Filets [RolePlay] [R-18]

Un autre soir où le sommeil n’était pas au rendez-vous.
Dans sa robe blanche de nuit, elle sortit arpenter les couloirs du château.
Elle était maintenant habituée à ces lieux, elle ne craignait plus de se perdre. Sa nouvelle condition l’aidait également énormément à s’orienter. Elle qui avait un sens de l’orientation correct, ses sens aiguisés lui permettaient de retrouver son chemin même les yeux fermés.

Ce soir là, elle errait sans réel but, se disait-elle.
Jusqu’à ce que ses pas l’amènent devant la chambre de quelqu’un. Pas n’importe qui. Le fameux majordome du château.
Son coeur battait un peu plus vite maintenant qu’elle s’était rendue compte où elle était.
Ce n’était pas un hasard. Elle s’ennuyait mais elle avait également un désir. Ses souvenirs de leur première fois étaient encore encrés en elle et en y repensant son corps se rapella les sensations dans le creux de son ventre. Les joues un peu plus roses, elle était immobile devant cette porte.
Elle savait qu’il était trop tard pour reculer.
Il avait dû sentir sa présence tout comme elle sentait la sienne à travers la séparation.

Elle prit son courage à deux mains et elle toqua à la porte.

Il l’invita à entrer, aussitôt.
Il était assis sur le rebord du lit.

— Bien le bonsoir.
L’accueilla t-il, aimablement, ne pouvant réfréner son sourire.

— B-bonsoir…
Répondit-elle timidement en refermant la porte derrière elle.

Ses cheveux lâchés et retombant dans le bas de son dos.
Elle n’osait pas le regarder dans les yeux mais elle sentait son regard amusé sur elle.

— Approche, je ne vais pas te manger.
Rit-il.

Il avait décidé de la tutoyer lorsqu’ils étaient seuls.
Elle approcha, presque à contre-coeur.
Elle était venue jusqu’à lui de sa propre volonté.
C’était juste difficile pour elle de se l’avouer.
Elle n’avait plus peur, il avait réussit à briser sa protection de glace et elle lui avait accordé sa confiance.
Il lui attrapa la main et l’embrassa sur le dos de la main. Elle debout et lui, assit sur le lit.

— Qu’il y a t-il, ma petite poupée ?

Elle s’empourpra encore plus à ses mots.
Amusé par sa réaction, il ne pouvait s’empêcher de continuer à la taquiner ainsi.

Elle s’agenouilla en face de lui, ce qui le surprit et son sourire disparut.
Il lui attrapa les deux mains pour l’inviter à se relever mais elle insista pour rester à ses pieds, et elle s’exprima.

— Je… veux vous faire plaisir…

Il voulut la couper mais elle l’incita à la laisser continuer de s’expliquer.

— La dernière fois… vous m’avez beaucoup donnée et je me sens redevable… je souhaiterai vous remercier pour votre geste.

Elle le regardait dans les yeux, sincère et déterminée.
Elle n’arrivait pas à le tutoyer.

— C’était également plaisant pour moi… tu n’as pas besoin…

Elle continua à le fixer de son regard perçant puis ses mains se libérèrent pour se balader et chercher à défaire son pantalon.
Il se tut.
Curieux, il la laissa faire son affaire.
En sous-vêtements puis sans rien.

Il était un tout petit peu excité par ses caresses et ce qu’elle venait de lui dire.
Elle le prit dans ses mains expertes.
C’était si nouveau alors qu’elle avait fait ça à de nombreuses reprises. C’était si différent.
Elle avait l’habitude qu’on la force à le prendre en bouche mais cette fois-ci, elle avait le loisir d’observer, de toucher, d’examiner sous tous les angles.
Il n’était pas chatouilleux et il la laissa faire sans broncher.
Sa seule réaction fut les spasmes et sursauts sur sa verge lorsqu’elle le caressait d’une certaine manière.
Il joua avec ses longues mèches de cheveux et de temps en temps, il fermait les yeux pour profiter des sensations.
Il n’avait pas d’odeur forte. C’était perturbant pour elle. Il ne sentait pas la sueur. Son membre était propre, lisse, doux. Presque froid.
Une légère odeur de fluide pré-séminal s’en dégageait.

Elle ouvrit la bouche et commença par lui lécher l’extrémité, du bout de la langue, elle en caressa le pourtour puis elle tenta d’avancer ses lèvres, pour que son phallus s’enfonce lentement dans la chaleur et l’humidité de sa bouche. Elle prenait un certain plaisir à le caresser ainsi avec sa langue, parfois à le mordiller, aspirer.
Elle le sentait réagir, son membre se gorgeait un peu plus de sang, il était plus tendu selon ce qu’elle lui faisait, et ses gémissements ne trahissaient pas.
Elle était amusée de l’entendre faire ces sons, lui, le majordome en chef du château, son supérieur.
Si strict et froid à son habitude. Il se laissait aller et exprimer ce qu’il ressentait vraiment. Elle trouvait ça adorable.
Elle continua en faisant des mouvements de va-et-vient avec sa mâchoire, tout en lui massant la hampe et les bourses. Elle avait une certaine fascination pour ses testicules et son pénis qui se contractait et vibrait à l’intérieur de sa bouche lorsqu’elle le léchait de toutes parts.

Il posa sa main sur son épaule.
Elle vida sa bouche pour le regarder.

— Je vais éjaculer…
La prévint-il.

Elle ne cacha pas son étonnement, et ne sut pas quoi faire. D’habitude les hommes se vidaient dans sa bouche sans lui demander son avis. Elle avait fini par s’habituer à ce goût, de ne pas vomir, de se forcer à avaler. Que devait-elle faire ? Devait-elle continuer ? Le laisser faire son affaire ?

Il vit sa longue réflexion.

— Tu n’es pas obligée de…

Alors elle ne le laissa pas finir sa phrase et le reprit en bouche. Elle voulait lui faire plaisir. Cette fois-ci serait différente.
Il lâcha un gémissement de surprise et de plaisir, lorsqu’il sentit de nouveau la chaleur et la douceur de ses caresses et de sa langue tout autour de son sexe.
Il ferma les yeux un instant pour profiter de ce délicieux massage puis il les rouvrit pour l’observer à l’oeuvre.

— Où… as-tu appris à faire cela… ?
Murmura t-il dans un râle.

Elle ne pouvait pas lui répondre la bouche pleine.
Elle le sentit se crisper, pousser un petit cri étouffé.
Puis son essence se déverser sur son palais, sur sa langue.
C’était étrange. Le goût n’était pas désagréable, contrairement à ce dont elle avait l’habitude.
C’était presque bon, se surprit-elle à penser.
Elle essaya de mettre un mot sur cette substance mais elle finit par en déguster l’entièreté avant de pouvoir le décrire.
Elle resta à terre à ses pieds, attendant qu’il reprenne ses esprits et qu’il lui dise quoi faire.

Il la fit se relever et l’enlaça, encore tremblant d’avoir atteint l’orgasme.
Elle ne savait pas comment réagir, alors elle posa ses mains sur ses cheveux et le caressa, en silence.

Ils étaient maintenant tous les deux dans le lit, allongés dans les bras l’un de l’autre, ils discutaient.

— Comment as-tu appris à faire ça… ? Je pensais que c’était ta première fois…
Il réitera sa question.

Elle lui expliqua et lui raconta son passé.
Que c’était de loin sa première fois.

— Je… mais c’était ma première fois consentante…
Avoua t-elle.

Et elle le sentit différent. Il ne dit plus rien.
Il s’éloigna un peu d’elle pour mieux la regarder.

— Comment ça… ? Tu… on t’a… ?
Demanda t-il, pour être sûr de comprendre ce qu’elle venait de lui révéler.

Elle acquiesça sans vraiment oser affronter son regard.
C’était du passé. C’était tellement normal pour elle qu’elle ne ressentait rien de particulier à ce moment précis. C’était un fait. Elle avait subi cela, elle n’avait pas le choix. Elle n’était ni en colère, ni triste.
Par contre, lui, elle le sentit se contenir, il tremblait d’une certaine colère contre ces gens qui lui avaient fait cela. Alors elle se sentit dans le besoin de le calmer, de le rassurer. Elle appréciait son soutien mais elle allait bien, maintenant. Elle l’avait accepté et cela faisait partie d’elle, et un nouveau départ lui avait été offert.

— Ne vous en faites pas. Je vais bien.
Elle lui adressa un sourire forcé.

Il caressa de sa main, sa joue et la garda dans sa paume.

— Je suis désolé…
— Ce n’est pas de votre faute.

Elle accepta sa main et se lova dedans. Elle sentit les battements de son coeur et sa tension se calmer.

— … J’oublie parfois la cruauté des humains. Nous ne sommes pas tous civilisés comme au château, je le sais bien, nos semblables peuvent être d’une bestialité sans nom… mais…

—Merci…
Dit-elle simplement.

Elle s’endormit dans ses bras.
Elle était tellement bien, elle n’était plus seule. Elle se sentait apaisée d’avoir pu se confier sur son passé.

Le lendemain, elle se réveilla à ses côtés.
Il la salua et elle ne tarda pas à se lever et se préparer, le laissant dans ses draps. Il la regardait se rhabiller, profitant du spectable.

— Merci encore pour votre hospitalité.
Elle s’inclina.

— Ne sois pas aussi formelle avec moi lorsque nous sommes seuls.
Il sourit, amusé par son comportement, son esprit étant encore à la veille.

Elle s’en alla, s’inclinant une nouvelle fois pour cacher sa gêne. Le laissant seul dans son lit.

*

Il se fit convoquer dans le bureau du comte.

— Vous m’avez demandé, maître ?
Dit-il tout en s’inclinant.

Son interlocuteur lui faisait dos puis se retourna finalement vers lui pour lui parler.

— Quelle est la situation dans le château ?
Demanda t-il simplement, les mains dans son dos et se déplaçant lentement dans la pièce.

— Rien à signaler, maître.
— Bien.

Il marqua une pause.

— Et la jeune pousse ? S’est-elle habituée à sa nouvelle condition ?

Il posa cette question tout en bougeant quelques bibelots sur ses étagères.
Le majordome, imperturbable, lui répondit sans aucune hésitation.

— Il semblerait.
— Bien, bien…

Il se tourna vers lui, scrutant sa réaction.

— Est-ce que tu as appris des choses ?
— Oui… sur son passé. Ce qu’elle a vécu avant d’être ici, avec nous.
— Je vois…
— Vous étiez au courant… ?
— Je m’en doutais… j’ai vu son corps avant sa transformation. Frekio m’avait également fait part de ses observations. Peu de choses passent au travers de mes filets, tu te doutes.

Il avait intentionnellement prononcé ces mots.
Il marqua une pause avant de terminer

— Prends bien soin d’elle. Tu peux disposer.

Il savait pour leur relation et il ne désapprouvait pas.

2020.09.09

Majordome [RolePlay] [R-18]

Quelque chose titillait son odorat. C’était le majordome. Elle le remarquait maintenant et lui aussi s’était rendu compte du changement.
Lorsqu’il se croisèrent dans les couloirs, ils s’étaient échangés quelques regards intrigués.
Puis ils avaient continué leur chemin.

Beaucoup plus tard, ils se recroisèrent. Ils étaient seuls. L’activité nocturne était un peu plus calme.
Elle errait dans les couloirs parce qu’elle n’arrivait pas à dormir et ce fut le hasard qu’elle tomba sur lui.
Tout comme le majordome qui faisait une simple ronde.
Il fut agréablement surpris.

— Mademoiselle Chloé.
La salua t-il

Elle s’inclina en réponse.
Balayant des yeux l’espace autour de lui, ils étaient dans une allée très peu fréquentée mais il ne souhaitait pas être dérangé.

— Est-ce que vous avez un petit moment à m’accorder ? Je souhaiterai m’entretenir avec vous.

— Oui, bien sûr.

Elle ne cacha pas son étonnement.
Il ouvrit la marche et elle le suivit.
Elle sourit interieurement, cela lui rappelait son premier jour ici. Tellement de choses s’étaient passées et elle était beaucoup plus à l’aise maintenant.
Ils arrivèrent devant une porte et il l’invita à entrer.
Elle n’avait pas peur, qu’avait-elle à craindre, après tout ?

C’était une simple chambre.
Elle entendit la porte se refermer derrière elle. Elle se retourna.
Son attitude changea, il s’avança vers elle, jusqu’à ce qu’ils ne soient qu’à quelques centimètres.
Il la surplombait de beaucoup, c’était une armoire à glace et elle devait lever son visage pour pouvoir le regarder dans les yeux.
Il se pencha pour qu’ils puissent se faire face, et il approcha son visage pour lui murmurer quelque chose après avoir humé son odeur.
Elle resta stoïque. Elle n’avait pas peur mais elle restait sur ses gardes. Se demandant si elle avait fait quelque chose de mal pour que le majordome lui en veuille.

— Vous êtes… différente, n’est-ce pas ?

Elle ne répondit pas. Elle ne savait pas si elle devait le dire. Était-ce un secret ? Le comte ne lui avait pas interdit mais elle ne souhaitait pas le crier sur les toits.
Puis. En tant que majordome personnel du comte, n’était-il pas au courant ? Ou alors le comte avait omis cette information, exprès ?
Même si rien n’avait été dit, tout le monde le savait implicitement. Elle ne sentait plus l’humaine. Cela devait être évident, mais il devait le savoir. Était-ce un test ?
Il recula pour mieux l’observer et un sourire apparut sur ses lèvres. Il était rare de le voir sourire.
Se moquait-il d’elle ?
Elle resta à le fixer, sans broncher. Sa question était réthorique.

— Ne soyez pas si méfiante envers moi. Je ne vous veux aucun mal. Au contraire…

Sa voix se voulait rassurante mais elle n’arrivait pas à se détendre. Elle continuait à le regarder sans dire un mot. Attendant ses explications. Il restait un employé important, même si son supérieur direct était Homa, il était au même rang et elle ne devait pas faire de faux pas.

— Vous avez dû remarquer que nous sommes similaires, maintenant.

Elle avait coupé sa respiration inconsciemment et à ces mots elle inspira et recommença à respirer.
Elle n’avait pas remarqué jusqu’à présent qu’il dégageait une odeur familière,à cette distance il n’y avait aucun doute. Elle en était certaine. Il était comme elle, comme le comte.

— Je souhaitais vérifier de mes propres yeux ce fait, pardonnez-moi d’avoir été rude.

Il se mit à genoux et attrapa la main de la jeune fille pour lui apposer un baiser d’excuse.
Elle frissonna. Pas parce que le toucher était froid mais étrangement doux, sa petite main s’était perdue dans sa paume immense. Malgré sa corpulence ses gestes étaient délicats.

— Permettez-moi de vous faire la cour. Je trouve votre odeur fort délicieuse.

Il se releva et son visage se retrouva à nouveau juste en face du sien.
« Délicieuse » ? Était-ce ça qu’elle ressentait également ? L’odeur du majordome était déroutante, mais est-ce qu’elle la qualifiait de délicieuse ? Elle ne savait pas.
Il lui attrapa le menton.
Elle eut un mouvement de recul. Un peu trop brusque qu’elle perdit l’équilibre, il la rattrapa. Il n’eut qu’à tendre son bras pour l’aider à reprendre son équilibre, sa main était dans son dos et il s’approcha encore plus d’elle. La ramenant vers lui.
Ses petites mains frêles étaient sur son torse, sur son uniforme.
Collés ainsi, l’odeur était plus intense, elle était enivrante. Elle devait se l’avouer.
Que lui proposait-il ?
Qu’est-ce que cela impliquait.

— Je vois que je ne vous laisse pas indifférente…

Sa voix grave résonna en elle.
Elle l’avait déjà fait, ou plutôt elle avait déjà subi cela.
Mais cette fois-ci, c’était différent. Il ne la violentait pas, il ne la forçait pas à faire cela. Pas encore.
Il attendait, elle ne savait pas quoi mais il attendait et il l’observait.
Est-ce qu’elle en avait envie ? La peur la paralysait.
Est-ce que lui, avait envie d’elle ?
Ce n’était pas la première fois qu’un homme se serve d’elle. Elle attendait sa sentence, qu’il fasse ce qu’il veut et que cela se termine vite. C’est tout ce qu’elle pouvait souhaiter s’il allait imposer ses désirs sur elle.
Elle tremblait.

— Si je me trompe, je ne vous retiens pas.

Elle continuait de boire ses paroles. Ne comprenant pas ce qu’il disait. Elle avait le droit de partir ? Vraiment ? N’était-ce pas un piège ? Une ruse ? Était-ce un jeu sadique ?
Elle le regardait sans le voir, pensive et perdue.
Il remarqua ses tremblements et s’interrogea.
Avait-elle froid… ? Ce n’était pas possible dans ce corps. Il réalisa qu’elle avait peur.
Il fut confus et il tenta de la rassurer, ne sachant plus où se mettre. Que dirait son maître s’il apprenait qu’il effrayait sa protégée ?

— Mademoiselle Chloé… Je ne voulais pas vous effrayer.

Il s’éloigne, la relâchant.
Elle n’ose pas le regarder dans les yeux, son regard fuyant.

Elle essayait d’analyser la nature de ce qu’elle ressentait actuellement.
Était-ce la première fois qu’elle eut envie de quelqu’un ?
Était-ce cela avoir du désir charnel ?
Elle sentait une certaine attirance physique pour l’homme en face d’elle. Son odeur. Ses gestes. Son attitude. Il était attentionné et c’était quelque chose qu’elle n’avait jamais eu la chance d’avoir dans ce genre de situation.

Il attendait patiemment qu’elle lui autorise ou qu’elle refuse ses avances.
Quelque chose en lui était douloureux. C’était étrange de la voir aussi vulnérable. Était-elle vierge ?
Il n’aurait jamais pensé qu’elle puisse l’être et il se sentit bête d’avoir pu brûler les étapes.
Il ne devait pas la brusquer et surtout ne pas la forcer même s’il avait envie de la dévorer.
Ce qu’il avait en tête, c’était simplement qu’ils passent tous les deux un bon moment. Il ne pensait pas qu’il se retrouverait dans cette situation plus complexe à gérer.

Elle pouvait se sentir en confiance.
C’était peut-être une chance pour elle de découvrir le plaisir charnel sans le subir. Devait-elle la saisir ?
Est-ce qu’il comprendrait ? Tout son corps lui dictait de fuir, par mécanisme, mais elle avait longuement réfléchi. Elle voulait surmonter son traumatisme.
Elle savait que si elle ne faisait rien, rien ne changerait et elle aurait constamment peur de cette proximité. Elle ne voulait pas rester prisonnière de son passé.
Elle releva la tête pour croiser le regard de l’homme, qui l’étudiait patiemment.
Elle jouait avec ses doigts, les mains entrelacées, nerveuse. Elle avait réussi à calmer ses tremblements.

— Je…

D’une voix faiblarde, elle n’arrivait pas à s’exprimer.
Elle n’arrivait pas à trouver les mots.
Elle voulait essayer.
Elle s’avança vers lui, lentement. C’était sa manière à elle de dire qu’elle acceptait son offre.
Timidement.

Il s’approcha d’elle, sans faire de mouvement brusque.
Il voulait la toucher, poser sa main sur son visage et la rassurer d’un baiser, mais au vu de sa réaction précédante, il se retint.
Il prit sa main nerveuse et la dirigea vers son propre visage. Il embrassa ses phalanges.

— Je serai doux, je vous le promets.
Dit-il, simplement.

Elle fut surprise à nouveau au contact physique.
Tout allait bien. C’était juste sa main.
Son visage, ses lèvres. C’était… agréable. Étrangement doux. Malgré sa corpulence, il était si délicat.
Avait-elle le droit d’apprécier cela ?

Il avait décidé de prendre soin d’elle.
Il partait du principe que c’était sa première fois et il allait tout mettre en place pour la mettre à l’aise.
Et surtout prendre le temps de le faire.
Il se pencha et il l’embrassa dans le cou, tout en passant ses mains sur ses épaules pour l’aider à retirer son uniforme.

Elle frissonna encore une fois. Le contact de son souffle et de ses lèvres sur sa propre chair était… un délice. Elle ressentait quelque chose en elle, une petite boule de chaleur avait fait son apparition dans le creux de sa poitrine.
Elle chercha à croiser son regard.
Levant ses mains et attrapant un bout de tissu de l’uniforme du majordome.
Devait-elle le déshabiller, également ?
Il répondit à sa question muette en acquiesçant, un petit sourire au coin de sa bouche, elle s’empourpra.
Elle balada ses doigts hésitants sur son uniforme pour le défaire et rapidement les vêtements furent au sol et ils se retrouvèrent tous les deux en sous-vêtements.
Elle, en culotte short blanc et lui en un boxer de la même couleur.

— Magnifique…
Souffla t-il, lorsqu il découvrit le corps de la jeune femme.

