Il ne connaissait pas Annabelle et il l’avait mal jugée.
Depuis l’histoire avec Marianne, depuis son erreur, il avait essayé de se faire pardonner.
Contre toute attente, c’était grâce à Annabelle qu’il avait pu se réconcilier avec Marianne.
Elle aurait pu la conforter dans l’idée de couper court à leur amitié, mais elle avait fait le choix, pour le bien de Marianne, de la convaincre de discuter avec lui.
Et pour cela, il lui en était reconnaissante.
C’était la première fois qu’il commençait à vraiment connaître Annabelle.
Cette crainte qu’elle profite de la situation et qu’elle abuse de Marianne était dû à un traumatisme qu’il avait lui-même vécu avec d’autres femmes.
Et il avait encore du mal à accorder sa confiance à de nouvelles personnes.
Marianne était l’exception parce qu’il l’avait rencontrée bien avant et ils avaient grandi et mûri comme des frères et soeurs de coeur.
Leur caractère respectif faisaient qu’ils ne pouvaient pas se faire intentionnellement du mal.
Même si lui, avait par erreur, profondément blessé Marianne.
Il s’était fait violence pour ne pas mal juger Annabelle et son geste l’avait fait réaliser à quel point il s’était trompé à son sujet.
Cela leur arrivait de se voir, lorsqu’il passait voir Marianne à son travail, mais Annabelle quittait la pièce aussitôt, les laissant seuls.
Il comprenait sa réaction, elle n’était pas à l’aise lorsqu’il était dans les parages et il ne pouvait pas lui en vouloir, mais au fond de lui, cela lui faisait de la peine.
Il n’arrivait pas à savoir ce qu’il pouvait bien faire pour qu’elle ne le craigne plus.
Marianne remarqua qu’il était affecté et n’était pas tendre avec lui, comme à son habitude.
— Les conséquences des actes…
— Oui bon, ça va. Je sais que j’ai merdé !
— Comment ça va, sinon ?
Demanda t-elle, pour changer de sujet.
— La routine, et toi ? Comment ça va avec Annabelle ?
— Parfait, nous sommes sur notre petit nuage, enfin surtout moi.
— Maintenant je t’envie…
— Tu songes à adopter un humain, aussi ?
— Hors de question ! T’as eu une chance de cocu, ce n’est pas pour ça que je vais tenter le diable… !
— J’ai dû faire quelque chose dans mon ancienne vie pour avoir le droit à accéder à ce bonheur dans cette vie là.
— Ouais, ouais, c’est ça. Tu saurais pas plutôt ce que je pourrais faire pour me racheter auprès d’Annabelle ? Elle m’en veut encore ?
— Pour être sincère… je crois qu’elle a fini par passer à autre chose. Après tout, notre relation est encore plus solide maintenant, elle te fait la tête plus pour la forme, un peu pour te faire payer ce que tu lui as fait.
Sourit malicieusement Marianne.
— Je sais pas si ça doit me rassurer.
— C’est peu cher payé, tu ne trouves pas ?
— Si… tu as raison…
— Tu voudrais faire quoi ? Apprendre réellement à vous connaître ? Tu sais qu’elle est adorable.
— Je le sais parce que tu ne manques pas d’éloges à son égard. Moi je ne sais pas… je me doute.
— Elle sait pas qui tu es réellement non plus. La dernière fois t’as joué les gros connards, tu te souviens ? Normal qu’elle te fuit comme la peste. Moi aussi je le ferai si je ne te connaissais pas aussi bien.
— Je sais pas… je voudrais l’inviter au resto…
— Et l’insulter ?
— Non ! Justement… l’inviter pour de vrai et me comporter de manière normale, correcte.
— Je sais pas si elle accepterait… tu l’as quand même traumatisée la dernière fois.
— Et si je vous invitais toutes les deux, comme ça, elle serait rassurée… ?
— T’as intérêt à choisir un restaurant qui en jette pour marquer le coup.
— Tu viendrais ? Tu m’aiderais ?
— Je te promets rien, ça se trouve ça ne marchera pas, mais je veux bien t’aider à organiser ça. Je… je m’arrangerais avec Annabelle pour qu’elle vienne aussi. Et puis au moins, on mangera à un très bon restaurant !
— Ok ok… j’ai compris pour le très bon restaurant, je ne te décevrai pas.
— J’ai hâte alors.
*
— Ah au fait, depuis quand Annabelle à une montre… ? C’est nouveau ça ?
— Ah ! Tu l’as remarquée ! C’est mon cadeau pour nos un an de rencontre !
— Je comprends mieux…
— C’était trop mignon quand elle a découvert la surprise, quand elle a ouvert la boîte, et puis je l’ai mise à son petit poignet tout doux, ah… !
