Quiproquo

— Ca veut dire… qu’il veut m’épouser sans sentiments… ?
Demanda Alexandra, qui ne semblait pas comprendre ce qu’elle venait d’apprendre.

— C’est ça. Rassure toi, ce n’est pas un pervers pédophile. Je suis même certaine qu’il ferait en sorte que tu ne manques de rien.
Expliqua la jeune femme.

— … C’est… pire !
S’emporta Alexandra.

*

— Tu devrais te sentir privilègiée, tu ne sais pas combien de femmes rêveraient d’être à ta place dans son domaine…
— Je ne vois pas le rapport ! Il n »a aucun sentiment pour moi et moi non plus, sauf qu »il y trouve un intérêt… ! C’est juste absurde ! Je ne vais pas me sentir chanceuse d’être à cette place ! Ca me dégoute, qu’elles me remplacent !
— On a pas toujours ce qu’on veut dans la vie, parfois tu acceptes par dépit un choix, et je trouve qu’épouser Gabriel est plutôt raisonnable. C’est ce que j’essaye de te dire.
— Je veux avoir le choix de me marier, ou pas, avec qui je veux ! C’est quand même important ! Ca décide d’une grosse partie de mon futur quand même ! C’est si égoïste ?!
— Tu ne te rends pas compte de la chance que c’est de se retrouver dans ta situation. Tu as la possibilité d’épouser quelqu’un de riche et puissant. Tu ne comprends pas ?
— Non, je préfère être libre et heureuse que d’être forcée à épouser un homme qui a l’âge de mon père. Je me fiche de sa fortune ou de sa puissance. Lorsque j’aurai quelques années en plus, je ferai en sorte d’être au moins aussi forte et puissante que lui !
— … C’est beau de croire. Je pense que je n’arriverai pas à te convaincre.
— Non. Tu n’as pas besoin. C’est parce que tu es sous ses ordres que tu me dis ça, c’est ça ?
— Non. Pas seulement. Je le pense sérieusement.
— Tu voudrais l’épouser ?
— Je… je ne pense pas être digne de l’imaginer. Il ne s’intéresse pas à moi et… je le respecte trop pour ça…
— Qui te le dit ? Tu n’en sais rien. Ca se trouve il a des sentiments pour toi. Ou déclare toi.
— Non. Je.. je travaille depuis trop longtemps à ses côtés. On a pas ce genre de relation… et même si c’était le cas, cela ferait longtemps qu’il y aurait eu quelque chose…
— … Pardon, je ne savais pas…
— Tu ne pouvais pas savoir. Tu vois, ce n’est pas aussi simple que ça dans la vie. Je me contente de travailler à ses côtés.
— Qu’est ce que tu aimes chez lui… ? Je suis curieuse maintenant.
— Ahah… bon, j’imagine que ça ne me coûte rien de te le dire… je ne suis plus à ça près… il est attentionné… même s’il est discret, il fait en sorte de ne blesser personne. Sensible aussi… il ne le montre pas en public mais certaines choses le touchent vraiment. Il est puissant mais n’abuse pas de sa force. Il n’hésite pas à protéger ses soldats…
— … Je ne vois pas du tout ça. J’ai l’impression que tu me décris un inconnu.
— Ahah, oui je peux comprendre. Tu ne le vois pas sous le même angle, mais je t’assure qu’on parle bien de la même personne. Il faut apprendre à le connaître. Il a grand coeur
— Non merci.

*

Sa partenaire de combat lui avait présenté les bains dans le château.
C’étaient des sortes de thermes avec un bassin aussi grand qu’une piscine, avec la température toujours maintenue aux alentours de 35 et 38 degrés Celcius.
Ils étaient mixtes et il existait des plages horaires pour les femmes et les hommes.
Elle était impressionnée par l’endroit et prenait des notes pour en parler à son père à son retour.
Cétait une expérience géniale.
Les premières fois, sa partenaire avec qui elle avait tissé un certain lien d’amitié, malgré leur divergence d’opinion, l’avait accompagnée pour qu’elle puisse s’y habituer.

