Canapés

Il ne connaissait pas Annabelle et il l’avait mal jugée.
Depuis l’histoire avec Marianne, depuis son erreur, il avait essayé de se faire pardonner.

Contre toute attente, c’était grâce à Annabelle qu’il avait pu se réconcilier avec Marianne.
Elle aurait pu la conforter dans l’idée de couper court à leur amitié, mais elle avait fait le choix, pour le bien de Marianne, de la convaincre de discuter avec lui.
Et pour cela, il lui en était reconnaissante.

C’était la première fois qu’il commençait à vraiment connaître Annabelle.
Cette crainte qu’elle profite de la situation et qu’elle abuse de Marianne était dû à un traumatisme qu’il avait lui-même vécu avec d’autres femmes.
Et il avait encore du mal à accorder sa confiance à de nouvelles personnes.
Marianne était l’exception parce qu’il l’avait rencontrée bien avant et ils avaient grandi et mûri comme des frères et soeurs de coeur.
Leur caractère respectif faisaient qu’ils ne pouvaient pas se faire intentionnellement du mal.
Même si lui, avait par erreur, profondément blessé Marianne.

Il s’était fait violence pour ne pas mal juger Annabelle et son geste l’avait fait réaliser à quel point il s’était trompé à son sujet.
Cela leur arrivait de se voir, lorsqu’il passait voir Marianne à son travail, mais Annabelle quittait la pièce aussitôt, les laissant seuls.
Il comprenait sa réaction, elle n’était pas à l’aise lorsqu’il était dans les parages et il ne pouvait pas lui en vouloir, mais au fond de lui, cela lui faisait de la peine.
Il n’arrivait pas à savoir ce qu’il pouvait bien faire pour qu’elle ne le craigne plus.
Marianne remarqua qu’il était affecté et n’était pas tendre avec lui, comme à son habitude.

— Les conséquences des actes…
— Oui bon, ça va. Je sais que j’ai merdé !

— Comment ça va, sinon ?
Demanda t-elle, pour changer de sujet.

— La routine, et toi ? Comment ça va avec Annabelle ?
— Parfait, nous sommes sur notre petit nuage, enfin surtout moi.
— Maintenant je t’envie…
— Tu songes à adopter un humain, aussi ?
— Hors de question ! T’as eu une chance de cocu, ce n’est pas pour ça que je vais tenter le diable… !
— J’ai dû faire quelque chose dans mon ancienne vie pour avoir le droit à accéder à ce bonheur dans cette vie là.
— Ouais, ouais, c’est ça. Tu saurais pas plutôt ce que je pourrais faire pour me racheter auprès d’Annabelle ? Elle m’en veut encore ?

— Pour être sincère… je crois qu’elle a fini par passer à autre chose. Après tout, notre relation est encore plus solide maintenant, elle te fait la tête plus pour la forme, un peu pour te faire payer ce que tu lui as fait.
Sourit malicieusement Marianne.

— Je sais pas si ça doit me rassurer.
— C’est peu cher payé, tu ne trouves pas ?
— Si… tu as raison…
— Tu voudrais faire quoi ? Apprendre réellement à vous connaître ? Tu sais qu’elle est adorable.
— Je le sais parce que tu ne manques pas d’éloges à son égard. Moi je ne sais pas… je me doute.
— Elle sait pas qui tu es réellement non plus. La dernière fois t’as joué les gros connards, tu te souviens ? Normal qu’elle te fuit comme la peste. Moi aussi je le ferai si je ne te connaissais pas aussi bien.
— Je sais pas… je voudrais l’inviter au resto…
— Et l’insulter ?
— Non ! Justement… l’inviter pour de vrai et me comporter de manière normale, correcte.
— Je sais pas si elle accepterait… tu l’as quand même traumatisée la dernière fois.
— Et si je vous invitais toutes les deux, comme ça, elle serait rassurée… ?
— T’as intérêt à choisir un restaurant qui en jette pour marquer le coup.
— Tu viendrais ? Tu m’aiderais ?
— Je te promets rien, ça se trouve ça ne marchera pas, mais je veux bien t’aider à organiser ça. Je… je m’arrangerais avec Annabelle pour qu’elle vienne aussi. Et puis au moins, on mangera à un très bon restaurant !
— Ok ok… j’ai compris pour le très bon restaurant, je ne te décevrai pas.
— J’ai hâte alors.

*

— Ah au fait, depuis quand Annabelle à une montre… ? C’est nouveau ça ?
— Ah ! Tu l’as remarquée ! C’est mon cadeau pour nos un an de rencontre !
— Je comprends mieux…
— C’était trop mignon quand elle a découvert la surprise, quand elle a ouvert la boîte, et puis je l’ai mise à son petit poignet tout doux, ah… !

Marianne partait souvent en mode super gaga et amoureuse d’Annabelle.

— Arrête, je vais vomir.
Rétorqua Duncan, pour l’embêter.

*

— Ah, j’avais pris cette photo de vous deux au dernier gala, vous étiez ravissantes, je te l’envoi.

— Hm… ? Tu t’amuses à nous espionner maintenant ?
Dit Marianne dubitative.

Lorsqu’elle reçut la photo, elle se figea.

— Quelque chose ne va pas… ?
Demanda Duncan, inquiet d’avoir fait une bêtise.

— Non, enfin si…. mais elle est trop bien cette photo. Merci ! Je vais l’envoyer à Annabelle ! Elle va adorer ! On a très peu de photos toutes les deux ensemble. Tu sais que je ne suis pas fan de selfie.
— Ah, ça me rassure qu’elle te plaise.
— T’en as d’autres ?
— Ca va pas ? J’ai pas passé la soirée à vous espionner comme un paparazzi non plus.
— Hm… c’est vrai. En tout cas, merci pour celle-ci !
— Elle est un peu floue mais on vous reconnait bien dessus.
— Hop, sur mon fond d’écran.
— Je n’ai pas les mots, Marianne.
— Bah quoi, on est trop belles dessus ! Surtout Annabelle !

*

Annabelle reçut la photo et elle était en admiration devant Marianne. Elle était dans sa superbe robe noire et Annabelle devait reconnaître qu’elle n’était pas mal non plus dans cette robe blanche. Elle ne se reconnaissait pas mais la photo était vraiment sympa.
Sans un mot, elle l’enregistra pour la mettre sur son fond d’écran de portable.

*

Marianne lui glissa par la suite que la photo avait été prise par Duncan.
Annabelle ne réagit pas.
Depuis qu’elle était avec Marianne, elle arrivait à intégrer que Duncan n’était pas le personnage odieux qu’elle s’était fait à cause de lui-même.
Marianne enchaîna en lui proposant d’aller au restaurant.
Ce n’était pas rare qu’elles aillent toutes les deux au restaurant, mais cette fois-ci, elle lui proposa de remettre les fameuses robes dans lesquelles elles étaient très bien. Elle prévint Annabelle que c’était réservé pour une date ultérieure mais Marianne avait l’air joyeuse et semblait avoir hâte de pouvoir reporter cette tenue.
Cette bonne humeur était communicative.
Ce qu elle omit de dire, c’était qu’il y aurait Duncan.

*

Le jour J arriva.
Annabelle et Marianne se rendirent à l’adresse.
Le sourire sur le visage d’Annabelle disparu lorsqu’elles arrivèrent à leur table et que Duncan y était assis.
Elle se figea et fixa Marianne dans les yeux.
Il se leva pour les saluer et prit la main d’Annabelle pour l’embrasser avant de retourner s’asseoir.
Annabelle resta fixe.
Elle ne savait pas si elle devait prendre ses jambes à son cou, vomir l’estomac vide, ou… non, elle ne savait pas ce qu’elle devait faire.
Marianne était encore à ses côtés, et la rassurait.
Annabelle ne savait pas quoi penser. Est-ce que c’était une trahison ? Oh, elle comprenait enfin. Marianne voulait l’aider à se réconcilier avec Duncan. Chose qu’elle ne lui avait jamais demandé pour une très bonne raison. Qu’elle n’en avait aucune envie.

— C’est lui qui a réservé dans ce restaurant… ce n’est pas facile d’avoir une table ici, je ne pouvais pas refuser… puis tu verras, ça sera super bon.
Lui chuchota Marianne en messe basse, en essayant de lui faire avaler la pilule.

Il était trop tard de toute façon. Elles avaient déjà fait tout le trajet et elles étaient habillées pour l’occasion.
C’était une table ronde, Annabelle éloigna sa chaise au maximum de Duncan pour se coller à Marianne.
Duncan évita de faire des remarques et se comporta de manière remarquable tout le reste du repas.
Annabelle n’était pas à l’aise, mais au cours du repas, elle réussit à se détendre et oublier Duncan.
Sa crainte qu’il se mette à prononcer des mots désagréables, qu’il commence à l’insulter, était encore présente, mais lorsqu’elle se rendit compte qu’il s’exprimait de manière normale, qu’il était une toute autre personne.
Elle réussit à estomper cette mauvaise image qu’elle avait de lui.

Il avait choisi un très bon vin et Annabelle avait déjà fini son verre.
Il était sur le point de la resservir lorsque Marianne posa sa main sur le dessus du verre pour l’en empêcher.
Elle regarda Duncan dans les yeux.
Annabelle avait déjà les joues rosies, et était un peu plus joyeuse que d’habitude.
Elle ne comprit pas la réaction de Marianne et se tourna vers elle, comme un enfant qui réclamerait plus.

— Non, Annabelle. Tu as déjà assez bu…

Duncan reposa la bouteille.
Annabelle boudait pour la forme, mais au fond d’elle, elle savait que Marianne avait raison. Elle ne se rendait parfois pas compte qu’elle avait déjà trop bu.
Si elle pouvait éviter d’être malade, c’était toujours ça de pris.
Duncan voyait que Marianne avait changé.
Elle qui était de nature festive et à boire au delà du raisonnable, elle était devenue plus responsable.
Ils ne buvaient jamais trop au point de se mettre en danger, surtout qu’ils conduisaient tous les deux, mais cela lui faisait quelque chose de la voir si attentionnée avec Annabelle.
Marianne jouait le rôle de mentor, de maman, mais également d’amante.
Il la voyait expliquer à Annabelle l’utilisation des nombreux couverts autour de l’assiette.
Elles avaient choisi des plats différents et elle faisait goûter à Annabelle ceux qu elle avait prit, et Annabelle lui faisait également goûter les siens.

Il se sentait effectivement de trop à cette table.
Il serait bien parti mais il découvrait Annabelle et la personne qu’elle était.
Un peu maladroite, réservée, mais elle avait quelque chose d’attendrissant, elle rayonnait aux côtés de Marianne.
Cela lui ouvrit les yeux sur ce qu’étaient des sentiments profonds et sincères. Il voyait à quel point Annabelle aimait Marianne, et à quel point elle lui faisait confiance.
Rien n’aurait laissé deviner qu’elle était une humaine de compagnie. Elle ne jouait pas de rôle, elle était vraie et naturelle.
Il se méprenait sur la relation que pouvait avoir un humain de compagnie. Il se doutait que tous n’avaient pas la chance d’être dans une relation aussi agréable.

Perdu dans ses pensées, Marianne s’arrêta pour l’observer et lui fit remarquer qu’il avait une tâche sur la joue, dû à de la sauce, en lui montrant sur son propre visage.
Il ne comprit vraiment pas.
Annabelle prépara sa serviette.
Il fut encore plus surpris.

*

Le repas se déroula mieux que prévu.
Duncan prit la parole à quelques reprises pour raconter quelques annecdotes, l’ambiance était agréable, douce. Annabelle avait du mal à y croire, du mal à croire que Duncan soit si différent de ce qu’elle pensait de lui.
Il recommanda quelques plats, et également les desserts. Plutôt à l’aise dans cet environnement, il prenait les devants. Accompagnant Annabelle et Marianne dans leurs choix.
Annabelle restait collée à Marianne, n’osant pas croiser le regard de Duncan.

*

Après cet épisode, Marianne avait plaidé pour Duncan auprès d’Annabelle, elle avait fini par lui dire que ça allait mieux. Qu’effectivement, il pouvait se comporter normalement et c’est ce qui la choquait à présent.
Elle avait promis à Marianne de faire un effort et ne pas l’éviter de manière aussi évidente, et qu’elle serait moins désagréable ou froide avec lui.
Les occasions étaient juste rares.

Une fois, Marianne demanda service à Duncan d’aller chercher Annabelle et de l’emmener à une soirée. Elle avait une réunion importante et elle les rejoindrait plus tard.
Annabelle avait voulu rejoindre Marianne et l’attendre, mais elle avait insisté qu’ils profitent de la soirée, et qu’elle ne tarderait pas.
Annabelle savait que c’était une excuse et une occasion qu’ils se retrouvent tous les deux, même si le prétexte de Marianne tenait la route.

Ils se retrouvèrent tous les deux dans la voiture de Duncan.
Annabelle garda le silence. Ce n’était pas facile de ne pas faire la tête, constata t-elle.

— Ecoute… je suis vraiment désolé-

— Je sais… je le sais…
Répondit-elle, agacée. Elle avait déjà entendu ses excuses des dizaines de fois, voire plus. Cela lui rappelait qu’elle était rancunière et elle avait promit à Marianne de laisser une chance à Duncan de se racheter.

Duncan s’arrêta net. Il voyait et comprenait la réaction d’Annabelle, et son but n’était pas de la brusquer.
Il inspira et expira.

— Je sais que nous n’avons pas très bien débuté… est-ce qu’on peut recommencer sur des bases saines ? Je suis Duncan, un vieux de plus de 40 ans, qui se méfie un peu trop des gens mais qui tient énormément à ses amis. Notamment à Marianne, parce qu’il n’en a pas beaucoup, des vrais amis…

Il tendit sa main vers Annabelle, en guise de salutation.
Annabelle soupira et se tourna vers lui.
Il esquissait un sourire gêné.
Oui, cela serait gênant si elle refusait cette poignée de main.

— Annabelle… une gamine de 25 ans qui a vendu son humanité mais qui a reprit goût à la vie grâce à Marianne…

Elle tendit timidement sa main, en se forçant à regarder dans les yeux Duncan.
C’était une symbolique importante. Ils se considéraient d’égal à égal, et elle savait qu’il avait raison. Ils devaient repartir de zéro et apprendre à se connaître vraiment.

— Enchanté, Annabelle. Marianne m’a confié la mission de t’accompagner à la soirée, je suis également invité. Nous pouvons l’y attendre là-bas.

Duncan s’installa un peu plus confortablement dans son siège, rassuré que sa démarche n’ait pas été un total échec, et il démarra la voiture.
Annabelle acquiesça sans un mot.

Arrivés, Annabelle le suivit et ils entrèrent dans l’hôtel où se tenait la réception.

— Au fait… si tu pouvais laisser tomber le vouvoiement pour moi… ça me file un coup de vieux… puis tu tutoies Marianne avec qui je partage le même âge.
— Ah…
— Je te tutoie aussi… ça me met un peu mal à l’aise d’avoir une sorte de supériorité vis à vis de toi. Je ne suis pas ton patron.

— Encore heureux…
Lâcha Annabelle, sans faire attention à ce qu’elle disait.

— P-pardon !
S’excusa t-elle immédiatement. Sa pensée avait dépassé son esprit et elle avait prononcé ces mots.

— Haha, pas de problème, je préfère que tu sois à l’aise pour me dire ce que tu penses. Marianne a toujours fait ainsi, et ça me convient parfaitement.

Duncan réussit à se détendre et la rassura.

— B-bien…
Bafouilla Annabelle, un peu surprise de sa réaction.

Il commençait à avoir beaucoup de monde, les invités arrivants à peu près tous en même temps.
Duncan et Annabelle se retrouvèrent rapidement encerclés et les déplacements se firent plus difficiles avec les nouveaux arrivants, dans la pièce près de l’entrée.
Duncan dut s’interposer pour qu’Annabelle ne se fasse pas bousculer et il la rapprocha légèrement de lui, pour éviter qu’elle ne percute quelqu’un par mégarde.

— On va aller un peu plus loin, ça devient trop dense par ici.
Dit-il, en l’invitant à le suivre. Il attrapa deux verres de cocktail au passage et s’installa sur un bout de banc capitonné au fond de la seconde pièce, qui était beaucoup moins remplie.

— Tu sais, je traite plutôt bien mes employés… contrairement à ce que tu pourrais penser.
S’exprima Duncan, qui essayait de rétablir la vérité. Un peu gêné de devoir se justifier.

— Ca me rassure que Marianne n’ait pas un tyran parmi ses amis proches…

Annabelle avait des mots acérés qui se plantaient profondément dans la poitrine de Duncan.

— Es-tu aussi intransigeante avec Marianne ?
— Non… pas autant… mais Marianne est parfaite.
— Ah ah ah. Tu ne la connais pas aussi bien que moi. Si tu savais comment elle était quand elle avait ton âge… même plus jeune que ça.
— Je veux bien plus de détails.
— Elle ne t’a jamais raconté son passé… ? Comment elle en est arrivée là… ?

Annabelle dut répondre à la négative, un peu plus sur la réserve.
Duncan se fit alors une joie de lui raconter quelques anecdotes.

*

— Pourquoi autant de méfiance… ? Il s’est passé quelque chose… ?
Finit par demander Annabelle, à Duncan.

Elle avait réussi à se sentir plus à l’aise depuis qu’il avait prit la parole en racontant son passé avec Marianne. Elle le découvrait sous un nouveau jour. Il était plus sympathique et agréable.
Elle pouvait enfin se décrisper et avoir une conversation presque normale avec lui.
Cette question lui taraudait depuis le début. Depuis qu’il avait dit qu’il était méfiant, et sa méfiance l’avait poussé à traiter Annabelle comme un vulgaire insecte. Cela dévoilait quelque chose.

Duncan inspira un grand coup, observa Annabelle qui semblait curieuse de savoir pourquoi, et il lui devait bien ça, au moins. Alors il lui raconta dans les grandes lignes.

*

Duncan avait été jeune et il avait été amoureux.
Lors d’une soirée organisée par son école, il avait rencontré une jeune fille qui était étudiante dans un autre cursus, et ça avait été le coup de foudre.
Ils avaient rapidement commencé à sortir ensemble.
Ce n’était pas étonnant ni étrange, les couples se faisaient et se défaisaient dans ses milieux là
Ils étaient tous des fils et des filles de gens qui avaient plus ou moins réussis dans la vie, de quoi permettre à leurs enfants de fréquenter ces établissements qui demandaient des frais de scolarité hallucinants pour un employé moyen.
La jeunesse faisant que chaque personne profitaient surtout de l’instant présent, des sentiments amoureux, des plaisirs de la chair, etc.

Duncan découvrait sa première relation amoureuse et il était fou de sa copine. Il la trouvait ravissante, son coeur s’emballait à chaque fois qu’il la voyait où qu’il pensait à elle. Elle était parfaite à ses yeux.
Ses sentiments ne l’avaient pas fait quitter la terre ferme lorsqu’elle lui avait suggéré d’arrêter d’utiliser des préservatifs lors de leurs relations intimes.
Duncan était encore un jeune étudiant et il ne se voyait pas devoir assumer des responsabilités de parents si jamais il mettait par erreur sa copine enceinte.
Il l’aimait mais c’était trop risqué, sans oublier les maladies sexuellement transmissibles, même s’il avait confiance en elle. Il se souvenait avoir eu une discussion sérieuse avec elle à ce sujet. Il lui avait expliqué calmement qu’il l’aimait de tout son coeur, mais qu’il préférait jouer la carte de la sécurité et d’attendre la fin de ses études pour peut-être, envisager des projets plus sérieux comme un engagement, des fiançailles.
Cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille mais sa copine n’avait pas eu d’argument pour s’y opposer et elle avait accepté sa décision sans broncher.
Ils étaient jeunes et il avait mis ça sur le fait qu’elle n’avait peut-être pas réfléchi à cette éventualité.
Elle lui assurait de prendre la pilule.
Quoi qu’il en soit, Duncan préférait assumer sa part de responsabilité en terme de contraception, et suggérait même à sa copine d’arrêter la pilule.
Elle n’avait pas remis le sujet sur le tapis.

Quelques mois plus tard, elle avait déjà rencontré ses parents et elle avait été parfaite. Ses parents l’adoraient.
Un jour, Duncan remarqua des relevés sur son compte bancaire un peu inhabituels. Il n’avait jamais fais plus attention parce qu’il n’avait pas besoin de vérifier son solde régulièrement. Cependant il trouvait étrange que le total baissait et que son relevé lui affichait des retraits et de dépenses qu’il n’avait jamais effectué.
En remontant les informations, il remarqua que cela faisait plusieurs semaines que c’était ainsi.
En vérifiant dans son porte-feuilles, sa carte bleue était manquante. En premier lieu, il pensa qu’il avait dû se faire voler ou faire tomber sa carte quelque part.
Puis il se fit la remarque que c’était étrange, parce qu’il fallait connaître le code. Puis en second lieu, il savait qu’il était possible de payer sur des sites internet sans connaître le code de sa carte.
Il téléphona à sa banque pour faire opposition et bloquer tout de suite sa carte bancaire et n’y prêta pas plus attention.
Plusieurs jours plus tard, il aperçut sa copine fouiller dans la poche de son manteau, et lorsqu’il lui fit remarquer, elle sursauta.
Il était dans le déni, une petite voix lui disait que quelque chose clochait mais il préférait ne pas y croire.
Lorsqu’il lui demanda ce qu’elle faisait, elle n’arriva pas à le justifier d’une manière naturelle.
Alors il dut accepter la vérité.

C’était elle qui lui avait volé sa carte bleue.
Il essaya de croire qu’elle avait des problèmes d’argent , qu’il lui fallait juste demander, parce qu’en réalité, ces sommes d’argent étaient insignifiantes pour lui. Il lui aurait juste fallu qu’elle lui en parle en amont, et il lui aurait fait un virement sans se poser de questions. Il était amoureux à ce point.
Prise en flagrant délit, elle n’arrivait plus à maintenir le rôle qu’elle jouait.
Il ne l’avait pas venue venir, et elle mit fin à leur relation.
Il n’en revenait pas. Tout se passait si bien à ses yeux, il pensait que ses sentiments étaient réciproques, qu’ils vivaient le grand amour, mais tout se brisa en l’espace de quelques minutes, à peine une heure.
Elle était partie en lui disant que c’était fini.
Il n’avait rien pu faire pour la retenir.
Il était dévasté.
Il pensait qu’en patientant quelques jours, cela aurait eu le temps de décanter et qu’il aurait pu rediscuter avec elle, mais à peine une semaine plus tard, il apprit qu’elle était déjà en couple avec quelqu’un d’autre.
C’était une seconde déception.
Il dut voir la vérité en face et accepter que c’était bel et bien fini. Alors qu’il se remettait de cette séparation abrupte. Il avait dû garder la face devant ses amis et ses camarades de classes. Paraître impassible et juste leur dire que c’était fini. Que c’était ainsi.

Marianne était sa confidente et il lui avait raconté toute l’histoire avec les détails et ses soupçons.
Elle était également allée enquêter en posant des questions à ses connaissances à propos de cette fille. Ils avaient découvert qu’elle n’était pas d’une école affiliée aux soirées, que c’était une amie d’une amie qui avait été conviée et que son visage d’ange l’avait aidée à passer inaperçu dans leur milieu. Ainsi que ses belles robes. Elle savait se mettre en valeur.
Ils apprirent peu de temps après qu’elle était engagée avec son nouveau copain et qu’elle était potentiellement enceinte.
Duncan avait eu du mal à digérer cette information.
Il était encore amoureux d’elle mais il voyait maintenant plus clair dans son jeu.
Il avait été assez responsable pour ne pas devoir s’engager avec elle mais une partie de lui-même regrettait que cela se soit terminé ainsi.
Il se sentait également désabusé. Elle avait joué avec lui et ses sentiments. Elle n’avait rien ressenti pour lui. Elle ne s’intéressait qu’aux choses matérielles.
Il se disait que le garçon qui était son nouveau copain et qui l’avait vraisemblablement mis enceinte, était qu’un idiot, qu’il se faisait berner.
Cependant, ils avaient l’air de former un couple heureux et épanoui.
Il avait fait tourner le scénario dans tous les sens dans sa tête, il s’était torturé jour et nuit, pour finalement se dire qu’il n’enviait pas cet homme.
Il n’avait aucune envie de devenir père à un si jeune âge, et surtout pas avec une femme qui n’avait pas été honnête avec lui.
Si elle avait besoin d’argent pour une quelconque raison, il lui aurait donné volontiers. Mais elle n’avait même pas abordé le sujet avec lui.

Marianne lui avait tenu compagnie de nombreuses soirées chez lui, pour éviter qu’il ne fasse une bêtise.
Elle avait du le supporter, dans tous les sens du terme, et elle l’avait raisonné.
Les peines de coeur pouvaient être très douloureuses.