Elle était fine et sans réelles formes. Elle avait une poitrine presque inexistante. Dans ce nouveau corps, sa peau était lisse et claire comme de la porcelaine. Ses cicatrices et hématomes avaient disparu.
Elle garda le silence et fut gênée. Elle qui d’habitude ne portait aucune importance à sa nudité, elle se trouvait aujourd’hui dans un autre contexte et elle ne savait pas où se cacher.
Il l’attrapa pour la porter jusqu’au lit, l’allongeant dessus. Ce qui fit virer son visage au rouge.
Pour ne pas l’embarrasser plus, il avait gardé son bas de sous-vêtement. Et il s’attaqua aux préliminaires.
Il s’allongea à ses côtés, et commença à caresser sa peau, baladant sa main et ses doigts sur son corps pour commencer, tout en observant ses réactions.
Elle l’imita et prit le temps de découvrir le corps de son partenaire, ce dont elle n’avait jamais eu l’occasion.
Quelque part en elle, elle avait encore peur de cette présence masculine, elle n’avait connu que des hommes qui l’avaient forcée et utilisée, faisant leur affaire et l’abandonnant ensuite.
Celui-ci était différent. Il lui laissait le temps. Il essayait de lui faire plaisir ?
C’est-ce qu’elle ressentait lorsqu’il la touchait.
Elle voulait lui rendre l’appareil. Qu’elle ne soit pas la seule à apprécier ce moment.
Et elle le sentait frissonner sous ses doigts fins et frêles. Elle s’amusait à dessiner ses muscles, caresser son torse, elle découvrait à quel point sa chair était dure mais douce, ses muscles, ses os, son corps. Cela avait un effet sur lui, même si son expression restait neutre, il exprimait quelques bruits discrets. Et si elle regardait un peu plus bas, elle pouvait deviner quelque chose grossir dans son boxer. Elle essaya de ne pas faire attention mais elle ne pouvait pas l’ignorer.
C’était loin d’être la première fois qu’elle voyait l’entre-jambe d’un homme, d’habitude ils étaient déjà durs, prêts et ils étaient violent et rapides avec elle. Elle n’avait pas son mot à dire. Mais cette fois-ci, elle était sereine, amusée que ce soit ce qu’elle était en train de lui faire qui l’excitait. Que son envie soit visible mais qu’il soit capable d’attendre qu’elle-même soit prête.
Ils étaient de plus en plus proche et il finit par lui demander.

— Est-ce que je peux vous embrasser ?

Elle hocha la tête en guise de réponse.
Il n’attendit pas une seconde de plus. Cela faisait un moment dont il en avait envie et il approcha son visage pour apposer un baiser, d’abord sur la joue, puis sur la commissure de ses lèvres, puis enfin dessus.
C’était un baiser tendre et elle se surprit à l’apprécier.
Elle ressentait des picotements dans son ventre, ce qui n’était pas désagréable. Au contraire. C’était une sensation nouvelle et étrange mais ça lui apportait un certain bien-être inédit.
Alors elle lui rendit ce baiser. Elle fit son premier pas.
Elle chercha à l’embrasser, elle essaya de bien faire.
Il entrouvrit ses lèvres et elle en fit de même pour reprendre sa respiration, même si elle n’en avait pas besoin, elle eut ce réflexe humain, et il engouffra quelque chose d’humide et tiède à l’intérieur de sa bouche. Sa langue. Il chercha à caresser la sienne et elle l’imita, pensant que c’était la bonne chose à faire.
C’était agréable. Tout était agréable.
Elle découvrait.

Il se déplaça pour la surplomber. Il était au dessus d’elle et elle le regardait dans les yeux.

— Je vais vous faire du bien.
Dit-il, avant de descendre vers le bas de son corps et retirer sa culotte.

Elle se laissa faire. Elle n’avait aucune raison d’avoir peur, c’est ce qu’elle se répéta pour se calmer.
Tout irait bien. Il n’avait rien fait jusque ici qui pourrait lui faire mal.
Il passa sa main sur son ventre pour la caresser puis prit ses chevilles pour les poser et les écarter de chaque côté de lui.
Il observait avec admiration son intimité ce qui la fit resserrer ses cuisses, d’embarras.

— Il n’y a rien à cacher. C’est magnifique, vous êtes magnifique.
Rit-il, en décalant gentiment ses cuisses pour pouvoir se positionner au bon endroit.

Il en dessina les contours avec ses doigts puis il y posa sa bouche pour la déguster.
Sa langue semblait chercher quelque chose, il la baladait de manière experte.
Et elle appréciait, elle laissa échapper à plusieurs reprises quelques gémissement de plaisir.
Puis elle eut envie de plus. Elle eut envie de lui. Qu’il la comble avec son membre.
Il aurait peut-être continué jusqu’à ce qu’elle atteigne l’orgasme mais elle l’arrêta. Elle posa ses mains sur sa tête et il releva son visage pour la regarder.

— Est-ce qu’il y a un problème ?
Demanda t-il, inquiet.

— Prenez-moi…
Repondit-elle simplement, elle aurait pu mourir de honte à ces mots, mais elle se contenta de rougir et se cacher le visage avec ses avant-bras.

Il sourit, et son coeur fit un bond dans sa poitrine.
Il retira rapidement son bas et se positionna juste au dessus d’elle.
Il déplaca ses bras pour pouvoir voir son visage.
Il l’embrassa sur le bout du nez puis il descendit, en embrassant ce qu’il pouvait sur son passage : son menton, ses clavicules, sa poitrine, son abdomen puis il revint vers son visage.

— Je vais y aller tout doucement… dites-moi si vous avez mal.
La rassura t-il.

Elle n’avait jamais entendu ces mots mais elle se sentit tellement soulagée. Il aura fallu que ce soit un non-humain qui prononce ces paroles.
Il se redressa et se prit en main pour se guider et la pénétrer, doucement.
Il était assez imposant mais l’extrémité entra sans problème, puis le reste put glisser à l’intérieur.
Elle savoura chaque instant. Il prenait le temps nécessaire pour qu’elle puisse apprécier et lui également.
Il lui fit l’amour et elle découvrit ce que c’était.

Epuisée mais comblée, elle s’endormit le sourire aux lèvres.

Elle se réveilla presque en sursaut.
Quelle heure était-il ?
Elle était seule dans le lit, et il l’avait recouverte d’une couverture.

— Bonjour mademoiselle. J’espère que vous avez bien dormi.

Il était déjà debout et habillé. Il finissait de se préparer. Il lui adressa un sourire.

— Je dois vous laisser. Revenez me voir quand vous le souhaitez.

Il s’en alla, la laissant seule dans sa chambre.
Elle se cacha sous la couverture, embarrassée au plus haut point.
Elle devait se reprendre et elle aussi, se préparer.
Elle avait passé une excellente nuit.

Elle sortit de la chambre, sur ses gardes, jetant des regards autour d’elle et en espérant qu’elle ne croise personne, pour ne pas devoir s’expliquer.
Frekio la vit et la salua.

— Hé, que fais-tu là de si bon matin ?
Elle sursauta.

— J-je cherchais Bréto.
Bégaya t-elle, embarrassée.

— Je l’ai croisé il y a quelques minutes dans les couloirs.
— Ah, d’accord…

Et elle se dirigea dans l’autre direction, celle qui menait à la salle d’eau. Ignorant le jeune homme.
Il la suivit, méfiant et trouvant bizarre sa présence dans cette aile du château, et son embarras était étrange. Son odeur aussi.
Elle sentait la sueur et… Bréto.

— Tu…
Devina t-il en marchant à ses côtés.

Il n’avait apparemment rien de mieux à faire.
Elle accéléra le pas, ne souhaitant pas aborder le sujet.
Le visage rouge pivoine.

Un large sourire apparut sur son visage.

— Je vois.
— Tu vois q-quoi…?!
— Mon flair ne me trahit jamais. Tu sens… quelque chose de particulier aujourd’hui… tous les deux… je me disais bien qu’il était particulièrement de bonne humeur quand je l’ai croisé. Vous avez…

Elle se précipita sur lui pour lui couvrir la bouche avec sa main et l’empêcher d’en dire plus.

— N’en dis pas plus ! Tu as bien deviné, maintenant. Chut !

Les oreilles brûlantes, elle attendit qu’il acquiesce de se taire et elle le relâcha.

— Ah… sacré Bréto.
Dit-il, en lui jetant un regard amusé.

Cela ne le choquait pas. C’était une chose courante en ces lieux.
Il n’ajouta rien de plus et il l’accompagna en silence et la laissa à l’entrée de la salle d’eau.
La laissant tranquille.

2020.09.01

Marque [RolePlay]

Cela faisait plusieurs jours qu’elle avait changé, physiquement seulement. Elle était restée la même dans son coeur.

Le comte lui avait ordonnée de rester dans sa suite, pour pouvoir la surveiller.
Ce n’était pas tous les jours qu’il faisait ce qu’il avait fait. Une création.
Il craignait quelque chose. Qu’elle cède à l’appel de son nouveau corps et qu’elle commette quelque chose d’irréparable dans le château. Qu’elle perde le contrôle et que sa soif dévore entièrement son âme, sa conscience.
Il n’avait pas fait cela souvent, mais il savait que c’étaient des risques à ne pas prendre à la légère.

Elle était restée obéissante.
Ce qu’il disait et ses volontés avaient un impact sur elle. Différent d’un simple maître et son employé, elle ressentait une force qui la poussait à obéir.
Elle sentait qu’elle pouvait lui désobéir si elle y mettait assez de volonté, mais ce n’était pas ce qu’elle-même voulait. Elle avait confiance en lui. Il lui avait sauvé la vie.
Alors elle était restée dans cette magnifique chambre.
Il y avait autre chose de nouveau en elle.
Elle avait soif. Pas soif d’eau, mais d’une substance qu’elle ne souhaitait pas revoir ni boire, mais son corps lui rappelait à chaque instant.

Le comte lui avait tendu son poignet, comme la première fois.
Elle menait une bataille contre elle-même pour ne pas accepter cette offre.
Ses mains avaient attrapé son poignet avec une certaine poigne et il la voyait lutter intérieurement. Elle hésitait encore, puis finalement, les larmes aux yeux, elle avait décliné son offre, tournant sa tête dans la direction opposée, sans pour autant lâcher son avant-bras.
Il avait sourit. Un petit rictus.
Cette réaction l’avait surpris et l’avait rassuré sur l’espoir qu’il avait mit en elle, inconsciemment.
Elle se contrôlait. Il était rassuré et ces émotions qu’il avait rarement l’occasion de ressentir, le fit rire.
Il était rassuré qu’il ne doive pas mettre fin à son oeuvre si jamais elle s’abandonnait à ses besoins primaires.
C’était un pari risqué.

Il avait fait en sorte de finir ses tâches urgentes pour pouvoir passer du temps avec elle. Vérifier qu’elle se remette de ses blessures, ce qui fut le cas dès le premier jour, puis de s’assurer de son adaptation à son nouveau corps.
Elle lui posa beaucoup de questions sur le fonctionnement, sur sa soif, sur sa nutrition.

— Je ne peux pas accepter…
Avait-elle répondu à son offre, les yeux humides.

Il lui avait adressée un sourire compatissant.

— Tu dois apprendre quand t’arrêter, le jour où tu t’abreuveras sur quelqu’un. Je me dois de te l’enseigner.

Il s’était tourné pour découvrir sa nuque.

— C’est ici que tu dois enfoncer tes canines.
Il pointa ses artères.

— L’afflux du sang est le plus important à cet endroit. Tu peux décider d’ôter la vie en vidant le corps ou bien t’arrêter avant. Ce qui peut ne pas être évident. Ne t’inquiète pas, je saurais t’arrêter avant que tu ne boives la dernière goutte en moi.
Il sourit, mi-amusé pour la rassurer.

Elle s’était alors approchée de lui, timidement.
Il lui avait attrapé une main pour la tirer vers lui.
Ils étaient tous les deux assis sur le lit, et elle s’était vite retrouvée très près de lui.
Il l’avait assise sur ses genoux, telle une enfant, pour qu’elle soit mieux installée pour accéder à sa nuque.

— N’aie pas peur.
Sa voix était rassurante, encourageante.

Alors elle croqua dans sa chair, juste ses canines s’enfoncèrent dans l’épiderme. Elle se souvint de ce qu’il avait fait, et instinctivement elle avait reproduit le rituel. Percer, se retirer, boire.
Et boire. Le goût enivrant emplit sa bouche et tous ses sens. Elle sentit son coeur battre à toute allure.
Étrange pour quelqu’un qui était censé être mort.
C’était le flux des gorgées qu’elle buvait.
Elle aurait pu continuer sans jamais s’arrêter mais quelque chose en elle la ramena à ses sens.
Elle ne sut pas depuis combien de temps elle était en train de s’abreuver mais elle eut peur. Peur que ce soit déjà trop long. C’était le sang de son maître.
Elle s’arrêta, malgré toute son anatomie qui la poussait à continuer, elle devait s’arrêter. Par respect pour son maître, et pour elle-même.
Elle recula sa mâchoire et lécha les deux petites marques qui se refermèrent aussitôt.

Elle s’était arrêtée avant qu’il ne lui dise.
Il la regarda les yeux écarquillés. Elle se débrouillait à merveille.

— Tu aurais pu continuer encore un moment.
Il la félicita en caressant gentiment le dessus de sa tête.

Ce dont elle n’était pas entièrement consciente, c’était le privilège de boire le sang du comte.
Il était puissant et une partie de l’essence de sa force était contenue dans son sang.
En s’abreuvant de lui, elle s’imprégnait en partie de ses compétences. Ce n’était pas n’importe quel sang.
Elle pouvait ressentir quelque chose de fort, de brûlant en elle, mais elle pensait que ce n’était qu’une réaction normale.
Au bout de plusieurs jours, elle s’habitua et ignora facilement ce besoin de boire.

Il s’était maintenant trop attaché à elle.
Il se devait de la protéger à présent. Elle avait en elle son sang magique et il était trop possessif envers sa propre richesse de pouvoir pour laisser n’importe qui s’en abreuver.
Elle n’en était pas consciente et, elle ne lui avait rien réclamé.

Elle était retournée dans sa chambre et elle avait reprit son travail.
C’était étrange de retourner à l’endroit où elle s’était faite enlever. Si peu de temps s’était écoulé et tout avait changé pour elle.
Elle rangea ce qu’elle put, la pièce avait été laissée en l’état.
Elle remarqua assez rapidement que peu importe combien elle travaillait, elle ne s’épuisait pas.
Elle avait du mal à dormir également parce qu’elle n’en avait plus besoin.

Lorsqu’elle reprit les cours de magie, elle se rendit compte que tout lui paraîssait plus simple. La puissance de ses sorts avait décuplée.
Comme si son nouveau corps était un meilleur catalyseur.
Cependant elle devait tout de même faire attention, l’utilisation de la magie draînait son énergie.

Frekio avait du mal à contenir sa joie lorsqu’il la revit sur pieds. Elle restait la même avec lui mais il sentait qu’elle était différente… elle dégageait une aura différente, puissante, dangereuse.
Elle-même n’en avait pas conscience.
Les servantes et autres employés du château l’avaient également ressenti et ils évitaient de croiser son chemin. Ils la craignaient.
Le comte avait apposé sa patte sur elle, en quelque sorte, il avait laissé un message implicite : quiconque touchait à elle aurait affaire à lui.

2020.09.01

Carrelage [R-18]

Ses muscles saillants, sa carrure imposante.
Malgré son âge, il avait un corps en bonne forme dut à ses entraînements réguliers.
Il lui arrivait d’être parfois un peu bestial.
Profitant de sa corpulence pour surplomber sa femme.

Une journée érintante pour lui. Il n’avait pas vraiment eu le temps de souffler et il n’avait pas vu sa moitié durant son travail. Pas aujourd’hui.
Rentrant chez lui, il l’enlaça de toute sa force et de tout son poids sur le corps de sa bien aimée qui était venue l’accueillir dans l’entrée, après avoir entendu la porte s’ouvrir.

— Tout va bien… ?
S’inquiéta t-elle.

Il la serrait encore dans ses bras, le visage enfouit dans son cou.

— Laisse-moi rester encore un peu ainsi…
Murmura t-il dans le creu de son oreille. Un souffle rauque, tel un soupir.

— Est-ce que tu veux prendre une douche… avant de me raconter ta journée ?
Demanda t-elle, innocemment.

Il ne répondit pas tout de suite.

— Je n’ai pas encore pris la mienne.
Ajouta t-elle.

Il hocha sa tête et se décida enfin à la relâcher pour se diriger d’un pas sûr vers la salle de bain de leur chambre.

Elle esquissa un sourire moqueur et emboîta ses pas.
La maison était calme et les enfants ne semblaient pas être dans les parages. Quand bien même, cela ne les auraient pas dérangé, la demeure était assez grande pour qu’ils ne se marchent pas dessus.
Il s’était déjà déshabillé dans la salle de bain, attendant de mettre en route la douche à l’italienne.
Il y avait également une baignoire mais aujourd’hui il ne l’utiliserait pas.
Elle ferma la porte de leur chambre, au cas où quelqu’un viendrait les chercher, et rejoignit son époux.
Elle ferma la porte de la salle de bain derrière elle.
Même si quelqu’un venait, la personne se douterait qu’ils seraient occupés.
Elle se déshabilla presque aussi vite et passa devant lui pour enclencher l’eau chaude et commencer à se rincer, lui offrant en spectacle son corps presque aussi bien entretenu que le sien, malgré ses plusieurs grossesses. Elle était musclée sans avoir les épaules très larges. Son corps avait quelques marques et cicatrices du passé comme cette balafre sur le flanc droit qui ne partirait sans doute jamais et qui lui rappelait sa condition et sa fragilité.
Cela ne la rendait pas moins belle ni moins désirable aux yeux de son partenaire.
Elle restait une femme avec un certain charisme et avec son charme qu’elle exploitait à cet instant précis.
Elle attrapa un savon et une rose de bain qu’elle frotta sur les différentes parties de son anatomie, tout en lenteur et sensualité, en le regardant ou non dans les yeux.
Il en appréciait chaque seconde et resta figé un instant pour la contempler et savourer ce moment.
Il avait besoin de ça pour décompresser et penser à autre chose. Ses soucis s’étaient envolés provisoirement. Il ne pensait plus qu’à elle.
Il ne la fit pas attendre plus longtemps et se glissa près d’elle.

— Tu veux jouer à ça… ?
Dit-il, en la regardant de haut.

Il lui attrapa la main avec laquelle elle frottait et faisait mousser le savon. Il la collait de son corps nu, même si elle avait levé son visage pour le regarder dans les yeux, elle pouvait deviner et sentir son désir contre son corps et sa chaleur, les battements de son coeur.

— Je ne vois pas de quoi vous parlez, monsieur.
Repondit-elle, avec son sarcasme habituel.

Elle approcha ses lèvres des siennes, mais de la différence de taille, elle dut se mettre sur la pointe des pieds pour pouvoir l’embrasser sans qu’il ait à se baisser. Ce qu’il résultat qu’il l’attrapa par la taille contre lui, pour qu’elle ne glissa pas et ne se blesse pas sur le carrelage.
Elle dégagea doucement son poignet de son emprise pour atteindre le mitigeur et enclencher l’eau qui s’écoula au dessus d’eux et le surprit.

— Commencez donc par vous rincer.
Ajouta t-elle, le sourire aux lèvres.

Il l’aimait pour ça. Elle était la seule personne qui pouvait se permettre de s’adresser à lui de cette manière.
Il grogna pour la forme, maintenant trempé de la tête jusqu’aux pieds. Elle coupa le jet et passa ses mains sur les bras bien fermes de son mari. Avec le savon, d’abord, dans son dos, le bas du dos, puis les ramenant sur son torse, pour descendre plus bas dans son intimité.
Il ferma les yeux et se laissa faire, profitant de se faire savonner de manière assez douce et sensuelle.
Il ne pouvait pas cacher son érection et elle s’appliqua à bien le nettoyer dans tous les recoins.
Le prenant bien en main, elle massa la base comme ses testicules et elle passa ses doigts délicats sur chaque bourse pour ensuite remonter sur la hampe pour finir par le gland. Elle fit ce mouvement plusieurs fois pour s’assurer qu’elle n’avait rien oublié et pour également savourer les râles de plaisir qu’elle entendait de la bouche de son partenaire.
Il était bien doté par la nature, elle devait utiliser ses deux mains pour bien le masser. Elle lui jetait des regards de temps en temps pour revenir sur ce qu’elle faisait, admirant ce qu’elle avait sous ses yeux.
De belles veines bien apparantes traversaient son pénis montrant que son membre était bien irrigé en afflux sanguin.
Elle ne s’attarda pas plus que nécessaire à cet endroit et finit sa tâche en frottant ses cuisses et ses mollets, jusqu’à ses pieds.
Elle se releva pour attraper la rose de bain et le mousser.
Il rouvrit les yeux et prit son visage dans ses grandes mains pour l’embrasser langoureusement.
Ce fut à son tour de lui attraper le visage de ses deux mains qui paraîssaient petites aux côtés des siennes.

— Lavons-nous correctement.
Ordonna t-elle essoufflée. L’envie d’aller plus loin brûlait en elle mais la raison prit le dessus.

Il arbora un large sourire et acquiesça.
Il aimait cette part un peu autoritaire qu’elle avait, souvent raisonnable, plus que lui quant il s’agissait de pulsions à apaiser.
Ce fut son tour d’enclencher le ruissellement de la douche.
Elle poussa un cri de surprise et se mit à rire aux éclats.
Le jet d’eau froid devint rapidement tiède puis chaud à la bonne temperature, elle tourna sur elle-même pour se rincer entièrement, s’arrêtant dos à lui, elle recula pour se coller contre lui, et presser son membre entre ses fesses musclées.
Apres s’être tous les deux débarrassés de la mousse de savon sur leurs corps, il coupa le jet d’eau et attrapa sa femme par les hanches.
D’un mouvement de bassin, il bascula son pénis entre les cuisses de sa compagne, de sorte qu’il frotte sur ses lèvres inférieures et son clitoris.
Elle contracta et resserra ses jambes pour le garder contre sa peau.
Il balada ses mains sur ses abdominaux pour remonter jusqu’en dessous de sa poitrine.
Elle se cambra tout en balançant doucement ses fesses pour masser ce qu’elle maintenait entre et qui commençait tout doucement à être recouvert de sa cyprine.
Il recouvrit la gorge de sa femme de ses paumes pour incliner son visage et l’embrasser sur sa bouche.
Elle posa ses mains sur ses avant-bras, accompagnant son geste tout en le caressant.
Elle finit par se tourner vers lui pour lui faire face.