*

Elle se fit réveiller un soir, par une servante, qui avait l’air pressée et lui avait dit que sa partenaire l’attendait dans les bains.
Elle n’était pas bien réveilée et se demandait qu’elle heure il pouvait bien être, se frottant les yeux et baillant, elle avait demandé si ça ne pouvait pas attendre demain et pourquoi il fallait que ce soit en plein milieu de la nuit.
La servante n’apporta pas plus d’explication et l’incita à aller voir par elle-même.
Alexandra descendit alors, à contre-coeur et se retrouva dans la salle d’eau immense.
Cherchant des yeux ou pouvait se trouver l’autre femme.
Elle entendit une voix provenant du hammam, alors elle s’y rendit. En ouvrant la porte et en pénétrant dans la pièce, elle n’aperçut pas grand chose à cause de l’humidité ambiante.

— Il y a quelqu’un… ?
Demanda t-elle, incertaine.

Elle s’avança pour voir si son amie était là, elle savait qu’elle avait entendu du bruit ici.
La porte derrière elle se referma aussitôt et elle entendit un bruit.
Elle se retourna et une peur l’envahit soudainement.
Elle essaya d’ouvrir et sortir, mais impossible.
Elle frappa alors sur la porte.
C’était peut-être une erreur.

— Il y a quelqu’un ? Je suis à l’intérieur ! Ouvrez moi !
Cria t-elle, en espérant qu’on puisse l’entendre.

Et les minutes passèrent.
Elle essaya de forcer la porte, sans succès.
Elle arrêta de s’épuiser et fit les cents pas dans la pièce.
Elle était avec ses vêtements de nuit : un haut trop grand qui tombait jusqu’à ses genoux.
Même peu habillée, elle avait chaud à cause de la température et l’humidité imprégnait ses vêtements, et se déposait sur sa peau et dans ses cheveux.
Au bout de plusieurs minutes, elle avait du mal à respirer tellement l’air ambiant était éttoufant.
Elle s’était assise, puis finalement, allongée sur le carrelage pour essayer d’avoir moins chaud et mieux respirer.
Elle n’avait plus qu’à prier et attendre que quelqu’un vienne lui ouvrir.
Pendant tout ce temps, elle réfléchissait.
Est-ce que c’était une erreur ? Où était son amie ? Est-ce qu’elle l’attendait encore quelque part ? Est-ce qu(elle la cherchait ?
Elle n’avait même pas regardé l’heure exacte. Tout ce qu’elle pouvait deviner était une estimation, et elle essayait de calculer dans combien de temps les premières personnes viendraient utiliser la salle d’eau.
Elle avait perdu toute notion du temps et elle sentait qu’elle ne devait pas s’endormir ni perdre connaissance ici. Ce n’était pas bon.
Au bout d’un temps qui lui sembla infini, elle entendit à nouveau le verrou et la porte s’entrouvrit.
Elle utilisa les forces qui lui restaient pour se hisser et sortir de la pièce, en rampant.
Elle put enfin reprendre sa respiration.
À quatre pattes, elle avait l’impression de revivre
Elle sentit la présence de quelqu’un et elle vit les pieds non loin d’elle.

— M-merci… j’ai cru que j’allais y rester… je ne sais pas ce qui s’est passé, j’étais enfermée dedans…
Essaya t-elle d’expliquer, en même temps qu’elle respirait.

— La porte était bloquée.
Une voix froide et qui lui était inconnue lui répondit.

Elle releva son visage pour voir de qui il s’agissait, et son regard s’arrêta sur ce que la personne avait dans sa main : un grand couteau de cuisine affuté.
Alexandra se figea et eut un mouvement de recul. Elle essaya de se relever lentement.

— Ah… comment ça… ?
Demanda t-elle, en espérant gagner un peu de temps et en apprendre plus.

— Être au sol te sied à ravir… pourquoi te relever ?

Sa remarque lui glaça le sang.

— Je… pourquoi… le couteau… ?
Demanda t-elle, la voix tremblotante.

Elle savait qu’elle n’était pas en état de se défendre, elle avait déjà du mal à tenir debout.
La jeune femme qui lui faisait face semblait découvrir ce qu’elle avait dans la main, et le regarda, amusée.