Cette première histoire l’avait vacciné des relations amoureuses. Pour oublier et ne plus y penser, il s’était donne coeur et âme dans son cursus scolaire.
Marianne avait quitté l’année d’après, leur école.
Même s’il lui avait fait réfléchir à deux fois, parce qu’il craignait qu’elle fasse une erreur en partant.

La seconde fois qu’il fit confiance à une femme, c’était des années plus tard.
Il avait obtenu son diplôme, et il avait pu se faire embaucher dans une grande entreprise pour faire ses preuves et voir de quoi était fait le monde du travail.
Etant le petit nouveau, beaucoup d’employés vinrent le saluer, lui souhaiter la bienvenue.
En peu de temps, il avait gravi quelques échelons et il avait une bonne réputation. Il était sérieux et travaillait efficacement et bien.
Cela ne passa pas inaperçu.
Une employée d’un autre service le remarqua.
Elle s’était hissée à son poste actuel mais elle sentait qu’elle ne pourrait pas monter plus haut.
Elle avait sentit que ce jeune avait du potentiel et elle fit en sorte de le croiser « par hasard » à de nombreuses reprises. Que ce soit à la cafétéria, le soir après la fin des heures de bureau.
Tout prétexte était bon pour faire connaissance.
Duncan ne vit rien arriver. Il tomba dans le panneau.
Il s’était aussi promis de laisser une chance aux femmes sans forcément penser qu’elles étaient intéressées.
Au tout début, il se laissa porter par cette relation sans se poser de questions. Il continuait d’être méfiant et ne voulait pas aller plus loin qu’une simple aventure.
Sa collègue semblait être du même avis et ils restèrent discrets sur leur relation charnelle au bureau.
Le temps passa et il finit par s’attacher à elle.
Contrairement à sa première copine, celle-ci ne mentait pas sur son identité. Elle avait une bonne réputation à son travail.
Il décida de lui faire confiance
Il lui proposa même d’emménager chez lui, pour essayer. Elle accepta avec joie.
Leur quotidien se passait à merveilles. Aucune dispute. Tout semblait parfait et il était finalement tombé amoureux d’elle. Elle ne fouillait pas dans ses affaires, et elle ne lui demandait pas de la couvrir de cadeaux.
Ce qui ne l’empêchait pas de lui offrir des présents qu’elle n’aurait pas osé s’offrir.
Puis, au bout d’un peu plus d’un an, il songea à l’épouser. Elle avait déjà rencontré sa famille et le courant était bien passé.
Tout se passait à merveilles mais il surprit une conversation où elle fit tomber le masque.
Elle jouait la comédie pour pouvoir profiter du salaire de Duncan et démissionner. Elle dévoila son plan et avoua qu’elle ne ressentait rien pour lui mais qu’il était le mari parfait pour avoir une vie douce et sans problème. Elle se vantait auprès de sa collègue qu’elle avait parié sur le bon cheval.
Ces mots blessèrent Duncan au plus profond de lui.
Il avait cru à la sincérité et l’honnêteté de leur relation.
Il n’avait rien contre le fait que sa compagne décide de quitter son poste, mais il aurait préféré qu’elle lui en parle, qu’elle se confie à lui.
Ce qui lui fit le plus de peine ce sont les mots qu’elle eut à son égard. Il pensait que ses sentiments étaient réciproques mais cette dure réalité lui tomba dessus.
Il voulait lui faire la surprise en allant la chercher après ses horaires de bureau, pour une fois qu’il finissait plus tôt. Il s’était rendu dans l’aile de son service et il avait surprit cette conversation.
Il fit demi-tour le coeur brisé.
Il eut une discussion sérieuse avec elle, quelques jours après. Il mettait fin à leur relation.
Depuis, il n’avait pas réussi à se lancer dans des relations sérieuses. Il eut des aventures d’un soir, des amourettes, mais il ne s’engagea pas, et les jeunes femmes qui lui tournaient autour n’insistèrent pas en voyant qu’il était hermétique à leurs avances.

Annabelle ne savait pas quoi dire après avoir entendu ces anecdotes au sujet de Duncan.
Elle se sentait terriblement désolée, attristée qu’il ait eu ce genre de mésaventures. Elle comprenait mieux sa réaction lorsqu’elle rencontra Marianne et qu’elle commença à vivre avec.
Mais elle n’était pas comme les ex de Duncan.

Il vit qu’elle était dépitée, cela se voyait clairement sur son visage qu’elle n’arrivait pas à trouver les mots pour le consoler.
Cela le fit sourire. Elle était effectivement adorable, comme Marianne lui rabâchait régulièrement.

— Ne t’inquiète pas, c’est du passé, je vais beaucoup mieux maintenant !
Rit-il, pour détendre l’ambiance maussade qu’il avait installé à cause de ses histoires.

— Je… je ne ferai jamais de mal à Marianne… en tout cas pas intentionnellement…

— Je le sais, maintenant.
Sourit-il, en la rassurant.

C’était nouveau pour lui de discuter avec quelqu’un de désintéressé par lui, qui ne cherchait pas à lui plaire ou qui ne pensait pas à mal.
Il comprenait de mieux en mieux pourquoi Marianne s’était tant attachée à Annabelle.
Elle avait une aura bienveillante, reposante.

— Et toi… ? Ca ne te pose pas problème que… Marianne…
Demanda Duncan, ne sachant pas comment aborder le sujet.

Il espérait qu’Annabelle comprenne sans qu’il ait à prononcer la question complète, mais elle ne comprit pas le sens ni où il voulait en venir.

— Marianne… ?
— Et bien… Qu’elle t’apprécie autant… ? … Qu’elle aime les femmes…

— … Ah bon… ?
S’étonna Annabelle.

Elle ne s’était jamais réellement posée la question. Elle aimait Marianne de tout son coeur, mais elle n’avait pas réfléchi à la nature de ses sentiments, ni ceux de Marianne. Elle était un peu candide et elle pensait qu’elles étaient juste des amies très proches.

— Tu es sérieuse… ? Attends… vous dormez dans le même lit, non… ? Ca ne t’a jamais effleuré l’esprit… ? Vous n’avez pas encore… ?

Duncan en tombait des nues. Il n’arrivait pas à croire Annabelle. Il se demandait si elle se moquait de lui.

— Oui… enfin, on dort ensemble… mais c’est tout… on a pas encore quoi… ?

Annabelle avait du mal à suivre les sous-entendus de Duncan et il dut la croire sur parole. Elle ne comprenait pas ce qu’il lui disait.
Il se mit à rire aux éclats.
Annabelle le regardait les yeux écarquillés.
Elle attendit qu’il reprenne son souffle et que son fou rire passe.

— Qu’est-ce qu’il y a de si drôle… ?
Demanda t-elle, vexée.

— Votre relation… ! Marianne… ! C’est la meilleure… !

Duncan essayait de respirer correctement, à moitié encore plié en deux.

— Vous n’avez pas encore couche ensemble… ?
— On dort ensemble… oui ?
— Non non, je veux dire, faire l’amour !

— Q-quoi… ?!
Bafouilla Annabelle, les joues rouges.

Duncan se remit à rire, il essayait de se retenir.

— Ok, d’accord. Excuse-moi, je ne vais pas te poser d’autres questions indiscrètes. Ca ne me regarde pas. J’étais juste certain que vous étiez amantes. Ca me surprend juste un peu que ce soit simplement platonique entre vous…
Dit-il en essuyant les larmes au coin de ses yeux.

Annabelle ne savait plus où se mettre.
Elle n’avait jamais songé à être plus intime avec Marianne.
Marianne n’avait jamais fait un geste dans ce sens là, peut-être parce qu’elle n’en avait pas envie elle-même. Ou alors elle attendait un pas de la part d’Annabelle.
Elle était en train de se torturer l’esprit.
Marianne était trop gentille et elle n’aurait pas forcé Annabelle ni cherché à la mettre mal à l’aise concernant ce sujet.
Elle ne s’était jamais demandée si Marianne aimait les femmes. Elle n’avait rien vu venir.
Et puis, finalement, est-ce que cela changeait quelque chose par rapport à ce qu’elle ressentait ? Non, elle n’allait pas changer son comportement juste avec ce détail. N’empêche que cela lui trottait dans un coin de la tête.

*

Duncan et Annabelle avaient fini par sympathiser, et discutaient gaiement dans leur coin.
Marianne était finalement arrivée, une bonne heure après.
Elle avait pu s’apprêter et elle les cherchait du regard.
Quelle fut sa surprise lorsqu’elle les vit assis l’un à côté de l’autre. Plus proches physiquement que ce qu’elle aurait cru.
Duncan faisait attention à garder une certaine distance pour ne pas toucher Annabelle, pour éviter de lui rappeler de mauvais souvenirs, mais elle semblait avoir déjà fait table rase de leurs différends.
L’alcool aidant à la rendre un peu plus joyeuse que d’habitude.
Lorsqu’elle vit Marianne, elle lui fit de larges signes, un sourire radieux sur son visage. Son monde semblait s’être illuminé à la vue de cette personne.
Marianne vint s’asseoir à côté d’Annabelle, qui se blottit dans ses bras.
L’alcool lui faisait cet effet, elle avait envie de se coller contre la personne chère à son coeur, la prendre dans ses bras et lui dire à quel point elle était heureuse à ses côtés. C’était embarrassant.
Marianne se pencha pour lui rappeler gentiment à voix basse qu’elles étaient en public.
Annabelle se redressa, gênée, et s’excusant à demi-mot.
Duncan eut un sourire moqueur.

Annabelle n’avait pas l’habitude de boire et la dernière fois, il se souvenait qu’elles étaient rentrées sous l’injonction de Marianne.
Annabelle resta silencieuse.

— Depuis quand vous êtes les meilleurs amis du monde ?
Demanda Marianne, taquine et un peu jalouse.

Elle ne cacha pas cette pointe dans sa poitrine lorsqu’elle les vit échanger des sourires, assis comme un couple en train de flirter sur un banc.

— On faisait juste connaissance, rien de plus. Tu sais bien que c’est toi dans le top de mes amis.
Se justifia Duncan, sur ses gardes.

— Flatteur. Vous avez pu faire un tour ? Il y a des canapés dans les salles un peu plus loin.

— Pour s’asseoir… ?
Demanda Annabelle, incertaine. Ils étaient déjà assis.

— Pour manger.
Sourit Marianne, en mimant un amuse-bouche invisible qu’elle tenait au bout de ses doigts, pour le mettre dans sa bouche.

Annabelle baissa la tête une seconde fois, les oreilles chaudes. Elle se sentait bête.
Duncan n’osa pas se moquer. C’était mignon.
Marianne n’y prêta pas attention et invita Annabelle à se lever, en lui tendant son bras pour qu’elle puisse s’y accrocher.

— Tu n’es pas obligé de nous suivre, Duncan. Va donc aborder quelqu’un. Ce n’est pas comme ça que tu vas trouver l’amour !
Dit Marianne, sans aucun scrupule.

— Dis tout de suite que je vous gêne… et j’ai tiré un trait sur l’amour. Un petit vieux comme moi, je ne me fais pas de faux espoirs.
Soupira t-il.

— Ne sois pas aussi négatif, tu ne fais pas si vieux. T’es encore un jeune vieux. Et moi, regarde, la chance m’est bien tombée dessus. Il suffit juste de lui donner un petit coup de pouce.

*

La soirée se déroula à merveilles et Annabelle salua Duncan avec un grand sourire joyeux, avant qu’ils ne se séparent.

Le lendemain, Marianne lui rappela cela, elle se remémora ces instants un peu gênant.
Finalement, Duncan n’était pas si méchant.
Et elle avait peut-être un peu trop bu.

2022.03.06

Savon [R-18]

Annabelle avait réfléchi aux paroles de Duncan au sujet de la nature de sa relation avec Marianne.
Elles étaient très proches.
C’était indéniable, et Marianne était attentionnée, douce, gentille, tout ce dont Annabelle n’avait jamais rêvé et elle essayait de lui rendre toute cette gentillesse chaleureuse qu’elle lui donnait chaque jour, sans trop comprendre si c’était de l’amour.
Quand elle retournait cette question dans sa tête, cela devait être de l’amour mais était-ce l’amour charnel que Duncan pensait ?
Elle n’avait jamais eu de relation amoureuse avant et elle se demandait si ce qu’elle ressentait était vraiment ça.

Elle avait plus de 25 ans et elle ne savait pas ce que c’était, elle était encore vierge et elle avait l’impression d’être qu’une simple enfant, c’était ridicule.
L’alcool consommé durant la soirée n’aidant pas, elle se sentait bizarre.
Sur le chemin du retour, elle observait le dos de Marianne, puis la main dans la sienne, elle avait le coeur qui battait plus fort, elle avait du mal à respirer.
Les mains douces et chaudes de Marianne qui serraient ses doigts juste assez pour la faire sentir vivante, la faire sentir qu’elle tenait à elle.
Elles arrivèrent enfin chez elles, et Marianne se retourna pour voir Annabelle.

— Tout va bien.. ?

Elle avait remarqué que quelque chose n’allait pas.
Elle s’approcha de sa protégée, beaucoup trop proche pour Annabelle dont le coeur s’emballa et les joues s’empourprèrent.
Marianne lui releva avec douceur son petit menton pour mieux observer son visage.
Annabelle en avait les larmes aux yeux, elle n’osait pas regarder Marianne mais elle fixait ses lèvres, des lèvres qui ne demandaient qu’à être embrassées, peut-être était-ce ce que Marianne attendait depuis si longtemps.
Elle n’avait jamais brusqué Annabelle mais peut-être qu’elle espérait un signe de sa part.
Et Annabelle n’avait jamais fait ca, et si elle faisait mal ?
Ses yeux croisèrent ceux de Marianne qui la regardait sans comprendre.
Il fallait qu’elle se lance.
Elle se hissa sur la pointe de ses pieds pour lui poser un baiser timide, qu’elle fit à moitié sur sa bouche.
Marianne se figea, elle resta sans bouger, interloquée.

— Tu… tu as trop bu… ?
Demanda Marianne, qui n’y croyait pas.

— Non… !
S’exclama Annabelle, vexée.

— Tu viens… de m’embrasser… ?

Marianne toucha ses lèvres du bout de ses doigts, comme pour attester de la véracité de ce geste.

— Oui… je ne devais pas… ?
Se questionna Annabelle, maintenant inquiète d’avoir fait une bêtise.

Marianne sourit et s’approcha d’Annabelle pour la rassurer.
Elle fléchit les genoux pour se mettre à sa taille et lui sourit avec tendresse.

— Je vais te montrer comment on fait.
Dit-elle, amusée.

Elle s’approcha alors jusqu’à ce que ses lèvres touchent celles d’Annabelle.
Puis elle entrouvrit les siennes, l’embrassa plusieurs fois et celles d’Annabelle finirent par naturellement s’ouvrir, laissant place à Marianne d’y engouffrer lentement sa langue pour y chercher celle de sa compagne.

C’était nouveau pour Annabelle.
La sensation humide, douce et tiède de la langue de Marianne dans sa bouche, contre ses lèvres, cela lui faisait comme une boule chaude au creux de son ventre, comme si elle allait imploser de bonheur.
Quelle étrange émotion.
Après ces quelques minutes de moment très agréable, elle était essoufflée et Marianne avait le sourire jusqu’aux oreilles.

— Alors… comment c’était… ?
Demanda Marianne, curieuse.

— Je… plus… ?
Sembla supplier Annabelle.

Marianne éclata de rire.

— Si ça ne te dérange pas, et si on allait se brosser les dents et se doucher, avant de continuer… ?

Annabelle acquiesça et Marianne lui tendit la main pour qu’elle la suive jusqu’à la salle de bain.
Les vêtements et les sous-vêtements étaient par terre.
Les dents propres et l’odeur de dentifrice dans leur bouche, elles se glissèrent dans la douche, toutes les deux.
Marianne arrosa les pieds d’Annabelle avec l’eau pas encore assez chaude, ce qui la fit rire et en même temps Annabelle bouda.
Elles se rincèrent de la tête jusqu’aux pieds et elles se savonnèrent. Marianne ne résista pas à toucher la peau d’Annabelle qui était si blanche.

Après s’être rincée, Annabelle osa enlacer Marianne de tout son corps, collant sa peau tiède et propre contre celle de Marianne.
La poitrine d’Annabelle était douce et moelleuse et Marianne était électrisée.
Elle balada ses doigts sur les contours de ses formes, la faisant frissonner, et elle posa ses mains sur ses hanches, descendant jusqu’à ses cuisses puis elle regarda les réactions d’Annabelle.
Elle jaugea ses réactions et elle approcha ses mains de son entre-jambe.
Annabelle écarquilla les yeux.

— Je peux… ? Je vais y aller doucement, je te le promets.
Dit Marianne, les joues un peu plus roses.

Annabelle prit une grande inspiration et décida de lui faire confiance.
C’était la première fois qu’on la touchait à cet endroit.
Marianne s’approcha pour enlacer Annabelle, et l’embrassa tout en pénétrant tout doucement, lentement, le bout de ses doigts, qui avaient caressé avec précaution ses petites lèvres inférieures avant de trouver l’entrée, et de s’introduire dans son intimité.
C’était terriblement doux, humide et chaud à l’intérieur.

Annabelle lâcha un petit gémissement de surprise puis de plaisir, elle ne pouvait s’empêcher de bouger légèrement des hanches, tout en se tenant à Marianne de peur de tomber à cause de ses genoux qui semblaient s’affaiblir à mesure que Marianne continuait son exploration, ses caresses internes.

Marianne profitait du spectacle, Annabelle respirait de manière étrange, elle réagissait et elle s’agrippait à elle. C’était délicieux à sa manière.
Elle finit par se retirer.
Laissant Annabelle haletante et presque déçue.

— On va se rincer une dernière fois, et se sécher avant d’attraper froid.

Annabelle n’avait pas d’autre choix que d’acquiescer.
Elles se séchèrent et elles se rendirent sur le lit de la chambre, toutes les deux nues.
Marianne baissa l’intensité de la lumière pour qu’il ne reste qu’un halo simple.
Elles s’allongèrent sur la couverture et Annabelle se colla contre Marianne comme pour lui supplier de continuer ce qu’elle avait commencé.
Marianne gloussa. Annabelle était trop timide pour le formuler.
Pendant que Marianne s’attelait à caresser et satisfaire Annabelle qui découvrait cette sensation de bien-être, Annabelle l’embrassait, puis elle finit par balader ses propres mains sur le corps de Marianne.
Timidement.
Marianne frissonna, ses mamelons se dressèrent et un courant électrique lui parcouru le long de son dos.
Lorsque Annabelle finit par arriver sur ses hanches, ses mains se posèrent entre ses cuisses, ses doigts fins étaient encore hésitants, elles cherchaient l’entrée, n’osant pas complètement.
Alors Marianne ne dit rien, et la laissa prendre son temps, le temps de découvrir le corps de Marianne et son intimité.
La curiosité la fit caresser chaque parcelle de sa vulve, jusqu’à ses lèvres, le clitoris. Elle avait la même chose mais en même temps c’était tellement différent.
Puis elle trouva l’origine de cette substance liquide qui s’écoulait de sa fente.
Elle y introduit avec une telle lenteur un premier doigt.
Marianne se contracta et s’arrêta un instant, pour savourer cet instant.
Annabelle ouvrit les yeux pour observer le visage de Marianne. Elle semblait apprécier ce qu’elle lui faisait.

2022.02.18

Réputation

Marianne avait emmené Annabelle avec elle à cette soirée professionnelle.
Elle voulait lui montrer et lui faire découvrir le monde dans lequel elle vivait, mais également montrer aux autres à quel point elle était épanouie d’être avec Annabelle. Elle n’avait aucune raison d’avoir honte d’elle. Elles avait passé un certain temps pour choisir une tenue adéquate.

Marianne portait une robe à grand décolté noire et longue, qui laissait apparaître ses épaules larges et son dos musclé. Des boucles d’oreilles longues et fines et un collier un peu plus large au ras du cou.
Elle avait coiffé ses cheveux en une queue de cheval haute, fluide et sombre qui retombait derrière elle.

Annabelle était dans une robe blanc cassé qui accentuait son teint pâle et la blondeur de ses cheveux.
Ceintrée comme il fallait à la taille, elle mettait en valeur sa poitrine généreuse sans trop en faire, la coupe de la robe était en col V, et des boutons en tissu descendaient jusqu’en bas.
Ses longs cheveux blonds étaient coiffés dans un style bohémien très léger.

Annabelle s’était accrochée au bras de Marianne et n’osait pas regarder les autres. Elle ne se sentait pas à sa place. Marianne la rassurait et lui rappelait qu’elle était très belle et qu’elle n’avait aucune raison de se cacher ni baisser la tête.
Tout était trop lumineux pour elle, les lustres, la moquette trop propre, les meubles vernis et brillants, les bijoux des invités qui scintillaient à la lumière, tout.
C’était trop luxueux que c’en était gênant.
Alors elle resta accrochée au bras de Marianne, de peur de se faire engloutir par cette foule qui semblait la juger.

Duncan faisait partie des convives, et il remarqua l’arrivée de ces deux femmes. Il sortit discrètement son téléphone pour prendre une photo d’elles.
Elles étaient toutes les deux sublimes et il savait que cela ferait plaisir à Marianne d’avoir une photo souvenir de cette soirée.
Depuis le dernier épisode où il avait merdé, il savait que Marianne était un peu en froid avec lui.
Surtout Annabelle qui faisait tout pour l’éviter et il ne pouvait pas lui en vouloir. Il savait qu’elle ne le portait pas dans son coeur et il resta à l’écart pour respecter cela. Il espérait au fond de lui qu’elle lui pardonne un jour. Il devait réfléchir à un moyen de se faire pardonner. Il s’éloigna en les laissant profiter de cette soirée sans lui.

*

Marianne avait dû s’éloigner et aller aux toilettes.
Laissant Annabelle seule sur le comptoir du bar.
Au bout de quelques minutes à peine, quelques hommes étaient venus l’aborder.
Ils connaissaient Marianne de loin, de réputation et ils n’auraient jamais osé s’approcher en sachant qu’elle était dans les parages, mais la petite perle qu’elle protégeait était maintenant seule et ils ne se gênèrent pas pour aller faire connaissance avec la jeune femme.
Annabelle paniqua. Elle ne savait pas comment réagir ni quoi dire sans la crainte de mal faire.
Les hommes étaient déjà un peu alcoolisés par la soirée et joyeux, ils lui forcèrent un peu la main pour la décoincer et qu’elle accepte de les suivre pour s’amuser plus.
Annabelle ne savait pas refuser sans paraître impolie.

Duncan avait repéré ces hommes et il cherchait des yeux Marianne en espérant qu’elle intervienne.
Malheureusement elle n’était pas à côté et il soupira.
Il devait faire quelque chose.
Il s’approcha d’Annabelle et jeta un regard noir aux hommes qui essayaient de l’emmener ailleurs.

— Est-ce que je peux vous aider, messieurs ?

Ils blêmirent et décidèrent de s’en aller.
Annabelle ne savait pas qui elle devait craindre le plus.
À la vision de Duncan, elle se crispa et n’osa pas le regarder. Cela lui rappelait trop de mauvais souvenirs.

— Bonsoir Annabelle… je ne vais pas t’importuner longtemps… où est Marianne ?
— Elle… elle est partie aux toilettes.
— Ah… l’appel de la nature… bon, je m’en vais dès qu’elle reviendra. Est-ce que je peux te commander quelque chose en attendant ? Je vois que tu n’as rien à boire.
— …
— J’imagine que tu n’as pas osé demander au barman ? Ou alors tu ne sais pas quoi choisir… ?
— Si c’est pour vous moquer de moi, je crois que je préfère encore la compagnie des autres hommes.

Elle n’y pouvait rien, ses poils se hérissaient à sa vue et à sa proximité. Cela lui rappelait les mauvais moments comme s’ils s’étaient déroulés la veille.

— Ecoute… je suis vraiment désolé pour ce que j’ai fait…
— Vous comprenez que je ne peux pas juste vous pardonner et oublier….

Elle savait et ce n’était pas la première fois qu’il essayait d’acheter son pardon, mais elle ne contrôlait pas ce qu’elle pouvait ressentir à son égard.

Marianne revint enfin et elle ne reconnut pas immédiatement Duncan de dos.

— Je peux vous aider ?
— Marianne.
— Duncan.
— Je vous laisse, bonne soirée.

Duncan s’éclipsa.

— Est-ce qu’il s’est passé quelque chose… ? Est-ce qu’il a fait quelque chose… ?
Demanda Marianne, inquiète.

— Non, enfin si… je me suis fait aborder par des hommes peu de temps après que tu sois partie… Duncan les a fait fuir…
— Je suis désolée, j’aurais dû-
— Non, ce n’est pas grave. Tu es là maintenant.