Marianne partait souvent en mode super gaga et amoureuse d’Annabelle.
— Arrête, je vais vomir.
Rétorqua Duncan, pour l’embêter.
*
— Ah, j’avais pris cette photo de vous deux au dernier gala, vous étiez ravissantes, je te l’envoi.
— Hm… ? Tu t’amuses à nous espionner maintenant ?
Dit Marianne dubitative.
Lorsqu’elle reçut la photo, elle se figea.
— Quelque chose ne va pas… ?
Demanda Duncan, inquiet d’avoir fait une bêtise.
— Non, enfin si…. mais elle est trop bien cette photo. Merci ! Je vais l’envoyer à Annabelle ! Elle va adorer ! On a très peu de photos toutes les deux ensemble. Tu sais que je ne suis pas fan de selfie.
— Ah, ça me rassure qu’elle te plaise.
— T’en as d’autres ?
— Ca va pas ? J’ai pas passé la soirée à vous espionner comme un paparazzi non plus.
— Hm… c’est vrai. En tout cas, merci pour celle-ci !
— Elle est un peu floue mais on vous reconnait bien dessus.
— Hop, sur mon fond d’écran.
— Je n’ai pas les mots, Marianne.
— Bah quoi, on est trop belles dessus ! Surtout Annabelle !
*
Annabelle reçut la photo et elle était en admiration devant Marianne. Elle était dans sa superbe robe noire et Annabelle devait reconnaître qu’elle n’était pas mal non plus dans cette robe blanche. Elle ne se reconnaissait pas mais la photo était vraiment sympa.
Sans un mot, elle l’enregistra pour la mettre sur son fond d’écran de portable.
*
Marianne lui glissa par la suite que la photo avait été prise par Duncan.
Annabelle ne réagit pas.
Depuis qu’elle était avec Marianne, elle arrivait à intégrer que Duncan n’était pas le personnage odieux qu’elle s’était fait à cause de lui-même.
Marianne enchaîna en lui proposant d’aller au restaurant.
Ce n’était pas rare qu’elles aillent toutes les deux au restaurant, mais cette fois-ci, elle lui proposa de remettre les fameuses robes dans lesquelles elles étaient très bien. Elle prévint Annabelle que c’était réservé pour une date ultérieure mais Marianne avait l’air joyeuse et semblait avoir hâte de pouvoir reporter cette tenue.
Cette bonne humeur était communicative.
Ce qu elle omit de dire, c’était qu’il y aurait Duncan.
*
Le jour J arriva.
Annabelle et Marianne se rendirent à l’adresse.
Le sourire sur le visage d’Annabelle disparu lorsqu’elles arrivèrent à leur table et que Duncan y était assis.
Elle se figea et fixa Marianne dans les yeux.
Il se leva pour les saluer et prit la main d’Annabelle pour l’embrasser avant de retourner s’asseoir.
Annabelle resta fixe.
Elle ne savait pas si elle devait prendre ses jambes à son cou, vomir l’estomac vide, ou… non, elle ne savait pas ce qu’elle devait faire.
Marianne était encore à ses côtés, et la rassurait.
Annabelle ne savait pas quoi penser. Est-ce que c’était une trahison ? Oh, elle comprenait enfin. Marianne voulait l’aider à se réconcilier avec Duncan. Chose qu’elle ne lui avait jamais demandé pour une très bonne raison. Qu’elle n’en avait aucune envie.
— C’est lui qui a réservé dans ce restaurant… ce n’est pas facile d’avoir une table ici, je ne pouvais pas refuser… puis tu verras, ça sera super bon.
Lui chuchota Marianne en messe basse, en essayant de lui faire avaler la pilule.
Il était trop tard de toute façon. Elles avaient déjà fait tout le trajet et elles étaient habillées pour l’occasion.
C’était une table ronde, Annabelle éloigna sa chaise au maximum de Duncan pour se coller à Marianne.
Duncan évita de faire des remarques et se comporta de manière remarquable tout le reste du repas.
Annabelle n’était pas à l’aise, mais au cours du repas, elle réussit à se détendre et oublier Duncan.
Sa crainte qu’il se mette à prononcer des mots désagréables, qu’il commence à l’insulter, était encore présente, mais lorsqu’elle se rendit compte qu’il s’exprimait de manière normale, qu’il était une toute autre personne.
Elle réussit à estomper cette mauvaise image qu’elle avait de lui.
Il avait choisi un très bon vin et Annabelle avait déjà fini son verre.
Il était sur le point de la resservir lorsque Marianne posa sa main sur le dessus du verre pour l’en empêcher.
Elle regarda Duncan dans les yeux.
