
Elle avait peut-être eu un petit moment d’abscence.
Elle regarda autour d’elle et remarqua les racines qui entouraient le véhicule et qui l’avaient maintenue au dessus du sol, de pas grand chose mais elle pouvait le deviner parce qu’elle tanguait. La chute avait été amortie et elle était reconnaissante.
Elle tenta d’appeler et de réveiller sa soeur, mais sans succès. Au bout de plusieurs minutes, quand elle réussit à se détacher, elle se retrouva à quatre pattes sur le toit à l’intérieur de la voiture.

— Hmm… que…
— Hélène ! Il faut qu’on sorte de là ! Tu peux bouger ?
— Je… crois…

Elle répondit à moitié dans les vapes, elle avait encore du mal à comprendre où elle était.
Aurore la pressait, inquiète, un mauvais pressentiment lui disait qu’elles devaient se mettre en sécurité le plus vite possible, et que rester dans la voiture n’était pas une solution.
Elle la détacha et tenta d’extirper sa soeur qui n’était pas en état de réagir.
Elle avait dû se cogner trop fort pour être aussi sonnée.
Ten’ était déjà dehors et semblait guetter la moindre présence hostile.
Aurore tenta de supporter le corps de sa soeur et l’aida à marcher sur le chemin que Ten’ avait ouvert pour elles. Il les invitait à le suivre.
Hélène titubait mais fini par reprendre peu à peu ses esprits, l’air de l’extérieur et le fait qu’elles soient maintenant la tête dans le bon sens.

— Merci Aurore…

— C’est rien, quelque chose me dit qu’on est pas au bout de nos peines…
Répondit-elle en jetant un coup d’oeil à son téléphone.

À ce moment précis, son appareil vola a plusieurs mètres d’elle, une force invisible lui avait arraché de ses mains. Ni elle, ni sa soeur et encore moins Ten’ ne sentit la présence s’approcher.
L’objet se cogna contre un arbre avant de finir au sol, dans un bruit étouffé par les feuilles mortes.
Hélène se tint sur ses gardes, du mieux qu’elle put et Ten’ aboya. Malgré ce à quoi ils venaient d’assister, aucun d’entre eux n’arrivait à savoir d’où venait la menace.
Ils se regardèrent et en ne sachant pas quoi faire, et Aurore alla chercher son téléphone avant de continuer leur chemin en suivant les indications de Ten’ dans un silence oppressant.
Par chance, son smartphone marchait encore, malheureusement elle n’avait aucun réseau.
Elle put l’utiliser comme lampe d’appoint, au moins, mais elles avaient peur.
Hélène avait maintenant repris tous ses esprits.
Son téléphone ne captait pas mieux et la panique grandissait en elles.
Ten’ s’arrêta et elles en firent de même.
Elles se regardèrent, attendant un signe de Ten’, lorsqu’Aurore s’avança, elle vit le gouffre qui les attendaient s’ils continuaient leur chemin.
Il semblait aussi perdu qu’elles et ne comprenait pas pourquoi le chemin qu’il avait cru assez sécurisé, ne l’était plus.
Aurore recula et lui fit signe de reculer avec elle, elle avait peur qu’il y ait un éboulement.

— Parfait, le chien a suivi notre plan sans se méfier.
Une voix se fit entendre et peu de temps après, une silouhette apparut, encapuchonnée.

Elle n’était pas seule et Aurore se rapprocha de Hélène qui essayait de se positionner pour se défendre.
Ten’ était également en train de grogner et tentait de s’interposer entre elles et l’ennemi.
Il faisait froid, elles avaient peur, elles tremblaient.
D’un geste vif, leur adversaire envoya un coup invisible projeter le corps d’Hélène comme si ce n’était qu’une poupée de chiffons.
Aurore sursauta et lorsqu’elle vit sa soeur valser à plusieurs mètres, quelque chose en elle se resserra.
Le temps de tourner sa tête pour suivre le mouvement, son instinct réagit plus vite que sa pensée, sa magie intervint et des racines apparurent de sous terre pour tenter de rattraper le corps de Hélène, pour au moins faire en sorte que sa chute soit moins dure.
Aurore courut auprès d’elle pour voir si elle allait bien mais le coup avait dû être trop violent. Ainsi que l’impact. Elle avait cogné fort contre un tronc et le bruit avait retentit comme une explosion au milieu du silence de la nuit.
Hélène était inconsciente, déjà sonnée par l’accident, ce dernier coup n’avait en rien aidé, ni arrangé son état physique.
Aurore ne pouvait rien faire d’autre à part rester à ses côtés et faire de son mieux pour la protéger. Ten’ aboyait et grognait. Les ennemis étaient en lévitation à plusieurs mètres au dessus et ils étaient inatteignables.
Il ne pouvait rien faire à part signifier son mécontentement.
Les inconnus, agacés, finirent par l’envoyer valser, également, mais de l’autre côté, du côté du ravin.
Aurore cria et leva le bras comme si elle pouvait les en empêcher, c’était trop tard.
Il glapit et, des racines sortirent de terre pour se précipiter sur le corps de Ten’ et le saisir avant une chute mortelle.
Une figure encapuchonnée s’approcha d’Aurore rapidement pour la saisir au cou et l’empêcher de nuire.
La poigne qui la saisit au cou était forte, elle l’attrapa comme si de rien n’était et la souleva.
Elle en eut le souffle coupé et elle n’osa plus bouger. C’était douloureux et elle avait bien trop peur de sentir sa nuque se casser dans cette main froide et puissante.
Elle essaya de ramener Ten’ sur la terre ferme et elle pria pour qu’il s’échappe.
Elle sentit qu’elle avait pu le relâcher plus loin et elle prit tout le souffle qui lui restait pour lui dire de fuir.
Il chouina mais voyant les réactions des adversaires, il courut pour sauver sa peau, et ses poils.
Des attaques tentèrent de l’attraper mais aurore essaya de le protéger du peu de forces qui lui restait.
Elle avait utilise trop de fois sa magie, et malgré ses capacités, elle n’avait pas l’habitude de s’en servir autant ni si intensément. Sa réserve d’energie magique n’était malheureusement pas infinie, et cela elle l’avait oublié.
Elle commençait à avoir l’esprit embrouillé mais elle pensait que ça venait du fait qu’elle n’arrivait plus à respirer.

— Relâche la avant qu’elle meure. Il faut qu’elles restent en vie.
Prononça une voix au loin, qui résonna jusqu’à elle.

— Tant pis pour le chien, on n’en a plus besoin.
Dit une autre voix.

Ils étaient à moitie camouflés dans les airs, derrière les feuillages et les branches des arbres. Aurore essayait de deviner combien ils pouvaient bien être, mais elle était sure de rien.
On la relâcha.
Elle put reprendre son souffle et elle tomba à genoux au sol, surprise de sa libération mais aussi n’ayant plus aucune énergie dans ses jambes. Elle se massa le cou, tout en reprennant des grandes bouffées d’air.
Que pouvaient-ils bien lui vouloir ?
Elle sentit les regards sur elle. On l’observait attentivement.
Elle essaya de se relever, sans succès, elle perdit l’équilibre et elle sentit son énergie la quitter.
Elle s’effondra de tout son corps.
De petites racines tentèrent de l’attraper avant qu’elle ne s’échoue.

— On a même pas besoin d’intervenir. Parfait.

Les silhouettes descendirent doucement pour se poser devant Hélène et Aurore qui étaient maintenant inconscientes.
On les ramassa et on les porta pour les embarquer.

— Porte les avec soin, je ne voudrai pas plus abîmer la marchandise. Le maître risque de nous en vouloir.
— Tss… j’ai compris.

Les soutenant précieusement, on les emmena.

 

2021.02

Bagarre

— Vas-y frappe. Frappe moi encore si t’as des couilles !
Avait-elle crié.

Elle était déjà abîmée, les cheveux en batailles, courts, de manière désordonnée, elle était animée par une certaine rage qu’elle-même ne comprenait pas et elle provoquait son adversaire.

— Aurore, ça suffit, tais toi…
Lui disait une jeune femme qui la retenait d’un seul bras.

Elle était inquiete et voulait éviter que cela dégénère mais la jeune fille blonde ne voulait rien entendre.
En face, plusieurs garçons essayaient de raisonner leur ami.

— Arrête, laisse la, elle sait pas ce qu’elle dit.

Le jeune homme était peut-être trop fier pour la laisser s’en tirer ainsi, l’alcool n’aidant pas, les témoins non plus, il n’allait pas se laisser insulter ainsi.
Puis il y avait sa manière de le regarder dans les yeux, son regard de défi, l’air de lui dire qu’il ne serait pas capable de la frapper encore une fois.
Qu’est ce qu’il craignait ? Semblait-elle lui dire, avec son sourire narquois.
Il se dégagea de l’emprise de ses amis et fit signe que c’était bon. Qu’il avait compris le message.
Puis il prit un dernier élan pour s’avancer vers elle et lui cogner la joue avec son poing.
C’était si agréable, il en avait tellement envie et cela le soulageait de pouvoir lui en coller une pour lui fermer son clapet.

Le monde s’arrêta un instant et les regards des différentes personnes aux alentours virent la scène au ralenti.
Aurore se prit une droite sur sa joue gauche et elle finit à terre avec l’impact, sonnée.
Elle resta au sol, et elle sourit.
La jeune femme aux cheveux noirs s’approcha d’elle et jeta un regard noir au garçon qui était déjà en train de partir, un sourire satisfait sur son visage.

— T’es vraiment qu’un connard.

— C’était ce qu’elle voulait.
Répondit-il sans même se retourner, en haussant les épaules.

Ses amis s’écartèrent et désapprouvaient sa dernière action.

— Mec, tu n’avais pas besoin de faire ça…
— Tu sais qu’elle a juste un peu trop bu.
— Je veux rien savoir, c’est elle qui m’a demandé, maintenant laissez-moi tranquille.

Aurore souriait. Elle était sonnée, elle ne se sentait pas de se relever tout de suite. Son cerveau traitait les informations au compte goutte avec l’alcool qu’elle avait ingéré. Elle était contente de recevoir ce dernier coup. Jamais on ne l’avait frappée de cette manière et c’est comme si elle avait besoin de ça pour s’arrêter. Pour comprendre qu’elle avait fait une erreur, qu’elle méritait ce dernier coup.

—Ca va… ? Comment tu te sens ? Tu peux te relever ?
La voix chaleureuse à ses côtés la tira de ses pensées.

— Hmm… oui, ça va… attends juste un peu…

Le gout métallique du sang dans sa bouche, elle n’osa pas toucher son visage mais la sensation qu’elle avait sur sa peau, une légère brûlure, était assez explicite pour qu’elle se rende compte qu’elle était blessée et pas qu’un peu. Il n’y était pas allé de main morte et elle rit d’elle-même, silencieusement.
Les mains de son amie l’aidèrent à garder l’équilibre et lui donner la force de se remettre sur pieds, d’être un peu plus digne.

— Merci…
Elle lui adressa un sourire gêné et elles se dirigèrent vers un canapé.

— Attends-moi, je reviens avec une trousse de soin.

Elle grimaça lorsqu’on lui appliqua de l’alcool sur la peau.

— Je suis désolée…
Murmura t-elle, coupable.

— Pour quoi ? Pour ça… ? Oh ! Ne t’en fais pas. Vraiment. Il y a déjà eu pire ici. C’est rien ça.
La brune la rassura et sourit tout en continuant à lui désinfecter ses plaies.

Elle n’osa pas demander ce qui avait pu bien se passer ici de pire, et se tut. Ten’ était revenu à côté d’elle.
Elle lui avait ordonné de ne pas intervenir et il avait chouiné, impuissant. Elle le caressait tout en se crispant à chaque fois que le coton qui était imbibé d’alcool touchait sa peau.
Un des amis du garçon qui l’avait frappée vint la voir.

— Excuse le, il est comme ça quand il boit un peu trop…

Il était sincèrement désolé du comportement de son ami.
Aurore lui rendit un sourire aussi sincère que possible. Sa réaction la faisait sourire parce qu’elle savait qu’elle l’avait cherché et qu’elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même.

— C’est pas à toi de t’excuser, puis je suis tout autant fautive… j’ai bien mérité ma raclée.
Dit-elle le sourire aux lèvres.

— Ne fais pas trop la fière. Je n’aurais jamais pensé que tu ailles aussi loin, t’es vraiment pas possible… qu’est-ce que tes parents vont dire lorsqu’ils vont te voir dans cet état…
La jeune femme la rappela à l’ordre et soupira.

