Formation

Gabriel était serein.
Le contrat était signé et Alexandra était sous sa protection. Il lui montrait les ficelles du métier et les documents importants qu’il allait lui confier.
Elle avait soif d’apprendre et c’était une possibilité qu’elle se plonge dans cet apprentissage pour oublier ce qui la tracassait vraiment.
Il le voyait. Il commençait à s’attacher progressivement.

*

Debout côte à côte avec elle, il lui montrait un livre qui contenait des informations interéssantes, lorsqu’ils entendirent des coups sur la porte. Quelqu’un demandait Gabriel et cela semblait urgent.
Il dut quitter son bureau un instant. Confiant le livre et la pièce à Alexandra.
Il avait une manière douce de lui sourire, de la rassurer.
Ils étaient de plus en plus proches physiquement.
La consultation des dossiers aidait à cette proximité, au tout debut, elle fut un peu en retrait puis, elle finit par s’y habituer. À sa chaleur et sa manière très pédagogue de lui expliquer certains termes.
Cela lui semblait maintenant normal, naturel.
Son avis sur ce bonhomme aigri changeait de jour en jour.
Il était attentionné et affectueux, et il avait été franc avec elle. C’était ce qu’elle appréciait le plus.
Elle avait de la chance, d’une certaine manière. Il était gentil avec elle. À cette pensée, elle se demanda si elle n’était pas en train de baisser sa défense.
Elle devait se concentrer sur ses enseignements. Elle avait fait quelques erreurs lors de son dernier séjour et il l’avait corrigée. Le reste était plutôt simple à intégrer, cela ne différait pas trop de ce que son père faisait.
Le temps commençait à être long.
Elle observa le bureau, et elle se rappela la première fois qu’elle avait été ici. Le fameux enlèvement, sa réaction et quand elle s’était mise à lui jeter ses bibelots. Cela n’allait pas à Gabriel d’être odieux. Il était à des années lumière du personnage qu’il lui avait présenté. Puis, elle avait été jeune, impulsive.
La décoration n’avait pas tellement changé.

La porte qui menait à sa chambre était entrouverte et elle se laissa aller à la visite de cette pièce.
C’était grand. Le lit était immense et elle s’y asseya, pensive. Il était vrai qu’il était grand, Gabriel.
Elle arrivait maintenant, avec un peu plus de facilité, à le tutoyer. Tout compte fait, il n’était pas si intimidant que ça, passé son apparence imposante.
Elle se laissa tomber de tout son long.
Qu’est-ce qu’il était confortable son lit. Elle s’était enfoncée dans l’épaisseur de la couverture, elle avait fermé les yeux, laissant libre court à son imagination.

— Est-ce que tu as besoin de faire une sieste ?
Demanda la voix maintenant familière.

Elle sursauta et ouvrit immédiatement ses paupières.
Elle se releva aussitôt.

— N-non, pardon !

Il rit aux éclats.

— Tu peux, ne t’inquiète pas. Je vais t’avouer un petit secret. Il m’arrive de m’allonger ici pour siester… donc, ne te prive surtout pas.
— Je… c’est juste qu’il est vraiment très confortable…
— Ca oui. Excuse moi de l’attente.
— Non non, c’est à moi de m’excuser…

Elle le rejoignit, et il ne put effacer le sourire sur son visage, à tel point qu’elle le remarqua.

— Est-ce que… j’ai quelque chose sur mon visage… ?
Demanda t-elle, inquiète.

— Non, pas du tout… je te trouve juste adorable-

Il avait prononcé ces mots sans y prêter attention et en se rendant compte, sa voix s’étrangla.
Elle rougit et ne sut pas où se cacher.

*

Elle passait une bonne partie de ses journées aux côtés de Gabriel pour sa formation intensive. Elle ne voulait pas s’éterniser chez lui, ni le déranger plus que nécessaire. Ce fut un moment plutôt agréable. Elle avait besoin de couper et penser à autre chose que Chris, et Gabriel avait été très sympathique envers elle. Sans pour autant être trop présent ou étouffant.
Le midi, elle mangeait dans la cantine avec tous les autres, cela lui faisait un temps rien qu’à elle, même si souvent, quelques personnes venaient s’asseoir à côté d’elle pour lui faire la discussion et se renseigner sur ce qu’elle faisait ici.
Elle expliquait alors qu’elle venait approfondir ses connaissances sans mentir sur la véritable raison de sa présence.
Elle avait sa propre chambre qui était au même étage que celle de Gabriel.

— Bon, alors. Il est moins désagréable que ce que tu pensais, n’est-ce pas ?
Lui demanda la garde qu’elle connaissait bien.

— Ca va…
— Tu reviens ici pour passer du temps avec nous, on te manque ?
— On peut dire ça comme ça…

Alexandra restait vague. Cela la faisait sourire de les voir curieux ainsi, à son sujet.

*

Sa présence suscitait beaucoup d’intérêts et certains avaient des vues sur elle.
Après une soirée arrosée, un groupe d’hommes la cherchait. L’un d’entre eux voulait lui parler et ses amis l’encouragèrent à le faire.

Elle était en train de se balader dans les couloirs lorsqu’ils la virent et l’encerclèrent.
Il était un peu tard et Alexandra fut surprise. Elle remarqua qu’ils n’étaient pas en pleine possession de leurs esprits, et elle essaya de ne pas faire de vagues.
Ils étaient 4 et plutôt forts, de ce qu’elle avait vu, ils savaient se battre.
Elle savait aussi se défendre mais elle ne voulait pas créer d’incident diplomatique, surtout s’ils ne cherchaient pas à lui faire de mal.

Ils étaient joyeux et ils parlaient fort, deux d’entre eux s’étaient positionnés derrière elle, lui bloquant toute échappatoire. Ce n’était peut-être pas leur intention.
Et l’un poussait son ami à lui parler. L’aidant à s’exprimer.

— Hé, ma jolie, ça ne te dit pas de venir t’amuser avec nous ? On sait y faire. On est quatre, rien que pour toi !
— Il y a notre ami là, qui n’a d’yeux que toi depuis que tu es là, ça te dirait pas de passer un peu de temps avec lui, pour faire plus amples connaissances, si tu vois ce que j’veux dire ?!

Ils riaient grassement et elle n’était pas à l’aise.

— Reste pas à rien dire ! Tu fais ta timide ? On va te décoincer si tu veux, t’en fais pas !

— Non merci… je suis occupée…
Essaya t-elle de les repousser, gentiment.

— Oh, mais nous on en a pas fini avec toi, reste un peu…. !

Leurs voix résonnaient dans le couloir et cela finit par attirer l’attention.
Ils réduirent la distance avec elle, la collant et la poussant un peu plus.
Elle fut bousculée dans les bras de celui qui avait le béguin pour elle.

— Oh là, il faut faire attention !

Elle n’appréciait pas du tout, le regard baissé, elle se redressa et repoussa les hommes derrière elle.

— Mais c’est qu’elle ne se laisse pas faire !

— Laissez moi tranquille ou vous allez le regretter.
Prévint-elle.

— Oulà, j’ai peur.
Se moqua t-il.

Elle se tenait en garde pour se dégager de là, et s’il le fallait, elle en frapperait un, ou deux.
Lorsqu’une voix et une ombre s’approcha d’eux.

— Il me semble qu’elle a dit de la laisser tranquille.
Gabriel se tenait devant eux, ce qui les fit lever les yeux puis déglutir, puis rire nerveusement.

— Ah, oui, on allait partir, justement…

Ils s’en allèrent en se pressant.

— Ils seront convoqués dans mon bureau. J’ai quelques mots à leur dire, ceux-là.
Dit Gabriel en les regardant s’éloigner.

Le coeur d’Alexandra battait à tout rompre. L’adrénaline qu’elle avait commencé à produire parce qu’elle s’attendait à devoir se battre, était en train de redescendre.
Elle avait du mal à croire qu’il était là, restant silencieuse, reprenant lentement son souffle.

— Tout va bien ?
Finit-il par demander.

Elle acquiesça sans un mot. Doucement

— Je m’excuse de leur comportement. Sincèrement. Permets moi de te raccompagner jusqu’à ta chambre.

Elle continua d’acquiescer en silence et il s’inquiéta.

— Tu es sure que ça va… ?
Demanda t-il une nouvelle fois, en se baissant.

— Oui… oui oui… ça m’a surpris…

Elle en profita qu’il soit à sa portée pour l’embrasser sur la joue.

— Merci…

Ce fut à son tour de rester muet.

*

Le séjour prit fin.
Le jour de son départ, elle lui prit sa main, le regarda droit dans les yeux.

— Prends soin de toi. Si je dois reprendre tes affaires, que ce soit le plus tard possible. D’accord ?
Dit-elle, les joues un peu roses.

Il sourit comme à son habitude, peut-être encore plus attendri que d’habitude.
Il la rapprocha pour la serrer dans ses bras, et la décoiffer de sa paume.

— T’en fais pas pour moi ! T’es mignonne, prends soin de toi aussi. C’était très agréable de t’avoir comme apprentie pendant cette semaine. Reviens quand tu veux, surtout !
— Je… vais y réfléchir…

Le coeur de Gabriel battait plus vite que d’habitude et il espéra que cela passe inaperçu.

— La prochaine fois, on se fera quelques échauffements sur le terrain, qu’en dis-tu ? Je te dois une revanche, il me semble.
Proposa t-il, comme une excuse pour la revoir bientôt. Il s’en souvenait.

*

Rentrée chez elle, son esprit était encore là-bas.
Son père la prit dans ses bras et lui demanda à plusieurs reprises si Gabriel n’avait rien tenté de déplacé. Elle dut le rassurer.
Le contrat était signé et elle était plus sereine.

— Papa… je suis grande maintenant. Puis, tu ferais quoi s’il avait tenté quelque chose… ?
Demanda t-elle avec un sourire en coin.

— …
— Tu penses que j’aurais pas su me défendre ?
— …
— Ne te tracasse pas pour rien, alors !

*

Elle avait repris son entraînement, de quoi garder la forme. Elle avait en tête le combat qu’elle allait disputer avec Gabriel la prochaine fois qu’ils se verraient. Elle voulait cette revanche, et elle ne voyait pas que ce n’était peut-être pas le combat qu’elle attendait, mais le fait de revoir Gabriel.
Peut-être était-ce sa propre fierté de pouvoir le battre, pour qu’elle ne soit pas inférieure à lui.
Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas Chris qui arriva derrière elle.
Elle sursauta.

— Chris ! Tu m’as fait peur ! Ca va… ? Tu as besoin de quelque chose ?

La tension entre eux était retombée. Elle arrivait à lui reparler normalement depuis que la pression du contrat était retombée.
Elle n’en avait pas reparlé, c’était qu’une formalité administrative et Chris n’avait pas cherché à en savoir plus.

— Excuse moi, je ne voulais pas t’effrayer. Tu as l’air tellement concentrée. Il s’est passé quelque chose ?
— Oh… non… j’essaye de me maintenir en forme, Gabriel m’a proposé de prendre ma revanche sur un combat que j’avais perdu lorsque j’étais plus jeune. Je veux lui faire mordre la poussière !
— Cela risque d’arriver. Tu as besoin d’un partenaire pour t’entrainer… ?
— Pourquoi pas…

Cela faisait un moment qu’ils n’avaient pas échangés de coups et Alexandra retint sa force pendant les premières minutes.

— Non mais, vas-y comme tout à l’heure, je vais m’adapter. Ne t’en fais pas pour moi.
Dit Chris, un peu vexé.

Elle s’exécuta.
Chris fut surpris, il se mit à défendre pronto.
L’échange était intense, et Chris sourit. Cela lui faisait du bien également, de se dépasser.
À la fin de leur session, il réussit tout de même à briser, à quelques reprises, la défense d’Alexandra.

Elle affichait un large sourire, en sueurs et essoufflée mais elle s’était amusée.
Elle se demanda depuis combien de temps elle n’avait pas passé un moment de complicité simple avec Chris.
Elle embrassa cet instant. C’était de sa faute si elle avait balayé leur relation d’un revers de la main, et elle devait tourner la page. C’était ce qui était en train de se passer.
Elle rit aux éclats, les larmes au coin des yeux. Nerveusement. Elle avait passé un bon moment, elle venait de réaliser son erreur.
Qu’est-ce qu’il était agréable de retrouver cette insouciance avec Chris.

Il la regarda sans trop comprendre.
Elle se redressa et s’avança vers lui, qui restait figé, dans l’incompréhension.

— Tout va bien… ?
Demanda t-il, avant de se faire couper de court.

Elle l’enlaça de toutes ses forces, tendrement.
Elle n’avait pas les bons mots. Elle aurait pu s’excuser de son comportement durant ces dernières années, ou elle aurait pu le remercier d’avoir été aussi patient et compréhensif, mais elle ne savait pas laquelle de ces options était la meilleure.

Il eut l’air de comprendre, parce qu’il ne dit rien et il lui caressa sa chevelure, rendant légèrement son étreinte.
Ils s’étaient retrouvés.

*

Gabriel avait envoyé une nouvelle lettre pour proposer de manière officielle à Alexandra de revenir, pour un petit combat amical.
Il avait attendu une semaine et il demandait à Alexandra ses disponibilités pour repasser un séjour chez lui, cette fois-ci, sans la formation, juste pour y passer du temps.

Lorsqu’elle reçut l’enveloppe et qu’elle en lut le contenu, elle eut un large sourire.
Elle ne s’attendait pas à ce qu’il lui envoit à nouveau une lettre.
Elle en discuta directement avec son père qui haussa les épaules.
Il n’avait pas spécialement besoin d’Alexandra à ses côtés, et il lui fit comprendre qu’elle pouvait y retourner à partir de quand elle le souhaitait.
Maintenant que le contrat avait été signé, il était moins inquiet pour sa sécurité. Gabriel lui avait promis de prendre soin d’elle, même s’il n’avait aucun sentiment pour elle. Il avait encore la crainte qu’il la force à donner un héritier mais connaissant le caractère de sa fille, il lui souhaitait bien du courage.
Quoi qu’il en soit, elle devait juste le prévenir de la période de son absence, et il en tiendrait compte.

Elle décida alors d’une date, lui laissant le temps de s’entraîner encore un peu, et elle prépara ses bagages qui tenaient dans un sac à dos.
Chris l’intercepta et lui demanda s’il pouvait l’accompagner pour assister au combat.
Elle fut surprise mais elle ne refusa pas.

2021.10.13

Blanc

Gabriel avait reçu la lettre d’Alexandra.
Il avait attendu, impatiemment et avec une certaine appréhension qu’elle refuse catégoriquement.
Il s’était senti bizarre, il avait un certain âge mais il n’avait pas le souvenir d’avoir ressenti ce genre d’émotions auparavant, s’il oublait son premier amour, il ressentait à nouveau cette attente, ce sentiment si particulier de bien-être en pensant à une personne en particulier.
Il se trouvait ridicule. Etait-il en train de tomber amoureux ? Impossible. Elle était bien trop jeune, il était beaucoup trop vieux pour plaire, puis il ne pouvait qu’espérer que son souhait de mariage blanc soit accepté.
Sa mort frôlée de peu l’avait fait réaliser une chose. Tous ses biens étaient éphémères, il ne souhaitait pas que tout cela disparaisse dans le néant ou que ce soit éparpillé et pillé par ceux qui voudraient s’enrichir sur ce qui reste. Il avait confiance en ce nouveau allié. Il ne voulait rien regretter.
Il renfloua ses sentiments déplacés pour Alexandra et essaya de se concentrer sur son objectif principal.

Elle avait accepté de le revoir pour discuter de ce sujet.
Compte tenu de la situation encore précaire de Gabriel et de son domaine, il était convenu qu’elle retourne chez lui, seule pour ne pas éveiller de soupçons.
Il avait préparé sa venue au préalable. Tout devait être parfait, au pire au mieux, pour qu’elle se sente à l’aise et qu’elle ne manque de rien pour son séjour.
Cette fois-ci, son arrivée était attendue.
Il avait parlé de l’importance de sa décision et ses employés les plus proches ne pouvaient que le soutenir.

Lorsqu’elle arriva, elle était en cheval et elle confia sa monture. Les cheveux décoiffés par le trajet, elle était en tenue de voyage, un sac sur le dos.
Elle ne ‘attendait pas à ce que Gabriel l’attende à l’entrée du domaine et elle ne cacha pas sa surprise.

— Ah. Euh… bonjour…

Un peu embarrassée de se montrer sous tel jour, elle essaya de ranger maladroitement ses mèches folles derrière les oreilles, et essaya de défroisser ses vêtements en passant ses mains dessus.
Il n’avait rien dit, il avait apprécie la voir au naturel.
Il appréciait ce qu’elle était, la manière qu’elle avait de se comporter. Ce n’était pas une simple princesse.
Il garda cette pensée pour lui, souriant intérieurement.
Il ne pensait pas qu’elle serait aussi surprise de le voir, au point d’en être gênée.

— Bonjour. Tu as fait bon trajet ? Est-ce que tu veux prendre une douche avant quoi que ce soit ? Ou un bain, comme tu préfères ?
— Je… ah oui, le trajet s’est déroulé sans encombre… je ne voudrais pas vous faire attendre en prenant une douche… si cela ne vous dérange pas que je sois dans cet état, on peut commencer…

Elle était intimidée, cette histoire de proposition de mariage l’avait un peu chamboulée et elle considérait cette offre de manière sérieuse. Sa voix n’était plus aussi assurée que la dernèere fois, elle était seule et elle n’osait plus le regarder dans les yeux.

— Tu sais, tu peux me tutoyer. Cela sera plus simple pour la suite, et plus agréable aussi pour toi. Je souhaiterai qu’on soit sur un pied d’égalité, si ça te convient ? Tu peux prendre ton temps, c’est pour que tu sois plus à l’aise, c’est comme tu le sens pour la douche. Je n’ai pas d’urgence.
— Dans ce cas… j’accepte… je veux bien y faire un tour pour me débarbouiller…

Il sourit et lui tendit la main.

— Est-ce que tu as besoin que je te prépare quelque chose ? J’ai des vêtements de rechange, si besoin.
— C’est gentil… ça devrait aller.
— Si tu ne veux pas utiliser la salle d’eau publique, je peux te montrer ma salle de bain privée.
— Je… oui, merci…

Alexandra resta silencieuse une grande partie de la balade.
Elle observa les réparations effectuées et certaines personnes la reconnurent, ils lui firent quelques signes de la main, et des courbettes parce qu’elle était avec Gabriel.
Elle se dépêcha de se débarbouiller et retira son manteau. Elle en profita pour se recoiffer et elle se regarda dans le miroir.
Elle devait se reprendre. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était aussi nerveuse.
Son père lui avait fait confiance et elle savait ce qu’elle faisait. Elle devait discuter du sujet.
C’était important parce que ça la concernait et elle décidait de son futur.
Elle se donna des petites claques sur les joues pour se réveiller, qu’elle ait les idées claires, et elle sortit de la pièce, puis de la chambre.

Le bureau était adjaçant et il lui fit signe de le rejoindre. Il était amusé par cette situation, quoique un peu anxieux. Il avait un sourire nerveux. Il la voyait un peu plus tendue et il sentait qu’il était en position de force par sa taille, mais il n’en menait pas large.
Il tenait la porte et l’invitait à entrer.
Ce qu’elle fit, avec une certaine crainte.

— Est-ce que je peux t’offrir quelque chose à boire ?
Proposa t-il.

Sa voix grave et forte la fit sursauter dans le silence de la pièce. La porte fermée, elle emplit le bureau à la décoration chargée qui étouffa tant bien que mal le timbre imposant de Gabriel.
Cela la fit sortir de ses pensées.

— O-oui, de l’eau s’il vo-… te plait…

Elle essayait de garder une posture droite et fière mais ses cordes vocales la trahissaient.
Il l’invita à s’asseoir et prit la carafe d’eau qu’il avait sur sa table pour la déverser dans un des verres retournés qu’il attrapa.
Il en profita pour se servir également, pour montrer que l’eau était potable. Même si elle avait confiance. Après tout, elle était venue toute seule, sans garde.
Il se racla la gorge et s’assit de l’autre côté de la table, en face d’elle.
Il était tellement imposant qu’elle le remercia intérieurement de prendre cette distance.

— Merci d’avoir fait le déplacement.
Dit-il solonellement

— C’était le plus pratique. Puis je préfère être seule ici avec vou-… toi, pour en discuter. Mon père… je veux dire. Cette conversation me concerne personnellement et je préfère prendre une décision par moi-même, sans être influencée par qui que ce soit…

Elle avait encore du mal à le tutoyer et Gabriel ne put cacher un sourire subtil en le remarquant.

— Bien… je t’avoue que j’avais peur de te faire fuir encore une fois, ça me rassure que tu m’accordes ce moment pour que nous puissions en parler.
— J’aurais quelques questions…
— Oui, bien sûr. Pose toutes les questions que tu as.
— Pourquoi… ? Je veux dire… votre offre est beaucoup trop… belle pour moi. J’ai tout à y gagner. Qu’avez-vous vraiment à y gagner ?

Gabriel sourit.
Elle n’arrivait pas à le tutoyer, c’était normal, ils se connaissaient à peine.

— Eh bien, ce que je ne t’ai pas dit dans la lettre, c’est que… je commence à me faire vieux, et je n’ai aucun héritier. J’ai failli y passer il y a quelques temps, et il me sera difficile de choisir un successeur avec aucune certitude de sa capacité à reprendre la boutique… tu m’as fait une excellente impression lorsque tu étais ici et que tu as pris soin de mes affaires. Je sais que c’est très cavalier de ma part de te reproposer une demande en mariage. Cette fois-ci, nous savons de quoi il en retourne. Je ne vais pas te forcer à quoi que ce soit me concernant. Le mariage ne va pas impliquer qu’on fasse semblant d’être un couple, je te rassure, et je ne vais pas te forcer à me donner un héritier.

Il fit une pause pour observer sa réaction.
Elle sembla lâcher un micro soupir de soulagement.
Etait-ce peut-être ce point qui l’inquiétait.

— Ce contrat de mariage m’assure la pérénité de mes affaires si cela te revient.
— Qui vous dit que je vais être à la hauteur de vos attentes… ? Je pourrais tout rater, ou tout vendre pour mes propres intérêts.
— Eh bien, soit. Mes gens ont vu comment tu t’es impliquée pour eux, ils n’y verront pas d’inconvénient si c’était le cas. Tu pourras en faire ce que tu veux. J’ai confiance que tu le feras dans les règles de l’art. Je sens que tu n’es pas une mauvaise personne. Et si j’ai tort, tant pis pour moi, je n’al pas mieux sur ma liste.
— Pardon… je n’arrive pas à te… tutoyer…
— Pas de problème, je peux comprendre. J’ai l’âge de ton père, on se connait à peine. J’aurais préféré qu’on puisse se tutoyer pour que tu ne te sentes pas en position de faiblesse sur cette offre.
— Je vais essayer…
— Tu peux m’appeler par mon prénom, Gabriel, si cela t’arrange.

Elle acquiesça sans un mot.
Elle réfléchissait et Gabriel fut attendri. Elle paraissait tellement sure lorsqu’elle était ici avec son garde, et aujourd’hui elle était si vulnérable. Il avait une envie forte de la protéger. Il ne pouvait pas lui dire ça.
Bien entendu qu’il voulait faire son maximum pour la chérir mais il se demandait si ce n’était pas des émotions très superficielles. Il se faisait peut-être des films sur ce qu’il ressentait et il devait faire attention.
La seule chose dont il était sûr, c’est qu’il l’appréciait. Déjà comme une amie, si elle le voulait bien.

— Alexandra ?
— O-oui ?!
— Ne sois pas aussi tendue. Je ne vais pas te manger.

L’idée, la possibilité de la manger lui traversa l’esprit un très court instant, et il se rappela à l’ordre d’effacer cette image de sa tête.

— D’accord… je… pardon… je ne peux pas m’empêcher de chercher le piège.
— Il n’y en a pas. Je te le promets. C’est une sécurité pour moi, tout simplement. Je sais que cela peut être contraignant pour toi, si tu as envie de te marier à quelqu’un d’autre… peut-être accordes-y tu une certaine importance… ?

— Est-ce qu’on va devoir porter la robe le costume et faire toute la cérémonie… ?
Demanda t-elle, aussitôt.

— Euh… rien ne nous-y oblige. Si tu le souhaites, je peux organiser un banquet-
— Non non, sans tout ça, ça me convient… je veux dire… c’est un contrat sans aucun attachement… du coup, ça me gênerait de faire semblant en public… enfin, si ca vo-… te convient.
— Oui, je suis assez d’accord avec toi. Je ne pensais pas faire une quelconque fête, ça m’enlève une épine du pied de ne pas devoir le faire, à vrai dire.
— Et si… et si… tu changes d’avis, et que tu veux te marier à quelqu’un d’autre ?
— Cela s’applique à toi, aussi. Enfin… Surtout à toi. Je suis vieux, plus personne ne s’intéressera à moi. Peut-être que si, mais juste pour mes biens. Tu ne pourras pas te marier à quelqu’un d’autre tant que tu es lié avec moi. Tu le sais ?
— Oui. Je… à vrai dire, cela m’arrange parce que je n’ai aucune volonté de me marier. Si j’annonce que je le suis déjà, j’arrêterai de recevoir des propositions à tout bout de champ. Ca me soulagera. On peut dire que cela nous tire tous les deux d’affaire.
— Tu es encore jeune, tu ne sais pas ce que l’avenir te réserve. Dans tous les cas, si ça peut te rassurer. Ce contrat est surtout une sécurite pour moi, si je meurs soudainement d’ici les prochaines années. Avec un peu de chance, je mourrai avant que tu désires te marier avec quelqu’un d’autre.
— Je… je ne vous le souhaite pas…

Il sourit.

— Est-ce que ca implique que je dois vivre ici… ?
Ajouta t-elle.