Annabelle avait déjà les joues rosies, et était un peu plus joyeuse que d’habitude.
Elle ne comprit pas la réaction de Marianne et se tourna vers elle, comme un enfant qui réclamerait plus.
— Non, Annabelle. Tu as déjà assez bu…
Duncan reposa la bouteille.
Annabelle boudait pour la forme, mais au fond d’elle, elle savait que Marianne avait raison. Elle ne se rendait parfois pas compte qu’elle avait déjà trop bu.
Si elle pouvait éviter d’être malade, c’était toujours ça de pris.
Duncan voyait que Marianne avait changé.
Elle qui était de nature festive et à boire au delà du raisonnable, elle était devenue plus responsable.
Ils ne buvaient jamais trop au point de se mettre en danger, surtout qu’ils conduisaient tous les deux, mais cela lui faisait quelque chose de la voir si attentionnée avec Annabelle.
Marianne jouait le rôle de mentor, de maman, mais également d’amante.
Il la voyait expliquer à Annabelle l’utilisation des nombreux couverts autour de l’assiette.
Elles avaient choisi des plats différents et elle faisait goûter à Annabelle ceux qu elle avait prit, et Annabelle lui faisait également goûter les siens.
Il se sentait effectivement de trop à cette table.
Il serait bien parti mais il découvrait Annabelle et la personne qu’elle était.
Un peu maladroite, réservée, mais elle avait quelque chose d’attendrissant, elle rayonnait aux côtés de Marianne.
Cela lui ouvrit les yeux sur ce qu’étaient des sentiments profonds et sincères. Il voyait à quel point Annabelle aimait Marianne, et à quel point elle lui faisait confiance.
Rien n’aurait laissé deviner qu’elle était une humaine de compagnie. Elle ne jouait pas de rôle, elle était vraie et naturelle.
Il se méprenait sur la relation que pouvait avoir un humain de compagnie. Il se doutait que tous n’avaient pas la chance d’être dans une relation aussi agréable.
Perdu dans ses pensées, Marianne s’arrêta pour l’observer et lui fit remarquer qu’il avait une tâche sur la joue, dû à de la sauce, en lui montrant sur son propre visage.
Il ne comprit vraiment pas.
Annabelle prépara sa serviette.
Il fut encore plus surpris.
*
Le repas se déroula mieux que prévu.
Duncan prit la parole à quelques reprises pour raconter quelques annecdotes, l’ambiance était agréable, douce. Annabelle avait du mal à y croire, du mal à croire que Duncan soit si différent de ce qu’elle pensait de lui.
Il recommanda quelques plats, et également les desserts. Plutôt à l’aise dans cet environnement, il prenait les devants. Accompagnant Annabelle et Marianne dans leurs choix.
Annabelle restait collée à Marianne, n’osant pas croiser le regard de Duncan.
*
Après cet épisode, Marianne avait plaidé pour Duncan auprès d’Annabelle, elle avait fini par lui dire que ça allait mieux. Qu’effectivement, il pouvait se comporter normalement et c’est ce qui la choquait à présent.
Elle avait promis à Marianne de faire un effort et ne pas l’éviter de manière aussi évidente, et qu’elle serait moins désagréable ou froide avec lui.
Les occasions étaient juste rares.
Une fois, Marianne demanda service à Duncan d’aller chercher Annabelle et de l’emmener à une soirée. Elle avait une réunion importante et elle les rejoindrait plus tard.
Annabelle avait voulu rejoindre Marianne et l’attendre, mais elle avait insisté qu’ils profitent de la soirée, et qu’elle ne tarderait pas.
Annabelle savait que c’était une excuse et une occasion qu’ils se retrouvent tous les deux, même si le prétexte de Marianne tenait la route.
Ils se retrouvèrent tous les deux dans la voiture de Duncan.
Annabelle garda le silence. Ce n’était pas facile de ne pas faire la tête, constata t-elle.
— Ecoute… je suis vraiment désolé-
— Je sais… je le sais…
Répondit-elle, agacée. Elle avait déjà entendu ses excuses des dizaines de fois, voire plus. Cela lui rappelait qu’elle était rancunière et elle avait promit à Marianne de laisser une chance à Duncan de se racheter.
Duncan s’arrêta net. Il voyait et comprenait la réaction d’Annabelle, et son but n’était pas de la brusquer.
Il inspira et expira.
— Je sais que nous n’avons pas très bien débuté… est-ce qu’on peut recommencer sur des bases saines ? Je suis Duncan, un vieux de plus de 40 ans, qui se méfie un peu trop des gens mais qui tient énormément à ses amis. Notamment à Marianne, parce qu’il n’en a pas beaucoup, des vrais amis…
Il tendit sa main vers Annabelle, en guise de salutation.