— … Ah ça… je vis chez mon cousin donc ça devrait aller. Mes parents n’auront pas à voir ça…
Sa bonne humeur s’effaça.

Après avoir demandé l’heure, elle se dit qu’il était temps pour elle de rentrer. Elle culpabilisait encore d’avoir dégradé la bonne ambiance même si on la rassurait du contraire. Elle n’était plus aussi à l’aise et il commençait vraiment à se faire tard.
L’alcool et la petite altercation l’avaient fatiguée et si elle ne bougeait pas d’ici, elle savait qu’elle allait s’endormir dans un coin.
Sa tête tournait un peu mais elle était sur le point de désoûler, elle mit énormément d’efforts à se lever sans tanguer ni trébucher.

— Tu es sûre ? Tu pourrais rester encore un peu.
— Oui… merci, mais je pense que j’en ai assez fait pour aujourd’hui…
— Tu veux pas qu’on te raccompagne ? Le soleil est en train de se coucher et j’aurais peur que tu te perdes.
— Non non, vraiment. Je connais le chemin et j’ai Ten’ avec moi. Je risque rien.

Son interlocutrice soupira.

— Je peux te raccompagner sinon.
— Non, reste là. C’est gentil mais ça va aller.

Elle tenta d’écourter la conversation et partir le plus rapidement possible.
Saluant rapidement ceux qui restaient, qui lui jetèrent un regard rapide ou juste un signe de main pour lui dire au revoir.
Elle avait besoin d’air frais.
Entre la douleur de sa petite bagarre, son alcoolémie alors qu’elle était pratiquement à jeun, et la fatigue, elle n’était pas au meilleur de sa forme, mais la température extérieure et la légère brise de début de soirée lui étaient agréable.
Elle prit une grande inspiration et elle marcha, Ten’ ouvrant la marche.
Elle aurait pu rentrer directement mais elle se dit qu’il était préférable qu’elle désaoule avant.
Puis elle avait envie de se balader encore un peu dehors, seule, à réfléchir et profiter du calme ambiant.
Ten’ s’arrêta net.
Ce qui l’interpela c’est qu’il trottait normalement et ses pas s’arrêtèrent abruptement, et elle reconnaissait l’attitude de son animal.
Il y avait quelqu’un.
Elle le rappela à elle, parce qu’elle ne savait pas qui c’était et il aurait mieux fallu que Ten’ n’agresse personne, et surtout pas un passant.
Elle le calma et l’incita à ne pas grogner. C’était malpoli.

— Il y a quelqu’un… ?
Demanda t-elle, sur ses gardes.

Elle avait senti la présence de quelque chose mais comme la supposée personne ne semblait pas se manifester, elle était dans le doute.
Elle sentait le danger. Elle n’était pas certaine mais cela pouvait être dangereux et même avec Ten’, elle devait être prudente. Elle tentait de garder une certaine contenance et ne pas montrer qu’elle avait peur.
Elle entendit le bruit d’un froissement de feuilles et de branchages qu’on déplacait puis elle vit l’ombre se dégager et apparaître devant elle.
Une ombre d’apparence plutôt humaine.

Il avait fini par sortir de sa cachette, même si cela n’en était pas vraiment une. Il ne pouvait plus passer inaperçu maintenant que l’animal avait senti sa présence.
Il ne cacha pas sa mauvaise humeur et il lâcha un soupir exaspéré en se dévoilant.
C’était un jeune homme, ou plutôt un adolescent d’origine asiatique, les cheveux en bataille et mi-longs, lui retombant sur le devant du visage.
Et il était vraisemblablement de mauvaise humeur.

— Salut… ?
Dit Aurore, pour engager la conversation.

Elle ne savait pas comment réagir face à cet adolescent, qui n’avait pas l’air majeur.
Son attitude l’avait quelque peu dérangée. Il venait clairement de claquer de la langue, d’exaspèrement, même si c’était fait de maniere discrète, elle l’avait entendu, et il trainait des pieds, comme s’il aurait préféré ne pas être découvert.
Qu’est ce que cela pouvait signifier ?
Est-ce qu’il comptait l’effrayer ?

— … Salut…
Repondit-il en regardant ailleurs. Il n’avait pas envie de parler ni rester ici.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu t’es perdu… ?
Demanda t-elle, voulant être amicale.

Ce n’était pas le meilleur moment pour elle, qui etait en train de désaouler mais elle fit de son mieux.

— Et toi ? Tu fais quoi ici ?
Rétorqua t-il, sur la défensive, presque agressivement.

— Comme tu peux le voir, je promène mon chien…
Mentit-elle.

Sa réponse tenait. Elle ne savait pas s’il connaissait l’endroit où ses amis faisaient la fête, et elle préferait jouer l’ignorante que de dévoiler quelque chose qui ne devait pas l’être.

Il jeta un regard noir à Ten’ et revint sur Aurore, pas convaincu par sa réponse mais il n’avait pas d’autres idées sur sa raison dans les bois, et il haussa les épaules, attendant impatiemment de pouvoir s’extirper de sa compagnie.

— Tu ne m’as pas répondue, tes parents savent que t’es ici ? Si t’es perdu, je peux te raccompagner à la sortie. Je m’y rendais de toute façon.

— Mes parents ?! Tu crois que j’ai quel âge ?
Il se sentit insulté et il haussa un peu sa voix, laissant éclater son agacement.

— … L’âge de pas traîner dehors tout seul, et surtout pas à cette heure-ci…
— Regarde toi ! T’as pas l’air plus âgée que moi !
— Je suis majeure !
— Moi aussi !

Elle n’avait pas la tête à se prendre le choux avec un jeune et un silence était revenu, où les deux inconnus se jaugeaient sans rien faire, puis elle décida de continuer son chemin et l’ignorer.
Elle eut un moment d’absence, certainement dû à l’alcool, mais elle sentit le sol se dérober sous ses pieds, ce qui n’était pas possible. Elle posa sa main sur un arbre, n’importe quel support qui pourrait l’aider à ne pas tomber, puis. Elle sombra.
Elle ne se sentait pas bien et des tâches étaient apparues sous ses yeux avant que tout ne s’éteigne.
Elle se crut dans un rêve.

Il la vit faillir et la seconde d’après, alors qu’ils étaient éloignés de quelques mètres, il était près ‘elle, à la maintenir. Il n’était pas inquiet mais juste blasé, et cela l’embêtait qu’il doive intervenir pour cela.
Le chien était prêt à se mettre à aboyer lorsqu’il vit sa maîtresse dans ses bras.
Le jeune garcon le fit taire d’un regard, et parla.

— Rassure-toi, je ne vais pas la dévorer. Ne t’avise pas d’aboyer ou c’est toi va servir de proie.
Sa voix était glaciale et on aurait pu voir des flammes dans ses pupilles.

Il était exaspéré.

— Pourquoi ça n’arrive qu’à moi ? Je voulais juste me promener tranquillement et je tombe sur une gamine qui empeste l’alcool et vu comment elle est fine, elle doit certainement être à jeun.

Il leva les yeux au ciel et se mit à converser tout seul, pour l’aider à extérioriser sa mauvaise humeur.
Il l’attrapa dans ses bras et la posa délicatement au sol sur ses genoux et il retira son blouson pour la recouvrir.

— Ne me regarde pas comme ça, personne n’irait boire du sang d’aussi mauvaise qualité. Tu ferais un meilleur choix.
Ajouta t-il en direction du chien qui ne semblait toujours pas rassuré de sa présence.

— Je ne vais rien te faire non plus. Elle m’a totalement passé l’envie de quoi que ce soit. Ta maîtresse. J’espère qu’elle va se réveiller bientôt parce que je n’ai pas que ça à faire que de la veiller jusqu’au petit matin.

Elle entendait un bruit de fond, des paroles mais elle n’en comprenait pas entièrement le sens.
Elle était dans une sorte de brume et toute l’énergie dans son corps s’était envolée.
Elle se sentit enveloppée d’une douce chaleur minime et ses sens lui revinrent petit à petit.
Lorsqu’elle reprit ses esprits, elle fut extrêmement surprise de se retrouver sur les genoux du garçon, avec quelque chose sur elle.
Ten’ était à ses côtés également mais semblait effrayeé par l’inconnu.

— Ah… merci… ?
Réussit-elle à prononcer, encore à moitié dans les vapes.

— Ah, c’était pas trop tôt. Bon si t’es réveillée, bouge de là et rentre chez toi.

Elle était en train de penser que cet individu n’était peut-être pas si méchant mais aussitôt qu’il ouvrit la bouche, elle put balayer sa gentillesse d’un grand revers de sa main. Elle avait maintenant envie de le frapper.
Si seulement son état lui permettait.
L’effet fut immédiat. Elle se releva aussitôt, et lui rendit son manteau. Elle n’avait rien d’autre à ajouter, à ce désagréable personnage.

— Fais gaffe sur le chemin, gamine.
Dit-il, avant de se retourner et partir.

— Toi-même, gamin !
Dit-elle, un peu trop fort, rouge de honte et de colère, jusqu’aux oreilles.

Sur le retour, elle fulminait.

— Tu te rends compte ? Ce petit a l’air prétentieux… tellement énervant !

Elle parlait toute seule et à la fois en s’adressant à Ten’ qui ne pouvait pas lui répondre.
Elle rentra chez Jasper et se coucha aussitôt après s’être brossée les dents et s’être lavée.
Elle se jeta sur le canapé et s’endormit presque aussitôt.

Lorsque Jasper rentra, il était déjà tard et il dut allumer la lumière dans l’entrée. Il remarqua Aurore et tenta de ne pas faire trop de bruit.
Il revenait de soirée aussi.
Il était soulagé qu’elle soit rentrée dormir. Il lui arrivait de découcher et cela l’inquiétait qu’elle n’ait pas de bonnes fréquentations mais elle était grande, après tout.
Ten’ leva une oreille puis se rendormit.
Jasper enleva son manteau et ses chaussures, et passa voir sa cousine de plus près.
C’est à ce moment là qu’il remarqua les blessures sur son visage.
Et même si elle s’était lavée, une odeur d’alcool et de cigarette légère l’imprégnait.
Une panique l’envahit. Il était dépasé par cette situation.
Il avait assuré à sa tante qu’il prendrait soin d’Aurore mais en réalité, elle faisait ce qu’elle voulait et il ne pouvait pas la fliquer. Il avait confiance en son sens des responsabilités pour qu’elle ne se mette pas en danger ou dans des situations périlleuses.
Son coeur se ressera et il sortit son téléphone pour appeler quelqu’un : Cean.

— Allô ? C’est qui… ?
Une voix à moitié endormi répondit.

— Excuse-moi de t’appeler aussi tard, c’est Jasper. C’est au sujet d’Aurore.
— … Il est quelle heure… ? Oh…

Les yeux plissés, Cean regarda l’heure sur son téléphone.

— Est-ce que tu peux venir… ? Maintenant ?…
— Euh… laisse-moi le temps de m’habiller, j’arrive.

Chez Jasper.

— Salut…
— Désolé d’avoir bouzillé ta nuit..
— C’est rien, si tu me dis de venir c’est que c’est important.
— Oui… suis moi…

Ils quittèrent le pas de la porte où ils chuchotaient, pour entrer dans l’appartement et après avoir refermé derrière, ils purent parler de manière normale, tout en faisant attention de ne pas parler trop fort.
Jasper l’emmena dans le salon où une petite lumière tamisée éclairait doucement la pièce, puisque Aurore dormait dans le canapé.
Elle dormait à poings fermés, épuisée et surtout saoule.
Il était probable que la lumière ne la réveille pas, ni le son de leurs voix.

— Je suis rentré de ma soirée, elle était déjà comme ça. Je sais pas si tu peux le voir…
— Si… elle s’est battue ? Puis…

Il s’approcha un peu plus d’elle pour sentir.

— Elle sent l’alcool… ?
— C’est ce que je me suis dit.

— Je sais qu’elle est en âge de boire… et elle est grande mais… qu’est-ce qu’on peut faire pour qu’elle arrête de faire n’importe quoi…
Soupira Cean, profondément affecté par l’état de sa soeur.