— Oh. Ca ? C’est pour me défendre.
— Je ne compte pas t’attaquer…
— Ah bon ? Pourtant tu n’as pas hésité à assomer une de mes collègues.
— Je… je me suis excusée… je ne voulais pas lui faire de mal…
— Mais tu l’as fait. Sais-tu à quel point tu as manquéde respect ànotre profession ?
— Je… ce n’était pas mon intention…
— Oui, c est ce que tu dis…

Elle s’avanca et Alexandra essaya de reculer pour se mettre à distance et qu’elle n’arrive pas à portée.
Les mains devant elle, en position de défense, elle essayait de se rappeler l’endroit de la sortie et comment faire pour se tirer d’affaire.

— Je suis vraiment désolée… je ne recommencerai pas…
Dit-elle pour calmer le jeu.

— Je n’en doute pas. Je vais faire en sorte que ça ne se reproduise pas.
— Est-ce que tu peux poser ce couteau… ?
— Absolument… pas. Nous manquer de respect est une chose, mais… manquer de respect à notre maître. Comment oses-tu ?! J’ai entendu dire que tu lui parlais sans aucune formule de politesse. Pire. Tu te crois tout permis ? Avoue le, tu es une espionne qui lui fais du chantage. J’en suis certaine.
— Je ne suis pas une espionne !
— Ne crois pas me duper, tout fait sens si tu es une espionne. Je ne comprenais pas pourquoi notre maître te gardait chez nous. En fait, il y est forcé. Je ne sais pas par quels moyens tu as réussi à l’obliger à t’accueillir, mais je vais lui ôter cette épine du pied.

Voyant que son interlocutrice ne semblait pas vouloir l’écouter, elle baissa les bras et chercha une échappatoire. Elle regarda autour d’elle pour savoir par quel passage elle pouvait sortir et s’enfuir, mais elle avait encore la tête qui tournait et les vapeurs d’eau dans l’immense salle formaient une légère brume qui l’empêchait de savoir exactement par où elle pouvait s’échapper.
Elle ne connaissait pas l’endroit assez bien pour foncer tête première dans l’inconnu.
Elle savait que ce n’était pas une bonne idée de lui tourner le dos, alors elle longea lentement en marche arrière, les murs et le carrelage pour se retrouver rapidement acculée par le grand bain de la taille d’une piscine.
Elle jeta un coup d’oeil rapide derrière elle pour voir qu’elle ne pouvait reculer plus, au risque de finir à l’eau.

— Si je te mets hors d’état de nuire ici, cela soulagera notre maître, peut-être qu’il attend ça depuis ton arrivée et je vais l’aider. Il sera fier de moi. Il ne se retrouvera pas impliqué dans ta perte. J’en porterai cette responsabilité et il pourra me féliciter ensuite.

Elle jouait avec son couteau et jubilait d’avance, voyant que sa proie était prise au piège, elle s’avança lentement vers elle, sachant qu’elle ne pouvait pas reculer plus, au risque de tomber à l’eau.

— Je vous en supplie, écoutez moi, je ne suis pas une espionne… je vous le répète.
Dit-elle, en position de défense et en priant qu’elle baisse son arme.

— C’est cela, oui…

Elle ne s’arrêta pas, et donna des coups vifs avec sa lame devant elle.
Alexandra positionna ses mains et et ses bras, ses avant-bras, pour se protéger.
Elle sentit le métal caresser sa peau.