Annabelle soupira et se tourna vers lui.
Il esquissait un sourire gêné.
Oui, cela serait gênant si elle refusait cette poignée de main.
— Annabelle… une gamine de 25 ans qui a vendu son humanité mais qui a reprit goût à la vie grâce à Marianne…
Elle tendit timidement sa main, en se forçant à regarder dans les yeux Duncan.
C’était une symbolique importante. Ils se considéraient d’égal à égal, et elle savait qu’il avait raison. Ils devaient repartir de zéro et apprendre à se connaître vraiment.
— Enchanté, Annabelle. Marianne m’a confié la mission de t’accompagner à la soirée, je suis également invité. Nous pouvons l’y attendre là-bas.
Duncan s’installa un peu plus confortablement dans son siège, rassuré que sa démarche n’ait pas été un total échec, et il démarra la voiture.
Annabelle acquiesça sans un mot.
Arrivés, Annabelle le suivit et ils entrèrent dans l’hôtel où se tenait la réception.
— Au fait… si tu pouvais laisser tomber le vouvoiement pour moi… ça me file un coup de vieux… puis tu tutoies Marianne avec qui je partage le même âge.
— Ah…
— Je te tutoie aussi… ça me met un peu mal à l’aise d’avoir une sorte de supériorité vis à vis de toi. Je ne suis pas ton patron.
— Encore heureux…
Lâcha Annabelle, sans faire attention à ce qu’elle disait.
— P-pardon !
S’excusa t-elle immédiatement. Sa pensée avait dépassé son esprit et elle avait prononcé ces mots.
— Haha, pas de problème, je préfère que tu sois à l’aise pour me dire ce que tu penses. Marianne a toujours fait ainsi, et ça me convient parfaitement.
Duncan réussit à se détendre et la rassura.
— B-bien…
Bafouilla Annabelle, un peu surprise de sa réaction.
Il commençait à avoir beaucoup de monde, les invités arrivants à peu près tous en même temps.
Duncan et Annabelle se retrouvèrent rapidement encerclés et les déplacements se firent plus difficiles avec les nouveaux arrivants, dans la pièce près de l’entrée.
Duncan dut s’interposer pour qu’Annabelle ne se fasse pas bousculer et il la rapprocha légèrement de lui, pour éviter qu’elle ne percute quelqu’un par mégarde.
— On va aller un peu plus loin, ça devient trop dense par ici.
Dit-il, en l’invitant à le suivre. Il attrapa deux verres de cocktail au passage et s’installa sur un bout de banc capitonné au fond de la seconde pièce, qui était beaucoup moins remplie.
— Tu sais, je traite plutôt bien mes employés… contrairement à ce que tu pourrais penser.
S’exprima Duncan, qui essayait de rétablir la vérité. Un peu gêné de devoir se justifier.
— Ca me rassure que Marianne n’ait pas un tyran parmi ses amis proches…
Annabelle avait des mots acérés qui se plantaient profondément dans la poitrine de Duncan.
— Es-tu aussi intransigeante avec Marianne ?
— Non… pas autant… mais Marianne est parfaite.
— Ah ah ah. Tu ne la connais pas aussi bien que moi. Si tu savais comment elle était quand elle avait ton âge… même plus jeune que ça.
— Je veux bien plus de détails.
— Elle ne t’a jamais raconté son passé… ? Comment elle en est arrivée là… ?
Annabelle dut répondre à la négative, un peu plus sur la réserve.
Duncan se fit alors une joie de lui raconter quelques anecdotes.
*
— Pourquoi autant de méfiance… ? Il s’est passé quelque chose… ?
Finit par demander Annabelle, à Duncan.
Elle avait réussi à se sentir plus à l’aise depuis qu’il avait prit la parole en racontant son passé avec Marianne. Elle le découvrait sous un nouveau jour. Il était plus sympathique et agréable.
Elle pouvait enfin se décrisper et avoir une conversation presque normale avec lui.
Cette question lui taraudait depuis le début. Depuis qu’il avait dit qu’il était méfiant, et sa méfiance l’avait poussé à traiter Annabelle comme un vulgaire insecte. Cela dévoilait quelque chose.
Duncan inspira un grand coup, observa Annabelle qui semblait curieuse de savoir pourquoi, et il lui devait bien ça, au moins. Alors il lui raconta dans les grandes lignes.
*
Duncan avait été jeune et il avait été amoureux.
Lors d’une soirée organisée par son école, il avait rencontré une jeune fille qui était étudiante dans un autre cursus, et ça avait été le coup de foudre.
Ils avaient rapidement commencé à sortir ensemble.