— Je ne sais pas… j’ai préféré t’en parler à toi en priorité… je ne suis pas sûr qu’en parler à tes parents soit productif… autant ta mère, je sais qu’elle peut prendre ça calmement… mais ton père, j’suis désolé mais je le vois totalement s’énerver et à vrai dire, il me fout les jetons.
— T’as bien fait… tu as bien raison… mon père risque de venir jusqu’ici la ramener de force à la maison, si jamais il l’apprend… pourquoi elle fait ça… ? Est-ce qu’elle t’en a parlé… ?
— Non… pas encore… je voulais pas la brusquer et attendre qu’elle m’en parle d’elle-même, mais là… j’ai préféré te demander quoi faire, ou au moins te prévenir de la situation.
— Merci… je vais voir ce que je peux faire. Je vais p’tre en toucher deux mots à William. Peut-être qu’il pourrait lui faire entendre raison, lui.
— Son ex ?
— Oui, et un très bon ami à moi.
— D’accord… donne-lui mon contact si jamais il a besoin.
— Merci.
— Et Hélène ou Alain ?
— Non… ils ont déjà beaucoup à faire avec leur boutique. Je sais qu’ils sont au courant mais je ne veux pas les embêter avec ça. On en a discuté ensemble déjà. On a décidé de laisser Aurore faire. Elle a fait exprès de laisser son téléphone à la maison. C’est qu’elle a besoin d’être seule et qu’elle ne cherche pas à discuter. Pour l’instant… je crois…
— Je vois…
— Enfin, bref. Merci encore de prendre soin d’elle. Tu nous diras ce qu’on te doit pour… tout ça.
— T’es fou. Tu me dois rien. C’est tout à fait normal. On est de la même famille et tu vois bien que je suis loin d’être dans la merde financièrement.
— Mais, elle doit bien manger ou faire quelques dépenses ?
— Je ne veux pas en entendre parler. Puis, à manger pour un ou pour deux, c’est du pareil au même. Elle n’est même pas dépensière. Elle m’emprunte des vêtements et elle avait apparemment ramené quelques changes.
— … Vraiment merci. Je te revaudrai ça.
— C’est vraiment la moindre des choses et t’en fais pas.
— … Tu me tiens au courant ? Je vais y aller alors…
— J’suis vraiment navré que tu aies dû faire le trajet juste pour ça… mais j’avais besoin de ton avis.
— Non, tu as bien fait de m’appeler. On va rien dire pour l’instant. Elle a juste passé une bonne soirée… et je vais en parler à William. C’est lui qui la connait le mieux je pense…

*

Nao rentra particulièrement de mauvaise humeur.

— Cette fichue gamine !!

On l’entendit arriver de loin et une jeune femme l’accueuillit, amusée.

— Qu’est-ce qui t’arrive encore ?
La rousse aux cheveux bouclés attachés en queue de cheval, l’interpela.

— Rah, rien.. juste une gamine qui m’a manqué de respect et qui m’a parlé comme si j’étais un gamin ! Tu te rends compte ?!

— D’un autre côté… dur de lui en vouloir, tu en as l’apparence…
Dit-elle tout en le regardant de haut en bas.

Il retira son parka et se mit à l’aise.
C’était un endroit sombre et des petites lueurs rougeâtres éclairaient les coins des pièces.
Ils étaient dans la partie privée réservée au staff.

— C’était plutôt elle la gamine ! J’aurais pu l’éviter mais elle avait un chien qui a sentit ma présence, quelle nuit de merde. Ca m’a totalement coupé l’envie de chasser.
— Ah, mais c’est pour ça que t’es de si mauvaise humeur ?
— Moque toi… qu’est-ce qu’elle ma foutu en rogne.
— J’aurais aimé être là pour observer comment elle t’a parlé. J’suis sure que c’était pas si dégradant. T’es toujours trop susceptible, aussi…
— C’est pas toi qui est bloqué dans ce corps d’enfant…
— C’est vrai… mais c’est ce qui fait que tu es si mignon !

Elle s’approcha de lui pour le serrer dans ses bras et le décoiffer de plusieurs mouvements de sa main sur sa chevelure.
Il eut un moment d’hésitation entre éviter la confrontation et se laisser faire. Il ne lutta pas longtemps et elle était en train de l’enlacer dans ses bras.
Il soupira et attendit simplement qu’elle s’arrête.

*

Une jeune fille plutôt fine aux cheveux longs noirs attachés en chignon tressé, passa par là.

— Chloé !
La rousse lâcha sa proie et salua chaleureusement la brune habillée d’une robe longue sombre.

Le jeune s’inclina respectueusement.

— Flora, Nao. Que se passe t-il ici ? Je vous ai entendu de l’autre bout du bâtiment.
Elle les salua amicalement.

— Pardon Chloé… je…
— Juste Nao qui râlait encore.

Haussa t-elle les épaules en lui coupant la parole.
Chloé esquissa un sourire et jeta un regard attendrit au jeune garcon qui ne savait plus où se cacher, honteux.

— Et je peux savoir le sujet de son mécontentement ?

Elle avait une voix douce et presque cristaline, mais sa manière de parler était distinguée, comme venu d’un autre temps. Elle semblait curieuse de l’objet de discorde. Elle s’arrêta devant eux et les interrogea.

— Son apparence, comme d’habitude quoi.

Il aurait voulu lui sommer de se taire mais il réagit trop tard et elle prononça ces mots avant qu’il ne puisse faire quoi que ce soit. Il était confus, et regarda ses pieds.
Son attitude arrogante et désinvolte laissait place à celui d’un enfant timide et prit sur le fait.

Elle le vit et son sourire s’effaça lentement. Elle était consciente de son complexe et elle ne pouvait rien faire pour cela. À part être désolée.

Et le fait de la voir dans cet état le chagrinait tout autant. Il ne voulait pas l’inquiéter de cette manière. Ni être l’objet de son embarras.
Et comme d’habitude il savait ce qu’elle allait dire.

— Je suis désolée…

Elle serra ses poings, discrètement. Elle fronça légèrement des sourcils, signe de sa profonde compassion et tristesse. De son impuissance pour l’aider. Une mimique imperceptilble pour certains mais pas pour lui. Il la connaissait par coeur.
Et comme à chaque fois, il la rassurait.

— Ce n’est pas de votre faute…
Il se mordit la lèvre. Il avait horreur de cette situation.

Flora se rendit compte du malaise et changea de sujet.

— Au fait, je peux venir dans ta chambre ce soir ?
Demanda t-elle à Chloe d’une voix chantante, et enjouée.

— Tu peux, mais je ne serai pas là.
Répondit-elle en lui rendant un sourire complice.

— Oh non, c’est ce soir ?
— Eh oui, je m’en vais d’ici quelques heures, le temps de régler quelques détails ici. Je vous laisse le reste. C’est d’accord ?
— Oui bien sûr, on se chargera du reste. Pars tranquille !
— Merci Flora. Si il y a le moindre souci, tu m’appelles. Je rentrerai au plus vite.

Elle fit un signe de main puis inclina doucement sa tête en direction de Nao avant de repartir dans une autre direction.

— Il faut que tu te décoinces, Nao…
— Et toi, comment tu fais pour lui parler comme ça ? T’as pas l’impression de lui manquer de respect ?!

— Qu’est-ce que tu racontes ? Depuis le temps, on forme une famille. Il faut que tu arrêtes de te prendre la tête comme ça. Même Vlad’ est moins coincé que toi alors qu’il est arrivé plus tard.
Dit-elle exaspérée.

— C’est pas pareil… il la veut pour lui tout seul.
— N’importe quoi, arrête d’être jaloux comme un poux, et enterre cette rancoeur que t’as envers lui. T’as vraiment un problème avec ça. Il l’a prit son rateau et ça fait déjà une dizaine d’années alors tourne la page. Il n’y a plus que du respect pour Chloé et peut-être un amour mais pas celui d’un amant. On est pas tous comme toi.
— C’est pas vrai. Je ne suis pas amoureux… je souhaite juste la protéger… pour la remercier de ce qu’elle a fait pour moi, de m’avoir sauvé… mais de quoi j’ai l’air avec mon corps de mioche… à côté d’elle ? Je voudrai juste avoir l’air plus grand, plus fort, plus musclé… tout ce que j’ai, c’est ce corps frêle et sans forme. Qu’elle puisse compter sur moi.
— … Elle nous a tous sauvé. Tu n’es pas l’exception. Nous aussi on veut lui rendre la monnaie de sa pièce. Mais ce n’est pas pour ça qu’elle nous a aidé. Tout ce que moi je peux faire, c’est l’aider et me rendre utile. Tant que je me plais à ses côtés, je reste. Sinon je suis libre de partir. Tout comme toi. Elle ne nous a jamais obligé à rester auprès d’elle, tu le sais non ?
— Oui…. et tu dors vraiment avec elle… ?
— Bah oui. Pourquoi ? Oh, tu aimerais bien aussi ? Fais pas ton timide. T’as qu’à lui demander.
— T-tcrois vraiment que ça suffit pour qu’elle accepte ?!
— C’est ce que je fais. J’suis sure que ça lui ferait plaisir en plus. Essaye, tu seras fixé. Par contre, elle est pas dispo tout le temps.
— Je sais… c’est ce soir qu’elle va le voir…
— Oui. J’avais oublié. J’ai rien contre lui mais c’est comme ça.
— Ce vieux croulant… je ne sais pas ce qu’elle lui trouve.
— Là, c’est toi qui manque de respect. Ca reste son maître.
— Mouais… en vrai j’dois être un peu jaloux. Il est tout ce que je ne suis pas, physiquement, et ça m’énerve… qu’il reste dans son château de merde à rien faire. Je sais pas comment il fait pour pas se faire chier.
— T’es médisant. Tu sais très bien que c’est un domaine qu’il gère et qu’il y a des dossiers à traiter que tu n’imagines pas. Je sais que tu n’y es pas allé souvent mais c’est un endroit plutôt agréable. Okay, c’est un peu vieillot mais ça a son charme. Chloé y a passe un bon bout de temps avant de venir s’installer ici.
— Elle a eu l’intelligence de partir, oui.
— Bref, c’est un papi un peu sévère mais il ne faut pas le sous estimer.
— … Il ne m’a jamais vraiment accepté…
— … C’est ce que tu crois.
— Tu sais pas mentir. Je le sais… j’ai déjà entendu des bouts de conversation entre elle et lui. Je sais qu’il s’est toujours méfié à cause de mon « âge ». Je sais aussi à quel point elle m’a défendu. Il voulait me tuer, tu sais ?
— … Oui… je suis désolée que tu aies dû entendre ça. Pour tout t’avouer, j’étais pas confiante non plus, et j’aurai été la première à te détruire si jamais tu avais tenté quelque chose contre Chloé…

— Et tu aurais eu raison.
Il sourit.

— Mais… je pense qu’il a finit par t’accepter, depuis le temps. Tu n’es plus un « nouveau né ».
— Merci d’essayer de me réconforter… mais bref, on va attendre qu’elle rentre de son séjour là bas. T’as besoin de moi pour des trucs à faire ?

 

2020.12.22

Crise d’adolescence

Elle était partie.
Elle s’était enfuie.
Elle en avait marre.
Marre de jouer le rôle de la petite fille modèle. C’est ce qu’elle avait fait toute sa scolarité et son père lui avait proposé de reprendre sa suite.
C’était trop de responsabilité pour elle et elle avait fui.
Parce qu’une part d’elle la poussait à écouter ses parents, continuer à essayer de les rendre fiers d’elle, de faire de son mieux pour valoir quelque chose à leurs yeux, mais. Elle était fatiguée, de devoir porter ce fardeau, de faire son possible pour eux et pas pour elle. C’était trop de pression. Son père avait trop d’espoir dans ses yeux lorsqu’il la regardait et qu’il voyait quelque chose en elle qu’elle n’arrivait pas à comprendre.
Elle ne voulait plus de ce cadre. Elle voulait juste être tranquille. Penser à elle.
C’était égoïste, mais elle en avait marre de devoir faire attention à ses faits et gestes, que tout le monde la regarde en la considérant comme quelqu’un qu’elle n’était pas, qu’au moindre faux-pas cela risquait de porter tort à sa famille, ou juste la blesser elle-même dans son for intérieur. Elle avait peur de ne pas être à la hauteur, alors elle était partie.
Elle avait fugué, chez son cousin sur qui elle pouvait compter, à qui elle s’était un peu confiée, à qui elle avait demandé de l’aide.
Avec un petit sac à dos avec le stricte minimum, elle s’était rendue chez lui et il l’avait serrée dans ses bras. Ten’ l’avait également suivie. Elle avait essayé de lui faire entendre raison mais il avait insisté pour venir avec elle et elle n’avait rien pu faire pour l’en empêcher.