— Hm… qu’est-ce que tu préères ?
— Je… je ne sais pas.
— En toute honnêteté, ça m’arrangerait que tu sois sur place pendant un petit moment. Rien de trop long, même si tu as fait du très bon travail, je dois te montrer et t’apprendre certaines choses sur mes dossiers confidentiels. Ca serait l’histoire d’une petite semaine, si ça ne te dérange pas… ?
— D’accord…
— Ca peut être une autre fois, rien ne t’oblige à signer le contrat maintenant.
— Ah… d’accord…
— Tu as l’air préoccupée… dis moi… ?
— Je pense que ma décision est prise, mais je dois en parler à mon père.
— Tu es en droit de refuser, aussi.
— Je le sais… je vais repartir dans ce cas. Je reviendrai le plus vite possible pour signer le contrat.
— Même si ton père s’y oppose ?
— Il n’aura pas vraiment son mot à dire. Je suis adulte et je prends une décision qui me concerne.
— Tu comptes repartir maintenant ? Ton cheval risque d’être épuisé.
— C’est vrai…
— J’ai quelques scrupulesà te faire faire les trajets. Est-ce que m’entretenir avec ton père le rassurerait ?
— Est-ce qu’il est judicieux de laisser votre domaine pendant quelques heures ? Juste pour un contrat ?
— Ca devrait aller. Je préfère être sûr, mais tu comptes accepter mon offre ?…
— Oui.
— Tu es certaine ?
— Oui. Vous n’avez pas l’air si méchant que ça… puis, je peux avoir confiance en vos mots.
— J’espère que tu pourras rapidement me tutoyer.
— Je…
— Je te taquine. Dans ce cas, si cela te convient, je vais te raccompagner et en discuter avrc ton père aussi.

*

L’arrivée de Gabriel et Alexandra fit son effet au domaine de Sephyl.
Elle ouvrit la marche et Gabriel la suivit sans faire de bruit.
Elle le guida jusqu’au bureau de son père qui se tint sur ses gardes.
Elle les laissa entre eux pendant qu’elle attendit à l’extérieur.

— Bonjour… ? Que me vaut ta visite ?
— Bonjour… futur beau père ?

— N’utilise pas ce mot ici.
Sephyl n’était pas d’humeur à rire.

Gabriel se racla la gorge.

— Je suis ici pour parler de ma proposition faite à ta fille. Je suis sérieux et sincère. Même s’il n’y a pas de sentiments en jeu, je compte prendre soin d’elle et faire en sorte qu’elle ne manque de rien. J’ai pu voir qu’elle était très débrouillarde et je souhaiterai qu’elle soit mon épouse pour faciliter les droits de succession.
— Si tu es ici c’est que sa décision est déjà prise.
— Oui, je le crois. Je voulais juste te rassurer sur ma sincérité et que je ne compte pas profiter d’elle, en mal…
— … Je te remercie d’avoir raccompagné Alexandra. Et je t’assure que nous n’avons pas pour intention de t’assassiner. Même si j’ai proposé cette éventualité à ma fille.
— Cela m’aurait surprit que tu ne le fasses pas.
— Blague à part. Si j’apprends qu’elle souffre par ta faute, je viendrai t’étriper de mes propres mains.
— Le message est bien passé.
— Si tu n’as plus rien à me dire, je souhaiterai parler à Alexandra.

*

— Je crois comprendre que ta décision est prise. Je ne pensais pas que tu accepterais aussi facilement…
— Tu sais ce que ça implique…
— Je me doute. Je respecte ton choix. Je sais que tu as choisi cette offre pour te débarrasser de ton devoir. C’est plutôt une bonne occasion et je ne peux qu’être fier de ce que tu vas construire.
— J’ai besoin de faire un séjour chez lui pour voir comment ça se passe… et pour signer le contrat.
— Tu me tiendras au courant… ?
— Oui papa. C’est juste de l’administratif, appelle-moi si tu as besoin que je rentre… j’ai besoin de couper je pense…
— Est-ce que… ça concerne Chris… ?
— Oui… je ne peux rien te cacher. Je suis désolée d’agir encore en enfant. Je vais essayer de tourner la page, et je pense que ce faux mariage est une bonne opportunité d’assumer mes responsabilités.
— Je te fais confiance, fais attention à toi.
— Toi aussi papa, prends soin de toi, et de Chris…
— Tu ne vas pas lui dire un mot ?
— Non… je ne préfère pas. Je ne pars pas pour toujours. Je pense que je serai de retour d’ici une petite semaine.

Il se leva et prit sa fille dans ses bras.

— Ne t’inquiète pas papa, si je signe, je serai sous la protection de son domaine. Je n’ai pas besoin de Chris. Garde le à tes côtés.

*

Gabriel ressemblait à un videur devant le bureau de Sephyl. Il se faisait dévisager parce qu’il était inconnu et surtout très grand avec sa carrure.
Alexandra le tint au courant de son programme et prépara quelques affaires avant de repartir avec lui.
Elle pria pour ne pas croiser Chris, mais Gabriel le vit et il s’arrêta discuter rapidement avec lui.

— Gabriel… ? Quelle surprise ? Vous attendez quelqu’un ?
Demanda Chris en le voyant à l’entreée du domaine avec son cheval.

— Bonjour Chris. Comment vas-tu ?
— Bien… bien, merci. Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ?
— Non, merci. J’attends Alexandra.
— Ah.

Gabriel préféra ne pas en dire plus, voyant la surprise dans le regard du jeune homme. Il ne savait pas s’il était judicieux de le mettre dans la confidence.
Elle ne tarda pas et elle fut également surprise de voir Chris. Elle lui adressa à peine un regard et elle pressa Gabriel sur le départ.

— Es-tu en froid avec ton garde… ?
— Pourquoi vous dites ça… ?
— Cela s’est ressenti, tu cherches à l’éviter… ?
— En quelque sorte…

*

— Elle a accepté…
Dit Chris dans un soupir.

— Oui.
Répondit Sephyl.

 

2021.10.11

Platre

Après sa discussion, Chris rejoint Alexandra aussitôt.
Elle fit comme si elle n’avait pas remarqué son absence et lorsqu’elle lui parlait, elle ne regardait jamais dans sa direction.
Elle était froide avec lui, elle lui en voulait encore et elle essayait de lui rendre la froideur de son comportement mais il ne laissait rien paraître et c’est ce qui la frustrait encore plus.

Ils prenaient leur repas à la cantine où tout le monde était et Alexandra s’asseyait là où il y avait de la place, au milieu de tout les autres. Sans se soucier de sa sécurité. Chris en intimidait plus d’un, mais il restait là. Près d’elle. Silencieux. Elle n’avait rien de plus à lui dire.
Les autres personnes savaient qui elle était, elle était devenue populaire.

— Tu as vu, c’est Alexandra…
— Celle qui a sauvé Gabriel ?
— Elle aide à la reconstruction aussi, elle cache bien ses pouvoirs…

Les gens parlaient plus ou moins forts, elle ny prêtait pas attention.
Certains n’hésitaient pas à la remercier et la saluer en personne, ce qui la gênait.

— Son garde du corps me fait flipper… il sourit jamais.
— Je le trouve plutôt beau…
— Il la suit partout, il doit être très dévoué.

*

Elle téléphonait régulièrement à son père pour le rassurer et lui tenir au courant de la situation.

— Oui papa, non, je fais attention, je ne me mets pas en danger, je serai prudente ! Et toi, comment ça se passe de ton côté ? Tu as eu un assaut ? Mais ça va… ? D’accord. Ici, on reconstruit progressivement, j’aide un peu et dès que Gabriel se réveillera et sera en état de se lever, on rentre.
Elle avait raccroché en soupirant.

Elle n’avait qu’une hâte, c’était de rentrer mais elle était bloquée ici pour au moins quelques jours encore.

— Tout va bien ?
Demanda Chris.

Ce qui lui valu un second soupir plus prononcé.

— Ouais… comme avait prévu papa, quelqu’un a lancé une attaque chez nous, mais ils ont maitrisé la situation.

Chris avait l’air contrarié et ne dit rien de plus.

— On a encore quelques jours à attendre, dès que Gabriel est sur pieds, on s’en va. Je ne veux pas m’attarder ici trop longtemps.
— Tu es sure pour les travaux… ?
— … On ne va pas rester les bras croisés à juste attendre. J’ai promis à mon père que je ne me mettrai pas en danger, je peux au moins aider à reconstruire le bâtiment, ça ne me coûte pas grand chose.

Chris resta silencieux. Il ne savait pas quoi répondre.
Il était méfiant envers ce Gabriel et tout cet endroit. Ils l’avaient sauvé mais il pensait que ça serait fini et qu’ils rentreraient, mais Alexandra avait décidé de rester au cas où il y aurait une seconde attaque.
Puis elle avait pris en main certaines tâches pour aider à l’organisation et ce n’était pas tout, elle voyait qu’ils avaient besoin d’aide et elle ne s’était pas posée plus de questions. Elle les aidait à reconstruire et déblayer certaines zones.
Il ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle ressemblait à son père, elle arrivait à donner des directives, orienter les gens vers des tâches appropriées.
Elle n’était plus la même qu’il avait connu lorsqu’ils étaient ensemble.
Elle avait grandit terriblement vite sans qu’il ne s’en rende compte et il avait un sentiment de respect à son égard.

*

Elle faisait une ronde pour vérifier que tout se passait bien et qu’elle n’avait pas besoin d’intervenir dans certains lieux. Chris la suivait silencieusement comme à son habitude.
Surveillant les alentours, il n’arrivait pas à être serein.
Ils dormaient dans la même pièce, il y avait deux lits simples qu’on avait fait déplacer exprès pour eux, et Alexandra avait éloigné le sien à l’autre bout de la chambre pour ne pas être obligée de supporter sa présence de trop près.

Il ne pouvait oublier leur relation, mais il prenait sur lui pour ne rien laisser paraître.
Cela lui brisa le coeur lorsqu’elle éloigna le lit, mais il devait accepter son choix. Il était convaincu que c’était pour son bien, et la voir le dépasser le confortait dans cette idée.
Il ne contrôlait pas la boule qu’il ressentait dans le creux de sa poitrine. Bien entendu qu’il aurait souhaité la serrer dans ses bras, retourner à leur relation, mais c’était fini et parce que c’était lui qui y avait mis fin.
Il était convaincu qu’il ne la méritait pas. Qu’il n’était pas assez bien pour elle.
Il n’était qu’un orphelin qu’on avait recueilli et on l’avait formé pour être un soldat. Quel avenir pouvait il espérer ? Il ne s’était jamais posé cette question, il n’avait jamais pensé qu’il tomberait amoureux, ce sentiment était nouveau pour lui, et encore moins que cet amour soit réciproque.
Il avait pris peur, il ne savait pas dans quoi il s’engageait et il avait peut-être peur de ne pas être à la hauteur, il s’était peut-être et certainement caché derrière le rang d’Alexandra, c’était qu’une bonne excuse pour qu’il se retire, prétexant que c’était pour son bien. Quoi qu’il en soit, il était maintenant trop tard pour regretter et avoir des remords.
Il ne pouvait même pas en vouloir à Alexandra d’être si froide et de le haïr pour son choix.
Ces pensées l’accompagnèrent avant qu’il ne trouve le sommeil.
Avant tout, il était inquiet dans cet environnement.

*

En se baladant dans les couloirs, ils entendirent soudainement un cri et des appels à l’aide.
Alexandra accourut et Chris la suivit, un groupe de personnes étaient en train de reconstituer et déblayer une partie d’un mur, mais un morceau du plafond fragilisé qui était passé inaperçu, s’était décroché et tombé sur une des personnes, ses amis étaient autour de lui et en train d’essayer de déplacer le bloc qui immobilisait une partie de son corps, heureusement le morceau était tombé sur des gravats autour et il n’avait pas écrasé les os, cependant il était assez lourd pour l’empêcher de se dégager, mais petit à petit, il arrivait à s’extirper avec l’aide des autres autour de lui.
Ils y allaient avec précaution pour éviter que les gravats ne se déplacent et que la pierre ne finisse par lui tomber dessus de tout son poids.
Alexandra arriva au plus vite et elle se positionna pour utiliser sa magie et soulever le bloc problématique.

— Ecartez vous ! Chris, aide-moi, s’il te plaît.

Il était déjà aux côtés du blessé, se positionnant pour déplacer la personne en dessous dès que le bloc sera assez soulevé. Il savait qu’il devait faire vite parce qu’Alexandra faisait de son mieux pour contrôler sa magie et porter ce poids.
Elle y allait avec précaution pour ne pas forcer avec sa magie.
Elle entendit un bruit suspect.
Un autre bout du plafond se mit à se décrocher juste au dessus de Chris et du blessé.
Alexandra eut le temps de réagir et de voir le danger. Elle somma Chris de se dépêcher, elle réussit à retenir les débris qui étaient en train de tomber sur les deux personnes, et Chris dégagea la personne aussitôt qu’il ne put pour se mettre tous les deux loin de l’endroit.
Quelques secondes après, tout s’écroulait en un tas de rochers et de pans de murs.
Alexandra était en sueurs, et se tenait les genoux pour tenter de reprendre son souffle, elle avait eu si peur pour Chris, et aussi l’autre personne. Et la magie qu’elle avait utilisé l’avait épuisée. Elle n’avait pas l’habitude de contrôler des objets aussi conséquents.
La chute des morceaux de plafond fit un bruit ahurissant, et qui laissa place à une onde de choc qui était perceptible, faisant trembler légèrement les murs et le sol.
Quelques poussières tombèrent du plafond et certains lévèrent leurs yeux, inquiets.
Alexandra était trop préoccupée par sa fatigue.
Le coeur battant encore à toute allure, elle ne remarqua pas la poussière qui tomba, ni la mince fissure qui était en train de se créer au dessus d’elle.

Lorsque Chris se tourna vers elle pour s’enquérir de son état, il était encore aux côtés de la personne qu’il avait aidé à sauver. Elle était secoué et essayait de réaliser qu’il était encore en vie.
Il constata avec effroi que la chute du plafond était en train de créer un évènement en chaîne, la fissure était visible et il était trop loin pour pousser Alexandra et la mettre à l’abri.
Il ne pouvait que la prévenir en lui criant de faire attention.
Elle ne comprit pas tout de suite, et en voyant l’expression paniquée de Chris, elle leva enfin les yeux pour constater que les fissures étaient en train de se créer juste au dessus d’elle.
Elle réfléchit un court instant pour analyser vers où les fissures risquaient de s’accentuer pour bouger et se déplacer du côté où elle serait en sécurité.
Finalement, elle choisit de courir vers Chris, mais il était trop tard.
Elle eut le temps de faire quelques mètres avant que plusieurs morceau ne s’écroule sur elle, au niveau de son épaule, ce qui la fit trébucher par surprise, et la douleur. Puis elle se pencha et essaya de continuer sa route, mais d’autres blocs se détachèrent et atterrirent sur son dos, et ses jambes.

Elle tomba au sol, les gravats recouvrant la partie basse de son corps.
Sonnée, elle ne savait pas ce qu’il se passait.
Elle ressentait une douleur au niveau de ses jambes, et un peu partout dans son corps.
Les personnes autour étaient en état de stupeur, Chris était sur le point de se ruer sur Alexandra quand quelqu’un lui dit de ne pas se précipiter.

— Tu ne sais pas s’il va avoir un autre éboulement, c’est super dangereux si tu t’approches… tu n’es pas dôté de pouvoirs pour t’en tirer si jamais…
— Mais… ! Elle a besoin d’aide !
— Nous ne sommes pas assez compétents pour ça… regarde nous.

Celui qui avait été sauvé par Alexandra ne pouvait pas rester les bras croisés et il se dirigea en titubant vers l’infirmerie pour prévenir les personnes capables de faire quoi que ce soit.
Chris pensa qu’il s’enfuyait et préféra ne pas relever que de s’énerver.
Il repoussa celle qui voulait l’empêcher de s’approcher.

— Je prends le risque, mais je dois la sortir de là !

Il y alla tout seul, en restant aux aguets de la moindre secousse. Il réussit à atteindre Alexandra et lui toucha le pouls pour attester de son état, rapidement.

— Alexandra ? Tu m’entends ?
— O-oui…
— Je suis tellement rassuré… ok, je vais te sortir de là, je vais essayer de retirer les gravats.
— Chris… je sais pas si c’est une bonne chose… c’est dangereux, je m’en voudrais si tu te retrouves coincé comme moi, par ma faute…
— Ne t’inquiète pas pour moi, c’est toi la priorité.
— Chris…
— … Oui ?
— Je ne sens plus le bas de mon corps… je sais pas si c’est un bon signe, peut-être parce que je suis immobilisé mais… si jamais… je m’en sors pas…
— Arrête, tu vas t’en sortir, les gens vont appeler les secours, on va venir t’aider.
— Ok, mais si jamais, parce que je sais qu’ils sont débordés et… bref. Je voulais te dire que je suis désolée de t’avoir fait la tête pendant tout ce temps…
— … C’est compréhensible Alexandra, je ne t’en veux pas. C’est de ma faute si on est dans cette situation.
— Enfin, c’est pas de ta faute si j’suis coincée ici.
— Non, c’est vrai, mais c’est pas de ça dont je voulais parler…
— Je sais.

Elle essayait de sourire. Elle avait le sentiment que c’était fini et elle ne voulait pas mourir en laissant Chris avec l’image d’elle qui est froide.

— Tu arrives encore à avoir de l’humour dans cette situation ? Tu me surprendras toujours.

Même avec la force de Chris, il devait faire attention à quels gravats retirer en premier.
S’il faisait une erreur, il pouvait aggraver la situation.

*

Pendant ce temps, à l’infirmerie.
On frappa à peine à la porte et un petit groupe de personnes entrèrent en panique, Chrystal alla à leur encontre pour leur demander ce qui se passait.
Elle n’appréciait pas qu’on entre sans prévénir et surtout avec un tel vacarme.

— Il y a… la fille, l’étrangère.
— Alexandra ?
— Oui ! Il y a eu un éboulement, elle est coincée dessous !
— Quoi !? Vous êtes sûrs que c’est elle ?
— Elle m’a sauvé avec l’autre, à la peau mate, et le plafond est tombé… !

Les explications étaient confuses mais Chrystal était aux aguets, que ce soit Alexandra ou pas, il fallait l’aider.

— Vous avez demandé une équipe ? Ils sont où ?
— Je ne sais pas, ils sont occupés sur une autre zone certainement.
— C’est une urgence, dites leur et que c’est un ordre direct.

Chrystal avait cette importance pendant que Gabriel était en convalescence forcée.
Il entendit la conversation et se leva de son lit.
Chrystal le regarda d’un air mécontent

— C’est une urgence. J’irai plus vite.
— Gabriel… !
— Je ne suis pas mal en point, et je ne vais pas me battre ! Je devrais pouvoir aider un tant soit peu. Surtout si c’est Alexandra, elle nous a tellement aidé. On perd du temps. Emmenez moi où elle est.

Il avait enfilé une chemise à la va-vite, déboutonnée, on voyait les bandages sur son torse, et il avait un pantalon léger sombre.
Des espadrilles aux pieds, il se dépêcha sur les lieux et il analysa tout de suite la situation.
Chris était en train d’essayer de retirer les gravats à la main et il vit Alexandra au sol, ensevelie.
Il ne perdit aucune seconde.
Il cria à Chris de s’écarter, ce qu’il fit sans se poser de questions.
Gabriel utilisa sa magie pour soulever tous les gravats et les maintenir en l’air, laissant un espace d’à peine un mètre au dessus d’Alexandra qui n’osait pas bouger.
Il s’approcha sans se précipiter auprès d’elle, il l’extirpa et la porta avec un de ses bras, puis tout en quittant la zone dangereuse.
Il reposa lentement les gravats sans secousse.

— Je-j-… merci…
Babultia Alexandra maladroitement et gênée.

— Tu es consciente, tant mieux. Je t’emmène à l’infirmerie.

Il l’osculta rapidement mais ne posa pas plus de questions et se dépêcha de retourner à l’infirmerie.
Chris était resté scotché par la facilité d’exécution de Gabriel alors qu’il semblait être encore en convalescence.
Il les suivit silencieusement et en gardant une certaine distance avec Gabriel, il ne le sentait pas.

Elle n’avait pas le souvenir qu’il était si imposant, dans ses bras, elle paraîssait minuscule.
Sa chaleur corporelle était rassurante et atténuait les douleurs qu’elle ressentait dans son corps.
Elle n’arrivait pas à décrire ce qu’elle ressentait, mais elle était juste heureuse d’être en vie. Elle n’avait pas tout compris, mais Gabriel était venu la secourir.
Finalement, il n’était pas qu’un vieux connard.

De retour avec Chrystal, elle étouffa un cri.
Elle prit tout de suite en charge Alexandra qui ne comprenait pas pourquoi tant d’inquiétude.
Elle était en vie. Bon ok. Blessée mais en vie. Elle devrait guérir relativement vite et son père. Mince son père. Est-ce qu’elle tairait ce fâcheux évènement à son père ?

— Comment te sens tu. Alexandra… ?
Demanda Chrystal avec une pointe d’appréhension.

— Relativement bien… ? Pourquoi vous me regardez comme ça… ? Et euh… merci beaucoup Gabriel…
— Si tu pouvais éviter de te mettre en danger cela m’arrangerait… ton père risque de m’arracher les yeux.

Gabriel semblait avoir une migraine.

— Vous n’étiez pas censé être en convalescence… ?
Osa demander Alexandra

— Si. D’ailleurs il va retourner au lit.
Chrystal s’exprima et ordonna avec des gros yeux à Gabriel.

Il leva les mains en guise de défense.

— Je vais beaucoup mieux et c’était une mesure exceptionnelle. Je suis sûr que je pourrais sortir de ma convalescence.
— Je te connais, tu vas forcer et tu ne vas pas bien cicatriser !

— Excusez moi d’être désagréable… mais… Alexandra ? C’est grave ce qu’elle a, non… ?
Demanda Chris qui osa élever la voix, parce qu’il était vraiment inquiet et il voyait l’état du corps.

Ce n’était pas beau à voir et elle ne semblait pas s’en rendre compte.
Ils se tournèrent tous vers lui et Chrystal se racla la gorge.

— Erm… Alexandra. Je vais te manipuler un peu, hésite pas à me dire si tu as mal.

Chrystal commenca à tâter ses membres et les parties basses de son corps, ses cuisses et ses jambes.
Lorsqu’elle arriva à la jambe gauche, les mollets et les chevilles, Alexandra se crispa et eut une larme à l’oeil.

— Ca fait mal ?
— T-terriblement… !
— Ok, c’est un miracle que ta jambe ne soit pas complètement détruite. À vue de nez, ça va être long à réconstituer. Bon, les garçons, vous sortez. Je vais l’osculter partout ailleurs.

Chrystal tira les rideaux et les deux hommes se retrouvèrent penauds.

— Gabriel… je voulaIs vous remercier… d’avoir extirpé Alexandra de cette situation.
Chris s’inclina même pour lui signifier à quel point il était reconnaissant.

— Pas de ça avec moi, Chris, c’est bien ça ? C’est normal, vous m’avez sauvé la vie et c’est naturel que j’en fasse de même. Que ce soit pour elle ou pour n’importe qui d’autre, d’ailleurs.
— Vous êtes en convalescence…
— Chrystal est pire qu’une mère poule concernant ma santé, je ne suis pas, plus, mal en point. Et en grosse partie grâce à vous.
— Quoi qu’il en soit, merci infiniment.
— Le fait qu’elle soit en vie m’arrange également, je souhaiterais entretenir des relations amicales avec vous. Si jamais il lui arrivait quelque chose, j’imagine très bien son père rayer mon domaine de la carte.
— C’est… fort possible…
— Puis… je suis consciens de n’avoir pas commencé de la meilleure des façons… je reconnais avoir mal agi, mais mes voeux de bonne entente sont sincères. Vous êtes des alliés en qui je peux avoir confiance et vous me l’avez prouvé à plusieurs reprises. Je souhaiterais pouvoir en faire de même pour vous.
— Je… ne suis qu’un simple garde du corps, mais j’espère pouvoir également rester en bons termes avec vous.

Chris tendit la main et Gabriel la lui serra avec poigne.

*

— C’est si grave que ça… ? Je pensais que j’allais guérir rapidement et…
— … En sachant ta particularité génétique, tu vas devoir au moins avoir la jambe dans le plâtre pendant un mois entier… l’autre a l’air pas trop fracturée, quelques jours devraient suffire et tu pourras t’appuyer dessus.
— Ne me dites pas que je vais devoir me déplacer en fauteuil roulant…
— Ca ne dépendra que de toi. Si la guérison se passe comme prévu, les béquilles devraient être suffisantes. Tu as quelques blessures superficielles dans le dos et au niveau de tes côtes. Tu ne t’en tires pas trop mal pour un accident de ce genre.
— … Je… je pense que mon père va m’achever lorsque je vais lui dire ça…
— Il ne sera pas content que sa fille soit en vie ?
— Je lui avais promis de ne pas me mettre en danger et voilà que je suis blessée. Il ne me laissera plus jamais sortir…

*

Alexandra dut attendre que l’une de ses jambes soit pratiquement guérie pour pouvoir sortir, et se déplacer, mais elle avait besoin de béquilles.
Elle était têtue et avait refusé le fauteuil roulant.

Lors de sa convalescence, Gabriel avait réussit à négocier avec Chrystal pour quitter l’infirmerie et il avait pu reprendre ses affaires, ses papiers administratifs.
Il se rendit compte à quel point Alexandra avait bien travaillé et il n’hésita pas à lui en toucher quelques mots à ce sujet.

Elle ne fit que le remercier sans y prêter attention, pour elle, ce n’était pas plus dur que de gérer chez elle avec l’aide de son père.
Sa jambe intacte n’était pas complètement guérie, elle marchait tant bien que mal, et forçant trop, elle fléchit et les béquilles ne purent rien y faire, elle perdit l’équilibre et s’écroula par terre, elle s’aida du mur pour se relever mais la douleur était encore présente et elle resta au sol, en essayant de se remettre debout pour ne pas paraître misérable. Les larmes commencèrent à lui monter aux yeux.
Chris n’était pas là, et heureusement, il était aller assister les autres personnes pour restaurer le château. Elle avait décidé de sortir toute seule pour prouver qu’elle s’était remise
Elle avait tort.
Elle était bloquée à cet endroit, sa jambe trop faible pour suporter son poids, et l’autre dans le plâtre.
Les béquilles à portée de main, elle se sentait idiote.

Gabriel passait par là et il la remarqua dépitée et il crut la voir pleurer.

Elle essuya aussitôt ses larmes et il fit mine de n’avoir rien vu.

— Qu’est-ce que tu fais là… ?

— J-j’ai glissé… ahah…
Se forca t-elle à rire et à sourire, en frottant les dernières gouttes du coin de ses yeux avec son bras.