Ce n’était pas étonnant ni étrange, les couples se faisaient et se défaisaient dans ses milieux là
Ils étaient tous des fils et des filles de gens qui avaient plus ou moins réussis dans la vie, de quoi permettre à leurs enfants de fréquenter ces établissements qui demandaient des frais de scolarité hallucinants pour un employé moyen.
La jeunesse faisant que chaque personne profitaient surtout de l’instant présent, des sentiments amoureux, des plaisirs de la chair, etc.
Duncan découvrait sa première relation amoureuse et il était fou de sa copine. Il la trouvait ravissante, son coeur s’emballait à chaque fois qu’il la voyait où qu’il pensait à elle. Elle était parfaite à ses yeux.
Ses sentiments ne l’avaient pas fait quitter la terre ferme lorsqu’elle lui avait suggéré d’arrêter d’utiliser des préservatifs lors de leurs relations intimes.
Duncan était encore un jeune étudiant et il ne se voyait pas devoir assumer des responsabilités de parents si jamais il mettait par erreur sa copine enceinte.
Il l’aimait mais c’était trop risqué, sans oublier les maladies sexuellement transmissibles, même s’il avait confiance en elle. Il se souvenait avoir eu une discussion sérieuse avec elle à ce sujet. Il lui avait expliqué calmement qu’il l’aimait de tout son coeur, mais qu’il préférait jouer la carte de la sécurité et d’attendre la fin de ses études pour peut-être, envisager des projets plus sérieux comme un engagement, des fiançailles.
Cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille mais sa copine n’avait pas eu d’argument pour s’y opposer et elle avait accepté sa décision sans broncher.
Ils étaient jeunes et il avait mis ça sur le fait qu’elle n’avait peut-être pas réfléchi à cette éventualité.
Elle lui assurait de prendre la pilule.
Quoi qu’il en soit, Duncan préférait assumer sa part de responsabilité en terme de contraception, et suggérait même à sa copine d’arrêter la pilule.
Elle n’avait pas remis le sujet sur le tapis.
Quelques mois plus tard, elle avait déjà rencontré ses parents et elle avait été parfaite. Ses parents l’adoraient.
Un jour, Duncan remarqua des relevés sur son compte bancaire un peu inhabituels. Il n’avait jamais fais plus attention parce qu’il n’avait pas besoin de vérifier son solde régulièrement. Cependant il trouvait étrange que le total baissait et que son relevé lui affichait des retraits et de dépenses qu’il n’avait jamais effectué.
En remontant les informations, il remarqua que cela faisait plusieurs semaines que c’était ainsi.
En vérifiant dans son porte-feuilles, sa carte bleue était manquante. En premier lieu, il pensa qu’il avait dû se faire voler ou faire tomber sa carte quelque part.
Puis il se fit la remarque que c’était étrange, parce qu’il fallait connaître le code. Puis en second lieu, il savait qu’il était possible de payer sur des sites internet sans connaître le code de sa carte.
Il téléphona à sa banque pour faire opposition et bloquer tout de suite sa carte bancaire et n’y prêta pas plus attention.
Plusieurs jours plus tard, il aperçut sa copine fouiller dans la poche de son manteau, et lorsqu’il lui fit remarquer, elle sursauta.
Il était dans le déni, une petite voix lui disait que quelque chose clochait mais il préférait ne pas y croire.
Lorsqu’il lui demanda ce qu’elle faisait, elle n’arriva pas à le justifier d’une manière naturelle.
Alors il dut accepter la vérité.
C’était elle qui lui avait volé sa carte bleue.
Il essaya de croire qu’elle avait des problèmes d’argent , qu’il lui fallait juste demander, parce qu’en réalité, ces sommes d’argent étaient insignifiantes pour lui. Il lui aurait juste fallu qu’elle lui en parle en amont, et il lui aurait fait un virement sans se poser de questions. Il était amoureux à ce point.
Prise en flagrant délit, elle n’arrivait plus à maintenir le rôle qu’elle jouait.
Il ne l’avait pas venue venir, et elle mit fin à leur relation.
Il n’en revenait pas. Tout se passait si bien à ses yeux, il pensait que ses sentiments étaient réciproques, qu’ils vivaient le grand amour, mais tout se brisa en l’espace de quelques minutes, à peine une heure.
Elle était partie en lui disant que c’était fini.
Il n’avait rien pu faire pour la retenir.
Il était dévasté.
Il pensait qu’en patientant quelques jours, cela aurait eu le temps de décanter et qu’il aurait pu rediscuter avec elle, mais à peine une semaine plus tard, il apprit qu’elle était déjà en couple avec quelqu’un d’autre.
C’était une seconde déception.