Jasper n’était pas regardant sur la situation. Il avait accepté Aurore tout comme Ten.
Elle lui avait assuré qu’il n’aurait pas à se charger de son animal, et il lui avait proposé de dormir dans son lit. Il avait un petit appartement plutôt bien agencé et assez grand pour deux.
Le lit était double et Aurore pouvait dormir dedans avec Jasper mais elle avait insisté pour dormir sur le canapé.
Jasper réussit à la convaincre de dormir ensemble puisqu’il n’était pas gêné et cela lui permettrait de discuter avec elle de ce qui n’allait pas.

— Tu sais… je vais devoir prévenir tes parents que tu es ici. Ils risquent de s’inquiéter si tu ne rentres pas…

Ils étaient allongés sur le lit, l’un à côté de l’autre et il jouait avec les mèches de cheveux de sa cousine.
Il voyait qu’elle réfléchissait et qu’elle craignait les conséquences, alors il la rassura.

— Ne t’inquiète pas, tu restes ici et personne ne te forcera à partir. Je ne te forcerai pas à partir non plus. Tu restes autant de temps que tu veux chez moi, d’accord ?

Elle hocha timidement la tête, rassurée mais pas convaincue.

— Mais je dois les prévenir sinon ils risquent de vraiment s’inquiéter et lancer des recherches pour te retrouver, n’est-ce pas ?

Elle aquiesça lentement. Il avait raison, même si l’idée ne l’enchantait pas.
Elle resta en boule avec Ten’ à ses côtés qu’elle caressait tout en étant perdue dans ses pensées. Elle entendait Jasper au téléphone et elle appréhendait la suite.

— Aurore est chez moi.

Il entendit un soupir de soulagement à l’autre bout du téléphone.

— Ah. Est-ce qu’il y a un problème ? On a pas réussi à la joindre sur son téléphone.
— Hm… je voulais juste vous prévenir qu’elle est en sécurité. Ten’ est avec elle. Je raccroche.

Il n’avait pas voulu s’éterniser alors qu’Aurore écoutait.
Il était revenu dans la chambre et elle le remercia même s’il était encore sur ses gardes.
Elle avait peur que d’un moment à un autre on vienne la forcer à rentrer mais Jasper lui avait assuré qu’il n’autoriserait pas ça.

Son père avait raccroché et était resté bouche bée.

— C’était Jasper. Aurore est chez lui.

Elle avait quitté la maison comme si elle sortait se promener en plein milieu d’après-midi.
Ils ne s’étaient pas inquiétés jusqu’à l’heure du dîner, lorsqu’ils ne la virent nulle part et qu’ils n’arrivaient pas à la contacter. Son téléphone était coupé.
Ils avaient demandé à Vlad’ si elle n’était pas avec lui, il ne l’avait pas vue non plus.
Ils allaient appeler les cousins lorsque l’appel de Jasper retentit. Ils étaient rassurés mais dans l’incompréhension. Pourquoi Aurore était partie sans prévenir ?

— Oh, elle passe la nuit là-bas ? Okay.

La voix d’Alexandra était neutre, c’était normal pour elle. Elle était soulagée que ce ne soit rien de grave mais le visage de Gabriel était resté dur.

— C’est étrange… cela ne lui ressemble pas de ne pas nous prévenir.
— Si elle est avec Jasper, c’est que ça va. Elle a peut-être voulu fêter l’obtention de son baccalauréat avec son cousin préféré. Elle est grande tu sais.
— Hm… tu as raison…

Gabriel avait défroncé ses sourcils, enfin.

— Son téléphone ne doit plus avoir de batterie.

Son smartphone était resté dans sa chambre.
La batterie retirée, sur la table de son bureau.
Elle savait qu’elle pouvait être traquée.
Elle avait à peine des vêtements de rechange.
Il faisait encore doux dehors et elle avait un gros bomber qui lui tenait chaud et son jeans.
La premiere semaine, c’était comme si elle etait en vacances chez son cousin.
Ils avaient rattrapé le temps perdu puis Jasper lui avait prêté quelques vêtements de rechange et un pyjama.
Elle était dans un T-shirt un peu trop large et un boxer.
Ten’ dormait au pied du lit.
Jasper n’était pas à l’appartement en journée et il en profita pour téléphoner aux parents d’Aurore.

— Bonjour, c’est Jasper… j’espère que je ne vous dérange pas ?
Sa voix était hésitante mais il devait avoir cette conversation.

Gabriel décrocha et lui repondit.

— Bonjour Jasper, merci pour ton appel, tu ne déranges pas.
— Hm… est-ce qu’il s’est passé quelque chose récemment ? Je crois qu’Aurore ne souhaite pas rentrer à la maison pour l’instant…
— Quoi… ? Euh, je ne crois pas, excuse-moi mais c’est un peu soudain… elle a dit ça ? Je ne comprends pas.
— Elle n’a pas exactement dit ces mots mais elle n’a pas l’intention de rentrer tout de suite… elle avait l’air assez déprimée lorsqu’elle est venue frapper à ma porte…

*

Elle avait sonné chez lui en plein milieu de la nuit.
Les yeux rouges, elle avait forcé un sourire.

— Euh… salut… désolée de venir à l’improviste… est-ce que je peux entrer… ?

Il ne savait pas ce qu’il se passait mais il savait ce qu’il pouvait faire. Il l’invita aussitôt à entrer et il la metta à l’aise. Elle n’avait pas l’air bien.
Son chien l’accompagnait et elle s’installa timidement dans le canapé lorsqu’il lui dit de s’asseoir.
Il lui apporta de quoi boire et un plaid sur les épaules.
Elle avait l’air frigorifiée. Depuis combien de temps elle était dehors, à cette heure-ci ? Que faisait-elle dehors ?
Il n’osa pas la brusquer et la noyer de question, alors il réfléchit à la meilleure phrase qu’il pouvait dire pour briser ce silence.

— Est-ce que tout va bien … ?
— Pardon Jasper… je… je ne veux pas rentrer chez moi…

Il s’assit à côté d’elle et l’encouragea à lui raconter ce qui n’allait pas. Elle lui avoua ses craintes et elle pleura. Il la serra dans ses bras et la rassura du mieux qu’il put. Qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce qu’elle reste mais qu’il allait devoir prévenir ses parents.
Elle l’avait regardé avec des yeux paniqués mais il la rassura.
Elle avait fini par s’endormir enroulée dans le plaid et sur le canapé. Elle devait être épuisée pour s’endormir ainsi toute habillée.
Il en profita pour passer un coup de fil.

— Bonsoir… excusez-moi de vous déranger à cette heure-ci… mais Aurore est chez moi.

— Qui est-ce ?
Avait demandé la voix, sur ses gardes.

— Ah, c’est Jasper à l’appareil.
— Bonsoir Jasper… est-ce qu’elle va bien ?
— Oui, elle s’est endormie. Je me charge du reste, vous pouvez vous rassurer. Elle est en sécurité ici.
— Merci pour ton appel.

Il entendit un soupir de soulagement à l’autre bout du fil.

*

Elle avait disparu pendant plusieurs jours.
Personne ne savait où elle était.
Ten’ était parti avec elle.
Elle avait fini par franchir le pas et fuguer.
Elle ne pouvait pas compter sur sa soeur, elle aurait été prise dans ses problèmes. Puis elle était trop proche de la famille.
Au bout de quelques nuits dehors, à dormir à la belle étoile et survivre avec Ten à ses côtés.
Elle avait fini par arriver à court de nourriture et avoir froid. Elle n’avait pas de quoi payer, acheter de quoi manger.
Elle avait fait exprès de laisser son téléphone chez elle.
Elle ne voulait pas être suivie.
Elle se rappela l’adresse de son cousin et elle alla chez lui en dernier recours.
Elle ne pouvait demander de l’aide qu’à lui.
Il était assez éloigné de la famille pour ne pas être influencé par ses parents. Elle l’espérait.
Il l’avait reçue les bras grands ouverts.
Elle s’en doutait mais il ne chercha pas à la duper.
Il lui dit la vérité sur l’inquiétude de la famille, et qu’il devait prévenir ses parents.
Elle fit la moue lorsqu’il la tint au courant.
Il comprit qu’il s’était passé quelque chose.
Il voulait savoir le pourquoi du comment.
Après avoir regardé si elle allait bien et lui avoir posé plusieurs fois la question et qu’elle le rassure, ils s’asseyèrent et elle tenta de lui expliquer rapidement la situation.

*

Elle était fatiguée mais voir son cousin lui mit du baume au coeur. Elle avait les yeux rouges, des cernes et elle n’était pas fraîche. Cela faisait plusieurs jours qu’elle n’avait pas pu se laver, ni dormir correctement dehors.
Elle avait ses affaires de toilette dans son sac à dos mais elle n’avait pas pu souvent les utiliser.
Puis elle était gelée. Ses vêtements étaient chauds mais la nuit était froide et même avec Ten’ à ses côtés et blottie dans ses poils, elle avait froid. La fatigue et la faim n’aidant pas.
Elle lui sourit timidement et il ne la fit pas attendre, il la tira dans son appartement et la serra dans ses bras tout en regardant si elle n’était pas blessée.

— Tu n’as rien ? Où étais-tu… ?! La famille est morte d’inquiètude !

Elle ne savait pas quoi répondre à part sourire de manière crispée, tristement.

— Que s’est-il passé ? On t’a fait du mal ?
— Non, non… je… suis juste partie.
— Oh.

Elle baissa la tête et il ne sut pas quoi ajouter de plus.

— Tu as l’air frigorifiée, est-ce que tu as besoin de quelque chose ?

Elle le remercia de ne pas insister d’avantage.
Et il essaya de la mettre le plus à l’aise possible. Il ne comprenait pas encore bien la situation, mais si elle avait besoin d aide, il serait de son côté.

*

Elle avait eu son baccalauréat.
Lorsque ses parents la félicitèrent et qu’ils discutèrent avec elle de ses résultats autour de la table. Elle était anxieuse. Elle était heureuse que ses parents soient fiers d’elle et d’un autre côté, elle était tiraillée par d’autres sentiments.
Son père avait fait part de sa volonté qu’elle reprenne sa suite, et quelque chose s’était resserré dans sa poitrine.
Elle pourrait suivre cette voie, faire ce que ses parents attendaient d’elle, peut-être la seule chose dont elle était capable.
Contrairement à ses frères et sa soeur, elle n’avait pas de réel talent dans un domaine, ni de rêve, ni de passion. Tout ce qu elle avait c’étaient ses bonnes notes lors de son cursus scolaire, et même cela, son frère avait été un bien meilleur élève qu’elle, dans son cas on pouvait parler d’excellent élève. Elle faisait pâle figure à côté de lui, mais les notes sur son bulletin étaient au dessus de la moyenne, et même bien au dessus de la simple moyenne.
Elle rougissait un peu parce qu’elle ne se sentait pas particulièrement spéciale mais elle avait travaillé dur pour atteindre ce niveau et que ses parents le remarquent, cela la touchait. Elle ne pouvait pas le nier.

— Qu’en penses-tu ?
Avait demandé son père, avec beaucoup trop d’espoir dans ses yeux et dans sa voix pour qu’elle refuse.

Mais elle n’en avait pas envie. Cela lui faisait peur d’accepter. C’était trop de pression sur ses petites épaules et elle en avait déjà un peu marre de faire tant d’efforts pour être reconnue, pour ses parents, pour autrui.
Est-ce que c’est ce qu’elle voulait pour la suite ? Continuer à faire des efforts pour correspondre aux attentes de ses parents ?
Non.
Et pourtant, ses parents ne l’avaient jamais poussée à faire tous ces efforts. Au contraire, ils n’attendaient pas grand chose d’elle, sans pour autant la dénigrer. Ils la laissaient faire ce qu’elle voulait sans lui mettre la pression. Sans aucun doute, c’était elle-même qui se mettait cette pression, cette exigeance, que tout soit fait au mieux, pour surprendre ses parents. Qu’ils la regardent et qu’elle se demarque de la fratrie.
C’était tout ce qu’elle avait pour elle.

En voyant qu’elle n’osait pas répondre. Sa mère remarqua son hésitation et donna un coup de coude dans les côtes de son époux, une manière de le rappeler à l’ordre qu’il ne fallait pas qu il lui forcer la main.
Il toussa tout en se massant le flanc qui venait de se prendre un coude bien placé.

— Enfin, prends ton temps pour réfléchir à ma proposition.