Elle arborait une toute autre expression maintenant.
Elle en demandait plus, la respiration plus haletante, elle semblait le supplier du regard.
Elle avait posé ses avant-bras sur ses épaules et ses mains jouaient avec les cheveux mi-longs et grisonnants de son compagnon. Elle s’amusait à plonger ses doigts jusqu’à la racine pour ensuite les refermer et tirer doucement dessus, ce qui avait une réaction immédiate. Il souriait et laissait échapper un autre râle de plaisir. Il aimait qu’elle lui rappelle qu’elle était aussi aux commandes.
Il avait dû retirer la partie basse de son anatomie de l’endroit chaud et humide, mais il n’avait pas fini.
Il écarta légèrement ses cuisses douces de sa main gauche pendant que sa main droite caressait sa joue qui s’était lovée dans sa paume.
De ses doigts qui se trouvaient maintenant pas loin de l’intimité de sa partenaire. Il posa cette paume contre son bas ventre, juste en dessous du nombril pour descendre et la carresser progressivement.
Ses doigts frôlèrent son clitoris pour continuer leur chemin. Il créa une ouverture pour promener un seul doigt sur les abords de son vagin.
Difficile de deviner si c’était l’eau ou l’humidité de son jus qui dégoulinait de sa fente. D’après sa pratique et la texture sur son épiderme, il pariait plutôt sur la seconde hypothèse.
Pour s’en assurer, il plongea jusqu’à sa phalange.
Son corps tout entier se crispa et elle se resserra sur son doigt.
Cela l’excitait de la voir réagir ainsi, être à sa merci en cet instant précis. Il lui procurait du plaisir et c’était exaltant.
Il ne s’arrêta pas là, il prit tout son temps pour faire des mouvements de va-et-vient en elle, puis il ajouta un second doigt. Elle ondulait au même rythme pour l’accompagner et accentuer ce bien être.
Ses joues étaient beaucoup plus roses, elle avait également fermé les yeux pour savourer ce délice que son mari lui offrait.

— Ne me laisse pas comme ça… je te veux en moi…
Finit-elle par haleter, rouvrant ses yeux et lui adressant un regard à la fois plein de désir et un peu autoritaire.

Elle arrêta de bouger et d’une main, elle attrapa la sienne pour la sommer de se retirer de là où elle se trouvait. Tout en le regardant dans les yeux.
Elle diminua la distance qui les séparait, ce qui n’était pas grand chose. Elle n’eut à faire qu’un pas pour que leurs corps se touchent et se collent l’un sur l’autre.
Elle l’empoigna de sa main libre.
Bien qu’elle l’ait délaissé pendant quelques minutes, il était encore gorgé d’un peu de sang, et elle le sentit durcir un peu plus fort entre ses doigts, lorsqu’elle le prit en main et qu’elle resserra son étreinte.
Elle avait levé sa tête pour pouvoir observer ses réactions, adaptant ses mouvements à ses expressions.

— Monsieur, je sens que vous êtes très tendu… nous allons nous occuper de ce problème de tension.
Dit-elle avec un sourire narquois, en l’empoignant un peu plus fort.

Elle avait libéré son autre main pour pouvoir masser ses testicules tout en le masturbant.
Elle pouvait sentir son liquide pré-séminal suinter de son urètre et recouvrir ses doigts d’une fine couche mi-gluante mi-fluide.

— Je veux bien voir ça… madame.
Repondit-il, avec le même sourire.

Il ceuillit le visage de sa femme de ses deux mains pour l’embrasser à nouveau. Leurs langues se caressaient et tournoyaient l’une sur l’autre.
Elle n’avait qu’une envie : s’empaler sur son membre, ce qui ne tarda pas.
Elle se colla encore plus fort contre son torse, sa poitrine s’écrasant sur ses pectoraux.
Elle inclina ce qu’elle tenait dans sa main pour l’enfourcher. Progressivement et lentement.
Savourant chaque millimètre et centimètre qui s’enfonçait et pénétrait en elle.

Dur de savoir qui désirait et attendait le plus ce moment.
Elle lâcha un soupir et il grogna et contracta ses muscles, elle ressentit sa poigne se resserrer sur elle.

— Accroche-toi.
Ordonna t-il, dans un râle.

Elle obéit immédiatement, passant ses bras autour de son cou.
Il la souleva et attrapa ses jambes.
Il plaqua le dos de sa compagne sur le mur carrelé de la douche pour avoir un point d’appui, ce qui la fit pousser un cri.
La surface froide la surprit et ils rirent tous les deux, ce qui ne dura pas longtemps.
Il donna un coup de hanche bref qui la rappela à l’ordre et à ce qu’ils faisaient.
Le gland de son pénis venait de taper dans le fond de son vagin ce qui la fit étouffer un gémissement.

Elle le laissa mener la danse.
Elle était à sa merci, de bonne volonté. Il semblait prendre son pied et c’était également agréable pour elle. Ils avaient une bonne insonorisation mais il ne fallait pas non plus abuser, elle fermait la bouche et se mordillait la lèvre pour éviter d’être trop bruyante.
Il avait une magnifique vue sur la pénétration et cela l’excitait encore plus.
Au bout de plusieurs longues minutes, elle lui suggéra de changer de position, en arrêtant son mouvement de hanche. Ils se connaissaient et lorsqu’elle changea d’attitude, il ralentit aussitôt sa cadence pour la poser délicatement, les pieds au sol.
Elle l’embrassa pour le remercier, juste au coin de ses lèvres, pour le titiller.
Et elle se retourna pour cette fois lui faire dos, et poser ses mains en appui sur le mur encore tiède grâce à son dos.
Il massa les flancs de sa femme avec ses grandes mains pour finir par lui empoigner les hanches et la positionner dans le bon angle, remontant un tout petit ses fesses, il fit entrer une nouvelle fois son membre en elle.
Cette fois-ci, elle était plus à l’aise pour contrôler la situation et elle contracta ses muscles fessiers et son périnée pour masser et serrer l’engin de son époux tout le long de sa visite intérieure.
Tout en douceur et en lenteur en premier lieu, puis elle y mit plus d’entrain, son fessier rencontrant les hanches de son partenaire de manière plus rapide et avec plus de force.
Il accorda son rythme pour que son membre atteigne bien le fond, à chaque coup de reins.
Les sensations le faisaient frissonner, tel un courant électrique parcourant son corps entier. C’était un délice, un supplice.

— Laisse-moi guider…
Souffla t-elle, après plusieurs minutes d’effort intense.

Il s’exécuta aussitôt, lâchant ses hanches pour rediriger ses mains et ses doigts vers sa poitrine et leurs sommets.
Elle gémit aux caresses qu’il effectuait sur ses mamelons, et il la sentit se resserer en bas, pendant qu’il était encore en elle, bien au chaud.
Il grogna en réponse, ce qui la fit échapper un doux son gourmant.
Elle ondulait et bougeait du bassin pour bien le masser avec ses paroies vaginales, ce qui était loin d’être désagréable pour elle.
Elle continua cet exercice pendant un moment, cherchant l’angle adéquat et le plus agréable pour elle.
Lorsqu’elle le trouva, elle sentit l’orgasme monter en elle. Cette succulente sensation l’envahit progressivement dans le bas ventre pour se libérer et elle sentit les spasmes incontrôlés de son périnée se resserrer autour de lui.
Il laissa échapper un soupir satisfait et ses mains rescendirent vers ses hanches tout en la caressant pour l’empoigner une nouvelle fois et ce fut à son tour de la dominer.
Cela ne dura pas très longtemps, il lui donna quelques coups de reins bien énergiques, et le dernier resta emboité en elle, bien au fond et il éjacula à l’intérieur, laissant sa semence l’envahir et la remplir.

Ils restèrent ainsi sans bouger pendant un court instant, reprenant leur souffle et le temps de reprendre leurs esprits. Il se retira le premier, encore à moitié dur. Son pénis était recouvert de mouille mélangé au sperme. Lorsqu’il se retira, le reste du liquide qu’il avait déposé dans sa femme coula de la fente bien gorgée de sang, pour dégouliner sur le sol de la douche et une partie trouva son chemin le long de sa jambe.

Elle se retourna pour lui faire face et l’enlacer en passant ses bras autour de son cou, collant à nouveau son corps et sa poitrine contre son torse.
Elle passa ses doigts dans ses cheveux et l’embrassa sur son cou et ses clavicules, ce qu’elle avait à portée de bouche sans se mettre sur la pointe des pieds.
Il l’embrassa sur le front et empoigna ses fesses, souriant.

— On est bon pour se relaver.
Dit-il, savourant l’instant de plénitude.

La seconde douche fut beaucoup plus rapide et ils eut fini en un rien de temps.
Elle se séchait les cheveux avec une serviette qu’elle frottait consciencieusement sur sa crinière, tout en penchant légèrement sa tête sur le côté.
Elle sortit de la salle de bain en laissant la porte ouverte pour aérer la pièce, ouvrant l’armoire dans la chambre pour choisir une culotte et un haut léger.
Il ramassa les vêtements sales au sol pour les mettre dans un bac à linge sale non loin, et la rejoint pour enfiler un boxer et un T-shirt moulant.
Au vu de sa carrure, très peu de haut ne lui moulait pas les muscles.
Elle posa sa serviette de cheveux sur un oreiller du lit et s’allongea dessus pour éviter de tremper les draps autour d’elle.

— Il nous reste un peu de temps…
Dit-elle, en soupirant et en lui jetant un regard.

Elle tapota à ses côtés pour qu’il vienne la rejoindre.
Il ne se fit pas prier.

— Pour un second round… ?
Demanda t-il avec un sourire narquois.

Elle lui donna une petite tape pour le rappeler à l’ordre.

— Pour que tu me racontes ta journée, gros bêta !

Il s’allongea sur le dos et elle se lova sur son torse.
Il lui raconta alors ses déboires de la journée.

Fatiguée de sa journée et bercée par la voix rauque et sensuelle de son mari, elle ferma les yeux et s’endormit.
Il la sentit partir au pays des songes, ses muscles se contracter et sa tête s’alourdir dans ses bras.
Il sourit, attendrit par son petit bout de femme.
Elle s’était offerte à lui pour lui changer les idées et il ne l’avait pas ménagée.
Il l’embrassa sur le haut de sa tête, sa chevelure cuivrée avait quelques fils d’argent qui la parsemaient.
Et il s’écarta pour la laisser dans le lit.
Cela la réveilla à peine, elle exprima son mécontentement lorsqu’il partit mais elle était dans un sommeil trop profond et trop agréable pour ouvrir les yeux. Elle resombra aussitôt.

— Repose-toi, je m’occupe du reste.
Lui murmura t-il. Caressant ses doux cheveux au passage.

— Hm… réveille-moi…
Répondit-elle, sans réussir à finir sa phrase, elle tendit la main vers lui sans arriver à l’attraper.

Il tira une petite couverture pour la recouvrir, et prit soin de refermer la porte de la chambre derrière lui lorsqu’il se rendit dans la salle.
Sa mauvaise humeur était passée et il se sentait d’attaque pour commencer à préparer le repas.
Il s’étira, les bras puis les doigts et se dirigea vers la cuisine.

Chris ne tarda pas à rentrer.
Il sentit la bonne odeur de nourriture dès qu’il mit les pieds dans l’entrée.
Voyant Gabriel seul, il s’enquit de leur femme.

— Alexandra n’est pas encore rentrée ?
Demanda t-il, tout en se déchaussant et retirant son manteau.

— Si, elle dort dans la chambre.
Repondit-il, en ne quittant pas des yeux sa préparation.

Il rangea ses affaires et passa voir de plus près ce que préparait son ami.

— Ça sent super bon ce que tu fais là… contrairement à moi…
Dit-il, en penchant légèrement sa tête au dessus de ses aisselles et faisant une grimace de dégout.

— Elle voulait que je la réveille mais elle a l’air d’avoir besoin de sommeil. Tu peux passer voir si elle dort encore si tu prends des affaires propres.
Il se retourna pour s’adresser à Chris, tout en continuant à mélanger et surveiller ce qu’il avait dans sa poêle d’un autre oeil.

Il ouvrit la porte tout en douceur et il la referma avec autant d’attention.
Elle était recroquevillée en boule dans la petite couverture et dormait comme un bébé, la bouche entrouverte, elle bavait à moitié sur la serviette qui était restée sous sa tête.
Il pouffa de rire, et se retint de faire plus de bruits en posant son poing devant sa bouche.
Effectivement, elle semblait avoir besoin de récupérer.

Il sortit de la chambre en emportant avec lui un change propre. Refermant lentement la porte derrière lui et marchant à pas feutrés.

— Elle dort encore, je n’ai pas osé la réveiller. J’emprunte la salle de bain des enfants.
Dit-il en traversant le salon, passant derrière Gabriel et se dirigeant vers la salle de bain au fond du couloir.

Il se déshabilla de ses vêtements imprégnés de sa sueur. Il retira l’élastique qui maintenait ses longs cheveux noirs et raides en queue de cheval.
Il pénétra dans la douche, et fit couler l’eau du pommeau sur sa peau ambrée.
Il n’était pas aussi imposant que Gabriel, mais il était grand et même si ses épaules étaient moins larges et ses muscles moins gonflés. Il était bien entretenu par son activité professionnelle et il avait un corps bien sculpté.

Il fut vite propre et habillé. Les cheveux lâchés et encore mouillés, il sortit avec une petite serviette autour du cou.

— Toujours pas réveillée ?
Demanda t-il en se séchant les pointes des cheveux.

Il avait enfilé un simple T-shirt et un pantalon en lin resserré à la taille, pour être à l’aise dans des vêtements confortables après sa journée.
Gabriel avait pratiquement fini de préparer le repas, il recouvra les poêles et casseroles pour réserver les plats et baissa la puissance de la plaque chauffante pour juste conserver la chaleur.

— Apparemment non, tu veux y aller ? Je vais envoyer un message aux enfants pour savoir s’ils rentrent pour le dîner…

Chris n’eut pas besoin de répondre, il se dirigea de nouveau dans leur chambre.
Elle était dans la même position qu’il l’avait laissée.

Il la réveilla en douceur. Il grimpa sur le lit à quatre pattes pour la surplomber.
Son poids sur le matelas la fit emmerger lentement de son sommeil.
Elle s’étira doucement, s’enfonçant sous le plaid pour se cacher.

— Bien dormi ?
— Trop… j’avais dit à Gabriel de me réveiller… il est quelle heure ?
— Bientôt l’heure de dîner.

Son visage était maintenant juste au dessus de celui d’Alexandra et il l’embrassa sur la commissure de ses lèvres.
Elle le regarda fixement, sans rien dire.

— Qu’est ce qu’il y a ?
Demanda t-il avec le sourire.

— Rien. J’adore quand tu as les cheveux lâchés, c’est tout.
Repondit-elle, en attrapant entre ses doigts quelques mèches et jouant avec ses pointes.

Elle lui rendit son sourire.

2020.07.14

Absorber [RolePlay]

Son geste était un paliatif pour qu’elle survive mais elle allait ressentir le besoin à nouveau de boire.
Boire de cette substance étrange mais délicieuse. Son corps allait se retrouver en manque. C’était inévitable.
Pour l’instant, elle dormait à poings fermés sur un lit qui n’était pas le sien. La soif ne se faisait pas encore ressentir et elle ignorait tout cela.
Il lui restait encore un peu de sang humain, mélangé à celui du comte.
C’est ce qui lui restait d’humanité, et que le comte lui débarrasserait bientôt pour qu’elle ne ressente plus ce manque et cette soif.
Qu’elle fasse partie entière de cette nouvelle vie qui lui était offerte.

Elle s’était roulée en boule, elle sortait d’un bon bain chaud mais son corps était en train de refroidir et elle n’avait qu’une chemise trop grande en guise d’habit.
Recroquevillée ainsi, elle avait tout de même réussit à s’endormir et bien profondément pour ne pas entendre la personne qui s’était assise à ses côtés, et qui l’observait maintenant en silence.
Les cheveux longs éparpillés derrière elle, sur les draps du lit. Elle n’avait pas osé le défaire et se glisser dedans. Après tout, c’était la chambre de son maître.
Sa main effleura ses longs cheveux noirs et les porta vers son visage pour les humer.
Elle semblait perdue dans ses songes, elle continua à dormir.
Il caressa du dos de sa main son visage.
Elle fit la moue, et frissonna au contact un peu plus frais. Elle ouvrit les yeux d’un seul coup et se réveilla aussitôt, elle se tint sur la défensive, observant la personne devant ses yeux, apeurée.
La crainte se lisait sur son visage puis la gêne, elle était confuse de s’être endormie alors qu’elle avait reçu l’ordre de l’attendre.
Il retira sa main sur le champ. Observant cette humaine à moitié sauvage. Mi-amusé par sa réaction.

Son coeur battait à toute allure, elle avait peut-être fait un mauvais rêve, le réveil avait été trop abrupt pour qu’elle s’en souvienne, mais elle avait eu peur qu’on lui fasse du mal. Encore une fois.
Pourtant elle savait qu’elle ne devait pas craindre dans ces lieux. Même si les derniers évènements lui avait prouvé le contraire. Elle était normalement en sécurité ici. Accoudée et à moitie relevée, elle observait son maître et ne savait pas quels mots formuler en priorité pour s’excuser de son manque de manières.
Elle ouvrit la bouche mais ainsi crispée, elle oublia qu’elle était blessée mais son corps le lui rappela.
La douleur vive sur son flanc la fit refermer ses lèvres et elle grimaça, étouffant un grognement.
L’inquiétude apparut sur le visage du comte.
Il la força à se rallonger, doucement.

— Allonge-toi. Ne cherche pas à te relever. Les plaies ne sont pas entièrement cicatrisées.

Ses mains accompagnèrent ses épaules jusqu’au lit.
Elle se laissa faire, la douleur la paralysa mais elle essaya de ne pas le montrer.
Il écarta ses cheveux une nouvelle fois pour observer les bandages sur son cou.
Elle fermait les yeux, la tête légèrement en arrière, elle essayait de se concentrer sur autre chose pour que la douleur s’estompe.
Pourquoi avait-elle mal maintenant. Elle se sentait mieux quelques instants auparavant.
Autre chose se fit ressentir.
Sa gorge sèche. Elle avait soif.
Cette soif étrange, puissante, qui la pressait de boire le sang qui coulait dans les veines de la personne dans la même pièce qu’elle.
Ce n’était pas normal. Rien que l’odeur de cette personne lui était aléchante.
Elle se contrôla du mieux qu’elle put pour réfréner cette envie irraisonnable.
Elle ne savait plus ce qui était le plus douloureux. Sa gorge sèche qui semblait réclamer la boisson interdite, ou ses plaies qu’elle avait fini par rouvrir.

D’ailleurs.
Elle aurait dû mourir. Elle avait perdu beaucoup trop de sang dans la forêt. Pourquoi et comment était-elle encore en vie.
Le comte lui avait fait boire son sang. Cela l’avait guérie mais pas complètement.
C’était maintenant sa tête qui commençait à lui faire mal.

Comme s’il comprenait ce qui lui arrivait.
Il resta silencieux et l’observa, attendant le bon moment pour agir.

— Je vais retirer le bandage sur ton cou.

Elle l’avait entendu. Sa voix semblait lointaine mais elle l’avait clairement entendu. Elle n’avait pas la force de lui répondre alors elle hocha brièvement sa tête.
Elle n’avait pas le choix et elle avait l’esprit occuppé par autre chose.

Il posa ses deux mains de part et d’autre de son cou, et de ses longs doigts froids, il retira le bandage méticuleusement, doucement, pour laisser la plaie en cours de cicatrisation à l’air libre.
Le bandage était légèrement taché de sang séché.
Il se pencha pour regarder l’état du cou du côté droit.
Intact. Seul le côté gauche avait été touché.
La blessure n’était pas belle.
Il ne broncha pas mais il savait que ce n’était pas commun. On pouvait deviner la chair à vif et bien lacérée, la profondeur des griffes qui l’avaient pénétrée et découpée.
Heureusement qu’il avait pu aider à la guérison partielle, mais il n’avait pas fini.

Il aurait pu laisser cette humaine dans cet état.
La laisser guérir presque normalement.
La laisser dans cette soif perpétuelle de lui. Esclave de sa personne.
Il ne le souhaitait pas. Il la souhaitait maîtresse d’elle-même.
Elle avait fait le choix de « vivre » avec les conséquences que ça impliquait, et il allait finir ce qu’il avait commencé. Il ne fallait pas attendre.

— Je vais te soulager.

Quelque chose dans sa voix laissait entendre qu’il aurait préféré une autre solution, mais il était trop tard et il savait qu’il n’avait pas eu tellement le choix, entre la laisser mourir ou la « sauver ».

Il se pencha sur elle.
Elle ouvrit les yeux. Sentant sa présence se rapprocher.
Elle aurait voulu lui hurler de s’éloigner, que quelque chose en elle allait lui faire du mal s’il s’approchait tant.
Elle ne réussit pas à le formuler. Luttant intérieurement.
Elle n’eut pas le temps.

— Pardonne-moi…
Murmura t-il, dans un souffle, avant de plonger dans le creux de son épaule droit.

Il hésita un instant. Sa bouche déjà grande ouverte, ses crocs frôlaient l’épiderme encore tiède de l’humaine. Sa respiration caressait sa peau.
Cela ne dura qu’un court instant.
Celui d’après, il avait enfoncé ses canines aiguisées dans sa chair.
Il l’avait fait de manière vive et rapide pour lui épargner cette douleur.
Il avait retiré aussitôt ses crocs pour s’abreuver de l’essence de sa vie.