Annabelle sourit à Marianne, lui attrapa le bras à nouveau, et se colla à elle.
Elle ne voulait pas gâcher cette soirée.
Marianne serra la main d’Annabelle autour de son bras, et l’emmena ailleurs pour profiter de la soirée.

Elles burent quelques cocktails, grignotèrent quelques amuse-bouches.
Marianne présentait les invités les plus importants à Annabelle, de loin, racontant ce qu’ils faisaient et une partie de leur parcours.
Elles durent également saluer d’autres personnes importantes.
Annabelle était timide, elle avait l’impression que son statut était marqué au fer rouge sur son front.
Marianne la présentait pourtant comme sa compagne, sans entrer dans les détails.
Les interlocuteurs semblaient accepter cette présentation sans broncher, et ils la saluaient avec le même respect que pour Marianne, avant de s’éclipser retrouver d’autres personnes.

La soirée passa relativement vite.
Il y eut un discours, des verres à trinquer, une partie dansante avec de la musique classique, pour l’ouverture de la piste, puis progressivement la musique fut plus électronique et dans un rythme plus rapide.
L’acoustique avait été pensée pour que les salles adjacentes ne soient pas affectées par le bruit.

Elles s’étaient posées dans un fauteuil, profitant que la plupart des invités s’étaient orientés vers la salle dansante.
Annabelle était un peu fatiguée, c’était beaucoup d’émotions pour elle, et surtout beaucoup trop d’alcool, elle qui n’était pas tellement habituée à boire.
Le peu qu’elle avait grignoté n’avait pas réussi à éponger ce qu’elle avait ingéré en cocktails sucrés et alcoolisés.
Elle ne s’était pas rendue compte du taux d’alcool dans ses boissons.
Elle avait la tête qui tournait légèrement et elle commençait à s’assoupir.

— Annabelle… ?
Marianne l’interpellait pour la troisième fois.

— Hm… ?
Finit-elle par répondre, la tête posée sur l’épaule de Marianne, les yeux fermés.

L’effet inhibiteur décuplait sa sensation de bien-être et de bonheur aux côtés de Marianne. Elle se sentait comme dans du coton.
Elle était dans un état second.

— Tu es sûre que ça va… ?
S’inquiétait Marianne.

— Hm… oui… je me repose encore quelques secondes et on va aller danser…
— Je ne crois pas… On va rentrer… il commence à se faire tard.

— Oh non… pas maintenant…
Chouinait Annabelle, comme une enfant.

— Si si… tu n’es pas en état de danser de toute façon…

Annabelle essayait de tenir tête en insistant le contraire. Mollement.
Elle se releva et faillit perdre l’équilibre.
Marianne la rattrapa.

— Ca suffit maintenant… sois raisonnable.
Lui chuchota Marianne.

Essayant de ne pas la brusquer. Elle craignait qu’Annabelle fasse une scène mais elle se résigna et suivit Marianne en boudant.
Ce qui était une réaction plutôt attendrissante du point de vue de Marianne.

Dans la voiture, Annabelle s’endormit presque aussitôt, avec un sourire aux lèvres.
Marianne l’observait de temps en temps.
Elle espérait qu’Annabelle ait passé une bonne soirée et qu’elle en garde de bons souvenirs.

2022.02.08

Egale

Cela faisait maintenant plusieurs mois, presque une année entière qu’elles vivaient ensemble et qu’elles étaient heureuses ainsi.
Elles avaient leur quotidien et leur routine.
Marianne aurait pu avoir des doutes sur les sentiments d’Annabelle, mais Annabelle était sincère et honnête. Elle avait ce trait de caractère qui faisait qu’elle ne pouvait pas mentir ni se forcer à faire quelque chose dont elle n’avait pas envie.
Marianne avait fini par le remarquer.

Annabelle avait maintenant pris ses aises, elle avait appris auprès de Marianne, à prendre des initiatives pour le bien de Marianne, et même à apprendre des choses pour améliorer le quotidien de Marianne et la rendre heureuse. C’étaient des petites choses de la vie quotidienne, comme apprendre à faire correctement la cuisine, bien programmer la machine à laver, passer l’aspirateur dans tous les recoins.
Elle voulait et appréciait que Marianne soit fière d’elle, de lui apporter quelque chose, parce qu’elle n’avait jamais été aussi heureuse depuis qu’elle vivait chez elle.

Marianne ne lui avait rien demandé, juste sa présence lui mettait du baume au coeur.
Elle avait une raison de rentrer chez elle, elle avait hâte de rentrer après sa journée de travail, et elle adorait prendre soin d’Annabelle.
Lui faire découvrir des choses qu’elle n’avait jamais pu avoir accès, pour lui montrer le confort de sa vie et partager cela avec elle.
Elle avait quelqu’un avec qui elle se sentait libre, légère, sans crainte de ne pas bien paraître.
Elle arrivait à se sentir assez à l’aise pour juste être elle-même, sans peur qu’Annabelle ne lui tombe dessus ou que cela ait des répercutions professionnelles.
Elle était dans sa bulle de confort.
L’endroit clos de son appartement formait une zone où elle pouvait se sentir en sécurité.

Marianne considérait Annabelle comme une personne à part entière, elle avait presque oublié l’existence de ce fichu contrat qui stipulait qu’Annabelle était sous ses ordres, sous sa responsabilité.
Elle se doutait qu’Annabelle avait des sentiments et de l’attachement et de l’affection véritable à son égard, que ce n’était pas dû à une obligation du contrat.

Annabelle avait gagné en assurance et osait plus s’affirmer pour exprimer ses opinions. Elle savait comment Marianne fonctionnait maintenant et elles étaient assez proches pour se taquiner et Annabelle devait parfois reprendre Marianne en la rappelant à l’ordre sur son comportement.
Marianne faisait exprès de mal se comporter pour se faire réprimander. C’était un petit jeu qu’elles aimaient faire. Elle avait cette attitude enfantine qu’elle exagérait parce qu’elle avait rarement l’occasion de pouvoir se laisser aller, et Annabelle jouait son rôle de maman de manière très appliquée.
C’était amusant qu’elles changent de dynamique de temps en temps. Annabelle était celle qui se faisait chouchouter de manière générale, par Marianne.

Une fois par semaine, Annabelle était invitée à accompagner Marianne à son travail, et elle essayait de l’assister dans ses tâches.
Marianne ne pensait pas que cela l’intéresserait, mais un jour, Annabelle remarqua une erreur dans un de ses tableaux et Marianne se rendit compte qu’Annabelle était douée pour ça.
Sans lui mettre la pression ni lui ordonner, elle lui demanda si elle pouvait l’aider sur un petit dossier, et elle s’en sortit avec beaucoup de facilité.

— Mais… tu as déjà fait ça auparavant ?
Demanda Marianne, plus que surprise.

— Non… mais mon ancien travail y ressemblait… à quelques détails près… pourquoi… ? Est-ce que je me suis trompée quelque part… ?
S’inquiéta Annabelle.

— Mis à part quelques points que tu ne pouvais pas deviner… c’est du bon travail… si cela te plaît… tu pourrais m’aider en mâchant une partie de mes dossiers.
S’exprima Marianne, en relisant les feuilles qu’Annabelle venait de lui rendre.

Depuis, Annabelle soulageait Marianne d’une partie de ses affaires une fois par semaine.

*

Comme dans chaque relation, il y a parfois des hauts et des bas.
Marianne avait demandé à Annabelle de l’accompagner à un gala et Annabelle avait refusé, contre toute attente.
Elles n’avaient pas réussi à se mettre d’accord et le ton était rapidement monté.
Marianne ne comprenait pas pourquoi Annabelle refusait sa proposition.

— Je ne peux pas, c’est comme ça… je ne suis pas digne de t’accompagner.
— Comment ça ? Bien sûr que tu l’es ! Tu es… ma partenaire !
— C’est comme ça que tu vas me présenter ? Ne me fais pas rire, Marianne… je ne suis pas ton égale…
— Qu’est-ce que tu racontes ? Je t’ai toujours considérée comme mon égale, une personne à part entière. Bien sûr que je t’y présenterai comme ma compagne !
— Je suis… ton humain de compagnie.
— Officiellement ? Je me fiche de ces papiers qui attestent de ton statut officiel.
— Moi, pas.
— Ce qui compte c’est ce que tu représentes pour moi, Annabelle. Tu es plus que juste un humain de compagnie. Je pensais que tu le savais…
— On ne vient pas du même monde, Marianne… je vais avoir l’air de quoi à tes côtes, à cette soirée beaucoup trop bien pour moi ? Dis-moi ? Je ne veux pas te faire honte… je n’y connais rien à tout ça…
— Tu ne me fais jamais honte, Annabelle. Je serai avec toi, je t’expliquerai s’il faut, et tu seras très bien…
— Je t’appartiens, Marianne…
— Notre relation est plus que ça, Annabelle. Tu n’es pas juste ma chose. Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour que tu comprennes ? Est-ce qu’il faut que je détruise les documents d’adoption ? Est-ce que tu fais semblant de m’apprécier… ?
— Non… !
— Tu sais que je serai prête à te demander en mariage, pour que cela soit clair entre nous. J’ai entièrement confiance en toi et s’il faut cela pour que tu imprimes que tu es aussi importante à mes yeux, je le ferais.

Annabelle resta sans voix.
Elle ne s’attendait pas à cette proposition dans cette circonstance. Elle était juste mal à l’aise de s’imaginer, elle, aux côtés de Marianne qui était si importante, à un gala. Et cela la rendait folle que Marianne ne voit pas le problème, qu’elle soit obligée de la mettre dos au mur pour qu’elle comprenne ce complexe d’infériorité qu’elle avait.
Elle avait si peur qu’on sache qu’elle soit un humain de compagnie. En réalité, elle avait honte de son statut.
Elle n’était rien aux yeux de la société. Elle était comme un vulgaire animal. Un animal de luxe mais un humain sans importance. Elle avait tellement peur que cela entache l’image de Marianne, qu’elle ne voulait pas prendre ce risque.
La présenter comme sa partenaire, elle ne savait pas si c’était pire. Elle affichait aux yeux de tous qu’elle était en couple avec une femme. Est-ce que c’était ce qu’elle voulait vraiment ?
Mais Marianne était en train de songer à la demander en mariage ? Non, impossible.
Elle ne pouvait pas accepter. Elle avait l’impression de lui forcer la main. C’était trop, elle ne voulait pas exprimer son refus parce qu’elle ne voulait pas blesser Marianne, mais tout son corps criait « non ».
Son coeur disait autre chose. Elle aimait Marianne mais elle n’arrivait pas à accepter. Elle ne méritait pas d’être propulsée sur les devants de la scène.

— Annabelle. Je veux montrer au monde à quel point tu comptes à mes yeux. C’est pour ça que je souhaiterais que tu m’accompagnes.

Marianne avait attrapé Annabelle par le bras et l’avait forcée à la regarder dans les yeux pour sonder ses pensées.

— Ce n’est pas du jeu… je peux pas refuser si tu dis des choses comme ça.
— On va te trouver une superbe tenue, tu seras magnifique et tout le monde ne verra que toi.
— Si on pouvait éviter… je préfèrerais être discrète…
— Comme tu voudras, dans tous les cas, tu ne le regretteras pas, on va s’amuser comme des folles !

*

— Sinon, pour le mariage, je ne plaisantais pas.
Dit Marianne, alors qu’elles étaient toutes les deux dans le lit, la lumière éteinte.

— On va déjà aller au gala ensemble…
— Tu n’as pas dit non.
— Je n’ai pas dit oui, non plus… Bonne nuit Marianne…

2022.02.08

Velours

Marianne aimait faire du shopping ou juste du lèche-vitrine.
Annabelle avait fini par s’y habituer, elle l’accompagnait et elles essayaient parfois des tenues pour le plaisir de Marianne.
Elle aimait flâner, se balader dans les galeries marchandes, tenir la main d’Annabelle dans la sienne et profiter de l’instant présent.
Elle était frustrée qu’Annabelle ne désire jamais rien. Elle n’arrivait pas à trouver ce qui lui ferait plaisir.
Elle ne s’exprimait pas sur ses envies, et elle regardait rarement ce qu’il y avait dans les vitrines.

Ce jour-là, Annabelle s’arrêta un court instant devant une bijouterie. Son regard avait été captivé par une montre. Pas n’importe laquelle, mais une automatique avec le mécanisme apparent. Elle avait été intriguée. Ce fut que l’histoire d’une petite minute, son attention avait été attirée.
Marianne remarqua cet intérêt. Il n’était pas dans les habitudes d’Annabelle de s’arrêter, ni de regarder intensément ce qui se trouvait dans les boutiques.
Elle ne fit pas de remarque parce qu’elle savait qu’Annabelle n’était pas honnête avec elle-même lorsqu’il s’agissait de choses pour elle
Elle nota l’emplacement de la boutique et elles continuèrent leur balade.

*

Marianne revint seule quelques jours plus tard et entra dans la bijouterie.
Elle chercha et se rappela quel objet Annabelle avait pu voir. Elle ne perdit pas beaucoup de temps.
Elle remarqua également la montre. C’était une montre simple mais raffinée et elle comprit pourquoi Annabelle avait eu un coup de coeur dessus.
C’était bientôt les un an de leur rencontre et ce présent serait parfait pour marquer cet anniversaire.
Marianne ne regarda pas le prix. C’était celle là et pas une autre. Elle aurait pu se tromper, elle aurait pu douter, mais elle était certaine de son choix. Au pire des cas, elle pourrait la rendre au magasin.

Elle se réjouissait d’avance de la réaction d’Annabelle.
Elle se doutait qu’elle commencerait par bouder, puis peut-être qu’elle l’insulterait, mais gentiment, mais au fond d’elle, Annabelle serait heureuse. Surprise et contente de ce présent.
Elle n’avait pas de montre et c’était un accessoire dont elle pourrait se servir régulièrement et qui l’accompagnerait au quotidien.

*

Le présent était dans une jolie boîte en velours, pas très imposante.
Marianne voulait que tout soit parfait.
C’était le jour J.
Elle ouvrit la boîte pour observer que tout était en ordre. Elle la referma et la rangea sous son oreiller.
Elle avait réfléchit au meilleur moment pour lui faire la surprise, et elle avait choisi le matin.
Ce jour là était tombé un week-end et elles purent faire une grasse matinée bien méritée.

Annabelle était une grosse dormeuse, Marianne un peu moins. Même si depuis qu’elles étaient ensemble, elle avait beaucoup moins d’insomnies, elle était plus sereine et elle pouvait se dire qu’elle baignait dans une bulle de bonheur.
Trop excitée par sa propre surprise et ayant hâte de voir la réaction d’Annabelle, elle se réveilla et ne réussit plus à se rendormir, alors elle observa sa petite poupée assoupie.
Annabelle dormait à poings fermés et elle semblait faire un doux rêve

Apaisée par le tableau qu’elle avait sous ses yeux, elle était sur le point de se rendormir lorsqu’Annabelle sembla se réveiller, elle ouvrit les yeux et elles se retrouvèrent à se regarder mutuellement.

— Bonjour…
Murmura Annabelle, surprise de voir le visage de Marianne aussi près du sien, et en train de l’observer.

Marianne, qui n’osait pas trop déranger le sommeil d’Annabelle, pu enfin se déplacer pour se coller à elle, l’enlacer tendrement pour lui souhaiter un bonjour.
Annabelle était si douce entre ses bras, et elle sentait si bon. C’était un sentiment très agréable et chaleureux.
Annabelle se blottit entre ses bras et se lova comme un chaton contre sa mère.
C’était le meilleur réveil qu’elle puisse imaginer.
Elles profitaient ainsi du weekend, de passer du temps ensemble sans se presser.

— Tu sais quel jour on est… ?
Demanda Marianne, avec un large sourire.

— Samedi… ?
Répondit Annabelle, qui se demandait si elle avait oublié quelque chose.

— Oui… et… cela fait un an que tu es à mes côtés…

— Un an… déjà… ?
S’étonna Annabelle.

Elle n’avait pas noté cette date qui avait chamboule sa vie.
Marianne tendit sa main pour récupérer le cadeau sur lequel elle était allongée.
Annabelle se figea.
C’était une boîte, mais pas n’importe quelle boîte.
Elle était en velours et elle savait d’expérience que ces boîtes contenaient des bijoux.
Elle eut le coeur qui s’arrêta un instant.
Est-ce que Marianne allait la demander en mariage… ? Elle se souvenait qu’elle lui avait déjà parlé de ce sujet rapidement, presque comme une blague, et elle ne l’avait pas prise au sérieux.
Elle n’arrivait pas à croire que Marianne voulait officialiser leur relation.

Marianne vit sa réaction et souriait plus que nécessaire.
Elle voulait la surprendre et c’était réussi, elle avait tout de même une petite appréhension sur son avis. Allait-elle apprécier ? Beaucoup ? Un peu ? Pas du tout ?
Elle lui donna la boîte et la laissa l’ouvrir.

Annabelle bloquait.
Elle voyait le sourire de Marianne, l’excitation qui s’en dégageait. Mais elle appréhendait.
Comment devait-elle réagir si c’était une bague… ? Elle n’était pas prête, elle ne se sentait pas digne.
Elle ne pouvait pas faire languir Marianne plus longtemps, elle inspira un grand coup, et elle ouvrit délicatement cette boîte à la texture douce.
Elle fut plus que surprise.
Elle resta fixe, à regarder sans croire ce qu’elle voyait à l’intérieur.
Elle se souvenait de cette montre. Elle l’avait vue juste un instant. Comment et pourquoi. Comment Marianne avait su ? Pourquoi avait-elle fait ça ? C’était trop beau, c’était trop.
Elle ne pouvait détourner son regard de l’objet. Il était encore plus beau entre ses mains, sans la vitrine qui les séparait.
Elle hésita. Elle douta. Etait-ce vraiment pour elle ? Marianne avait peut-être acheté cette montre pour elle, et elle lui montrait juste. Ca ne pouvait qu’être que ça. C’était juste une coïncidence que ce soit la même que celle qu’elle avait vu il y a quelques semaines dans les magasins.

— C’est… magnifique.
Dit-elle, en la refermant et la rendant à Marianne

Et là, ce fut l’incompréhension.

— Tu… tu ne l’aimes pas… ?
— Si… mais… c’est pour toi, n’est-ce pas ?
— Non, Annabelle. C’est pour toi…

Marianne ouvrit la boîte à nouveau pour en sortir la montre et la mettre au poignet d’Annabelle.

— Mais… Marianne…
— Est-ce qu’elle te plaît… ?
— C’est… c’est trop beau pour moi. Je peux pas accepter-
— Si. Si elle te plaît, c’est parfait. Sinon on peut retourner en boutique pour que tu choisisses le modèle qu’il te plait.
— Non non… elle est parfaite…

Annabelle était émue.
Le toucher froid du métal de la montre contre sa peau lui fit un frisson, puis elle n’arrivait pas à quitter du regard ce présent.

— Mais… je n’ai rien prévu pour toi, Marianne-
Réalisa t-elle, avec horreur.

Marianne l’embrassa tendrement sur le front.

— Le plus beau des cadeaux, c’est que tu sois à mes côtés… et que tu acceptes mon présent.

Annabelle se blottit à nouveau dans ses bras.
Elle était gâtée.

2022.02.06

Invitation

Marianne avait proposé à Annabelle de l’accompagner à cette soirée professionnelle.

Ce n’est pas qu’elle n’aimait pas y aller, c’était qu’elle s’y ennuyait un peu, seule. C’était beaucoup pour faire bonne figure devant les autres chefs d’entreprises de la région, devant le conseil régional, montrer qu’elle existait et que son affaire marchait.
Elle savait qu’elle devait y aller mais l’idée ne l’enchantait guère.

Elle jouait avec l’enveloppe d’invitation qu’elle avait reçue. Une très belle enveloppe, le papier était agréable entre ses doigts. Depuis le temps qu’elle le tournait et le retournait dans ses mains, elle en avait presque mémorisé chaque millimètre de détails.
Elle se disait que la région avait du budget et choisissait bien sa papeterie pour ce genre d’événement.

Comment allait-elle s’habiller cette fois ?
Elle avait l’habitude de louer ses robes, elle avait sa boutique favorite pour cela, puis il fallait qu’elle prenne rendez-vous chez le coiffeur.
Elle soupira.

Annabelle frappa et rentra dans le bureau pour lui apporter de quoi boire et grignoter.
Marianne avait son petit goûter : un thé vert bien chaud avec des petits biscuits sucrés. Aujourd’hui c’étaient des spéculos. Le côté sucré était atténué par l’amertume légère du thé vert.
Elle remercia sa secrétaire adorée et une idée lui traversa l’esprit.

Annabelle était toujours habillée dans les mêmes vêtements simples. Une chemise blanche cintrée par une jupe longue sombre, des petits escarpins. Une coiffure sage et sobre.
Marianne était curieuse de la voir dans d’autres vêtements, et elle laissait libre court à son imagination quant à imaginer cette poupée sans expression dans des tenues beaucoup plus extravagantes.
Puis elle trouva le prétexte parfait : lui demander de l’accompagner.
Annabelle ne s’y serait pas opposée, elle le savait, elle était très malléable sur ce point.
Lorsque Marianne lui exposa la situation, elle n’eut pas d’autre choix que de se plier à ses exigences.

Annabelle ajouta le rendez-vous à la boutique ainsi que le coiffeur dans le calendrier.
Elle avait été prise au dépourvu.
Marianne la regardait, la fixait, puis souriait un peu bêtement, sans un mot puis lui posa cette question.
Ce n’est pas comme si elle pouvait refuser, cela avait été formulé comme une proposition mais elle n’avait aucune raison valable de la décliner.
Elle ne se doutait pas dans quelle aventure elle s’était engouffrée en acceptant cette requête.

Elle accompagna Marianne à la boutique pour louer leur tenue.
Annabelle ne savait pas quoi choisir, elle se mit en retrait et suivit Marianne qui était en train de regarder les différentes tenues en rayon. Elle finit par arrêter son choix sur une longue robe sombre au décolté plongeant et fendue jusqu’au dessus de sa cuisse.
Elle la posa avec son cintre sur un fauteuil au milieu de la pièce et se tourna vers Annabelle.
La main sous son menton, elle scrutait sa secrétaire de haut en bas, songeuse. Elle repassa en revue les autres robes.

— Tu as une préférence… ?
Demanda t-elle, au moins.

— N-non… ?
Répondit Annabelle, ne sachant pas quoi répondre d’autre.

Elle n’avait pas l’habitude de faire du shopping ni du lèche-vitrine.
Marianne sortit deux robes qu’elle compara devant le corps d’Annabelle, puis s’arrêta sur une robe courte et sombre. Elle hésita. Cette robe était trop révélatrice.
Elle choisit l’autre, une robe claire, en drapé et dans un tissu légèrement satiné, plus longue.
Elle appela la tenancière pour les aider et les emmener dans la partie cabine d’essayage.
Marianne fut la première à porter la robe. Il y avait que quelques ajustements à faire mais elle avait l’habitude et la personne la connaissait depuis le temps.

Ce fut un peu plus long pour Annabelle qui ne connaissait pas ses mensurations, les mesures furent prises puis il fallut trouver la robe dans la taille adéquate.
Elle ajusta les quelques détails avec des pinces de manière provisoire et montra le résultat.
Elle était sur une sorte de piédestal et des miroirs en quart de cercle devant elle.
Marianne n’était pas loin et elle était sans voix.
La robe embellissait Annabelle.
Avec sa peau claire, la couleur de la robe accentuait cette pâleur. Elle avait une poitrine généreuse et une taille de guêpe mise en valeur par la coupe de l’habit.
Le tout retombant en drapé ondulant jusqu’à ses pieds.

— Est-ce que vous avez déjà choisi vos chaussures ? Je vous recommande des petits talons pour aller avec celle-là. Juste assez pour ne pas marcher sur le tissu de la robe
— Nous y allons juste après. Merci pour la remarque.

Marianne profitait encore de la vue.
Annabelle ressemblait à une petite princesse.
Elle serait sa princesse pour le temps d’une soirée, rien qu’une soirée, et cela la mettait en joie de pouvoir être en si belle compagnie.

— Est-ce que cela vous convient ?

Annabelle restait muette, elle ne savait pas quoi penser. Elle ne se reconnaissait pas. La robe était beaucoup trop belle par rapport à ce qu’elle était.
Etait-ce bien elle ? Est-ce que cela convenait à Marianne ?
Marianne sortit finalement de sa rêverie et confirma son choix.

Annabelle ne chaussait malheureusement pas la même pointure que Marianne et il fallut lui trouver chaussure à son pied.
Marianne était patiente et essayait de sonder les goûts de son employée, sans aucun succès. Finalement elle choisit une paire sobre qu’elle pourrait reporter à d’autres occasions. Elle semblaient confortables pour des petits talons.

