Marianne avait proposé à Annabelle de l’accompagner à cette soirée professionnelle.
Ce n’est pas qu’elle n’aimait pas y aller, c’était qu’elle s’y ennuyait un peu, seule. C’était beaucoup pour faire bonne figure devant les autres chefs d’entreprises de la région, devant le conseil régional, montrer qu’elle existait et que son affaire marchait.
Elle savait qu’elle devait y aller mais l’idée ne l’enchantait guère.
Elle jouait avec l’enveloppe d’invitation qu’elle avait reçue. Une très belle enveloppe, le papier était agréable entre ses doigts. Depuis le temps qu’elle le tournait et le retournait dans ses mains, elle en avait presque mémorisé chaque millimètre de détails.
Elle se disait que la région avait du budget et choisissait bien sa papeterie pour ce genre d’événement.
Comment allait-elle s’habiller cette fois ?
Elle avait l’habitude de louer ses robes, elle avait sa boutique favorite pour cela, puis il fallait qu’elle prenne rendez-vous chez le coiffeur.
Elle soupira.
Annabelle frappa et rentra dans le bureau pour lui apporter de quoi boire et grignoter.
Marianne avait son petit goûter : un thé vert bien chaud avec des petits biscuits sucrés. Aujourd’hui c’étaient des spéculos. Le côté sucré était atténué par l’amertume légère du thé vert.
Elle remercia sa secrétaire adorée et une idée lui traversa l’esprit.
Annabelle était toujours habillée dans les mêmes vêtements simples. Une chemise blanche cintrée par une jupe longue sombre, des petits escarpins. Une coiffure sage et sobre.
Marianne était curieuse de la voir dans d’autres vêtements, et elle laissait libre court à son imagination quant à imaginer cette poupée sans expression dans des tenues beaucoup plus extravagantes.
Puis elle trouva le prétexte parfait : lui demander de l’accompagner.
Annabelle ne s’y serait pas opposée, elle le savait, elle était très malléable sur ce point.
Lorsque Marianne lui exposa la situation, elle n’eut pas d’autre choix que de se plier à ses exigences.
Annabelle ajouta le rendez-vous à la boutique ainsi que le coiffeur dans le calendrier.
Elle avait été prise au dépourvu.
Marianne la regardait, la fixait, puis souriait un peu bêtement, sans un mot puis lui posa cette question.
Ce n’est pas comme si elle pouvait refuser, cela avait été formulé comme une proposition mais elle n’avait aucune raison valable de la décliner.
Elle ne se doutait pas dans quelle aventure elle s’était engouffrée en acceptant cette requête.
Elle accompagna Marianne à la boutique pour louer leur tenue.
Annabelle ne savait pas quoi choisir, elle se mit en retrait et suivit Marianne qui était en train de regarder les différentes tenues en rayon. Elle finit par arrêter son choix sur une longue robe sombre au décolté plongeant et fendue jusqu’au dessus de sa cuisse.
Elle la posa avec son cintre sur un fauteuil au milieu de la pièce et se tourna vers Annabelle.
La main sous son menton, elle scrutait sa secrétaire de haut en bas, songeuse. Elle repassa en revue les autres robes.
— Tu as une préférence… ?
Demanda t-elle, au moins.
— N-non… ?
Répondit Annabelle, ne sachant pas quoi répondre d’autre.
Elle n’avait pas l’habitude de faire du shopping ni du lèche-vitrine.
Marianne sortit deux robes qu’elle compara devant le corps d’Annabelle, puis s’arrêta sur une robe courte et sombre. Elle hésita. Cette robe était trop révélatrice.
Elle choisit l’autre, une robe claire, en drapé et dans un tissu légèrement satiné, plus longue.
Elle appela la tenancière pour les aider et les emmener dans la partie cabine d’essayage.
Marianne fut la première à porter la robe. Il y avait que quelques ajustements à faire mais elle avait l’habitude et la personne la connaissait depuis le temps.
Ce fut un peu plus long pour Annabelle qui ne connaissait pas ses mensurations, les mesures furent prises puis il fallut trouver la robe dans la taille adéquate.
Elle ajusta les quelques détails avec des pinces de manière provisoire et montra le résultat.
Elle était sur une sorte de piédestal et des miroirs en quart de cercle devant elle.
Marianne n’était pas loin et elle était sans voix.
La robe embellissait Annabelle.
Avec sa peau claire, la couleur de la robe accentuait cette pâleur. Elle avait une poitrine généreuse et une taille de guêpe mise en valeur par la coupe de l’habit.
Le tout retombant en drapé ondulant jusqu’à ses pieds.
— Est-ce que vous avez déjà choisi vos chaussures ? Je vous recommande des petits talons pour aller avec celle-là. Juste assez pour ne pas marcher sur le tissu de la robe
— Nous y allons juste après. Merci pour la remarque.
Marianne profitait encore de la vue.
Annabelle ressemblait à une petite princesse.
Elle serait sa princesse pour le temps d’une soirée, rien qu’une soirée, et cela la mettait en joie de pouvoir être en si belle compagnie.
— Est-ce que cela vous convient ?
Annabelle restait muette, elle ne savait pas quoi penser. Elle ne se reconnaissait pas. La robe était beaucoup trop belle par rapport à ce qu’elle était.
Etait-ce bien elle ? Est-ce que cela convenait à Marianne ?
Marianne sortit finalement de sa rêverie et confirma son choix.
Annabelle ne chaussait malheureusement pas la même pointure que Marianne et il fallut lui trouver chaussure à son pied.
Marianne était patiente et essayait de sonder les goûts de son employée, sans aucun succès. Finalement elle choisit une paire sobre qu’elle pourrait reporter à d’autres occasions. Elle semblaient confortables pour des petits talons.