Elle avait rouvert les yeux de surprise.
Elle avait senti quelque chose lui pénétrer dans le cou.
Une douleur vive aussitôt partie.
Et elle ressentit la chaleur en elle s’échapper par cette brèche.
Le comte était si près d’elle.
Elle comprit qu’il était en train de boire son sang.
Étrangement, cette soif criarde qu’elle avait, s’estompa pour disparaître.
Elle se sentait légère, anesthésiée, enveloppée dans un nuage de bien-être.
Si c’était ainsi qu’elle devait mourir, elle l’acceptait. Elle était prête à l’accepter.
Apaisée, elle referma les yeux et elle se laissa aller.

Il s’arrêta.
Léchant avant de se retirer, les deux petites ouvertures qu’il avait faites dans la chair, se refermèrent, comme si elles n’avaient jamais existées.
Il se lécha les babines, effaçant les dernières traces de son geste.
Elle était pâle. Beaucoup plus pâle que d’habitude et elle ne bougeait plus.
Il ne s’inquiéta pas. Il savait qu’il s’était arrêté à temps.
Enivré encore par ce qu’il venait d’absorber, il s’éloigna du lit, marchant en titubant jusqu’à son bureau.
Il s’appuya dessus et tenta de reprendre ses esprits.
Cela faisait un moment qu’il ne s’était pas abreuvé à la source, sur un humain.
Il en avait oublié la saveur et toute cette richesse de goût.
Il devait se reprendre et calmer la bête en lui.
S’il ne se contrôlait pas, peut-être qu’il aurait dévoré cette pauvre femme toute entière.

Elle avait encore conscience d’être sur le lit.
Elle n’avait plus froid, mais elle n’avait pas chaud.
Son corps ne tremblait plus.
Elle n’avait plus mal.
Elle sentait une légère gêne, qui était en train de s’estomper peu à peu.
Elle rouvrit les yeux.
Était-elle encore en vie ?
Elle reprit sa respiration. D’une grande inspiration.
Avait-elle oublié de respirer pendant tout ce temps ?
Combien de temps s’était-il écoulé ?
Était-elle devenue un fantôme ?

Il revint à ses côtés.
Il s’assit sur le lit.

— Je vais retirer les bandages. Tu n’en auras bientôt plus besoin.

Elle se laissa faire.
Elle était nue sous la chemise mais elle ne se sentit pas gênée lorsqu’il la déboutonna pour atteindre les bandelettes et les retirer délicatement.
Ses doigts sur sa peau n’étaient plus froid au contact, mais d’une grande douceur.
Elle observa l’état de son flanc, il était en train de se regénérer sous ses yeux.
Il ne restait plus qu’une fine cicatrice qui finit par également disparaître.
Ses anciennes blessures et ses hématomes avaient également disparus.
Elle se demanda si elle rêvait.
Elle tenta de se relever.
Il l’en empêcha d’un seul geste qui la cloua de nouveau au fond du lit.

— Il va falloir t’habituer à ce nouveau corps. Tu fais maintenant partie de la même race que moi. Tu n’es plus humaine, mais il existe des règles à respecter ici. Si tu as des questions, n’hésite pas à venir me voir. C’est cette conséquence qui découle de ton choix de continuer à vivre. Est-ce que cela te convient ?

Elle hocha la tête, lentement, sans vraiment comprendre le sens de ses paroles, et en essayant de digérer toutes ces informations.

2020.08.06

Baignoire [RolePlay]

Elle aurait voulu s’exprimer et briser ce silence.
Elle était portée comme une enfant et elle n’avait pas eu son mot à dire.
Elle se sentait capable de marcher. Elle avait récupéré ses forces, par un tour de magie, elle n’y avait pas vraiment réfléchi, mais elle se sentait mieux.

— Je peux march—
Elle prit son courage à deux mains pour prononcer ces quelques mots.

Quelque chose se passa.
Les flammes intérieures qui la réchauffaient auparavant venaient de s’éteindre, son corps reprenait une température normale, petit à petit.
Quelque chose clochait.
Tout devint noir, d’un coup.
Elle perdit connaissance, dans les bras du comte, tout son corps se relâcha en une seconde et elle était maintenant calée contre son torse.
Alors que son corps recouvrait progressivement sa chaleur d’antan, la température en elle continua à baisser.
Elle était dans le noir, mais elle se sentait en sécurité.
Cependant elle avait froid, de plus en plus froid. La chaleur vive avait fait place à une fraîcheur glaciale.
Malgré la cape épaisse dans laquelle elle était enveloppée, elle tremblait maintenant.

Il n’était pas perturbé, ni même lorsqu’elle commença à parler. Il savait ce qui allait se passer, c’est pour cela qu’il l’avait portée sans même demander son avis.
Il resta imperturbable jusqu’au retour dans l’enceinte du château. Ils passèrent par une porte dérobée pour ne pas attirer l’attention.
Son homme de main retourna à son poste après avoir reçu l’ordre de prévenir le maître majordome de la situation.
Pendant ce temps là, il se dirigea directement dans ses quartiers. Empruntant des escaliers peu fréquentés, il ne souhaitait pas spécialement attirer l’attention sur eux.

Il réflechissait. Elle était blessée, son sang avait séché sur sa peau et ses vêtements. Elle était sale.
Il interpella quelques servantes et leur tendit le corps.

— Qu’elle soit propre et ses blessures pansées. Elle m’attendra dans mes quartiers.

Les domestiques ne bronchèrent pas. Elles n’auraient pas osé. Celle qui porta le corps le fit avec une grande aisance, même si sa corpulence était des plus normales et n’aurait pas laissé croire qu’elle puisse soulever un corps aussi facilement.
Elles s’inclinèrent et prirent congé.
Malgré leur rigueur en face du maître, elles n’en pensaient pas moins. Il était déjà plus qu’étrange que la nouvelle employée se trouve dans cet état.
Elles s’échangèrent des regards emplis de questions sans les formuler.
Elles ne pouvaient pas se rendre à la salle d’eau publique pour accomplir leur tâche.
Elles se dirigèrent vers la suite du comte.
Il n’avait rien dit de plus, mais c’était leur devoir de savoir quoi faire et où.

Arrivées dans les lieux, elles prirent soin de fermer la porte derrière elles et emmenèrent l’humaine dans la salle de bain.
Pendant que l’une la maintenait presque debout, une autre détachait la cape, qu’elles avaient reconnu au premier regard, celle du comte. Elles prirent soin de l’examiner et de la mettre de côté pour la nettoyer si besoin.
Sur leur visage, aucune expression, mais un silence froid se fit lorsqu’elles découvrirent l’état de la chemise.
Elles avaient senti l’odeur du sang particulier, celle d’un humain. Elles n’étaient pas les seules à l’avoir remarqué. Mais elles ne s’attendaient pas à un tel spectacle. Leurs questions n’auraient certainement pas de réponses et elles savaient qu’elles n’en diraient rien au maître.
Un frisson leur parcourut tout de même le dos. Était-ce leur maître qui avait fait cela à la nouvelle recrue ?
Elles n’avaient pas le temps de tergiverser.
Elles retirèrent la chemise, ou plutôt ce qu’il en restait.
Elles savaient que cette chemise faisait partie de la garde robe de leur maître.
Une partie manquait.
La jeune fille était encore inconsciente.
L’eau était en train de couler dans la baignoire.
La température de l’eau fut vérifiée et elles plongèrent progressivement le corps dans la cuve.

La chaleur du liquide dans lequel elle fut plongée la fit émerger.
Elle sentait son corps se faire manipuler sans pouvoir rien faire mais elle réussit à reprendre ses esprits lorsqu’elle fut allongée dans cette baignoire.
Le monde tournait encore autour d’elle mais elle lutta pour retrouver ses esprits.
Des servantes étaient autour d’elle et étaient en train de s’occuper d’elle, sans un mot.
Vérifiant le niveau de l’eau, nettoyant ses plaies, et les moindres recoins de son corps, et même ses cheveux.
Elle se laissa faire, elle n’avait pas vraiment le choix.
Ses forces n’étaient pas entièrement revenues et elle était spectatrice de ce bal de domestiques qui avait lieu autour d’elle.
C’était nouveau et étrange qu’on prenne ainsi soin d’elle et elle aurait pu être mal à l’aise de se retrouver ainsi nue devant des inconnues, mais leurs gestes étaient si froids, précis. Elles faisaient leur travail sans aucun jugement et elles ne s’attardaient pas plus sur ce corps.
C’était un corps comme un autre, à quelques détails près. Mis à part les blessures récentes et fraîches, il était parsemé de quelques vieilles cicatrices et des hématomes estompés. De plus, ce corps était extrêment fin et maigre. On pouvait deviner facilement le squelette de l’humaine tant sa peau en dessinait les contours.
Elle ferma les yeux et profita de ce petit moment de détente pour laisser son esprit vagabonder.
Ses plaies étaient un peu douloureuses et les domestiques prirent soin de bien les laver.

Sortie du bain. Une domestique s’occupa de vider la baignoire tandis qu’une autre était allée chercher une trousse de soin pour appliquer des bandages sur le cou et les flancs.
La troisième était allée dans la pièce d’à côté pour chercher une tenue. Elle revint avec une autre chemise du comte.

— Il sera plus simple de changer les bandages avec cette tenue.
Expliqua t-elle à ses collègues, elle s’échangèrent un hochement de tête approbateur et le silence revint.

La chemise était similaire à celle qu’elle avait sali.
Peut-être un peu plus ample et grande, les manches étaient bouffantes.
Après avoir remis la salle de bain dans son état d’origine, elles se dirigèrent dans la chambre, elle les suivit.
Puis elles s’en allèrent vers la porte de sortie.

— Attendez le comte ici.
S’exprima une des servantes, avant de refermer la porte derrière elle.

La porte venait de se refermer sous son nez et elle était au milieu de cette chambre, seule.
Elles étaient reparties avec le manteau du comte, certainement pour le laver.
Son ancienne chemise était posée et pliée sur le rebord de son bureau.
Elle ne savait pas combien de temps elle allait devoir attendre mais elle eut le loisir de contempler les moindres détails de cette pièce.
Jusqu’à ce qu’elle se rappelle qu’elle était encore faiblarde. Elle s’assit sur le lit et, la fatigue revint, elle se mit en boule et s’endormit dans un tourbillon de questions.

Que c’était-il passé ?
Elle avait bu le sang du comte.
Est-ce que le garde allait bien ?
Qu’était devenue l’ennemie ?
Qu’allait-elle devenir ?
Est-ce qu’elle allait être punie ? Avait-elle mal agi ?
Pourquoi était-elle encore en vie ?
Il avait parlé de conséquences, qu’elles étaient-elles ?

*

Il avait dû donner des ordres sur le corps de l’ennemie dans la forêt. Il fallait faire le ménage.
Son maître majordome vint également aux nouvelles, convoqué dans son bureau.
Il avait encore le pan de sa chemise ensanglanté dans sa main.
Il s’occupa des affaires urgentes et une des servantes qu’il avait commandé plus tôt, frappa à la porte de son bureau.
Elle venait le prévenir que leur tâche était accomplie.
Il les congédia.

Ce fut le tour de son homme de main de frapper et entrer.
Il lui devait des explications.
Il posa un genoux à terre et la tête baissée il attendait le feu vert pour parler.

— Je t’écoute.

Il était un peu irrité et il se tint debout, devant son bureau, après avoir glissé le tissu dans un tiroir.
Son employé lui expliqua alors les évènements.

— Mes plus sincères excuses d’avoir failli—
— N’en dis pas plus. Cela aurait été fort regrettable de te perdre dans cette situation. Tu as fait ce que tu pouvais. Je ne t’en tiens pas rigueur.

— Comment… va t-elle ?
Osa t-il demander.

— Elle se repose dans mes quartiers. Tu n’as pas à t’en faire.

Il put prendre congé et le maître des lieux s’occupa d’autres affaires sur le feu avant de lui-même quitter son bureau pour se rendre dans sa suite et s’enquérir de l’état de sa protégée.

Elle était roulée en boule sur la couverture épaisse du lit. Elle se réchauffait peu à peu, propre de la tête jusqu’aux pieds, elle n’avait jamais été aussi propre auparavant.
Elle s’était assoupie, se sentant encore un peu faible.
C’était un sommeil profond, elle n’entendit pas la porte s’ouvrir et quelqu’un approcher.

Il la vit sur son lit et cette vision le fit sourire, malgré lui.
Elle aurait fait une proie de choix.
La tension de cette matinée avait été à son comble et il était maintenant rassuré qu’elle soit enfin en sécurité.
Son sourire s’effaça lorsqu’il vit le bandage à son cou.
Cela lui rappela son geste irréparable.
Elle était en train de perdre son humanité. Il lui en restait encore un peu, mais cela n’allait pas durer.
Il l’avait sauvée parce qu’elle souhaitait vivre, mais à quel prix. Il avait commencé et il devait maintenant finir.

2020.07.26

Plage

Elle s’était assoupie sur le banc du train.
La fatigue accumulée de son travail et des préparatifs, même minimes.
Ils avaient souhaité organiser des vacances en famille. Pour une fois, tous ensemble.
Destination : la plage.
Chacun avait son sac à dos avec le minimum comme le maillot de bain et des serviettes de plage, de quoi construire des châteaux de sable pour certains.
Et ils avaient décidé d’y aller en train.
C’était une plage pas très fréquentée ni populaire, la voiture était vide, ils étaient seuls et cela leur convenait.
Il était encore tôt dans la matinée et ils voulaient profiter de la journée entière.

Le trajet était long.
À ses côtés, Hélène et Cean s’étaient endormis sur les épaules de leur mère.
Alain était assis à côté de son père, contemplant le paysage qui défilait par la fenêtre.
Aurore était assise sur les genoux de son père et commençait à piquer du nez, alors qu’elle imitait son frère.

2020.07.14

Soif [RolePlay]

Elle avait les mains libres mais celles-ci étaient le long de son corps, les poings serrés. Elle n’osait pas bouger.
L’être hostile qui la maintenait immobile entre ses pattes, avait les griffes sorties dirigées et aposées sur son cou, et sur ses hanches.
Sa respiration, sa transpiration, les battements de son coeur, rien ne passait inaperçu au museau de cette créature mi-féline et mi-humaine.
Cette bête imprégnée d’une certaine rage, semblait s’amuser de cette situation.
Sa proie était à sa merci et l’autre personnage venu tenter de sauver cette pauvre humaine, n’était pas en position de force.
Il était à genoux, ses armes avaient été jetées à terre et hors de sa portée. Il attendait.

Elle réfléchissait à une solution pour se débarasser de ce gêneur et enfin pouvoir partir et mettre en exécution son plan de vengeance.
Il lui aurait été facile d’égorger et déchiqueter l’humaine entre ses griffes, mais cette alternative était trop simple et trop courte à ses yeux pour en savourer pleinement la satisfaction de lire le désespoir dans les pupilles de celui qui était important.
Non, elle devait se débarasser de ce serviteur tout en gardant le contrôle du pion inutile.
Tout aussi insignifiant que l’humaine pouvait être, cela ne l’empêchait pas d’être un risque non négligeable de faire échouer son projet.

Ils ne savaient pas la nature de son plan.
Ils avaient aucune idée de ses motivations, ni que le statut vivant de l’humaine était important.
Par contre, elle savait que sa vie mettait en danger celle de son ami et collègue, et cela l’insupportait.
Elle servait d’objet de chantage et elle se sentait obligée de faire quelque chose pour mettre fin au frein qu’il avait pour agir selon sa volonté.

— Faites ce que vous voulez de moi, mais laissez-la partir.
Avait-il dit, après avoir jeté son arme hors de portée, les mains encore en l’air pour montrer qu’il se rendait. Il n’avait pu se résoudre à ôter sa propre vie en échange de cette de la jeune femme.

Elle réfléchissait à une échappatoire.
Que pouvait-elle faire pour aider son collègue tout en assurant sa sécurité ?
Elle s’agitait, les poings serrés, elle songeait à utiliser ses connaissances encore maigres en magie pour se défendre et se dégager de cette position d’otage.
L’ennemie s’en rendit compte et resserra sa patte autour de la hanche, enfonçant légèrement ses griffe acérées dans le vêtement et la chair.
Elle grimaça. Les pointes de griffes en crochet étaient bien aiguisées et froides.
Celles sur sa gorge entaillèrent la couche fine de son épiderme. La faisant saigner un peu.
C’était censé la dissuader de faire quoi que ce soit mais cela eut l’effet inverse.
Elle avait peur d’avoir mal et de mourir ici, mais la douleur des griffes avait énormément diminué cette crainte.
Ce qu’elle craignait plus encore, c’était qu’il meure à cause d’elle. Cette éventualité lui était insupportable.

Elle prit une inspiration aussi grande que petite, et décida de se dégager des griffes.
Elle remonta ses bras pour protéger sa gorge, et serra les dents tout en se débattant pour courir vers lui.
Contre toute attente, l’ennemie paniqua et desserra son étreinte, craignant peut-être de la blesser gravement, ce qui était assez étrange.
Pas assez vite, ne sachant pas ce qui était en train de se passer, ses griffes coupantes arrachèrent la chemise blanche au niveau de la hanche, à cause du mouvement vers l’avant de l’humaine. La chair souple qui se trouvait en dessous se creusa sous la patte, et laissa échapper un coulis épais rouge.
Elle réussit à limiter les dégâts sur le cou, mais une entaille fit son apparition, assez profonde pour que le sang coule à flots mais pas assez pour mettre sa vie en danger, dans l’immédiat.
La prisonnière trébucha après quelques pas, la douleur la surprit et elle s’écroula devant son supposé sauveur.

— Ne te préoccupe pas de moi. Fais ce que tu dois faire.
Souffla t-elle, à terre.

Il avait écarquille les yeux, sautant sur l’ouverture et l’occasion créée, n’hésitant pas une seconde de plus.
Elle s’était sacrifiée pour le débloquer de cette situation et il ne devait pas la gâcher.

— Qu’est-ce que—

La mi-féline ne comprenait pas ce qu’il venait de se passer. Elle n’aurait jamais imaginé que cette fille se débattrait jusqu’à se blesser elle-même.
Elle n’eut pas le temps de retomber sur ses pattes, la situation lui avait échappée.

Il bondit sur elle après avoir récupéré son arme. En une fraction de seconde, il lui avait enfoncé sa dague dans le torse, pile poil entre les poumons, retiré son arme et tranche l’artère de sa gorge, la laissant tomber et se vider de son sang, lentement, haletante.
Il se retourna vers le corps de la petite humaine.

Elle s’était mise sur le côté, une main appuyant sur son flanc qui baignait dans une flaque sombre.
La blessure à son cou n’était pas négligeable mais superficielle à côté de l’autre. Le sang avait réussit à coaguler sur la cicatrice de sa nuque, du moins commencé, et l’écoulement était moins fluide.
Elle n’osait pas bouger, de peur d’aggraver sa situation.
Elle était allongée mais sa tête tournait, des taches apparaissaient sur sa vision et elle se sentait faible.
L’essence de sa vie était en train de s’échapper d’elle et elle se doutait qu’il n’était plus qu’une question de temps avant qu’elle ne quitte ce monde.
Elle ferma les yeux pour s’épargner cette vision de vertige.
Son ouïe était encore fonctionnelle.

Il ne dit rien.
Il ne savait pas quoi dire.
Elle avait fait un choix et il n’aurait pas trouvé mieux, ni esperé mieux pour se tirer mutuellement de ce chantage. Mutuellement, c’était vite dit.
Il s’était accroupi devant elle. Et il la voyait, il la sentait partir.
Quels mots prononcer ? Il n’y avait pas de bonnes phrases.

— Le comte va me tuer…
Soupira t-il, en se forçant à rire.

À peine ses mots prononcés, il apparut à ses côtés.

Il avait senti l’odeur du sang. Cette odeur si forte et particulière pour lui. Et il avait surtout reconnu l’odeur spéciale du sang humain, et spécifiquement celui de cette humaine fraîchement embauchée dans son château. Il avait alors accéléré sa cadence pour arriver, malheureusement trop tard.
Un autre corps baignant dans son sang était présent.
Il y fit à peine attention, jetant un oeil rapide pour l’identifier, puis voyant que l’ennemie ne se releverait pas, il l’avait ignorée, pour s’approcher et s’attarder sur celui de la brunette.
Elle respirait encore. Faiblement mais elle n’était pas encore morte.

— Ouvre les yeux.
Ordonna t-il à la jeune femme. Sa voix était froide et sèche.

Son homme de main ne broncha pas.
Ces mots ne lui étaient pas adressés mais il savait qu’il devait rester sur ses gardes. Il allait être réprimandé pour cet échec.
Il utilisa sa dague pour découper un pan de la chemise trop grande, écartant avec soin la main de sa collègue pour dégager sa plaie.
Elle grimaça mais il fit mine de n’avoir rien vu.
Avec le tissu qu’il avait dans sa main, il le roula en boule pour l’aposer sur ses balafres et appuyer dessus pour tenter d’arrêter l’hémorragie. Il reprit sa main pour la reposer à la place de la sienne et elle comprit qu’elle devait continuer à appuyer dessus. Malgré la douleur.

Elle avait reconnu cette voix qui résonna en elle.
Elle se fit violence pour ouvrir ses paupières. Pour lui.
Elle voulait le voir une dernière fois.
Il se tenait debout, et elle n’avait vue que sur ses jambes et le drapé de sa cape qui retombait derrière lui.
Elle voyait trouble.
Elle n’avait plus la force de relever sa tête pour pouvoir le regarder dans les yeux.

— Je… suis désolée pour votre.. chemise.
Reussit-elle à articuler.