Le jour J, elles avaient rendez-vous au salon de coiffure en fin d’après-midi. Dès le travail fini, elles s’y rendirent et c’est là que le coiffeur remarqua la coupe étrange d’Annabelle avec des mèches totalement inégales. Elle avoua qu’elle avait fait ça elle-même.
Elle ne réussit pas à dire la vérité sur l’histoire du chewing-gum, elle en avait honte et cela n’apporterait rien de positif.
Marianne avait les cheveux noirs brillants, étant métissée asiatique, elle avait hérité de la couleur sombre et raides.
Ses cheveux étaient longs, elle avait demande un soin pour toutes les deux et elle avait l’habitude de les coiffer en queue de cheval haute.
Le coiffeur lui plaqua les cheveux avec un peu de cire, pour qu’aucune mèche rebelle ne dépasse. Quelques barrettes pour maintenir les plus longues et les indomptables.
Quant à Annabelle, on lui fit un soin, un brushing et elle eut les cheveux plus beaux que jamais. Ses bouclettes blondes avec ses cheveux fins étaient plus doux que d’habitude et ne paraissaient pas secs.
Pour aller avec le côté sérieux de Marianne, quelques mèches sur le devant furent réunis à l’arrière de la tête par les mêmes barrettes, ajoutant un peu plus de détails à la coupe simple.
Ses cheveux furent égalisés en un joli carré.

Elles retournèrent chez elles et les robes étaient déjà livrées au bureau.
Elles furent apportées dans la chambre.
Dans les boîtes, un petit message avait été rédigé à la main par la patronne :
« Amusez-vous bien. »
Marianne esquissa un sourire.
Les retouches avaient été effectuées et les robes étaient pile poil à la bonne taille.
Annabelle se changea dans sa chambre et descendit les marches avec ses talons, avec précaution.
Marianne l’attendait au pied des marches et la contemplait religieusement.
Il manquait quelque chose, elle l’invita à venir dans sa chambre et fouilla dans ses différents bijoux pour en sortir quelques uns et les essayer sur Annabelle.
Elle s’arrêta sur un collier discret et des petites boucles tombantes.

Elle se rendit compte qu’Annabelle n’avait pas les oreilles percées. Elle resta sur le collier.
Marianne portait une parure imposante au niveau du cou et des petites perles noires aux oreilles.
Elle ne savait pas si elle pouvait dire qu’elle trouvait Annabelle magnifique.
Elle le pensait très fort mais préféra exprimer tout simplement que la tenue lui allait à ravir.
C’était le conte de Cendrillon.
Quelques autres employés virent Annabelle habillée ainsi et partir avec Marianne.

Marianne conduisit et laissa son véhicule au voiturier à l’entrée du bâtiment de la soirée.
C’était le hall d’un hôtel réputé et plusieurs salles de réception avaient été réservées.
Annabelle était intimidée.

*

Elle était gênée, Marianne avait été plus que généreuse en lui prêtant un collier, en la chouchoutant et l’habillant comme une poupée.
Elle avait une crainte : qu’elle ne convienne pas en tant qu’accompagnatrice pour Marianne.

*

En descendant les marches de sa chambre pour rejoindre Marianne, elle avait enfilé les petits talons qu’elles avaient choisis ensemble, et elle avait maintenu la rampe avec force en posant son pied, chacun son tour, en descendant les escaliers. Elle n’avait pas l’habitude de marcher avec des talons, et elle le découvrait maintenant. Il était trop tard pour enfiler d’autres chaussures, surtout qu’elle n’en avait pas de convenables : des escarpins et des baskets.
Avec angoisse, elle réussit à atteindre l’étage de Marianne sans tomber, et elle la regardait sans un mot.

Est-ce qu’elle était suffisamment présentable ? Pourquoi ne disait-elle rien ?
Est-ce qu’elle voyait avec quel mal et difficultés elle marchait avec ses chaussures ? Allait-elle se moquer d’elle ? Toutes ses questions se bousculèrent dans sa tête.
Elle était sur point de se dire que finalement, il valait mieux qu’elle n’y aille pas, rien n’allait.
Puis Marianne estompa toutes ses craintes.

— Ca te va à ravir. Oh ! Je sais, il manque un petit quelque chose pour que tu sois parfaite !

Elle partit en direction de sa chambre et invita Annabelle à venir la rejoindre.
Marianne ferma la porte derrière elles et elle fouilla dans sa boîte à bijoux qu’elle avait sortit pour l’occasion. Elle en sortit une parure discrète avec des boucles tombantes fines et un collier à chaînes fines.

— Ca ira parfaitement avec ta tenue !
S’exclama Marianne, sûre d’elle, un large sourire sur les lèvres.

Puis elle remarqua qu’Annabelle n’avait pas de trous aux oreilles.

— Ah… j’avais pas pensé à ce petit détail.
— Je, je suis désolée… !
— Mais non, ce n’est rien. On mettra le collier déjà, et ça sera très bien, laisse-moi t’aider.

Marianne passa derrière Annabelle pour lui attacher et elles se déplacèrent en face d’un miroir où elles purent se contempler.

— Qu’en penses-tu… ?
— C’est si joli…

Marianne avait envie de rétorquer « c’est toi qui est si jolie » mais elle se retint très fort et acquiesça d’un air satisfait.

— En route, alors !
Finit-elle par dire, pour passer à autre chose et éviter de dire quelque chose qui serait malaisant.

*

Elles discutèrent un peu dans la voiture.
Marianne expliqua dans les grandes lignes comment cela allait se passer et les choses qu’elle devra faire pour le travail.

2022.01.06

Sucre

Comment lui avouer.
Marianne était prise dans un dilemme, elle avait de l’affection pour Annabelle. Plus qu’une simple sympathie envers son assistante, elle se rendait compte qu’elle était peut-être amoureuse.
Elle qui ne s’était jamais arrêtée dans sa carrière pour ce genre de relation qui ne l’avait jamais intéressée.
Elle se retrouvait à quarante ans et découvrant ce que cela faisait de ressentir de l’amour pour quelqu’un.
Elle pensait tout le temps à Annabelle.
Elle ne s’en était pas rendue compte tout de suite, elles travaillaient ensemble et elle trouvait cela normal de penser à elle de temps en temps, vu qu’elles passaient la grande partie de leur journée ensemble.

Duncan lui avait ouvert les yeux.
Cet ami de longue date qui était aussi occupé qu’elle, voire plus, et qui ne s’était pas encore marié à son âge, non plus. Ils étaient amis et il n’y avait rien entre eux.
Il avait remarqué comment Marianne regardait Annabelle, comment elle en parlait. Il avait compris.
Puis, il avait dîné avec Annabelle et Marianne ne s’en était pas remise. Elle lui en avait voulu et en même temps, elle n’arrivait pas à trouver le courage de l’inviter elle-même, elle s’en voulait de ne pas réussir à faire une chose aussi simple.

Il y avait eu cette histoire de brimades qu’Annabelle avait subi.
Elle avait fait une crise de panique et les autres employés s’étaient inquiétés pour sa santé.
Annabelle n’y avait pas cru. Tous ces collègues qui étaient venus la voir pour prendre de ses nouvelles alors qu’elle avait été ignorée lorsqu’elle avait besoin d’eux, elle ne pouvait pas croire à leur sincérité.
Finalement, elle était restée solitaire, donnant son meilleur pour Marianne et rien d’autre.
Son traumatisme de la douche était resté, elle avait remercié son seul allié et collègue qui l’avait aidée.

Marianne se sentait coupable et elle avait mis à disposition sa salle de bain pour Annabelle.
Comment faire pour la protéger sans l’emprisonner dans cette relation hiérarchique.
Annabelle était inexpressive et sérieuse, rien ne laissait croire qu’elle appréciait Marianne au point de l’envisager comme petite amie, mais rien non plus ne laissait imaginer qu’elle pourrait la détester pour son penchant. Marianne ne savait pas sur quel pied danser et quel choix faire.
Elle savait que c’était une mauvaise idée de se déclarer, si jamais Annabelle la rejetait, il pèserait un malaise sur leur lieu de travail.
Si jamais elle acceptait, rien ne prédirait que leur relation dure, et si elles venaient à se séparer, leur relation professionnelle en pâtirait.
Et elle ne se voyait pas licencier Annabelle juste pour pouvoir la courtiser. C’était égoïste, cela mettait Annabelle dans une situation précaire, et cela la privait d’une employée compétente.
Elles avaient toutes les deux à y perdre.

Elle avait songé à devenir la sugar mommy d’Annabelle mais c’était sans demander son avis ni si elle en avait envie. C’était une idée stupide.
Elle était coincée.
Elle jouait alors avec Annabelle lorsqu’elles étaient toutes seule, dans son bureau.
Sous entendant certaines choses pour la tester, pour savoir si elle était indifférente à ses avances.
Mais Annabelle restait sans aucune expression, elle ne réagissait pas et avait fini par interpréter les actions de Marianne comme des blagues. Pour jouer. Pour embêter Annabelle gentiment et travailler moins.
Elle était intransigeante.

*

Une enveloppe sur le bureau.
Marianne savait ce qu’elle contenait. C’était une invitation à une soirée. Elle n’était pas spécialement enthousiaste mais elle devait y aller pour le côté social.
Elle traînait des pieds pour répondre à cette invitation, et Annabelle le remarqua.
Marianne eut une idée, elle proposa à Annabelle de l’y accompagner. Elle n’avait pas tellement le choix.
Un large sourire apparut sur le visage de Marianne qui s’emballa pour aller choisir une tenue pour Annabelle.
C’était une soirée avec des gens importants et elles devaient être présentables pour l’endroit.

Ce fut une excuse pour aller faire les boutiques avec Annabelle. Qui n’eut pas son mot à dire.
Marianne lui choisit une tenue et la paya.
Annabelle était plus que gênée, elle avait vu le prix de cette robe et elle ne s’en remettait pas.
Marianne avait insisté en lui disant que c’était pour le travail.
Elle avait emmené Annabelle au coiffeur pour égaliser ses cheveux lorsqu’elle avait coupé ses longues bouclettes. Marianne ignorait l’incident du chewing-gum.

2022.01.02

Expérience

Elles étaient sorties faire du lèche-vitrine.
Cela faisait un moment que Marianne n’avait pas pris le temps de faire quelques emplettes.
Elle avait embarqué Annabelle avec elle, contre son gré, bien entendu.
Annabelle avait horreur du shopping, elle se contentait de peu et elle savait que son salaire ne suffisait pas dans les boutiques où Marianne avait l’habitude de s’habiller ou de se faire plaisir.
Elle continuait de prendre soin des vêtements que Duncan lui avait offerte, c’étaient des biens précieux à ses yeux. De toute façon, elle n’avait pas besoin de tenues supplémentaires pour travailler, elle portait des vêtements sobres et ceux qu’elle avait lui suffisait amplement pour la semaine.

Marianne était de bonne humeur.
Elle avait enfilé des vêtements confortables, un bomber et un pantalon en lin.
Annabelle avait un T-shirt blanc et un jeans taille haute.
Elle ne voulait pas abîmer les vêtements de Duncan qui étaient plus destinés pour le cadre professionnel. Elle avait alors choisi une tenue simple et confortable pour se déplacer, et suivre Marianne.
Marianne avait les cheveux lâchés, pour changer, quelques mèches réunies derrière la tête, elle avait les cheveux longs. En temps normal, elle avait l’habitude de les attacher dans le cadre du travail et paraître plus sérieuse, mais aujourd’hui c’était différent.
Elle voulait profiter de son temps libre avec Annabelle, passer un moment agréable avec elle.
Elle savait qu’Annabelle n’était pas très démonstrative de ses émotions, et elle ne semblait pas apprécier plus que cela de l’accompagner. Elle avait été plutôt claire là dessus, elle avait soupiré lorsqu’elle lui avait annoncé la nouvelle.
Elle lui avait alors supplié et elle avait finit par accepter. Cependant, Annabelle appréciait flâner et Marianne avait remarqué que de temps en temps, elle s’arrêtait observer ce qui se trouvait derrière une vitrine. Son regard se posait quelques minutes au lieu d’ignorer totalement le sujet.
Marianne fut attirée par un détail.
Annabelle avait regardé les montres sans s’arrêter, mais le regard était resté sur l’une d’elles.
Marianne avait continué son chemin mais elle avait remarqué l’hésitation d’Annabelle, qui la rejoignit aussitôt.

*

Elles s’étaient assises dans un café, Annabelle était rarement souriante en public, et Marianne eut un mal fou à la détendre.
Lui tendant la main, serrant la sienne dans sa main.

— Ne fais pas la tête, Anna… c’est juste pour prendre un peu l’air, rien que nous deux.

Annabelle sourit timidement.

*

Elles avaient un certain âge d’écart, presque dix ans mais Marianne était à moitié asiatique, ses traits d’âge ne se voyaient pas trop.
Seuls quelques cheveux blancs trahissaient son réel âge.
Elle n’avait que dix ans de plus qu’Annabelle mais semblait tellement plus mature. Elle avait sa propre entreprise, elle gérait des choses importantes, elle pouvait se considérer comme ayant réussi sa vie.
Pourtant elle se sentait vide, et surtout seule. Consacrant toute sa vie à son travail, elle s’était retrouvée isolée du monde extérieur, elle avait de quoi s’offrir tout ce qu’elle désirait, elle avait changé ses habitudes de consommation. Elle portait des vêtements de marque, de luxe parfois, de bonne qualité, c’était également un besoin pour son image. Elle ne pouvait pas s’habiller n’importe comment aux yeux des gens, dans les soirées.
Après des années à travailler sur la stabilité de son entreprise, elle était fatiguée, elle sentait qu’elle commençait à être lassée et qu’elle devait délester un peu de ses tâches pour respirer.
Elle était trop exigeante pour laisser n’importe qui l’aider. Elle aimait trop avoir tout sous contrôle.
Elle reçut alors cette lettre de motivation et elle rencontra Annabelle.

Annabelle était timide mais déterminée.
Elle voulait ce travail, elle savait qu’elle correspondait aux exigences, elle en avait marre de son ancienne vie, de son ancien travail avec trop de responsabilités.
Elle voulait quelque chose de plus simple et posé, et surtout elle avait entendu parler de cette boîte et les valeurs qu’elle avait lui plaisaient. C’était simple, le respect de l’employé, et puis elle avait toujours eu envie de se rendre utile, de faire ces tâches que les gens trouvaient ingrates.
Elles étaient valorisantes pour elle. Et elle avait confiance en ses compétences pour cela.
Alors qu’elle était sur le point de se faire recaler devant l’accueil, les larmes aux yeux, elle avait une certaine timidité et venir déposer son CV et sa lettre de motivation en main propre avait été une épreuve en elle-même. Elle avait vérifié sur le site internet, il y avait toujours des postes vacants, ils recrutaient mais l’hôte d’accueil lui avait dit le contraire.
Elle ne voulait pas repartir bredouille, alors elle avait essayé de lui poser des questions, elle avait fait ses recherches.
C’est là que Marianne passa et la vit.
Annabelle était sur le point de repartir quand Marianne la salua et l’invita à rester et s’entretenir avec elle dans son bureau.

— Excusez-le, il n’est pas méchant, juste méfiant.
Avait formulé Marianne en l’invitant à s’asseoir dans le fauteuil du salon privé.

C’était une pièce agréable et chaude, de la moquette, des fauteuils, une grande fenêtre donnant vers une cour intérieure et une autre vers la rue extérieure, dont les rideaux avaient été légèrement tirés.
Très peu de meubles, une table basse. Marianne se dirigea pour aller chercher des verres et une bouteille d’eau fraîche dans un frigo encastré dans un meuble en bois qu’il avait rendu inaperçu.
Elle s’installa en face d’Annabelle et commença son entretien.

— J’avais reçu votre message, vous avez postulé sur notre site, n’est-ce pas ?
— O-oui…
— Je ne vous ai pas répondu, j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur. J’ai eu souvent des candidats qui ne m’ont jamais donné suite et je vous avoue que ces derniers temps, j’ai été pas mal prise par mon emploi du temps pour m’y attarder.
— Bien s-sûr… je comprends.
— Détendez-vous, je vais juste vous poser quelques questions. Je vois que vous êtes jeunes et je m’étonne que vous souhaitez un emploi à temps plein chez nous. N’avez-vous pas des projets qui ne seraient pas compatibles avec nos contraintes de métier… ? J’espère que je ne suis pas indiscrète, si c’est le cas, arrêtez-moi.

Marianne était à l’aise mais intriguée.
Elle avait en face d’elle une jeune fille, 25-30 ans, le poste qu’elle visait n’était pas flatteur ni très bien payé. Cela l’intriguait qu’elle n’ait pas plus d’ambitions.
Son ancien emploi avait l’air plus valorisant sur le papier.

— Cela va vous paraître étrange… mais j’ai toujours souhaité travailler dans ce domaine. J’ai essayé de faire un autre travail mais…
— Je vois que vous avez démissionné.

Elle resta silencieuse.

*

Marianne la prit à l’essai, voyant qu’elle était motivée et qu’elle avait fait l’effort de venir jusqu’ici déposer son CV, elle n’avait personne d’autre sous la main et cela faisait un moment qu’elle n’avait pas eu de nouveaux employés
Depuis le temps qu’elle se plaignait d’être débordée, elle décida d’accepter la candidature de cette jeune fille, qui ressemblait à une enfant de bonne famille qui s’était perdue plus qu’à quelqu’un qui cherchait un travail.
Elle lui expliqua les tâches qu’elle devrait effectuer avant de lui montrer les lieux.
Regardant rapidement sur sa montre, elle avait le temps aujourd’hui pour lui faire la visite du bâtiment ainsi que lui montrer la chambre qu’elle occuperait durant sa période d’essai.
C’était une petite pièce qui avait un lit, un bureau et une armoire. Annabelle put y poser ses affaires, le manteau qu’elle avait sous son bras ainsi que la petite valise qu’elle avait amenée au cas où.
Elle ne pensait pas que cela serait aussi rapide, mais elle fut contente d’avoir prévu cela.
Marianne la rassura, si elle avait besoin de rentrer pour récupérer d’autres affaires, tout ceci était soudain.
Elle allait commencer tout de suite.

Elles continuèrent la suite de la visite.
Marianne expliqua l’heure à laquelle elle commencerait chaque jour et qu’elle aurait le week-end de libre.
Annabelle ne broncha pas.
Les repas étaient compris.
Les toilettes étaient à un étage différent et il y avait également une salle de bain qu’elle pouvait utiliser.
Le bâtiment n’était pas récent mais des travaux de rénovation avaient été effectués pour qu’il soit agréable de circuler dedans, d’y travailler et d’y vivre.

Les employés avaient certains leur chambre individuelle, d’autres préféraient le dortoir, et certains préféraient rentrer chez eux, quitte à devoir se lever plus tôt pour venir travailler le lendemain.
Chacun avait un contrat particulier stipulant leurs horaires.
Une tenue vestimentaire correcte était exigée avec un code particulier
Le noir était de mise, ou toute autre couleur sombre, avec une chemise ou une robe, un pantalon. Un tablier d’une blancheur sans reproche.

Marianne avait sa propre chambre avec une salle de bain privée.
Il y avait plusieurs étages.
Le rez-de-chaussée avait le guichet d’accueil, la cantine, les cuisines, des toilettes.
À l’étage supérieur, se trouvait le bureau de Marianne.
Sa chambre personnelle, un salon de réception pour les réunions ou pour accueillir des gens. Des toilettes.
À l’étage au dessus, étaient les dortoirs, des toilettes, deux salles de bain publiques.
Encore au dessus, il y avait les chambres individuelles, toilettes et salles de bain.
C’était à cet étage là qu’Annabelle fut assignée.

Elle fut formée à faire les tâches ménagères de base.
On la fit commencer aux cuisines, où elle apprit les horaires des repas mais également des préparatifs. Il y avait un roulement de ceux qui étaient de corvée de la restauration selon les contrats qu’ils avaient.
Elle y resta une semaine complète pour apprendre tout ce dont elle avait besoin, de la plonge au rangement des couverts et services, à la manière de couper et préparer les légumes et viandes. Pour ce qui était de cuisiner, le rôle était à une seule personne et ne changeait que rarement.
Ce fut ensuite la formation de comment entretenir et nettoyer les étages, meubles, salle de bain et toilettes. La lessive. Les rôles pour chaque pièce étaient régulièrement changés pour que chacun y mette la main à la pâte.
La troisième semaine, Marianne convoqua Annabelle pour lui demander comment elle allait et ce qu’elle pensait de sa formation.

Elle lui expliqua les différents contrats.
Certains étaient assignés à une demeure, dans une famille, cela pouvait être quelques jours par semaine comme toute la semaine. Si la famille appréciait beaucoup leur employé, ils pouvaient lui offrir de s’installer directement chez eux et même renégocier le contrat avec eux. C’était le contrat le plus prestigieux, seuls les personnes de confiance et qui avaient fait leur preuve étaient désignés pour un essai de ce genre. Ils représentaient alors la maison de Marianne.
Le contrat le plus courant était celui d’une durée déterminée par semaine.
Marianne lui expliqua que lorsqu’elle n’avait pas de mission pour elle, elle serait assignée à d’autres tâches dans l’entreprise.

*

Annabelle était plutôt discrète mais efficace. Elle parlait peu et ne semblait pas vouloir s’intégrer ni se lier d’amitié avec ses collègues.
Certains d’entre eux voulurent se jouer d’elle gentiment et il lui dirent qu’elle devait s’occuper de remettre en état le bureau de Marianne.
Jusque là, sa période d’essai était sans faute.
Elle entra dans cette pièce qu’elle avait déjà vue.
Marianne était absente, elle avait laissé son bureau en l’état.
Annabelle ne savait pas trop par où commencer, alors elle se dirigea vers la table sur laquelle des documents et papiers traînaient.
Et elle les lut rapidement, pour pouvoir les trier et les ranger en tas avant de pouvoir commencer à faire la poussière.

Marianne n’était pas partie pour longtemps, elle avait dû sortir faire une course urgente et lorsqu’elle remarqua qu’il y avait quelqu’un dans son bureau, elle était sur le point de s’énerver.
Tout le monde savait qu’elle avait horreur qu’on vienne fouiner dans son bureau. C’était la seule pièce où elle interdisait qu’on y vienne. Il y avait des documents confidentiels. Elle savait comment ranger ses affaires et ils étaient classés d’une certaine manière pour qu’elle s’y retrouve.

Annabelle avait fini de réorganiser son bureau et elle était en train de nettoyer la poussière sur les meubles.
Elle fut surprise de voir Marianne et s’excusa de n’avoir pas fini dans les temps.
Marianne ferma la porte derrière elle et s’expliqua.
Elle était sur le point de lui passer un savon lorsqu’elle se souvint qu’elle n’était pas au courant parce qu’elle avait elle-même oublié de lui en parler.
Cependant, Annabelle n’aurait jamais décidé d’elle-même de s’occuper de son bureau.

— Que faisais-tu ?
— Je… je m’occupais de la poussière accumulée sur vos meubles à des endroits exigus…

— Tu… as empilé mes papiers ?
Demanda Marianne en faisant le tour et remarquant ses documents arrangés.

Elle n’était pas de très bonne humeur mais Annabelle ne le remarqua pas.

— O-oui. Je n’ai pas pu m’empêcher de les ranger par thèmes, avant de dépoussiérer votre bureau, madame.
— Tu les as rangés… ? Tu les as lus ?
— Rapidement, madame. Juste assez pour pouvoir les réorganiser.

Marianne était hors d’elle, elle ne pouvait pas garder son calme.

— Sais-tu que ces documents sont confidentiels ?! Qui t’as permis de venir dans mon bureau sans ma propre autorisation ? En mon absence ?

— Je. Je ne voulais pas—
Annabelle s’étrangla.

Elle n’avait pas encore eu l’occasion de voir Marianne en colère et elle comprenait qu’elle avait fait quelque chose de travers.
Elle n’avait pas d’excuse valable, elle comprit qu’on lui avait donné des mauvaises instructions.

— Dehors.
— Je… pardon—
— DEHORS.

Marianne avait ses mains sur son bureau et ne préféra pas lever son regard vers Annabelle.
Elle avait touché à ses affaires. Ses papiers étaient dans un certain ordre sur son bureau pour une raison en particulier. Elle était très contrariée parce qu’elle pensait avoir perdu du temps.
Elle réussit à se calmer au bout de quelques minutes.
Annabelle ne savait pas. On l’avait piégée, Marianne le savait.
Elle demanda à un de ses employés ce qui s’était passé.