*

Elle était retournée dans sa chambre.
Elle avait quitté ses parents sans se prononcer et ils l’avaient laissée réfléchir à leur proposition.
Après avoir fermé la porte de sa chambre, elle s’était jetée dans son lit, la tête dans enfouie dans son oreiller.
Elle pleurait. Elle ne savait pas exactement pourquoi mais elle se sentait piégée. Est-ce qu’elle aurait du parler à ses parents de son envie d’aller étudier en ville ? D’aller travailler en ville et d’être indépendante là-bas. Peut-être pas entièrement indépendante, mais au moins essayer de se débrouiller par elle-même. Pourquoi même pas quitter la maison familiale.
Elle avait trop peur de la réaction de ses parents.
Elle était encore colère contre elle-même de n’avoir pas eu le courage de s’exprimer. Et en colère parce qu’elle n’avait jamais osé s’interposer et refuser les propositions de ses parents.
Alors les larmes s’étaient mises à couler sur ses joues, absorbées par son oreiller.

Elle était seule à la maison.
Son frère était à son travail et ne rentrerait pas avant le soir. Sa soeur et son autre frère étaient en ville à leur boutique, et ne rentreraient certainement pas avant la fin de la semaine, s’ils n’étaient pas trop occupés par des projets.
Il ne restait qu’Aurore dans la maison familiale. La petite dernière de tout juste 18 ans.
Elle avait envie de hurler, crier.
Elle avait beau être mature sur certains points, elle restait une jeune fille sans réelle expérience et sans recul sur ses émotions et son ressenti.
Et comme toute jeune personne, elle devait faire ses propres choix et des erreurs pour en apprendre plus sur elle-même et la vie.
Elle se sentait trop mal pour rester ici et elle n’avait personne à qui se confier.
William ne pourrait pas l’aider. Ses parents et lui étaient beaucoup trop influençables par les parents d’Aurore et ses frères et soeur ne comprendraient pas son mal être, ils seraient certainement du côté des parents. Elle serait incomprise.
Elle prit sa décision.
Elle ravala et essuya ses larmes.
Elle ne pouvait pas se plaindre intérieurement éternellement et pleurer en silence sans rien faire.
Elle éteint son téléphone et le posa sur son bureau.
Elle prit quelques nécessaires : sous-vêtements et trousse de toilette, qu’elle jeta dans un petit sac à dos, puis elle sortit de sa chambre.
Ten’ se doutant de quelque chose, était venu la voir.
Elle s’était agenouillée et malgreé ses efforts pour le faire rester à la maison, il n’avait pas obéit.
Il savait qu’elle allait partir et il ne pouvait pas la laisser partir seule.
Alors elle sourit et soupira. Il la suivit.

Elle se réfugia chez son cousin.
Quelle fut sa surprise lorsqu’elle arriva devant sa porte.
Elle était anxieuse. Elle ne l’avait pas prévenu, elle ne savait pas s’il était chez lui.
Il l’accueilli les bras ouvert.

— Est-ce qu’il faut qu’on vienne la chercher… ?
— Non, je ne pense pas. Elle est en sécurité ici. Ne vous inquiétez pas. Je garde un oeil sur elle.

Aurore n’était pas dupe.
Même si les premiers jours étaient amusants pour elle et Jasper. Agréables. Ils avaient rattrapé une partie du temps. Elle savait que Jasper avait besoin d’intimité et juste de se reposer sans à avoir à s’occuper ni se soucier d’elle.
Il sentit qu’elle allait partir et il lui laissa un double des clés.

— Reviens quand tu veux, si tu as besoin.

Il ne pouvait pas lui mentir. Même s’ils s’appréciaient énormément, il avait l’habitude de vivre seul et elle, elle ressentait son besoin d’être seul.
Elle avait alors prit le double de ses clés. Au cas où.

*

Elle errait dans les rues, dans la ville en plein milieu de la nuit.
C’était calme et elle appréciait ce silence pour réfléchir.
Elle était libre, en quelque sorte.
Ni ses frères ni sa soeur, ni ses parents étaient venues la raisonner. Jasper avait été convainquant et, même sans cela. Elle n’avait pas envie de les voir, pas tout de suite.
Elle voulait profiter encore de cet instant de liberté sans qu’on la rappelle à l’ordre.
Sans qu’elle se sente coupable et rabaissée par ce qu’elle était incapable d’accomplir comparé à sa fratrie.
Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas tout de suite les personnes qui étaient à quelques mètres d’elle.
Elle était dans un petit bois, et un groupe de 3 jeunes d’à peu près son âge, d’après leur acoutrement et leur manière de parler, discutaient sans trop se soucier de déranger les alentours.
À cette heure-ci, il n’y avait personne et les feuillages des arbres étouffaient le bruit qu’ils faisaient.
Puis, ils remarquèrent sa présence.
Ils s’arrêtèrent et Aurore aussi. Se regardant dans le blanc des yeux, sans trop savoir quoi faire.
Elle aurait pu avoir peur, peut-être avait-elle l’air sur ses gardes et le groupe de jeunes hommes s’échangèrent un regard et l’un d’eux se rendit compte qu’ils effrayaient peut-être la jeune fille qui avait l’air plus jeune, et surtout qui était seule, même accompagnée de son chien.
Le chien était sur ses gardes et elle dut lui faire signe de se calmer et de ne pas grogner tant qu’il n’y avait pas de danger imminent.

— Euh, salut. T’es toute seule… ?
Finit par prononcer celui qui semblait mieux lire l’atmosphère que ses compagnons.

Ces derniers avaient l’air déjà un peu trop joyeux et peut-être plus alcoolisés que lui.
Elle hocha la tête.

— C’est un peu dangereux de te balader toute seule… non ?

Ses amis n’avaient pas l’air de vouloir le soutenir ni l’aider. Ils se chamaillaient gentillement. Et ne prêtaient même plus attention à Aurore.
Elle put se relâcher un peu, elle n’avait vraisemblablement rien à craindre et elle caressa doucement Ten’ qui se détendit également.
Son interlocuteur jeta un oeil au chien et se sentit idiot de n’avoir pas plus intelligent à dire.
Ses deux amis étaient en train de continuer leur chemin en titubant et blaguant, mangeant à moitié leurs mots.
Il soupira.

— Fais attention à toi.
Ajouta t-il avant de lui jeter un dernier regard et rattraper les deux autres garçons qui ne l’avaient pas attendu.

Quelques jours plus tard, elle les recroisa dans le bois mais à un autre endroit.
L’heure n’était pas la même.
Il faisait encore jour et les garçons étaient beaucoup plus sobres. Sauf celui qui la reconnut et la salua timidement.
Les deux autres furent surpris qu’ils se saluent.

— Quoi ? Tu la connais et tu nous présentes pas ?
— Vous étiez trop torchés pour vous en souvenir !?

*

Au fil de la discussion il lui proposa de venir avec eux à une petite fête et comme elle n’avait rien de mieux à faire, elle accepta de les suivre.

— T’as qu’à l’inviter à venir avec nous.
Dit un de ses amis, qui voyait qu’il regardait d’un oeil intéressé la jeune fille. Peut-être pour l’aider à franchir le pas et le pousser à se rapprocher d’elle si elle l’intéressait.

— C’est pas bête, plus on est de fou, plus on rit.
Appuya son autre ami.

Les deux amis s’échangèrent un regard complice tandis qu’ils attendaient de voir sa réaction.

— C’est qu’elle a p’tre mieux à faire…
Il n’osa pas croiser son regard.

Elle n’avait effectivement rien d’autre à faire. Elle était libre comme l’air et maintenant qu’elle les observait discuter, en plein jour et sobres, ils n’avaientt pas l’air dangereux, mais plutôt sympathiques.
Puis elle était curieuse. Ten’ était avec elle dans le pire des cas et elle savait un peu se défendre.
Alors elle se décida à les suivre.
Ils étaient joyeux, et c’était peut-être cela qui l’attira.
Durant le trajet elle discuta ou plutôt, il discuta avec elle.
Celui qui était le plus mal à l’aise du groupe.

— Tu sais, ne te sens pas forcée de venir… mes potes sont du genre à forcer un peu la main…
Dit-il pour essayer d’alléger l’ambiance.

*

Ils arrivèrent à une demeure, au fin fond de la forêt, derrière des arbres et des buissons, du lierre et des vestiges d’un muret.
Il y avait une maison, et elle était occupée.
Des gens discutaient et ne s’étaient pas interrompus lorsqu’ils arrivèrent.
Ils étaient attendus et les personnes déjà présentes leurs jetèrent un regard pour les saluer ou juste un signe de tête ou de main. Tout en continuant leur conversation.
Elle entra en dernier et cela les interpela.

— Bah, vous avez amené une nouvelle tête ?
S’exprima une jeune femme à peu près du même âge qu’Aurore.

Elle se présenta rapidement et on l’invita à s’asseoir.
Ils déposèrent sur la table basse de la nourriture et des boissons et elle se sentit mal de n’avoir rien amené.

— Ah… excusez-moi, je suis venue les mains vides…
Dit-elle en baissant la tête, vraiment confuse.

Le jeune homme qui l’avait invitée s’installa à côté d’elle et la rassura, tout en expliquant aux autres.

— Ne t’en fais pas, il y en aura assez pour tout le monde puis tu ne pouvais pas savoir.
Dit-il en lui jetant un clin d’oeil.

C’était étrange comme ces inconnus étaient chaleureux avec elle alors qu’ils ne s’étaient jamais vus. Il était facile de leur parler.
Ou bien c’était elle qui était agréable de compagnie mais elle s’entendit tout de suite bien avec eux.
Ils étaient à l’aise, et ils l’acceptèrent dans leur cercle d’amis aussitôt.
Elle se sentait bien avec eux.
Ils ne savaient pas son passé et elle pouvait se comporter librement sans craindre de regards ou de jugement. Elle voyait que tout le monde faisait cela et cela convenait.
Ils étaient presque tous du même âge. Ils étaient étudiants ou travaillaient dans un boulot alimentaire, encore chez leurs parents ou dans une colocation pour survivre en ville.
C’était ici leur petit havre de paix. Ils avaient apporté quelques meubles et affaires pour rendre l’endroit plus confortable. C’était une sorte de cabane dans les ruines d’une maison plein pied.
Tout le monde ne s’entendait pas forcément mais ils se toléraient, c’était ainsi.
Ten’ fut également accepté mais Aurore les prévint quil ne fallait pas lui chercher des problèmes. Que son chien pouvait être dangereux.

— Il ne devrait pas avoir une musolière ton chien… ? Il est grand et je me demandais si c’était pas un chien de catégorie.
— Si… mais, il a toujours été libre quand je vivais à la campagne, je me sens mal de lui imposer ça…
— Tu n’as pas peur qu’il attaque quelqu’un un jour ? Tu risques pas d’avoir des problèmes ?
— … Il attaque que s’il sent que je suis en danger.
— C’est pour ça que tu viens dans les bois pour le promener ?
— Oui, parce qu’il y a moins de monde et que je risque pas de croiser des gens, normalement. Surtout quand je viens le promener en plein milieu de la nuit.
—  » as pas peur ?
— De quoi ?
— Bah, de te faire agresser, surtout en pleine nuit.

— J’ai Ten’.
Dit-elle, tout en le caressant. Et en souriant doucement

— J’avais pas remarqué hier soir, mais tu as les yeux verrons !
— O… oui…
— C’est pas commun, c’est la première fois que je vois ça, c’est

 

2020.12.14

Hiatus

Elle lui en avait déjà parlé mais il avait préféré ignorer l’échéance.
Il savait qu’elle avait d’autres projets après le lycée et à l’époque, il lui restait encore quelques années devant eux pour qu’elle change d’avis.
Il ne restait que quelques mois avant le baccalauréat et il se voilait la face, il l’évitait parce qu’il savait qu’elle allait lui en reparler et il n’était pas prêt.
Il ne voulait pas l’entendre.
Il en avait discuté avec son meilleur ami qui lui avait donné de l’espoir lorsqu’il lui avait dit que leur père avait suggéré à Aurore de reprendre sa suite.
Mais elle avait refusé. Le faisant tomber de haut.
Elle n’avait pas totalement rejeté la proposition mais elle tenait à partir et elle était déterminée.
Cean ne pouvait pas faire grand chose pour son ami bien trop amoureux.
Il ne pouvait pas l’ignorer infiniment et elle réussit, avec mal, à se retrouver avec lui dans sa chambre, elle avait débarqué chez lui à l’improviste et elle avait fermé la porte derrière elle pour lui parler.

— Salut…

Elle avait les mains derrière son dos, ne sachant pas trop comment amener le sujet sans le blesser.