*

Les coups vifs du couteau tranchaient dangereusement l’air devant ses yeux.
Elle leva ses mains et ses avant-bras en guise de seule défense, impuissante, l’esprit encore à demi embrumé, elle espérait que ce ne soit qu’un mauvais cauchemar mais les sensations étaient trop réelles.
Elle reculait à petit pas, sachant que la chute à l’eau était inévitable, priant que son interlocutrice ait pitié d’elle, ou reprenne ses esprits pour se rendre compte de l’horreur de cette situation.
Elle savait que si elle tombait à l’eau, elle serait d’autant plus vulnérable.
Elle sentit le metal caresser sa peau, peut-être que si elle avait pu ne pas voir les dégâts du couteau sur son épiderme, elle ne se serait pas rendue compte de la douleur de ce que devenait sa chair.
La lame avait coupé si facilement, elle vit l’ouverture et le liquide qui s’en échappa, cette substance fluide et rouge qui gicla et coula le long de son coude, jusqu’à goutter sur le carrelage clair de l’endroit.
Elle était restée muette par l’effroi qui l’avait envahie à la vue de ce qui lui arrivait.
Elle aurait voulu crier, mais elle espérait encore que ce ne soit qu’un mauvais rêve duquel elle se réveillerait, peut-être même que ce nétait pas elle qui était à cet endroit.
La douleur qui ne parvint à son cerveau qu’un instant après, la fit douter de la véracité de ce moment pendant quelques minutes.
Malheureusement pour elle, c’était réel, et elle recula encore un peu plus, observant ses mains et ses avant-bras en lambeaux. Elle était presque rassurée que le sang en recouvrait une partie, pour qu’elle ne puisse pas voir la profondeur de ses cicatrices.
Elle recula encore, oubliant qu’elle était au rebord du point d’eau.
Elle tomba à la renverse, c’était trop tard.
Au contact de l’eau, la douleur était encore plus intense, et elle chercha à se sortir au plus vite de cette situation, serrant les dents et avec les larmes aux yeux.
Elle sentit une onde de choc près d’elle, puis une main qui lui attrapa la tête pour la maintenir sous l’eau.
Elle pensait son heure venue, mais au bout de plusieurs secondes, elle put remonter son visage hors de l’eau pour reprendre sa respiration, à peine le temps de prendre une bouchée d’air, que la force la replongeait sous l’eau.
Cela recommença plusieurs fois, elle essaya de caler sa respiration au bon moment, mais au bout du compte, elle finit par abandonner cette lutte.
C’était de la torture, elle aurait préféré qu’on en finisse avec elle de manière plus directe.

Puis, ce manège s’interrompit.
Elle fut amenée en dehors du bassin et elle sentit le carrelage froid et dur au contact de ses os, de sa peau.
Elle avait les yeux fermés, le souffle encore court, elle profitait de pouvoir respirer en ne sachant pas quand on l’en empêcherait à nouveau.
Et elle entrouvit les yeux pour voir de manière floue la surface des carreaux autour d’elle, se teinter d’un rose de plus en plus foncé qui s’écoulait de ses mains.
La vue de sa peau humide fripée qui avait été coupée lui glaça le dos. L’horreur de cette vision fut de trop, l’accumulation de la fatigue et le jeu avec sa respiration lui fit perdre connaissance.
Elle entendit au loin une voix, qui lui semblait familière, deux voix semblaient se répondre.
Encore en cet instant, elle espérait qu’on la réveille d’un long cauchemar.

*

Une servante avait entendu du bruit et s’était approchée dans la salle des bassins.
Restant prudante, elle avait regardé la scène de loin, croyant juste assister à une dispute, lorsqu’elle vit le couteau et le sang teinter le sol, elle sut qu’il se passait quelque chose de pas normal.
Elle paniqua et courut dans le sens inverse pour prévenir quelqu’un qui serait en mesure d’intervenir.
Elle eut un instant d’hésitation, elle craignait de déranger le maître des lieux pour une broutille, et se décida à aller voir une des combattantes en qui elle pouvait avoir confiance.
Elle se précipita devant sa chambre et tambourrina sa porte, avant qu’elle ouvre non-contente.

— Hé ho, ça suffit tout ce boucan ? Vous savez il est quelle heure ?!
— Je- oui, il se passe quelque chose dans la salle des bassins-
— Comment ça… ?
— J’y ai vu du sang ! C’est urgent !
— Q-quoi ?

*

— Pourquoi tu n’es pas directement allée prévenir le maître ?!
Demanda la jeune femme.

Pressée par le temps et l’urgence de la situation, elle soupira et pris les devants.

— Va prévenir le maître, je vais voir ce qu’il se passe en bas. Dis lui que c’est moi qui t’envoie, j’en prends la responsabilité.
Finit-elle par dire, en se précipitant à l’étage inférieur.

Plusieurs questions lui vinrent à l’esprit : quelle heure était-il, et que se passait-il pour qu’il y ait du sang. Elle craignait le pire et essayait d’envisager toutes les éventualités. Etait-ce une querelle qui était en train de mal tourner ?
Peu importe, il fallait qu’elle tire ça au clair et qu’elle intervienne pour limiter l’ampleur des dégâts.
Elle était déà en train de râler intérieurement exaspérée de devoir s’occuper de ce genre de conflits.
Lorsqu’elle arriva sur place, elle se demanda si c’était la mauvaise semaine d’une des filles, mais en voyant les taches de rouge diluées à quelques endroits, son trait d’humour disparut lorsqu’elle reconnut une des deux protagonistes allongée sur le sol.
Elle se figea et observa son adversaire.