Un groupe d’employés jaloux de voir Annabelle réussir ses tests d’aptitudes haut la main, sans trop de difficulté, avaient envie de la voir avec une émotion sur son visage. Annabelle était plutôt froide, impassible et souriait rarement.
Un des employés se rendit compte trop tard de la mauvaise blague, il désapprouvait cette idée de mauvais goût.

— Oh ça va, c’est juste pour rire. Elle va à peine être réprimandée, puis elle nous montrera peut-être une expression sur son visage d’ange.

Ils entendirent Marianne crier après avoir fermé la porte.
Annabelle sortit de manière précipitée juste après, elle se rendit directement dans sa chambre.
Elle avait les larmes aux yeux.
Lorsque Marianne convoqua son employé, elle s’était calmée.

— Explique-moi cet incident. Qui a eu cette idée de me contrarier ?
— … Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’Annabelle n’y est pour rien. Elle n’est que la victime de cette blague de très mauvais goût…
— Tu ne me diras pas le nom de ton ou ta collègue, j’imagine ?
— Vous m’en voyez désolé.
— … Soit… Tu peux t’en aller.

Marianne retourna à ses papiers et, elle était très contrariée. Elle devait des excuses à Annabelle qui s’était prise ses foudres, mais d’un autre côté, elle n’aurait jamais dû lire ses documents.
Puis, elle remarqua que le classement d’Annabelle était plutôt intelligent. Elle qui pensait perdre du temps sur ses démarches administratives, venait d’en gagner légèrement. Cette manière de les classer était malin, Marianne aurait dû y penser mais elle avait horreur de s’occuper de cela.

Elle eut une idée pour punir ceux qui voulaient saboter Annabelle. Elle savait qu’elle avait besoin d’une assistante mais elle ne voulait pas se l’avouer, puis elle était exigeante, elle avait sa manière de travailler et elle avait du mal à se dire qu’elle devrait trouver la bonne personne. Rien que d’imaginer d’autres entretiens et des périodes d’essai à passer, elle en avait des migraines.

L’autre employé se souciait d’Annabelle et alla frapper à sa porte pour lui demander comment ça allait.
Il l’entendait sangloter dans sa chambre mais elle ne répondait pas.

— Je suis désolé… je voulais juste te dire que Marianne sait que tu n’y es pour rien… d’accord ?
Dit-il pour tenter de la consoler.

Marianne fit convoquer Annabelle.
Elle revint les yeux rouges et gonflés.

— Annabelle… je n’aurais pas dû te crier dessus… excuse-moi. Je sais que tu ne l’as pas fait avec de mauvaises intentions.
— J-je suis désolée, cela ne se reproduira plus… !

— Attends. Approche. Dis-moi. Comment tu procéderais pour t’occuper de ces documents ?
Demanda Marianne en lui tendant un autre tas de feuilles.

— Pardon… ? Mais ces documents sont-
— Oui je sais. C’est moi qui te le demande. Tu peux les lire.

Annabelle prit le temps de les feuilleter et elle expliqua à Marianne comment elle procéderait.

— Tu as déjà fait ça ?
— Je, euh oui. J’étais secrétaire à mon ancien poste…
— Tu n’aimes pas ça… ?
— Si, bien sûr, mais…
— Je sais que tu as quitté ton ancien travail, tu peux être honnête avec moi.
— J’aimais mon travail… c’était le cadre et l’ambiance de l’entreprise qui m’a fait quitter mon poste…
— Oh. Tu n’as pas cherché à retrouver un poste similaire ailleurs ?
— Non…
— Ok, à moi d’être honnête avec toi. J’ai besoin d’une assistante. Est-ce que tu veux bien m’aider ? Je ne sais pas encore de quoi je vais avoir besoin mais on peut comprendre ça dans la période d’essai. Si cela se déroule bien, je t’offrirai bien entendu un contrat comme il se doit. Qu’en dis-tu ?
— Pardon ?
— Tu peux refuser, bien entendu… je ne voulais pas te forcer la main. C’est juste que je saute sur cette occasion, j’ai déjà vu ton CV, tu as l’air motivée et tu as des compétences qui me seraient très utiles pour gagner du temps.
— J’accepte, je ne sais pas si je saurais vous aider, mais j’accepte !
— Oh, et puis. Je sais qu’on s’est moqué de toi, je ne t’en veux pas à toi personnellement, mais si cela peut être une opportunité pour moi d’enfin me délester de certaines tâches, je t’en serai reconnaissante.

*

Marianne donna à Annabelle de nouveaux horaires pour qu’elle puisse l’assister.
Elle fut de très bon conseil et Marianne la forma sur d’autres domaines où elle n’avait aucune connaissance parce que c’était du ressort de la direction.
Marianne commença à s’attacher à cette nouvelle.
Elle avait de longs cheveux blonds bouclés qu’elle attachait pour ne pas gêner, ils étaient tressés, parfois en longue tresse, parfois en chignon.
Cela lui arrivait de les avoir en queue de cheval haute.
Elles étaient proches et devinrent vite complices.
Marianne accorda rapidement sa confiance, elle qui avait de l’expérience dans le métier, avec les gens, elle réussit à sentir qu’elle pouvait lui faire confiance et à quel point elle se sentait bien de pouvoir se reposer sur quelqu’un.
De plus, Annabelle s’occupait de lui apporter des collations, de quoi se désaltérer, elle était aux petits soins. C’était dans sa nature.
La semaine s’écoula rapidement et Marianne ne confia l’entretien de son bureau qu’à Annabelle.

Annabelle ne remarqua rien en particulier.
Elle aimait travailler avec Marianne, c’était une patronne dévouée, une personne attentionnée et elle avait su rester simple malgré son statut.
Ce qui la surprit c’est qu’elle soit moins froide et effrayante en privé que lorsqu’elle s’adressait à ses employés. Elle avait même parfois un comportement enfantin.
Elle accepta l’offre de Marianne de devenir son assistante personnelle.
Le salaire était légèrement plus élevé et les horaires différentes, mais Marianne lui avait maintenu son avantage de garder sa chambre.
Annabelle n’en croyait pas ses yeux.
Elle avait eu tellement de chance de pouvoir travailler dans cette entreprise, de plus elle avait maintenant l’avantage de travailler directement sous les ordres de Marianne. Quelle chance d’apprécier sa patronne.
Elle lui avait offert un CDI.
Elle avait pu rendre son appartement et emmener le peu d’affaires qu’elle avait dans sa chambre. Elle était comblée.

Sa promotion surprise avait rendu jaloux plus d’un.
Ceux qui avaient fait cette mauvaise blague l’avaient en travers de la gorge et ils décidèrent à nouveau de piéger Annabelle.
À la cantine, ils lui jetèrent discrètement des chewing-gums dans ses cheveux.
Ce jour là, elle avait les cheveux lâchés avec quelques mèches réunies en tresses derrière sa tête.
Elle sentit quelque chose mais elle préféra ignorer.
Lorsqu’elle se rendit dans les toilettes, elle remarqua ce qu’on lui avait fait.
C’étaient des brimades. Pourquoi on lui faisait ça.
Personne ne lui avait dit et personne n’avait remarqué cela ?
La mort dans l’âme, elle se dirigea dans sa chambre pour couper ses cheveux à la main.
Elle ne voulait pas alarmer Marianne.
Elle devait se défendre seule.
Les brimades continuèrent.
Elle qui pensait que ce n’étaient que des légendes scolaires, elle vivait ça à 25 ans. C’était stupide, ridicule. Les gens ne grandissaient pas.
Marianne s’étonna qu’Annabelle ait les cheveux courts mais elle évita la question et elles se concentrèrent sur le travail. Annabelle força un sourire et expliqua qu’elle en avait marre des cheveux longs. C’était trop d’entretien.
On la poussait, la bousculait.

— Tu as vu comme elle nous snobe ?
— Elle est passée sous le bureau et elle se croit supérieure, regarde son air hautain.
— Elle se croit tout permis parce que c’est la chouchoute ?

Le même employé voyait l’ambiance s’envenimer progressivement. Il n’était pas du même avis mais ne savait pas s’il devait en parler à Marianne.
Il essaya de s’entretenir avec Annabelle.

— Non ! Je dois régler ça moi-même… madame Marianne a d’autres urgences à gérer que ce genre de… gamineries.
S’exclama t-elle, en serrant des poings et la tête baissée.

Il n’avait pas osé la contredire.
Un jour, la situation prit un autre tour.
Un soir où Annabelle était à la douche, on coupa l’arrivée d’eau chaude, et l’électricité.
Elle était seule dans la salle de bain.
Et on bloqua la porte de sa douche.
Des rires.

*

Cela faisait maintenant des jours, peut-être une semaine qu’on lui faisait subir ces brimades.
Elle tenait le coup parce qu’elle adorait les moments avec Marianne, le travail était exaltant, intéressant.
Mais lorsqu’elle quittait son bureau, tout devenait noir autour d’elle.
Qu’avait-elle fait pour mériter cela ?
Elle faisait de son mieux pour bien travailler, pourquoi cela devait se passer comme cela ?
Elle n’avait jamais eu un mot désagréable avec ses collègues, elle n’était pas bavarde et elle préférait sa solitude, mais en aucun cas elle n’était ce qu’ils disaient d’elle.
On se moquait d’elle, on riait d’elle, on l’insultait.
Elle avait envie de dire, de crier qu’elle n’était pas comme cela. Elle ne les regardait pas de haut, elle ne les snobait pas.
Elle avait essayé de réfléchir à un moyen de s’expliquer, mais dès qu’elle réunissait ses forces et son courage pour leur parler, on l’ignorait et on faisait comme si elle n’existait pas.
Elle devait trouver une solution. Peut-être était-ce de sa faute après tout ?
Tout dire à Marianne ? Non. Cela risquait de se retourner contre elle. Elle devait se débrouiller sans la mêler à cela. Elle ne voulait pas profiter de sa proximité avec la patronne pour régler ses soucis.
C’est avec une boule au ventre qu’elle sortait de sa chambre, se demandant quel genre de blague on comptait lui faire. Est-ce qu’aujourd’hui, on allait la laisser tranquille ?

Heureusement, tous les employés n’étaient pas contre elle, mais ils étaient autant démunis qu’elle-même. Craignant de devenir la prochaine cible ou prendre des dégâts collatéraux si jamais cela se savait qu’ils étaient du côté d’Annabelle.
Elle ne pouvait pas leur en vouloir.
Elle espérait qu’ils se lassent au bout d’un certain temps. Qu’ils arrêtent enfin de la prendre pour cible.

Cela faisait presque une semaine et les brimades s’étaient espacés. Cet espoir faible qu’elle avait était peut-être en train de se réaliser.
Elle se rendit à la douche, elle profitait des horaires où il y avait pas ou moins de monde pour se laver.
Une bonne douche avant d’aller se coucher, c’était ce qu’elle préférait.
Ses affaires de rechange sous les bras, son nécessaire de toilette avec.
Elle était perdue dans ses pensées, se remémorant ses derniers jours et événements. Il s’était passé tellement de choses. Demain, c’était le week-end, qu’allait-elle faire ?

Elle ne remarqua pas que tout le monde avait quitté la salle de bain des filles. Il n’y avait plus aucun bruit à part sa douche. L’eau ruisselant sur le sol.
Puis quelqu’un, elle entendit les pas se rapprocher et s’arrêter devant la porte de sa douche qui était verrouillée.
La personne lui faisait face, la porte les séparant.
Mais aucun son ne sortait de sa bouche.
Elle avait peur, que voulait-elle ?
Puis, on frappa une fois.
Elle sursauta.
Plusieurs coups, de plus en plus fort.
Elle était paralysée par la peur, nue, et l’eau chaude se transforma en eau froide plus glacée.
Elle n’arrivait pas à prononcer un seul mot.

— Tu sors, je te tue.
Prononça une voix grave.

Annabelle eut vraiment peur. Elle craint vraiment pour sa vie.
La lumière s’éteint et elle cria d’effroi.
Elle entendit les pas s’éloigner et la porte de la salle claquer mais la lumière ne revint pas.
Elle commençait à avoir froid, elle tenta de remettre de l’eau chaude mais un jet glacial tomba sur elle.
Elle hurla une seconde fois.
Elle coupa l’eau.
Elle entendit des rires au loin.
La lumière n’était toujours pas revenue et elle n’avait aucun moyen de savoir si l’inconnu à la voix grave était encore là.

— Il y a quelqu’un… ?
Demanda t-elle, la voix tremblotante.

Elle était à la limite des sanglots.
« BOOM. »
On refrappa sur sa porte.
Elle hurla et sursauta, et se mit à pleurer. Elle était morte de peur.
Qu’allait-elle faire ? Elle ne pouvait pas rester ici toute la nuit, elle tremblait, elle claquait des dents, elle avait froid, et elle était effrayée.
Elle se recroquevilla sur elle-même pour garder le peu de chaleur qu’elle pouvait avoir.
Elle imaginait le pire.
Elle se mit à respirer de plus en plus vite et fort, elle paniquait. Une crise d’angoisse et de panique.
Elle n’arrivait plus à respirer. Elle hyper-ventilait.

— Je lui ai foutu une de ses trouilles, vous avez entendu comment elle a crié ?
— J’en peux plus, j’arrive plus à respirer tellement je ris !
— J’ai mal aux abdos !
— J’ai pris ses vêtements, si jamais elle sort, elle se baladera à poil dans le couloir !

*

Il sortit de la salle de bain et les bruits de coups et les cris l’interpellèrent.

— Vous avez entendu ?
— Ils sont encore en train de martyriser Annabelle ?
— J’y crois pas, c’est terrible ce qu’on peut faire à cause de la jalousie.
— Tu crois ça ?
— Clairement, je sais pas moi. J’ai zéro envie d’être aussi souvent avec Marianne. Avec tout le respect que je lui dois, hein.
— Ils sont en train de faire quoi à ton avis ?
— Aucune idée, qu’est-ce que tu crois qu’ils ont pu faire ? L’enfermer dans une douche ? Lui voler ses vêtements ?
— La violer ?
— Abuse pas, j’espère qu’ils sont assez intelligents pour ne pas faire ça.
— N’empêche, les cris…

Il ne pouvait pas supporter plus et il se dépêcha de sortir de la douche pour aller voir et leur dire deux mots.

— Ca va pas non ? Vous savez il est quelle heure ? On vous entend de notre salle de bain !
— Oh ça va, monsieur le rabat-joie.
— On fait que s’amuser un peu, c’est la fin de la semaine.
— J’ai coupé l’arrivée d’eau chaude, au fait.
— Quoi ?
— Oh, bonsoir toi. T’inquiète, c’est juste côté des filles. Pareil pour l’électricité.
— Super idée !
— Pardon ?
— T’en fais pas, on va le remettre bientôt, c’était juste pour faire une petite blague.
— Où est Annabelle ?
— Bah dans la salle de bain. Elle doit encore être sous sa douche.
— Ca va vraiment pas bien dans vos têtes ?!

Excédé par ce qu il venait d’entendre.
Il se précipita dans la salle de bain des filles.

— Annabelle ? Tu es là ? Tout va bien ?
Demanda t-il.

Elle ne répondait pas mais il entendit les sanglots et sa respiration forte.
Non, ça n’allait pas.
Il réussit à se diriger vers la porte de sa douche.

— Annabelle, tu m’entends ?

Elle entendait une voix familière mais elle n’arrivait pas à parler. C’était rassurant mais elle ne savait plus quoi croire. Délirait-elle ?

— Annabelle ?

Tout devint flou et elle s’écroula sur le carrelage.
La lumière revint et en se baissant il vit qu’elle avait fait un malaise.
Il sortit en panique chercher de quoi débloquer la porte de sa douche et demanda d’appeler un médecin.
Les blagueurs devinrent blanc.

*

Marianne fut attirée par l’agitation.

— Que se passe t-il ici ?
Demanda t-elle, ses employés s’écartèrent pour lui laisser la place et elle vit un de ses employés ressortir de la salle de bain avec Annabelle enveloppée dans une serviette, inconsciente.

— Que s’est-il passé… ?!

Les employés restèrent muets.

— Elle est gelée, est-ce que vous avez appelé un médecin ?!
Cria t-il.

Il l’emmena dans sa chambre et il fusilla du regard les responsables.
Marianne demanda des explications sans avoir de réponses.

*

Elle se réveilla dans son lit, nue.
Elle ne se souvenait plus de comment elle s’était retrouvée là, elle espérait que tout soit un mauvais cauchemar mais les détails ne collaient pas.
Une serviette de bain dans sa chambre, ses vêtements absents.
Elle s’habilla et descendit les marches.
Tout était trop calme.

Il avait fini par tout raconter à Marianne.
La situation avait été trop grave.
Elle les convoqua pour qu’ils démissionnent d’eux-mêmes, ou elle déposait une plainte contre les responsables et les poursuivait en justice.
Elle s’y connaissait assez en droits pour que ça aille loin.
Elle avait convoqué tous ses employés pour leur faire un doux rappel de la loi et des valeurs de son entreprise. Qu’elle encourageait ceux qui n’étaient pas en accord avec elle de quitter sa maison.

Annabelle avait retrouvé ses vêtements de la veille dans une poubelle, découpés aux ciseaux et avec de la peinture et de la colle dessus.
Marianne la convoqua et elle ne sut pas quoi dire à part baisser la tête.
Elle avait honte de la tournure des événements.
Elle n’était même pas là depuis un mois qu’elle avait été la cause de tout ces changements.
Marianne s’excusa de ce qu’elle avait dû subir.

Annabelle avait développé un traumatisme de la salle de bain commune.
Sa main tremblait devant la porte et il remarqua cela.
Marianne fut mise au courant et proposa à Annabelle d’emprunter sa salle de bain personnelle.

*

Elle ne put refuser.
Elle entra pour la première fois dans la chambre de Marianne.
Elle était gênée et tout le monde allait savoir qu’elle avait pu voir sa chambre.
Elle utilisa la douche et laissa la porte de la salle de bain ouverte.
Marianne pensait qu’elle avait oublié de la fermer et le fit à sa place, mais Annabelle commença à faire une crise de panique.
Marianne s’excusa et essaya de la rassurer.

— Je suis désolée, tout va bien, je suis là, il ne t’arrivera rien, je suis là.
— Pardon… pardon…
— Shh… ce n’est rien…

Annabelle se sentait idiote, ridicule, ce n’était qu’une porte, qu’une fichue porte, mais ce souvenir de peur était ancré dans son âme, dans sa mémoire.

*

Marianne était bouleversée.
Elle se rendit compte qu’elle s’était attachée à Annabelle bien plus qu’une simple employée.
Elle était tombée amoureuse.
Elle savait que c’était mal. C’était son employée et elle ne voulait pas avoir ce rapport de hiérarchie avec Annabelle.
Comment lui dire, sans la faire fuir ni sans l’obliger à avoir des sentiments parce que son travail en dépendait ?
Elle ne pouvait pas.
Surtout si Annabelle ne ressentait pas les mêmes sentiments, à quoi bon à part détruire leur relation ?

Marianne n’était pas ouvertement lesbienne, ni hétéro, d’ailleurs. Elle était certainement bisexuelle mais personne ne s’était présenté à la hauteur de ses attentes.
Mais Annabelle, elle réveillait en elle beaucoup de choses. Elle dégageait quelque chose de bienveillant, et à la fois si fragile. Elle avait été blessée par sa faute et elle n’arrivait pas à se le pardonner.
Elle aurait dû lui proposer de quitter l’entreprise, après ce qui lui était arrivée. Elle aurait pu se retourner contre elle, mais non.
Puis elles avaient 15 ans d’écart.
Annabelle était jeune, si jeune, tandis que Marianne avait 40 ans.
Elle avait envie de protéger Annabelle, mais c’était elle qui l’avait blessée et traumatisée à jamais.

Annabelle n’était pas consciente de ses propres sentiments envers Marianne.
Elle l’appréciait, beaucoup, mais elle ne la connaissait que depuis peu de temps. Elle ne la connaissait pas si bien que ça.
Marianne était grande, métissée asiatique, elle avait un teint et un grain de peau qui la faisait paraître plus jeune que son réel âge. 30-35 ans, tout au plus.
Elle s’habillait toujours de manière classe, distinguée, elle n’avait pas beaucoup voire pas du tout de poitrine mais elle faisait régulièrement du sport pour se maintenir en forme. Les épaules plutôt carrée et le corps musclé.
Quant à Annabelle, elle était petite, un peu ronde, elle avait des formes généreuses au niveau de la poitrine comme des hanches, une caucasienne au cheveux d’or et aux yeux bleus. Une vraie poupée aux courbes flatteuses.
Elle ne savait pas pourquoi mais elle avait confiance en Marianne. Elle voulait lui faire confiance, et pas seulement parce que c’était son boss.

*

Marianne s’était confiée à son ami Duncan de sa difficulté à essayer d’inviter Annabelle à dîner.
Elle blaguait beaucoup en temps normal en flirtant avec elle durant leurs horaires de travail mais cela n’allait jamais loin, elle ne voulait pas non plus la harceler sexuellement. Ses insinuations restaient légères et elle n’osait aller plus loin de peur de la brusquer ou l’ennuyer.
Annabelle n’était pas très expressive et préférait ignorer ces blagues.
Elle avait fini par s’habituer au caractère de Marianne, après tout.
Elle était en train de s’entretenir avec Duncan dans le salon et Annabelle entra en leur apportant de quoi se rafraîchir et de quoi grignoter.
La conversation s’était tue et Marianne avait du mal à cacher son embarras.
Duncan se moquait d’elle en voyant son expression.

— Ah tiens, justement Annabelle. Duncan voulait t’inviter à dîner-
Improvisa Marianne, pour se venger.

— Quoi- ?!
S’indigna Duncan qui la regarda avec de gros yeux.

— Qu’en dis-tu ?
Insista Marianne.

— J-je… d’accord ?

— Quoi ?!
Ce fut au tour de Marianne de s’indigner.

Duncan ne cacha pas son sourire et se tourna vers Annabelle.

— Merci d’accepter. Je viendrai te chercher ce soir, dans ce cas.

— Bien… est-ce que je peux faire quelque chose d’autre pour vous ?
Demanda Annabelle, imperturbable.

— Ca ira… merci.
Répondit-il à la place de Marianne qui ne s’en remettait toujours pas.

— Comment… ??
Finit-elle par prononcer après le départ d’Annabelle.

— Je dois te remercier pour cette occasion, effectivement, je n’aurais jamais osé lui demander.
— Espèce de… ne me dis pas que c’était aussi simple… elle a accepté sans aucune hésitation…
— Vu comment elle a accepté alors qu’elle me connait à peine, à ta place, j’aurais de quoi me méfier si jamais elle se retrouvait dans les bras de quelqu’un d’autre.
— Tais-toi !!!

*

Annabelle s’habilla légèrement mieux pour le dîner. Un peu nerveuse de se faire inviter.
Marianne s’en mordait les doigts.
Cela faisait des semaines qu’elle n’arrivait pas à trouver l’occasion ni le courage de le faire.
Duncan lui avait suggéré l’idée de fêter son emploi pour que cela ne soit pas trop évident qu’elle ait des sentiments, mais même avec cela, Marianne était timide, étonnement timide.
Trop effrayée qu’elle puisse dégoûter Annabelle avec son invitation. Elle n’avait aucune idée de son orientation, si elle était hétéro, gay, bi ou aucun des trois.

Duncan fit honneur à son invitée et l’emmena dans un restaurant chic.
Il en profita pour discuter avec elle après lui avoir dit de ne pas se forcer à être formelle. Il était curieux de savoir ce qu’elle pensait de Marianne.

— Que penses-tu de Marianne ?
— Il est très agréable de travailler avec elle. Je suis reconnaissante qu’elle m’ait offert cette chance de pouvoir faire partie de son entreprise.

Il ne pensait pas qu’elle lui répondrait sur le spectre professionnel et il sourit de sa propre bêtise.

— Est-ce que tu as un petit copain… ? Ou une petite copine ?
— Non…
— Vraiment ? Mignonne comme tu es ?
— Vraiment…
— Est-ce que tu as peut-être quelqu’un en vue… ?
— Non plus…

Il essayait de la sonder mais elle n’avait pas eu de réaction particulière, ni même quand il avait mentionné le fait d’être en couple avec une femme. Il pourrait au moins rassurer Marianne sur ce point.

— Puis-je te demander pourquoi ?
Il était curieux, beaucoup trop curieux.

— Et bien… je ne me suis jamais posée la question…
— On ne t’a jamais proposé de… ?

Elle secoua la tête négativement.
Il fut surpris.

— Est-ce que cela t’intéresse… au moins ?
— Je… je ne sais pas…
— Excuse-moi, je ne voulais pas te mettre mal à l’aise, changeons de sujet.