Il n’avait pas daigné répondre, il était assis à son bureau, en train de finir de rédiger quelque chose et lorsqu’il la vit pénétrer dans sa chambre, il serra son crayon un peu plus fort entre ses doigts.
Quelque chose en lui se crispa, une once de colère et surtout, de la crainte.
Il ne savait pas comment gérer ces nouvelles émotions.

Elle s’était assise sur son lit, et l’invitait à venir à côté d’elle pour commencer la conversation.
Elle le connaissait et elle n’osait pas parler mais il n’allait pas l’aider. Il fallait qu’elle le fasse.
Voyant qu’il ne bougeait pas de sa place. Elle prit une inspiration.

— Je sais que tu m’évites depuis un moment… mais il faut qu’on en discute… je ne veux pas partir comme ça…

— Pourtant, c’est ce que tu vas faire.
Son ton était dur, sec, empli de reproches.

Elle se crispa, elle ressentait sa colère et elle avait peur. Peur que sa rage éclate. Mais elle ne pouvait pas le laisser dire n’importe quoi.

— C’est ce qu’on avait convenu. Tu te souviens ? Quand on s’est mis ensemble… ?
Elle essayait de rester calme, rationnelle, lui rappeler.

— Les choses ont changé. Tu ne penses qu’à toi !
Il avait tapé du poing sur la table.

— Arrête… tu crois que ça me fait plaisir de te quitter ?
— Dans ce cas, reste.
— Ce n est pas aussi simple que ça… !
— Si, ça l’est.
— Et toi, tu ne penses pas qu’à toi, en me demandant ça ?! Si je ne fais pas ça maintenant, je n’aurais peut-être pas l’occasion de le faire plus tard ! J’ai besoin de savoir ces choses, expérimenter…

Il s’était tu.

— Puis… je ne te demande pas de m’attendre. J’ai mon idée sur les relations à longue distance et j’y crois pas. Sois heureux avec quelqu’un d’autre…

Elle tremblait, les larmes lui venaient aux yeux, même si c’était sa décision, elle l’aimait encore, même s’il était énervé contre elle en cet instant précis. Cela lui brisait le coeur de tirer un trait sur leur relation si particulière, passionnelle, fusionnelle.

— Je ne te comprends pas… si tu m’aimes encore.. pourquoi me quitter… ?
— Parce que ce n’est pas juste. Je ne peux pas te garder pour moi alors que je ne serai presque plus là…
— Je m’en fiche… rien que de savoir que tu reviendras…
— C’est ce que tu dis maintenant. Je n’y crois pas. Tu finiras par être frustré de mon absence.

Il se retourna et il la vit, les yeux mouillés.
Elle s’était promis de ne pas pleurer mais c’était trop dur.
Quelque chose dans son coeur se resserra et il se leva.
Il était encore en colère mais il ne pouvait pas la laisser en pleurs sans rien faire.
Elle se forçait à sourire tout en essuyant ses larmes qui continuaient à s’écouler sur ses joues.
Il hésita un instant et s’approcha d’elle, la prit dans ses bras.

— Regarde dans quel état ça te met…
Se moqua t-il gentiment, en la serrant fort contre lui.

— Tu crois toujours que ça me fait rien… ?
Sanglotait-elle, avec un éclat de rire dans sa voix.

— Je n’ai pas envie que ce soit fini entre nous…
Avoua t-il.

Il recula et la regarda dans ses yeux.

— Je t’aime tellement… je ne veux pas que tu partes… mais je sais que je ne peux pas te forcer…

Il passa ses mains derrière sa tete, dans les cheveux d’Aurore, et il l’embrassa sur ses joues, sur son front, sur le coin de sa bouche, dans le cou.
Ses baisers étaient sensuels, avec fougue et passion.

— Regarde… à quel point je t’aime…
Dit-il tout en continuant à l’embrasser jusqu’à trouver ses lèvres et coller les siennes dessus.

Il la bascula sur son lit.
Il la surplombait.

— Moi aussi… mais…
— Je sais… ça me brise le coeur mais parfois j’oublie à quel point tu es plus jeune que moi… tu as des projets, des rêves… je suis égoïste parce que je te veux pour moi. Que tu restes à mes côtés…

Il avait réussi à exprimer une partie de ce qu’il ressentait.
Elle était émue et elle l’attrapa par le col pour l’attirer à elle.
Et ils firent l’amour.

— Je t’aimerai toujours.
Avait-il murmuré. Dans un souffle, après l’effort.

— Moi aussi…

— Tu seras toujours la bienvenue ici… surtout si c’est pour te rouler sous mes draps.
Dit-il en souriant comme un idiot.

Elle le repoussa.

— Ça serait vraiment horrible de ma part de te garder en plan cul et t’empêcher de trouver une autre relation…
Bouda t-elle. Véxée.

— Et si c’est moi qui te le demande… ? Tu sais… je ne pense pas réussir à t’oublier, ni me mettre avec quelqu’un d’autre… ça va être dur de trouver quelqu’un à ta hauteur…

Elle rougit jusqu’aux oreilles.

— Et puis, il nous reste encore un peu de temps avant que tu prennes ton envol…

*

Il était inquiet, plus que son propre frère.
Est-ce qu’elle savait se défendre ?
Quels étaient les dangers de la ville ?
Et il apprit pour le travail qu’elle prit.
Il était vert de rage.
Cean avait dû le calmer.

— Comment tu peux rester aussi calme ?
— Elle sait ce qu’elle fait. Elle est venue en parler aux parents tout de suite et elle avait de bons arguments. Le lieu est propre, les gérants ont l’air d’être des gens biens, bref, Hélène et Alain ne sont pas loin du lieu de travail.
— Je suis…
— Jaloux. C’est ça ?
— Ça doit être ça… qu’elle montre son corps à tous ces gens… !
— Je te signale que c’est un peu de ta faute si ma soeur est aussi… dévergondée…

Cela n’arrangeait rien. Il prit ses cheveux dans ses mains et Will’ semblait être en train de lutter intérieurement.

— Je crois que t’es même plus inquiet que mes parents.
Se moqua t-il, en riant doucement.

*

Il crut faire une attaque lorsqu’il apprit pour l’incident.
Aurore s’était faite poignarder et elle était hospitalisée.

— Rassure-toi, elle va bien maintenant.

Cean lui avait tout de même dit et partageait son inquiétude mais voir son ami blême l’avait fait sourire.
Will’ avait alors prit des jours pour aller voir Aurore et l’accompagner en ville.
Depuis le temps qu’elle lui en parlait, il avait envie de voir.
Elle était venue lui rendre visite parce que son frère lui avait rapporté à quel point il était inquiet.

— Surprise !
Elle avait débarqué à l’improviste et William l’avait inspectée tout en lui demandant si elle n’avait mal nulle part.

— Mais t’inquiète pas, je vais bien… maintenant.

Elle ne pouvait s’empêcher de sourire. Il était attentionné et beaucoup trop inquiet.
Elle lui montra la cicatrice sur son ventre qui était déjà en train de disparaitre.

— Ma mere en a une beaucoup plus impressionnante.
Dit-elle. Presque un peu déçue.

*

Il rencontra alors celui qui avait sauvé Aurore en appelant les secours et il eut tout de suite des étincelles dans leurs échanges de regard.
William marquait son territoire et voyait que cet inconnu regardait un peu trop intensément sa petite protégée.

— Il a un crush sur toi.
— Qui ?
— Vlad. Ton pote là.
— Arrête, tu en vois partout… ça en devient ridicule…

*

— William… c’est ton petit ami… ?
— … Hein ? Euh… non, c’est un ami.. d’enfance… enfin on est sorti ensemble mais on a rompu…
— J’imagine que c’est toi qui a rompu.
— Pourquoi tu dis ça ?
— La manière qu’il a de te regarder et de te parler. Ca crève les yeux. Il est encore amoureux de toi.
— … Comment tu peux en être aussi sûr ?
— Parce que je le comprends.

*

Effectivement, son père n’avait pas pu cacher sa surprise et sa joie.
Il la serra dans ses bras et était heureux.
Aurore était un peu d

 

2020.11.26

Réflexion

Il fait partie de la famille.
Il a très vite grandi et il a rapidement pris la place du gardien de maison.
Suivant sa maîtresse n’importe où quand il était petit.
Maintenant qu’il avait pris de l’âge.
Il était un peu plus autonome et il lui arrivait de juste rester à la maison au lieu d’accompagner Aurore.

Elle dormait sur le canapé et il s’était posé sur elle.
Elle s’était assoupie dans cette position pendant qu’elle le caressait dans ses bras.

Il était alors resté comme ça en attendant que sa maitresse se réveille.

Alain, voulut la réveiller pour lui dire d’aller s’allonger dans son lit mais Ten’ se mit à grogner lorsqu’il approcha sa main pour atteindre Aurore.
Il recula tout de suite, ne voulant pas énerver le toutou qui faisait son poids de muscles et en terme de taille.

Alexandra rit.

— Il a raison, tu devrais la laisser se reposer encore un peu, elle ne gêne personne.
Dit elle en rassurant Alain.

Les grognements de Ten’ finirent par la sortir de son sommeil profond.
Elle le réprimanda.

— Ten ! On ne grogne pas sur la famille !
Dit elle sur le ton d’un sermont, elle leva le doigt pour appuyer ses dires.

Ten chouina une demie seconde et ses oreilles s’applatirent sur sa tête.

— Pardon Alain…
Bailla t-elle en se relevant.

— Non, t’en fais pas…

*

Aurore était rentrée chez ses parents après l’agression et elle avait fini par démissionner pour ne pas causer du tort au club.
Ses parents préféraient qu’elle reste encore quelques jours voir des semaines à la maison pour sa sécurité mais en réalité elle ne savait pas combien de temps ça allait durer.
Ten’ était aux anges de l’avoir plus souvent à la maison familiale. Il ne pouvait pas l’accompagner en ville pour pratiquement toutes ses sorties.
Elle en profita pour passer du temps avec lui, l’accompagner aux entrainements chez les parents de William.
Lui aussi fut content de la revoir.
Il eut une lueur d’espoir qu’ils se remettent ensemble.

— Je pense que je vais accepter la proposition de mon père…

Ils discutaient sur le terrain tout en regardant les chiens avec les parents de William.

— Tu veux pas qu’on aille en discuter dans ma chambre ?
— Non… je sais comment ça va finir si on est seul tous les deux… et je suis avec Vlad’. Je ne veux pas trahir sa confiance…
— Ah…
— C’est quoi ce soupir ?
— Je pensais que tu allais peut-être rompre avec lui si tu ne retournes pas en ville…
— C’est ce que je pensais aussi… mais il a insisté pour me rendre visite aussi souvent qu’il pourrait.
— Ça serait idiot de te laisser filer… il a raison…
— Ne fais pas cette tête…

William rangea une mèche derrière l’oreille d’Aurore et la regarda longuement.
Elle rougit instantanément.
Il sourit. De son sourire charmeur qui faisait fondre le coeur d’Aurore.

— Bon, tu disais que tu vas finalement écouter ton papa ? Ça veut dire qu’on se verra plus souvent ?
— Oui, en tout cas je continuerai d’accompagner Ten’ chez toi. Ça faisait si longtemps… maintenant que je suis rentrée, je vais pouvoir passer plus de temps avec lui aussi.
— Mes parents sont contents de te revoir aussi. Ils risquent de te proposer de rester manger à la maison.
— Merci, ça me fait plaisir !

Ses sentiments pour William étaient encore forts, elle ne s’en était pas rendue compte lorsqu’elle était loin mais maintenant qu’ils étaient réunis. Tout son corps lui criait qu’elle avait envie de lui, de l’embrasser, de le serrer dans ses bras, de le sentir contre elle.
Son esprit était parti loin et elle dut se reprendre pour revenir au présent.

Quant à William. Il aurait souhaité qu’avec Vlad cela ne marche pas, mais il ne pouvait pas le formuler. Il se sentait mal de souhaiter le malheur de quelqu’un. Mais il était extrêmement jaloux. Il s’en voulait de n’avoir pas lutté pour garder Aurore. Pour continuer à la voir.
C’était lui qui devait être à ses côtés. Et il le voyait dans les yeux d’Aurore, qu’elle aussi avait encore des sentiments pour lui. Sinon elle n’aurait pas refusé son offre d’aller dans sa chambre. Elle aussi en avait envie.
Il aurait souhaité forcer Vlad à la quitter mais il n’était pas de ce genre là.