— Ah, vous êtes là. Ne me remerciez pas, je me suis occupée d’elle comme il se doit, elle ne vous causera plus aucun problème.

La voix de la personne était beaucoup trop douce et calme pour quelqu’un qui venait de faire ça.
La garde ne sut pas comment réagir. Elle ne comprenait pas ce que les mots voulaient dire et elle comprit assez vite que cela était étrange, qu’elle devait prendre ses précautions.

— Comment ça… ? Qu’avez vous fait… ?
— Et bien. Je l’ai mise hors d’état de nuire. Tout simplement. Je sais que c’est une espionne et qu’elle vous faisait du chantage, vous n’avez pas besoin de me le cacher. Je suis au courant. Comme vous ne pouviez pas intervenir, j’ai pris cette responsabilité. C’est absolument normal et c’était mon devoir, ne soyez pas aussi surprise. Je suis sure que maître Gabriel sera fier de moi et me remerciera comme il se doit. Il me remarquera enfin.
— Qui… ? Qui t’a dit tout ça… ?

Elle s’approcha du corps d’Alexandra et vérifia si elle était encore vivante, elle l’espérait du fond de son coeur, et elle put reprendre sa respiration lorsqu’elle sentit, même faiblement, les battements de son coeur.
Cela ne sembla pas alerter la servante qui continuait à parler, et expliquer fièrement sa démarche.

— Personne, je l’ai deviné ! C’était trop louche que vous l’autorisiez à rester ici, parmi nous, et c’était évident qu’il y avait anguille sous roche ! Je suis une servante mais j’observe ce qui se passe dans le château !

La garde essayait de trouver les bons mots pour ne pas brusquer l’employée et surtout, elle avait senti qu’elle pouvait être dangereuse, et elle n’avait pas de temps à perdre. Alexandra avait besoin de soin, et maintenant.
Comment réagirait son interlocutrice si elle se mettait à porter le corps d’Alexandra pour l’emmener ailleurs ?
Elle tenta quelque chose, de lui expliquer sans briser sa vérité.

— Ecoutez moi… on va avoir des problèmes si elle reste ici…
— Non non, vous n’aurez pas de problème si vous dites que c’est moi qui ai tout fait !
— Ce n’est pas comme cela que ça se passe…

Alors qu’elle essayait de débattre, tout en étant aux côtés d’Alexandra, à vérifier qu’elle respirait encore, Gabriel arriva et s’arrêta à quelques mètres pour observer l’état des lieux et d’Alexandra, inconsciente et baignant en partie dans son sang.
Son regard alla de la combattante à la servante qui lui souriait.

— Monsieur Gabriel… vous êtes venus en personne…
Dit la servante, émue qu’il l’honore de sa présence.

— Il va falloir m’expliquer ce qu’il s’est pasé ici…
Dit-il de sa voix imposante et sans aucune émotion.

Il jeta un regard à sa garde qui lui rendit une expression complice et elle prit délicatement le corps d’Alexandra pour l’emmener au plus vite à l’infirmerie.
La servante ne réagit pas plus, trop obnibulée par l’homme qu’elle respectait.

— Bien sûr, je vais tout vous raconter très cher maître.
Elle s’excécuta avec plaisir et lui conta ses faits et gestes.

Gabriel l’écouta attentivement et l’approcha pour la rendre inconsciente sur le coup. Il comprit qu’elle avait perdu la tête, qu’elle pensait faire le bien mais ce n’était pas le cas.
Il l’emmena en cellule et l’y enferma jusqu’à nouvel ordre.
Il s’en voulait.
C’était de sa faute si elle sétait méprise, c’est parce qu’il n’avait pas voulu ébruiter la vraie identité d’Alexandra et les rumeurs allaient bon train.
Il devait réfléchir au sort de cette servante, mais plus tard. Ce qui l’importait à cet instant était de savoir l’état de son invitée.
Il était en train de se dire que son père allait l’incendier lorsqu’il apprendrait ce qu’il venait de se passer.
Il se dirigea vers l’infirmerie et heureusement que sa médecin en chef était toujours opérationnelle.