*

Marianne avait du mal à gérer ses sentiments. Elle se sentait démunie.
Elle qui avait tant travaillé depuis son plus jeune âge, sacrifiant sa jeunesse au profit de son entreprise. Elle n’avait jamais pris le temps de goûter à la vie de couple, ni le loisir d’être en couple avec quelqu’un.
Et elle se sentait comme une enfant à ne pas savoir quoi faire vis à vis d’Annabelle.
Elle savait de son expérience à quel point il était compliqué d’avoir des relations intimes dans le cadre du travail. C’était risqué, beaucoup trop risqué.
D’un autre côté elle ne pouvait pas licencier Annabelle juste pour lui demander de sortir avec elle, tout en ne sachant pas si ses sentiments étaient réciproques.
Annabelle n’allait pas sacrifier son emploi juste pour une histoire d’amour.
Et quoi penser si elle n’était pas de ce bord là. Personne en savait de quel bord elle était, elle était tellement impassible.

Cela la rendait folle que Duncan avait réussi à l’inviter à dîner avant elle.
Elle profitait de chaque instant qu’elle pouvait passer en compagnie de son assistante.

*

Elles sortaient ensemble.
Marianne avait réussi à franchir le pas

Lors d

2021.12.30

Duncan

Cela faisait que quelques jours qu’elle etait enfermée dans l’appartement de Duncan.
Recroquevillée dans un coin de la pièce, elle avait tellement pleuré que ses larmes s’étaient taries.

Il l’avait ignorée, la laissant faire ce qu’elle voulait chez lui, il ne s’occupait pas d’elle.
Elle était qu’un simple animal sauvage à ses yeux.
Il lui apportait parfois à manger, de la nourriture en boîte, qu’il posait sur la table du salon.
Il était rarement présent, ses horaires de travail étaient presques aussi condensées que celles de marianne.

*

Marianne.
Annabelle pensait encore à elle, toujours.

Elle avait essayé de l’appeler mais elle tombait sur son répondeur. Au bout d’une dizaine d’appels, elle avait fini par abandonner. Marianne avait certainement bloqué son numéro. Elle avait songé à lui envoyer un message, dans lequel elle lui expliquerait sa sincérité.
Des notes qu’elle avait rédigées mais qui ne lui convenaient pas, elle ne savait pas quoi lui dire pour qu’elle y croit. Après tout, elle avait préféré croire les mensonges de Duncan.
La tristesse avait laisse place à la colère.
Son ressentiment s’était dirigé sur Duncan. C’était de sa faute si elle se retrouvait dans cette situation.
Pourquoi avait-il fait ça. Pourquoi lui faire subir ça.
Elle se rendait compte à quel point elle était heureuse aux côtés de Marianne, à quel point elle était aimante et prenait soin d’elle.
Aujourd’hui, elle vivait le scénario basique qu’elle aurait pu imaginer avant de vendre son humanité.
À cette pensée, elle ne put s’empêcher de sourire. C’était ridicule.

*

Lorsque Duncan rentra, elle avait préparé de quoi le menacer. Le seul outil dangereux qu’elle avait pu trouver était un couteau de cuisine.
Elle voulait lui faire du mal, lui faire aussi mal voire plus que ce qu’il lui avait fait ressentir.

Il se doutait de quelque chose, il n’avait peutêtre pas des bases en arts martiaux comme Marianne, mais Annabelle n’était pas non plus une pratiquante et il put la maîtriser sans aucun souci.
Elle n’était pas bien grande et Duncan avait en plus une carrure plutôt imposante en comparaison.
Il lui attrapa le poignet et la fit lâcher son arme.

— Tu comptais me blesser avec ça ?
Se moqua t-il d’elle.

Annabelle n’avait pas beaucoup de force et Duncan ne la ménagea pas.
Il la plaqua contre le mur et lui demanda de s’expliquer.

— Qu’est-ce que tu aurais fait après, hm ?

Annabelle serra la mâchoire et ne répondit pas.
Elle n’avait pas réellement l’intention de blesser Duncan.
Elle le haïssait mais elle savait que Marianne tenait à lui. Elle se sentait si désespérée.
Les larmes lui montèrent aux yeux.

— Faites ce que vous voulez de moi… de toute facon… c’est fini… Marianne ne me fera plus confiance…
— Effectivement, tu ne pourras plus la manipuler à ta guise.

Annabelle n’avait plus la force de se battre.
Duncan la relâcha et elle s’écroula au sol.

— Pourquoi… pourquoi vous dîtes ça… ? Qu’est-ce que je dois faire pour qu’on me croit ?! Je donnerai ma vie pour Marianne… !
— Vraiment… ? Laisse moi en douter.

Elle fixa le couteau à ses pieds. Elle aurait pu le prendre et se faire du mal.
Elle l’attrapa mais elle ne sut pas comment s’y prendre pour en finir avec sa vie.
Devait-elle l’enfoncer dans sa gorge ? S’ouvrir les veines ? S’ouvrir le ventre ?
Elle était effrayée à cette idée, et la seule motivation aurait été de salir l’appartement de Duncan avec son sang.

Il ne la cru pas capable de passer à l’acte.
Il la regarda et vit qu’elle n’était pas en état de franchir ce cap. Elle tremblait.
Alors il lui reprit le couteau de ses mains et la laissa au sol.

*

Duncan ne s’était pas inquiété.
Le comportement d’Annabelle n’était pas anormal. Il avait prévu qu’elle soit dévastée parce qu’il lui avait coupé sous les pieds son avenir avec Marianne.
C’était normal qu’elle soit dévastée.
Il voulait voir comment elle allait se comporter en sachant qu’il n’était plus possible de s’approcher de Marianne.
Ce qui l’étonna, c’est qu’elle ne chercha pas à l’amadouer et le manipuler lui.
Elle aurait dû chercher à le mettre dans sa poche, c’était lui qui était censé être son propriétaire.
Mais elle n’avait rien fait dans ce sens. Elle s’était au contraire isolée et semblait le détester de tout son coeur.
Il lui restait encore quelques jours pour lui tirer les vers du nez et l’observer, qu’elle trahisse ses véritables intentions.
Il avait eu peur lorsqu’il l’avait vue avec un couteau à la main, mais elle ne faisait pas la fière et il put la désarmer sans problème.

*

Le lendemain, il lavait retrouvée inconsciente dans le salon.
Il avait paniqué.
Elle avait rédigé une lettre destinée à Marianne.
Il l’avait lue en pensant qu’elle avait finalement avoué ses mauvaises intentions, mais il blêmit en découvrant le contenu. Elle exprimait à quel point elle avait été reconnaissante et combien elle appréciait Marianne et qu’elle préferait en finir que de souffrir, loin d’elle.
C’était une lettre d’amour dans laquelle elle clamait son innocence.
Il paniqua, elle ne semblait plus respirer, il ne savait pas ce qu’elle avait fait mais elle était inconsciente.

Il aurait préféré qu’elle joue la comédie, que tout ceci fasse partie de son plan, mais il écouta son coeur et vérifia qu’elle ne faisait pas semblant.
Elle ne respirait presque plus.
Il ne tergiversa pas plus, il appela les secours.
Il n’y avait pas de trace de sang.
En attendant que les secours arrivent, il se rendit dans la salle de bain pour fouiller dans ses placards.
Il vérifia le contenu de ses médicaments restants.
Vides. Elle s’était servie et avait probablement ingéré tout ceci.
Il les rassembla pour pouvoir les donner aux médecins, si jamais cela pouvait les aider.
Puis, il dut se résoudre à appeler Marianne.
Si jamais Annabelle mourrait chez lui, il devait la prévenir et il lui devait des excuses.
Il ne pensait pas que son expérience irait aussi loin.

*

Annabelle avait été emmenée et hospitalisée.
Marianne était arrivée le plus vite possible et elle s’était précipitée pour demander à voir Annabelle, elle avait fait exprès d’ignorer Duncan.
Il avait dû la calmer et lui expliquer qu’Annabelle était en soin et qu’elle ne pourrait la voir qu’après.

Voyant qu’elle éetait impuissante et qu’elle n’avait pas d’autres choix que d’attendre, elle prit le temps d’insulter Duncan. Elle se retint parce qu’ils étaient à l’hôpital mais elle avait une envie de le frapper au visage.

Il le remarqua et s’excusa, il lui tendit la lettre qu’Annabelle avait redigée et Marianne s’effrondra.

— Si jamais… si jamais elle ne s’en sort pas… tu sais que je ne te le pardonnerai pas…
— Je sais… je m’en veux Marianne…
— Qu’est-ce qu il lui a prit… ?!
— Elle… elle a avalé mes restes de médicaments… tous les restes qu’il y a avait dans mes placards…
— Quelle idiote… ! Pourquoi… !?

Un médecin vint à leur encontre et leur expliqua la situation.
Par chance, Duncan avait réagit à temps et Annabelle ne risquait plus rien. Ils avaient fait un nettoyage d’estomac et ils avaient traité comme ils pouvaient pour absorber les effets toxiques de sa prise abusive de médicaments. Elle était encore endormie mais son état global était stable.

— Quand est-ce que je pourrais la voir… ?
— Dès qu’elle sortira de la salle de soins, on la transfèrera dans une chambre et on vous préviendra. En attendant, nous avons des questions à vous poser… et il y a des documents à remplir. Si vous voulez bien me suivre…

Duncan prit les devants et insista pour s’occuper de la partie administrative. Il culpabilisait et cherchait un moyen de se faire pardonner.
La présence de Marianne était obligatoire parce qu’elle était légalement la propriétaire d’Annabelle et qu’elle devait justifier son statut.

*

Annabelle se réveilla avec mal.
Elle ne se sentait pas bien.
Elle se souvenait d’avoir réussi à trouver des médicaments chez Duncan, certains étaient périmés, mais elle n’avait rien d’autre à portée de main pour se faire du mal et faire taire la douleur en elle.
Elle avait vidé le contenu dans sa main et elle avait avalé chaque pillule une à une, avant de retourner dans le salon.
Elle craignait que cela ne fonctionne pas. Après tout, est-ce que cela ne marchait que dans les films ? Elle ne ressentait aucun effets secondaires. Elle attendit quelques minutes, elle avait rien de mieux à faire, alors elle s’assit dans un coin de la pièce comme d’habitude.
Puis elle s’était sentie bizarre. Son coeur s’était mis à battre plus vite et elle avait le vertige.

Elle ne reconnaissait pas cet endroit.
Est-ce que cela avait fonctionné ? Est-ce qu’elle était morte ? Elle était dans un état vaseux, la bouche pâteuse et l’esprit embrumé, elle avait envie de vomir.
La vision encore un peu trouble, elle prit son temps pour que sa vue s’habitue. Il faisait presque jour, elle arrivait à deviner le lever du soleil à travers la fenêtre de la chambre, et elle était allongée dans un lit.
Lorsqu’elle se réveilla complètement, elle remarqua les perfusions sur ses poignets.
En balayant la pièce des yeux, elle remarqua qu’elle n’était pas seule.
Une femme était assise et s’était assoupie dans le fauteuil à côté d’elle.
Elle reconnut Marianne.
Son coeur fit un tour dans sa poitrine.
Est-ce qu’elle rêvait ? Marianne était là ? Près d’elle ?
Les larmes lui montèrent aux yeux d’émotions.
Son rythme cardiaque s’accélera et les machines auxquelles elle était reliée se mirent à biper, ce qui réveilla Marianne en sursaut.

Elle se leva et prit Annabelle dans ses bras.
Les yeux embués et mouillés.
Elle n’avait pas les mots pour exprimer sa joie.

— Ne refais plus jamais ca. C’est compris ?!
Lui dit-elle, la voix enrouée par l’émotion.

Annabelle ne comprenait plus ce qu’il se passait et accepta juste l’embrassade de Marianne.
Elle lui avait tellement manquée.
Finalement, elle était peut-être au paradis.

Lorsqu’elles finirent de s’enlacer, Marianne s’assura qu’Annabelle allait mieux et lui expliqua la situation, avec le pari de Duncan et sa fausse hypothèse.
Marianne s’excusa à plusieurs reprises, elle aurait dû croire Annabelle dès le départ.

Annabelle ne savait pas quoi ajouter.
Elle comprenait maintenant pourquoi Duncan avait été si excécrable avec elle, mais elle ne lui pardonnait toujours pas. Elle ne pouvait pas l’apprécier du jour au lendemain. Ce n’était pas possible.
Marianne lui avait assurée que Duncan ne lui ferait plus aucun mal et qu’elle n’avait plus rien à craindre de lui.
Elle avait du mal à y croire, mais elle essaya de ne plus y penser.
Elle profitait du moment présent.
Est-ce que leur relation était sauvée ?

*

Le médecin insista pour faire passer un examen psychiatrique à Annabelle pour s’assurer qu’elle n’était pas en dépression et Marianne eut du mal à expliquer le pourquoi de son geste.
Il comprit que c’était compliqué en voyant Duncan, Marianne et Annabelle qui était un humain de compagnie.
Il soupira et ne chercha pas plus loin. Sa réaction semblait dire « ah… ces riches qui jouent avec la vie humaine. » Et il s’en alla.

Les papiers signés, les résultats du bilan sanguin plus tard, Annabelle put retourner chez Marianne qui la chouchouta plus que jamais.
Elles retrouvèrent leur routine agréable habituelle, comme si rien ne s’était passé, si on oubliait la tension entre Duncan et Marianne.

*

Marianne avait encore en travers de la gorge les derniers évènements mais elle était également affectée de bouder son ami le plus proche.

Annabelle s’en rendait compte et essaya d’amener le sujet sur le tapis, ou plutôt sur le lit.
C’était leur endroit préféré pour discuter, dans les bras l’une de l’autre. Cétait leur moment tendre et doux, à juste se serrer dans le creu de leurs bras, dans la chaleur de leur corps et la douceur de leur peau.

— Tu devrais reparler à Duncan…
— Je ne peux pas… pas après ce qu’il t’a fait…
— C’est du passé… je ne peux pas mentir… je ne lui pardonne pas mais je sais que c’est un ami très proche à toi…
— Je… il est venu s’excuser plusieurs fois.
— Raison de plus. Je vois bien qu’il est désolé, et qu’il regrette… je me sens un peu coupable d’avoir détruit votre amitié de longue date.
— Alors, il a fait ça tout seul… s’il ne s’était pas mêlé de ma vie privée…
— Mais il a fait ça parce qu’il était inquiet pour toi…

— Je n’arrive pas à croire que ce soit toi qui essayes de le défendre.
Sourit Marianne.

Annabelle avait également du mal à prendre cette position.
Elle se souvenait de quand ils étaient encore amis et elle trouvait juste dommage qu’ils ne le soient plus, à cause de ce qu’il s’était passé avec elle.

Elles finirent par s’endormir, éteignant la lumière et se blotissant l’une contre l’autre.
Sans vraiment décider d’une action à faire, laissant cette querelle en suspens.

*

Annabelle prit les devants.
Elle respira un bon coup, prit son courage à deux mains et elle se décida à contacter Duncan par messages. C’était déjà un grand effort.
Elle restait très froide dans ses messages, parce qu’elle ressentait toujours de l’animosité envers lui, mais elle faisait cela pour Marianne.
Elle lui demanda s’il voulait se faire pardonner et surtout s’il voulait vraiment se réconcillier avec Marianne.
Elle savait que Marianne l’avait evité et ne lui avait plus adressé la parole depuis l’incident.
Alors elle organisa un moyen pour qu’ils se parlent et discutent calmement.

Elle fit venir Duncan en fin d’après-midi, avant que Marianne ne rentre de son travail.
Elle se doutait que s’il arrivait après elle, elle ne le laisserait pas entrer.
Annabelle avait encore les flashbacks de ses moments désagréables avec Duncan et garda ses distances.
Elle lui ouvrit la porte et lui demanda de s’installer dans le canapé en attendant.
Elle lui servit quand même un verre d’eau et ils attendirent en silence l’arrivée de Marianne.

— Je…
Commenca Duncan, pour briser ce silence pesant.

— Gardez votre salive pour Marianne.
Coupa Annabelle, avec froideur et sèchement.

Elle n’avait aucune envie de parler avec Duncan, sa colère était encore encrée en elle.

Duncan n’insista pas. Il était déjà très content d’avoir une chance de pouvoir discuter avec Marianne.
Il aurait pu passer à autre chose et oublier cette amitié, il avait perdu de vue certains de ses amis, mais Marianne, c’était différent. Ils avaient été si proches pendant si longtemps. C’était comme une soeur pour lui, il ne pensait pas qu’un jour ils se fâcheraient, et à quel point cela l’affecterait.
Il se demandait s’il était le seul à ressentir ce vide, ce manque. Et il commençait à en douter parce qu’elle semblait l’ignorer sans scrupule, sans être affectée.
Il devait se faire une raison si jamais cela ne marchait pas aujourd hui.
Il avait merdé et il le savait, il devait tourner la page si jamais Marianne décidait de ne plus le revoir.
Mais il donnerait tout pour que cela remarche entre eux, pour n’avoir aucun regret.

*

La porte s’ouvrit et Marianne entra.
Elle ne remarqua pas Duncan tout de suite, et quand ce fut le cas, elle le fusilla du regard.

— Qu est-ce que… tu fous là ?!
Duncan se retourna et se leva.

Annabelle se positionna pour empêcher Marianne de repartir, et elle la poussa vers le séjour pour qu’elle discute avec Duncan.

Marianne comprit que c’était Annabelle qui était derrière ça.

Elle prit les clés des mains de Marianne et sortit de l’appartement en les laissant seuls, et referma la porte derrière elle.

Ils entendirent le clic clac dans la serrure et Marianne n’eut pas d’autre choix que de rester là.
Elle soupira et se déshabilla pour se mettre à l’aise.
Faire comme si Duncan n’était pas là.

— Est-ce qu’on peut discuter entre adultes ?
Demanda Duncan, un peu agacé par la situation.

C’était sa seule et probablement dernière chance d’essayer de se réconcilier avec elle.
Annabelle avait pris un risque, il se doutait que Marianne ne serait pas très contente de cette initiative.

— Qu’est-ce que tu me veux ?
Repondit Marianne sèchement, faisant l’ignorante.

— Tu sais pourquoi je suis là…
— Tu as forcé Annabelle à t’aider ? Tu l’as menacée ?
— Non ! Bien sûr que non ! C’est elle qui m’a contacté.

Marianne resta silencieuse.
Elle évitait son regard et évitait de le regarder.
C’était son ami mais elle n’y arrivait pas.

— Je sais que j’ai été un connard, et le pire c’est que si c’était à refaire, je le referais parce que j’avais peur de te voir blessée par Annabelle… maintenant je sais que j’ai eu tort, je sais qu’Annabelle n’est pas ce que je pensais d’elle. Je ne peux que m’excuser et demander pardon, que tu me pardonnes !

Marianne rit nerveusement.

— Le pire c’est que j’y ai cru, j’ai douté d’Annabelle. Je suis également fautive, si je n’avais pas douté de mon impression et de ce que je savais d’Annabelle, rien ne se serait passée comme cela. Et moi, comme une idiote, je t’ai cru et je suis entré dans ton jeu… tout ça pour quoi ?!
— J’en suis désolé.
— Je sais que tu es désolé. Je te connais Duncan, je sais que tu ne me voulais pas de mal. Mais… mais tu peux pas savoir comment j’ai eu peur pour Annabelle… elle est devenue ma raison de vivre, Duncan… je crois que je ne m’en suis pas rendue compte avant, avant que sa vie soit en danger. Ca ne m’était jamais arrivé, je n’avais jamais ressenti ça pour quelqu un.

— Même pas moi ?
Demanda Duncan, à moitié sérieux.

Marianne pouffa de rire.

— Si. Si tu étais en train de mourir, je ne me sentirais pas bien, mais avec Annabelle c’est légèrement différent.
— Ecoute Marianne, ça m’affecte vraiment et je tiens toujours à toi, mais je ne vais pas continuer indéfiniment à te demander pardon. Si tu ne veux vraiment plus me parler ni me voir, je ne vais pas insister plus. Ca commence à devenir ridicule que je te cours après et que cela affecte mon moral et mon sommeil, tu ne crois pas ? J’ai passé l’âge de m’accrocher en vain, même si, je veux que tu le saches, je tiens à notre amitié.

Marianne l’écouta religieusement.
Ca serait se mentir à elle-même qu’elle ne ressentait rien et qu’elle ne regrèterait pas cette amitié. C’était juste difficile de faire le tri de ses propres émotions.

— J’ai juste besoin de temps… pour remettre mes émotions en ordre… je t’en veux mais je crois que c’est à moi que j’en veux le plus, et ça serait injuste que cette colère je la reporte que sur toi. J’ai ma part de responsabilité et… moi aussi je tiens à notre amitié. C’est juste que je me sens tellement coupable vis à vis d’Annabelle. Tu sais que tu las traumatisée ?
— Elle t’a demandée de couper les ponts avec moi ?
— Abruti, tu penses vraiment qu’elle aurait organisé ça, si elle voulait que je coupe les ponts avec toi ? Au contraire… elle arrête pas d’essayer de me convaincre pour qu’on en discute. C’est juste que… je savais qu’on s’engueulerait, et je suis assez fatiguée par mon travail pour ne pas avoir à me fatiguer en dispute avec toi.
— Même si c’est nécessaire ?
— Je ne crois pas qu’il soit nécessaire qu’on s’engueule, non.
— Vas-y, insulte moi de tous les noms, jusqu’à ce que tu te sentes mieux.
— Oh, tu n’es pas prêt.
— Avoue que tu n’as pas assez de mots dans ton vocabulaire pour que cela dure assez longtemps.
— Tu me connais trop bien, par contre j’aurais envie de te mettre une raclée.
— Je suis moins chaud, tout d’un coup… mais si ça peut nous réconcilier… je peux serrer les dents quelques minutes.
— T’es optimiste.
— Je ne serai pas là, si je n’étais pas un peu optimiste.

Marianne s’approcha de lui et prépara son poing.

Duncan ferma les yeux, s’attendant à la colère divine et la douleur qui s’en suit.

— Tu sais quoi. Ca m’avait quand même manqué de discuter avec toi…

Marianne donna une petit coup sur son épaule, qui l’effleura à peine. Puis une caresse. Elle lui sourit, un peu crispée.

Duncan la serra dans ses bras.

— Oh, calme toi, depuis quand on se fait des câlins ? C’est dégoutant !
S’exclama Marianne.

— Il faut bien une première fois…
— Je crois que c’est la première fois qu’on se fâche aussi longtemps…
— Au fait, tu m’avais jamais invité chez toi. C’est plutôt sympa en fait.
— Oh… ah… ça… heureusement que tu n’as jamais vu l’état de chez moi avant l’arrivée d’Annabelle… tu aurais fait une syncope.
— À ce point là ?

— Oh oui… je préfère ne pas donner plus de détails. Tu veux une bière ?
Demanda Marianne qui ouvrit le frigo.

— Non non, je conduis, je vais pas rester plus longtemps. Annabelle revient quand ?
— J’en sais rien, elle nous a enfermés.
— Oui, c’est pour ça que je demande.
— Envoie lui un message pour dire qu’on a fini de s’entretuer.
— Ca serait plus réaliste si j’envoyais un message demandant des secours parce que tu m’aurais tabassé…
— C’est vrai.
— Je me disais, je pourrais vous inviter à dîner, toutes les deux.
— Oh là, Annabelle ne va pas dîner en ta presence, là t’es un peu trop optimiste. Il est encore un peu trop tôt pour ça. Ca prendra le temps qu’il faut, mais pas tout de suite. D’accord ?
— Ah… je vais juste rentrer alors… merci de m’avoir écoute ce soir…
— Ne me remercie pas. T’as qu’à essayer de te racheter auprès d’Annabelle plutôt. C’est à elle que tu dois des remerciements. Evite de trop en faire, par contre…
— Je te demanderai des conseils, je la connais pas du tout.
— C’est encore trop frais en elle, ce qui s’est passé.
— Je comprends… je vais faire profil bas.

Annabelle revint quelques minutes après.
Un peu inquiète, mais elle fut rassurée de les voir tous les deux assis sur le canapé, à discuter comme des amis, comme avant.

Marianne se retourna pour la saluer.

— C’est bon, papa et maman se sont réconciliés ! On ne va pas divorcer !
Blagua t-elle.

Annabelle ne savait pas comment réagir. Devait-elle bouder qu’on se moque d’elle ? Elle était juste contente que son plan ait fonctionné. Marianne était de meilleure humeur et c’est ce qui comptait pour elle.

Duncan se leva et se dirigea vers la porte pour s’en aller.
Il s’arrêta un instant devant Annabelle pour la remercier.
Il se pencha et l’embrassa sur la joue, et s’en alla sans demander son reste.

Annabelle resta bouche bée.

Marianne était stupéfaite.

— Attends, il vient de faire quoi là ?
Marianne n’en revenait pas.