Elle avait la gorge sèche.
Avaler sa salive lui était pénible.
Un rictus au coin des lèvres. Elle avait au moins réussit à ouvrir les yeux et elle luttait pour les garder ouverts, même si ses yeux fixaient un point invisible.

Sa blague ne le fit pas rire.
Il n’en montra pas le moindre amusement et ne sembla même pas être exaspéré par ses paroles.
Il l’ignora et continua à la regarder de haut.
De sa position.

Sa chemise qui était trop grande pour son corps frêle était effectivement dans un sale état.
Une énorme tache écarlate avait coloré une partie du col et l’épaule. Sans parler de la déchirure en plein milieu, et du sang qui continuait à se repandre sur ce qui restait de la couleur originelle blanche du tissu.
Son garde n’y était pas allé de main morte en retirant un énorme pan avec sa lame.

Ce vêtement était le dernier de son souci.
Son regard perçant était fixé sur le visage de la mourante.
Il semblait perdu dans une médidation importante.
Il devait prendre une décision et vite.
Une décision qu’il aurait peut-être souhaité ne jamais prendre.
Son visage ne laissait rien paraître. Il était stoïque.
Figé, il semblait observer avec dédain les derniers instants de sa nouvelle recrue.
Son homme de main savait se tenir et ne fit aucune remarque, et il l’en remercia intérieurement.
Cela lui laissa plus de calme que nécessaire pour réfléchir à son action imminente.

— Souhaites-tu vivre ?
Il s’exprima à nouveau, avec son ton bien à lui, qui ne laisse paraître aucune émotion.

Etait-il en train de la juger ?
Se moquait-il d’elle ? Comme si elle pouvait décider de ne pas mourir rien qu’en le souhaitant de toutes ses forces ?
Cette question sonnait différemment à ses oreilles, pourtant.
Avant d’arriver ici, elle n’aurait peut-être pas su répondre affirmativement. Elle n’avait pas eu le courage d’en finir avec sa triste vie, c’est pour cela qu’elle avait fait tout ce trajet de manière désespérée, en espérant peut-être disparaître entre les mâchoires d’une bête féroce avant d’arriver à destination. Mais depuis qu’elle était arrivée, une lueur d’espoir était née dans ses ténèbres.
Elle appréciait son quotidien ici. Aussi étrange qu’il puisse être. Elle avait des questions auxquelles elle attendait des réponses.
Elle ne voulait pas que son histoire se termine ici, au milieu des bois, allongée à moitie nue devant deux hommes qui la regardaient avec pitié.
Non, elle voulait continuer.

— Oui.
Répondit-elle. Avec toute la sincérité qu’elle pouvait avoir.

Des larmes lui étaient montées aux yeux, embuant sa vision déjà floue.
Elle continua à se forcer à garder ses paupières ouvertes, n’osant pas cligner des yeux une seconde de trop.

Le comte s’avança et s’accroupit devant elle, posant un genou à terre.
Le garde se recula et laissa sa place, tout en restant à portée au cas où.
Il écarta les mèches de cheveux noirs qui étaient sur son visage et sur sa nuque.

Il était maintenant dans son champ de vision.
Elle put déplacer son regard sur son visage impassible.

— Peu importe les conséquences ?
Demanda t-il, cette fois-ci. Le ton était plus grave.

Elle réfléchissait.
Qu’est-ce que cela voulait dire ?
Est-ce que cela impliquait des sacrifices pour d’autres personnes ? Est-ce que son choix allait causer du tort à d’autres ?
Elle avait peur. Même si elle voulait vivre, elle ne souhaitait pas que sa décision affecte de manière négative de tierces personnes.
Plus elle réfléchissait et plus son esprit s’embrouillait.
La fatigue l’envahissait, ses paupières se fermaient d’elles-mêmes, il était tellement plus agréable de se laisser aller, juste une seconde, juste une minute.
Qu’elle était sa question ?
Elle devait lui donner une réponse, elle ne voulait nuire à personne. Elle devait s’exprimer avant de s’endormir, c’était important.

— Je ne…

Elle réunit ses dernières forces pour entrouvrir ses lèvres et sussurer ces mots, puis elle se tut.

Il garda son calme.
Elle avait perdu connaissance mais elle respirait encore.
Il paraîssait calme.
Il devait prendre une décision et agir, et maintenant.
Il avait retenu sa respiration nasale durant tout ce temps, mais malgré ça, la fragrance était si forte qu’il en avait les saveurs rien qu’en aspirant l’air par sa bouche. Il s’était contrôlé et paraîssait serein.
Il retroussa la manche de sa chemise sur son bras droit.
Sa peau était pâle et ses veines saillantes au niveau du poignet.
Il ouvrit sa bouche pour y laisser apparaître deux longues canines, se terminant en pointes.
De son autre main, il s’entailla les veines sur la largeur avec l’ongle de son pouce, légèrement bien taillé, et un peu plus long.
Le liquide couleur rubis s’en écoula aussitôt et il y porta ses lèvres. Quelques secondes après, il souleva le menton de l’inconsciente de ses doigts fins et approcha son visage de celle-ci. Il posa ses lèvres sur les siennes.
Un filet rouge déborda de sa commissure et se dessina le long de son menton.

Elle sentit quelque chose de chaud emplir sa bouche et couler le long de sa gorge.
Son corps sembla se réveiller de son court sommeil, pour éviter qu’elle ne s’étouffe avec le liquide étrange qu’elle déglutit.
Elle était désaltérée mais ce n’était pas de l’eau. Le goût était beaucoup trop fort.
La texture était beaucoup plus épaisse.
La gorgée qu’elle venait d’avaler semblait avoir tapissé sa langue et son palais.
C’était ni froid, ni chaud, mais elle avait été comme électrisée au contact de cette substance.
Tiède mais elle pouvait le sentir se répandre en elle, dans sa trachée, dans son estomac. Cette chaleur était persistante et semblait s’étendre dans tout son corps, dans chaque cellule, chaque muscle.
C’était succulent, l’adjectif de ce qui lui restait en bouche n’était pas défini. Ce n’était ni sucré, ni salé.
C’était onctueux et quelque chose de fort s’en dégageait, elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.
Un gout de métal, du métal en fusion qui la réchauffait progressivement.
Son corps en redemandait plus. Sa gorge était redevenue sèche et la chaleur agréable du début se transformait peu à peu en brûlure insoutenable.
Quelque chose lui disait et l’assurait que reboire une gorgée de cette boisson la soulagerait. Que c’était la seule manière d’épancher sa soif et éteindre le feu qui était en train de s’allumer en elle.
Elle avait occulté la douleur des blessures, la température trop élevée de son corps était beaucoup plus douloureuse.
Quelque chose brûlait en elle. Ses organes, certainement. Était-ce du poison ?
Était-ce pour la punir d’avoir mal répondu à la question du comte ?
Elle se sentait mourir mais ses forces étaient revenues, elle pouvait bouger à nouveau, péniblement mais elle en était de nouveau capable.
Elle rouvrit ses yeux, haletante.

Il était là, à la regarder. Il l’aida à relever sa tête, et il lui tendit son poignet.
Une ligne profonde l’entrecoupait et un liquide rouge s’en écoulait. Lentement.

— Bois.
Dit-il tout simplement. C’était un ordre.

Il maintint l’arrière de sa tête et apposa son poignet saignant devant ses lèvres.
Attendant patiemment.

Ses yeux écarquillés, elle le regarda, son visage sans expression et son poignet ouvert.
Elle comprit la nature de ce qu’elle venait de boire et elle ne savait pas comment réagir.
Elle ne savait pas si elle devait se sentir honteuse d’avoir pris autant de plaisir à avaler ce liquide noble ou écoeurée d’avoir bu du sang.
Elle pouvait se perdre dans ses pensées, son corps semblait avoir sa propre volonté, et il savait ce qu’il fallait faire pour apaiser cette soif irrationnelle.
Ses bras bougèrent et ses mains attrapèrent le poignet tendu.
Elle pleurait à chaudes larmes.
Elle lécha les gouttes précieuses qui s’écoulaient de la cicatrise, tendrement, ses yeux ouverts fixaient ceux du comte qui ne bronchait pas.
Elle culpabilisait mais elle ne se contrôlait plus.
C’était une pulsion.
Puis elle aspira cet élixir qui coulait de ses veines.
Chaque gorgée, aussi petite quelle soit, lui procurait un plaisir inimaginable.
Le feu en elle se calmait pour repartir plus fort, demander encore plus.
Elle ne voulait pas fermer les yeux. Fermer ses paupières pendant ce qu’elle faisait, montrerait qu’elle en avait honte. Elle ne devait pas en avoir honte.
C’était un ordre, elle devait supporter cela. Elle s’était imposée cette contrainte pour montrer qu’elle était consciente de ce qu’elle faisait.

— Ça suffit.
Il n’avait pas besoin d’hausser le ton.

Elle s’arrêta net. Se faisant violence alors que son corps criait qu’il en redemandait encore, encore plus.
Elle se contrôla.
Elle avala la dernière gorgée, posa sa langue sur la cicatrice pour en lécher les dernieres gouttes et comme essuyer son passage.
Elle décolla ses lèvres de sa peau. Lentement.
Ses yeux ne quittèrent pas les siens.
Elle sortait de sa transe assoiffée frénétique, et une nouvelle lueur était apparue dans son iris.

La cicatrice sur son poignet s’estompa et il redescendit sa manche pour rattacher le bouton à son poignet.
Son garde avait assisté à toute la scène à quelques mètres de là, sans un mot. Dans un silence religieux.

Elle s’assit, le dos droit. Figée, sur le comte.
Que devait-elle faire maintenant ?
Les flammes intérieures ne s’étaient pas éteintes, elles dansaient encore plus fort.
Qu’allait-il se passer après ? Allait-elle se mettre à brûler et finir en cendres ?
Elle attrapa son propre poignet avec sa main et le serra, fort.
Elle devait se contrôler. Se calmer. Attendre les ordres.
Pourquoi ?
Elle était dans un état second, plus rien n’avait d’importances, elle devait suivre les ordres du comte. Sa voix avait une résonnance avec le plus profond de son âme.
Cela avait-il toujours été ainsi ?
Pourquoi avait-elle si soif ?
Le vertige qu’elle avait ressenti avant de s’assoupir s’était maintenant transformé en migraine.
Les questions qui s’enchaînaient dans sa tête n’aidaient en rien ce mal.

Il posa sa main glacée sur son poignet.

— Respire.

Elle inspira.
C’est vrai.
Avait-elle oublié de reprendre sa respiration pendant tout ce temps ?
Elle expira.
Les flammes étaient encore là, mais cette inspiration et expiration lente, ralentirent leur danse désordonnée pour ne plus être que de fortes ondulations.
Sa main était si froide, si fraîche au contact de sa peau. Cela faisait du bien.
Ses blessures béantes avaient cicatrisées. Comme si la chaleur à l’intérieur de son corps avait cautérisé les plaies. Elle ne saignait plus.
Le sang avait séché et les taches d’abord rouges vifs étaient en train de virer au marron foncé, voire noir.
La chemise était fichue.
Elle respirait de nouveau. Concentrée sur le cycle de sa respiration, la chaleur en elle se fit oublier progressivement.

Il retira sa main, et il détacha sa cape pour la poser sur les épaules de la jeune fille.
Il lui noua la ficelle devant sa poitrine et passa ses bras sous ses jambes et derrière son dos pour la soulever.
Sans aucun mot, ils se dirigèrent vers le château.

2020.07.20

Rancoeur [RolePlay]

Elle avait commencé sa nouvelle vie au château du comte.

Leur premier entretien avait été mouvementé.
Elle ne savait pas comment l’interprêter.
Le comte l’avait congédié de manière assez abrupte alors qu’elle avait enchaîne les bourdes.

*

Il avait arrêté sa chute et elle se trouvait dans ses bras.
À cette distance et au contact de son corps frêle qu’il arrivait à deviner à travers l’uniforme trop grand pour sa silhouette. Il se rendit compte à quel point elle était fragile. De part sa condition humaine, et de sa condition physique.
Lorsqu’elle se mit à saigner du nez, il retint sa respiration.
L’odeur bien particulière et alléchante pour lui, embauma son bureau.
Il ne pensait pas que cette odeur lui ferait autant d’effet. Il ne savait plus depuis combien de temps il n’avait pas humé cette fragrance.
Il eut l’irrésistible envie d’y goûter. Sa gorge se faisait sèche et à la fois l’eau lui montait à la bouche.
Il l’aida à regagner son équilibre et il aurait voulu s’éloigner et regagner son bureau.

Elle, sentit son nez couler lentement, jusqu’à ses lèvres. Elle toucha du bout des doigts et vit la couleur sombre, dans la pénombre de la pièce.

Il ne put résister plus longtemps et il lui attrapa le poignet pour lui lécher le bout de ses doigts tachés.
Et il se retourna vers elle, et lui embrassa ses lèvres pour lui lécher le rouge qui les teintait.

— Vous devriez faire attention à ne pas vous blesser dans l’enceinte du château… rien qu’une goutte de sang pourrait faire perdre la tête à certains de mes serviteurs..

Elle resta muette.

— J’espère que la nourriture siéra à votre palais ici. Je peux vous affirmer que votre sang comporte des carences.

Son visage devint rouge, honteuse qu’il ait pu analyser son bilan sanguin rien qu’en goûtant un échantillon de son sang.
Il continuait de la regarder. Souriant et analysant sa réaction.
Allait-elle avoir peur ?

Elle ne dit rien.

*

Le temps avait passé, elle s’était faite à sa routine.
Elle passait une grande partie de son temps dans la grande bibliothèque.
Lorsqu’elle en avait le temps, elle avait le droit d’étudier et de lire des ouvrages sur la magie.
Elle s’était dirigée vers eux, naturellement, sans savoir de quoi il s’agissait. Ils l’avaient appelée et elle avait attrapé la tranche. Un courant électrique l’avait parcourue.

Elle était sous la protection du comte qui la surveillait de son omniprésence.

*

Elle prit l’avertissement très au sérieux.
Ne sachant pas trop à qui en parler, elle se donna la mission de trouver un moyen de ne pas avoir ses règles, de ne plus les avoir.

Elle s’était essayé à appliquer ce qu’elle avait appris dans les livres, ignorant que cela était de la magie noire.

*

Elle avait ignoré l’avertissement du bibliothécaire et elle avait tenté d’exercer la magie.
Sa tentative devint incontrôlable.
Le froid invoqué était beaucoup trop puissant et elle n’arrivait plus à l’arrêter. Devenant de plus en plus glacial, ses mains ne pouvaient plus le supporter.
La forme de glace se libéra et elle utilisa ses bras pour se protéger, l’air autour d’elle tourbillonnait et des éclats gelés étaient tels des lames de rasoirs qui lui entaillaient la peau et les vêtements.
Ne pouvant s’échapper, le sort fit le tour de la jeune fille et revint sur elle pour lui retomber dessus.
Le choc fut violent et avec son corps d’humaine, elle finit à terre, écrasée par la puissance de sa propre magie.

Le bibliothécaire accourut au bruit et lorsqu’il ressentit la magie. Il s’approcha d’elle, elle était glacée, il n’eut pas le temps de dire ni de faire quoi que ce soit. Dans les minutes qui suivirent, une autre personne alertée par la magie environnante, arriva dans la pièce.

— Homa ! Qu’as-tu fait ?!
S’écria t-il, horrifié.

Il préféra ne pas répondre, sachant qu’elle était sous sa responsabilité.

— Je t’avais confié sa protection !
Il s’approcha également du corps.

— Elle l’a fait d’elle-même. Il fallait qu’elle applique ce qu’elle a appris dans les livres.
Se contenta t-il de dire, comme si c’était inévitable.

Le comte observa les dégâts. Ils se doutaient qu’elle avait une afinité avec la magie noire mais de là à avoir une telle puissance, cela était prometteur. Même si pour l’instant, ce qui était préoccupant c’était son état.
Il toucha ses mains, prit son pouls. Elle respirait encore mais elle était frigorifiée. Il n’hésita pas et passa ses bras sous son corps pour la soulever et la porter dans ses bras. Il n’était pas plus chaud mais il était préférable qu’elle ne reste pas au sol, sur lequel de la glace s’était formée tout autour d’elle.

— Je te laisse t’occuper de remettre tout ceci en ordre.
Dit-il sans même le regarder.

— Bien… j’imagine que tout ceci tombe sous ma responsabilité…
Répondit-il dans un soupir.

Il se releva avec peine et alla chercher un livre sur son bureau pour y chercher une page précise.
Le comte quitta les lieux, laissant son viel ami dans sa corvée.

Il avait des scrupules à la ramener dans sa chambre de bonne et sur un coup de tête il l’emmena dans sa propre chambre. Il maudit Homa, qui avait certainement fait tout ceci pour qu’il franchisse le pas. Il savait qu’il avait des sentiments pour cette humaine mais il préférait se voiler la face.
Elle y serait mieux, se dit-il comme excuse, pour se convaincre.
Son lit double à baldaquin et aux draps épais et soyeux, la réchaufferait mieux que n’importe quel lit dans l’enceinte du château. Se convainquant de ses propres arguments.
Il la deposa sur ce lit luxieux et se rendit compte qu’il ne pouvait pas la faire dormir dans son uniforme déchiré par endroits et gelé.
Il la déshabilla et la fit enfiler une de ses chemises propres qui était tellement grande pour sa petite corpulence, qu’elle suffisait à elle seule à recouvrir une grande partie de son corps, jusqu’au dessus de ses genoux.
Satisfait, il l’allongea au fond des draps et la recouvrit.

Il resta à l’observer un moment.
Elle était si appétissante à ses yeux, sa chair pourtant pas pâle, laissait apparaître ses veines, remplies et battantes du sang certainement chaud et doux à son palais. Il avait une envie irrésistible d’y gouter.
Elle était à sa merci, inconsciente encore, la nuque à quelques centimètres de son visage.
Il se reprit et s’éloigna vivement.

Combien de temps s’était écoulé ?
Suffisament pour qu’elle commence à reprendre ses esprits. La douceur du tissu sur sa peau et la chaleur des draps qui commençaient à la réchauffer, c’était agréable et elle finit par reprendre connaissance, elle ouvrit ses paupières et ce fut à sa grande surprise qu’elle se réveilla dans cet endroit beaucoup trop beau et avec le comte à ses côtés.
Il était assis sur le rebord du lit et son visage était résigné, triste. Cette expression qu’il avait l’habitude d’arborer. Cela lui faisait tellement de peine de le voir ainsi.

— Suis-je morte ?
Demanda t-elle, ne croyant pas réel ce qu’elle vivait actuellement.

Cela le sorti de son état morose et il rit.

— Non, pas encore. Homa ne perd rien pour attendre.
Répondit-il en souriant, d’un sourire bien sadique rien qu’à la pensée de son viel ami.

— Il n’y est pour rien. C’est moi qui ait—
Se justifia t-elle pour le défendre.

— Tss tss tss.
Il l’arrêta.

— Tu as fait exactement ce qu’il souhaitait, ce vieux manipulateur a bien assez vécu pour contrôler les pensées des gens. J’imagine qu’il t’a interdit de le faire, tout en te donnant assez de détails pour que tu en sois capable.

Elle réfléchit et préféra garder le silence.
Il lâcha un soupir, cela confirmait ce qu’il pensait. Il le connaissait que trop bien, ou alors était-ce l’inverse. Et la voici dans son lit.
La main sur son visage, il semblait ruminer.

— Est-ce que ça va… ?
S’inquiéta t-elle.

— Est-ce que toi, ça va ?
Lui demanda t-il, laissant sa main et montrant ainsi son visage mélancolique à la jeune fille. Il n’osait pas la regarder trop longtemps.

— Merci… grâce à vous. Elle baissa les yeux.

Elle lui était tellement reconnaissante et elle lui devait tant, mais elle n’avait rien à lui offrir en échange.
Comme s’il lisait dans ses pensées, il lui répondit.

— Si tu pouvais arrêter de te mettre en danger de cette manière… cela m’arrangerait.
Marmona t-il entre ses dents.

— Pardon…

— Cet idiot d’Homa semble ne pas être un assez bon professeur de magie. Je vais devoir m’en occuper moi-même.

Il disait cela en sachant qu’il s’était fait piéger par ce dernier.
Il posa sa main dans la sienne qui traînait sur le dessus du drap.
Elle le laissa faire, la fraîcheur du contact de sa peau la fit frissonner un bref instant.

— Qui aurait pu croire que tu détenais une telle puissance entre des mains si fragiles…

Comme ennivré par son odeur humaine, il se livra à elle et parla.

— Ta présence m’est extrêmement précieuse…

— Pourquoi êtes-vous si triste… ?
S’osa t-elle formuler, voyant dans son regard cette lueur mausade.

Il la regarda sans prononcer un mot. Ne sachant pas comment lui expliquer.
Il finit par émettre un son, même plusieurs.

— J’aimerais pouvoir te garder à mes côtés. Que tu restes ici à jamais. J’ai été seul pendant si longtemps… ton arrivée ici a redonné des couleurs à mon existence… Expliqua t-il, comme à lui-même.

— Je suis à vous, monsieur.
Répondit-elle tout simplement.

— Ne dis pas ça…
Il semblait lutter intérieurement.

— C’est la vérité. Vous avez tellement fait pour moi. Je m’offre à vous, sans regret. Si vous ne m’aviez pas accueillie, je serais certainement plus de ce monde.

— Tu ne sais pas ce que tu dis. N’en dis pas plus…

Elle serra sa main glacée entre ses doigts.

— Que puis je faire pour combler cette solitude qui vous chagrine tant… ? Cher maêtre.