Alexandra était allongée sur une table d’opération, son haut trop grand qui lui servait de pyjama était trempé et lui collait à la peau, la garde qui l’avait portée avait également été un peu mouillée.
La médecin avait tiré les rideaux qui étaient autour pour ne pas être dérangée ni exposer aux yeux de tous l’intimité de la patiente, elle avait dû couper le tissu du vêtement pour le retirer et le jeter, et observer si elle n’était pas blessée ailleurs.
Après l’oscultation rapide, elle s’atela à recoudre les plaies béantes, puis nettoyer la peau et appliquer les bandages sur l’ensemble des avant-bras et des mains.
Elle avait mis la jeune enfant sous anesthésie légère et après avoir nettoyé et séché rapidement son corps, elle lui avait enfilé une tenue de patient pour qu’elle ne soit pas nue.
Elle la transporta à un vrai lit et termina l’installation plus précise.

Lorsque Gabriel arriva, Chrystal n’avait pas encore fini et il ne pouvait qu’attendre avec sa garde qui n’en savait pas plus que lui.

— La servante… elle… ?
Demanda timidement la garde, pour faire la conversation.

— Elle a perdu l’esprit… je l’ai mise en cellule en attendant de prendre une décision sur ses actes… Comment va Alexqndra… ?
— Aucune idée… elle respirait encore, mais c’était très faible. Chrystal s’en occupe… qu’est-ce qui va se passer… ?
— Oh, ça… son père va me tuer, je pense… je n’ai pas été assez vigilant… je ne pensais pas que le danger viendrait de ma propre maison… je peux dire adieu aux relations cordiales avec leur famille…

Gabriel essaya de garder le sourire et de blaguer avec ce qui venait de se passer mais la garde voyait bien qu’il avait du mal à maintenir une expression agréable.
La médecin sortit de derrière les rideaux et vint voir Gabriel.
Elle lui expliqua la situation d’Alexandra et le rassura sur le fait qu’elle était en vie et qu’elle ne risquait plus rien.
Il lui expliqua les détails sur ce que la servante avait fait et la médecin acquiesça sans un mot.
Gabriel lui demanda d’installer Alexandra dans sa chambre personnelle pour qu’elle dispose d’une meilleure protection, et qu’elle n’attire pas plus de représailles dans l’infirmerie.

*

Elle avait repris connaissance au fond d’un lit et d’une pièce qu elle ne connaissait pas.
Elle crut tout d’abord qu’elle était morte mais les sensations désagréables dans ses extremités, lui fit prendre conscience qu’elle était encore en vie.
Elle ouvrit péniblement les yeux et elle remarqua qu’on l’avait mise sous respirateur.
Elle tenta de retirer le masque et lorsqu’elle vit les bandages recouvrant ses bras et ses mains, elle se rappela ce qu’elle avait subi.
Elle laissa le masque sur son visage et sa respiration s’accéléra. Elle était en train d’hyperventiler.
Où était-elle maintenant ? Où était la servante ? Etait-elle hors de danger ? Est-ce que quelque chose d’autre l’attendait ?
Elle essaya de se calmer petit à petit.
L’appareil à côté d’elle se mit à produire un bip régulier, et au bout de plusieurs minutes, quelqu’un franchi la porte de la pièce.
On vint la voir.
Une femme blonde avec une blouse l’approcha et vérifia les informations sur l’écran de l’appareil.
Elle lui sourit gentiment et lui posa quelques questions.

— Tu ne crains rien, tu es en sécurité ici. Comment te sens-tu… ?

Alexandra était encore déboussolée et avait encore plus de mal à faire confiance à la médecin.

— Tu devrais cicatriser d’ici quelques jours, si tu te reposes convenablement. Tu te souviens de ce qui s’est passé… ?

Elle acquiesça lentement de la tête. La jeune femme lui sourit aussitôt.

— Je pense que tu n’as plus besoin de l’appareil, je vais te retirer le masque. Ne bouge pas d’ici, le maître ne devrait pas tarder à venir pour t’en parler.

Elle debrancha la prise et retira délicatement le masque et s’en alla en prenant soin de fermer la porte derrière elle.
Après son départ, Alexandra regarda autour d’elle pour observer dans quel genre de chambre elle était.
Le calme était revenu, le bip incessant n’était plus et ses yeux s’arrêtèrent sur les détails de décoration de cette pièce.
La porte s’ouvrit une nouvelle fois, ce qui la fit presque sursauter.
Gabriel la salua brièvement et commença par lui expliquer la situation.