— Je… je crois qu il m’a embrassée… sur la joue…
Annabelle était reste figée.

Marianne éclata de rire.

— Comment je dois le prendre… ?
Demanda Annabelle.

— Il devait vraiment être reconnaissant, je crois que c’est la première fois que je le vois poser un baiser aussi sincère sur quelqu’un. Il lui reste un coeur, en fait !

Marianne fit signe à Annabelle de venir s’installer à côté d’elle. Elle s’exécuta.
Marianne l’attrapa et la serra dans ses bras, en s’allongeant sur le canapé de tout son long.

— Merci, Annabelle.

Elles restèrent ainsi un moment.

2022.02.04

Période

Le shopping était une épreuve pour Annabelle.
Rien que d’imaginer la somme totale des achats de la matinée, elle ne se sentait pas bien.
Marianne ne voyait pas le problème, elle n’avait pas choisi le restaurant le moins cher du coin, elle souhaitait juste le meilleur pour Annabelle.
Si cela pouvait lui faire plaisir et qu’elle passe un bon moment.
Malheureusement ce fut l’effet inverse.
Annabelle ne se sentait pas à sa place. Les gens autour d’elle étaient tous bien habillés.
Elle comprenait pourquoi Marianne insistait pour lui acheter de nouveaux vêtements, maintenant. Elle était habillée comme une souillonne.
Elle baissa sa tête et essaya de se faire discrète.
Marianne ne remarqua pas tout de suite l’attitude d’Annabelle. Elle était contente d’avoir pu faire ces achats et elle se demandait s’il en restait d’autres sur la liste.
On leur apporta la carte.

*

Annabelle s’était réveillée en pleine nuit.
Elle avait ses règles.
Elle n’avait jamais noté ses cycles et avec les derniers évènements, elle avait totalement oublié qu’elles devaient arriver.
Lorsqu’elle était chez elle, elle s’en fichait, ses draps en avaient vu d’autres et elle avait une alaise.
Mais aujourd’hui, elle était chez Marianne, ses draps étaient propres, clairs, et elle ne savait pas s’il y avait une alaise.
Elle se leva en sursaut, sortit du lit et se rendit immédiatement dans la salle de bain.
Son t-shirt tout neuf qui lui servait de pyjama était maintenant taché de sang.
Marianne se réveilla. Elle avait senti Annabelle se réveiller et se lever.
Ne la voyant pas revenir, elle se leva aussi et alla vérifier ce qu’il se passait.
Elle regarda l’heure sur son téléphone posé sur la table de chevet et le reposa.
Il était en plein milieu de la nuit.
Elle vit la lumière de la salle de bain et s’approcha, à moitié endormie.
Annabelle était en train de se doucher accroupie, et elle essayait de nettoyer son pyjama dans le lavabo.

— Tout va bien… ?
Demanda Marianne, en se frottant les yeux.

Annabelle n’avait pas l’air en forme et elle éclata en sanglots.

— Je… j’ai taché le T-shirt…
Essaya-t-elle d’expliquer.

Marianne essaya de comprendre.
Elle s’approcha et essaya de consoler Annabelle, elle n’arrivait pas à comprendre le problème. Puis en voyant la tache de sang, elle comprit.

— Hey… ce n’est pas grave. Ce sont que des vêtements, ils vivent, et j’en achèterai un autre s’il faut. D’accord ? Ce n’est vraiment rien.

Marianne partit chercher des protections hygièniques et apporta un autre pyjama.

— Est-ce que tu sais si tu as des flux importants… ?
— Je… quoi… ?
— Est-ce que tu saignes beaucoup d’habitude… ?
— Non… ça va…
— On discutera de ce qui te conviendra pour les protections, d’accord ?

Annabelle acquiesça.

De retour au lit, elle remarqua que les draps étaient également tachés, de pas grand chose mais le mal était fait.
Elle se mit dans un certain état et Marianne dut la prendre dans ses bras et la rassurer que ce n’était vraiment pas grave.
Annabelle réussit finalement à se rendormir.

*

Marianne n’avait pas encore eu l’occasion de dire à Annabelle le domaine de son métier.
Elle avait peur de sa réaction et avait fait exprès de ne pas lui en parler en détails.
Elle avait fini par avouer à ses employés qu’elle était avec quelqu’un, qu’elle avait quelqu’un, sans non plus entrer dans les détails. Elle avait peur qu’ils se méprennent sur leur relation.
Annabelle n’était pas sous son contrôle. Elle aimait Annabelle et avait de l’affection plus que juste un humain de compagnie. Elle voulait qu’Annabelle soit heureuse, elle voulait la rendre heureuse et épanouie. Et surtout qu’elle soit considérée comme un humain à part entière. C’est ce qu’elle souhaitait.

Annabelle était plus à l’aise avec Marianne et plus curieuse. Elle se demandait en quoi consistait son travail mais voyant que Marianne éludait les détails, elle n’avait pas voulu la brusquer. Patiente, et en espérant qu’elle soit mise dans la boucle de confidence lorsqu’elle se sentira prête.

Marianne avait été poussée par ses employés curieux qui souhaitaient voir qui vivait avec elle, et qui la rendait plus enjouée depuis quelques semaines.

— Tu vas devoir lui dire un jour, alors amène la !

Marianne savait qu’ils avaient raison. Plus elle attendait et plus cela la pesait de lui cacher la nature de son travail.
Un soir, elle mit le sujet sur le tapis.

— Ça t’intéresserait de venir voir à quoi ressemble mon lieu travail… ?
— Oui ! Bien sûr ! Pourquoi cette question maintenant… ? Je pensais que tu étais pas très enthousiaste de m’en parler… ?
— … Mes employés sont trop curieux… ils souhaiteraient te rencontrer. Et aussi… parce que je ne peux pas te le cacher indéfiniment… j’espère juste que tu ne prendras pas peur ou que tu ne me détesteras pas après ça…

*

Marianne serrait la main d’Annabelle dans la sienne.
Elle appréhendait sa réaction.
Les autres pouvaient bien penser ce qu’ils voulaient de son établissement, cela ne l’affectait pas, mais ce que pouvait en penser Annabelle, c’était autre chose.
Elle avait tellement peur que cela détruise l’image qu’elle avait auprès d’elle. Et si elle se mettait à la détester, ou pire, que Marianne puisse la dégouter ?
Elle savait que ça pouvait lui briser le cœur, et rien que d’y penser, elle ne se sentait pas bien.
Elle aimait Annabelle de tout son cœur, et pour l’instant, Annabelle l’appréciait.
Elle ne pouvait pas lui mentir par omission ou lui cacher indéfiniment. Annabelle devait savoir la vérité.
Marianne ne comptait pas la laisser enfermée dans son appartement dans une bulle ou une cage jusqu’à la fin de ses jours, juste pour son bon plaisir et qu’elle devienne sa marionnette. C’est ce qu’elle voulait éviter.
Alors elle serrait la main d’Annabelle dans la sienne.
Depuis tout le trajet de chez elles jusqu’à son lieu de travail.
Comme si elle craignait qu’Annabelle la lâche et s’enfuit en courant.
Et Annabelle ne comprenait pas sa réaction.
En arrivant devant le bâtiment Marianne serra sa main un peu plus fort.
Annabelle devait se douter maintenant.
Elles entrèrent.

Annabelle serra également sa main un peu plus fort.
Elle craignait que Marianne veuille la revendre ou l’obliger à travailler dans une maison close.
Était-ce une punition ? Était-ce le but premier de Marianne ? Non, ce n’était pas possible.
Alors qu’elle pensait que Marianne exagérait avec ses craintes, c’était au tour d’Annabelle de paniquer.
Elle avait tellement peur que Marianne l’abandonne.
Elle qui pensait avoir trouvé un foyer, sa place, en rencontrant Marianne, elle n’était plus sure de rien.

Lorsqu’elles poussèrent la porte, les employés à l’intérieur les regardèrent sans un mot pendant un moment.
Comme si le temps s’était figé, ils virent Marianne avec sa main dans celle d’Annabelle et ils comprirent tout de suite qui elle était.

— N’aie pas peur, ils sont gentils et ne te feront pas de mal. Si c’est le cas, n’hésite pas à me le dire.
Marianne les fusilla du regard.

Sentant la main d Annabelle se crisper dans la sienne, elle tenta de la rassurer.
Ces mots ne firent pas cet effet. Annabelle ne comprenait pas ce qu’elle voulait dire par « gentils ».

— Je dois aller finaliser quelques dossiers urgents, je te laisse quelques minutes, je reviens au plus vite. Fais comme à la maison, d’accord ?

Marianne posa un baiser tendre sur le front d’Annabelle et lâcha sa main, en la confiant à ses employés.
Annabelle était perdue.
Elle resta debout au milieu des paires d’yeux qui la fusillaient, elle baissa les siens et fixa ses pieds, ne sachant pas comment réagir, ni quoi dire.
L’ainée du groupe remarqua sa gêne et se leva pour la guider jusqu’à eux.

— Bienvenue à toi, comment tu t’appelles ? Viens t’asseoir avec nous, est-ce que tu veux quelque chose à boire, à manger ?
— N-non merci… je… je m’appelle Annabelle.
— Ne sois pas timide. On ne va pas te manger.

Elle était chaleureuse, le même genre de chaleur qu’elle avait connu en arrivant chez Marianne.
Elle l’orienta vers un canapé où il restait une place, les gens autour s’écartèrent pour qu’elle puisse s’asseoir puis se resserrent sur elle, comme un étau.

— Comme a dit Marianne, fais comme chez toi.
Lui sourit la jeune femme qui devait à peine être plus âgée qu’elle.

Comment arrivait-elle à être si à l’aise comparé à elle ?

— Bonjour Annabelle… comment tu as rencontré notre Marianne… ?
— C’est vrai ça… elle nous raconte rien à nous… on a juste su qu’elle avait quelqu’un.
— C’était tellement évident ! C’était le jour et la nuit, elle venait travailler avec un sourire sur son visage !
— Oh, ça veut pas dire qu’elle aime pas son travail, hein, enfin je ne crois pas… j’espère que je n’ai pas dit de bêtise…
— Non mais, on est tous d’accord, elle avait pas trop le moral ces derniers mois. On l’a tous remarqué, n’est-ce pas ?

Les employés acquiescèrent.

— Et pouf, du jour au lendemain, elle avait retrouvé le sourire ! Ça cachait quelque chose.
— Exactement !
— On est tellement content de te rencontrer enfin !
— Alors alors ? Elle est comment Marianne en privé ?

— Eh oh, pas de questions indiscrètes ! Laissez-la respirer la pauvre. Tu n’es pas obligée de leur répondre, Annabelle.
Soupira l’ainée.

— Oh… elle ne t’avait pas dit qu’elle travaillait ici… ? Dans ce genre d’endroit ?…
— Oh… tu découvres aujourd’hui… ?

Annabelle acquiesça timidement.

— Je comprends mieux… rassure-toi, Marianne gère cet endroit comme une cheffe. J’ai peur de lui couper l’herbe sous le pied, alors je vais rien dire de plus, à part qu’on l’apprécie beaucoup.
— Et elle semble t’apprécier beaucoup aussi… pour qu’elle te cache à nous pendant si longtemps.
— C’est pas si longtemps que ça… ?
— Chut, moi je voulais la voir au plus vite !
— Je crois qu’on était tous curieux de rencontrer la personne qui rendait notre Marianne si joyeuse.
— C’est vrai qu’elle a pas un boulot facile…
—C’est beaucoup mieux qu’avant, tu n’as pas connu l’endroità ses tout débuts, toi…
— Effectivement…

— Tu veux nous parler un peu de toi, Annabelle ?
L’aînée se tourna vers elle.

Annabelle baissa la tête et resta silencieuse.
Elle avait honte d’avoir abandonné son humanité alors que ces personnes travaillaient dur pour continuer de vivre. Elles avaient cette joie de vivre qu’elle n’avait pas, et que Marianne lui avait insuffle petit à petit.
Elle n’osait pas leur dire ni leur raconter la rencontre avec Marianne. Leur Marianne.
Elle ressentait une petite pointe de jalousie.
C’était difficile à définir, mais réaliser que Marianne n’était pas qu’à elle, cela lui faisait mal dans la poitrine.
Elle se sentait idiote, elle qui vivait dans le confort et la sécurité de son appartement, il était naturel que son monde tourne autour de Marianne.
Mais ce n’était pas le cas pour Marianne. Elle vivait dans un monde ouvert, avec son travail, ses connaissances. Il était normal qu’elle ait d’autres interractions sociales et qu’elle se lie avec d’autres personnes.
Perdue ainsi dans son tourbillon de pensées, l’aînée du groupe n’insista pas.
Marianne sortit de son bureau et le visage d’Annabelle se releva, les yeux un peu brillants.

— Excuse-moi de l’attente, je suis toute à toi maintenant.
Dit-elle en s’approchant d’elle avec un large sourire.

— Oh… on ne l’a jamais entendu dire ce genre de choses… je vais fondre…
— Prenez une chambre… c’est indécent là !
— C’est dégoutant.

Les éclats de rire envahirent la salle.
Marianne donna la main à Annabelle pour la relever et l’emmener visiter les lieux.

— Merci de lui avoir tenue compagnie, j’espère que vous n’avez pas trop cassé de sucre sur mon dos.
Leur dit Marianne, en les laissant.

— C’était un plaisir, on a pas eu assez de temps pour lui raconter tous les dossiers à ton sujet !

— Je suis désolée de t’avoir laissée, quand je travaille je suis vraiment absorbée et j’avais peur que tu t’ennuies. Du coup j’ai préfère te laisser en compagnie de mes employés. J’espère qu’ils ne t’ont pas trop embêtée ? J’ai essayé de faire au plus vite.

— Non non, ils étaient très gentils…

Annabelle ne savait pas ce que Marianne avait prévu pour elle et elle préféra rester silencieuse. Attendant sa sentence.

— Viens, je vais te faire visiter !
Proposa Marianne, enthousiaste.

Elle la prit par la main et l’entraina avec elle.
Elle lui vit faire le tour du propriétaire, et lui montra son bureau en dernier, pour pouvoir discuter avec elle sans être dérangée.
Elle voyait qu’Annabelle n’était pas à l’aise et elle craignait ce qu’elle pourrait penser.

— Dis-moi ce que tu as sur le cœur… je suis prête à entendre ton ressenti vis à vis de mon travail…

— Est-ce que… tu vas me faire travailler ici… ?
Demanda-t-elle, craintive.

— P-pardon… ? Non ! Absolument pas ! Qu’est-ce que-… quelle idiote je fais…
S’exclama Marianne, bouleversée.

— Tu m’es beaucoup trop précieuse pour ça… je suis désolée que tu aies pu penser cela. Non… je ne voulais pas t’effrayer ou te mettre mal à l’aise… je voulais juste que tu sois au courant de ce que je fais pour gagner ma vie… en aucun cas je ne te forcerai à faire le travail de mes employés… ils sont là de leur propre initiative.

Marianne comprit alors pourquoi Annabelle était différente de d’habitude et la rassura en la serrant dans ses bras.
Marianne serait beaucoup trop jalouse si jamais Annabelle était avec quelqu’un d’autre.

— Par contre… tu ne m’as pas dit… qu’est-ce que tu penses de mon travail… ?
— Hmm… tu as l’air de faire un travail respectable… ? En tout cas tes employés ne s’en plaignent pas… qu’est-ce que tu veux dire par la… ?
— Tu… tu ne me détestes pas… ? Je ne te dégoute pas… ?
— Pourquoi… ? Je devrais… ?
— Le fait que je tienne un bordel… une maison close… cela ne te dégoute pas… ?
— Hm… non. Tu as l’air de bien t’en occuper, ça a l’air d’être un endroit bien entretenu et respectable…

Annabelle était beaucoup plus sereine depuis que Marianne lui avait dit qu’elle en comptait pas la forcer à se prostituer.
Quant à Marianne, elle avait encore du mal à croire qu’Annabelle n’était pas affectée par la nature de son travail. Elle s’était tellement inquiétée, jusqu’à en perdre le sommeil, qu’elle n’en revenait pas que cela soit si simple et qu’elle se soit fait du mouron pour des broutilles.
Elle serra la main d’Annabelle dans la sienne, en essayant de reprendre ses esprits.
Elle finit par avoir un rire nerveux et serra Annabelle dans ses bras, ce qui la surprit.

— Tu ne peux pas savoir comment ça me rassure… !
Dit Marianne.

Annabelle sourit timidement.

*

Marianne finit par présenter Annabelle à Duncan.

Elle appréhendait cette rencontre mais Duncan était plus que curieux de voir qui était cette personne, cet humain de compagnie qui avait fait changer Marianne, qui la rendait aussi épanouie.
C’est Duncan qui lui avait forcé la main, pour quelle se décide à organiser cette rencontre.
Annabelle avait accompagné Marianne à son travail ce jour-là. Cela lui faisait plaisir de passer du temps avec elle, même si elle était souvent occupée et concentrée sur ses dossiers. Elle avait réfléchi à un moyen de se rendre utile et de la décharger un tout petit peu.
Elle avait fini par prendre ses aises, sympathiser avec les employés qui la considérait comme faisant partie de la famille à présent. Elle se rendait dans la cuisine pour préparer un thé, prendre quelques biscuits pour le gouter de Marianne, et en profiter pour le préparer pour les autres, en l’apportant sur la
table du hall.
Elle se rendit compte qu’il ne restait plus grand chose, et elle proposa de faire des courses rapides.
Elle n’avait pas mieux à faire et on l’en remercia. Elle prit les commandes et elle s’en alla en direction d’une supérette avec son sac.
Elle avait un peu de monnaie sur elle, suffisamment pour des petites courses.
Sur le chemin du retour, elle failli percuter quelqu’un en sortant du magasin parce qu’elle avait regardé le ticket de caisse, ses yeux rivés dessus, elle ne regarda pas devant elle et un homme se tenait sur son chemin.
Elle s’excusa platement et il lui sourit.
Elle ne savait pas s’il se moquait d’elle, mais elle continua sa route, n’y prêtant pas plus attention.
Malheureusement, l’homme semblait la suivre et elle commença à avoir peur.
Il était en plein jour mais elle craignait tout de même qu’il soit un vieux pervers.
Elle accéléra le pas et essaya de le semer, sans succès. À chaque coin de rue, il semblait la rattraper.
Elle n’était pas loin de l’établissement et elle se sentit rassurée de pouvoir y entrer.
L’homme ne devrait pas la suivre jusqu’ici.
Elle arriva essoufflée et les employés s’inquiétèrent, étonnés de la voir dans cet état.

— Je… il y a un homme bizarre qui m’a suivi… ! J’ai eu tellement peur…
Tenta-t-elle d’expliquer, le souffle encore un peu court.

Elle entendit la porte s’ouvrir derrière elle, et elle reconnut sa silhouette. Elle paniqua.

— C’est lui !! C’est lui qui me suit depuis que je suis sortie du magasin !
S’écria-t-elle, en le pointant du doigt et se cachant derrière quelqu’un.

À la vue de cette personne, les employés explosèrent de rire.

— Pourquoi vous riez… ?
Demanda Annabelle, perdue, ne comprenant pas l’élément comique.

L’homme semblait tout autant déconcerté.

— Haha… ha… Ce n’est que Duncan… ! Ce n’est pas un détraqué, tu peux te rassurer… !
Expliqua une des employés.

— Duncan… ?
Répéta Annabelle.

*

Marianne était morte de rire.
Duncan et Annabelle étaient dans le bureau avec elle, et elle ne s’en remettait pas.

— Excusez-moi… je n’ai pas ri comme ça depuis une éternité… ah… Annabelle, je te présente mon vieil ami : Duncan. Duncan, voici ma chère et tendre Annabelle.
Annabelle le salua timidement. Elle avait encore un peu honte de l’avoir pris pour un détraqué.

— Je la rencontre enfin… j’aurais souhaité dans de meilleurs circonstances… je trouvais ça amusant qu’on se rende au même endroit après s’être bousculés, pas que ce soit hilarant à mes dépends…
Dit Duncan, dépité.

— Tu ne crains rien, Annabelle. Et si jamais Duncan devait te faire du mal. Je me ferai une joie de lui faire payer.
— Je veux bien voir ça… madame qui va moins souvent à la salle ces derniers temps.
— Tu vas pas me faire croire que tu as trouvé la motivation d’y aller.
— Ah bah si. J’ai un peu plus de temps récemment !
— Et les cours d’arts martiaux ?
— Chaque chose en son temps.
— Je suis encore capable de te faire mordre la poussière, ne me sous-estime pas.
— Je n oserai pas !

Annabelle les écouta sans un mot.
Elle découvrait comment Marianne était avec Duncan.
Elle qui était si douce avec elle, si attentionnée.

— Ah, excuse-moi Annabelle. Je connais Duncan depuis que je suis étudiante, ça fait une paire d’années maintenant…
— Ça ne nous rajeunit pas…
— Et non… il passe de temps en temps me voir parce qu’il a le temps de s’ennuyer à son travail.
— Disons que je ne suis pas aussi pris par mon travail qu’une certaine personne.
— C’est ce qu’on dit.

*

Annabelle se sentait de trop.
Marianne s’entendait extrêmement bien avec Duncan et elle ne pouvait s’empêcher d’être… jalouse.
Elle avait cette crainte. C’était la première fois qu’elle ressentait cela.
On lui avait offert tant d’amour, une émotion nouvelle à ses yeux, une chaleur humaine, et maintenant elle craignait de tout perdre, elle avait peur d’être en manque. Rien que d’imaginer Marianne et Duncan ensemble, son cœur se resserrait.
Pourtant, il n’avait rien fait de mal, et elle aimait trop Marianne pour l’éloigner de son ami, mais elle avait cette épine dans la poitrine.
Est-ce que Marianne allait la détester si elle était au courant de ce qu’elle ressentait présentement… ?

*

Marianne sentait qu’Annabelle n’était pas dans son état habituel.
Elle avait son regard perdu et fixait pas mal Duncan.
Une hypothèse lui traversa l’esprit et s’encra dans sa poitrine. Et si Annabelle était tombée amoureuse de Duncan… ? Duncan ne semblait pas insensible à Annabelle. Marianne le connaissait assez bien pour savoir que c’était son type de fille, mais jamais elle n’aurait pensé que les faire se rencontrer la mettrait
dans cette situation.
Elle voulait garder Annabelle pour elle seule, mais elle savait que c’était égoïste et même si sur le papier, Annabelle lui appartenait, elle gardait en tête qu’elle avait son libre arbitre.

*

Duncan prit à part Annabelle avant de partir et échangea son numéro avec elle pour pouvoir l’inviter à déjeuner.
Annabelle était intimidée. Elle accepta sans comprendre pourquoi. Duncan ressemblait à Marianne par le charisme qu’il dégageait. Il était sûr de lui et savait ce qu’il voulait. Il avait cette aura qu’on pouvait difficilement lui refuser quelque chose.

Il voulait s’entretenir en privé avec Annabelle parce qu’il ne la connaissait pas, il était encore un peu méfiant, et il voulait que cela reste entre eux.
Il tenait énormément à Marianne, et il voulait s’assurer qu’Annabelle était quelqu’un qui ne profiterait pas d’elle.

*

Au soir, chez elles, Marianne prit son courage à deux mains pour lui poser quelques questions.
Posées sur le lit, allongées l’une à côté de l’autre.

— Alors… qu’as-tu pensé de Duncan… ?
— Euh… il est bien habillé… ?
— Ses vêtements… ? Je parlais de son physique…
— Ah… euh… il est plutôt… vieux… ?

Marianne avait un pincement au cœur en posant ces questions, mais elle voulait savoir si Annabelle ressentait quelque chose pour lui.
Elle les avait vu, ils avaient voulu être discret.
Duncan s’était approché d’Annabelle et lui avait chuchoté quelque chose, avant de partir.
Cette vision la hantait.

— Lorsque je vais lui dire, il va être flatté ! Il ne me croit pas quand je lui dis qu’il a du charme pour un gars qui a la quarantaine ! J’ai vu que vous avez discuté tous les deux… Vous vous êtes dit quelque chose… ? Bande de petits cachotiers…
— Non non… il a souhaité qu’on s’échange nos numéros…
— Ah bon ?
— O-oui…

Annabelle se garda de lui dire la raison.

— Ah… ce n’est pas bête. Si jamais tu n’arrives pas à me joindre ou l’inverse. Ce n’est pas une mauvaise idée qu’il ait ton numéro.

— Ah… c’est pour ça…
Mentit Annabelle pour essayer de ne pas éveiller les soupçons.

Marianne fut rassurée.

*

Duncan lui envoya un message pour la prévenir de quand il serait disponible pour déjeuner avec elle.
Il lui demanda de s’organiser pour qu’elle ne soit pas avec Marianne ce jour-là.
Elle était dans l’appartement et elle attendait son appel.
Il l’avait prévenue pour qu’elle se prépare et qu’il vienne la chercher chez elle.