Il ne releva pas et l’aida à se mettre debout, en ramassant les béquilles.
Il la maintenait avec tellement de facilité qu’elle avait l’impression d’être une poupée de chiffons.
Sans trop de surprise, elle ne réussit pas à se tenir sur sa jambe, et elle faillit basculer à nouveau.
Gabriel remarqua sa faiblesse et la rattrapa pour qu’elle puisse garder l’équilibre en s’appuyant sur son bras.
Elle baissait le visage et n’osait pas dire un mot.
Il ne chercha pas à la destabiliser ni se moquer d’elle. Il voyait combien elle était désemparée et heurtée dans son fort intérieur.
Sans poser de question, il la porta, laissant les béquilles posées debout contre le mur.

— Je te ramene à l’infirmerie.

Ils restèrent tous les deux silencieux jusqu’à ce qu’elle retourne sur son lit.
Cet incident ne fut pas ébruité, Chris n’en sut rien.

*

Le jour du départ, Gabriel fit atteler une voiture pour qu’Alexandra puisse rentrer dans de bonnes conditions.
La situation à son château s’était stabilisée.

*

— Je suis confuse, je… merci pour tout.

Alexandra était gênée, elle n’avait servi à rien à la fin de son séjour, et Gabriel avait préparé de quoi la renvoyer alors qu’il était dans une situation délicate.
Ils avaient gardé pour eux ce petit moment gênant où elle était tombée avec ses béquilles.
Depuis lors, elle n’avait plus essayé de contredire l’aide qu’on voulait lui apporter.
Sa jambe avait finit par guérir mais celle blessée était encore dans le plâtre, et elle ravala sa fierté. Quelque chose s’était passé en elle.
Lorsqu’on lui proposait de l’aide, elle acceptait sans rechigner.

Quant à Gabriel, il avait été touché par cette jeune femme. Il ne savait pas comment la remercier, pour le travail qu’elle avait fait lors de sa convalescence.
Il ne voulait pas passer pour quelqu’un de désagréable, et compte tenu de leur première rencontre, il fit de son mieux pour ne pasêtre intrusif et ne pas paraître de la draguer lourdement.

— Excuse moi, je ne peux pas te raccompagner jusque chez vous compte tenu de la situation…
Commença t-il à lui dire, elle était installée dans la voiture et Chris à ses côtés.

— Oh non, c’est déjà beaucoup trop généreux de votre part de nous prêter la voiture… tout ça parce que je ne peux pas monter à cheval…
— C’est la moindre des choses, vous avez fait tellement pour nous.
— Ce n’est vraiment rien. Je pense qu’avec ceci, nous devrions être quittes.
— Largement. Je vous souhaite un bon retour. Prenez soin de vous.
— Vous également.

Alexandra souhaita dans sa tête de n’avoir jamais plus à le revoir.

Gabriel souhaitait pouvoir avoir la chance de la revoir pour lui dire ce qu’il avait sur le coeur. Quelque chose le travaillait depuis qu’elle était là, mais il devait d’abord remettre son domaine en état.

Ils se quittèrent sur ces mots.

*

Gabriel réfléchissait à sa situation. Le fait qu’il ait frôlé la mort le travaillait. Si jamais il n’était plus là, il n’avait personne pour reprendre en main les lieux.
Il n’avait jamais songé à cette possibilité parce qu’il était trop confiant, il ne pensait pas que sa vie était si fragile, et à vrai dire, peut-être qu’il s en fichait.
Il ne voulait pas que tout soit perdu, que tout ce qu’il ait construit soit perdu.
Il aurait voulu être plus démonstratif sur sa reconnaissance envers Alexandra mais il se souvenait de son rejet lorsqu’elle était plus jeune, il reconnaissait ses torts et il ne voulait pas réiterer ce comportement.

Une idée lui occupait l’esprit.
Il souhaitait épouser Alexandra, mais cette fois-ci, ce n’était pas pour servir son propre intérêt, pas directement.
Il voulait assurer ses arrières et faire en sorte que son domaine lui revienne si jamais il venait à mourir.
Il se rendait compte qu’il n’avait personne d’autre sur qui compter et qui serait aussi capable ou presque, de reprendre le flambeau.
Il avait vu comment elle gérait les tâches et il avait une entière confiance. C’était une assurance pour lui.

Il devait encore réfléchir aux détails avant de proposer cette offre à Alexandra et à son père, qui devait approuver également ce contrat blanc, en quelque sorte.
Sachant qu’ils ne se reverraient pas de si tôt, il décida de rédiger deux lettres. Une adressée à Alexandra directement, et l’autre à son père.
L’une remerciait officiellement son père, l’autre décrivait la proposition dans les détails.

Lorsqu’Alexandra reçut cette lettre, elle ne sut pas quoi penser. Elle la relut en se demandant si c’était elle qui n’avait pas compris, puis en se demandant si Gabriel n’avait pas perdu la tête, puis au final, elle douta d’une blague.
Elle en parla à son père, directement.

— C’est incensé, qu’en penses-tu, papa ? C’est pas un piège… ?
— Je ne pense pas… sur le papier, l’offre est aléchante mais cela ne me concerne pas. Qu’en penses-tu ? Toi ?
— C’est idiot… je ne vais pas l’épouser juste pour l’héritage…
— Tu sais que cela se fait beaucoup entre nobles…
— Je sais… mais j’avais l’espoir que cela change.
— Je dois reconnaître que cette proposition est plutôt équitable, et s’il vient à décéder rapidement, tu pourras toujours te remarier.
— Papa ! On ne va pas l’assassiner juste pour ça !
— Non non, je ne disais pas ça pour l’assassinat… Alexandra, voyons !

Alexandra réfléchit au contenu de la lettre.
Son père n’avait pas tort mais elle ne savait pas encore quel réponse donner à Gabriel.
Elle ne ressentait rien pour lui. Ce qui était plutôt une bonne nouvelle pour lui, elle n’avait plus de haine ou d’apriori négatif depuis le temps, cependant cela pouvait rapidement changer s’il venait à dire ou faire quelque chose de travers.
Elle se demandait si son père avait mis Chris au courant.
Elle espérait qu’il réagisse, qu’il ait encore un semblant de sentiments envers elle, mais il ne fit aucune remarque ni ne montra une quelconque émotion.

*

Affalée sur son bureau, le papier à lettre entre ses doigts, elle regardait sans voir les mots manuscrits posés sur ce papier. Elle réfléchissait. Plusieurs pensées lui traversèrent l’esprit. Le papier était de très bonne qualité, il avait dû choisir méticuleusement son support pour lui adresser cette proposition.
En jouant avec la perspective, elle pouvait voir l’encre de la plume briller à la lumiere. Il était vieux jeu, cela lui arracha un sourire.
Elle pouvait deviner l’inclinaison de sa plume grâce à quelques accroches sur les fibres de la feuille.
Elle devait le reconnaître : Il s’était appliqué et son écriture était plus que lisible. Même son père n’écrivait pas aussi bien et pourtant, ses documents manuscrits étaient beaux et soigneusement rédigés.

Elle ne savait toujours pas quel réponse donner.
Que pouvait-elle penser de cette proposition sordide.
Quelle idée avait-il derrière la tête.
Elle ne pouvait penser qu’à un piège, l’offre était trop alléchante. Matérielle mais alléchante.
Elle n’avait pas l’expérience pour rédiger une réponse convenable, elle ne trouvait pas les mots et elle sentait qu’elle devait l’avoir en face à face pour sonder ses intentions profondes.
Son offre tenait et n’avait aucune faille et c’est cela qui la rendait anxieuse.
Il avait evoqué et insisté sur les nombreux points qui étaient intéressants pour elle, mais la contrepartie était trop inégale pour lui. Juste gérer son domaine ? Il ne pouvait pas y avoir que ça.

Une autre pensée trottait dans sa tête. Chris. Les derniers évènements les avaient en quelque sorte réconciliés mais il y avait toujours ce mur invisible et froid entre eux.
Elle espérait qu’il ressente encore quelque chose pour elle. Qu’il soit jaloux et qu’il change d’avis au sujet de cette proposition de mariage qu’elle pourrait accepter.
Il ne lui montra rien de tout ça et ce fut douloureux pour elle.
Comment cela pouvait-il être aussi douloureux ? Elle en avait les larmes aux yeux et elle ne savait pas si c’était dû à la tristesse ou à la colère. Puis, après s’être calmée dans sa chambre, elle en rit. Elle se trouvait ridicule. Elle était adulte maintenant, et elle restait bloquée sur une histoire de coeur d’il y a plusieurs années, alors qu’il avait tourné la page, lui.
C’était puéril de sa part et elle s’en rendait compte.

Elle essuya ses larmes.
Elle devait se comporter comme une adulte et elle réfléchit plus sérieusement à cette offre.
Elle devait tout d’abord répondre par une lettre.
Elle prit son courage à deux mains et rédigea à la plume, une réponse adéquate, l’invitant à bien vouloir la revoir pour en discuter de vive voix.

*

Chris était dans sa chambre et laissa ses émotions s’exprimer sur son visage. Il savait pour la proposition de Gabriel. C’était le père d’Alexandra qui lui avait dit.

— Es-tu sûr de n’avoir rien à regretter… ? Alexandra a encore des sentiments pour toi. Tu le sais.
Avait dit Sephyl.

Chris n’avait pas besoin d’entendre ça mais il savait que son boss disait ça parce qu’il se souciait de Chris.
Il s’en alla pour ne pas avoir à répondre à cette question. Il était certain mais c’était dur aussi pour lui, et il ne souhaitait surtout pas montrer cette faiblesse à quiconque.
Il pensait au bien d’Alexandra. Il feintait de ne rien ressentir mais bien entendu qu’il avait encore de l’affection pour elle.
Oui, c’était la meilleure option. Gabriel était de son rang et elle vivrait une meilleure vie, c’était certain.
Il ressentait un énorme pincement dans sa poitrine, mais il ne devait pas y prêter attention.
Même si elle ne choisissait pas d’accepter, elle aurait d’autres prétendants.

 

2021.10.11

Assistante

Gabriel se réveilla et revit la silouhette qu’il avait aperçu avant de perdre connaissance.
Elle était à côté de lui et semblait le regarder, du moins ce qu’il pouvait deviner, son visage avait l’air d’être tourné vers lui.

— Ah, il est reveillé.
Prononça cette voix étrangement familière.

Sa vision devint un peu plus nette, il reconnut alors la jeune fille qu’il avait accueilli chez lui quelques années auparavant.

— Bouge pas.

Cette fois-ci, ce fut une autre voix féminine autoritaire qu’il entendit, celle de sa médecin.
Elle s’approcha de lui sur la droite et utilisa un stylo lampe sur ses yeux.
Il grogna.

— C’est toujours un plaisir, Chrystal.
— Contente de voir que tu n’as pas perdu ta voix, ni ta bonne humeur, Gabriel.
— Est-ce que je peux savoir ce qu’il se passe… ? J’ai dormi pendant combien de temps… ?
— À peine 2 jours. Tu étais sacrèment amoché, tu te souviens ? Heureusement qu’Alexandra et Chris étaient là.
— 2 jours ?! Et qu’est-ce qu’il s’est passé pendant tout ce temps… ?! Je-

Gabriel voulu se relever.

— Stop. Tu restes là et tu te calmes tout de suite. On s’est occupé des choses urgentes, ne t’en fais pas. Je me suis permis d’autoriser Alexandra d’accéder à ton bureau.

Chrystal plaqua Gabriel sur le lit et appuya sur sa plaie pour le dissuader de recommencer.
Il étouffa un cri et ne bougea plus.

— Je n’ai pas fouiné dans vos dossiers confidentiels, je vous rassure. J’ai juste… fait le tri et pris en main certaines choses pendant votre absence. J’aurais besoin de quelques informations maintenant que vous êtes parmi nous.
Expliqua Alexandra, qui prit la parole pour ne pas qu il y ait de malentendu.

— P-pardon ? Comment… ?
— Je n’avais pas le choix, Gabriel. Alexandra a été vraiment d’une grande aide.
— J’ai fait ce que j’ai pu…
— Non, pas seulement, elle nous a tiré une grande épine du pied, avec Chris, ils se sont occupés de rappatrier les blessés et elle a même reconstruit quelques parties détruites du château.
— Colmaté.. seulement… l’architecture n’est pas mon fort…
— Quoi qu’il en soit, tu n’es pas en état de te lever, pas aujourd’hui. Je te fais apporter de quoi manger et tu dois te reposer. Tu as été empoisonné et la plaie ne commence à peine à cicatriser. Tu viens de loin, alors ménage toi.
— Monsieur Gabriel… si cela ne vous dérange pas, je reviendrai après votre repas pour vous faire part de ce que j’ai fait. J’en profiterai pour vous poser d’autres questions…

Alexandra s’inclina et sortit de la pièce, laissant Chrystal et Gabriel.

— Est-ce que je suis en train de rêver… ? Elle fait quoi ici ? Explique moi, Chrystal, j’ai un mal de tête hallucinant…
S’exprima Gabriel, après le départ d’Alexandra.

— Je ne te le fais pas dire ! Il semblerait qu’ils ait reçu le message que tu as fait envoyer, et elle est venue avec son garde du corps… ? Il la suit partout, Chris. J’ai pas trop compris qui il était, mais quoi qu’il en soit, ils t’ont sauvé. Tu m’as fait une de ces peurs, j’ai cru que c’était fini pour toi. Ils t’ont amené ici, et voilà.
— Je… je crois que je me souviens mais c’est flou. C’est tellement improbable. Elle a battu mon adversaire sans mal…

Gabriel essayait de se rappeler ses derniers souvenirs.

— Et ce n’est pas tout. Elle a géré les gens comme une chef. À se demander si c’est la même personne que nous avons rencontrée auparavant… je ne sais pas ce que nous aurions fait sans leur aide. Je pense qu’on peut leur faire confiance.
— Ou alors elle en a profité pour voler toutes mes dossiers privés et cela va se retourner contre nous…
— C’est aussi une possibilté… mais je n’y crois pas trop.
— J’ai eu trop de déceptions, Chrystal, tu sais ce que c’est.
— Oui… mais cette fois-ci, je pense et j’espère, qu’elle est honnête et sincère.
— Je l’espère aussi… au pire, je suis encore en vie…
— C’est vrai !
— Je vais te poser une question qui fâche… tu sais si j’ai perdu beaucoup de personnes… ?
— … Pas beaucoup. Il y a beaucoup plus de blessés qui se remettent comme ils le peuvent. Ne pense pas à ça tout de suite, d’accord ?

Elle lui donna une petite tape amicale, et elle ferma le rideau pour l’isoler et aller osculter d’autres patients.

*

Après le repas, Alexandra ne tarda pas et il put l’accueillir cette fois-ci, assis.
Il était torse nu avec des bandages sur une grande partie de sa peau.

— Excusez moi de vous-
— Non non, tu n’as pas besoin de t’excuser, c’est plutôt à moi de le faire. Dis moi…

Il essaya de sourire gentiment, mais il ne réussit qu’à faire un sourire crispé. Il ne comprenait pas pourquoi elle l’aidait à ce point et il appréhendait sa trahison ou son chantage.

Elle était venue avec un porte-document et de quoi noter, alors elle s’approcha de lui, et lui montra ce qu’elle avait fait, avec des notes, les comptes rendus, puis toute une série de questions qu’elle souhaitait lui poser pour l’aider à mieux faire ce qu’elle avait déjà commencé.
Gabriel en tombait des nues.

— … Du coup, comme je ne savais pas trop comment vous avez l’habitude de gérer ces situations ici, j’ai fait ça en attendant… je comptais modifier et améliorer ça après votre réveil, si vous pouvez m’éclairer… ? Je peux aussi ne plus y toucher si vous préférez.

Elle attendait une réponse de sa part mais Gabriel semblait perdu dans ses pensées.

— Je… monsieur… ? Tout va bien ? Est-ce qu’il faut que j’appelle Chrystal… ?
— Oui, euh non. Je vais bien. C’est juste que… tu as fait ça toute seule… ?
— Non, bien sûr. Vos gardes m’ont un peu aide en me donnant quelques informations, et je ne suis pas seule. Chris, mon… ami, a également participé aux chantiers.
— Je veux dire… ces notes… elles sont de toi… ?
— Euh… oui. Je suis encore en formation avec mon père… du coup, c’est encore maladroit et fouilli… mais j’espère que je n’ai pas fait trop d’erreurs…

Alexandra avait baissé sa tête et serrait timidement son porte-document.

— Non non, au contraire. Je suis impressionné ! Merci pour ton aide ! Je vais répondre à toutes tes questions. Chrystal m’a interdit de bouger d’ici jusque demain, mais j’espère pouvoir me charger de tout ça le plus tôt possible.

Gabriel ne pouvait nier la tâche colossale qu’elle s’était imposée, même s’il restait méfiant et ne savait pas où elle voulait en venir, ni ce qu’elle souhaitait réellement, il devait lui laisser le bénifice du doute.
Il lui donna les réponses en tâchant d’anonymiser le plus possible, au cas où certaines personnes seraient concernés. Il devait rester prudent au cas où.

Alexandra ne fit pas attention et trouva cela presque normal, elle n’avait pas de mauvaises intentions mais elle comprenait ses craintes, même s’il ne laissait rien paraître.
Elle continuait de le vouvoyer, elle ne se sentait pas proche de lui, c’est juste qu’elle appréciait que les choses soient bien faites, c’est ce que son père lui avait enseigné. Puis elle avait encore son apriori et son jugement du caractère de Gabriel d’il y a quelques années, elle n’arrivait pas à lui faire confiance plus que ça, et elle ne souhaitait pas le connaitre d’avantage par crainte de son comportement.
Elle n’avait pourtant rien à craindre parce qu’elle savait se défendre, mais sa carrure était imposante et rien qu’à l’idée de sa silhouette surplombant et écrasant la sienne, elle préférait éviter cette confrontation si elle le pouvait. Elle s’éloigna dès qu’elle eut fini et s’en alla en s’inclinant légèrement. Ne sachant pas trop comment se comporter avec lui.

*

Les gens du château étaient occupés à aider au rétablissement des blessés, la réorganisation du château et des réparations nécessaires. Répartis entre ceux qui savait utiliser la magie et ceux qui ne le pouvaient pas.
La garde rapprochée de Gabriel était tous plus ou moins blessés, et celle qui était proche d’Alexandra avait un bras en soin.
Lorsqu’elle rencontra Chris, elle fut interpelée et surprise qu’il la suive comme son ombre.
Elle semblait l’ignorer voire même agacée à certains moments. Elle devina assez facilement qu’il était une sorte de garde du corps.

— Hé, Chris, c’est ça ?
Réussit-elle à l’interpeler pour lui parler en aparté.

Il se retourna en gardant un oeil sur Alexandra de temps en temps.
Les cheveux longs, lisses, noirs, attachés en queue de cheval haute, sa peau basanée, ses yeux sombres et profonds.
Son crane était rasé sur les côtés.
Il s’orienta vers la garde et attendit qu’elle formule sa requête ou sa question.

— Erm… je me demandais… t’es qui pour Alexandra… ? Tu es son garde du corps… ?
Demanda t-elle, en le jaugeant de haut en bas et en voyant bien que son attention était rivée sur Alexandra.

— On peut dire ça. Pourquoi ?
— Elle n’a pas l’air d’apprécier que tu la suives partout… tu sais, je pense pas qu’il soit nécessaire de l’avoir à l’oeil à ce point… enfin, je dis ça pour toi…

Chris ne dit rien et ne réagit même pas. Il comprenait ce qu’elle lui disait mais ne savait pas comment réagir.
Il la regarda de haut, parce qu’il était légèrement plus grand et essaya de sonder ce qu’elle avait derrière la tête.
Il n’arrivait pas à faire confiance à ce lieu.

2021.09.24

Retour d’aide

Elle était enfin rentrée chez elle.
Son père la fit tout de même examiner à cause de ses blessures aux mains et aux avant-bras, même si elle dut lui faire promettre de ne pas en vouloir à Gabriel.
L’infirmier l’osculta et confirma que les soins prodigués étaient bons, elle était en cours de cicatrisation et que tout devrait retourner dans l’ordre sans problème.
Après ce contrôle de routine, elle demanda des nouvelles de Chris.
À peine elle eut prononcé son prénom, qu’il franchi la porte de l’infirmerie et fut surpris de croiser Alexandra.

— Que fais-tu là ?! J’avais oublié que tu rentrais aujourd’hui-
— Chris !

Elle se leva et lui sauta dans les bras.

— Du calme, je suis encore en convalescence… moi aussi je suis content de te revoir…

Il lui sourit tendrement et caressa ses longs cheveux.
Il était également là pour un contrôle de routine.
Il s’installa et enleva son haut pour que l’infirmier l’osculte. Il vérifiait qu’il cicatrisait convenablement et que tout allait bien.
Chris lui expliqua que cela faisait une petite semaine qu’il venait de sortir de soin intensif et que pour l’instant il était interdit de faire de grands efforts.
Alexandra dut lui expliquer pour ses mains et il essaya de garder son calme.

— L’important c’est que je sois rentrée. Je ne veux plus entendre parler de ce Gabriel. D’accord ?
Dit-elle pour conclure la discussion à ce sujet.

Chris soupira et acquiesça.
Il lui fit visiter les rénovations et elle lui raconta ses déboires dans le château voisin.

— J’ai hâte de reprendre l’entraînement ! Je veux devenir plus forte et que tu n’aies plus à te sacrifier !
Avait-elle affirmé.

Au fond d’elle, c’était également pour rabattre le clapet à ce satané Gabriel, mais elle avait dit qu’elle ne voulait plus parler de lui. Elle voulait l’oublier et se concentrer sur elle et ses projets.

*

Quand ils purent s’isoler et discuter plus en privé, Chris dut s’excuser et parler de sa déclaration d’amour.
Alexandra ne sut pas comment réagir. Elle avait eut extrêmement peur lorsqu’il était blessé, et elle savait qu’elle tenait à lui.
Il était en train de lui dire qu’elle devrait oublier ces mots, mais quelque chose dans sa poitrine se resserait. Elle ne voulait pas faire comme si de rien n’était. Elle tenait à Chris.
Sans réfléchir aux conséquences, elle s’approcha de lui, et l’embrassa.
Son coeur battait à toutes allures
Elle ne savait pas si cela changerait quelque chose à leur quotidien, mais elle devait essayer, elle écoutait son coeur, qui semblait s’emballer.
Les secondes qui s’écoulèrent après son baiser parurent s’étendre et durer des minutes.
Elle se demandait si elle avait fait une bêtise, si Chris ne pensait pas ce qu’il avait dit.

Il la regarda dans les yeux et se demanda un instant s’il n’était pas en train de rêver.
Puis se rendant compte qu’elle attendait, qu’elle venait de l’embrasser.
Il ne put s’empêcher de lui rendre son baiser, puis un second plus passionnel.
Ils étaient dans une pièce où il y avait peu de passage mais Chris s’arrêta.
Ils ne pouvaient pas se montrer ainsi devant n’importe qui. Ils devaient discuter de manière plus sérieuse et il l’emmena dans sa chambre
Alexandra semblait gênée.

— Chris… je… c’est… que… j’ai jamais fait ça, et-
— Alexandra, ne t’inquiète pas. Je ne t’ai pas amenée ici pour ça… pas tout de suite… tout d’abord, on doit en parler… puis, nous sommes tous les deux en convalescence et je ne veux pas me retrouver à l’infirmerie à devoir m’expliquer si jamais… Cela devra attendre… et je ne sais pas ce que ton père va en penser si on-…
— Chris ! Mon père t’adore… et si on pouvait ne pas penser à mon père pendant…

Elle se cacha dans ses mains.
Attendrit, Chris retira les mains d’Alexandra pour voir son visage, et l’embrassa à nouveau.

— Je… je suis si heureux que mes sentiments soient réciproques… tu ne peux pas savoir à quel point j’ai rêvé de ce moment…

Elle était tout autant émue.

— Par contre… je préfèrerai ne pas être trop expansif sur notre relation en dehors du cadre privé… je reste ton tuteur et cela serait certainement déplacé si nous étions trop proches aux yeux de tous.
— Je… oui. Je comprends, tu as raison…

*

Les jours passèrent et Chris sortit de sa convalescence et put reprendre des entraînements de manière progressive. Alexandra en fit de même.
Et un soir, elle se rendit dans la chambre de Chris, ce qui le surprit.

— Alexandra ! Tu ne devrais pas être ici à cette heure-ci !
— Mais… tu m’as dit que… après notre convalescence… puis… je suis prête…

Chris vira au rouge.

— ‘Xandra… tu… tu n’es pas obligée… ça peut attendre tu sais. Je ne suis pas pressé.
— Oui mais… moi… j’ai envie…

Elle ne savait plus où se mettre et elle se colla à Chris en n’osant pas le regarder dans les yeux.

— … Tu sais… que je t’aime… mais je ne veux pas te forcer la main…

Elle l’embrassa, une fois, puis plusieurs fois, jusqu’à le faire craquer, il lui rendit ses baisers.

*

Le lendemain, Sephyl lui en toucha quelques mots entre deux dossiers à traiter, et Chris crut mourir de honte, il fit tomber les documents qu’il avait dans ses mains.

— Je ne suis pas dupe, Chris, je sais ce qu’il se passe et ça ne me regarde pas. C’est la vie privée de ma famille. Cependant, j’espère que tu es prêt à prendre tes responsabilités si jamais il arrive quelque chose.
— Bien sûr… monsieur… je prends les précautions nécessaires. Soyez sans crainte.

Et ils retournèrentà leur travail sans aucune transition.

Alexandra dut affronter le même discours.

— ‘Xandra… je sais que tu n’es plus une enfant… et je n’ai rien à dire sur tes relations privées… surtout si tu les partages avec Chris. J’espère juste que vous vous protégez. Enfin, je n’ai rien sur le fait que tu me donnes des petits enfants mais il est peut-être un peu tôt-
— Papa !!! Aaaaah !!!
— Qu’est-ce qu’il y a… ? Je m’inquiète, c’est normal.
— Oui, on se protège, c’est tout ce que tu voulais savoir… ?
— Oui.
— Ok, on peut discuter d’autre chose, maintenant… ?
— Bien sûr.

*

Alexandra avait une faim insatiable concernant Chris.
Elle découvrait son corps et ses hormones s’exprimaient avant sa raison, elle avait envie d’en savoir d’avantage et surtout de pratiquer d’avantage.
Lors des entraînements qu’elle prenait très au sérieux, elle n’hésitait pas à jouer avec l’humeur de Chris, qui la rappelait à l’ordre aussitôt.
Il restait maître de lui-même et surtout souhaitait rester professionnel pour prouver à son patron qu’il pouvait continuer à exercer malgré leur relation.
Elle essayait de l’embrasser et Chris dut s’énerver et hausser le ton pour la calmer.