— Chrystal m’a prévenu que tu étais réveillée… je voulais tout d’abord m’excuser pour ce qui t’es arrivée. J’en prends l’entière responsabilité et j’ai aucune excuse. La servante qui t’a agressée est en cellule actuellement, tu n’as rien à craindre ici. Tu es dans ma chambre personnelle, c’est la pièce la plus sécurisée du château. Je sais exactement qui y rentre et seulement les personnes autorisées peuvent y pénétrer. Tu devras rester ici jusqu’à la fin de ton séjour, je le crains. C’est pour ta sécurité. Et j’aurais un autre sujet à aborder avec toi… je souhaiterais que tu oublies ce que je t’ai proposée à ton arrivée. Je me suis rendu compte à quel point il était stupide de ma part de te faire cette proposition absurde. Je te prie de m’excuser et de ne plus y penser. Tu es ici sous ma protection jusqu’à ce que ton père ait fini ce qu’il doit faire. Rien de plus, rien de moins. Si on pouvait rester en bons termes en tant qu’alliés, cela ne serait pas de refus, mais avec ce qui vient de se passer, j’ai bien peur que ton père ne me le pardonne pas.

Alexandra écouta sans oser s’exprimer.
Elle avait eu si peur et elle s’en voulait tellement d’avoir mal jugé ce personnage. Elle avait été bouleversée par l’intervention de la servante et elle voulait juste s’excuser de lui avoir parlé sur un ton désagréable et impoli. Si elle n’avait pas eu cette attitude à son arrivée, peut-être que tout cela ne serait pas arrivé.
Elle se rendit compte à quel point elle était vulnérable.

— Je… je vous demande pardon, de m’être mal comportée… je… je ne sais pas quoi dire de plus… je crois que j’ai de quoi réfléchir dans mon état actuel… je tâcherai de ne pas faire de vagues jusqu’à mon départ…

Elle en avait les larmes aux yeux.

— Ce n’est pas à toi de t’excuser. Je reconnais avoir eu une attitude excécrable et qui ne me ressemble pas. Repartons sur des bases saines, veux-tu ? Il était idiot de ma part de te forcer à m’épouser. Pardonne le vieil homme que je suis.

Ses mots lui arrachèrent un petit sourire, et elle hocha la tête.

— Repose toi bien. J’ai bien peur que tu devras rester dans cette chambre jusqu’à nouvel ordre. Il y a une salle de bain et des toilettes juste à côté, tu ne devrais manquer de rien. On t’apportera tes repas directement jusqu’ici. Je vais te laisser tranquille. N’hésite pas à dire si tu as besoin de quelque chose en particulier, les personnes autorisées à venir te rendre visite s’en occuperont sans problème. Sur ce, je dois y aller.

Il ne l’approcha pas plus, et après un bref signe de la main, il s’en alla.

Le reste du séjour se passa sans encombre.
Le jour du départ. Alexandra était déjà sur pieds, mis à part les bandages sur ses mains.
Elle avait eu le temps d’observer ce qu’il se passait dans le château par la fenêtre de Gabriel.
Elle ne l’avait pas recroisé depuis qu’il était venu lui expliquer la situation. Il l’avait bel et bien laissée tranquille, ce qui la fit réfléchir sur son fond. Il n’était peut-être pas si mauvais comme personne.
On vint la chercher et elle fut amenée auprès de Gabriel qui était en train de recevoir le père d’Alexandra.

— Mais… que t’est-il arrivé aux mains ?!
Demanda son père paniqué.

Elle cacha frénétiquement ses bandages derrière son dos et afficha un sourire crispé à son père.

— Je voulais justement m’excuser-
Commença Gabriel, mais Alexandra lui coupa la parole.

— C’est de ma faute papa… j’ai voulu m’exercer un peu trop sur le terrain d’entraînement… et je me suis blessée comme une idiote.

*

Gabriel s’était excusé et avait renoncé à épouser Alexandra à but politique.
Alexandra avait changé ‘avis sur ce personnage qu’elle trouvait insupportable, et commençait par comprendre pourquoi ses employés lui juraient fidélité.
Pour également se faire pardonner de l’avoir jugé trop vite, elle mentit à son pere et lui cacha l’incident qui avait eu lieu au sujet de l’agression qu’elle avait subi.
Son père ne semblait pas convaincu mais il accepta son explication au sujet de ses blessures.

