Egale

Cela faisait maintenant plusieurs mois, presque une année entière qu’elles vivaient ensemble et qu’elles étaient heureuses ainsi.
Elles avaient leur quotidien et leur routine.
Marianne aurait pu avoir des doutes sur les sentiments d’Annabelle, mais Annabelle était sincère et honnête. Elle avait ce trait de caractère qui faisait qu’elle ne pouvait pas mentir ni se forcer à faire quelque chose dont elle n’avait pas envie.
Marianne avait fini par le remarquer.

Annabelle avait maintenant pris ses aises, elle avait appris auprès de Marianne, à prendre des initiatives pour le bien de Marianne, et même à apprendre des choses pour améliorer le quotidien de Marianne et la rendre heureuse. C’étaient des petites choses de la vie quotidienne, comme apprendre à faire correctement la cuisine, bien programmer la machine à laver, passer l’aspirateur dans tous les recoins.
Elle voulait et appréciait que Marianne soit fière d’elle, de lui apporter quelque chose, parce qu’elle n’avait jamais été aussi heureuse depuis qu’elle vivait chez elle.

Marianne ne lui avait rien demandé, juste sa présence lui mettait du baume au coeur.
Elle avait une raison de rentrer chez elle, elle avait hâte de rentrer après sa journée de travail, et elle adorait prendre soin d’Annabelle.
Lui faire découvrir des choses qu’elle n’avait jamais pu avoir accès, pour lui montrer le confort de sa vie et partager cela avec elle.
Elle avait quelqu’un avec qui elle se sentait libre, légère, sans crainte de ne pas bien paraître.
Elle arrivait à se sentir assez à l’aise pour juste être elle-même, sans peur qu’Annabelle ne lui tombe dessus ou que cela ait des répercutions professionnelles.
Elle était dans sa bulle de confort.
L’endroit clos de son appartement formait une zone où elle pouvait se sentir en sécurité.

Marianne considérait Annabelle comme une personne à part entière, elle avait presque oublié l’existence de ce fichu contrat qui stipulait qu’Annabelle était sous ses ordres, sous sa responsabilité.
Elle se doutait qu’Annabelle avait des sentiments et de l’attachement et de l’affection véritable à son égard, que ce n’était pas dû à une obligation du contrat.

Annabelle avait gagné en assurance et osait plus s’affirmer pour exprimer ses opinions. Elle savait comment Marianne fonctionnait maintenant et elles étaient assez proches pour se taquiner et Annabelle devait parfois reprendre Marianne en la rappelant à l’ordre sur son comportement.
Marianne faisait exprès de mal se comporter pour se faire réprimander. C’était un petit jeu qu’elles aimaient faire. Elle avait cette attitude enfantine qu’elle exagérait parce qu’elle avait rarement l’occasion de pouvoir se laisser aller, et Annabelle jouait son rôle de maman de manière très appliquée.
C’était amusant qu’elles changent de dynamique de temps en temps. Annabelle était celle qui se faisait chouchouter de manière générale, par Marianne.

Une fois par semaine, Annabelle était invitée à accompagner Marianne à son travail, et elle essayait de l’assister dans ses tâches.
Marianne ne pensait pas que cela l’intéresserait, mais un jour, Annabelle remarqua une erreur dans un de ses tableaux et Marianne se rendit compte qu’Annabelle était douée pour ça.
Sans lui mettre la pression ni lui ordonner, elle lui demanda si elle pouvait l’aider sur un petit dossier, et elle s’en sortit avec beaucoup de facilité.

— Mais… tu as déjà fait ça auparavant ?
Demanda Marianne, plus que surprise.

— Non… mais mon ancien travail y ressemblait… à quelques détails près… pourquoi… ? Est-ce que je me suis trompée quelque part… ?
S’inquiéta Annabelle.

— Mis à part quelques points que tu ne pouvais pas deviner… c’est du bon travail… si cela te plaît… tu pourrais m’aider en mâchant une partie de mes dossiers.
S’exprima Marianne, en relisant les feuilles qu’Annabelle venait de lui rendre.

Depuis, Annabelle soulageait Marianne d’une partie de ses affaires une fois par semaine.