— Arrête ça ! Si tu n’es pas concentée pour l’entraînement, le cours est terminé.

Alexandra bouda et s’excusa, reprenant sans embêter son tuteur.
Cependant, à la toute fin du cours, elle se faufila dans le vestiaire des hommes, sachant qu’il n’y avait pratiquement personne durant leur cours.
Elle posa ses affaires dans un casier qu’elle prit soin de refermer pour ne pas éveiller les soupcons, et devina où se trouvait Chris puisque c’était la seule douche qui était utilisée.
Elle le fit sursauter et il vérifia paniqué, s’il n’y avait personne d’autre dans les vestiaires.

— Mais tu as perdu la tête ?! À quoi tu joues ?!
Chuchota t-il, énervé. En la plaquant au fond de la douche.

Elle ne se laissa pas malmener et elle lui attrapa le bras pour se tirer vers lui et l’embrasser.

— Maintenant que l’entraînement est terminé… on peut faire ça… non ?
— Tu— tu ne penses qu’à ça… ?! Tu sais qu’on risque d’avoir des problèmes si quelqu’un nous voit ici ! C’est de la folie !

— Il n’y a jamais personne… et s’il y a quelqu’un, il suffit juste de ne pas faire de bruit. Facile, non ?
Répondit Alexandra, avec un large sourire.

Elle avait préparé sa réponse.
Chris était exaspéré.

— C’est que… tu me fais tellement de bien…
Supplia t-elle, en le prenant par les sentiments, elle attrapa sa main pour la placer entre ses jambes.

— Je… j’ai tout le temps envie de toi… je ne contrôle pas mon corps…
Murmura t-elle dans son oreille, ce qui eut pour effet de le faire rougir.

Elle l’avait pris au piège.

*

Elle lui sautait dessus à chaque occasion.
Lorsqu’il avait finit une réunion ou une mission, elle l’attendait au tournant et elle n’hésitait pas à l’embarquer dans une pièce inutilisée pour faire leur affaire.

— Alexandra… je t’aime, mais il va falloir que tu ralentisses la cadence… je vais finir par avoir des problèmes avec ton père si ça continue. Je dois rester professionnel et ce que… tu me fais faire est très limite. Tu comprends… ?
— … Oui… pardon… je pensais être assez discrète…
— Je le sais… je serai à toi après mon service, d’accord ? Ca m’embêterait que ton père m’interdise de te voir à cause de mon manque de professionalisme.
— D’accord…

*

Le soir, elle l’attendait patiemment en se préparant et après avoir fini ses propres devoirs, elle se rendait dans la chambre de Chris et à peine qu’il poussait la porte, qu’elle lui sautait dessus et l’embrassait langoureusement.
Dans cette chambre, ils avaient le temps et ils savaient qu’ils pouvait être moins discrets.

*

Leur relation dura un peu plus d’un an, avant que Chris rompe.

— Nous ne sommes pas du même monde, Alexandra… je ne peux pas te protéger tout en étant ton amant… comprends moi.
— Je ne vois pas de quoi tu parles ! De quel monde tu parles ? Si c’est de mon rang, je peux m’en débarrasser, je suis sure que mon père n’aura aucun inconvénient à ce que je sois une simple personne !
— Ce n’est pas aussi facile. Tu es promise à un destin et un futur beaucoup plus radieux. Je n’ai rien à t’apporter. Je ne suis rien, je ne suis qu’un simple garde.
— Je m’en fiche de ça. C’est toi que j’aime, je veux rester avec toi ! Peu importe ce que tu m’apportes…
— Ne rends pas la chose plus difficile…
— C’est toi qui rends tout difficile ! Pourquoi… ? Je ne suis pas assez bien pour toi… ? Tu t’es lassé de moi… ? J’ai fait quelque chose… ?!
— Non, Alexandra. Tu es parfaite, mais nous en avons profité, il faut que je te laisse reprendre ta vie et aspirer à mieux.
— Je comprends pas… Chris… tu ne m’aimes plus… ?

Alexandra était au bord des larmes et les sanglots dans sa voix faisaient vibrer ses mots.
Chris s’en alla sans ajouter un mot, la tête baissée, il quitta la pièce où elle se trouvait.

*

— Es-tu sûr de ta décision ?
— Oui…
— Tu sais que je n’ai jamais été dérangé par votre relation. N’est-ce pas ?
— Oui monsieur… mais je sais qu’elle est en âge de se marier et je vois l’avenir fade qu’elle aura avec moi, peu importe à quel point je l’aime, je ne veux pas la priver de ce qu’elle pourrait avoir avec quelqu’un de son rang.
— C’est gentil de ta part de penser à ça… mais rien ne l’oblige à choisir cette voie. Elle a le droit d’aspirer à une vie paisible avec toi, tu le sais ?
— Oui… elle n’a connu que moi jusqu’à aujourd’hui. Elle doit également découvrir si elle ressent des sentiments pour d’autres personnes.
— Je vois que tu es têtu… et que ta décision est prise… je sens que je vais devoir m’expliquer avec elle…
— Excusez moi.

*

Elle déboula dans le bureau de son père, les larmes aux yeux.

— Qu’est-ce que tu lui as dit ?!
— Si tu parles de Chris. Rien. Absolument rien.
— Alors pourquoi il a dit ces choses là, à propos de mon avenir ou j’sais pas quoi ! C’est stupide !
— C’est ce que je lui ai dit aussi. Tu dois respecter sa décision. C’est difficile pour lui aussi.
— Alors pourquoi… !?

Elle fondit en larmes encore une fois et son père vint la consoler.

— Je ne le comprends pas non plus, je lui ai dit que cela ne me dérangeait pas, que veux-tu… c’est la vie… tu ne peux pas le forcer d’être en couple avec toi, non plus, pas vrai ?
Essaya de blaguer son père.

Alexandra pleura pendant encore un moment avant de se reprendre.

Elle continuait de croiser Chris de temps en temps et ils avaient toujours leurs entraînements ensemble.
Chris se comportait de manière froide et distante et cela brisa encore plus le coeur d’Alexandra.
Elle cherchait dans ses yeux la complicité et la pssion qu’ils partageaient auparavant, mais il ne laissait rien transparaître.
Rapidement, Alexandra se força à penser à autre chose et elle intensifia ses entraînements et se plongea dans ses cours.
En l’espace de plusieurs mois, ses progrès furent fulgurants et elle dépassa le niveau de Chris.
Elle en profita pour lui dire qu’elle n’avait plus rien à apprendre de lui et qu’il n’aurait plus besoin de la tutorer à ce sujet.
À partir de ce jour, elle s’entraîna avec son père.

*

Des propositions de mariage commencèrent par arriver de manière régulière et Alexandra refusa à chaque fois.
Elle rencontrait les prétendants qui faisaient l’effort de venir jusqu’à elle, mais elle ne les trouvait pas intéressants, elle avait l’impression qu’ils étaient trop faibles, et enfantins. Ils étaient censés être plus agés qu’elle.

*

Un jour, son père la convoqua.
Il avait reçu quelques nouvelles et il lui fit part d’une information pour l’impliquer dans les décisions.
Cela faisait maintenant un bon nombre d’années qu’elle apprenait à ses côtés et il était temps qu’il lui fasse confiance et lui demande son avis sur ce sujet particulier.

— Alexandra. Je n’ai pas l’habitude de te demander ton avis sur les sujets que je traite, mais je pense que cela va devenir de plus en plus courant. Tu as fais d’énormes progrès et je vois que tu travailles dur pour suivre mes pas.

Elle était assise dans le fauteuil juste en face du bureau de son père, elle le regardait et l’écoutait religieusement. Ses mots lui faisaient extrêmement plaisir et à la fois, elle craignait tellement de le decevoir. Et si elle n’était pas à la hauteur ?
Alors elle resta silencieuse, en attendant qu’il lui explique ce qu’il en était.

— Pour en venir droit au but… j’ai pensé que le sujet te concernait. Je ne sais pas si tu te souviens de Gabriel… ? Notre voisin le plus proche.

Elle acquiesça sans dire un mot. Elle ne voulait rien ajouter de désagréable.

— Eh bien, j’ai reçu des nouvelles assez urgentes, c’est arrivé il y a moins d’une heure. Il semblerait qu’il est en train de subir un assaut, et il nous a fait parvenir une demande d’aide assez critique. Je ne sais pas encore quoi faire, mais il va falloir prendre une décision rapide. Au vu de la situation et du manque d’information, je ne peux pas non plus lui envoyer beaucoup d’aide. Si c’était un piège et qu’on se faisait envahir également, ça serait terrible. Cependant, s’il est vraiment en danger, je ne peux pas non plus rester les bras croisés. Qu’en penses-tu, Alexandra… ?
— … Si cela est trop voyant et beaucoup trop risqué d’envoyer une véritable équipe, je pense que je peux y aller en éclaireuse. Je ne le porte pas dans mon coeur, mais il nous a aidé la fois ou nous étions dans une situation similaire. Même si ses méthodes étaient… particulières, je m’en voudrais de ne pas l’aider s’il a vraiment besoin de notre aide. Je pense que c’est l’occasion de lui rendre la pareille, sans trop nous mouiller et qu’on soit quitte, et que nous n’ayons pas cette dette invisible au dessus de nous.
— Tu n’as pas tort… mais. Je ne peux pas te laisser y aller seule. Même si je sais que tu t’es améliorée grandement depuis, et que j’ai confiance en tes capacités, je ne peux pas prendre le risque de te perdre si jamais il arrive quelque chose. Tu comprends ?
— Dans ce cas, n’importe qui avec qui je peux faire le chemin. Je peux être prête d’ici 10 minutes. Je te promets de faire attention et d’être prudente. Je ne suis plus une enfant.
— Je sais. Chris est disponible et je serai rassuré si tu partais avec lui.

Elle ne cacha pas sa déception.
Elle aurait voulu contester mais elle savait que le temps était compté et qu’il ne valait mieux pas se disputer avec son père pour lui faire changer de partenaire, pas aujourd’hui, pas maintenant.
Elle soupira et acquiesça à contre-coeur.

— Dans ce cas, je le préviens, je te l’envoie et vous pouvez partir sur le champ. Promets moi d’être prudente. Tiens moi au courant dès que tu en sais d’avantage. D’accord ?
— Oui papa. Prends soin de toi pendant mon absence. Je reviens vite.

Lorsque Chris la rejoignit, elle ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir encore, après sa décision, ils étaient en froid, elle le sentait et elle n’arrivait pas à envisager une autre manière de l’appréhender.
Depuis, elle avait tout fait pour l’éviter mais ce n’était pas possible aujourd’hui.
Elle se crispa et elle était de mauvaise humeur.

— Tâche de ne pas me ralentir. On y va, on prend note de la situation, et selon comment ça se passe, on avisera, mais le but c’est de se dépêcher et rentrer.

Elle ne lui adressa presque pas un regard.
Elle pouvait rester professionnelle avec Chris mais pour l’instant, chaque interraction inutile pouvait être évitée et elle le faisait.
Il resta neutre et se tint prêt pour partir.
Lorsqu’ils arrivèrent sur place, l’état des lieux la mit sur ses gardes.
Le bâtiment dont elle se souvenait était en ruines et beaucoup de personnes étaient blessées, certaines devaient être cachées parce que les couloirs étaient presque vides.
Elle crut entendre des armes s’entrechoquer.

— Reste sur tes gardes.
Lui dit Chris, qui se positionna aussitôt et passa en observant les alentours.

— Pas besoin de me le dire.
Répondit-elle sèchement, en prenant les mêmes précautions, elle s’avança et pénétra le château.

Elle se dirigea vers l’endroit où le bruit provenait, et sur le chemin, elle reconnut une jeune femme avec qui elle avait l’habitude de s’entraîner. Elle se pécipita sur elle, elle était adossée à un mur et semblait assomée. Les cheveux et les vêtements abîmés, en broussaille, un peu de sang au coin de sa bouche et le visage amoché.
Alexandra crut qu’elle était morte à première vue, puis en s’approchant d’elle, elle vérifia qu’elle respirait encore et essaya de la réveiller pour lui poser des questions.

— Ah… Alexandra…
— Où est Gabriel ?
— Je n’ai pas réussi… aide le, je t’en supplie…

Elle pointa le lieux où le son devenait plus fort.

— Tu as fait de ton mieux, je fais vite et je reviens, ok ? Tiens bon.

L’autre femme lui sourit doucement et la regarda partir avant de refermer les yeux.

Arrivés dans la salle immense, elle vit qu’il y a avait eu un combat acharné. Les meubles, le sol, tout avait été déplacé et détruit.
Est-ce qu’elle était arrivée trop tard ?
Une explosion eut lieu près d’elle et Chris s’interposa pour la protéger, même si elle était déjà en train de s’éloigner et d’éviter l’impact.
Ce qui eut tendance à l’agacer.

— Tu vas bien… ?
Demanda t-il, la surplombant.

— Oui oui…

Un débris faillit leur tomber dessus, elle le poussa pour le dégager et roula sur le côté pour l’éviter également.

— Occupe toi de toi, plutôt !!
Cria t-elle, avant de se relever en vitesse.

Les coups et échanges d’armes reprenaient et elle put voir Gabriel se battre avec son ennemi.
Elle se souvenait de son physique, il n’avait pas tellement vieilli en quelques années, peut-être qu’à un certain age on ne change plus tellement physiquement, se dit-elle.
Elle se rappelait avec quelle facilité il l’avait battue la fois où elle était chez lui. Et le voir en difficulté ne la laissa pas indifférente.
Elle analysa la situation pour prendre la décision la plus adéquate pour intervenir et lui venir en aide.

Ils étaient trop concentrés sur leur combat pour remarquer la présence d’Alexandra et de Chris.
Elle en profita pour se mettre à couvert et attendre le moment opportun pour participer.
Elle fit signe à Chris d’observer s’il ne voyait personne d’autre et de sécuriser les lieux.
Le moment vint assez rapidement.

Gabriel avait réussi à repousser son adversaire de manière brève et s’était mis à l’écart pour reprendre son souffle.
Elle sauta sur l’occasion et prit par surprise l’ennemi lorsqu’il charga à nouveau sur Gabriel.
Elle l’intercepta, à la surprise des deux, et réussit à le désarmer puis, l’acheva sans même hésiter une seconde de plus.
Elle remarqua un second adversaire qui bondit sur elle, Chris avait maîtrisé un troisième.
Elle le repoussa puis évita ses attaques avant de l’attaquer à son tour.
Les échanges furent assez courts avant qu’elle ne les mette hors d’état de nuire.
Gabriel ne comprit pas tout de suite ce qu’il se passait
Elle regarda autour d’elle et aux alentours pour s’assurer qu’ils ne subiraient pas une autre attaque.
Puis chris lui fit signe qu’elle pouvait baisser sa garde pendant qu’il s’en chargeait.
Elle s’approcha de Gabriel et lui demanda s’il allait bien.

*

Il était à bout de force, il ne se souvenait plus de combien de salves d’attaques et d’assauts il avait subit sur sa personne depuis qu’il avait demandé d’envoyer un messager prévenir qu’il aurait besoin d’aide.
Il savait qu’il était submergé et il n’avait pas le temps de se demander comment allaient ses employés et ses combattants. Il devait leur faire confiance et défendre sa place tant qu’il le pouvait.
Il avait fini par craindre que son messager n’avait pu survivre et qu’il était maintenant livré à lui-même.
Des coups, des explosions, des débris, il essayait de rester concentré sur son ennemi et sa position pour ne pas le perdre de vue.
Il avait baissé sa garde une ou deux fois et il avait été surpris, blessé. Il était tellement pris par l’action qu’il ne pouvait pas faire attention à ses blessures, légères ou graves, il ne savait plus.
Il sentait comme un picotement sur son flanc, certainement l’endroit où la lame de son adversaire avait pénétré dans sa chair, elle n’était pas restée longtemps, mais ça avait suffit et même s’il savait qu’il était plus âgé et qu’il se faisait vieux, sa vue se troublait et la fatigue se faisait ressentir. Il supposait qu’il avait été empoisonné.
Il pouvait deviner la jubilation de son opposant qui faisait durer le combat exprès.
Il n’attendait qu’une chose, que le poison fasse effet et que le corps de Gabriel s’écroule devant lui.

Gabriel avait réussi à le repousser encore une fois, cette fois-ci, avec un peu plus d’insistance, de quoi l’éloigner pendant un instant, même court.
Il avait besoin de reprendre son souffle.
Il posa un genou à terre, il toussa, il cracha du sang, il essuya sa bouche avec le revers de son bras.
Ca y est, il sentait la fin. Il ne pouvait pas tenir indéfiniment. Il s’était battu de son mieux, il avait tout donné, s’il devait mourir ici, il n’aurait aucun regret.

Lorsqu’il se redressa, prêt au combat, il fut surprit de voir une chevelure châtin en face de lui.
Un corps de jeune, plutôt athlétique, des boucles qu’il reconnaissait, il avait le souvenir d’avoir déjà vu ces reflets chauds, mais il n’en était pas sûr. Cela parassait improbable que la personne à laquelle il pensait se trouve aujourd’hui ici.
Les yeux écarquillés, il vit cette silhouette se battre et mettre au sol, son adversaire, avec une telle facilité, puis une seconde personne fonça sur elle, tout se passa très vite.
Quelque chose n’allait pas, il n’avait pas le temps de réagir, tout se passait trop vite autour de lui.
Il aurait voulu prévenir son sauveur, ou sa sauveuse ?
Tout devenait flou et les sons qu’il percevait étaient étouffés.

Elle avait fini, elle se tourna vers lui.
Il la reconnut et il crut rêver.
Etait-ce bien la jeune fille qu’il avait rencontré à l’époque ?
Sa vision devint plus sombre.

— Hé, ça va ?!

La voix féminine s’estompa ainsi que sa silhouette.
Il se sentit chuter au ralenti, il s’attendait à ressentir le sol dur, mais quelqu’un l’attrapa avant qu’il ne touche terre.

*

— Ne le touche pas !
Cria Chris, qui attrapa le corps de Gabriel.

— Il a été empoisonné. Laisse moi m’en occuper.
Ajouta t-il, à voix basse.

Gabriel était beaucoup plus grand, musclé et imposant que Chris. Il eut un peu de mal à le stabiliser.

— Tu es sûr que tu n’as pas besoin de mon aide… ?
Demanda innocemment Alexandra, qui avait de la peine à le voir ainsi.

— Non… ça va… il est juste… encombrant.

Ce qui eut le mérité de faire pouffer Alexandra, avant de la faire racler le fond de sa gorge et faire semblant de tousser.
Chris eut un pincement au coeur.
Il ne se rappelait plus la dernière fois qu’il avait pu apercevoir son sourire.

Elle se souvint à peu près de l’emplacement de l’infirmerie et elle s’y précipita en faisant attention aux croisements dans les couloirs, elle resta sur ses gardes et Chris essayait tant bien que mal de la suivre avec le poids de Gabriel sur ses épaules.
La porte était entrouverte et elle la poussa avec beaucoup de précaution.
Elle vit Chrystal, des scalpels à sa main et sur le point d’en envoyer un dans sa direction.

— Wow, du calme, je suis là en tant qu’amie…

Alexandra leva ses mains.

— Ah… comment tu t’appelles déjà… ? Axelle ?
— Alex… andra…
— Ah oui, c’est ça… qu’est-ce que tu fais ici… ? Ce n’est pas le meilleur moment pour faire du tourisme…

Chrystal était adossée et assise avec la porte en visuel, elle essayait un peu d’humour pour détendre l’atmosphère mais elle était en mauvais point aussi. Des corps jonchaient le sol autour d’elle, des scalpels plantés à des endroits biens stratégiques. Elle avait du recevoir un ou plusieurs coups sur le visage, ses cheveux étaient légèrement décoiffés et ses vêtements avaient été froissés et déchirés par endroit.
Elle se releva avec un peu de mal en s’aidant du mur.

— Je ne viens pas pour les vacances… je t’amène Gabriel. Je crois qu’il a juste perdu connaissance mais Il est certainement empoisonné.

Sur ces paroles, Chris franchit également la porte, avec le corps de Gabriel.
Le visage de Chrystal blêmit, elle se redressa du mieux qu’elle put et, d’un coup de pied, poussa les corps autour d’elle qui semblaient la gêner, puis prépara un lit pour osculter Gabriel.
Elle n’avait pas les mots pour exprimer ce qu’elle ressentait, ni sa panique intérieure.
Gabriel, son maître, était dans cet état.

Alexandra essaya de ne pas déranger et à la réaction de Chrystal, elle ne prenait plus la situation à la légère.
Elle fit signe à Chris de lui amener Gabriel et de l’installer sur une table.
Elle tira un rideau et s’occupa de lui. Elle l’osculta puis elle vit aussitôt la blessure la plus préoccupante. Celle sur le flanc était la plus visible et elle comprit tout de suite que c’était un poison qui l’empêchait de se régénérer.
Elle sortit les outils dont elle aurait besoin pour extraire la substance toxique et l’isoler avec sa magie, puis de quoi recoudre et panser la plaie béante.
Il avait quelques égratinures par ci et par là, mais rien de grave. Il avait juste puisé sur ses forces et son énergie, et son corps était épuisé. Si on mettait de côté le poison, il aurait besoin de repos.
Chrystal fut plutôt rapide et elle ressortit presque aussitôt.

— M-merci de l’avoir amené. Il devrait être tiré d’affaire…
Dit Chrystal, en s’asseyant, essoufflée.

— … Tu es sure que tu vas bien… ?
— Oui oui… C’est juste que je suis aussi en train de taper dans mes réserves… Quelques minutes et je devrais aller mieux. Merci encore pour Gabriel. Si vous n’étiez pas là, il n’aurait pas…
— Il n y a pas de quoi. On a fait ce qu’on devait faire. D’ailleurs, est-ce que tu sais si on peut aider à autre chose, et dans quel ordre… ? C’est vraiment le chaos, je ne peux pas vous laisser comme ça, à vous regarder sans rien faire.
— Je n’en ai aucune idée… d’habitude c’est Gabriel qui donne des ordres et prends en main les actions par priorité…

2021.09.22

Quiproquo

— Ca veut dire… qu’il veut m’épouser sans sentiments… ?
Demanda Alexandra, qui ne semblait pas comprendre ce qu’elle venait d’apprendre.

— C’est ça. Rassure toi, ce n’est pas un pervers pédophile. Je suis même certaine qu’il ferait en sorte que tu ne manques de rien.
Expliqua la jeune femme.

— … C’est… pire !
S’emporta Alexandra.

*

— Tu devrais te sentir privilègiée, tu ne sais pas combien de femmes rêveraient d’être à ta place dans son domaine…
— Je ne vois pas le rapport ! Il n »a aucun sentiment pour moi et moi non plus, sauf qu »il y trouve un intérêt… ! C’est juste absurde ! Je ne vais pas me sentir chanceuse d’être à cette place ! Ca me dégoute, qu’elles me remplacent !
— On a pas toujours ce qu’on veut dans la vie, parfois tu acceptes par dépit un choix, et je trouve qu’épouser Gabriel est plutôt raisonnable. C’est ce que j’essaye de te dire.
— Je veux avoir le choix de me marier, ou pas, avec qui je veux ! C’est quand même important ! Ca décide d’une grosse partie de mon futur quand même ! C’est si égoïste ?!
— Tu ne te rends pas compte de la chance que c’est de se retrouver dans ta situation. Tu as la possibilité d’épouser quelqu’un de riche et puissant. Tu ne comprends pas ?
— Non, je préfère être libre et heureuse que d’être forcée à épouser un homme qui a l’âge de mon père. Je me fiche de sa fortune ou de sa puissance. Lorsque j’aurai quelques années en plus, je ferai en sorte d’être au moins aussi forte et puissante que lui !
— … C’est beau de croire. Je pense que je n’arriverai pas à te convaincre.
— Non. Tu n’as pas besoin. C’est parce que tu es sous ses ordres que tu me dis ça, c’est ça ?
— Non. Pas seulement. Je le pense sérieusement.
— Tu voudrais l’épouser ?
— Je… je ne pense pas être digne de l’imaginer. Il ne s’intéresse pas à moi et… je le respecte trop pour ça…
— Qui te le dit ? Tu n’en sais rien. Ca se trouve il a des sentiments pour toi. Ou déclare toi.
— Non. Je.. je travaille depuis trop longtemps à ses côtés. On a pas ce genre de relation… et même si c’était le cas, cela ferait longtemps qu’il y aurait eu quelque chose…
— … Pardon, je ne savais pas…
— Tu ne pouvais pas savoir. Tu vois, ce n’est pas aussi simple que ça dans la vie. Je me contente de travailler à ses côtés.
— Qu’est ce que tu aimes chez lui… ? Je suis curieuse maintenant.
— Ahah… bon, j’imagine que ça ne me coûte rien de te le dire… je ne suis plus à ça près… il est attentionné… même s’il est discret, il fait en sorte de ne blesser personne. Sensible aussi… il ne le montre pas en public mais certaines choses le touchent vraiment. Il est puissant mais n’abuse pas de sa force. Il n’hésite pas à protéger ses soldats…
— … Je ne vois pas du tout ça. J’ai l’impression que tu me décris un inconnu.
— Ahah, oui je peux comprendre. Tu ne le vois pas sous le même angle, mais je t’assure qu’on parle bien de la même personne. Il faut apprendre à le connaître. Il a grand coeur
— Non merci.

*

Sa partenaire de combat lui avait présenté les bains dans le château.
C’étaient des sortes de thermes avec un bassin aussi grand qu’une piscine, avec la température toujours maintenue aux alentours de 35 et 38 degrés Celcius.
Ils étaient mixtes et il existait des plages horaires pour les femmes et les hommes.
Elle était impressionnée par l’endroit et prenait des notes pour en parler à son père à son retour.
Cétait une expérience géniale.
Les premières fois, sa partenaire avec qui elle avait tissé un certain lien d’amitié, malgré leur divergence d’opinion, l’avait accompagnée pour qu’elle puisse s’y habituer.

*

Elle se fit réveiller un soir, par une servante, qui avait l’air pressée et lui avait dit que sa partenaire l’attendait dans les bains.
Elle n’était pas bien réveilée et se demandait qu’elle heure il pouvait bien être, se frottant les yeux et baillant, elle avait demandé si ça ne pouvait pas attendre demain et pourquoi il fallait que ce soit en plein milieu de la nuit.
La servante n’apporta pas plus d’explication et l’incita à aller voir par elle-même.
Alexandra descendit alors, à contre-coeur et se retrouva dans la salle d’eau immense.
Cherchant des yeux ou pouvait se trouver l’autre femme.
Elle entendit une voix provenant du hammam, alors elle s’y rendit. En ouvrant la porte et en pénétrant dans la pièce, elle n’aperçut pas grand chose à cause de l’humidité ambiante.