En arrivant chez eux, Alexandra avoua la vérité à son père, elle lui fit promettre de ne pas se fâcher et de laisser Gabriel en dehors de cela.
Il avait finalement tiré un trait sur leur alliance et son idée de mariage forcé et elle voulait s’en tenir a cela.
Cela ne leur apporterait rien de faire des vagues sur cette agression.
Elle expliqua à son père qu’on prit soin d’elle et qu’au final, elle avait appris beaucoup de choses, et qu’elle avait même pu s’entraîner et progresser un peu au combat.

Elle se jura de devenir plus forte.

*

Elle était sur le terrain et elle échangeait des coups avec sa partenaire lorsque Gabriel passa les voir et s’arrêta pour les observer.
Les autres combattants l’avaient remarqué et s’étaient arrêtés pour attendre des ordres, mais il leur indiqua d’un seul geste de continuer et de faire comme s’il n’était pas là.
Il regardait attentivement Alexandra et la manière dont elle se battait.
Elle ne se débrouillait pas trop mal mais Gabriel remarquait toute son manque d’expérience, cela lui décrocha un rictus.
Il entendait Alexandra rouspéter et cracher sa haine envers lui, elle lui faisait dos et elle ne l’avait pas encore remarqué.
Sa partenaire était terriblement gênée mais continuait de parer les coups d’Alexandra.
Puis Alexandra finit par voir l’expression sur le visage de son amie et se dit que quelque chose n’allait pas.

Elle se retourna et vit Gabriel, les bras croisés, amusé par ce qu’il venait de voir.
Elle fut tout d’abord embarrassée puis la colère l’envahit. Il se moquait d’elle.
Gabriel vit sa réaction et sauta sur l’occasion pour lui donner une petite leçon et des conseils.
C’était une tête brûlée et il se dit que cela ne lui ferait pas de mal de s’amuser un peu en lui rappelant qui était aux commandes.
Il dit à sa garde de s’éloigner et il s’approcha d’Alexandra, la surplombant de sa carrure.
Il se tint en position de combat et la provoqua pour qu’elle vienne l’engager.
Alexandra ne refusa pas cette invitation, elle se tint également en position et s’apprêta à le frapper.
Il évita la plupart des attaques et en parra le reste.
Alexandra bouillonait de rage et commençait à se sentir impuissante.

— C’est tout ce que tu as dans le ventre ? Tu ne voulais pas me faire mordre la poussière ?
Dit-il pour la pousser à bouts.

Elle ne répondit pas et se recula pour reprendre sa respiration et son énergie.

— À mon tour, maintenant.
Dit-il après lui avoir laissé à peine une minute de répit.

Il fonça sur elle en un rien de temps et la frappa sur sa défense.
La différence de force était telle qu’elle avait les bras qui tremblaient, même en position de défense.
Il faisait exprès de la frapper que sur sa garde pour lui montrer qu’ils ne jouaient pas dans la même cour.
Il pouvait lui faire mal s’il se battait à la régulière.
Il l’accula jusqu’à un pillier.
Elle baissa les bras, ils étaient engourdis et elle les massa pour vérifier qu’ils n’étaient pas cassés.
Elle n’osa pas le regarder dans les yeux, le visage baissé.

— Tu n’as même pas le niveau pour te protéger convenablement. Entraine toi sérieusement avant de chercher à me faire mordre la poussière, gamine.

Il s’en alla sans demander son reste, sans la moindre fatigue ni transpiration.

— Ca va… ? Tu ne sais pas la chance que tu as d’avoir pu te mesurer à lui ! Il s’entraîne rarement avec des gens.

Sa partenaire acourut vers elle pour vérifier qu’elle allait bien, mais semblait encore en effervescence d’avoir pu voir Gabriel se battre de manière succincte.

— Ouais ouais…

Alexandra répondit mais remarqua que son interlocutrice ne prêtait pas plus attention à ce qu’elle disait. Son égo venait de prendre un énorme coup et elle essaya de retourner s’entraîner en évitant les regards des autres combattants.
Elle ne savait pas s’ils étaient jaloux d’elle, ou s’ils se moquaient d’elle parce que Gabriel lui avait donné une bonne leçon.

2021.09.16

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