Il dut voir la vérité en face et accepter que c’était bel et bien fini. Alors qu’il se remettait de cette séparation abrupte. Il avait dû garder la face devant ses amis et ses camarades de classes. Paraître impassible et juste leur dire que c’était fini. Que c’était ainsi.
Marianne était sa confidente et il lui avait raconté toute l’histoire avec les détails et ses soupçons.
Elle était également allée enquêter en posant des questions à ses connaissances à propos de cette fille. Ils avaient découvert qu’elle n’était pas d’une école affiliée aux soirées, que c’était une amie d’une amie qui avait été conviée et que son visage d’ange l’avait aidée à passer inaperçu dans leur milieu. Ainsi que ses belles robes. Elle savait se mettre en valeur.
Ils apprirent peu de temps après qu’elle était engagée avec son nouveau copain et qu’elle était potentiellement enceinte.
Duncan avait eu du mal à digérer cette information.
Il était encore amoureux d’elle mais il voyait maintenant plus clair dans son jeu.
Il avait été assez responsable pour ne pas devoir s’engager avec elle mais une partie de lui-même regrettait que cela se soit terminé ainsi.
Il se sentait également désabusé. Elle avait joué avec lui et ses sentiments. Elle n’avait rien ressenti pour lui. Elle ne s’intéressait qu’aux choses matérielles.
Il se disait que le garçon qui était son nouveau copain et qui l’avait vraisemblablement mis enceinte, était qu’un idiot, qu’il se faisait berner.
Cependant, ils avaient l’air de former un couple heureux et épanoui.
Il avait fait tourner le scénario dans tous les sens dans sa tête, il s’était torturé jour et nuit, pour finalement se dire qu’il n’enviait pas cet homme.
Il n’avait aucune envie de devenir père à un si jeune âge, et surtout pas avec une femme qui n’avait pas été honnête avec lui.
Si elle avait besoin d’argent pour une quelconque raison, il lui aurait donné volontiers. Mais elle n’avait même pas abordé le sujet avec lui.
Marianne lui avait tenu compagnie de nombreuses soirées chez lui, pour éviter qu’il ne fasse une bêtise.
Elle avait du le supporter, dans tous les sens du terme, et elle l’avait raisonné.
Les peines de coeur pouvaient être très douloureuses.
Cette première histoire l’avait vacciné des relations amoureuses. Pour oublier et ne plus y penser, il s’était donne coeur et âme dans son cursus scolaire.
Marianne avait quitté l’année d’après, leur école.
Même s’il lui avait fait réfléchir à deux fois, parce qu’il craignait qu’elle fasse une erreur en partant.
La seconde fois qu’il fit confiance à une femme, c’était des années plus tard.
Il avait obtenu son diplôme, et il avait pu se faire embaucher dans une grande entreprise pour faire ses preuves et voir de quoi était fait le monde du travail.
Etant le petit nouveau, beaucoup d’employés vinrent le saluer, lui souhaiter la bienvenue.
En peu de temps, il avait gravi quelques échelons et il avait une bonne réputation. Il était sérieux et travaillait efficacement et bien.
Cela ne passa pas inaperçu.
Une employée d’un autre service le remarqua.
Elle s’était hissée à son poste actuel mais elle sentait qu’elle ne pourrait pas monter plus haut.
Elle avait sentit que ce jeune avait du potentiel et elle fit en sorte de le croiser « par hasard » à de nombreuses reprises. Que ce soit à la cafétéria, le soir après la fin des heures de bureau.
Tout prétexte était bon pour faire connaissance.
Duncan ne vit rien arriver. Il tomba dans le panneau.
Il s’était aussi promis de laisser une chance aux femmes sans forcément penser qu’elles étaient intéressées.
Au tout début, il se laissa porter par cette relation sans se poser de questions. Il continuait d’être méfiant et ne voulait pas aller plus loin qu’une simple aventure.
Sa collègue semblait être du même avis et ils restèrent discrets sur leur relation charnelle au bureau.
Le temps passa et il finit par s’attacher à elle.
Contrairement à sa première copine, celle-ci ne mentait pas sur son identité. Elle avait une bonne réputation à son travail.
Il décida de lui faire confiance
Il lui proposa même d’emménager chez lui, pour essayer. Elle accepta avec joie.
Leur quotidien se passait à merveilles. Aucune dispute. Tout semblait parfait et il était finalement tombé amoureux d’elle. Elle ne fouillait pas dans ses affaires, et elle ne lui demandait pas de la couvrir de cadeaux.
Ce qui ne l’empêchait pas de lui offrir des présents qu’elle n’aurait pas osé s’offrir.
Puis, au bout d’un peu plus d’un an, il songea à l’épouser. Elle avait déjà rencontré sa famille et le courant était bien passé.
Tout se passait à merveilles mais il surprit une conversation où elle fit tomber le masque.