— Il y a quelqu’un… ?
Demanda t-elle, incertaine.

Elle s’avança pour voir si son amie était là, elle savait qu’elle avait entendu du bruit ici.
La porte derrière elle se referma aussitôt et elle entendit un bruit.
Elle se retourna et une peur l’envahit soudainement.
Elle essaya d’ouvrir et sortir, mais impossible.
Elle frappa alors sur la porte.
C’était peut-être une erreur.

— Il y a quelqu’un ? Je suis à l’intérieur ! Ouvrez moi !
Cria t-elle, en espérant qu’on puisse l’entendre.

Et les minutes passèrent.
Elle essaya de forcer la porte, sans succès.
Elle arrêta de s’épuiser et fit les cents pas dans la pièce.
Elle était avec ses vêtements de nuit : un haut trop grand qui tombait jusqu’à ses genoux.
Même peu habillée, elle avait chaud à cause de la température et l’humidité imprégnait ses vêtements, et se déposait sur sa peau et dans ses cheveux.
Au bout de plusieurs minutes, elle avait du mal à respirer tellement l’air ambiant était éttoufant.
Elle s’était assise, puis finalement, allongée sur le carrelage pour essayer d’avoir moins chaud et mieux respirer.
Elle n’avait plus qu’à prier et attendre que quelqu’un vienne lui ouvrir.
Pendant tout ce temps, elle réfléchissait.
Est-ce que c’était une erreur ? Où était son amie ? Est-ce qu’elle l’attendait encore quelque part ? Est-ce qu(elle la cherchait ?
Elle n’avait même pas regardé l’heure exacte. Tout ce qu’elle pouvait deviner était une estimation, et elle essayait de calculer dans combien de temps les premières personnes viendraient utiliser la salle d’eau.
Elle avait perdu toute notion du temps et elle sentait qu’elle ne devait pas s’endormir ni perdre connaissance ici. Ce n’était pas bon.
Au bout d’un temps qui lui sembla infini, elle entendit à nouveau le verrou et la porte s’entrouvrit.
Elle utilisa les forces qui lui restaient pour se hisser et sortir de la pièce, en rampant.
Elle put enfin reprendre sa respiration.
À quatre pattes, elle avait l’impression de revivre
Elle sentit la présence de quelqu’un et elle vit les pieds non loin d’elle.

— M-merci… j’ai cru que j’allais y rester… je ne sais pas ce qui s’est passé, j’étais enfermée dedans…
Essaya t-elle d’expliquer, en même temps qu’elle respirait.

— La porte était bloquée.
Une voix froide et qui lui était inconnue lui répondit.

Elle releva son visage pour voir de qui il s’agissait, et son regard s’arrêta sur ce que la personne avait dans sa main : un grand couteau de cuisine affuté.
Alexandra se figea et eut un mouvement de recul. Elle essaya de se relever lentement.

— Ah… comment ça… ?
Demanda t-elle, en espérant gagner un peu de temps et en apprendre plus.

— Être au sol te sied à ravir… pourquoi te relever ?

Sa remarque lui glaça le sang.

— Je… pourquoi… le couteau… ?
Demanda t-elle, la voix tremblotante.

Elle savait qu’elle n’était pas en état de se défendre, elle avait déjà du mal à tenir debout.
La jeune femme qui lui faisait face semblait découvrir ce qu’elle avait dans la main, et le regarda, amusée.

— Oh. Ca ? C’est pour me défendre.
— Je ne compte pas t’attaquer…
— Ah bon ? Pourtant tu n’as pas hésité à assomer une de mes collègues.
— Je… je me suis excusée… je ne voulais pas lui faire de mal…
— Mais tu l’as fait. Sais-tu à quel point tu as manquéde respect ànotre profession ?
— Je… ce n’était pas mon intention…
— Oui, c est ce que tu dis…

Elle s’avanca et Alexandra essaya de reculer pour se mettre à distance et qu’elle n’arrive pas à portée.
Les mains devant elle, en position de défense, elle essayait de se rappeler l’endroit de la sortie et comment faire pour se tirer d’affaire.

— Je suis vraiment désolée… je ne recommencerai pas…
Dit-elle pour calmer le jeu.

— Je n’en doute pas. Je vais faire en sorte que ça ne se reproduise pas.
— Est-ce que tu peux poser ce couteau… ?
— Absolument… pas. Nous manquer de respect est une chose, mais… manquer de respect à notre maître. Comment oses-tu ?! J’ai entendu dire que tu lui parlais sans aucune formule de politesse. Pire. Tu te crois tout permis ? Avoue le, tu es une espionne qui lui fais du chantage. J’en suis certaine.
— Je ne suis pas une espionne !
— Ne crois pas me duper, tout fait sens si tu es une espionne. Je ne comprenais pas pourquoi notre maître te gardait chez nous. En fait, il y est forcé. Je ne sais pas par quels moyens tu as réussi à l’obliger à t’accueillir, mais je vais lui ôter cette épine du pied.

Voyant que son interlocutrice ne semblait pas vouloir l’écouter, elle baissa les bras et chercha une échappatoire. Elle regarda autour d’elle pour savoir par quel passage elle pouvait sortir et s’enfuir, mais elle avait encore la tête qui tournait et les vapeurs d’eau dans l’immense salle formaient une légère brume qui l’empêchait de savoir exactement par où elle pouvait s’échapper.
Elle ne connaissait pas l’endroit assez bien pour foncer tête première dans l’inconnu.
Elle savait que ce n’était pas une bonne idée de lui tourner le dos, alors elle longea lentement en marche arrière, les murs et le carrelage pour se retrouver rapidement acculée par le grand bain de la taille d’une piscine.
Elle jeta un coup d’oeil rapide derrière elle pour voir qu’elle ne pouvait reculer plus, au risque de finir à l’eau.

— Si je te mets hors d’état de nuire ici, cela soulagera notre maître, peut-être qu’il attend ça depuis ton arrivée et je vais l’aider. Il sera fier de moi. Il ne se retrouvera pas impliqué dans ta perte. J’en porterai cette responsabilité et il pourra me féliciter ensuite.

Elle jouait avec son couteau et jubilait d’avance, voyant que sa proie était prise au piège, elle s’avança lentement vers elle, sachant qu’elle ne pouvait pas reculer plus, au risque de tomber à l’eau.

— Je vous en supplie, écoutez moi, je ne suis pas une espionne… je vous le répète.
Dit-elle, en position de défense et en priant qu’elle baisse son arme.

— C’est cela, oui…

Elle ne s’arrêta pas, et donna des coups vifs avec sa lame devant elle.
Alexandra positionna ses mains et et ses bras, ses avant-bras, pour se protéger.
Elle sentit le métal caresser sa peau.

*

Les coups vifs du couteau tranchaient dangereusement l’air devant ses yeux.
Elle leva ses mains et ses avant-bras en guise de seule défense, impuissante, l’esprit encore à demi embrumé, elle espérait que ce ne soit qu’un mauvais cauchemar mais les sensations étaient trop réelles.
Elle reculait à petit pas, sachant que la chute à l’eau était inévitable, priant que son interlocutrice ait pitié d’elle, ou reprenne ses esprits pour se rendre compte de l’horreur de cette situation.
Elle savait que si elle tombait à l’eau, elle serait d’autant plus vulnérable.
Elle sentit le metal caresser sa peau, peut-être que si elle avait pu ne pas voir les dégâts du couteau sur son épiderme, elle ne se serait pas rendue compte de la douleur de ce que devenait sa chair.
La lame avait coupé si facilement, elle vit l’ouverture et le liquide qui s’en échappa, cette substance fluide et rouge qui gicla et coula le long de son coude, jusqu’à goutter sur le carrelage clair de l’endroit.
Elle était restée muette par l’effroi qui l’avait envahie à la vue de ce qui lui arrivait.
Elle aurait voulu crier, mais elle espérait encore que ce ne soit qu’un mauvais rêve duquel elle se réveillerait, peut-être même que ce nétait pas elle qui était à cet endroit.
La douleur qui ne parvint à son cerveau qu’un instant après, la fit douter de la véracité de ce moment pendant quelques minutes.
Malheureusement pour elle, c’était réel, et elle recula encore un peu plus, observant ses mains et ses avant-bras en lambeaux. Elle était presque rassurée que le sang en recouvrait une partie, pour qu’elle ne puisse pas voir la profondeur de ses cicatrices.
Elle recula encore, oubliant qu’elle était au rebord du point d’eau.
Elle tomba à la renverse, c’était trop tard.
Au contact de l’eau, la douleur était encore plus intense, et elle chercha à se sortir au plus vite de cette situation, serrant les dents et avec les larmes aux yeux.
Elle sentit une onde de choc près d’elle, puis une main qui lui attrapa la tête pour la maintenir sous l’eau.
Elle pensait son heure venue, mais au bout de plusieurs secondes, elle put remonter son visage hors de l’eau pour reprendre sa respiration, à peine le temps de prendre une bouchée d’air, que la force la replongeait sous l’eau.
Cela recommença plusieurs fois, elle essaya de caler sa respiration au bon moment, mais au bout du compte, elle finit par abandonner cette lutte.
C’était de la torture, elle aurait préféré qu’on en finisse avec elle de manière plus directe.

Puis, ce manège s’interrompit.
Elle fut amenée en dehors du bassin et elle sentit le carrelage froid et dur au contact de ses os, de sa peau.
Elle avait les yeux fermés, le souffle encore court, elle profitait de pouvoir respirer en ne sachant pas quand on l’en empêcherait à nouveau.
Et elle entrouvit les yeux pour voir de manière floue la surface des carreaux autour d’elle, se teinter d’un rose de plus en plus foncé qui s’écoulait de ses mains.
La vue de sa peau humide fripée qui avait été coupée lui glaça le dos. L’horreur de cette vision fut de trop, l’accumulation de la fatigue et le jeu avec sa respiration lui fit perdre connaissance.
Elle entendit au loin une voix, qui lui semblait familière, deux voix semblaient se répondre.
Encore en cet instant, elle espérait qu’on la réveille d’un long cauchemar.

*

Une servante avait entendu du bruit et s’était approchée dans la salle des bassins.
Restant prudante, elle avait regardé la scène de loin, croyant juste assister à une dispute, lorsqu’elle vit le couteau et le sang teinter le sol, elle sut qu’il se passait quelque chose de pas normal.
Elle paniqua et courut dans le sens inverse pour prévenir quelqu’un qui serait en mesure d’intervenir.
Elle eut un instant d’hésitation, elle craignait de déranger le maître des lieux pour une broutille, et se décida à aller voir une des combattantes en qui elle pouvait avoir confiance.
Elle se précipita devant sa chambre et tambourrina sa porte, avant qu’elle ouvre non-contente.

— Hé ho, ça suffit tout ce boucan ? Vous savez il est quelle heure ?!
— Je- oui, il se passe quelque chose dans la salle des bassins-
— Comment ça… ?
— J’y ai vu du sang ! C’est urgent !
— Q-quoi ?

*

— Pourquoi tu n’es pas directement allée prévenir le maître ?!
Demanda la jeune femme.

Pressée par le temps et l’urgence de la situation, elle soupira et pris les devants.

— Va prévenir le maître, je vais voir ce qu’il se passe en bas. Dis lui que c’est moi qui t’envoie, j’en prends la responsabilité.
Finit-elle par dire, en se précipitant à l’étage inférieur.

Plusieurs questions lui vinrent à l’esprit : quelle heure était-il, et que se passait-il pour qu’il y ait du sang. Elle craignait le pire et essayait d’envisager toutes les éventualités. Etait-ce une querelle qui était en train de mal tourner ?
Peu importe, il fallait qu’elle tire ça au clair et qu’elle intervienne pour limiter l’ampleur des dégâts.
Elle était déà en train de râler intérieurement exaspérée de devoir s’occuper de ce genre de conflits.
Lorsqu’elle arriva sur place, elle se demanda si c’était la mauvaise semaine d’une des filles, mais en voyant les taches de rouge diluées à quelques endroits, son trait d’humour disparut lorsqu’elle reconnut une des deux protagonistes allongée sur le sol.
Elle se figea et observa son adversaire.

— Ah, vous êtes là. Ne me remerciez pas, je me suis occupée d’elle comme il se doit, elle ne vous causera plus aucun problème.

La voix de la personne était beaucoup trop douce et calme pour quelqu’un qui venait de faire ça.
La garde ne sut pas comment réagir. Elle ne comprenait pas ce que les mots voulaient dire et elle comprit assez vite que cela était étrange, qu’elle devait prendre ses précautions.

— Comment ça… ? Qu’avez vous fait… ?
— Et bien. Je l’ai mise hors d’état de nuire. Tout simplement. Je sais que c’est une espionne et qu’elle vous faisait du chantage, vous n’avez pas besoin de me le cacher. Je suis au courant. Comme vous ne pouviez pas intervenir, j’ai pris cette responsabilité. C’est absolument normal et c’était mon devoir, ne soyez pas aussi surprise. Je suis sure que maître Gabriel sera fier de moi et me remerciera comme il se doit. Il me remarquera enfin.
— Qui… ? Qui t’a dit tout ça… ?

Elle s’approcha du corps d’Alexandra et vérifia si elle était encore vivante, elle l’espérait du fond de son coeur, et elle put reprendre sa respiration lorsqu’elle sentit, même faiblement, les battements de son coeur.
Cela ne sembla pas alerter la servante qui continuait à parler, et expliquer fièrement sa démarche.

— Personne, je l’ai deviné ! C’était trop louche que vous l’autorisiez à rester ici, parmi nous, et c’était évident qu’il y avait anguille sous roche ! Je suis une servante mais j’observe ce qui se passe dans le château !

La garde essayait de trouver les bons mots pour ne pas brusquer l’employée et surtout, elle avait senti qu’elle pouvait être dangereuse, et elle n’avait pas de temps à perdre. Alexandra avait besoin de soin, et maintenant.
Comment réagirait son interlocutrice si elle se mettait à porter le corps d’Alexandra pour l’emmener ailleurs ?
Elle tenta quelque chose, de lui expliquer sans briser sa vérité.

— Ecoutez moi… on va avoir des problèmes si elle reste ici…
— Non non, vous n’aurez pas de problème si vous dites que c’est moi qui ai tout fait !
— Ce n’est pas comme cela que ça se passe…

Alors qu’elle essayait de débattre, tout en étant aux côtés d’Alexandra, à vérifier qu’elle respirait encore, Gabriel arriva et s’arrêta à quelques mètres pour observer l’état des lieux et d’Alexandra, inconsciente et baignant en partie dans son sang.
Son regard alla de la combattante à la servante qui lui souriait.

— Monsieur Gabriel… vous êtes venus en personne…
Dit la servante, émue qu’il l’honore de sa présence.

— Il va falloir m’expliquer ce qu’il s’est pasé ici…
Dit-il de sa voix imposante et sans aucune émotion.

Il jeta un regard à sa garde qui lui rendit une expression complice et elle prit délicatement le corps d’Alexandra pour l’emmener au plus vite à l’infirmerie.
La servante ne réagit pas plus, trop obnibulée par l’homme qu’elle respectait.

— Bien sûr, je vais tout vous raconter très cher maître.
Elle s’excécuta avec plaisir et lui conta ses faits et gestes.

Gabriel l’écouta attentivement et l’approcha pour la rendre inconsciente sur le coup. Il comprit qu’elle avait perdu la tête, qu’elle pensait faire le bien mais ce n’était pas le cas.
Il l’emmena en cellule et l’y enferma jusqu’à nouvel ordre.
Il s’en voulait.
C’était de sa faute si elle sétait méprise, c’est parce qu’il n’avait pas voulu ébruiter la vraie identité d’Alexandra et les rumeurs allaient bon train.
Il devait réfléchir au sort de cette servante, mais plus tard. Ce qui l’importait à cet instant était de savoir l’état de son invitée.
Il était en train de se dire que son père allait l’incendier lorsqu’il apprendrait ce qu’il venait de se passer.
Il se dirigea vers l’infirmerie et heureusement que sa médecin en chef était toujours opérationnelle.

Alexandra était allongée sur une table d’opération, son haut trop grand qui lui servait de pyjama était trempé et lui collait à la peau, la garde qui l’avait portée avait également été un peu mouillée.
La médecin avait tiré les rideaux qui étaient autour pour ne pas être dérangée ni exposer aux yeux de tous l’intimité de la patiente, elle avait dû couper le tissu du vêtement pour le retirer et le jeter, et observer si elle n’était pas blessée ailleurs.
Après l’oscultation rapide, elle s’atela à recoudre les plaies béantes, puis nettoyer la peau et appliquer les bandages sur l’ensemble des avant-bras et des mains.
Elle avait mis la jeune enfant sous anesthésie légère et après avoir nettoyé et séché rapidement son corps, elle lui avait enfilé une tenue de patient pour qu’elle ne soit pas nue.
Elle la transporta à un vrai lit et termina l’installation plus précise.

Lorsque Gabriel arriva, Chrystal n’avait pas encore fini et il ne pouvait qu’attendre avec sa garde qui n’en savait pas plus que lui.

— La servante… elle… ?
Demanda timidement la garde, pour faire la conversation.

— Elle a perdu l’esprit… je l’ai mise en cellule en attendant de prendre une décision sur ses actes… Comment va Alexqndra… ?
— Aucune idée… elle respirait encore, mais c’était très faible. Chrystal s’en occupe… qu’est-ce qui va se passer… ?
— Oh, ça… son père va me tuer, je pense… je n’ai pas été assez vigilant… je ne pensais pas que le danger viendrait de ma propre maison… je peux dire adieu aux relations cordiales avec leur famille…

Gabriel essaya de garder le sourire et de blaguer avec ce qui venait de se passer mais la garde voyait bien qu’il avait du mal à maintenir une expression agréable.
La médecin sortit de derrière les rideaux et vint voir Gabriel.
Elle lui expliqua la situation d’Alexandra et le rassura sur le fait qu’elle était en vie et qu’elle ne risquait plus rien.
Il lui expliqua les détails sur ce que la servante avait fait et la médecin acquiesça sans un mot.
Gabriel lui demanda d’installer Alexandra dans sa chambre personnelle pour qu’elle dispose d’une meilleure protection, et qu’elle n’attire pas plus de représailles dans l’infirmerie.

*

Elle avait repris connaissance au fond d’un lit et d’une pièce qu elle ne connaissait pas.
Elle crut tout d’abord qu’elle était morte mais les sensations désagréables dans ses extremités, lui fit prendre conscience qu’elle était encore en vie.
Elle ouvrit péniblement les yeux et elle remarqua qu’on l’avait mise sous respirateur.
Elle tenta de retirer le masque et lorsqu’elle vit les bandages recouvrant ses bras et ses mains, elle se rappela ce qu’elle avait subi.
Elle laissa le masque sur son visage et sa respiration s’accéléra. Elle était en train d’hyperventiler.
Où était-elle maintenant ? Où était la servante ? Etait-elle hors de danger ? Est-ce que quelque chose d’autre l’attendait ?
Elle essaya de se calmer petit à petit.
L’appareil à côté d’elle se mit à produire un bip régulier, et au bout de plusieurs minutes, quelqu’un franchi la porte de la pièce.
On vint la voir.
Une femme blonde avec une blouse l’approcha et vérifia les informations sur l’écran de l’appareil.
Elle lui sourit gentiment et lui posa quelques questions.

— Tu ne crains rien, tu es en sécurité ici. Comment te sens-tu… ?

Alexandra était encore déboussolée et avait encore plus de mal à faire confiance à la médecin.

— Tu devrais cicatriser d’ici quelques jours, si tu te reposes convenablement. Tu te souviens de ce qui s’est passé… ?

Elle acquiesça lentement de la tête. La jeune femme lui sourit aussitôt.

— Je pense que tu n’as plus besoin de l’appareil, je vais te retirer le masque. Ne bouge pas d’ici, le maître ne devrait pas tarder à venir pour t’en parler.

Elle debrancha la prise et retira délicatement le masque et s’en alla en prenant soin de fermer la porte derrière elle.
Après son départ, Alexandra regarda autour d’elle pour observer dans quel genre de chambre elle était.
Le calme était revenu, le bip incessant n’était plus et ses yeux s’arrêtèrent sur les détails de décoration de cette pièce.
La porte s’ouvrit une nouvelle fois, ce qui la fit presque sursauter.
Gabriel la salua brièvement et commença par lui expliquer la situation.

— Chrystal m’a prévenu que tu étais réveillée… je voulais tout d’abord m’excuser pour ce qui t’es arrivée. J’en prends l’entière responsabilité et j’ai aucune excuse. La servante qui t’a agressée est en cellule actuellement, tu n’as rien à craindre ici. Tu es dans ma chambre personnelle, c’est la pièce la plus sécurisée du château. Je sais exactement qui y rentre et seulement les personnes autorisées peuvent y pénétrer. Tu devras rester ici jusqu’à la fin de ton séjour, je le crains. C’est pour ta sécurité. Et j’aurais un autre sujet à aborder avec toi… je souhaiterais que tu oublies ce que je t’ai proposée à ton arrivée. Je me suis rendu compte à quel point il était stupide de ma part de te faire cette proposition absurde. Je te prie de m’excuser et de ne plus y penser. Tu es ici sous ma protection jusqu’à ce que ton père ait fini ce qu’il doit faire. Rien de plus, rien de moins. Si on pouvait rester en bons termes en tant qu’alliés, cela ne serait pas de refus, mais avec ce qui vient de se passer, j’ai bien peur que ton père ne me le pardonne pas.

Alexandra écouta sans oser s’exprimer.
Elle avait eu si peur et elle s’en voulait tellement d’avoir mal jugé ce personnage. Elle avait été bouleversée par l’intervention de la servante et elle voulait juste s’excuser de lui avoir parlé sur un ton désagréable et impoli. Si elle n’avait pas eu cette attitude à son arrivée, peut-être que tout cela ne serait pas arrivé.
Elle se rendit compte à quel point elle était vulnérable.

— Je… je vous demande pardon, de m’être mal comportée… je… je ne sais pas quoi dire de plus… je crois que j’ai de quoi réfléchir dans mon état actuel… je tâcherai de ne pas faire de vagues jusqu’à mon départ…

Elle en avait les larmes aux yeux.

— Ce n’est pas à toi de t’excuser. Je reconnais avoir eu une attitude excécrable et qui ne me ressemble pas. Repartons sur des bases saines, veux-tu ? Il était idiot de ma part de te forcer à m’épouser. Pardonne le vieil homme que je suis.

Ses mots lui arrachèrent un petit sourire, et elle hocha la tête.

— Repose toi bien. J’ai bien peur que tu devras rester dans cette chambre jusqu’à nouvel ordre. Il y a une salle de bain et des toilettes juste à côté, tu ne devrais manquer de rien. On t’apportera tes repas directement jusqu’ici. Je vais te laisser tranquille. N’hésite pas à dire si tu as besoin de quelque chose en particulier, les personnes autorisées à venir te rendre visite s’en occuperont sans problème. Sur ce, je dois y aller.

Il ne l’approcha pas plus, et après un bref signe de la main, il s’en alla.

Le reste du séjour se passa sans encombre.
Le jour du départ. Alexandra était déjà sur pieds, mis à part les bandages sur ses mains.
Elle avait eu le temps d’observer ce qu’il se passait dans le château par la fenêtre de Gabriel.
Elle ne l’avait pas recroisé depuis qu’il était venu lui expliquer la situation. Il l’avait bel et bien laissée tranquille, ce qui la fit réfléchir sur son fond. Il n’était peut-être pas si mauvais comme personne.
On vint la chercher et elle fut amenée auprès de Gabriel qui était en train de recevoir le père d’Alexandra.

— Mais… que t’est-il arrivé aux mains ?!
Demanda son père paniqué.

Elle cacha frénétiquement ses bandages derrière son dos et afficha un sourire crispé à son père.

— Je voulais justement m’excuser-
Commença Gabriel, mais Alexandra lui coupa la parole.

— C’est de ma faute papa… j’ai voulu m’exercer un peu trop sur le terrain d’entraînement… et je me suis blessée comme une idiote.

*

Gabriel s’était excusé et avait renoncé à épouser Alexandra à but politique.
Alexandra avait changé ‘avis sur ce personnage qu’elle trouvait insupportable, et commençait par comprendre pourquoi ses employés lui juraient fidélité.
Pour également se faire pardonner de l’avoir jugé trop vite, elle mentit à son pere et lui cacha l’incident qui avait eu lieu au sujet de l’agression qu’elle avait subi.
Son père ne semblait pas convaincu mais il accepta son explication au sujet de ses blessures.

En arrivant chez eux, Alexandra avoua la vérité à son père, elle lui fit promettre de ne pas se fâcher et de laisser Gabriel en dehors de cela.
Il avait finalement tiré un trait sur leur alliance et son idée de mariage forcé et elle voulait s’en tenir a cela.
Cela ne leur apporterait rien de faire des vagues sur cette agression.
Elle expliqua à son père qu’on prit soin d’elle et qu’au final, elle avait appris beaucoup de choses, et qu’elle avait même pu s’entraîner et progresser un peu au combat.

Elle se jura de devenir plus forte.

*

Elle était sur le terrain et elle échangeait des coups avec sa partenaire lorsque Gabriel passa les voir et s’arrêta pour les observer.
Les autres combattants l’avaient remarqué et s’étaient arrêtés pour attendre des ordres, mais il leur indiqua d’un seul geste de continuer et de faire comme s’il n’était pas là.
Il regardait attentivement Alexandra et la manière dont elle se battait.
Elle ne se débrouillait pas trop mal mais Gabriel remarquait toute son manque d’expérience, cela lui décrocha un rictus.
Il entendait Alexandra rouspéter et cracher sa haine envers lui, elle lui faisait dos et elle ne l’avait pas encore remarqué.
Sa partenaire était terriblement gênée mais continuait de parer les coups d’Alexandra.
Puis Alexandra finit par voir l’expression sur le visage de son amie et se dit que quelque chose n’allait pas.