— Je… je ne peux pas faire de toi quelqu’un comme moi… je souhaite préserver ton humanité…

— Quelqu’un comme vous… ?

Il ouvrit grand sa bouche pour lui montrer ses canines pointues et acérées.

— Ce que je suis… un monstre.

— Vous êtes beau.
Prononca t-elle sans aucune crainte.

— Tu es bien étrange, petite humaine.

Ses mots semblaient lui avoir redonné un semblant de sourire.

— Vous m’avez recueillie et vous avez pris soin de moi. Ce que tout humain que j’ai pu croiser durant ma courte vie n’a jamais fait à mon égard. Je ne vous vois pas comme un monstre. Faites ce que vous souhaitez de moi. J’ai pu être heureuse grâce à vous.

— Ne parle pas ainsi. On dirait que je vais te tuer.

— … Ce n’est pas le cas ?

— Non. Enfin pas tout de suite et pas réellement. Tu es encore trop jeune pour rejoindre le monde des ténèbres, et ce n’est pas une décision à prendre à la légère. La vie éternelle est beaucoup plus complexe à appréhender que celle humaine… je sais de quoi je parle.

— … Je n’ai pas peur de viellir, ni de mourir.

— Je l’ai bien compris. Je vais me contenter de te garder auprès de moi, pour l’instant.

*

Lorsqu’elle se réveilla, le comte était à son chevet et à la vue de son expression, il n’était pas de bonne humeur.
Elle n’eut pas le temps de se demander où elle se trouvait ni ce qu’elle faisait ici.

— Demoiselle, j’espère pour vous qu’un tel incident ne se reproduira plus.
Sa voix était posée mais dure. C’était une réprimande.

Elle ne savait pas quoi dire à par s’excuser, mais elle préféra garder le silence, acquiesçant d’un simple hochement de tête. Elle n’était pas fière de ce qu’elle avait fait, mais la curiosité et sa confiance en elle l’avaient poussée à passer outre l’avertissement du bibliothécaire.
Il ne lui adressa presque pas un regard. Il se releva du lit.

— Vous pouvez rester vous reposer encore un moment. Lorsque vous vous sentirez mieux, vous pourrez quitter cette chambre. Je vais demander à ce qu’on vous amène un nouvel uniforme.

Il s’éloigna d’elle, gardant étrangement ses distances.
Sa voix portait très bien malgré son éloignement.

— Votre journée est finie pour aujourd’hui. Le viel homme doit s’occuper de remettre en ordre les dégâts causés par votre… expérimentation.
Son ton restait neutre et c’est ce qui était encore plus angoissant.

Elle resserra les draps entre ses doigts, se sentant extrêmement coupable.

— Je suis… désolée…
Dit-elle, la mâchoire crispée par la culpabilité.

— … Homa a également sa part de responsabilité. Ce vieux renard vous a certainement soufflé cette brillante idée. Quoi qu’il en soit, la pratique de la magie vous est maintenant interdite.

Elle ravala sa fierté et acquiesça, s’estimant déjà heureuse qu’il ne la congédie pas.

Les nouvelles avaient circulé comme une traînée de poudre et lors du dîner, Frekio l’interpela pour qu’elle vienne s’asseoir à sa table pour manger à ses côtés.
Il était d humeur joyeuse et décontractée, comme à son habitude.

— Bah alors ? T’as quelque chose à me raconter ?

— … Comment ça ?
Elle fit l’innocente. Ne souhaitant pas se remémorer son échec en magie.

— Allez, ne fais pas ta cachotière. Presque tout le château est au courant…
Dit-il avec un sourire en coin.

Elle lâcha un énorme soupir et baissa le visage, restant silencieuse.

— Bon. Tu me racontes ? C’était comment avec le comte ? Promis je ne suis pas jaloux.

Il lui donna un coup de coude dans les côtes pour la pousser à s’exprimer.
Elle étouffa un cri de surprise et de douleur. Le bougre ne contrôlait pas sa force.
Se massant les flancs, elle lui répondit entre les dents.

— Je croyais que tout le monde était au courant.
Grogna t-elle.

— Oula… si t’es de si mauvaise humeur, c’est que ça devait pas être terrible…Répondit-il en étant moins curieux.

— J’ai cru qu’il allait me virer. Apparemment j’ai encore de la chance ou il a trop pitié de moi pour me laisser encore travailler ici…

— Pourquoi te virer… alors que c’est lui qui t’a emmenée dans sa piaule ?
Demanda t-il confus.

— Parce que j’ai failli transformer la bibliothèque en glacière, pardi !
Lui dit-elle.

— … Q-quoi ?!
Dit-il beaucoup plus fort.

Les autres employés autour d’eux se retournèrent dans leur direction, malgré le brouhaha ambiant.
Frekio s’excusa maladroitement tandis que Chloé essayait de se faire le plus petit possible. Ignorant le jeune homme.

— Comment ça… ?
Chuchota t-il, cette fois-ci.

— C’est pas de ça dont tout le monde parle ?
Demanda t-elle, pleine d’interrogations.

— Pas vraiment…
Se forca t-il à sourire, gêné.

— Dis-moi, alors.
Insista t-elle. Curieuse de ce qui se disait.

— Comment dire… le comte et toi… dans sa chambre… tu veux un dessin ?

Elle devint écarlate.

— Mais ça va pas !?
Bafouilla t-elle.

— Bon, voilà tu sais, c’est quoi cette histoire de glacière ? C’était à son tour d’être curieux.

Elle lui raconta sa mésaventure dans la bibliothèque. En messes basses. Elle s’approcha de son oreille et positionna ses deux mains pour qu’il entende clairement sans que les personnes aux alentours ne puisse avoir des bribes de son récit.
Il la regarda avec des yeux écarquillés.
Puis il regarda ses mains, il prit sa main pour l’inspecter de plus près et la reposa.

— Je ne suis pas une bête de foire non plus.
Se vexa t-elle.

— Je suis juste étonné de ton exploit…
Se défendit-il.

— Si tu pouvais garder cette information pour toi. Ça m’arrangerait…

— Ne t’en fais pas pour ça.
Soupira t-il.

Ils continuèrent leur repas en s’échangeant des banalités.

Le comte put les observer de loin sans être vu.
Il ressentit une certaine jalousie que ces deux personnages puissent avoir cette proximité naturelle.

*

Elle put retourner à la bibliothèque et s’excuser auprès d’Homa, qui la rassura en disant que la faute était sur lui, le responsable des lieux.
Il s’enquit de sa santé et elle s’inclina pour le remercier.

Des jours et des semaines passèrent.

Elle se fit convoquer une nouvelle fois dans le bureau du comte.
La boule au ventre, elle se demandait si elle avait fait une autre bêtise ces derniers jours.
Les mains moites, la gorge serrée, elle avala sa salive et frappa à sa porte, qui s’ouvrit aussitôt pour la laisser entrer.

Il était là, lui montrant son dos, comme perdu dans ses pensées le visage tourné vers l’exterieur de sa fenêtre.
Les bras croisés et une main à son menton, comme s’il ne l’avait pas vue.

Elle annonca sa venue.

— Vous désiriez me voir… ?
Dit-elle d’une petite voix.

— Demoiselle Chloé.
Dit-il sans bouger.

Son timbre de voix la surprennait toujours, clair et dur, presque froid.
Elle se raidit et des frissons lui parcoururent le long de sa colonne vertébrale.

— Oui !?
Répondit elle, par mécanisme. Presque surprise qu’il s’adresse à elle.

Il leva sa main et la porte se referma derrière eux.
Il se tourna enfin vers elle.

— Nous devons aborder un point important qui vous concerne.
Lâchant un soupire presque imperceptible.

Il marcha vers elle, le dos droit avec une telle grâce, sans aucun geste inutile.
Ses mains rangées maintenant derrière lui, il s’approcha d’elle.
Elle resta raide, se repassant les derniers jours et ce qu’elle avait pu faire comme erreurs dans les tâches qui lui avaient été confiées.
Son attitude envers elle l’inquiétait.
Elle baissa les yeux machinalement, elle sentait son regard sur elle et elle ne se sentait pas de taille à soutenir le sien.
Il attrapa une de ses mains et l’osculta sous tous ses angles.
Sa peau etait particulièrement douce mais surtout froide. Elle se laissa faire. Attendant le verdict décidant de son sort.

— Vous n’avez pas réessayé d’utiliser la magie, n’est-ce pas ?
Dit-il tout en regardant sa main sous toutes ses coutures, avant de la relâcher.

Il s’éloigna de nouveau, lui tournant le dos. Elle put alors relever ses yeux pour l’observer sans être embarrassée.

— C’est exact.
Répondit-elle.

— Bien. Demain, Homa vous préparera quelques livres que vous amenerez dans mon bureau.

— C’est entendu. Que puis-je faire d’autre ?
Elle s’inclina.

Il sembla réfléchir, le silence se fit dans la pièce pendant un moment qui sembla durer une éternité pour la jeune employée.

— Dites moi… Êtes-vous accoutumée à ces lieux et votre emploi ?
Demanda t-il enfin. Sa voix était plus calme et douce.

— O-oui… ?
Répondit-elle, perplexe qu’il puisse s’en soucier.

— Bien. Si vous avez une quelconque remarque, n’hésitez pas à m’en faire part.
Ajouta t-il. Toujours se tenant à l’écart d’elle. Comme si elle dégageait une odeur nauséabonde.

Elle se demanda si le problème venait d’elle.

— Je n’y manquerai pas.

Leur discussion était de plus en plus gênante, ne sachant pas comment l’alimenter.
Elle attendait qu’il lui dise quelque chose, et lui ne semblait pas enclin à être plus bavard.
Patiente, elle lui laissa le temps qu’il lui fallu pour la congédier. Elle s’était déjà fait réprimander une fois d’avoir pris la décision de quitter la pièce d’elle-même et elle s’en souvenait.

— Dans ce cas, vous pouvez disposer. Je vous revois demain.
Finit-il par dire.

Elle s’inclina de manière plus prononcée et elle s’en alla.
Dans le couloir, elle sembla pouvoir reprendre sa respiration.

*

Le lendemain, Homa ne fut pas plus bavard. Il avait effectivement préparé une pile de livres sur le coin de son bureau mais il n’en dit pas plus.
Il lui fit signe de le débarrasser de ces livres et il retourna à sa lecture, ignorant presque la jeune femme.
Elle les fit glisser sur le bois et essaya de les porter sans en faire tomber. Ils étaient lourds et elle n’avait pas spécialement de force dans ses bras fins.
Elle ne se plaint pas et essaya de les soulever et les garder dans ses bras.
Ses muscles tremblaient, elle trouva une position plus confortable pour faciliter le transport pour son corps.
Il n’y avait pas tant de livres, mais leur couverture en cuir et leurs reliures dorées , pesaient leur poids.
Elle tituba presque jusqu’au bureau du comte.
Les autres servantes se moquaient de loin de la frêle silhouette et de son colis dont elle pénait à soutenir le poids. Ayant franchi une bonne partie du chemin sous l’oeil amusé des autres employés.
Elle croisa Frekio, qui l’aborda sans hésiter une seconde.

— Tu fais quoi là ?

— Ça ne se voit pas… ?
Répondit-elle essouflée.

— … Tu vas où comme ça ?
Demanda t-il. Marchant à ses côtés.

— Bureau du comte. Me parle pas, je suis concentrée…

— Tu veux un coup de main… ?
Dit-il partagé entre la pitié et la moquerie de la voir tellement en difficulté pour quelques malheureux livres.

— Ça ira, c’est ma mission…
Lui adressant un regard en biais, sachant très bien qu’il se retenait de rire.

— Je vais tout de même t’accompagner. Au cas où tu te retrouverais ensevelie sous ce que tu… essayes de porter.
Pouffa t-il.

— Vas-y, ne te prive pas et ris à gorge déployée…

Elle continua son chemin en faisant mine de l’ignorer.
Il marchait à son rythme sans aucune difficulté.

— Qu’est-ce qu’il te veut le comte ?
Demanda encore le curieux.

— Aucune idée. Certainement me punir…
Prononca t-elle avec mal en essayant de respirer correctement en portant les ouvrages.

— Effectivement… t’es sûre que tu ne veux pas que je t’aide ?
Cette fois-ci, le ton de sa voix était plus compatisant.

— C’est bon, je suis presque arrivée…

Ils étaient en face de la porte du bureau du comte.

— Bon, dans ce cas, je te laisse. À plus !
Il s’éclipsa aussitôt, comme s’il ne souhaitait pas croiser ledit comte.

Elle lâcha un énorme soupir et frappa sans attendre pour essayer d’écourter cette livraison qui lui avait semblée interminable.

— Je vous attendais.

La porte s’était ouverte comme la dernière fois et elle était maintenant à l’intérieur.
Contrairement à la dernière fois, il lui faisait face et la surprise se lut sur son visage lorsqu’il la vit presque en sueur et essouflée, tremblante avec le paquet de livres dans ses bras.
Il s’avança vers elle et la décharcha du poids.

— J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop… J’ai tendance à oublier la difficulté à porter des objets lourds pour les humains…
Sa voix était douce et basse.

Elle resta bouche bée avec quelle facilité il prit en main les produits de sa livraison. D’une seule main, il déplaça le tas jusqu’à son bureau.

— Savez-vous pour quelle raison je vous ai fait venir aujourd’hui ?
Enchaîna t-il.

— Non… ?
Répondit-elle, pensant en son fort intérieur que c’était certainement une sorte de punition, maintenant que ses muscles étaient meurtris.

Il prit un des livres posés et le feuilleta rapidement.

— Pour pratiquer la magie. Votre magie. Je ne suis pas très fan de la manière qu’à Homa de former les débutants…
Il racla sa gorge puis se tourna vers elle en lui tendant le livre sur les pages qu’il venait d’ouvrir.

Elle le prit en le remerciant mais elle ne savait pas quoi dire. Ni faire.

— Vous pourrez expérimenter la magie en ma présence. Je vous expliquerai ce qui est autorisé de faire ou non.

— Ici… ?
Elle regarda autour d’elle.

Les bibelots et autres sculpures sur les étagères, les meubles dans le bureau. Inquiète d’abîmer quoi que ce soit.

— Oui. Ne vous inquiétez pas pour la décoration. Je préfère que vos prédispositions pour la magie ne soit pas ébruitée. Nous ne serons pas dérangée ici.

Elle regarda plus en détails les pages du livre qu’elle tenait entre ses mains.
Il était beaucoup moins complexe que ce qu’elle avait essayé de déchiffrer la dernière fois. Concentrée sur sa lecture, il la laissa s’imprégner du texte.
Elle releva les yeux et il hocha la tête en signe d’approbation, répondant à sa question sans l’avoir entendue. Elle pouvait s’essayer à appliquer ce qu’elle avait lu.
Le regard oscillant entre le livre dans une main, et son autre main sur laquelle elle s’efforcait de faire apparaître quelque chose.
L’exercice consistait à faire apparaître un peu de glace au creux de la main, le livre expliquait les bases et il semblait être fait pour les débutants.
Des flocons se formèrent et tourbillonèrent au creux de ses doigts, puis de plus en plus vite jusqu’à former une petite boule de neige, qui se posa sur sa paume.

— Ce n’est pas mal.
La voix du comte la sortit de sa bulle et elle sursauta.

Il s’était tue depuis qu’elle s’était plongée dans sa lecture et assit derrière son bureau, il feuilletait les autres ouvrages qu’elle avait amenés.
Quant à elle, elle avait fini par s’asseoir par terre, elle sentait que cette simple réussite avait puisé dans ses forces. Forces qui avaient déjà été bien amenuisées lors de sa livraison.
Elle voulu eviter d avoir la tete qui tourne. Pour l instant, cela semblait aller. Elle reprit sa respiration, pour se remettre en état.
La petite boule de neige était déjà en train de fondre.
L’homme derrière son bureau ne réalisa que maintenant que la jeune humaine devait être épuisée. Il se leva de son siège pour aller vers elle et s’accroupir devant elle.
Comme s’il avait des scrupules à la laisser par terre alors qu’il était confortablement assis dans son siège.
Il s’approcha pour voir de plus près le fruit de sa magie, et vérifia si elle n’avait pas de retour de bâton.
Il avança doucement sa main vers son visage et posa le dos de sa main glacée sur son front.
Elle frissonna mais cela lui fit du bien.
Elle avait étrangement chaud, comme si son sang bouillonnait en elle.
Il toucha son poignet, pour tâter son pouls tout en gardant cette main sur le front.

— Comment vous sentez vous ?
— Ça va.

— Si vous vous sentez fatiguée, il ne faut pas hésiter à me le dire. L’utilisation de la magie peut vite être éreintante.
Sermona t-il.

— Je suis un peu fatiguée… mais ça va. Je peux continuer.
Dit-elle déterminée.

— Ça a l’air d’aller… au moindre signe de fatigue intense, on s’arrête. Est-ce clair ?
Le verdict de son oscultation semblait le rassurer mais il restait inquiet.

— Oui, monsieur.

Elle tourna la page sur un autre exercice.
Cette fois-ci c’était le feu.
Des petites étincelles apparurent et elle sentit des picotements chauds presque brûlant dans sa main.
Le feu était plus effrayant et gênant que la glace.
Les étincelles se multiplièrent et sa peur avait un impact sur leur matérialisation, elles tremblaient et dansaient de manière désordonnée.
Leur vitesse augmenta et elle ne contrôla plus rien. Une boule de feu apparut à leur place. Beaucoup plus chaude et brûlante, elle ne savait pas comment faire pour la faire disparaître.
Autant la boule de neige s’était mise à fondre, cette fois-ci, elle ne savait pas si elle devait fermer ses doigts sur la flamme ou la laisser s’éteindre d’elle-même.
La flamme augmenta au lieu de diminuer et elle semblait se détacher de sa main.
Il intervint, claquant des doigts, la flamme disparut.

— Il faut contrôler ses émotions. Ne pas céder à la panique.

Il prit sa main dans la sienne.

— Pour l’éteindre il suffit de se détendre et vider son esprit. Refermer ses doigts est une option, ou poser son autre main dessus pour l’éteindre. Dans ce cas là, il faut garder son calme. Recommencez.

Elle obéit.
Sa main qui soutenait la sienne était rassurante.
Elle réussit cette seconde tentative.
Les étincelles étaient un peu plus stables et les flammes avaient une taille normale.
La surprise de la chaleur fut moins présente et elle put se calmer.
Elle ferma les yeux pour essayer de penser au vide.
Elle sentit la chaleur diminuer pour finalement disparaître.
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, la flamme avait disparu.

— Il faudra apprendre à le faire en gardant les yeux ouverts. Pour aujourd hui, ça suffira.

Il relâcha sa main et ramassa les livres pour les empiler sur le coin de son bureau.
Il revint vers elle pour l’aider à se relever.

Elle ressentit cette fatigue tomber sur elle d’un coup.
Comme vidée de son énergie, ses jambes avaient du mal à supporter son poids plume.
Lorsqu’il vint l’aider à la soutenir, elle fut très reconnaissante, mais étant restée à terre depuis tout ce temps, elle eut un semblant de vertige, elle perdit l’équilibre et il la rattrapa dans ses bras.
Elle n’osa pas bouger

— P-pardon.
Balbutia t-elle.

Ils restèrent ainsi un moment, sans un mot.
Elle n’osa pas le regarder, son coeur battait à tout rompre. L’effet secondaire de l’utilisation de la magie.

— Ça va ?
Demanda t-il, brisant le silence.

— O-oui. Ça devrait aller.
Elle reprenait ses esprits, elle s’écarta.

— Vous pouvez vous reposer pour le reste de la journée. Les livres resteront ici.
— Merci…
— Je ne serai pas disponible tous les jours pour vous assister. Je préviendrai Homa lorsque cela sera possible. Le reste du temps vous pourrez travailler à la bibliothèque, comme à votre habitude.

Elle s’inclina pour signifier qu’elle avait compris.
Il marcha vers elle et releva son visage avec ses doigts.
Vérifiant son teint et qu’elle allait vraiment bien.

— N’allez pas perdre connaissance quelque part dans le château.

Rassuré, il retourna à son bureau.

— Vous pouvez y aller.

Il leva sa main et la porte s’ouvrit.

— Bien.

Elle sortit et la porte se referma derrière elle.
Elle souffla, comme si une grande pression venait de retomber.
Elle regarda ses mains.
Elle venait de pratiquer réellement la magie.
C’était une sensation étrange. Elle avait accompli quelque chose, même si ce n’était que le début.

*

De retour dans sa chambre, il n’était encore que l’après-midi. Elle s’allongea sur son lit et son regard se perdit sur le plafond en pierres, et ses pensées.
Elle ressentait la fatigue revenir à grands pas.
Les questions se bousculèrent dans sa tête.
Pourquoi le comte lui apprenait la magie ?
Était-ce pour une raison en particulier ? Était-ce pour occuper un poste nouveau dans le futur ? Lorsqu’elle saurait se servir convenablement de ce pouvoir.
Était-ce pour qu’elle puisse se défendre ?
Quoi qu’il en soit, elle se posa de nombreuses questions. Finalement, elle n’avait rien à craindre ici. Ces cours lui étaient bénéfiques et si c’est ce que souhaitait son employeur, elle n’avait pas son mot à dire.
Elle ferma ses paupières qui commençaient à se faire lourdes, et elle s’endormit rapidement.
Lorsqu’elle rouvrit les yeux il faisait déjà nuit et elle se releva en panique pour regarder l’heure.
Avait-elle raté le dîner ?
Qu’allait dire le comte et les autres employés si elle ne s’était pas présentée pour le dîner ?
La panique l’envahit.
Elle se recoiffa en vitesse et heureusement il lui restait un quart d’heure avant l’heure de manger.
Elle s’était endormie comme une masse.
Elle put rejoindre la cantine sans se presser.
Elle rejoignit Frekio en cours de route.