Marianne avait remarqué qu’Annabelle envoyait des messages à quelqu’un d’autre sur son téléphone.
Elle savait qu’elle n’avait pas beaucoup de numéros différents dans son répertoire de contacts, et elle se doutait que c’était avec Duncan qu’elle conversait.
Lorsqu’elle lui posait la question, Annabelle évitait de répondre.
Cela éveilla encore plus les soupçons.
Elle mourait d’envie de déverrouiller le téléphone d’Annabelle pour lire, mais elle se retint.
C’était à Annabelle et elle n’avait pas le droit de s’immiscer dans sa vie privée, quelle qu’elle soit.
Elle partit au travail et elle n’arrivait pas à se concentrer.
Elle imaginait Annabelle dans les bras de Duncan et cette vision l’horripilait.

*

Duncan était arrivé avec une très belle voiture et Annabelle fut intimidée. Elle aurait dû avoir l’habitude avec Marianne, mais tout ce luxe restait nouveau pour elle. Elle préféra rester silencieuse tout le long du trajet, Duncan lui jetant des regards de temps en temps.
Etrangement, il était beaucoup plus froid que la dernière fois et Annabelle ne se sentait pas à l’aise. Elle avait l’impression d’être une proie et se demandait si elle n’avait pas commis une erreur en acceptant ce déjeuner.
Installés à table d’un restaurant chic, elle avait toujours cette impression désagréable d’avoir été prise au piège.

Il l’observait, il analysait ses faits et gestes.

— Détends-toi, on croirait que je te séquestre.
Blagua-t-il, de manière très décontractée.

Annabelle osait à peine le regarder dans les yeux.

— Est-ce que tu sais pourquoi je t’ai invitée à déjeuner ?

Elle secoua lentement la tête. Elle avait perdu sa langue. Elle avait tellement peur de dire quelque chose de travers. Elle avait cette sensation qu’à la moindre erreur de sa part, il risquait de lui sauter au cou.

— Bien… On est ici parce qu’on va parler de toi… qui es-tu, en réalité ? Que cherches tu ?

Annabelle écarquilla les yeux. Qu’est-ce qu’il voulait dire ? Qui elle était… ?

— On va être clair. Marianne est une très vieille amie à moi. Je vois très bien à quel point elle est attachée à toi, et l’importance que tu as à ses yeux. Est-ce que tu en es consciente, au moins ? J’espère pour toi que tu n’as rien prévu contre elle. Si jamais tu cherches à la blesser ou lui vouloir du mal, sache que tu risques de le regretter.

Annabelle ne savait pas quoi répondre.
Non, elle ne savait pas qu’elle avait une telle importance aux yeux de Marianne, et jamais elle n’aurait eu l’idée de nuire à sa bienfaitrice.
Ce que Duncan avançait était blessant, qu’on puisse l’accuser de quelque chose de la sorte était terrible.
Elle se sentait insultée et elle aurait voulu quitter ces lieux au plus vite, mais elle ne pouvait pas. Ses jambes refusaient de bouger.

Duncan savait ce qu’il faisait. Ce n’était pas dans son habitude de jouer le mauvais rôle mais il faisait cela pour pousser Annabelle à bout. Il voulait savoir ce qu’elle cachait vraiment, si elle avait vraiment de mauvaises intentions ou non.
Qu’une jeune femme arrive et mette du baume au cœur à Marianne du jour au lendemain, c’était trop beau pour être vrai, trop beau pour qu’il n’y ait aucune mauvaise intention derrière. Il était méfiant.
Marianne était peut-être aveuglée par ses sentiments, mais lui non. Il avait un jugement plus clair, et il arriverait à tirer les vers du nez de cette Annabelle.
Il avait fait exprès de choisir ce restaurant qui avait des pièces privées pour les repas d’affaires.
Personne ne viendrait les déranger.
Il voyait qu’elle était en train de perdre pieds.
C’était exactement ce qu’il cherchait, qu’elle avoue tout et qu’elle expose son vrai visage.

— Je ne suis pas dupe. J’ai enquêté sur toi, et j’ai lu ton dossier. Pourquoi quelqu’un d’aussi normal que toi aurait décidé d’abandonner son humanité ? Cela ne tient pas la route. Qui t’a commandité ?

Annabelle était attaquée, et rien n’allait la sauver.
Elle devait s’en sortir seule, et qu’il ose parler de ses choix et qu’il juge son passé, elle ne pouvait pas le laisser l’insulter sans rien dire.

— Que savez-vous de moi ? Que savez-vous de ce que vous appelez la normalité ?!

Les larmes aux yeux, elle osa élever sa voix pour lui répondre. Sauf qu’elle avait une voix faible et tremblante, l’émotion trahissait ses cordes vocales, cela sonnait tellement mieux dans sa tête.

Duncan esquissa un sourire, il pouffa.
C’était ridicule qu’elle s’exprime de cette manière.

Elle ne se laissa pas abattre, elle devait lui dire ce qu’elle avait sur le cœur.

— Je ne vous permets pas d’assumer ce que ma vie valait avant de rencontrer Marianne. Croyez ce que vous voulez sur mon passé mais je ne vous permets pas de douter de mes intentions envers Marianne ! Elle m’a sauvée ! Elle m’a accueillie chez elle et s’est occupée de moi. Vous pensez vraiment que je chercherai à lui nuire ?! Allez-vous faire foutre !

Les larmes avaient fini par couler. Ce n’était plus de la peur mais bien de la colère qui s’exprimait.
Cet homme qui était soit disant un ami de Marianne, était à ses yeux un odieux connard. Pédant, imbu de lui-même, regardant de haut les autres classes en se faisant des films sur ce que leur vie était.
C’était le cliché de la classe supérieure qu’elle détestait. Comment pouvait-il être un ami aussi proche de Marianne ?

—Oh, vraiment ? Je me méprends ? Tu joues plutôt bien la comédie pour une gamine de ton genre. J’en ai rencontré des profils similaires, malheureusement ce n’étaient pas des filles aussi perverses pour profiter du désespoir et de la solitude de l’âme humaine, pour se faire passer pour une humaine de compagnie. Je t’avoue que c’était risqué de ta part. Je me serai peut-être fait avoir, à la place de Marianne. Joli stratagème.

— Vous êtes taré… ça va pas d’imaginer des scénarios comme ça… ?!
— Oh, je ne suis pas né de la dernière pluie, des filles souhaitant profiter de mon statut et de ma richesse, j’en ai vu passer. Tu ne vas pas me faire croire que tu es aussi naïve.

Annabelle était sans voix. Elle ne savait plus quoi faire pour prouver son innocence. C’était douloureux d’être accusée pour quelque chose qu’elle n’était pas.

— Arrêtez… pourquoi faites-vous cela… ?
Supplia-t-elle.

Elle aurait voulu appeler Marianne pour lui demander de l’aide, mais cela aurait-il confirmé qu’elle la manipulait ? Elle ne savait plus quoi penser ni quoi faire. Tout ce qu’elle était capable, c’était de sangloter en espérant qu’on la laisse tranquille.

— Je ne tolèrerai pas que tu blesses Marianne.

Il gardait un ton sévère et rien chez lui ne trahissait le moindre sentiment. Il semblait vouloir qu’elle s’effondre devant lui et lui demande pardon.

— Vous vous trompez de personne…

Cela était à la limite du supportable.
Elle ne méritait pas d’être traitée de la sorte. Jamais elle n’aurait souhaité être adoptée par un homme aussi sadique et dérangé que lui.

— C’est ce qu’on va voir. Ne me fais pas croire que tu n’as rien à te reprocher. N’est-ce pas la belle vie, aux côtés de Marianne ? D’être chouchoutée et goûter au luxe ? Comment comptes-tu te débarrasser d’elle et hériter de sa richesse ?

— J’en ai assez entendu… !

Elle se leva et, le visage larmoyant, elle se dirigea vers la porte de sortie.
L’air frais de l’extérieur lui fit du bien, elle sécha ses larmes et essaya de rejoindre une rue moins fréquentée pour reprendre ses esprits.
La morve au nez, elle n’avait pas de mouchoir sur elle, elle reniflait et sanglotait encore un peu.
Elle sortit son téléphone de sa poche. Elle allait devoir rentrer et à pieds. Elle remercia intérieurement Marianne de lui avoir fourni cet appareil avec de quoi la localiser.
Elle jeta un coup d’œil à la distance qu’elle allait devoir parcourir. Quelques heures de marche.
Avait-il fait exprès de s’éloigner autant ? Elle l’insulta dans sa tête de tous les noms. Pourtant le trajet en voiture avait semblé si rapide.
Elle se mit en route, avec un peu de chance, elle allait pouvoir rentrer avant Marianne.

*

Il était reste dans le restaurant.
Un arrière-goût désagréable dans la bouche.
Était-il allé trop loin ? Ce n’était pas le moment de douter. Rien n’était jamais trop loin pour protéger ses proches. Il tenait trop à Marianne pour ça.
Pourtant, Annabelle semblait sincère mais il avait eu des mauvaises expériences et cela biaisait son jugement. Et si Annabelle était juste une excellente comédienne ? Elle pourrait manipuler Marianne pour la retourner contre lui. Elle pourrait tout lui dire et tourner le récit à son avantage.
Il eut peur un instant. Marianne ne lui tournerait pas le dos ainsi, et si Annabelle appliquait cette stratégie, cela prouverait ses mauvaises intentions.
Cette discussion lui avait coupé la faim.
Il pensait qu’Annabelle reviendrait le supplier de la raccompagner, ou quelque chose dans ce style. Il avait fréquenté des fausses princesses aux fiertés mal placées et qui changeaient de comportement lorsqu’elles étaient dos au mur.
Au bout de plusieurs minutes, ne la voyant pas revenir, il s’en alla également. S’excusant platement au restaurant de devoir annuler.
Sur la grande rue, il ne vit personne correspondant au descriptif d’Annabelle.
Il commença à s’inquiéter.
Et si elle disait la vérité ?
Ou non, peut-être qu’elle le manipulait également.
Merde, si jamais il lui arrivait quoi que ce soit, il serait dans un sale pétrin. Marianne ne lui pardonnerait pas d’avoir abîmé sa chose physiquement. Ça, il pouvait en être certain. Il retourna à la voiture et essaya de réfléchir.

— Merde ! Fais chier !
S’énerva-t-il en tapant sur le volant.

Il laissa exprimer sa frustration.
Que faire dans ce cas ? Le plus important était de la retrouver et de la ramener chez elle.
Réfléchir, réfléchir. Elle avait certainement dû essayer de rentrer par ses propres moyens.
Il regarda le plan aux alentours et afficha le trajet à pieds jusqu’à chez Marianne.
Elle ne devait pas être loin. Il préféra partir sur cette hypothèse que de penser au pire en imaginant un enlèvement. Ou qu’elle se soit fait renverser par un véhicule. Mieux valait rester positif.
Il tourna et retourna dans les ruelles en cherchant une tête blonde.
Heureusement il la retrouva au bout d’un bon quart d’heure. Soulagé il gara la voiture un peu plus loin pour la rattraper à pieds et lui parler.
Elle continua à marcher en l’ignorant.

— Hey ! Arrête-toi !

— Qu’est-ce que vous me voulez ? Ça vous a pas suffit de m’insulter ? Vous voulez m’agresser en public aussi ?
Lui dit-elle, encore en colère.

— Non… est-ce qu’on peut discuter calmement… ?
— Comme au restaurant ? Pff, oui bien sûr.
— J’ai garé ma voiture pas loin, laisse-moi au moins te raccompagner.
— Non merci. Laissez-moi tranquille.

Il l’attrapa par le bras pour la faire s’arrêter et qu’elle lui fasse face.

— Lâchez-moi.
— Est-ce que tu veux vraiment faire une scène en public… ?
— C’est une menace ?

— Non… je veux juste te raccompagner chez Marianne, s’il te plait…
Finit-il par supplier, d’un long soupir.

Epuisé, il savait que s’il cherchait à la menacer ou s’imposer, cela aurait l’effet inverse. Il l’avait compris avec le restaurant.

Annabelle se laissa convaincre.
Elle n’avait pas spécialement envie de marcher encore une heure, elle ne savait pas si elle aurait assez de batterie sur son téléphone avant d’arriver à destination.
Et son ton dans la voix était moins directif que dans le restaurant. Il semblait sincère. Elle se laissa convaincre. Aussi parce qu’elle voyait les regards des passants qui se demandaient s’ils étaient en train de se quereller en tant que couple. Elle n’avait aucune envie de se donner en spectacle.
Elle le suivit et ils s’installèrent dans la voiture.
Elle n’osa rien dire. Elle ne savait pas quoi dire.
Elle était contrariée, une once de colère résidait encore en elle. Tout ce qu’elle voulait c’était rentrer chez elle, retourner auprès de Marianne. C’était le seul endroit où elle se sentait bien et en sécurité.
Duncan eut pitié de ses larmes et de son nez qui coulait, il sortit un mouchoir en tissu de sa poche sur lequel était brodé ses initiales, et il lui tendit.
Elle n’eut pas le choix que de le remercier et de se moucher bruyamment dedans.
Il ne savait pas par quoi commencer. Il était rassuré d’avoir réussi à la retrouver, il se sentait idiot.
Peut-être aurait-il dû essayer par la croire en premier lieu.
Alors il s excusa, de s’être comporté comme il l’avait fait.

— Bon… je tenais tout d’abord par m’excuser… je… j’ai dit des choses un peu dures. Marianne est mon amie depuis des années et je m’inquiète un peu trop pour elle… c’est la première fois qu’elle est aussi proche de quelqu’un et je ne suis pas serein…

Il cherchait ses mots.
Annabelle s’était calmée et avait les esprits plus clairs pour se rendre compte que Duncan devait tenir énormément à Marianne pour l’avoir poussée à bout. Son comportement n’était pas plus acceptable mais elle pouvait au moins comprendre pourquoi il l’avait fait.

— Je ne te fais pas entièrement confiance… je te garde à l’œil, mais je te laisse le bénéfice du doute. Si jamais tu nuis à Marianne, je ne te laisserai pas t’en tirer facilement.
— Peu importe ce que vous pensez de moi. Est-ce que vous me raccompagnez ou vous me laissez partir ?

Annabelle ne voulait plus avoir affaire avec lui. Elle était épuisée de chercher à le convaincre de son innocence.
Annabelle le remercia à demi-mot en sortant de la voiture et elle ne se retourna pas pour lui dire au revoir.
Elle aurait préféré que tout cela n’ait pas eu lieu.
Adossée à la porte, après être rentrée dans l’appartement, elle avait encore son mouchoir en tissu.
Elle aurait voulu le jeter, le bruler, mais sa bonne conscience lui dit de ne rien à faire, à part le nettoyer pour lui rendre.
Elle était encore hors d’elle.
C’était un connard, mais c’était un connard qui s’inquiétait pour Marianne, et qui ne lui faisait pas confiance. Il était dans son droit de se méfier mais Annabelle avait encore en travers de la gorge tout ce qu’il lui avait dit.
Son ventre lui rappela qu’elle n’avait rien avalé depuis la veille et elle essaya de grignoter quelque chose avant que Marianne n’arrive.
Marianne remarqua que quelque chose était différent.
Annabelle avait les yeux rouges et semblait avoir pleuré, mais elle n’était pas sûre.
Elle la prit dans ses bras.

— Tu es sûre que tu vas bien… ?

Annabelle mentit et Marianne se douta de quelque chose.
Annabelle resserra son étreinte dans les bras de Marianne.
C’était bien ici qu’elle se sentait le mieux.

*

Marianne remarqua le mouchoir et le reconnu.
La jalousie l’emporta.
Annabelle avait-elle vu Duncan en secret ?
Est-ce qu’ils avaient une liaison ? Cela la rongeait et elle n’osait pas en parler à Annabelle.
Elle avait trop peur qu’elle lui confirme que c’était vrai.
Elle ne voulait pas se disputer avec elle.
Elles étaient dans les bras l’une de l’autre, dans le lit.

— Annabelle… Qu’est-ce que le mouchoir de Duncan fait chez nous… ? Est-ce que tu as quelque chose à me dire… ?
Finit par demander Marianne.

Cela faisait des jours qu’elle tournait cette question dans sa tête sans réussir à la poser.
Annabelle se crispa et Marianne le remarqua.

Annabelle ne pouvait s’empêcher d’avoir un rejet à la mention de Duncan. Elle avait envie de l’insulter mais c’était l’ami proche de Marianne.

— Annabelle… ? Que s’est-il passé… ? Tu peux me le dire… Est-ce que vous avez une liaison… ?

— Non ! Non !!!
S’écrit Annabelle, dégoutée qu’elle puisse imaginer cela.

— Dans ce cas… qu’est-ce que tu me caches… ? Il y a quelque chose que tu ne me dis pas…
— Nous avons…

Annabelle cherchait les bons mots pour que la situation ne se retourne pas contre Marianne et Duncan.
Elle ne voulait pas créer un conflit entre les deux amis.

— Il m’a… invitée à déjeuner.
— Il a… mais pourquoi ?!
— On a appris à mieux se connaitre… il s’inquiétait pour toi.
— Vraiment… ?

Annabelle acquiesça. Elle avait dit la vérité sans entrer dans les détails.

— Et le mouchoir… ?
— J’ai… j’avais le nez encombré…

Marianne sentit qu’Annabelle n’était pas à l’aise et semblait trembler dans ses bras. Elle n’insista pas.
Elle allait devoir avoir une conversation avec Duncan.

*

Elle emporta le mouchoir lavé avec elle et en profita pour déjeuner avec Duncan pour le lui rendre.
Elle posa le mouchoir sur la table.

— Je crois que c’est à toi.

Duncan était blême.

— Tu m’expliques ?
— Ce n’est pas du tout ce que tu crois, je ne sais pas ce qu’Annabelle t’a raconté, cette profiteuse… !
— Qu’est-ce que je crois ? Comment tu l’as qualifiée… ?
— Elle cherche à nous monter l’un contre l’autre.
— Absolument pas. Sais-tu au moins ce qu’elle m’a dit ?
— Non… ?
— Que vous avez déjeuné ensemble.
— Ah oui, c’est vrai.
— Comment ça « ah oui » ?
— Je l’ai invitée à déjeuner…
— Je vais être directe et je veux que tu sois sincèr avec moi : est-ce que vous avez couché ensemble ?
— Quoi ?! Non ! Ça va pas ?!
— Ok, alors pourquoi vous me cachez ça ?

Marianne était rassurée mais elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi ils semblaient y avoir quelque chose.

— Elle t’a pas raconté… ?
— Raconté quoi ? Ce que vous avez mangé ?
— Euh… oui par exemple.
— Non.

Il soupira.
Il se demandait si ce n’était pas pire qu’il doive raconter ce qu’il s’était passé, mais au moins il avait l’avantage de lui raconter la vérité.
Après lui avoir avoué les évènements.
Marianne tremblait de rage.

— Donne-moi une bonne raison pour que je ne t’enfonce pas mon poing dans ton visage.
— Je l’ai fait pour toi.
— Je ne t’ai rien demandé.
— Je m’inquiète.

Marianne essaya de se calmer

— Je sais que tu as eu des expériences désastreuses en amour, mais ce n’est pas une raison pour croire que cela n’existe pas.
— Quoi ? L’amour ?
— Les gens bienveillants. Annabelle n’est pas ce que tu crois.
— Qu’es-ce qui te fait croire ça… ?
— Parce qu’elle n’a jamais exigé des choses de moi. Elle me donne énormément, tu ne te rends pas compte…
— Non, je ne me rends pas compte.
— Je devrais te frapper pour lui avoir parlé ainsi.
— Je l’ai fait pour toi.
— Je vais être claire. C’est un avertissement. Ne t’avise plus jamais de lui parler sur ce ton.

Il leva ses mains pour se défendre.

— Ok, ok. Ne viens pas pleurer lorsque tu te rendras compte que j’ai raison.
— Merci de te soucier de moi, mais tu vas faire quoi si tu as tort ?
— Je m’excuserai platement à Annabelle, et je serai heureux pour vous. Tu veux quoi d’autre ?
— Je sais pas… je réfléchis. Je te le dirais quand une excellente idée me viendra en tête. Je n’arrive pas à croire que tu aies pu lui tenir ce genre de propos.

Marianne lui raconta pourquoi elle avait confiance en Annabelle.
Contrairement à un simple animal, Annabelle était humaine et était dôté d’une certaine intelligence sociale.

— Qui te dit qu’elle ne fouillait pas chez toi, lorsqu’elle a fait le ménage ?

Marianne le jugea.

— Qu’est-ce qu’il te faudrait pour avoir confiance en elle ? Qu’est-ce que je pourrais faire pour te prouver qu’elle n’est pas ce que tu crois ?
— On pourrait tenter une expérience qui nous mettrait d’accord sur ce de quoi elle pourrait être capable.
— Je t’écoute.
— Il faudrait lui faire croire que tu ne veux plus d’elle. Confie-la-moi pendant une semaine.
— T’es tombé sur la tête ?
— Je suis sérieux. Si au bout d’une semaine chez moi, je n’arrive pas à prouver qu’elle est malveillante, alors j’admettrai que j’ai tort.
— Et tu veux que j’arrive à lui faire croire ça comment ? Elle sait que je l’adore et je pense que c’est réciproque.
— Tu pensais qu’on avait couché ensemble, on peut partir sur ça. Que tu ne lui fais plus confiance et que tu te débarrasses d’elle. Qu’elle est souillée ou quelque chose dans le genre.
— T’es sérieux ?
— Bien sûr. Je te promets de pas la blesser physiquement.

Marianne plongea son visage dans ses mains pour réfléchir.

— Tu me demandes de mentir…
— Annonce lui, et je m’occupe du reste.
— Si jamais tu as tort…
— Je sais, je vous devrais des énormes excuses.

*

Marianne rentra chez elle et du mentir à Annabelle.
Elle fit semblant d’être énervée et elle fit la valise d’Annabelle.
— Marianne… ? Que se passe-t-il… ?
— J’ai discuté avec Duncan… vous avez couché ensemble… pourquoi tu m’as menti… ? Je te faisais confiance… je ne veux plus te voir…
— Non… ce n’est pas vrai ! Je n’ai jamais couché avec Duncan ! Marianne… tu dois me croire !

Annabelle perdait pieds. Elle n’arrivait pas à y croire. Elle avait l’impression d’être dans un cauchemar.

— Duncan va venir te chercher… tu pourras passer le reste de tes joursà ses côtés…
Ajouta Marianne, qui avait intérieurement le cœur brisé.

— Non… Marianne… écoute moi… ne fais pas ça… je déteste Duncan ! Je n’aurais jamais couché avec lui, je ne veux rien avoir affaire avec lui… ! Crois-moi !

Cela lui brisait le cœur de voir Annabelle dans cet état, elle voulait y croire. Après une semaine. C’était le délai qu’avait annoncé Duncan.
Elle priait intérieurement qu’Annabelle lui pardonne si jamais l’hypothèse de Duncan était fausse.

Annabelle était démunie, elle aurait voulu croire à une mauvaise blague, à un cauchemar.
Duncan arriva et il emporta sa valise et elle n’eut pas d’autre choix que de le suivre.
Marianne lui avait tendu les documents de son dossier d’adoption.
Annabelle n’arrivait pas à avaler ce qui se passait.
Dans la voiture, elle resta muette.

— Tu ne pourras plus nuire à Marianne si tu vis avec moi.

Annabelle comprit alors pourquoi Duncan avait menti, et pourquoi Marianne avait cru en ce mensonge.
Pourquoi. Qu’avait-elle fait pour mériter ça ?
En arrivant chez lui, il la fit dormir sur le canapé.
Il la laissa et ne s’occupa pas plus d’elle.
Il commençait à se faire tard et il commanda à manger.
Il n’avait pas plus le temps de cuisiner et il fit comme si elle n’était pas là, en observant ses réactions.
Il savait exactement ce qu’il faisait.
Annabelle était restée dans un coin du salon, loin de Duncan et fixait son téléphone.
Elle aurait voulu appeler Marianne mais elle n’était pas en état de l’écouter.
Elle réfléchissait à un message pour lui expliquer à quel point elle était sincère, mais peu importe comment elle le tournait dans sa tête, cela sonnait creux. Surtout avec ce qu’avait pu lui raconter Duncan.
Elle était partagée entre la haine et la colère qu’elle ressentait pour Duncan et le désespoir.
C’était fini. Le paradis qu’elle avait vécu aux côtés de Marianne. Tout s’était écroulé.
Elle ne voyait pas comment elle pouvait réparer cela ni retourner dans le temps.
Lorsqu’on touche le fond, on est prêt à n’importe quoi.

2022.01.31