Elle se retourna et vit Gabriel, les bras croisés, amusé par ce qu’il venait de voir.
Elle fut tout d’abord embarrassée puis la colère l’envahit. Il se moquait d’elle.
Gabriel vit sa réaction et sauta sur l’occasion pour lui donner une petite leçon et des conseils.
C’était une tête brûlée et il se dit que cela ne lui ferait pas de mal de s’amuser un peu en lui rappelant qui était aux commandes.
Il dit à sa garde de s’éloigner et il s’approcha d’Alexandra, la surplombant de sa carrure.
Il se tint en position de combat et la provoqua pour qu’elle vienne l’engager.
Alexandra ne refusa pas cette invitation, elle se tint également en position et s’apprêta à le frapper.
Il évita la plupart des attaques et en parra le reste.
Alexandra bouillonait de rage et commençait à se sentir impuissante.

— C’est tout ce que tu as dans le ventre ? Tu ne voulais pas me faire mordre la poussière ?
Dit-il pour la pousser à bouts.

Elle ne répondit pas et se recula pour reprendre sa respiration et son énergie.

— À mon tour, maintenant.
Dit-il après lui avoir laissé à peine une minute de répit.

Il fonça sur elle en un rien de temps et la frappa sur sa défense.
La différence de force était telle qu’elle avait les bras qui tremblaient, même en position de défense.
Il faisait exprès de la frapper que sur sa garde pour lui montrer qu’ils ne jouaient pas dans la même cour.
Il pouvait lui faire mal s’il se battait à la régulière.
Il l’accula jusqu’à un pillier.
Elle baissa les bras, ils étaient engourdis et elle les massa pour vérifier qu’ils n’étaient pas cassés.
Elle n’osa pas le regarder dans les yeux, le visage baissé.

— Tu n’as même pas le niveau pour te protéger convenablement. Entraine toi sérieusement avant de chercher à me faire mordre la poussière, gamine.

Il s’en alla sans demander son reste, sans la moindre fatigue ni transpiration.

— Ca va… ? Tu ne sais pas la chance que tu as d’avoir pu te mesurer à lui ! Il s’entraîne rarement avec des gens.

Sa partenaire acourut vers elle pour vérifier qu’elle allait bien, mais semblait encore en effervescence d’avoir pu voir Gabriel se battre de manière succincte.

— Ouais ouais…

Alexandra répondit mais remarqua que son interlocutrice ne prêtait pas plus attention à ce qu’elle disait. Son égo venait de prendre un énorme coup et elle essaya de retourner s’entraîner en évitant les regards des autres combattants.
Elle ne savait pas s’ils étaient jaloux d’elle, ou s’ils se moquaient d’elle parce que Gabriel lui avait donné une bonne leçon.

2021.09.16

Rencontre forcée

La première fois qu’Alexandra rencontra Gabriel, elle était en convalescence et elle venait de se faite kidnapper sans le savoir.
Méfiante, elle ne fit pas confiance en cet inconnu qui avait l’âge de son père, voire plus.

Gabriel voulait l’épouser pour des raisons d’ordre matérielles et administratives. Cela ferait bien sur le papier et de plus, ses gènes étaient intéressants pour sa descendance. Il ne se souciait pas de son bonheur. Il ne pensait qu’à lui et son propre intérêt.
Il avait été abusé par ses précédentes relations et il avait perdu confiance dans les personnes.
Il allait l’utiliser sans scrupule, parce que c’était ainsi que la vie était, il s’en était convaincu.
Lorsqu’il la rencontra pour la première fois, il fut frappé par son âge. Il savait qu’elle était jeune mais la voir en vrai, devant lui, lui fit prendre conscience de cela encore plus.
Il hésita. elle était en âge de procréer mais il savait qu’il allait blesser une enfant innocente. Il eut un instant de la considération pour cette jeune fille. N’était-il pas en train de faire une erreur ?
C’était trop tard, il l’avait enlevée. Le prétexte officiel était pour la protéger mais c’était pour créer l’occasion de rencontrer son père, qu’ils se sentent redevables et qu’il le force à lui accorder la main de sa fille.
C’était une alliance intéressante pour les deux partis, mais surtout pour lui.

Elle était encore endormie. Ses hommes de main l’avaient couchée dans la chambre qui lui avait été préparée, et il était allé voir par lui-même comment elle se portait. Ses espions lui avaient rapporté les évènements qu’elle avait traversé.
Elle avait été blessée gravement et elle était encore en convalescence. Elle était dans un état tellement faible que le trajet de chez elle jusqu’ici, ne l’avait même pas réveillée.

Il était resté à l’observer un peu trop longtemps qu’il ne l’aurait cru. Perdu dans ses pensées.
C’était donc elle, la fille du seigneur d’à côté.
Elle était effectivement jeune, mais il ne devait pas hésiter pour consolider son domaine. C’était le plus important et peu importe si elle devait en pâtir.
Même s’il devait l’utiliser, il se fit le serment de faire en sorte qu’elle ne manque de rien.
Il s’en alla et la laisser se reposer.
Lui qui avait eu l’expérience de femmes vénales, il crut à tort qu’elle avait les mêmes intérêts, et il la combla de cadeaux somptueux, de robes et de bijoux, pour qu’elle s’intéresse à lui et pour la garder sous son emprise.
Il fut surpris et désorienté lorsqu’elle refusa ses présents en bloc et ne sembla pas plus intéressée par sa richesse.
Il était vrai q’elle était du même rang que lui, mais ce n’était pas cela qui la préoccupait.
Il avait vu qu’elle n’était pas du genre à se laisser faire ni se laisser battre.
Cela l’amusa de la voir tenter de s’enfuir lorsqu’elle se réveilla. Elle s’était déjouée de la surveillance d’une servante pour se retrouver ensuite sur le terrain d’entraînement de ses hommes de main.

*

Elle avait assommé la servante qui était venue prendre soin d’elle, elle s’était excusée mais cet endroit lui semblait trop louche. Quelque chose clochait et cela ne lui plaisait pas. Elle avait déshabillé la pauvre inconsciente pour se vêtir elle-même de son uniforme de servante et passer inaperçue.
La servante avait été couchée à sa place, dans le lit.
En déambulant dans les couloirs, dans cet uniforme d’employée de maison, elle en profita pour visiter et trouver des indices sur où elle était.

— Ce n’est pas possible… je dois être en train de rêver… ? J’étais chez moi… et je me retrouve ici… où est mon père… ? Et Chris… ? Est-ce que c’est une mauvaise blague… ?
Se demandait-elle, en essayant de garder son sang froid et de se comporter comme une employée.

Elle cherchait la sortie.
Manque de chance ou tout à fait normal, une autre servante l’interpela.

— Hé, tu es nouvelle ? Je ne t’ai jamais vue par ici… ?
Demanda une servante qui avait l’air suspicieuse.

— Euh… oui… je-je me suis un peu perdue… le manoir est tellement grand que…
Bafouilla t-elle, en baissant la tête, et tentant de cacher son visage avec ses cheveux.

— Hm… c’est vrai qu’on peut vite être impressionné par la taille de la bâtisse… on ne m’avait pas prévenue qu’on aurait une nouvelle tête par ici, suis moi, je vais te guider vers la bonne aile. Ici, c’est plutôt les quartiers importants et si jamais le maître te trouve à fouiner par là, cela risque de se gâter pour toi. Ca serait dommage de te faire congédier dès le premier jour, hein ?

— O-oui…
Répondit-elle en tachant de suivre la servante.

Elle se demandait comment faire pour s’éclipser sans éveiller ses soupcons, parce que son déguisement n’allait pas faire long feu.
Arrivées à destination.

— Hm… attends moi, je vais demander si on a des consignes pour toi.

— D’accord…
Répondit-elle en essayant de paraître obéissante.

Aussitôt la servante partie, elle essaya de trouver une échappatoire.
La seule porte de sortie était la fenêtre et elle n’eut pas d’autre choix que de passer par là.
La fenêtre refermée derrière elle, elle essaya de faire le moins de bruit possible.
Elle devait partir au plus vite.
Elle se retrouva dehors et les arbres entouraient le château mais il y avait une cour fermée et des remparts.
Des buissons étaient près des murs et elle essaya de les utiliser comme cachette tout en longeant les murs pour trouver une véritable sortie
Elle n’était pas enétat de grimper par dessus les remparts. Surtout pas avec une robe.
Elle vit des combattants s’entraîner au loin et elle pensa qu’elle pourrait les ignorer et passer inaperçue si elle passait près d’eux dans cet accoutrement.
Elle se redressa et essaya de marcher normalment jusqu’à atteindre l’autre bout et tenter de continuer à chercher la sortie.
Malheureusement pour elle, un des hommes qui l’avait enlevée était là et il crut la reconnaître.
Lorsqu’il la vit, il eut un doute et l’interpela.
Elle avait baissé la tête et s’était arrêtée en espérant qu’il lui dise qu’elle pouvait continuer son chemin, mais il commença à s’approcher d’elle.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Tu t’intéresses aux servantes maintenant ?
S’était moqué un de ses camarades.

Il était trop intrigué pour se laisser provoquer.

— Je n’ai pas souvenir de l’avoir déjà vue au château…
— Parce que tu te souviens de toutes les servantes qui travaillent ici… ?!
— Evidemment.

Elle avait entendu ces mots et elle commençait à paniquer, elle allait être démasquée si elle continuait à ne rien faire. L’autre servante n’était pas loin et risquait d’apparaître à tout moment.
Elle hésitait à bouger et se mettre à courir dans l’espoir que la sortie soit juste à côté.
Pendant tout ce temps Gabriel, il avait regardé le déroulement d’un air curieux et amusé. Il savait que la sortie et l’entrée était bien gardée et q’il ne risquait rien. Mais la voir essayer de s’enfuir était divertissant.
Une voix s’éleva.

— Hé, toi là !

La servante juste avant venait de la retrouver, elle la pointa du doigt. Après avoir vu les autres combattants, elle s’adressa à eux.

—Ne la laissez pas partir !

Alexandra paniqua et au son du premier appel, elle avait déjà décié de s’enfuir et elle s’était mise à courir.
Lorsque la servante prononça la seconde phrase, elle avait déjà parcouru une grande distance.
Elle profita de l’effet de surprise qui attira l’attention des autres combattants, pour s’en aller.
Ce fut quelques secondes précieuses, mais pas assez suffisantes.
Celui qui la reconnut s’interposa pour la voir de plus près.
Lorsqu’il comprit qui elle était, il fut trop surpris pour réagir et elle en tira profit pour se dégager et le contourner.
Les autres tentèrent de l’arrêter mais elle réussit à se défendre, en évitant et esquivant certaines prises, puis malgré sa robe, elle réussit à faire tomber quelques personnes.
Ils l’avaient sous-estimée.
Puis une d’entre eux qui l’avait bien observée, remarqua qu’elle se tenait avec des positions de combat, même à mains nues. Alors elle ne chercha pas à juste l’attraper, mais à lui porter un coup, même plusieurs, pour la maîtriser.

— Qui es-tu… ?
Demanda la combattante.

Elle ne répondit pas.
Elles s’échangèrent des coups mais Alexandra se sentit faiblir, elle n’avait rien mangé, et son corps était encore en convalescence, elle allait perdre et elle le savait, il fallait qu’elle écourte ce combat et qu’elle s’en aille vite.
Le souffle un peu plus court.
L’homme continuait à l’observer et était toujours choqué de la voir debout et s’animer.
Ses coups étaient de plus en plus faibles et la combattante prenait progressivement le dessus.

— Attrapez la mais ne la blessez pas !
Cria t-il, après être sorti de sa torpeur.

Ce fut suffisant pour attirer l’attention de la combattante et dévier sa concentration juste une seconde.
Alexandra en profita pour saisir sa chance et s’enfuir, elle courut dans la direction opposée, longer le mur et peut-être pouvoir s’échapper.
Sa vue se troublait, elle ne savait plus si c’était l’émotion, la fatigue, l’effort, un mélange de tout cela.
Elle essayait de reprendre sa respiration.
Le battement de son coeur résonnait dans ses oreilles et elle ne pouvait pas savoir si on la poursuivait, elle ne pouvait pas entendre le bruit des pas de ses poursuivants, si elle en avait.
Elle courut de toutes ses forces sans se retourner.
Priant son corps de ne pas lui faire faux-bond, mais c’était être trop positive, sa respiration était trop saccadée, forte, elle n’arrivait plus à avoir sssez d’air dans ses poumons.
Elle ralentit et quelqu’un l’attrapa avant qu’elle ne perde connaissance.
Elle aurait espéré que cela soit un cauchemar.

Ce fut le combattant qui l’avait reconnue, qui fut celui qui put l’attraper, il l’avait suivie et attendait qu’elle s’épuise pour la calmer et espérer l’attraper sans qu’elle ne se débatte.
Il ne s’était pas douté qu’elle puisse se défendre. Lorsqu’il l’avait enlevée, elle était endormie et profondément.
Il ne s’attendait pas non plus à ce qu’elle s’écroule de tout son poids.

— Hé, calme toi ! Nous ne te voulons aucun mal !
Avait-il essayé de lui dire, mais elle n’était plus en mesure de l’écouter.

— Merde !
S’était-il écrié, lorsqu’il vit que l’uniforme qu’elle était en train de porter, se teintait légèrement de rouge.

La combattante qui les avait suivi vit la scène et leva ses mains en guise de défense.

— Ce n’est pas moi, je n’ai pas utilisé d’arme.
Dit-elle, en montrant ses paumes vides.

— Je te crois. Je pense que c’est sa plaie qui s’est réouverte… je vais l’emmener tout de suite à l’infirmerie.
— Comment ça… ? Qui c’est ? Elle est blessée ?

— … Longue histoire, si t’es curieuse, accompagne moi.
Soupira t-il en soulevant le corps de la jeune fille.

Il fut à peine surpris lorsqu’il vit le maître s’avancer vers lui.
Il avait observé la scène de plus loin et venait s’enquérir de la situation. Cela l’avait inquièté qu’elle soit dans cet état, même si cela était divertissant de voir ses employés paniqués pendant un court instant.
Il ne s’interposa pas tout de suite et laissa son homme de main l’amener d’abord à l’infirmerie, avant de l’interroger.

— Monsieur… je suis confus, j’ignore comment mais elle a réussit à…
— Je suis au courant. Comment va t-elle ?

Il coupa le jeune homme pour lui dire qu’il savait et qu’il s’inquiétait plus de son état à elle.

— Je crains que sa blessure ne se soit réouverte…

Elle rouvrit les yeux dans un autre endroit, ignorant toujours où elle se trouvait, ne connaissant personne autour d’elle, elle commença à se demander si elle n’était pas en train de perdre la tête.
Cette fois-ci, on l’avait attachée au lit.
Une personne en blouse blanche vint la voir.

— Vous êtes réveillée ? Comment vous sentez-vous ? Votre blessure n’était vraiment pas belle à voir…

Une femme blonde à la peau blanche lui tint ces mots et continua à l’observer pour jauger sa réaction.
Alexandra préféra garder le silence pour l’instant, elle se réveillait tout doucement et la tête tournait encore un peu, et remarqua les liens et qu’elle ne pouvait pas se mouvoir. Elle tenta de se lever mais sans succès. Les sangles qui l’attachaient au lit étaient solides.

— Simple mesure de précaution. C’est pour votre bien, reposez vous. Laissez vous le temps de cicatriser. On m’a prévenue que vous n’étiez pas spécialement coopérative, non plus…
— Où suis-je… ? Qui êtes-vous… ? Que me voulez-vous… ?!
— Cela fait beaucoup de questions. Je laisserai le maître des lieux répondre à ma place. D’ici là, guérissez pour être sur pieds, et le rencontrer de manière officielle.

Après avoir vérifié d’autres détails, la blonde s’en alla, laissant Alexandra seule avec son incapacité à se libérer.
Elle poussa un râle et s’avoua vaincue. Elle devait effectivement prendre du temps pour cicatriser et on l’y forçait.
Elle sentait la douleur vive au niveau de son abdomen, elle avait déconné.

L’infirmière en discuta avec Gabriel qui était dans la pièce à côté.

— Son état est stable, elle va bien mais elle a beaucoup de questions. Moi aussi, d’ailleurs. Comment elle s’est faite cette blessure ? La cicatrisation est beaucoup plus lente que la normale.
— Aucune idée, certainement au cours de l’attaque chez son père.

*

Lorsqu’elle put être libérée de son lit et qu’on la fit promettre de ne pas s’échapper à nouveau.
L’homme de main était présent et se tenait prêt à intervenir si jamais elle tentait quelque chose.
Il lui attacha les mains dans le dos, par sécurité et l’amena dans le bureau du maître.
On lui avait fourni une tenue présentable mais qui n’était pas à son goût.
Elle avait fait la moue lorsqu’elle l’avait enfilée.
C’était une robe.
Elle faisait prisonnière ainsi traînée dans les couloirs.
Ses cheveux étaient lâchés et ébouriffés, qui juraient avec sa tenue sobre mais noble.
L’homme la détacha après l’avoir fait entrer dans la pièce où le maître l’attendait, et s’en alla.
Les laissant en tête à tête.
Elle se massa les poignets et observa le bureau dans lequel elle était et ne remarqua qu’après qu’il y avait quelqu’un assis derrière le bureau, qui l’observait d’un air amusé, depuis le début.
C’était un vieil homme débraillé et presque aussi mal coiffé qu’elle, la barbe mal entretenue.
S’il ne portait pas des vêtements propres et qu’il ne se comportait pas comme quelqu’un d’important, elle aurait pu le prendre pour un mendiant.
Elle n’avait pas confiance et resta sur ses gardes, le dévisageant. Elle garda ses distances.
Il se leva et sembla se moquer d’elle, un large sourire sur ses lèvres.

— Je suis content de voir que cette robe te va à ravir. Qu’en penses-tu ?
Lui dit-il, très familier.

Elle fut tellement surprise par sa question qu elle ne sut pas quoi répondre.
Elle s’en fichait et c’était la dernière de ses questions.

— Je la déteste. Qui êtes-vous ? Où suis-je ? Où est mon père ?!
Répondit-elle de manière agressive.

Elle n’aimait pas du tout le personnage qu’elle avait en face d’elle et elle était agacée par le flou dans lequel on l’avait laissée depuis qu’elle s’était réveillée.

— Ah bon… vraiment ? Qu’aimerais-tu porter ? Souhaites-tu une robe plus somptueuse ?

Il faisait exprès d’ignorer ses questions, mais surtout, il était intrigué par son caractère. Cela l’amusait qu’elle soit si farouche et une sorte de curiosité le poussait à voir quelles étaient les limites de cette enfant.
Parce qu’elle était une enfant à ses yeux.

— Pardon ?! Je m’en fiche de vos robes ! C’est quoi cette question ?! Et répondez moi. Tout ce que je veux, c’est rentrer chez moi.

Elle cligna des yeux tellement sa question était déplacée. Elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus mais cela la choquait et l’énervait de savoir qu’il se fichait de ses questions mais qu’il s’intéressait aux genres de robes qu’elle aimerait porter.

— Cela ne t’intéresse pas… ? Et des bijoux. Je peux t’offrir tous les bijoux que tu désires.
— Vous… vous êtes riches, c’est ça ?
— Oui. Très. Ah, c’est vrai. Je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Gabriel, et je suis le propriétaire de ce château, et du domaine qui l’entoure. Sois la bienvenue chez moi, Alexandra.
— C-comment connaissez vous mon prénom… ?!
— Je sais beaucoup de choses sur toi.
— Très bien. Je peux rentrer maintenant ?
— Tu ne t’intéresses pas plus à ma richesse… ?
— Pourquoi je le serais… ? C’est tout ce que vous avez ? Vous n’avez pas l’air de vouloir répondre à mes questions, alors je préfère partir.

Elle essaya de retourner près de la porte et l’ouvrir.

— Reste où tu es. Tu es mon invitée et tu vas rester ici encore un petit moment. Ton père devrait arriver d’ici peu. C’est tout ce que tu voulais savoir, petite ?

Il prit une voix plus sérieuse et autoritaire.
Elle sentit les poils se dresser sur son dos. Elle ne supportait pas le ton qu’il employait.

— Qu’est-ce que je fais ici… ? Et je ne suis pas petite !

Elle serra les dents et les poings.
Le sourire sur le visage de Gabriel s’accentua. C’était trop facile de jouer avec son caractère.

— J’ai ordonné ton enlèvement pour te protéger. Tu n’étais pas en sécurité là où tu étais.

Alexandra ne tenait plus, bouillonnant de rage.
Le mot « enlèvement » lui avait confirmé qu’il n’était pas bienveillant et elle regarda autour d’elle pour attraper n’importe quel objet pour lui jeter dessus.
Tout ce qui pouvait être de valeur était mieux, il y avait quelque chose de suffisant dans cet homme qui la répugnait, qui l’énervait et le rendait détestable.
Elle lui jeta alors des objets pour le tenir à l’écart.
En attendant de trouver une meilleure solution à sa situation, de trouver une échappatoire

— Hé, oh, tu fais quoi là ?! Tu sais quelle est la valeur de ce que tu jettes ?!

Il ne souriait plus et se protégea rapidement des projectiles avec sa main et jetant un sort pour qu’ils ne s’écrasent pas au sol.
Il s’avança vers elle, sans se soucier de ce qu’elle pouvait faire.

— N’approchez pas ! Vieux pervers ! Comment ça, m’enlever ?! Ca va pas la tête ?!
Criait Alexandra, de panique.

Elle recula jusqu’à avoir le dos à la porte.
Il lui attrapa les bras pour l’empêcher de jeter quoi que ce soit d’autre.

— Lâchez moi ! Ne me touchez pas !!!
Se débattait-elle.

— Calme toi, ne saccage pas mon bureau.

La voix de l’homme était posée, calme mais se voulant autoritaire. Maintenant la fillette maîtrisée, son sourire revenait. Il était amusé par sa réaction.
Son quotidien était-il si monotone qu’une enfant puisse le divertir à ce point ?
Se demanda t-il.
Alexandra ne voulait rien entendre.
Il dut la forcer à ne plus bouger.

— Arrête de gigoter, je ne vais rien te faire. Pour l’instant. Et tu risques de réouvrir ta blessure, je te conseillerai de rester sage.
— Comment ça… « pour l’instant » ? Ca ne me rassure pas ! Vous me dégoutez !

— Tu ne cries pas « à l’aide » ou « au secours » ?
Lui demanda t-il, intrigué.

— Non, je sais que je dois compter que sur moi-même. À quoi bon crier des appels à l’aide alors que je sais que personne ne m’aidera… ?!
— C’est vrai. C’est que ca réfléchit là dedans.

Elle essaya de le frapper mais il était beaucoup plus fort qu’elle. Cela la frustrait. Si elle n’avait pas été blessée, peut-être qu’elle aurait pu se défendre. Du moins elle l’espérait, mais ce qu’elle craignait c’est qu il soit plus fort grâce à son âge avancé, et son expérience.
Elle finit par baisser les bras et se laisser maîtrisée.
Il la relâcha alors.
Elle voulut en profiter pour le frapper, juste par fierté, mais son corps lui fit comprendre qu’elle devait se reposer. Au moment où son coup allait être porté, elle ressentit une vive douleur dans son abdomen et elle se crispa. Le souffle court, elle perdit l’équilibre, comme si on venait de lui asséner un violent coup.
Il se tenait prêt à se protéger encore une fois, mais la voyant flanchir, il la rattrapa dans ses bras et soupira.

— Je t’avais dit de te calmer, regarde… repose toi, bon sang. Quelle tête de mule !

Elle n’avait plus d’énergie à revendre, et elle se laissa guider par les bras de cet homme plutôt bien en forme pour son apparence physique.
Elle sentit ses muscles imposants lorsqu’il l’aida et elle fut surprise qu’il la porte aussi facilement.

— Est-ce qu’il faut que je t’amène à l’infirmerie ?

— N-non non non, ça va mieux, je vais juste m’asseoir… vraiment, ça va m-mieux…
Bégaya t-elle, gênée, honteuse.

Elle ne pouvait toujours pas l’encadrer mais il ne semblait pas lui vouloir du mal. Elle restait toutefois méfiante.
Il pouffa de rire et la laissa dans son fauteuil, il l’observa de loin, avec son sourire narquois au coin des lèvres.

— Qu’est-ce qu’il y a ?!
Demanda t-elle agacée, le coeur battant à tout rompre à cause de l’adrénaline et de sa rage.

— Intéressant…
— Qu’est-ce qui est intéressant ?!

— Cette situation. Toi. Que désires-tu vraiment ? La richesse ne semble pas t’amadouer, tu dois bien avoir quelque chose qui te fait envie dans la vie, hm ?
Demanda t-il songeur.

Elle baissa les yeux et répondit au plus profond d’elle-même sans oser le formuler.
Ce qui comptait le plus pour elle, c’était sa famille. Sa mère, son frère. Mais ça, elle ne pouvait pas le dire. Tout ce qui lui restait maintenant, c’était son père. Même s’ils n’étaient pas aussi proches l’un de l’autre, c’était sa seule famille ici. Et Chris. Parce qu’il s’était occupé d’elle et qu’elle tenait à lui.

— Je… je veux rentrer chez moi…
Murmura t-elle, emplie de tristesse.

— Je te propose une vie ici, à mes côtés. Tu ne manqueras de rien, du moins matériellement. Tu ne vas pas rester indéfiniment avec ta famille. Tu es en âge de te marier et de voler de tes propres ailes. Qu’en dis-tu ?
— Hors de question ! Ca va pas la tête ?! Jamais !

Elle ne savait plus quoi répondre mais cette proposition la dégoutait. Rien que d’imaginer rester ici avec ce viel inconnu lui donnait un haut le coeur.

— Je vois que tu n’es pas très coopérative, hm. Je vais te le dire avec moins de pincettes, alors. Vous êtes vulnérables dans votre domaine. Vous vous êtes fait attaquer et vu la facilité que j’ai eu à t’enlever, cela confirme à quel point vous n’êtes pas assez forts seuls. Soyez chanceux que je ne te veuille aucun mal. Je vous propose une alliance en or, si tu m’épouses, nous serions alliés et personne – ou presque – n’osera s’attaquer à nous. Pendant que tu es ici, ton père peut se concentrer sur les défenses sans se soucier de ta sécurité. Je reconnais que ma démarche est un peu cavalière, voire brutale et directe, mais ton père n’aurait jamais accepté de me rencontrer autrement. Il est trop méfiant et je le comprends.

Alexandra resta muette. Ne servait-elle juste qu’à ça ? Un pion qui sert à créer une alliance pour la sécurité de la famille ? Elle ne s’était jamais posée la question sur son avenir. Tous les jours, son quotidien était de s’entraîner et devenir plus forte, apprendre de nouvelles choses sur la gestion administrative. Elle pensait qu’en grandissant elle finirait par aider son père et l’épauler dans son travail. Mais se marier ? Non. Il était bien trop tôt. Surtout pas avec quelqu’un qu’elle n’appréciait pas, surtout pas pour des avantages matériels.
Elle ne savait pas comment son père allait réagir. Allait-il la sacrifier pour le bien commun ? Etait-ce son rôle ?
Elle ne savait plus trop quoi penser.