— J’en ai pas encore parlé à mon père… je sais pas comment il va le prendre…
— De… Vlad ?
— Non ! De sa formation pour reprendre sa suite !
— Ah. Je pense qu’il va sauter de joie, ton père. Je peux même te l’assurer.
— Je sais pas si je serais à la hauteur de ses attentes…
— De quoi tu t’inquiètes ? Il va te former. C’est normal de ne pas réussir du premier coup !

 

2020.11.22

Duncan

Cela faisait que quelques jours qu’elle etait enfermée dans l’appartement de Duncan.
Recroquevillée dans un coin de la pièce, elle avait tellement pleuré que ses larmes s’étaient taries.

Il l’avait ignorée, la laissant faire ce qu’elle voulait chez lui, il ne s’occupait pas d’elle.
Elle était qu’un simple animal sauvage à ses yeux.
Il lui apportait parfois à manger, de la nourriture en boîte, qu’il posait sur la table du salon.
Il était rarement présent, ses horaires de travail étaient presques aussi condensées que celles de marianne.

*

Marianne.
Annabelle pensait encore à elle, toujours.

Elle avait essayé de l’appeler mais elle tombait sur son répondeur. Au bout d’une dizaine d’appels, elle avait fini par abandonner. Marianne avait certainement bloqué son numéro. Elle avait songé à lui envoyer un message, dans lequel elle lui expliquerait sa sincérité.
Des notes qu’elle avait rédigées mais qui ne lui convenaient pas, elle ne savait pas quoi lui dire pour qu’elle y croit. Après tout, elle avait préféré croire les mensonges de Duncan.
La tristesse avait laisse place à la colère.
Son ressentiment s’était dirigé sur Duncan. C’était de sa faute si elle se retrouvait dans cette situation.
Pourquoi avait-il fait ça. Pourquoi lui faire subir ça.
Elle se rendait compte à quel point elle était heureuse aux côtés de Marianne, à quel point elle était aimante et prenait soin d’elle.
Aujourd’hui, elle vivait le scénario basique qu’elle aurait pu imaginer avant de vendre son humanité.
À cette pensée, elle ne put s’empêcher de sourire. C’était ridicule.

*

Lorsque Duncan rentra, elle avait préparé de quoi le menacer. Le seul outil dangereux qu’elle avait pu trouver était un couteau de cuisine.
Elle voulait lui faire du mal, lui faire aussi mal voire plus que ce qu’il lui avait fait ressentir.

Il se doutait de quelque chose, il n’avait peutêtre pas des bases en arts martiaux comme Marianne, mais Annabelle n’était pas non plus une pratiquante et il put la maîtriser sans aucun souci.
Elle n’était pas bien grande et Duncan avait en plus une carrure plutôt imposante en comparaison.
Il lui attrapa le poignet et la fit lâcher son arme.

— Tu comptais me blesser avec ça ?
Se moqua t-il d’elle.

Annabelle n’avait pas beaucoup de force et Duncan ne la ménagea pas.
Il la plaqua contre le mur et lui demanda de s’expliquer.

— Qu’est-ce que tu aurais fait après, hm ?

Annabelle serra la mâchoire et ne répondit pas.
Elle n’avait pas réellement l’intention de blesser Duncan.
Elle le haïssait mais elle savait que Marianne tenait à lui. Elle se sentait si désespérée.
Les larmes lui montèrent aux yeux.

— Faites ce que vous voulez de moi… de toute facon… c’est fini… Marianne ne me fera plus confiance…
— Effectivement, tu ne pourras plus la manipuler à ta guise.

Annabelle n’avait plus la force de se battre.
Duncan la relâcha et elle s’écroula au sol.

— Pourquoi… pourquoi vous dîtes ça… ? Qu’est-ce que je dois faire pour qu’on me croit ?! Je donnerai ma vie pour Marianne… !
— Vraiment… ? Laisse moi en douter.

Elle fixa le couteau à ses pieds. Elle aurait pu le prendre et se faire du mal.
Elle l’attrapa mais elle ne sut pas comment s’y prendre pour en finir avec sa vie.
Devait-elle l’enfoncer dans sa gorge ? S’ouvrir les veines ? S’ouvrir le ventre ?
Elle était effrayée à cette idée, et la seule motivation aurait été de salir l’appartement de Duncan avec son sang.

Il ne la cru pas capable de passer à l’acte.
Il la regarda et vit qu’elle n’était pas en état de franchir ce cap. Elle tremblait.
Alors il lui reprit le couteau de ses mains et la laissa au sol.

*

Duncan ne s’était pas inquiété.
Le comportement d’Annabelle n’était pas anormal. Il avait prévu qu’elle soit dévastée parce qu’il lui avait coupé sous les pieds son avenir avec Marianne.
C’était normal qu’elle soit dévastée.
Il voulait voir comment elle allait se comporter en sachant qu’il n’était plus possible de s’approcher de Marianne.
Ce qui l’étonna, c’est qu’elle ne chercha pas à l’amadouer et le manipuler lui.
Elle aurait dû chercher à le mettre dans sa poche, c’était lui qui était censé être son propriétaire.
Mais elle n’avait rien fait dans ce sens. Elle s’était au contraire isolée et semblait le détester de tout son coeur.
Il lui restait encore quelques jours pour lui tirer les vers du nez et l’observer, qu’elle trahisse ses véritables intentions.
Il avait eu peur lorsqu’il l’avait vue avec un couteau à la main, mais elle ne faisait pas la fière et il put la désarmer sans problème.

*

Le lendemain, il lavait retrouvée inconsciente dans le salon.
Il avait paniqué.
Elle avait rédigé une lettre destinée à Marianne.
Il l’avait lue en pensant qu’elle avait finalement avoué ses mauvaises intentions, mais il blêmit en découvrant le contenu. Elle exprimait à quel point elle avait été reconnaissante et combien elle appréciait Marianne et qu’elle préferait en finir que de souffrir, loin d’elle.
C’était une lettre d’amour dans laquelle elle clamait son innocence.
Il paniqua, elle ne semblait plus respirer, il ne savait pas ce qu’elle avait fait mais elle était inconsciente.

Il aurait préféré qu’elle joue la comédie, que tout ceci fasse partie de son plan, mais il écouta son coeur et vérifia qu’elle ne faisait pas semblant.
Elle ne respirait presque plus.
Il ne tergiversa pas plus, il appela les secours.
Il n’y avait pas de trace de sang.
En attendant que les secours arrivent, il se rendit dans la salle de bain pour fouiller dans ses placards.
Il vérifia le contenu de ses médicaments restants.
Vides. Elle s’était servie et avait probablement ingéré tout ceci.
Il les rassembla pour pouvoir les donner aux médecins, si jamais cela pouvait les aider.
Puis, il dut se résoudre à appeler Marianne.
Si jamais Annabelle mourrait chez lui, il devait la prévenir et il lui devait des excuses.
Il ne pensait pas que son expérience irait aussi loin.

*

Annabelle avait été emmenée et hospitalisée.
Marianne était arrivée le plus vite possible et elle s’était précipitée pour demander à voir Annabelle, elle avait fait exprès d’ignorer Duncan.
Il avait dû la calmer et lui expliquer qu’Annabelle était en soin et qu’elle ne pourrait la voir qu’après.

Voyant qu’elle éetait impuissante et qu’elle n’avait pas d’autres choix que d’attendre, elle prit le temps d’insulter Duncan. Elle se retint parce qu’ils étaient à l’hôpital mais elle avait une envie de le frapper au visage.

Il le remarqua et s’excusa, il lui tendit la lettre qu’Annabelle avait redigée et Marianne s’effrondra.

— Si jamais… si jamais elle ne s’en sort pas… tu sais que je ne te le pardonnerai pas…
— Je sais… je m’en veux Marianne…
— Qu’est-ce qu il lui a prit… ?!
— Elle… elle a avalé mes restes de médicaments… tous les restes qu’il y a avait dans mes placards…
— Quelle idiote… ! Pourquoi… !?

Un médecin vint à leur encontre et leur expliqua la situation.
Par chance, Duncan avait réagit à temps et Annabelle ne risquait plus rien. Ils avaient fait un nettoyage d’estomac et ils avaient traité comme ils pouvaient pour absorber les effets toxiques de sa prise abusive de médicaments. Elle était encore endormie mais son état global était stable.

— Quand est-ce que je pourrais la voir… ?
— Dès qu’elle sortira de la salle de soins, on la transfèrera dans une chambre et on vous préviendra. En attendant, nous avons des questions à vous poser… et il y a des documents à remplir. Si vous voulez bien me suivre…

Duncan prit les devants et insista pour s’occuper de la partie administrative. Il culpabilisait et cherchait un moyen de se faire pardonner.
La présence de Marianne était obligatoire parce qu’elle était légalement la propriétaire d’Annabelle et qu’elle devait justifier son statut.

*

Annabelle se réveilla avec mal.
Elle ne se sentait pas bien.
Elle se souvenait d’avoir réussi à trouver des médicaments chez Duncan, certains étaient périmés, mais elle n’avait rien d’autre à portée de main pour se faire du mal et faire taire la douleur en elle.
Elle avait vidé le contenu dans sa main et elle avait avalé chaque pillule une à une, avant de retourner dans le salon.
Elle craignait que cela ne fonctionne pas. Après tout, est-ce que cela ne marchait que dans les films ? Elle ne ressentait aucun effets secondaires. Elle attendit quelques minutes, elle avait rien de mieux à faire, alors elle s’assit dans un coin de la pièce comme d’habitude.
Puis elle s’était sentie bizarre. Son coeur s’était mis à battre plus vite et elle avait le vertige.

Elle ne reconnaissait pas cet endroit.
Est-ce que cela avait fonctionné ? Est-ce qu’elle était morte ? Elle était dans un état vaseux, la bouche pâteuse et l’esprit embrumé, elle avait envie de vomir.
La vision encore un peu trouble, elle prit son temps pour que sa vue s’habitue. Il faisait presque jour, elle arrivait à deviner le lever du soleil à travers la fenêtre de la chambre, et elle était allongée dans un lit.
Lorsqu’elle se réveilla complètement, elle remarqua les perfusions sur ses poignets.
En balayant la pièce des yeux, elle remarqua qu’elle n’était pas seule.
Une femme était assise et s’était assoupie dans le fauteuil à côté d’elle.
Elle reconnut Marianne.
Son coeur fit un tour dans sa poitrine.
Est-ce qu’elle rêvait ? Marianne était là ? Près d’elle ?
Les larmes lui montèrent aux yeux d’émotions.
Son rythme cardiaque s’accélera et les machines auxquelles elle était reliée se mirent à biper, ce qui réveilla Marianne en sursaut.

Elle se leva et prit Annabelle dans ses bras.
Les yeux embués et mouillés.
Elle n’avait pas les mots pour exprimer sa joie.

— Ne refais plus jamais ca. C’est compris ?!
Lui dit-elle, la voix enrouée par l’émotion.

Annabelle ne comprenait plus ce qu’il se passait et accepta juste l’embrassade de Marianne.
Elle lui avait tellement manquée.
Finalement, elle était peut-être au paradis.

Lorsqu’elles finirent de s’enlacer, Marianne s’assura qu’Annabelle allait mieux et lui expliqua la situation, avec le pari de Duncan et sa fausse hypothèse.
Marianne s’excusa à plusieurs reprises, elle aurait dû croire Annabelle dès le départ.

Annabelle ne savait pas quoi ajouter.
Elle comprenait maintenant pourquoi Duncan avait été si excécrable avec elle, mais elle ne lui pardonnait toujours pas. Elle ne pouvait pas l’apprécier du jour au lendemain. Ce n’était pas possible.
Marianne lui avait assurée que Duncan ne lui ferait plus aucun mal et qu’elle n’avait plus rien à craindre de lui.
Elle avait du mal à y croire, mais elle essaya de ne plus y penser.
Elle profitait du moment présent.
Est-ce que leur relation était sauvée ?

*

Le médecin insista pour faire passer un examen psychiatrique à Annabelle pour s’assurer qu’elle n’était pas en dépression et Marianne eut du mal à expliquer le pourquoi de son geste.
Il comprit que c’était compliqué en voyant Duncan, Marianne et Annabelle qui était un humain de compagnie.
Il soupira et ne chercha pas plus loin. Sa réaction semblait dire « ah… ces riches qui jouent avec la vie humaine. » Et il s’en alla.