Le jour J, elles avaient rendez-vous au salon de coiffure en fin d’après-midi. Dès le travail fini, elles s’y rendirent et c’est là que le coiffeur remarqua la coupe étrange d’Annabelle avec des mèches totalement inégales. Elle avoua qu’elle avait fait ça elle-même.
Elle ne réussit pas à dire la vérité sur l’histoire du chewing-gum, elle en avait honte et cela n’apporterait rien de positif.
Marianne avait les cheveux noirs brillants, étant métissée asiatique, elle avait hérité de la couleur sombre et raides.
Ses cheveux étaient longs, elle avait demande un soin pour toutes les deux et elle avait l’habitude de les coiffer en queue de cheval haute.
Le coiffeur lui plaqua les cheveux avec un peu de cire, pour qu’aucune mèche rebelle ne dépasse. Quelques barrettes pour maintenir les plus longues et les indomptables.
Quant à Annabelle, on lui fit un soin, un brushing et elle eut les cheveux plus beaux que jamais. Ses bouclettes blondes avec ses cheveux fins étaient plus doux que d’habitude et ne paraissaient pas secs.
Pour aller avec le côté sérieux de Marianne, quelques mèches sur le devant furent réunis à l’arrière de la tête par les mêmes barrettes, ajoutant un peu plus de détails à la coupe simple.
Ses cheveux furent égalisés en un joli carré.
Elles retournèrent chez elles et les robes étaient déjà livrées au bureau.
Elles furent apportées dans la chambre.
Dans les boîtes, un petit message avait été rédigé à la main par la patronne :
« Amusez-vous bien. »
Marianne esquissa un sourire.
Les retouches avaient été effectuées et les robes étaient pile poil à la bonne taille.
Annabelle se changea dans sa chambre et descendit les marches avec ses talons, avec précaution.
Marianne l’attendait au pied des marches et la contemplait religieusement.
Il manquait quelque chose, elle l’invita à venir dans sa chambre et fouilla dans ses différents bijoux pour en sortir quelques uns et les essayer sur Annabelle.
Elle s’arrêta sur un collier discret et des petites boucles tombantes.
Elle se rendit compte qu’Annabelle n’avait pas les oreilles percées. Elle resta sur le collier.
Marianne portait une parure imposante au niveau du cou et des petites perles noires aux oreilles.
Elle ne savait pas si elle pouvait dire qu’elle trouvait Annabelle magnifique.
Elle le pensait très fort mais préféra exprimer tout simplement que la tenue lui allait à ravir.
C’était le conte de Cendrillon.
Quelques autres employés virent Annabelle habillée ainsi et partir avec Marianne.
Marianne conduisit et laissa son véhicule au voiturier à l’entrée du bâtiment de la soirée.
C’était le hall d’un hôtel réputé et plusieurs salles de réception avaient été réservées.
Annabelle était intimidée.
*
Elle était gênée, Marianne avait été plus que généreuse en lui prêtant un collier, en la chouchoutant et l’habillant comme une poupée.
Elle avait une crainte : qu’elle ne convienne pas en tant qu’accompagnatrice pour Marianne.
*
En descendant les marches de sa chambre pour rejoindre Marianne, elle avait enfilé les petits talons qu’elles avaient choisis ensemble, et elle avait maintenu la rampe avec force en posant son pied, chacun son tour, en descendant les escaliers. Elle n’avait pas l’habitude de marcher avec des talons, et elle le découvrait maintenant. Il était trop tard pour enfiler d’autres chaussures, surtout qu’elle n’en avait pas de convenables : des escarpins et des baskets.
Avec angoisse, elle réussit à atteindre l’étage de Marianne sans tomber, et elle la regardait sans un mot.
Est-ce qu’elle était suffisamment présentable ? Pourquoi ne disait-elle rien ?
Est-ce qu’elle voyait avec quel mal et difficultés elle marchait avec ses chaussures ? Allait-elle se moquer d’elle ? Toutes ses questions se bousculèrent dans sa tête.
Elle était sur point de se dire que finalement, il valait mieux qu’elle n’y aille pas, rien n’allait.
Puis Marianne estompa toutes ses craintes.
— Ca te va à ravir. Oh ! Je sais, il manque un petit quelque chose pour que tu sois parfaite !
Elle partit en direction de sa chambre et invita Annabelle à venir la rejoindre.
Marianne ferma la porte derrière elles et elle fouilla dans sa boîte à bijoux qu’elle avait sortit pour l’occasion. Elle en sortit une parure discrète avec des boucles tombantes fines et un collier à chaînes fines.
— Ca ira parfaitement avec ta tenue !
S’exclama Marianne, sûre d’elle, un large sourire sur les lèvres.
Puis elle remarqua qu’Annabelle n’avait pas de trous aux oreilles.
— Ah… j’avais pas pensé à ce petit détail.
— Je, je suis désolée… !
— Mais non, ce n’est rien. On mettra le collier déjà, et ça sera très bien, laisse-moi t’aider.
Marianne passa derrière Annabelle pour lui attacher et elles se déplacèrent en face d’un miroir où elles purent se contempler.
— Qu’en penses-tu… ?
— C’est si joli…
Marianne avait envie de rétorquer « c’est toi qui est si jolie » mais elle se retint très fort et acquiesça d’un air satisfait.
— En route, alors !
Finit-elle par dire, pour passer à autre chose et éviter de dire quelque chose qui serait malaisant.
*
Elles discutèrent un peu dans la voiture.
Marianne expliqua dans les grandes lignes comment cela allait se passer et les choses qu’elle devra faire pour le travail.
2022.01.06