Il la laissa réfléchir, et quelques minutes après, la porte s’ouvrit avec fracas et le père d’Alexandra entra en trombes.
Il vit sa fille puis regarda Gabriel.
Il s’avança vers Gabriel pour lui donner un coup de poing.
Gabriel se laissa faire.

— Enfoiré, comment oses-tu ?!
Dit Sephyl.

Gabriel se massa la mâchoire et leva ses mains en signe de défense. Il ne comptait pas se battre.
Sephyl, voyant qu’il n’allait pas repliquer, se recula et se précipita vers sa fille. Il s’accroupit auprès d’elle et serra ses mains dans les siennes.
Elle sentit une boule de satisfaction lorsqu’il frappa Gabriel qui fut vite remplacée par d’autres émotions en voyant son père enfin à ses côtés.

— Alexandra… comment tu vas ? Il ne t’a rien fait ? Je suis tellement désolé…
— Papa… ce ‘est pas de ta faute, je vais bien… je…

Elle se mit à pleurer, de joie de revoir son père et d’angoisse de ne pas savoir qu’elle sera sa décision.

— Ne t’inquiète pas, on va rentrer à la maison. Je m’occupe de cet énergumène et-
— Ne soyez pas ridicule.

Gabriel reprit la parole et de son ton grave et posé, il attira l’attention sur lui.

— Pour qui vous prenez-vous ? Nous sommes peut-être voisins mais vous allez trop loin. Comment osez vous enlever ma fille pour me faire du chantage ?!
— Calmez vous. Je vous laisse le choix et je n’ai rien fait de mal. Au contraire, je me suis assuré que votre fille puisse se reposer et être protégée entre mes murs. Réfléchissez un instant. Je vous demande sa main parce que l’alliance qui en résultera sera bénéfique pour nos deux domaines. Soyez plein de gratitude que je ne sois pas mal intentionné. Je reconnais qu’en venir à l’enlever n’était pas très courtois mais je vous démontre que vos défenses ont d’énormes failles. Vous ne pouvez pas la protéger convenablement avec l’attaque que vous venez de subir.
— Il est hors de question que je vous accorde la main de ma fille, surtout pas dans cette situation. Sauf si bien entendu, cela est sa volonté.

Sephyl se tourna vers alexandra qui secoua frénétiquement la tête pour signifier qu’elle n’était absolument pas d’accord.

— Je crois que vous avez votre réponse. Nous rentrons.

Gabriel poussa un long soupir.

— … Je comprends. D’accord, je ne peux pas la forcer à m’épouser. J’admets et je renonce à cette proposition, pour l’instant. Si jamais vous changez d’avis, sachez que la proposition tiendra toujours. Cependant, mes intentions restent bonnes. Je ne peux pas la laisser repartir alors qu’on entre chez vous comme dans du gruyère.
— Comment ça ?!
— Si jamais vous subissez une seconde attaque et que vous mourrez tous. Cela ne m’arrangera pas. Je ne veux pas risquer de perdre son héritage biologique.

— Vous me dégoutez.
Dit-elle, avec toute la rancoeur qu’elle avait.

— Peut-être bien, mais vous savez que j’ai raison. Si dans le meilleur des cas, elle reste en vie mais que vous mourez, cher Sephyl. Qu’adviendra t-il d’elle ? Vous pensez vraiment qu’elle s’en sortirait toute seule ? Ne me faites pas rire.

Sephyl serra les mains de sa fille dans les siennes un peu plus fort.
Il n’avait plus aucune répartie, il savait que Gabriel avait raison mais il ne voulait pas laisser sa fille entre ses griffes.

— Que proposez-vous… ?

Sephyl savait qu’il n’était pas en position de négocier.
Se battre contre lui ? C’était du suicide. Il était venu seul pour ne pas attirer l’attention sur ce voyage mais il savait qu’il était vulnérable.
Gabriel sourit.

— J’ai compris que vous n’étiez pas intéressé par l’alliance, mais je suis de bonne foi. Laissez Alexandra ici jusqu’à son rétablissement et que vous renforciez vos défenses chez vous. Vous avez ma parole que je ne lui ferai rien de mal, ni ne la forcerait à quoi que soit. À part se reposer, bien entendu. Je ne suis pas un monstre.
— C’est tout ? Vous n’allez pas nous demander quelque chose en retour ?
— Votre confiance en mes actions ? Si nous pouvions rester en bons termes, cela serait dans notre intérêt, à tous les deux. C’est dommage que l’union ne vous intéresse pas, mais je ne vais pas baisser les bras. Je reste persuadé que c’est la meilleure décision qu’elle puisse prendre.

— Alexandra… qu’en penses-tu… ?
— Papa… je…
— Je sais que je te demande beaucoup… même si je ne lui fais pas confiance, il a raison… et je sais que je ne suis pas capable de te protéger en ce moment.
— Je suis désolée… d’être aussi faible…
— Non, ne le sois pas, tu as très bien combattu, il faut te reposer maintenant, tu feras de ton mieux la prochaine fois, j’en suis certain.
— Et Chris… comment il va ?
— Bien. Il est en soin mais il va bien, ne t’en fais pas. Il sera vite sur pieds. On prend soin de lui.
— … Je crois qu’on a pas vraiment le choix, n’est-ce pas… ? Je vais rester encore un peu ici…
— Je suis désolé, Alexandra.
— Non… ce n’est rien, je ferai attention à moi, promis.
— On fera de notre mieux pour réparer le domaine et je reviendrai te chercher aussi vite que possible. Je te le promets.
— Je peux aussi la déposer.

La voix de Gabriel vint les interrompre sans aucune gêne.
Ils se retournèrent vers lui en le dévisageant et Sephyl embrassa le front de sa fille après s’être relevé.

— Je ne vous fais pas confiance, mais j’espère que vous tiendrez votre parole.
— Je suis un homme de parole.

Sephyl se dirigea vers Gabriel pour lui serrer la main.
Il sourit et acquiesça.

— Je vous souhaite bon retour.

Alexandra put se lever et prendre son père dans ses bras. Il put voir qu’elle était affaiblie et se tourna vers Gabriel, qui haussa les épaules.

— Je n’y suis pour rien, elle passe son temps à forcer sur son corps en convalescence.

*

— Ne t’inquiète pas, tu reverras ton père. Je ne compte pas te garder chez moi contre ta volonte pour l’éternité. Je lui ai promis.
Soupira Gabriel.

Sephyl se demanda s’il ne faisait pas une énorme erreur de la laisser ici, mais il devait au moins faire confiance à sa fille.
Elle enlaça son père et ne dit rien de plus qui rende la séparation plus difficile.

*

Les jours passèrent et elle resta dans sa chambre pour se reposer. Elle voulait guérir le plus rapidement possible pour pouvoir rentrer chez elle.
Lorsqu’elle se sentit assez en forme, elle dut retourner se faire osculter à l’infirmerie pour être sure qu’elle n’avait pas d’autres lésions.
Après le feu vert du médecin, elle eut le droit d’être un peu plus libre.
Elle évitait de croiser Gabriel et elle se rendit sur le terrain d’entraînement.
Elle les regardait depuis sa chambre depuis son arrivée et cela lui démangeait de pouvoir elle aussi s’améliorer.
Elle voulait devenir plus forte et être capable de se défendre et défendre son père. Elle en avait marre d’être un fardeau.
Les mains sur la vitre elle les regardait envieuse de pouvoir participer.
Une combattante avec qui elle s’était battue avant de perdre connaissance, la reconnut et lui fit signe de venir.

— Hé, petite. Fais pas ta timide et viens nous rejoindre.
— C’est la petite de la dernière fois ?
— Elle s’était habillée en servante, tu te souviens ?
— Ah oui, celle là ! Elle nous avait bien fait marcher.
— Dis nous, qu’est-ce que tu viens faire par là ?
— Laissez la respirer, tu veux une revanche, petite ?

La jeune femme s’était avancée pour éloigner ses collègues trop curieux et bruyants.
Alexandra n’osa pas prononcer le moindre mot, elle ne fit que hocher la tête.
La jeune femme lui sourit et la pris à part pour discuter de manière plus calme.

— On m’a raconté pour ta situation. Je me doute que tu n’apprécies pas mais le maître est vraiment bienveillant. Il, ou nous, ne te ferons aucun mal. Tu es une invitée de marque, si je peux dire. Je te vois nous observer, ça t’intéresse ? Tu ne te débrouillais pas trop mal la dernière fois, pour ton jeune âge et pour ton état… je peux t’apprendre quelques trucs, si tu veux.

Alexandra accepta avec plaisir.
La jeune femme l’aida à s’intégrer dans le groupe et elle devint leur petit poulain.
Elle n’avait rien d’autre mieux à faire pendant qu’elle devait attendre que les réparations chez son père soient terminées.
Gabriel suivit d’un oeil ce qui se passait mais il était également occupé avec d’autres affaires pour se préoccuper à temps plein d’Alexandra.
Ils passaient leur repas ensemble, et il essayait de faire en sorte qu’elle passe un bon séjour, et qu’elle l’apprécie.
Elle n’arrivait toujours pas à l’encadrer.
Elle trouvait régulièrement des présents comme des robes ou des bijoux dans sa chambre, quelle ignorait.
Cela l’agaçait.
Lorqu’elle avait le temps, elle allait sur le terrain pour s’entraîner et pratiquer des nouveaux mouvements.
De jour comme de nuit, lorsqu’il n’y avait personne, elle courait.
Elle était devenue comme une nouvelle recrue.
Gabriel ne s’était pas opposé à ce qu’elle s’entraîne ou passe du temps avec ses combattants, et elle avait trouvé ça étrange, mais tant mieux pour elle.
Cela faisait à peine une semaine et elle s’était habituée à ces gens, même s’ils étaient censés être des ennemis, ils ne la considéraient pas comme telle.
Ils avaient même commencé par l’apprécier et l’encourager dans ses progrès.
Sa partenaire récurrente discutait souvent avec elle et elles étaient devenues amies.
Elle voyait qu’Alexandra nourissait une certaine rancoeur envers Gabriel et elle essaya de calmer le jeu.
Alors qu’elles étaient en train de s’échauffer, elles discutaient.

— Tu sais, tu ne devrais pas le haïr à ce point. Il n’est pas malveillant, bien au contraire. Je suis sure qu’il t’observe en ce moment et te surveille pour qu’il ne t’arrive rien de grave.
— Tu dis ça parce que c’est ton boss… !
— C’est vrai, mais pas que. Nous avons tous une bonne raison de rester à son service.
— Et il m’espionnerait d’où, le vieux ?!

Son adversaire pointa les fenêtres de l’étage.
Alexandra resta perplexe et leva les yeux vers les vitres.
Gabriel était à ce moment précis, en train de l’observer et trouva amusant qu’elle lève son visage vers lui à cet instant. Même si elle ne voyait rien, lui savait.
La jeune femme et un des hommes de main étaient les plus proches d’Alexandra et l’aidèrent à s’améliorer en adoptant de meilleures positions pour l’attaque et la défense, comme si elle faisait partie de leur groupe
La plupart s’était intéressée à elle parce qu’elle était nouvelle puis ils finirent par ne plus lui prêter attention.
Cela ne faisait qu’une semaine et elle était déjà intégrée comme si elle avait toujours été là.
Elle suivait les exercices comme les autres et ne se plaignait pas. Pas beaucoup d’informations n’ont été données à son sujet et qu’une petite poignée de personnes étaient au courant de qui elle était réellement et ce qu’elle faisait ici.

Les premiers jours, elle avait dû les passer dans sa chambre, en repos force, puis le reste des jours, elle n’attendait qu’une seule chose.
Qu’on l’autorise à rentrer chez elle.
Elle essayait de tuer le temps et s’entraîner en faisant des exercices physiques était la meilleure option qu’elle avait pour éviter de trop penser à ses problèmes.
Est-ce que Chris allait bien ? Est-ce que son père était en sécurité ? Est-ce qu’elle allait devoir rester ici encore longtemps ?
Elle se défoulait sur le terrain d’entraînement et quand le temps n’était pas propice, elle visitait les couloirs et les différentes pièces du château.
Elle s’était retrouvée à la bibliothèque à feuilleter quelques ouvrages au hasard. Elle les avait reposés mais force était de constater que lorsqu’elle s’ennuyait, elle pouvait se mettre à faire des choses inhabituelles comme lire, des livres.

*

Assise à une table, elle était plongée dans sa lecture.
Elle n’avait pas l’habitude de lire des ouvrages et pourtant l’ennui l’avait poussée à prendre une tranche au hasard, qui avait l’air plus belle que les autres, cela l’avait intriguée.
Alors elle s’était mise à le feuilleter puis le lire, et elle s’était finalement assise parce qu’elle y serait plus confortable.
Les cheveux bruns légèrement en vague qu’elle avait réuni derrière sa nuque, des mèches mi-longues mais trop courtes pour être attachées avec le reste de ses cheveux, tombaient ondulées de chaque côte de son visage. Elle les rangeait derrière son oreille, d’un geste régulier, à chaque fois qu’ils revenaient la déranger devant son visage.

— Comment trouves-tu nos ouvrages ?
Une voix grave et rauque s’était élevée juste derrière elle, ce qui l’avait fait sursauter.

Elle s’était retournée pour voir qui cela pouvait bien être.
Trop surprise, elle n’avait pas répondu et le fixait avec des yeux tout ronds.
Rien n’allait pour elle. Il sortait de nulle part, est-ce qu’il la suivait ? Et il apparaîssait derrière elle.
C’était Gabriel, il était habillé différemment de la dernière fois mais ses cheveux étaient ébourriffés, mi-longs, et toujours avec sa barbe poivre et sel de plusieurs jours. Cela lui donnait un air de vieux désabusé, débraillé.
Ses yeux bleus clair brillaient grâce à la lumière dans la salle et il passa sa main dans ses cheveux pour dégager rapidement son visage, ce qui n’eut pour effet que de le décoiffer encore plus.
Voyant qu’elle ne répondait pas et semblait figée dans une sorte de mutisme. Il continua.

— Tu as perdu ta langue ?
Demanda t-il, en essayant d’ajouter un peu d’humour pour détendre l’atmosphère.

Ce qui eut l’effet inverse.
Elle referma le livre et se leva pour le ranger à sa place.
Pourquoi venait-il la déranger ? Elle ne comprenait pas et l’énervement qu’il provoquait en elle était nouveau. Pourquoi était-elle aussi énervée ?
Il était trop proche d’elle. Il l’avait suivi et était juste derrière elle lorsqu’elle se retourna et qu’elle fut à nouveau surprise de le voir si près.
Elle se sentait en danger. Il empiétait sur son espace vital et il ne semblait pas s’en rendre compte.

— Hé, est-ce que j’ai fait quelque chose de mal… ?
Demanda t-il en toute innocence. Un peu gêné.

Il ne comprenait rien.
Elle bouillonnait, il y avait tant de choses qu’elle avait envie de lui crier, mais elle se contrôlait, elle essayait de contenir sa rage, parce qu’ils étaient dans une bibliothèque, même s’il n’y avait personne apparemment, elle n’avait pas envie de faire une scène ou se donner en spectacle.
Elle serrait ses poings et tremblait.
Elle recula un peu plus pour s’éloigner de ce corps imposant et musclé qui lui faisait face. La bibliothèque derrière elle, était sa limite.
Ce qui ne l’arrêta pas de se rapprocher d’elle.
Alors acculée, elle le repoussa avec ses petits bras.

— Vous comprenez vraiment rien… ?! Laissez moi tranquile !!!
Son timbre de voix vibrait de la colère qu’elle essayait de contenir.

Les livres qui étaient derrière elle, sortirent d’un coup de la bibliothèque pour avancer et tomber en avant.
Elle vit et sentit ceux juste dans son dos et sur les côtés, partir vers l’avant et.

— Attention !
S’exclama t-il, en levant les yeux.

Ceux en hauteur suivirent la même direction. Il leva ses mains pour les arrêter et se positionna pour surplomber Alexandra et la protéger.
Elle avait perdu le contrôle et la peur l’avait envahie. Qu’avait-elle fait ? Etait-ce elle ?

— Tu n’as rien ?
Demanda t-il après que les livres furent sécurisés.

Il avait réussi à arrêter la chute en figeant les livres en l’air, pour la plupart. Quelques uns étaient au sol, et elle les regarda, désolée.

— N-non… ça va… je…
— Intéressant. Est-ce la première fois que tes pouvoirs se manifestent… ?
— Je… non… mais…
— Tu ne les maîtrises pas encore, à ce que je vois. C’est normal qu’ils se manifestent sous le coup de l’émotion. Quoiqu’il en soit, c’est intéressant…
— P-pardon pour les livres… je ne voulais pas les abîmer…

La peur et les remords avaient pris le dessus de la colère. Elle était gênée, embarrassée, d’avoir mal agi.

— Ce n’est rien, ils sont vieux et presque personne ne les lit maintenant… ils prennent la poussière.
— Mais… ils ont l’air anciens et précieux…

Il lui sourit.

— Ne t’en fais pas pour ça.

D’un geste, il replaça les livres dans leur emplacement.
Il s’était reculé pour laisser de quoi respirer à Alexandra, ses derniers mots résonnaient encore dans ses oreilles.
Alexandra se baissa pour ramasser ceux au sol et les reposer.

— Pour répondre à ta question, en effet… cela fait un moment que je n’ai pas eu quelqu’un avec qui discuter… j’imagine que ça doit se ressentir… je ne te veux pas de mal mais mes actions ont eu l’effet inverse sur toi. Je vais te laisser tranquille.

Il s’en alla comme il était venu, lorsqu’elle se retourna, il avait déjà quitté la pièce.
L’émotion retombée, les battements de son coeur reprennaient une cadence à peu près normale, elle pouvait réfléchir à tête reposée.
La colère l’avait aveuglée et elle se sentait honteuse de ne penser qu’à ses envies, ses caprices.
C’est vrai que c’était de sa faute si elle était enfermée ici, mais c’était grâce à lui si son père ne l’avait pas en fardeau chez eux.
Puis, même s’il était un peu trop proche physiquement, et qu’il l’intimidait, il l’avait protégée de sa propre bêtise.
Elle avait senti qu’elle l’avait blessé, d’une certaine manière.
Maintenant qu’il était parti, elle s’en voulait.

Il s’était passé quelque chose en lui.
Retourné dans son bureau, la tête entre ses mains, il réfléchissait et se trouvait idiot.

— Qu’est-ce que je suis en train de faire ?! La courtiser ? Draguer une gamine mineure en plus ? Suis-je tombé aussi bas ? Je pensais que ça serait simple de l’épouser sans m’attacher, comme un vulgaire pantin, mais c’est au dessus de mes forces et de mes principes… je… je ne suis pas aussi froid que ce que je croyais être. Cette enfant mérite du respect et j’ai l’air au mieux d’un idiot et au pire d’un vieux pervers libidineux à essayer de m’approcher d’elle. Quel imbécile. Elle a raison, je dois la laisser tranquille. Que les travaux chez elle finissent vite et qu’elle retourne d’où elle vient… je… non, je ne regrette pas de l’avoir aidée, mais je crois que mes projets étaient d’une absurdité sans nom. Je dois des excuses à son père, aussi…
Il eut ce discours intérieur, et ne put s’empêcher de rire de lui-même, avant de reprendre son travail.

Quant à elle. Elle sentit qu’elle nétait plus autant observée qu’avant. La présence et les yeux qu’elle sentait posés sur elle, n’étaient plus aussi prononcés.
Puis elle commença à avoir des remords sur ce qu’elle avait dit. Elle tournait en rond et n’arrivait pas à trouver une occasion pour s’excuser et finalement, ce n’était peut-être pas plus mal. Elle était en paix maintenant et il n’avait qu’à attendre qu’elle s’en aille.
Malgré sa résignation, elle devint curieuse, elle voulut en savoir plus sur lui.
Alors, d’une manière peu subtile, elle posa des questions à son amie et seule partenaire féminine sur le terrain, qui se fit une joie de lui répondre.

— Alors comme ça, tu t’intéresses finalement à lui ?
Dit-elle en souriant, taquine.

— N-non… c’est juste… que… je l’ai peut-être jugé trop vite…
Reconnut-elle.

— Ah… certainement… comme je te disais, il n’a pas un mauvais fond, sinon je ne serai pas à son service.
— Comment ça se fait qu’il est seul… à son âge… alors ?
— C’est une très bonne question ! Il n’a pas toujours été aussi… froid… avec les étrangers.

Elle lui raconta son passé, du moins ce dont elle était au courant. Qu’il avait été en couple il y a très longtemps, malheureusement sa compagne était intéressée par autre chose que l’amour, et elle assassina les parents de Gabriel. Elle comptait le faire de manière discrète mais il tomba au mauvais moment et la surpris en pleine action.
Elle les avait empoisonnés et en avait profité pour les tuer sans user de force brute.
Pour se défendre et se sauver, elle avait tenté de tuer Gabriel, mais il avait eut de bons réflexes et s’était protégé. Malheureusement, dans l’action, il l’avait gravement blessée et elle mourut de sa plaie et n’eut pas l’occasion d’expliquer son geste.
Ce jour-là, il perdu ses parents et sa compagne.
Cet évènement l’avait assez marqué pour qu’il se referme sur lui-même pendant un petit moment.
Par la suite, il devint beaucoup plus méfiant.
Il culpabilisait encore de la mort de ses parents.
Manque de chance encore, la plupart des femmes qui venaient à chercher à l’avoir comme époux, étaient toutes intéressées par ses biens matériels,
Cela ne fit que le faire perdre confiance encore et encore en la relation de couple et la gente féminine.

— Je pense qu’il n’est plus capable d’aimer ou d’accorder sa confiance… c’est triste mais il a vécu trop d’évènements qui l’ont conforté dans cet état d’esprit. Il se protège, d’une certaine manière.
— Ca veut dire… qu’il veut m’épouser sans aucun sentiment ?
— C’est ça. C’

2021.08.10

Patch

Aurore était rentrée chez elle.
Elle avait dû avoir une discussion avec ses parents au sujet de ce qu’elle voulait faire.
Elle décida de vouloir trouver un travail en ville mais qu’elle rentrerait à la maison.
Elle récupéra ses affaires chez son cousin.
Lorsqu’elle annonça à ses parents le travail qu’elle avait trouvé.
Son père, Gabriel, failli avoir une attaque et pensa au premier abord qu’elle le provoquait.
Sa mère, Alexandra, calma le jeu et essaya de comprendre.
Aurore exposa ses arguments et ils finirent par accepter sous conditions.

La boutique d’Hélène et Alain n’est pas très loin du lieu de travail d’Aurore, et de l’établissement de Chloé.
Lors de son temps libre, Aurore fréquentait la bibliothèque de la ville et elle y croisa Vladislaw.
Elle se souvenait de l’avoir déjà aperçu quelque part mais elle n’en était plus très sure.
Il ne semblait pas s’intéresser plus que ça à elle, Aurore finit par se dire que ce n’était qu’une impression, mais elle continuait de le croiser régulièrement.
Jusqu’à tomber dessus sur le meme rayon, cherchant un livre similaire.
Aurore était en train de le feuilleter.
Il semblait chercher un livre et elle se demanda si ce n’était pas celui qu’elle avait dans ses mains.
Il fronça les sourcils puis vérifia que c’était bien le titre du livre qu’il cherchait.
Elle lui tendit gentiment et il l’accepta.
Elle le regarda lire, il semblait silencieux et introverti.
Elle le laissa et s’en alla.

Quelques jours plus tard.
En rentrant de son travail.
Elle eut la peur de sa vie quand elle faillit lui rentrer dedans au détour d’une rue.
Elle ne le reconnut pas tout de suite.
Il sembla la reconnaître, surpris de la recroiser.
Il était très tard et il avait senti la présence malveillante, alors il lui proposa de la raccompagner.
Avare en mot, il lui avait quand même donné son numéro, inquiet qu’elle fasse de mauvaises rencontres.

Une semaine après.
Elle le rappelait et il la trouva en très mauvais point.
Il fit le nécessaire pour qu’elle soit prise en charge.
Il lui avait sauvé la vie.

Après son rétablissement.
Elle avait tenu à le remercier en lui offrant un repas, et discutant avec lui.
Durant leur rendez-vous, il sentit à nouveau une présence hostile à leur égard, et il l’invita à la mettre en sécurité dans son établissement.

En arrivant sur place.
Elle reconnut les lieux sans oser lui en faire part.
Puis elle revit Chloé, Flora et Nao qui lui demandèrent ce qu’elle faisait ici.

— Aurore… ? Quelle surprise.
S’étonna Chloé.

— Vous vous connaissez… ?
Avait demandé Vladislaw.

— Je, euh oui…
Bafouilla Aurore.

— Oui, tu ne te souviens pas Vlad’ ? Nao l’avait amenée il y a quelques mois…
— Eh bien… j’ai dû oublier effectivement… ça me rappelle vaguement quelque chose…
— Elle n’était pas restée longtemps, ça ne t’avait peut-être pas marqué… que se passe t-il… ? Tu… vous… ?

Aurore sentit ses joues rougir et baissa la tête en remerciant la faible luminosité de l’endroit de cacher son visage cramoisi.

— Un mauvais pressentiment. J’ai eu l’impression d’être suivi.
— Tu as bien fait. Il semblerait que notre invitée est populaire auprès de certaines personnes…

Chloé acquiesça avec compréhension.

— Je… je suis désolée…
— Oh non, ne le sois pas. Tu n’y es pour rien, je disais ça pour te taquiner. Je vais essayer de surveiller ça de plus près. Tu ne risques rien ici. Cela serait à leur désavantage de pénétrer dans notre demeure. Est-ce que je dois prévenir tes parents ?
— Non, merci. Je vais le faire.

Chloé fit un signe à Vladislaw qui acquiesça.

— Fais comme chez toi.

Chloé s’en alla, laissant Vladislaw avec Aurore.
Il semblait aussi confus qu’elle voire plus, de découvrir qu’elle les connaissait.

— Tu sais donc… qui nous sommes…
— Oui… en quelque sorte…
— Ah, d’accord… pas besoin que je cache plus longtemps ma vraie nature, dans ce cas… par contre. J’ignore qui tu es réellement. Pourquoi en a t-on après toi… ?
— Mes parents… sont à la tête d’un domaine…
— Ah…

Il ne sut pas quoi répondre.
Aurore était gênée de profiter de leur hospitalité. Une fois de plus.
Elle tapota quelques messages sur son téléphone et elle prévint que son père allait venir la chercher.