— Ah bah te voilà !

— Comment ça ? Quelqu’un me cherche ?…
Demanda t-elle sur la défensive.

— Pas spécialement, je t’ai pas vue de la journée, je me suis demandé si le comte ne t’avait pas dévorée, avec les livres…

— Très drôle.

Elle le repoussa, faisant mine de bouder.

— Plus sérieusement, vous avez fait quoi dans son bureau ?
Sans aucune mauvaise arrière pensée, il posait cette question par curiosité.

Elle se souvint de ce qu’avait dit le comte au sujet de la magie. Même à Frekio, il valait mieux ne rien dire. Elle lui en avait parlé la première fois et elle devait réparer sa bourde. Même s’il était mis dans la confidence, les murs avaient des oreilles et il n’était jamais trop prudent.

— Il m’a réprimandée pour ce que j’ai fait la dernière fois à la bibliothèque… et m’a dit de ne plus jamais recommencer.
Soupira t-elle.

— Ah… c’était bien une punition, du coup.

Elle acquiesça.
Elle garda le silence et il comprit qu’il ne fallait pas en parler en public lorsqu’elle lui lança un regard qui signifiait de ne rien dire.

— T’étais où cet aprem’ ? Je ne t’ai pas vue avec Homa.
Il changea de sujet.

— … Tu travailles des fois ? Comment tu peux avoir le temps de te balader dans les couloirs pour vérifier si je suis là ?
Répondit-elle exaspérée.

— C’est une partie de mon travail de te traquer.
Sourit-il, à pleines dents.

— J’étais dans ma chambre.

— Oh.

— J’ai failli rater le dîner, je me suis écroulée de fatigue après… avoir porté tous ces livres.
Expliqua t-elle.

— La vie d’un être humain aussi faible, n’est pas facile.
Acquiesça t-il, moqueur.

Elle essaya de lui donner un coup de coude dans les côtes mais il s’esquiva.

— Tu veux que je t’apprenne à te défendre ?
Rit-il, mais sa proposition était à moitié sérieuse.

Qu’avaient-ils tous à lui donner des cours ?
Elle réfléchit et c’est vrai qu’elle était plutôt intéressée mais comment trouver le temps dans leur emploi du temps. Vu son temps de réponse, et de réflection, son ami continua.

— Je peux t’accorder quelques minutes après le dîner. Juste avant d’aller à la salle d’eau. Ça ne mange pas de pain.

— On verra…
Dit-elle tout simplement. Vexée.

Ils dînèrent tranquillement et il l’emmena au jardin dans la cour intérieure.
Il y avait un peu de place et très peu de passage.

— Je vais juste t’apprendre quelques bases, il va falloir que tu fasses quelques exercices de ton côté pour muscler ce que tu as.

Il la regarda de haut en bas.
Cela ne dura pas plus d’une demi-heure, elle était un peu essouflée et il s’arrêta.
Il lui apprit de quoi se défendre si jamais elle se faisait attaquer, et si l’adversaire n’était pas très fort.
Il se rendit compte à quelle point elle était une proie facile. Elle était maigre, même si les jours au château et la nourriture l’avaient aidée à retrouver quelques formes et qu’elle n’avait plus autant la peau sur les os.
Elle était faible. Petite et sans aucune force dans les muscles. Elle n’avait jamais fait d’exercice et il savait qu’elle partait de zéro.

— Merci…
— Ne me remercie pas tout de suite.

De plus, il n’était pas facile de se déplacer dans son uniforme.

— Tu n’as pas une autre tenue ? Le mieux ça serait que tu puisses renforcer tes capacités cardiaques en faisant un peu de sport, par exemple…. courir. On pourrait faire le tour du château pour commencer.

— Maintenant ?!
— Plutôt demain soir.

Elle soupira de soulagement.

— Je n’ai pas d’autre tenue…

— Hm… je vais voir si je peux récupérer une tenue plus adéquate dans la caserne demain. On va se laver ?

Elle ne refusa pas un bain bien chaud dans cette salle d’eau. Contrairement à sa première visite. À cette heure-ci, après le dîner, il y avait un monde fou.
Les gens se bousculaient presque pour se déplacer. Les casiers étaient pratiquement tous utilisés.
Heureusement que Frekio était avec elle, parce qu’elle n’aurait jamais pu s’imposer entre les corps musclés d’une grande majorité des employés qui fréquentaient les lieux.
Il réussit à trouver deux casiers libres l’un à côté de l’autre.

*

Le bain lui fit un bien fou et il insista pour la raccompagner à sa chambre.

— Merci encore.

Elle eut à peine le temps de prononcer ces mots qu’il était déjà en train de partir.

— À demain !
Dit-il en la saluant de sa main, sans même se retourner.

Elle se déshabilla pour mettre sa robe de nuit et se coucha.
Elle ne lutta pas pour trouver le sommeil qui s’abattu sur elle.

Quelque chose d’étrange se passa.
Elle se leva et sortit du lit, ses yeux étaient ouverts mais leurs pupilles étaient ternes et son regard était vide.
Elle marchait de manière monotone, comme un pantin. Elle sortit de sa chambre et déambula dans les couloirs du château.
Comme si elle était en quête de quelque chose.

Le comte était encore dans son bureau. Il observait son domaine par la fenêtre et une silhouette blanche sur les toits attira son attention.
Il crut voir une illusion.

La jeune fille était à l’extérieur, debout sur les tuiles en ardoise. Le vent soufflait à cette hauteur et sa robe blanche virevoletait et se collait sur son corps. Ses cheveux faisaient de même, dansant au gré des bourrasques.
Les bras le long du corps, la lune l’éclairait et la lueur se reflétait sur sa robe couleur ivoire.
Le coeur du compte fit un tour dans sa poitrine lorsqu’il reconnut le visage de la demoiselle.
Elle continuait d’avancer prudemment.
Il ouvrit sa fenêtre qui semblait n’avoir jamais été ouverte, ou peut-être il y a des décennies voire plus. Et il bondit à l’extérieur, pour attérir en un clin d’oeil, sur le toit, à quelques mètres de son employée.
Que faisait-elle là ?
Il remarqua qu’elle n’était pas dans son état habituel.
Elle ne réagit pas à sa présence.
Ce qui lui mit la puce à l’oreille.
Il hésitait à l’interpeler mais comme elle semblait suivre quelque chose, il l’observa de loin et la suivit pour savoir qui ou quoi lui avait jeté un tel sort.

Elle posa son pied sur une tuile qui glissa, et elle perdit l’équilibre, son corps fut comme emporté par le vent frais nocturne et elle était sur le point de s’écrouler sur la toiture.
Le comte courut vers elle pour la rattraper avant la chute. Il la serra dans ses bras.
Elle ne se réveilla pas, au contraire, le sort semblait s’être dissipé au moment où elle avait glissé, elle referma les yeux comme si elle replongeait dans un sommeil profond.
Elle était gelée, moins gelée que lorsqu’elle avait joué à la reine des glaces dans la bibliothèque mais cette température n’était pas bonne pour un humain.
Il regarda autour de lui, essayant de sentir la présence de celui ou celle à l’origine de cette manipulation.
Rien. Il ne pouvait pas s’attarder dehors avec l’humaine dans ses bras. Ce n’était que partie remise.

Il se dirigea directement vers sa chambre, la fenêtre s’ouvrit par magie.
À l’interieur, il referma la vitre et il alluma le feu de la cheminée. Il en profita également pour pouvoir l’observer en détails. Elle dormait à poings fermés.
Elle grelotait tout de même.
Il la posa délicatement dans son lit, sous la couverture.
Ses lèvres qui étaient devenues un peu violettes, reprirent une couleur normale, ses tremblements s’arrêtèrent lentement et elle sembla juste dormir paisiblement.
Il prit une de ses longues mèches de cheveux noirs entre ses doigts. Ils étaient fins et doux, encore un peu frais du vent de l’extérieur.
Il les apporta jusqu’à son visage pour les humer.
Ils sentaient encore l’air de dehors.

La couverture jusqu’au dessus de ses épaules, elle se tourna dans son sommeil.

Il esquissa un sourire.
Relâchant ses cheveux, du dos de sa main. Il lui caressa le visage. Elle frissonna à son toucher.
Il retira sa main aussitôt, comme si ce contact l’avait brûlé.

*

Son rêve était étrange, elle suivait un sentier éclairé par une lueur alors que tout autour d’elle : il n’y avait que le néant.
Un vent soufflait mais elle continuait de marcher, s’engouffrant dans une sorte de tunnel sombre.
Ses jambes semblaient être dotés d’une volonté propre et elle se retrouvait spectatrice tout en étant emprisonnée dans son propre corps.

Tout à coup, elle crut tomber mais une ombre se matérialisa du néant et apparut sur le sentier et l’attrapa. Elle baignait dans une masse sombre maintenant. L’odeur lui était familière et elle se sentait étrangement en sécurité. L’étreinte était douce.
Quel étrange rêve.
Le sentier lumineux n’était plus.
La chaleur commença à revenir, peu à peu, elle ressentait un bien-être et l’ambiance angoissante du rêve s’était estompée.

*

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle était dans une chambre qu’elle avait déjà vue. Elle reconnaissait les draps et les meubles.
Elle était seule et elle s’inquiéta. Que faisait-elle ici ?
Comment avait-elle fait pour attérir dans cette chambre.
Elle paniqua. Était-elle somnanbule ? Elle était encore en robe de nuit.
Que s’était-il passé ?
Le comte était-il seulement au courant ?

Elle entendit du bruit se rapprocher et juste avant que la porte ne s’ouvre, elle fit semblant de dormir.
Les voix se firent plus distinctes. Elle reconnaissait le timbre de voix du comte. Elle devina une certaine lassitude.
La porte se referma derrière eux.

— Maître, je suis navré mais je n’en ai aucune idée…

C’était la voix du majordome. C’était bien la première fois qu’elle entendait des excuses et autant de désespoir de sa bouche.

— Je te demande d’enquêter. Je veux savoir quelles sont les motivations de cette personne.
Son ton était calme, quoiqu’agacé.

— Je ferai de mon mieux, maître…
Sa voix était basse et se faisait humble.

— Je ne t’en veux pas, Bréto. Moi-même je n’ai pas réussi à sentir de présence ennemie ni à la traquer.
— Ce qui veut dire…
— Exactement. C’est pour ça que j’ai besoin de toi. Je suis réticent mais elle va devoir continuer sa routine pour brouiller les pistes.
— Je garderai un oeil sur elle.
— Merci. Je sais que je peux te faire confiance à ce sujet.

Le silence se fit.
Elle sentit les regards sur elle.
Leur présence se rapprochait d’elle.
Est-ce qu’ils sentaient qu’elle était réveillée ?
Elle ouvrit lentement ses yeux et ils l’observaient.

— Bonjour Chloé. Excusez-nous de vous questionner dès votre réveil… mais nous aurions besoin de réponses de votre part.
Breto s’adressa à elle, tout en étant gêné, il s’inclina.

Elle ne comprenait toujours pas la situation, les bouts de la conversation lui étaient étranges.

— Bonjour… ?
Répondit-elle timidement.

Elle essaya de se relever et s’asseoir pour mieux les voir et parler.
Le comte s’approcha pour la soutenir et l’aider à s’asseoir.

— Comment vous sentez-vous ?
S’enquit-il, inquiet.

— Euh… bien ? Pourquoi ?
Demanda t-elle, comprennant de moins en moins ce qui lui arrivait.

Elle était reposée, le seul détail qui la dérangeait c’était qu’elle n’avait aucune idée de comment ni pourquoi elle se trouvait ici. Elle avait même passé une excellente nuit.
Les deux hommes s’échangèrent un regard.

— Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous avez fait hier soir… ?

— Oui… vaguement… après le diner, j’étais avec Frekio, nous sommes allés à la salle d’eau et il m’a raccompagnée à ma chambre. Ensuite je me suis endormie…Réfléchissait-elle, tout en se remémorant les derniers détails de la veille.

Ils se firent silencieux, analysant sa réponse.

— Et après cela ?
Breto demanda.

— Je me suis réveillée ici.

C’était à son tour de les regarder insistement, attendant des explications de leur part.

— Il s’est passé quelque chose ?
Demanda t-elle enfin. Souhaitant qu’on la mette dans la confidence.

— Un peu oui… Je vous ai retrouvée sur les toits du château…
Le comte racla sa gorge.

Elle resta sans voix, abasourdie par cette information.

— M-mais… je ne sais même pas comment accéder aux toits…
Murmura t-elle, presque en état de choc.

Le comte n’avait pas l’air de blaguer.

— Tout va bien maintenant. Ne vous inquiétez pas. Je vous ai couchée ici au cas où vous auriez de nouveau envie de faire une balade dans la nuit…

Elle semblait perdue dans ses pensées.
Le comte continua de parler, s’adressant à la fois à Breto et à elle.

— Votre uniforme est resté dans votre chambre. Le service va bientôt reprendre. Breto, je vous laisse la raccompagner.

Le majordome acquiesça et attendit en silence.
Elle se reprit un peu et retira la couverture pour se lever. Ses pieds étaient dans un sale état. Confirmant les dires du comte au sujet de son escapade nocturne inconsciente.
Elle se tint debout, près du comte, prête à suivre Breto.

Les cheveux longs décoiffés mais lisses, retombant sur sa robe de nuit, derrière et dans son dos, laissant à découvert ses frêles épaules.
Le comte la regarda rapidement puis retira sa cape pour lui recouvrir les épaules.
C’était un tissu de velours à l’extérieur, rouge bordeaux doublé de satin noir à l’intérieur qui était extrêmement doux. Et surtout lourd. Il la recouvrait parfaitement, la traîne touchait le sol.
Elle sentit le poids sur elle.
Une capuche était présente également.
Il le lui attacha sur le devant.

— Il fait encore frais dans les couloirs. Ça serait regrétable que vous attrapiez froid.

Elle se contenta de le remercier et de l’observer lui attacher le manteau.

Breto lui fit signe de le suivre et ils se rendirent jusque dans sa chambre. Les couloirs étaient encore calmes mais on entendait le début d’une certaine agitation.
Il ne prononça pas un mot du trajet mais elle avait fini par ne plus être gênée par ce silence.
Elle défit le lacet du manteau et le tendit en le repliant correctement au majordome.

— Merci infiniment.

Elle s’inclina et retourna dans sa chambre.
Breto semblait avoir l’esprit occupé, il ne fit qu’acquiescer mais arrêta Chloé lorsqu’elle posa la main sur la porte.

— Laissez-moi vérifier qu’il n’y a aucun danger dans votre pièce.

— Euh…. d’accord.
Répondit-elle prise au dépourvu et en reculant.

Il s’exécuta. Il ouvrit et son regard balaya concencieusement toute la chambre, qui n’était pas très grande. Il prit son temps et finit par arrêter la vérification et la laissa se préparer.
Il s’en alla, plus préoccupé que d’habitude.

Elle put enfin s’asseoir sur son lit et regarder plus en détails l’état de ses pieds. Se massant la plante, elle n’arrivait pas à croire sa dernière nuit.
Elle se rendit compte que le vent s’engouffrait de manière différente par la fenêtre, le bruit du sifflement n’était pas le même que d’habitude.
Elle se leva pour s’en approcher et elle vit que la fenêtre était effectivement mal fermée.
Elle dut la rouvrir pour la fermer correctement.
À l’ouverture du loquet, le vent s’engouffra encore plus violemment, même trop. Le souffle lui coupa presque la respiration, les battants claquèrent sur le mur en s’ouvrant en grand.
Elle croisa ses bras devant elle, par réflexe, pour éviter d’être aveuglée par les débris et la poussière.
Elle essaya à tâtons de refermer un battant puis l’autre, en tendant une de ses mains et l’autre bras devant son visage.
Quelque chose lui attrapa le poignet et la tira à l’extérieur, par la fenêtre.
Puis elle ressentit un énorme coup dans le creux du ventre qui lui coupa son propre souffle, net.
Elle perdit connaissance avant de pouvoir voir l’attaquant.
Elle se sentait tomber, d’une chute interminable.
Le vent semblait s’être calmé mais elle avait encore cette sensation de flottement.
Elle était comme dans un cocon chaud, la chose qui l’enveloppait dégageait de la chaleur, le toucher était également agréable.

Pendant ce temps. Breto était allé chercher Frekio pour lui parler des évènements de la veille et le mettre rapidement dans la confidence.
Il était en plein préparatifs du matin et la visite du majordome le surprit, se demandant s’il avait quelque chose à lui reprocher. Dans ses quartiers, ils purent discuter en privé, dans sa chambre, après qu’il l’ai invité à entrer, un peu à contre-coeur.

— Que me vaut cette visite… ?
Demanda t-il sur ses gardes.

— Je vais faire vite puisque j’ai d’autres tâches sur le feu. Hier soir, mademoiselle Chloé se baladait sur les toits du château, il semblerait qu’elle n’était pas consciente de ses propres actions. Puisqu’elle nous a fait part de ses derniers souvenirs, vous êtes la dernière personne à l’avoir croisée la veille.

Frekio l’écouta attentivement mais ne put masquer sa panique au sujet de cette information.

— Effectivement. Je l’ai quittée devant sa chambre.

— Est-ce que vous avez senti une présence malveillante envers elle ou tout autre détail étrange ces derniers temps autour d’elle ?

— … Hm… pas spécialement. En tout cas pas de présence étrangère… ce qui veut dire…

— C’est là où je veux en venir. Cela signifie que c’est une entité interne au château qui est à l’origine de ce petit tour… le comte vous confit en partie sa protection. Nous avons décidé qu’elle ferait comme si de rien n’était aujourd’hui. Nous resterons vigilants et sur nos gardes. Cela nous permettra peut-être à débusquer cette personne.

— Où est-elle… ?

— Dans sa chambre. Je viens de l’y laisser. Je retourne à mes tâches. Soyez prudent, Frekio.

Il partit de manière solonelle, le manteau du comte sur le bras.
Frekio referma la porte derrière lui et se recoiffa machinalement en passant sa main dans sa tignasse.
Ces nouvelles ne le rassuraient pas et il décida de se dépêcher et passer voir la victime avant de prendre son service et ses devoirs d’aujourd’hui.

Il marcha à pas pressés jusqu’à la chambre de bonne de Chloé et frappa à sa porte.
Il n’entendit rien, mis à part le vent, dont le courant d’air se ressentait entre la porte et la pierre.

— Chloé ? C’est Frekio. Tu vas bien ?
Retenta t-il de frapper.

Toujours aucune réponse.
Cela était étrange surtout qu’il était encore tôt.
Breto ne l’avait quittée qu’il y a peu de temps et Frekio n’avait pas tardé à se préparer pour venir jusque ici.
Peut-être qu’elle était déjà partie dans la tour d’Homa. Se dit-il.
Dans le doute, il tenta d’ouvrir la porte et vérifier par lui-même.
Quelle fut sa surprise de découvrir la chambre vide, mais surtout les draps du lit étaient défaits, la fenêtre grande ouverte laissait pénétrer le vent qui avait dû souffler assez fort pour retourner les draps du lit, et l’uniforme de la jeune femme était par terre.
Connaissant sa manie, elle n’aurait jamais laissé son lit dans cet état, et encore moins son uniforme qu’elle chérissait comme un bien de luxe, par terre ainsi.

Il s’inquiéta puis essaya de raisonner.
Il renifla et l’odeur de l’employée était encore dans la pièce malgré le vent. C’est qu’elle était là il y a récemment. Son parfum mêlé à une autre odeur familière… celle du comte, il ne releva pas cette information. Puis une troisième qu’il connaissait moins bien. Il s’approcha de la fenêtre et la troisième odeur fut plus persistante.
D’après son flair, il pouvait deviner que le ravisseur était parti avec Chloé et s’était dirigé dans la forêt du domaine.
Pas le temps de tergiverser, pour suivre la trace encore fraîche il fallait réagir maintenant.
Il se positionna sur le rebord de la fenêtre et il sauta pour traquer les bribes d’odeur et de phéromones qui restaient encore dans l’air, l’herbe et le sentier.

— Tant pis pour mon service. Je n’ai pas le temps d’y aller pour les prévenir.
Se dit-il à lui-même. En espérant que Breto ne lui passe pas un savon à son retour.

Il prit soin de marquer visiblement son trajet pour qu’on puisse le suivre à la trace, même tardivement.
Il fut rassuré d’être sur la bonne piste, l’odeur et la présence de Chloé étaient subtilement plus proche.
Il était maintenant sorti du domaine et il s’enfonçait dans une forêt beaucoup moins accueillante. Celle du domaine ne l’était pas spécialement mais là, il ressentait qu’elle était dangeureuse.
Les arbres étaient plus nombreux, les branches feuillues se croisaient à leur cime, ne permettant presque pas à la lumière de pénétrer à l’intérieur, ce qui donnait l’impression d’une nuit artificielle.
Il était difficile de s’y déplacer, les racines étaient nombreuses, larges et sortaient de terre par endroit.
À se demander si la forêt en elle-même n’avait pas sa propre volonté et cherchait à y piéger ses malheureux visiteurs.

Frekio avait l’impression de tourner en rond lorsqu’il se fiait à sa vue. Les arbres se ressemblaient et il avait même l’impression que les troncs se refermaient derrière lui.
Cependant l’odorat ne le trompait pas.
La verdure étouffait également les sons.