Elle jouait la comédie pour pouvoir profiter du salaire de Duncan et démissionner. Elle dévoila son plan et avoua qu’elle ne ressentait rien pour lui mais qu’il était le mari parfait pour avoir une vie douce et sans problème. Elle se vantait auprès de sa collègue qu’elle avait parié sur le bon cheval.
Ces mots blessèrent Duncan au plus profond de lui.
Il avait cru à la sincérité et l’honnêteté de leur relation.
Il n’avait rien contre le fait que sa compagne décide de quitter son poste, mais il aurait préféré qu’elle lui en parle, qu’elle se confie à lui.
Ce qui lui fit le plus de peine ce sont les mots qu’elle eut à son égard. Il pensait que ses sentiments étaient réciproques mais cette dure réalité lui tomba dessus.
Il voulait lui faire la surprise en allant la chercher après ses horaires de bureau, pour une fois qu’il finissait plus tôt. Il s’était rendu dans l’aile de son service et il avait surprit cette conversation.
Il fit demi-tour le coeur brisé.
Il eut une discussion sérieuse avec elle, quelques jours après. Il mettait fin à leur relation.
Depuis, il n’avait pas réussi à se lancer dans des relations sérieuses. Il eut des aventures d’un soir, des amourettes, mais il ne s’engagea pas, et les jeunes femmes qui lui tournaient autour n’insistèrent pas en voyant qu’il était hermétique à leurs avances.
Annabelle ne savait pas quoi dire après avoir entendu ces anecdotes au sujet de Duncan.
Elle se sentait terriblement désolée, attristée qu’il ait eu ce genre de mésaventures. Elle comprenait mieux sa réaction lorsqu’elle rencontra Marianne et qu’elle commença à vivre avec.
Mais elle n’était pas comme les ex de Duncan.
Il vit qu’elle était dépitée, cela se voyait clairement sur son visage qu’elle n’arrivait pas à trouver les mots pour le consoler.
Cela le fit sourire. Elle était effectivement adorable, comme Marianne lui rabâchait régulièrement.
— Ne t’inquiète pas, c’est du passé, je vais beaucoup mieux maintenant !
Rit-il, pour détendre l’ambiance maussade qu’il avait installé à cause de ses histoires.
— Je… je ne ferai jamais de mal à Marianne… en tout cas pas intentionnellement…
— Je le sais, maintenant.
Sourit-il, en la rassurant.
C’était nouveau pour lui de discuter avec quelqu’un de désintéressé par lui, qui ne cherchait pas à lui plaire ou qui ne pensait pas à mal.
Il comprenait de mieux en mieux pourquoi Marianne s’était tant attachée à Annabelle.
Elle avait une aura bienveillante, reposante.
— Et toi… ? Ca ne te pose pas problème que… Marianne…
Demanda Duncan, ne sachant pas comment aborder le sujet.
Il espérait qu’Annabelle comprenne sans qu’il ait à prononcer la question complète, mais elle ne comprit pas le sens ni où il voulait en venir.
— Marianne… ?
— Et bien… Qu’elle t’apprécie autant… ? … Qu’elle aime les femmes…
— … Ah bon… ?
S’étonna Annabelle.
Elle ne s’était jamais réellement posée la question. Elle aimait Marianne de tout son coeur, mais elle n’avait pas réfléchi à la nature de ses sentiments, ni ceux de Marianne. Elle était un peu candide et elle pensait qu’elles étaient juste des amies très proches.
— Tu es sérieuse… ? Attends… vous dormez dans le même lit, non… ? Ca ne t’a jamais effleuré l’esprit… ? Vous n’avez pas encore… ?
Duncan en tombait des nues. Il n’arrivait pas à croire Annabelle. Il se demandait si elle se moquait de lui.
— Oui… enfin, on dort ensemble… mais c’est tout… on a pas encore quoi… ?
Annabelle avait du mal à suivre les sous-entendus de Duncan et il dut la croire sur parole. Elle ne comprenait pas ce qu’il lui disait.
Il se mit à rire aux éclats.
Annabelle le regardait les yeux écarquillés.
Elle attendit qu’il reprenne son souffle et que son fou rire passe.
— Qu’est-ce qu’il y a de si drôle… ?
Demanda t-elle, vexée.
— Votre relation… ! Marianne… ! C’est la meilleure… !
Duncan essayait de respirer correctement, à moitié encore plié en deux.
— Vous n’avez pas encore couche ensemble… ?
— On dort ensemble… oui ?
— Non non, je veux dire, faire l’amour !
— Q-quoi… ?!
Bafouilla Annabelle, les joues rouges.
Duncan se remit à rire, il essayait de se retenir.