Les papiers signés, les résultats du bilan sanguin plus tard, Annabelle put retourner chez Marianne qui la chouchouta plus que jamais.
Elles retrouvèrent leur routine agréable habituelle, comme si rien ne s’était passé, si on oubliait la tension entre Duncan et Marianne.

*

Marianne avait encore en travers de la gorge les derniers évènements mais elle était également affectée de bouder son ami le plus proche.

Annabelle s’en rendait compte et essaya d’amener le sujet sur le tapis, ou plutôt sur le lit.
C’était leur endroit préféré pour discuter, dans les bras l’une de l’autre. Cétait leur moment tendre et doux, à juste se serrer dans le creu de leurs bras, dans la chaleur de leur corps et la douceur de leur peau.

— Tu devrais reparler à Duncan…
— Je ne peux pas… pas après ce qu’il t’a fait…
— C’est du passé… je ne peux pas mentir… je ne lui pardonne pas mais je sais que c’est un ami très proche à toi…
— Je… il est venu s’excuser plusieurs fois.
— Raison de plus. Je vois bien qu’il est désolé, et qu’il regrette… je me sens un peu coupable d’avoir détruit votre amitié de longue date.
— Alors, il a fait ça tout seul… s’il ne s’était pas mêlé de ma vie privée…
— Mais il a fait ça parce qu’il était inquiet pour toi…

— Je n’arrive pas à croire que ce soit toi qui essayes de le défendre.
Sourit Marianne.

Annabelle avait également du mal à prendre cette position.
Elle se souvenait de quand ils étaient encore amis et elle trouvait juste dommage qu’ils ne le soient plus, à cause de ce qu’il s’était passé avec elle.

Elles finirent par s’endormir, éteignant la lumière et se blotissant l’une contre l’autre.
Sans vraiment décider d’une action à faire, laissant cette querelle en suspens.

*

Annabelle prit les devants.
Elle respira un bon coup, prit son courage à deux mains et elle se décida à contacter Duncan par messages. C’était déjà un grand effort.
Elle restait très froide dans ses messages, parce qu’elle ressentait toujours de l’animosité envers lui, mais elle faisait cela pour Marianne.
Elle lui demanda s’il voulait se faire pardonner et surtout s’il voulait vraiment se réconcillier avec Marianne.
Elle savait que Marianne l’avait evité et ne lui avait plus adressé la parole depuis l’incident.
Alors elle organisa un moyen pour qu’ils se parlent et discutent calmement.

Elle fit venir Duncan en fin d’après-midi, avant que Marianne ne rentre de son travail.
Elle se doutait que s’il arrivait après elle, elle ne le laisserait pas entrer.
Annabelle avait encore les flashbacks de ses moments désagréables avec Duncan et garda ses distances.
Elle lui ouvrit la porte et lui demanda de s’installer dans le canapé en attendant.
Elle lui servit quand même un verre d’eau et ils attendirent en silence l’arrivée de Marianne.

— Je…
Commenca Duncan, pour briser ce silence pesant.

— Gardez votre salive pour Marianne.
Coupa Annabelle, avec froideur et sèchement.

Elle n’avait aucune envie de parler avec Duncan, sa colère était encore encrée en elle.

Duncan n’insista pas. Il était déjà très content d’avoir une chance de pouvoir discuter avec Marianne.
Il aurait pu passer à autre chose et oublier cette amitié, il avait perdu de vue certains de ses amis, mais Marianne, c’était différent. Ils avaient été si proches pendant si longtemps. C’était comme une soeur pour lui, il ne pensait pas qu’un jour ils se fâcheraient, et à quel point cela l’affecterait.
Il se demandait s’il était le seul à ressentir ce vide, ce manque. Et il commençait à en douter parce qu’elle semblait l’ignorer sans scrupule, sans être affectée.
Il devait se faire une raison si jamais cela ne marchait pas aujourd hui.
Il avait merdé et il le savait, il devait tourner la page si jamais Marianne décidait de ne plus le revoir.
Mais il donnerait tout pour que cela remarche entre eux, pour n’avoir aucun regret.

*

La porte s’ouvrit et Marianne entra.
Elle ne remarqua pas Duncan tout de suite, et quand ce fut le cas, elle le fusilla du regard.

— Qu est-ce que… tu fous là ?!
Duncan se retourna et se leva.

Annabelle se positionna pour empêcher Marianne de repartir, et elle la poussa vers le séjour pour qu’elle discute avec Duncan.

Marianne comprit que c’était Annabelle qui était derrière ça.

Elle prit les clés des mains de Marianne et sortit de l’appartement en les laissant seuls, et referma la porte derrière elle.

Ils entendirent le clic clac dans la serrure et Marianne n’eut pas d’autre choix que de rester là.
Elle soupira et se déshabilla pour se mettre à l’aise.
Faire comme si Duncan n’était pas là.

— Est-ce qu’on peut discuter entre adultes ?
Demanda Duncan, un peu agacé par la situation.

C’était sa seule et probablement dernière chance d’essayer de se réconcilier avec elle.
Annabelle avait pris un risque, il se doutait que Marianne ne serait pas très contente de cette initiative.

— Qu’est-ce que tu me veux ?
Repondit Marianne sèchement, faisant l’ignorante.

— Tu sais pourquoi je suis là…
— Tu as forcé Annabelle à t’aider ? Tu l’as menacée ?
— Non ! Bien sûr que non ! C’est elle qui m’a contacté.

Marianne resta silencieuse.
Elle évitait son regard et évitait de le regarder.
C’était son ami mais elle n’y arrivait pas.

— Je sais que j’ai été un connard, et le pire c’est que si c’était à refaire, je le referais parce que j’avais peur de te voir blessée par Annabelle… maintenant je sais que j’ai eu tort, je sais qu’Annabelle n’est pas ce que je pensais d’elle. Je ne peux que m’excuser et demander pardon, que tu me pardonnes !

Marianne rit nerveusement.

— Le pire c’est que j’y ai cru, j’ai douté d’Annabelle. Je suis également fautive, si je n’avais pas douté de mon impression et de ce que je savais d’Annabelle, rien ne se serait passée comme cela. Et moi, comme une idiote, je t’ai cru et je suis entré dans ton jeu… tout ça pour quoi ?!
— J’en suis désolé.
— Je sais que tu es désolé. Je te connais Duncan, je sais que tu ne me voulais pas de mal. Mais… mais tu peux pas savoir comment j’ai eu peur pour Annabelle… elle est devenue ma raison de vivre, Duncan… je crois que je ne m’en suis pas rendue compte avant, avant que sa vie soit en danger. Ca ne m’était jamais arrivé, je n’avais jamais ressenti ça pour quelqu un.

— Même pas moi ?
Demanda Duncan, à moitié sérieux.

Marianne pouffa de rire.

— Si. Si tu étais en train de mourir, je ne me sentirais pas bien, mais avec Annabelle c’est légèrement différent.
— Ecoute Marianne, ça m’affecte vraiment et je tiens toujours à toi, mais je ne vais pas continuer indéfiniment à te demander pardon. Si tu ne veux vraiment plus me parler ni me voir, je ne vais pas insister plus. Ca commence à devenir ridicule que je te cours après et que cela affecte mon moral et mon sommeil, tu ne crois pas ? J’ai passé l’âge de m’accrocher en vain, même si, je veux que tu le saches, je tiens à notre amitié.

Marianne l’écouta religieusement.
Ca serait se mentir à elle-même qu’elle ne ressentait rien et qu’elle ne regrèterait pas cette amitié. C’était juste difficile de faire le tri de ses propres émotions.

— J’ai juste besoin de temps… pour remettre mes émotions en ordre… je t’en veux mais je crois que c’est à moi que j’en veux le plus, et ça serait injuste que cette colère je la reporte que sur toi. J’ai ma part de responsabilité et… moi aussi je tiens à notre amitié. C’est juste que je me sens tellement coupable vis à vis d’Annabelle. Tu sais que tu las traumatisée ?
— Elle t’a demandée de couper les ponts avec moi ?
— Abruti, tu penses vraiment qu’elle aurait organisé ça, si elle voulait que je coupe les ponts avec toi ? Au contraire… elle arrête pas d’essayer de me convaincre pour qu’on en discute. C’est juste que… je savais qu’on s’engueulerait, et je suis assez fatiguée par mon travail pour ne pas avoir à me fatiguer en dispute avec toi.
— Même si c’est nécessaire ?
— Je ne crois pas qu’il soit nécessaire qu’on s’engueule, non.
— Vas-y, insulte moi de tous les noms, jusqu’à ce que tu te sentes mieux.
— Oh, tu n’es pas prêt.
— Avoue que tu n’as pas assez de mots dans ton vocabulaire pour que cela dure assez longtemps.
— Tu me connais trop bien, par contre j’aurais envie de te mettre une raclée.
— Je suis moins chaud, tout d’un coup… mais si ça peut nous réconcilier… je peux serrer les dents quelques minutes.
— T’es optimiste.
— Je ne serai pas là, si je n’étais pas un peu optimiste.

Marianne s’approcha de lui et prépara son poing.

Duncan ferma les yeux, s’attendant à la colère divine et la douleur qui s’en suit.

— Tu sais quoi. Ca m’avait quand même manqué de discuter avec toi…

Marianne donna une petit coup sur son épaule, qui l’effleura à peine. Puis une caresse. Elle lui sourit, un peu crispée.

Duncan la serra dans ses bras.

— Oh, calme toi, depuis quand on se fait des câlins ? C’est dégoutant !
S’exclama Marianne.

— Il faut bien une première fois…
— Je crois que c’est la première fois qu’on se fâche aussi longtemps…
— Au fait, tu m’avais jamais invité chez toi. C’est plutôt sympa en fait.
— Oh… ah… ça… heureusement que tu n’as jamais vu l’état de chez moi avant l’arrivée d’Annabelle… tu aurais fait une syncope.
— À ce point là ?

— Oh oui… je préfère ne pas donner plus de détails. Tu veux une bière ?
Demanda Marianne qui ouvrit le frigo.

— Non non, je conduis, je vais pas rester plus longtemps. Annabelle revient quand ?
— J’en sais rien, elle nous a enfermés.
— Oui, c’est pour ça que je demande.
— Envoie lui un message pour dire qu’on a fini de s’entretuer.
— Ca serait plus réaliste si j’envoyais un message demandant des secours parce que tu m’aurais tabassé…
— C’est vrai.
— Je me disais, je pourrais vous inviter à dîner, toutes les deux.
— Oh là, Annabelle ne va pas dîner en ta presence, là t’es un peu trop optimiste. Il est encore un peu trop tôt pour ça. Ca prendra le temps qu’il faut, mais pas tout de suite. D’accord ?
— Ah… je vais juste rentrer alors… merci de m’avoir écoute ce soir…
— Ne me remercie pas. T’as qu’à essayer de te racheter auprès d’Annabelle plutôt. C’est à elle que tu dois des remerciements. Evite de trop en faire, par contre…
— Je te demanderai des conseils, je la connais pas du tout.
— C’est encore trop frais en elle, ce qui s’est passé.
— Je comprends… je vais faire profil bas.

Annabelle revint quelques minutes après.
Un peu inquiète, mais elle fut rassurée de les voir tous les deux assis sur le canapé, à discuter comme des amis, comme avant.

Marianne se retourna pour la saluer.

— C’est bon, papa et maman se sont réconciliés ! On ne va pas divorcer !
Blagua t-elle.

Annabelle ne savait pas comment réagir. Devait-elle bouder qu’on se moque d’elle ? Elle était juste contente que son plan ait fonctionné. Marianne était de meilleure humeur et c’est ce qui comptait pour elle.

Duncan se leva et se dirigea vers la porte pour s’en aller.
Il s’arrêta un instant devant Annabelle pour la remercier.
Il se pencha et l’embrassa sur la joue, et s’en alla sans demander son reste.

Annabelle resta bouche bée.

Marianne était stupéfaite.

— Attends, il vient de faire quoi là ?
Marianne n’en revenait pas.

— Je… je crois qu il m’a embrassée… sur la joue…
Annabelle était reste figée.

Marianne éclata de rire.

— Comment je dois le prendre… ?
Demanda Annabelle.

— Il devait vraiment être reconnaissant, je crois que c’est la première fois que je le vois poser un baiser aussi sincère sur quelqu’un. Il lui reste un coeur, en fait !

Marianne fit signe à Annabelle de venir s’installer à côté d’elle. Elle s’exécuta.
Marianne l’attrapa et la serra dans ses bras, en s’allongeant sur le canapé de tout son long.

— Merci, Annabelle.

Elles restèrent ainsi un moment.

2022.02.04