Au bout d’un moment, il réussit à percevoir du bruit et des voix. Il ralentit ses pas et se fit plus discret.
Il trouva un buisson pour s’y cacher et observer la scène.
Il arrivait à deviner une petite clairière dans laquelle plusieurs personnes discutaient.
L’une d’entre elle ne lui était pas totalement inconnue. Peut-être qu’il l’avait croisée une ou deux fois dans les couloirs du château.
Il était de dos, un grand spécimen anthropomorphe de loup croisé avec un humain. Sa fourrure était sombre mais bien entretenue. Vivre au château avait du bon.
Sa voix rauque était reconnaissable même s’il ne se souvenait plus de son prénom.

— Tu vas lui faire quoi ?
Demanda la voix rauque, inquiète.

— En quoi ça te regarde ? Ne t’en soucie pas. Donne-la moi.

L’autre voix était plus féminine, féline. Il arrivait à apercevoir vaguement son pelage. Sa voix ne lui était pas non plus étrangère mais cela remontait à loin dans ses souvenirs.

— Le comte semble y tenir…

— C’est justement pour ça que je la veux. Et pour ses prédispositions à la magie. Insista t-elle.

— Après ça, on est quitte ?
Demanda t-il.

— Oui oui. Si tu veux. Je ne t’ai pas demandé grand chose. C’était une tâche bien simple.

— Je risque gros si le comte l’apprend… et si cela était si simple, tu n’aurais pas échoué hier soir.
Rétorqua t-il. Sur la défensive.

— Roh, ça va. Ça arrive de pas avoir de chance. Tu ne m’avais pas prévenu pour le comte !

— Il vit la nuit, à quoi tu t’attendais de plus… ?

— Bon, donne-la moi qu’on en finisse.
Exigea t-elle.

La féline, une anthropomorphe lionne, s’approcha de son interlocuteur et tendit ses bras pour accueillir sa proie. Il lui donna à contre-coeur.
Elle l’observa attentivement.
Passant ses griffes sur son minois d’humaine.

— C’est donc ce type de femme que le comte apprécie…
Dit-elle à voix haute.

Elle la porta tel un vulgaire sac à légumes sous son aisselle, avec une grande aisance.

— Moi je rentre. Mon absence risque d’attirer l’attention, mon service ne commence que dans quelques heures… mais je préfère être prudent.

— Fais donc.

Elle l’ignorait déjà, son attention était portée sur la jeune femme, songeant déjà à la suite de son plan.
D’un geste de la main elle salua son complice et tourna les talons pour s’en aller.
L’employé du château, quant à lui, fut malin et décica d’emprunter un chemin différent pour rentrer, et ainsi brouiller les pistes vers lui. Cependant ce choix permit à Frekio de passer inaperçu. Cela allait être plus simple également de traquer la ravisseuse seule.

*

Elle était arrivée avec son ami pour postuler dans le domaine du comte qui avait une bonne réputation.
Ils furent tous les deux pris en essai et cela se passait à merveilles.
Elle eut des sentiments forts pour le comte et ce, dès les premiers jours. Lorsqu’elle pouvait être avec lui en tête à tête, elle n’hésitait pas à lui faire des avances, et elle créait des occasions de le croiser et le voir.
Il la repoussa à de nombreuses reprises, ne voyant pas d’un bon oeil son comportement.
Jusqu’au jour où elle tenta d’être plus intime avec lui, la fois de trop, et il la congédia de rage.
Elle fut mise à la porte du domaine et il lui interdit d’y remettre les pieds.
Ordre qu’elle respecta et surtout sans avoir le choix, puisqu’une barrière magique était présente, qui l’empêchait de mettre un pied sur son terrain sans l’alerter, et sans qu’elle se prenne une décharge assez violente. Elle avait essayé à de nombreuses reprises sans succès et elle avait fini par abandonner, par dépit.
Elle cherchait depuis tout ce temps un moyen de se venger d’avoir été ainsi rejetée et traîtée.
Une certaine rancoeur envers son ami qui y était encore. Il garda contact avec elle parce qu’elle était à l’origine de son emploi de rêve. Elle lui avait dit qu’il détenait une dette envers elle et le jour arriva.

Elle vit la jeune étrangère arriver dans le territoire. Une aura spécifique l’enveloppait et curieuse, elle resta au loin à l’observer. Les autres créatures de la forêt semblaient craintives et ne cherchèrent pas à l’attaquer.
C’est là qu’elle la vit entrer au château. Pénétrer dans la demeure.
Aussitôt, le lendemain, elle demanda des informations à son ami loup, qui lui rapporta tout ce qu’il savait.
Qu’elle avait été affectée à la tour de l’horloge.
La lionne en tomba des nues. C’était un poste pas anodin et il lui avait été confié dès son arrivée.
Elle suivit au compte goutte les péripéties de cette nouvelle et elle décida qu’elle voulait faire souffrir le comte autant qu’elle avait souffert, si ce n’est plus.
Son intérêt pour cette employée était certain. Elle qui n’avait jamais eu droit à ce genre de traitement, elle bouillonnait de jalousie et de colère.

Elle eut une idée pour récupérer cette humaine sans devoir pénétrer sur le domaine.
Elle demanda à son ami de lui apporter un cheveu au moins, de la jeune femme.
Il profita de la croiser dans la salle d’eau pour en ramasser un. Cette dernière ayant des cheveux noirs fins très longs, il fut facile de les distinguer et de les différencier des autres poils et cheveux qui auraient pu traîner dans cet endroit.
Pour être sûr à 100%, il attendit de pouvoir la bousculer pour récupérer un cheveu mort sur elle.
Elle était avec Frekio qui le dévisagea lorsqu’il fit exprès de lui rentrer dedans. Il s’excusa sur le champ et lui demanda si ça allait. Elle ne lui en voulut même pas.
La lionne put alors préparer un envoûtement pour le soir-même et la victime de son sort devait arpenter les toits jusqu’à se rapprocher de la limite de la zone protégée.
Elle avait choisi les toits pour éviter de croiser des témoins dans les couloirs. Elle ne s’attendait pas à ce que le comte en personne intervienne.
Heureusement elle était assez loin pour qu’il ne sente pas sa présence, mais ce plan tomba à l’eau.

Dès le lendemain, elle contacta son complice pour accélérer les choses. Il fallait agir maintenant ou abandonner l’idée de se venger pour les prochains jours, voire semaines, si ce n’étaient pas des mois.
Son complice avait pour mission de ramener directement la proie à son amie.

Elle put enfin observer de près cette chose humaine, si fragile qu’elle pourrait broyer d’un geste. Cette chair fraîche, succulente, qu’elle pourrait croquer.
Elle se retint. La vengeance était un plat qui se mangeait froid.
Il fallait que son colis ignore ou n’éprouver aucun sentiment pour le comte, qu’elle éprouve même du rejet pour cet homme, pour qu’il ressente ce qu’elle avait pu ressentir lorsqu’il l’avait jetée.
L’hypnose faisait des merveilles et elle allait s’entraîner pour atteindre son but.

Une odeur familière et chère à son coeur se retrouvait sur elle. C’était celle du comte. Son coeur se resserra. Ce parfum particulier lui avait manqué, mais que cette odeur si personnelle se retrouve sur cette humaine l’insupportait.

— Pourquoi elle ? Pourquoi elle et pas moi ?
Grognait-elle intérieurement.

Tourmentée par ses sentiments, elle faillit ne pas remarquer qu’elle était suivie.
Depuis combien de temps ? Elle l’ignorait mais cela ne vallait rien qui vaille.
La présence était seule, si elle l’éliminait maintenant, elle devrait assurer ses arrières.

Son complice était parti, retourné à sa vie de château, sa vie de rêve.

Elle s’arrêta, faisant mine de chercher son chemin.
La présence qui la suivait se dissipa.
Elle le somma de sortir de sa cachette, en menacant de déchirer l’humaine sous ses yeux.
Il obéit à contre-coeur. Marquant encore une fois son pasage, il se mit à découvert et s’approcha de l’ennemie.
Il reconnut l’ancienne employée et cacha sa surprise.
Elle aussi le reconnut. Elle ne cacha pas son amusement.

— Qui vois-je là… le toutou du comte… !

Il préféra garder le silence.

— Tss tss tss, ne songe même pas à récupérer l’humaine.
Ajouta t-elle.

En parlant de l’intéressée, elle commençait à reprendre conscience, balotée par sa ravisseuse, elle entendait les voix de plus en plus nettes.
On la lâcha et elle tomba au sol. Pliée en deux par la douleur qu’elle avait reçu auparavantt, elle était encore débousolée, ne sachant plus trop où était l’endroit de l’envers. Elle tenta d’ouvrir ses yeux, sa vision était encore trouble. Sa tête cogna quelque chose de dur. Une pierre ou une racine mais la douleur lui lança un moment et un liquide tiède s’écoula de son crâne.
Elle tenta de se relever et elle posa sa main sur la bosse en devenir pour la voir tachée de rouge.
Elle était assise au sol et regardait autour d’elle, sa vision devint plus nette et elle fut rassurée de voir Frekio.

Son soulagement fut de courte durée.
La lionne l’attrapa par la taille et lui mit ses griffes sous le menton. Et elle sortit les griffes de la patte qui se trouvait sur sa taille.
Elle n’osait plus bouger.

— Je te conseille de ne rien faire d’insensé, ou je risque d’égorger la petite chose. Il parait que ça saigne énormement chez un humain…

— Qu’est-ce que tu veux ?
Demanda t-il, sur la défensive. Il essayait de gagner du temps mais il fallait que cela ne se voit pas.

— Laisse-moi réfléchir… que tu arrêtes de me suivre ? Attends, je crois que ça va être compliqué… et si tu mourrais sous nos yeux ? Mais sans mon aide.

— Tu veux que je me.. suicide…. ?

— C’est ca. C’est bien, tu as compris ! C’est un bon chien-chien !

Il trembla.
Elle riait à pleine dents et pour le pousser à le faire, elle serra un peu plus fort ses griffes sur la taille de l’humaine, ce qui la fit grimacer, elle ne devait pas bouger mais c’était dur de rester immobile lorsque des griffes vous empoignaient la taille et le ventre.
Dans son mouvement, la brunette s’entailla le dessous du menton sur une autre griffe.
Du sang apparut le long de la cicatrice.
La lionne déchira en partie la robe de nuit, laissant apparaître la peau nue au niveau de la taille.

— Allez, dépêche-toi.
Le pressa t-elle.

Il sortit une de ses dagues de son fourreau et la tint devant lui.

— Non ! Ne fais pas ça Frekio !!
Cria Chloé, les larmes aux yeux.

La lionne enfonça la pointe des griffes dans son ventre.

— Tais-toi, toi. Fais moins la fière…

Frekio essaya mais ne put pas se résoudre à s’oter la vie, au bout de plusieurs minutes, tremblant, il laissa retomber son bras avec la dague.
La lutte entre l’ordre que lui avait donné le comte au sujet de Chloé, sa propre vie et celle de la jeune femme.
Il ne pouvait pas simplement se sacrifier.

— Je suis désolé, Chloé…
Dit-il, baissant le visage, dépité.

Elle fut rassurée qu’il ne se donne pas la mort mais la lionne ne fut pas du même avis. Même si le voir lutter était un spectacle qu’elle avait apprécié.

— Pff, alors on se dégonfle ?

Chloé songea à faire usage de sa magie pour aider Frekio et faire diversion.
L’ennemie ressentit son intention et l’arrêta net.

— N’y songe même pas. Si tu tentes quelque chose, je t’égorge.
Elle lui adressa à peine un regard.

*

— Dis-moi ce que je dois faire, Frekio…
Implorait-elle, se sentant totalement inutile.

Les larmes au bord des yeux, les griffes acérées de sa ravisseuse sur sa gorge.

— Ne bouge pas ! Tout va bien se passer…
Se rassurait-il lui-même.

— « Bouge pas » ? Tu parles d’un conseil !
L’ennemie explosa de rire. Elle en pleurait presque de rire.

Alors que Frekio avait jeté son arme au sol, elle gardait ses distances, sachant qu’elle ne devait pas baisser sa garde. Sous estimer un combatant sous l’ordre du compte pouvait lui être fatal.
Elle songeait à un moyen de le mettre hors d’état de nuire sans qu’elle ait à intervenir mais elle commençait à être à court d’idées.

*

Pendant ce temps au château.
Breto faisait le tour des services et il en profitait pour faire un contrôle du personnel présent, en toute discrétion.
Quelqu’un vint lui reporter que Frekio ne s’était pas présenté à son poste.
Sans surprise, Homa lui envoya un messager pour le prévenir que sa petite employée n’avait pas montré le bout de son nez, non plus.
Il fit exprès de soupirer comme il l’aurait fait à son habitude et finit son inspection.
Il alla de suite prévenir le maître des lieux qui était, vraisemblablement déjà au courant. Sur le point de partir, il avait enfilé son manteau et prit son épée qu’il rangea dans son foureau, à sa taille.

Il prenait son rôle de seigneur au sérieux et il se devait de défendre sa terre et les personnes sous ses ordres, mais également sous sa protection.

— Maître…
Commença t-il.

— Je sais. Je sors. Je te laisse t’occuper du reste.

Sa voix était comme à son habitude mais son serviteur le connaissait assez bien pour percevoir une certaine hâte.
Il s’inclina et le laissa sortir sans un mot.

Son arme cachée sous sa cape, il arpenta le château. Il alla tout d’abord vérifier dans la chambre de Chloé.
La porte était entrouverte et il vit rouge lorsqu’il vit l’état de la pièce. Le vent avait mis tout sens dessus dessous. L’uniforme se trouvait au sol, échoué sur la pierre.
Il alla regarder par la fenêtre et il put voir les traces laissées en évidence du sentier à suivre.
Il esquissa un sourire en pensant à Frekio.

— Brave garçon.
Dit-il, comme si son homme de main était à ses côtés.

Il se précipita sans tarder, à suivre les indices laissés.

2020.09.02

Nostalgie

Elle était rentrée, cela lui arrivait de retourner chez ses parents de temps en temps.
Depuis qu’elle avait décidé de faire sa vie en ville, ses passages à la maison familiale s’étaient faits rares.
Elle était envahie d’une certaine nostalgie.

Elle passa devant son école et le terrain d’entraînement de son père.
Cela raviva des souvenirs.
C’étaient à la fois des bons et mauvais moments.
Elle se rappela ces instants avec le sourire, lorsqu’elle s’entraînait avec ses frères, et quelques camarades.
Puis un pincement au coeur, lorsqu’elle se souvint des brimades. C’étaient des souvenirs avec une pointe d’amertume.
Cependant elle chérissait cet endroit, elle n’arrivait pas à le détester.
Avec l’âge et le temps. Les brimades avaient cessé et elle vivait presque une vie normale, insouciante.

Quelques têtes la reconnurent et vinrent la saluer.

— Qu’est-ce que tu deviens ?

Elle leur racontait rapidement son quotidien. Elle était épanouie.

Malgré l’amélioration de sa situation à la fin de sa scolarité, leur décision était déjà prise avec son frère. Ils avaient décidé de quitter le foyer familial pour se lancer dans leur projet professionnel.

— Tu viens échanger quelques coups avec nous ?

Elle se forçait à sourire et elle comptait refuser mais ils semblaient tellement se faire une joie de la revoir qu’elle accepta.

— Vous savez, je suis un peu rouillée…
Dit-elle, pour se dédouaner si jamais elle n’était pas à la hauteur.

C’est vrai qu’elle ne pratiquait presque plus, mais à l’époque elle avait un très bon niveau et cela ne s’oubliait pas du jour au lendemain.
Elle posa son sac dans un coin et s’échauffa rapidement avant de commencer.
Elle se défendit plutôt bien, mais elle s’épuisa vite.
La transpiration sur son visage la trahit.
Ils s’arrêtèrent là, et elle put reprendre son souffle.
Les mains sur ses cuisses, penchée en avant, elle respirait un peu plus fort.
Ses anciens camarades lui firent quelques tapes amicales dans son dos, en passant.

— Pour quelqu’un qui a arrêté de venir aux cours, tu as de bons restes !

Elle s’essuya avec le revers de sa main la transpiration qui était en train de goutter le long de sa mâchoire.
Elle se redressa et se mit à faire des étirements.

— N’exagère pas. Regardez dans quel état je suis !
Elle riait.

Cela lui avait manqué d’échanger quelques passes avec ses camarades. Elle pouvait se l’avouer.

Son père la vit et fit semblant d’être surpris.
Il s’approcha du groupe et avait dû assister à leur petit combat amical.
Il la salua d’un signe de la main, et elle lui rendit, timidement.
Elle avait honte qu’il ait assisté à cela.
Lui, professeur et entraîneur coach, et elle, sa fille ex-élève et faisant partie des meilleurs éléments.
Elle était réduite maintenant à ce niveau.
Les autres élèves adressèrent un mouvement de tête respectueux envers leur professeur et supérieur, et ils s’échangèrent quelques regards entre eux avant de décider d’un seul bloc de s’éloigner et laisser père et fille, seul à seule.

— Ne me dis pas que tu as vu ça…

Elle détourna son regard, n’osant pas affronter la réaction de son père. Elle savait le lire et elle saurait deviner ses émotions, et elle s’attendait à de la déception de sa part.

— Bien sûr que si.

Il se tint à ses côtés. Regardant sa grande fille s’étirer.
Elle faisait la taille de sa mère, un peu plus grande mais de pas grand chose.
Il réfléchissait à quel point elle avait grandit et combien de temps il ne l’avait pas vue. Quelques semaines ?
Elle finit par affronter son regard.

— Quoi… ?
Demanda t-elle, sur la défensive. Attendant un commentaire de sa part.

— Comment ça, quoi ?
Répéta t-il, ne comprenant pas la réaction de sa fille.

— Tu ne me fais pas un câlin ? Je ne t’ai pas manquée ?
Ajouta t-il, les poings sur ses hanches, et tendant les bras vers son enfant.

— Arrête papa… tout le monde nous regarde…
Repondit-elle, embarrassée.

— Et alors ?

Il lui fit une accolade et il l’attrapa pour l’enlacer.
Elle leva les bras pour les passer autour de son cou.
Elle avait oublié que son père était aussi grand.

— Tu n’as pas à rougir de ton niveau. Si tu as si honte, reviens plus souvent t’entraîner avec nous.
Lui dit-il dans le creu de son oreille, pendant qu’ils étaient en train de s’étreindre.

Sa voix était rassurante et elle pouvait entendre un peu de tristesse.
Elle en rougit.
Il n’abusa pas des effusions et la relâcha.

— Tu restes dîner avec nous ?
Demanda t-il, avec de l’espoir.

— Oui, je pense. Maman est encore au travail ?

Elle ramassa son sac qu’elle jeta sur son dos pour le remettre sur ses épaules avec les sangles du bon côté.

— Oui, je pense. Dans le bureau avec Gabriel, certainement.

— À ce soir.
Dit-elle en partant, d’un geste de la main, sans se retourner.

Elle savait que son père était encore en train de travailler et elle ne voulait pas s’attarder et le déranger plus longtemps.

Si sa mère était également occupée, elle décida d’aller embêter son grand-frère, demi-frère mais quand même son frère. Il était lui aussi devenu enseignant.
Elle se rendit à sa salle de cours.
Elle était en retrait, l’observant de loin.
Elle avait rarement l’occasion de le voir à son travail.
Ses cheveux bouclés courts, blonds et fins.
Son visage carré comme celui de son père mais ses yeux noisettes comme ceux de sa mère.
Lorsqu’il remarqua sa présence, il lui sourit brièvement sans perturber son cours.
Il avait des lunettes rectangulaires aux montures un peu épaises qui lui donnaient un air plus sévère qu’il ne l’était. Ses traits étaient doux à la base.
C’était un cours en amphithéâtre et il les avait porté pour mieux distinguer les différents élèves.
Il n’avait pas spécialement de problème de vue mais ces paires là, l’aidaient à reposer ses yeux.

Lorsqu’il finit, les étudiants quittaient déjà les lieux, quelques uns le saluèrent avant de partir.
Lui, était en train de réunir ses affaires.
Elle approcha. Il retira ses lunettes.

— Quoi de neuf ?
— La routine, t’as fini ta journée ?
— Ouaip, on peut rentrer ensemble.
— Alain dîne avec nous ce soir ?
— Je vais lui envoyer un message. Aurore est à la maison ?
— Certainement, elle doit être en train de bouquiner ou dormir.
— Cool. J’avais peur de pas la croiser aujourd’hui.
— T’en fais pas, d’habitude elle dîne à la maison avant de partir travailler.

Ils se dirigèrent vers la maison familiale tout en discutant.

— Comment va William depuis qu’ils se sont séparés ?
— Ah… ça a l’air d’aller. Il m’avait expliqué que c’était convenu comme ça. Ils se sont quittés en bons termes tu sais. Ils continuent de se voir, c’est juste qu’Aurore a préféré la séparation parce qu’elle a décidé de travailler et qu’elle savait qu’ils n’auraient plus le temps comme avant. Ou quelque chose comme ça.
— Je t’avoue que je n’ai pas trop compris non plus, ils étaient tellement biens ensemble.
— Pareil. Je pense que William est plus affecté qu’Aurore. Il m’a dit qu’il ne comptait pas se remettre avec quelqu’un d’autre. Il aimait vraiment trop Aurore, enfin il l’aime encore.
— Je vois…
— Et toi ? Tu n’as personne ?
— Haha, mon travail me suffit ! Et toi, alors ? Comment ça se passe avec Mathilde ? Elle dîne avec nous ce soir ?
— Ça va, on songe à emmenager ensemble…
— Mais c’est super ! Ah, on devrait peut-être prévenir les parents, si on est aussi nombreux à dîner…
— J’envoie un message à mon père.

Aurore était allongée sur le côté, sur son lit, un livre à la main.
Ten’ était lové contre elle, dans le creux de son ventre.
De son autre main de libre, elle le caressait de temps en temps.

2020.07.14