— Ok, d’accord. Excuse-moi, je ne vais pas te poser d’autres questions indiscrètes. Ca ne me regarde pas. J’étais juste certain que vous étiez amantes. Ca me surprend juste un peu que ce soit simplement platonique entre vous…
Dit-il en essuyant les larmes au coin de ses yeux.
Annabelle ne savait plus où se mettre.
Elle n’avait jamais songé à être plus intime avec Marianne.
Marianne n’avait jamais fait un geste dans ce sens là, peut-être parce qu’elle n’en avait pas envie elle-même. Ou alors elle attendait un pas de la part d’Annabelle.
Elle était en train de se torturer l’esprit.
Marianne était trop gentille et elle n’aurait pas forcé Annabelle ni cherché à la mettre mal à l’aise concernant ce sujet.
Elle ne s’était jamais demandée si Marianne aimait les femmes. Elle n’avait rien vu venir.
Et puis, finalement, est-ce que cela changeait quelque chose par rapport à ce qu’elle ressentait ? Non, elle n’allait pas changer son comportement juste avec ce détail. N’empêche que cela lui trottait dans un coin de la tête.
*
Duncan et Annabelle avaient fini par sympathiser, et discutaient gaiement dans leur coin.
Marianne était finalement arrivée, une bonne heure après.
Elle avait pu s’apprêter et elle les cherchait du regard.
Quelle fut sa surprise lorsqu’elle les vit assis l’un à côté de l’autre. Plus proches physiquement que ce qu’elle aurait cru.
Duncan faisait attention à garder une certaine distance pour ne pas toucher Annabelle, pour éviter de lui rappeler de mauvais souvenirs, mais elle semblait avoir déjà fait table rase de leurs différends.
L’alcool aidant à la rendre un peu plus joyeuse que d’habitude.
Lorsqu’elle vit Marianne, elle lui fit de larges signes, un sourire radieux sur son visage. Son monde semblait s’être illuminé à la vue de cette personne.
Marianne vint s’asseoir à côté d’Annabelle, qui se blottit dans ses bras.
L’alcool lui faisait cet effet, elle avait envie de se coller contre la personne chère à son coeur, la prendre dans ses bras et lui dire à quel point elle était heureuse à ses côtés. C’était embarrassant.
Marianne se pencha pour lui rappeler gentiment à voix basse qu’elles étaient en public.
Annabelle se redressa, gênée, et s’excusant à demi-mot.
Duncan eut un sourire moqueur.
Annabelle n’avait pas l’habitude de boire et la dernière fois, il se souvenait qu’elles étaient rentrées sous l’injonction de Marianne.
Annabelle resta silencieuse.
— Depuis quand vous êtes les meilleurs amis du monde ?
Demanda Marianne, taquine et un peu jalouse.
Elle ne cacha pas cette pointe dans sa poitrine lorsqu’elle les vit échanger des sourires, assis comme un couple en train de flirter sur un banc.
— On faisait juste connaissance, rien de plus. Tu sais bien que c’est toi dans le top de mes amis.
Se justifia Duncan, sur ses gardes.
— Flatteur. Vous avez pu faire un tour ? Il y a des canapés dans les salles un peu plus loin.
— Pour s’asseoir… ?
Demanda Annabelle, incertaine. Ils étaient déjà assis.
— Pour manger.
Sourit Marianne, en mimant un amuse-bouche invisible qu’elle tenait au bout de ses doigts, pour le mettre dans sa bouche.
Annabelle baissa la tête une seconde fois, les oreilles chaudes. Elle se sentait bête.
Duncan n’osa pas se moquer. C’était mignon.
Marianne n’y prêta pas attention et invita Annabelle à se lever, en lui tendant son bras pour qu’elle puisse s’y accrocher.
— Tu n’es pas obligé de nous suivre, Duncan. Va donc aborder quelqu’un. Ce n’est pas comme ça que tu vas trouver l’amour !
Dit Marianne, sans aucun scrupule.
— Dis tout de suite que je vous gêne… et j’ai tiré un trait sur l’amour. Un petit vieux comme moi, je ne me fais pas de faux espoirs.
Soupira t-il.
— Ne sois pas aussi négatif, tu ne fais pas si vieux. T’es encore un jeune vieux. Et moi, regarde, la chance m’est bien tombée dessus. Il suffit juste de lui donner un petit coup de pouce.
*
La soirée se déroula à merveilles et Annabelle salua Duncan avec un grand sourire joyeux, avant qu’ils ne se séparent.
Le lendemain, Marianne lui rappela cela, elle se remémora ces instants un peu gênant.
Finalement, Duncan n’était pas si méchant.
Et elle avait peut-être un peu trop bu.
2022.03.06