*

Comme dans chaque relation, il y a parfois des hauts et des bas.
Marianne avait demandé à Annabelle de l’accompagner à un gala et Annabelle avait refusé, contre toute attente.
Elles n’avaient pas réussi à se mettre d’accord et le ton était rapidement monté.
Marianne ne comprenait pas pourquoi Annabelle refusait sa proposition.

— Je ne peux pas, c’est comme ça… je ne suis pas digne de t’accompagner.
— Comment ça ? Bien sûr que tu l’es ! Tu es… ma partenaire !
— C’est comme ça que tu vas me présenter ? Ne me fais pas rire, Marianne… je ne suis pas ton égale…
— Qu’est-ce que tu racontes ? Je t’ai toujours considérée comme mon égale, une personne à part entière. Bien sûr que je t’y présenterai comme ma compagne !
— Je suis… ton humain de compagnie.
— Officiellement ? Je me fiche de ces papiers qui attestent de ton statut officiel.
— Moi, pas.
— Ce qui compte c’est ce que tu représentes pour moi, Annabelle. Tu es plus que juste un humain de compagnie. Je pensais que tu le savais…
— On ne vient pas du même monde, Marianne… je vais avoir l’air de quoi à tes côtes, à cette soirée beaucoup trop bien pour moi ? Dis-moi ? Je ne veux pas te faire honte… je n’y connais rien à tout ça…
— Tu ne me fais jamais honte, Annabelle. Je serai avec toi, je t’expliquerai s’il faut, et tu seras très bien…
— Je t’appartiens, Marianne…
— Notre relation est plus que ça, Annabelle. Tu n’es pas juste ma chose. Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour que tu comprennes ? Est-ce qu’il faut que je détruise les documents d’adoption ? Est-ce que tu fais semblant de m’apprécier… ?
— Non… !
— Tu sais que je serai prête à te demander en mariage, pour que cela soit clair entre nous. J’ai entièrement confiance en toi et s’il faut cela pour que tu imprimes que tu es aussi importante à mes yeux, je le ferais.

Annabelle resta sans voix.
Elle ne s’attendait pas à cette proposition dans cette circonstance. Elle était juste mal à l’aise de s’imaginer, elle, aux côtés de Marianne qui était si importante, à un gala. Et cela la rendait folle que Marianne ne voit pas le problème, qu’elle soit obligée de la mettre dos au mur pour qu’elle comprenne ce complexe d’infériorité qu’elle avait.
Elle avait si peur qu’on sache qu’elle soit un humain de compagnie. En réalité, elle avait honte de son statut.
Elle n’était rien aux yeux de la société. Elle était comme un vulgaire animal. Un animal de luxe mais un humain sans importance. Elle avait tellement peur que cela entache l’image de Marianne, qu’elle ne voulait pas prendre ce risque.
La présenter comme sa partenaire, elle ne savait pas si c’était pire. Elle affichait aux yeux de tous qu’elle était en couple avec une femme. Est-ce que c’était ce qu’elle voulait vraiment ?
Mais Marianne était en train de songer à la demander en mariage ? Non, impossible.
Elle ne pouvait pas accepter. Elle avait l’impression de lui forcer la main. C’était trop, elle ne voulait pas exprimer son refus parce qu’elle ne voulait pas blesser Marianne, mais tout son corps criait « non ».
Son coeur disait autre chose. Elle aimait Marianne mais elle n’arrivait pas à accepter. Elle ne méritait pas d’être propulsée sur les devants de la scène.

— Annabelle. Je veux montrer au monde à quel point tu comptes à mes yeux. C’est pour ça que je souhaiterais que tu m’accompagnes.

Marianne avait attrapé Annabelle par le bras et l’avait forcée à la regarder dans les yeux pour sonder ses pensées.

— Ce n’est pas du jeu… je peux pas refuser si tu dis des choses comme ça.
— On va te trouver une superbe tenue, tu seras magnifique et tout le monde ne verra que toi.
— Si on pouvait éviter… je préfèrerais être discrète…
— Comme tu voudras, dans tous les cas, tu ne le regretteras pas, on va s’amuser comme des folles !

*

— Sinon, pour le mariage, je ne plaisantais pas.
Dit Marianne, alors qu’elles étaient toutes les deux dans le lit, la lumière éteinte.

— On va déjà aller au gala ensemble…
— Tu n’as pas dit non.
— Je n’ai pas dit oui, non plus… Bonne nuit Marianne…

2022.02.08

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