— Tu es sûre que tu veux pas que je te raccompagne ?
— Merci, c’est gentil. Mais mon père va venir. Je pense que je vous ai assez dérangé…

— Non pas du tout. Entendre Vlad’ proposer de te racompagner, ça n’a pas de prix. C’est le plus faible de la bande !
Une voix féminine sortit de l’ombre et vint s’asseoir à côté d’eux.

— Bonjour Flora. Merci pour ton compliment…
— Je t’en prie, cher ami.
— Bonjour Flora…

— Coucou Aurore. On te manquait ? Si tu veux une escorte, demande moi ou Nao. On se fera un plaisir de te raccompagner. Je ne suis jamais allée chez toi, moi…
Dit Flora, un peu boudeuse.

— Je suis désolée…

— Ne la prends pas au sérieux, Flora adore taquiner…
La prévint Vladislaw.

— Par contre, si elle pouvait me retirer de cette proposition. Je n’ai aucune envie de babysitter une nouvelle fois.
Nao venait d’arriver et avait entendu une partie de la conversation.

Ce qui eut pour effet d’énerver Aurore.

— Qui voudrait de l’aide d’un gamin, de toute façon ?!
Répondit Aurore, sur un ton qui surprit Flora et Vladislaw.

— Pardon ? Répète un peu ça ?!
Nao s’emportait aussi.

— Tu as très bien entendu.
Aurore était face à Nao et ne comptait pas se laisser faire verbalement, du moins, et Nao ne semblait vraiment pas de bonne humeur.

Flora craignant qu’il se mette à l’attaquer, elle calma le jeu.
Elle attrapa Nao pour le séparer d’Aurore, tandis que Vladislaw s’interposa pour calmer Aurore et se positionner pour la protéger si jamais il se passait quelque chose.

— Ca va Flora, je sais me contrôler…
Murmura Nao, pour la rassurer.

— Laisse moi en douter… je t’ai rarement vu t’emporter de cette manière…
— C’est elle, là ! Elle me provoque exprès !
— Ah, pour sa défense, c’est toi qui a commencé en parlant de babysitting !
— Oui mais…
— C’est ça, c’est ça.

*

À l’autre bout du téléphone.
Alexandra avait reçu le message de sa fille qui la tenait au courant des évènements.
Elle en fit part à Gabriel qui prit très au sérieux ce danger.

— J’y vais.
Dit-il, en se levant de sa chaise.

— Je peux y aller, aussi. Cela fait longtemps que je n’ai pas vu Chloé…
— Non, je préfère y aller. Ce qu’Aurore nous raconte ne me dit rien qui vaille. Si jamais il y a un quelconque danger…
— Tu dis ça, la dernière fois…
— Je préfère ne pas te mettre en danger.
— Tu es sûr que ce n’est pas parce que tu as envie de revoir Chloé… ? Je t’ai vu la regarder…
— Ca ne va pas ?! Alexandra ! Tu sais très bien que je ne m’intéresse pas du tout à d’autres que toi !
— Je ne sais rien… tu pourrais préférer une autre que moi… et même si Chloé a physiquement l’apparence d’une très jeune femme…
— Alexandra ! Je t’en prie ! Chloé pourrait avoir l’âge d’Aurore !
— Et… ?
— Non. Et si je veux être honnête avec toi, je veux voir de mes propres yeux qui est ce Vladislaw qui lui tourne autour depuis…
— Tu parles du garçon qui lui a sauvé la vie ?
— Celui là même.
— Gabriel. Laisse Aurore fréquenter qui elle veut. C’est un garcon très charmant, de ce que j’en ai compris.
— Laisse moi en juger par mes propres yeux.
— Remercie le de prendre soin de de notre fille, au lieu de le menacer !
— C’est ça… on verra.
— Passe le bonjour à Nao, je suis sûre qu’il sera ravi de te revoir.
— J’avais oublié celui là… rien que d’y penser, j’en ai une migraine…
— Quel amour fou entre vous deux.
— Ne m’en parle pas… tu ne me feras pas changer d’avis. C’est moi qui y vais.
— Ok ok… fais attention à toi quand même…
— Oui. Toujours.

Il l’embrassa avant de partir.

2021.07.18

Pacte

La discusion dans le bureau avait été courte mais très prolifique. Chloé s’était exprimée et les avait rassurés sur sa volonté d’avoir un allié.
L’incompréhension s’était lue dans les yeux de Gabriel et Alexandra. Ils ne comprenaient pas pourquoi ils cherchaient des alliés, ils étaient déjà très puissants, beaucoup plus qu’eux, et ils étaient indépendants.
Chloé remarqua leur perplexité et leur explica tout naturellement la situation, tout en restant modeste.

— Nous ne sommes pas aussi forts qu’on peut laisser le croire. Je suis honnête avec vous. Nous avons la chance d’avoir vécu plus longtemps sans souffrir des aléas de la vieillesse, mais nous ne sommes pas très nombreux. Je serai ravi de former cette alliance avec des personnes qui partagent dans les grandes lignes nos valeurs, au cas où il nous arriverait malheur.
— Voulez-vous dire que vous n’êtes… que deux ?

— Il manque deux autres personnes qui font parti de notre famille, j’espère que vous aurez l’occasion de les croiser.
Sourit-elle malicieusement.

*

Pour sceller leur alliance, ils décidèrent de faire un combat à l’amiable et Nao se leva pour se mesurer à Gabriel.
Son regard ne quitta pas Gabriel et ils s’affrontèrent sérieusement.
Nao souhaitant briller devant Chloé et montrer à tous qu’il ne fallait pas le sous-estimer, ni sous-estimer Chloé. Il voulait en profiter pour montrer l’étendue de leur force.
Gabriel, un peu gêné, souhaitait tout simplement ne pas perdre trop facilement, ni perdre la face devant ses enfants et la famille.
Alexandra le regardait et il ne voulait pas trop la decevoir.
Il fut un peu surpris par la rapidité d’excécution et les enchaînements de Nao.
Il n’avait pas envie de perdre de temps et il n’hésita pas à baisser sa garde de temps en temps, pour le show et pour essayer d’en finir le plus vite possible.
Gabriel était acculé et cela se voyait que Nao avait l’avantage, il attaquait alors que Gabriel essayait d’éviter les assauts et tentait de se défendre en parant les coups.
Les seuls moments où il put réagir et déstabliser Nao, ce fut lorsqu’il prenait plus de risques et prévilégiait l’attaque à sa propre défense.
Cela le perturba et il prit quelques coups qui le firent reculer mais il ne semblait pas affecté par l’impact, il revint aussitôt à portée pour frapper Gabriel.

Chloé observait sans réaction.
Tandis que les autres spectateurs semblaient impressionnés par la prestation du jeune Nao, et inquiets pour Gabriel qui n’avait clairement pas l’avantage.

Au bout de plusieurs minutes intensives, cela faisait presque un quart d’heure que le combat semblait s’éterniser. Gabriel montrant des signes de faiblesse, même s’il avait réussi à repousser Nao à plusieurs reprises. Nao ne semblait pas affecté par les attaques et continuait à se lancer avec toute sa vivacité.
Gabriel avait la secrète envie de rabattre le clapet à ce jeune prétentieux.
Lorsqu’il se mit à invoquer des éléments avec sa magie, Gabriel prit beaucoup de recul.
Il maîtrisait aussi un peu de magie, mais ce n’était pas spécialement son point fort.
Il déclara forfait.

— J’ignorais que tu maîtrisais également la magie…
Avoua t-il, en voyant l’énorme zone de magie qui était en train d’être controlée.

— Je m’avoue vaincu. Je n’ai pas ton niveau en la matière.
Ajouta Gabriel, en baissant sa garde.

Il s’avança vers Nao qui fit dissiper sa formation de magie et adopta une position plus neutre.

— Tu te débrouilles pas trop mal… pour ton âge.
Répondit Nao, à demi-mot. N’ayant clairement pas l’habitude de prononcer de tels compliments.

Gabriel tendit sa main pour lui serrer la sienne, et Nao, après quelques secondes d’hésitation, tendit sa petite main et regarda bien Gabriel dans les yeux.
Le combat avait été intéressant.

— Joli combat.
Avait prononcé Alexandra.

Elle s’était approchée et avait même applaudit.

— Nao, c’est bien ça ?
Demanda t-elle.

Il acquiesça d’un hochement de tête.

— C’était une belle démonstration de vos capacités, je dois avouer que nous sommes honorés de vous avoir comme alliés… si tu as ce niveau, dois-je supposer que Chloé a un niveau encore plus surprenant… ?

Elle se tourna vers Chloé, qui fut surprise de cette attention.

— Oui, Chloé a beaucoup plus d’expérience en la matière que ma petite personne.
S’exprima Nao.

— Je ne peux pas te laisser dire cela, Nao.
Intervint-elle.

— Mon domaine de prédilection est la magie, cela peut paraître plus impressionnant mais en combat rapproché, je suis plutôt médiocre… c’est ma faiblesse mais je suis de nature passive, je vais rarement chercher le conflit. Nao exagère un peu à mon sujet.
Sourit Chloé, en apportant ses explications.

Alexandra hocha la tête en signe de compréhension et, inquiète par la respiration de son époux, elle se tourna dans sa direction pour s’enquérir de son état.

— Ne force pas trop…

— Ca… va… ça fait longtemps que je ne m’étais pas donné à fond lors d’un combat. C’était une bonne occasion de me dérouiller. Je… je vais juste reprendre un peu ma respiration. Et le temps que l’adrénaline redescende…
Souffla t-il, en se tenant les cuisses.

Alors qu’Alexandra lui caressait doucement le dos et lui soutenait le bras, Nao s’exprima.

— Ca vous dirait pas de faire un essai ? Alexandra et Chloé ?
Questionna t-il, comme s’il pensait à haute voix.

Les deux intéressés se regardèdent dans les yeux, puis fixèrent Nao, qui haussa les épaules.

— Je… euh…
Bafouilla Alexandra, dont les joues étaient en train de rosir.

Gabriel eut du mal à cacher son amusement.

— bah vas-y, qu’est-ce que tu as à perdre, après tout ?
Lui dit-il, en lui donnant un petit coup de coude gentillet.

Les enfants ne semblaient pas comprendre ce qui était en train de se passer, ils étaient trop loin pour entendre ce qu’il se disait.
Chris était un peu plus près et avait relevé son visage et attendait avec impatience cette démonstration. Il avait hâte qu’elle accepte, il espérait intérieurement que cet échange ait lieu.
Puis cela leur permettrait d’avoir un aperçu de la force de cette mystérieuse Chloé.

— Pourquoi pas… mais je ne voudrais pas m’imposer…
Prononça Chloé, de sa voix fluette mais polie.

—Non non… au contraire… je pense que tout le monde est curieux de nos deux potentiels… j’ai un peu peur de ne pas être à la hauteur de vos capacités… mais il n’y a pas de raison que Gabriel soit le seul à donner de sa personne sur le terrain, n’est-ce pas… ?
— Ne vous dévalorisez pas ainsi, Alexandra. Je suis certaine du contraire.

Chloé s’inclina modestement et lui sourit avec toute sa bienveillance.
Tout le monde s’écarta à nouveau, laissant Alexandra et Chloé au milieu.

Chloé commença par invoquer une zone tout autour d’elle qui semblait devenir de plus en plus sec, froid et gelé. Le sol changea de couleur et les particules d’humidité dans l’air se manifestèrent visuellement, pour former des flocons, des confettis translucides et figés dans cet espace.
Puis cela commença à bouger, à tourner, et ils se dirigèrent vers Alexandra à toute vitesse, formant une brume, un nuage, une tempête de neige.
Bientôt, on ne vit plus Alexandra et Chloé restait immobile à sa place, attendant de voir la suite.
Tout le monde avait retenu son souffle.
Quelques instants après, une sphère sortit de la brume pour foncer sur Chloé qui ne cacha pas sa surprise.
Alexandra avait fait apparaître un bouclier tout autour d’elle par précaution et elle attendait le bon moment pour surprendre son adversaire.
Elle arrivait devant Chloé pour la percuter avec un coup.
Chloé réagit à temps et se positionna aussitôt pour garder et absorber le choc.
L’onde créa un espace qui dégagea le peu de poussière autour d’elles, et les cheveux de Chloé virevoltèrent derrière elle, tout comme ceux d’Alexandra qui étaient attachés en queue de cheval.
Chloé eut un sourire malicieux.
Elle avait dit qu’elle n’était pas à l’aise en combat rapproché et Alexandra venait de tester ça.
Cela ne voulait pas dire qu’elle ne savait pas se défendre.
Alexandra ne se laissa pas abattre et continua à enchaîner les coups pour percer la défense de Chloé, qui finit par s’éloigner quelques secondes, pour prendre du recul.
Elle fit tomber au sol les flocons gelés en les faisant fondre, ce qui eut l’effet d’une petite pluie qui mouilla le sol, le rendant un peu plus glissant.
Alexandra préféra également garder ses distances pour un instant, essayant de deviner la prochaine action de Chloé.
Elle prit la décision de faire apparaître des éclairs et envoyer de l’électricité dans l’eau pour attaquer Chloé.
Elle se positionna au sol et plaça sa main, mais Chloé comprit aussitôt et réagit à temps pour reglacer la surface, formant une patinoire lisse.
Alexandra dut changer de stratégie et invoqua la terre pour détruire la surface plane de glace.
Des gravats de terre étaient en train de monter en pillier, formant des endroits où se cacher et surprendre son adversaire
Chloé restait immobile et observait beaucoup, tandis qu’Alexandra était dans l action.
Elle essayait de prendre l’avantage.
Elle réussit a la surprendre, Chloé avait gardé mais l’impact et la force d’Alexandra avait été sous-estimée, Chloé fut projetée contre un des pilliers arqués.
Elle reprit rapidement ses esprits pour voir où se trouvait Alexandra, et s’avança lentement, presque pas affectée par ce coup, mais le pillier était un peu plus haut et fragilisé par l’impact, il se mit à pencher dangereusement et tomber sur Chloé qui était de dos.
Elle ne craignait pas grand chose et elle avait senti la présence de ce danger, sans y prêter attention mais Alexandra paniqua. Elle vit que Chloé ne se retourna pas et, d’un instinct maternel, voyant cette jeune fille en danger, elle se précipita vers elle, et fit partir en éclat la structure de terre. Son bouclier fut réactivé en un rien de temps, se positionnant de sorte que Chloé fut prise dans la bulle de protection, les débris ne les touchèrent pas.
Chloe fut surprise par cette réaction et resta bouche bée.

— Ca va ? Tu n’as rien ? Je suis vraiment désolée… je suis…
Alexandra ne se sentait pas bien et culpabilisait.

— … Je… oui. Je n’ai rien… ne vous inquiètez pas, cela n’était vraiment pas nécessaire d’intervenir… mais merci beaucoup.

Chloe ne savait pas comment réagir sans la vexer, mais son geste l’avait fait sourire intérieurement.
Cela la confortait dans l’idée qu’elle avait bien fait de les choisir comme alliés.
Nao avait lâché un soupir.

— Ce n’est pas si peu qui pourrait blesser Chloé… n’importe quoi…
Avait-il râlé, déçu de ne pas avoir vu les pleins potentiels d’Alexandra ni de Chloé.

Gabriel avait été à peine surpris de la réaction de sa femme et il se rapprocha pour les voir.

— Je, je suis vraiment idiote, j’ai surréagi, je crois que j’ai gâché le combat…
Alexandra baissa la tête, se rendant compte du ridicule de son intervention.

— Non non, c’était un bel échange. Ne vous en faites pas.
Dit Chloé pour la rassurer, avec son sourire bienveillant.

*

Ils échangèrent quelques mots sur le terrain au sujet de leur performance.
Hélène était en admiration devant Nao et Chloé, très enthousiaste. Tandis que les autres étaient un peu plus réservés.
Chloé annonça leur départ. Les invitant à passer dans son établissement quand ils le souhaitaient.

2021.07.06

Entités

Gabriel avait récupéré de son combat et marchait normalement, accompagné de Chloé qui restait aux aguets.
Nao était aux côtés d’Aurore mais avait son attention rivé sur Chloé et Aurore le remarqua aussitôt.
Chloé faisait en sorte de marcher à la même vitesse que Gabriel.
Dans son hoodie, on avait du mal à savoir si c’était une fille ou un garçon, et de par sa petite taille et ses proportions, elle faisait très jeune. Presque plus jeune qu’Aurore.
Gabriel sortait du lot et paraîssait comme un père qui se promenait avec ses trois enfants.
Nao regardait d’un mauvais oeil Gabriel, il était maladivement jaloux qu’il soit physiquement proche de Chloé. Même si elle ne faisait rien en faveur de Gabriel, sa nature et sa personnalité faisaient qu’elle se souciait de lui et se rapprochait de lui sans aucune arrière pensée.

*

Arrivés après avoir passé le portail, ils étaient à l’entrée du domaine.
Gabriel les invita à entrer pour les remercier et les présenter à sa femme et les autres membres de la famille.
Alexandra arriva les accueiillir et fut surprise de voir deux inconnus avec eux.
Elle avait d’abord vu Gabriel et remarqua qu’il n’était pas au meilleur de sa forme. Puis elle vit sa fille qui souriait timidement.

— Ca va… ?
Demanda t-elle à son époux avant de s’arrêter, muette devant les autres qui étaient derrière lui.

Deux jeunes inconnus.
Elle regarda Gabriel avec un air interrogateur.

— Oui… ne t’inquiète pas. Je te présente Chloé et Nao. Ils nous ont escortés jusqu’ici, nous avons été pris en embuscade et leur aide nous a vraiment tiré d’un mauvais pétrin.

— Enchantée…
Salua timidement Alexandra.

— Merci d’avoir aidé Gabriel et Aurore. Soyez les bienvenus chez nous.
Alexandra s’avança et leur serra la main de gratitude.

Nao se sentit gêné, acceptant à contre-coeur ce contact physique, tandis que Chloé sourit amicalement.

*

Alexandra s’enquit de l’état de Gabriel qui la rassura embarrassé qu’il allait bien.
Elle insista pour qu’il passe à l’infirmerie et Chloé ne put s’empêcher de sourire en observant cette scène.
Aurore expliqua et s’excusa qu’ils aient à assister à cette petite querelle entre ses parents.

— Je t’assure que ça va, ils nous ont escorté par pure précaution.
— Hmm… passe à l’infirmerie quand même, juste pour vérifier…
— Je ne suis pas blessé, je suis en pleine forme, ‘Xandra… !
— Ca ne te coûte rien d’y passer !

— Ma mère… s’inquiète toujours un peu trop, je…
— Aucun problème. C’est… amusant…

Chloé et Nao furent invités à rester un peu plus longtemps. Alexandra réussit à les convaincre, pour les remercier et aussi parce qu’elle ne voulait pas qu’ils aient fait le trajet juste pour ça.
Elle eut du mal à ne pas considérer Chloé comme quelqu’un du même âge que sa fille. Pire pour Nao.

Aurore était contente de rentrer chez elle.
À vrai dire, elle appréhendait de revoir ses parents, mais sa mère l’avait accueillie comme si elle venait de rentrer d’une promenade.
Elle n’avait pas été froide. Au contraire, elle était chaleureuse comme à son habitude.
Quelque chose dans son expression lui montrait qu’elle avait ressenti son absence de longue date, mais dans son sourire, elle exprimait à sa fille qu’elle respectait son choix et son désir de prendre du recul.
Alexandra vérifia également qu’Aurore n’avait rien et la serra rapidement dans ses bras, ne voulant pas étendre ces retrouvailles familiales.

Nao pensait rapidement exprimer son mécontentement sur le fait d’être considéré comme un enfant et un bébé aux yeux des hôtes, mais ce ne fut pas le cas.
Avec beaucoup d’étonnememnt, Alexandra s’adressait à lui comme à un adulte, même si dans ses yeux, elle le voyait comme un adolescent.
À aucun moment elle ne le rabaissa sur ses capacités intellectuelles.
Chloé lui échangea un regard complice et lui sourit. Comprenant exactement ce à quoi il pensait.
Nao fut alors moins désagréable qu’à son habitude.

Quant à Chloé, elle accepta cette invitation à rester un peu plus longtemps pour visiter ce domaine et créer une alliance péreine.
Ils rencontrèrent le reste de la famille.
Cean fut extrêmement heureux de revoir sa soeur.
La ressemblance était frappante. C’était un homme blond aux yeux bleus. Il enlaça sa soeur et lui demanda si elle allait bien.
Aurore fut gênée et le rassura à demi-mots.
Il salua rapidement Chloé et Nao qui lui rendirent un signe de tête léger.
Gabriel fit les présentations et au fur et à mesure de la visite, ils passèrent voir Chris qui était sur le terrain d’entraînement
Ce jour-là, Hélène était de passage et échangeait des coups avec son père.
Elle sauta dans les bras d’Aurore lorsqu’elle l’aperçue.
Chris était de dos et se retourna pour tous les voir.
Il s’approcha pour les saluer de manière formelle.
Chris embrassa Alexandra sur le front et prit congé rapidement.
Hélène était de très bonne humeur et serra les mains de Chloé et Nao pour les remercier d’avoir aidé sa soeur.

Au repas du soir, Alain les rejoignit et les salua sans trop d’émotions. Il fut tout de même surpris de revoir Aurore et lui serra tendrement la main pour lui signifier qu’il était content qu’elle soit rentrée.
La tablée était animée. Hélène était d’humeur bavarde et Nao lui avait tapé dans l’oeil.
Il avait l’air jeune et elle était curieuse à son sujet.
Elle avait envie de le taquiner.
Chloé était discrète et semblait effacée. Observant son environnement.

— Comme ça, tu sais te battre ? Tu dois être fort si tu as réussi à proteger Gabriel, non ?
— Si on veut…

Nao ne voulait pas se vanter et semblait indifférent face à ces questions, il essayait de deviner où elle voulait en venir.

— Ca te dit pas qu’on échange quelques coups à l’occasion ? J’suis curieuse de ta force…
Dit-elle, sur le ton de la provocation.

Elle le testait. Elle s’amusait.

— Si tu veux.
Répondit-il simplement, sur le même ton de désintérêt.

— Avant, tu me dois un petit combat, Nao.
La voix de Gabriel remplit la pièce. Il lui sourit et Nao hocha de la tête, impassible malgré toute l’attention des personnes dans la même pièce.

— Quoi ?! Non mais s’il est à ton niveau… j’ai aucune chance…
Bouda Hélène, regrettant son idée.

Alain pouffa et Chris sourit tendrement.

— Je veux pas paraître désagreable mais… tu manques encore de pratique et surtout d’expérience.
Ajouta Chris pour rassurer Hélène, qui ne releva pas sa remarque.

Elle ravala sa fierté et préféra garder le silence.

— Je pense que Nao et Chloé pourraient avoir de bonnes choses à nous apprendre en terme de combat, si cela ne les dérange pas de partager leur savoir en la matière.
Gabriel reprit la parole.

— Au contraire, c’est avec plaisir si notre savoir peut être d’une certaine utilité.
Répondit Chloé, avec sa voix fluette mais pleine de maturité.

Cela jeta un certain silence de surprise.

— Nao serait ravi de pouvoir se mesurer contre Gabriel, n’est-ce pas… ?
Ajouta t-elle pour détendre l’atmosphère et détourner l’attention sur son poulain, qui ne semblait pas gêné de prendre sur lui les regards.

Il hocha la tête en silence et continua de manger sans aucune émotion particulière.

*

Nao n’hésitait pas à montrer les crocs lorsqu’on pouvait manquer de respect à Chloé, et il se positionnait comme son garde du corps, même si elle n’en avait pas particulièrement besoin.

*

Flora et Vladislaw étaient restés au travail.
Flora n’était pas particulièrement de bonne humeur de savoir que Chloé était partie avec Nao dans la gueule du loup et jetait des regards plein de reproches à Vladislaw, qui n’aurait pas dû lui autoriser.
Ceà quoi il haussa les épaules.

— Tu es toujours trop inquiète, on dirait sa mère. Elle sait se défendre et sait ce qu’elle fait. Nao est loin d’être faible et il saura la protéger si besoin. Il te faut quoi de plus ?
Lâcha t-il après un soupir.

Flora fulminait et faisait les cents pas pour essayer de se calmer.

— Ca m’énerve juste de ne pas être avec eux. Ca te fait rien, toi ? D’être à l’écart ? Ca se trouve ils vont s’amuser sans nous !
— … Elle nous en parlera. Au pire, on aura l’occasion de les accompagner la prochaine fois.
— J’arrive pas à croire que t’arrives à garder ton calme !

Elle se jeta sur le canapé, assise, les bras croisés et à ruminer.
Son compagnon n’y prêta même pas attention et retourna à la lecture de son livre, comme si de rien n’était.

*

Les invités qu’étaient Chloé et Nao eurent leur chambre pour la nuit et on les laissa tranquille pour la soirée.
Hélène et Alain décidèrent de ne pas passer la nuit à la maison, laissant leur chambre respective vacante pour les invités.
Les draps propres, Chloé et Nao furent séparés pour dormir mais cela ne les empêcha pas de discuter dans la même chambre avant.

— Le repas s’est bien passé et ce sont des gens totalement charmants. As-tu un avis particulier là dessus, Nao ?
— … Non… je reste sur mes gardes… ils sont trop sympathiques à mon goût…
— Je ne pense pas qu’ils soient mal attentionnés. Cela est rare mais je pense sincèrement qu’ils ont bon fond et qu’ils ne cherche pas à nous vouloir du mal. Je me trompe peut-être… et je suis chanceuse de t’avoir à mes côtés. Flora dirait que je suis trop candide.
… certainement. Quel est le programme pour ces prochains jours ?
— J’ai pu échanger en privé et très succinctement avec… Alexandra ? Je crois que c’est son nom. Nous avons tous besoin de repos et demain matin, nous pourrons discuter plus sérieusement et tranquillement de notre présence ici, et de notre potentielle alliance.
— D’accord… est-ce la cheffe, cette… Alexandra ?
— Il me semble qu’elle partage cela avec Gabriel. Elle m’avait l’air plus abordable et sympathique, et finalement j’ai pu constater qu’elle avait également de la fermeté et qu’elle était responsable. En parlant de Gabriel, j’ai hâte de voir ton combat contre lui.

Elle sourit pour tenter de détendre l’atmosphère.

 

2021.07.06