Nostalgie

Elle était rentrée, cela lui arrivait de retourner chez ses parents de temps en temps.
Depuis qu’elle avait décidé de faire sa vie en ville, ses passages à la maison familiale s’étaient faits rares.
Elle était envahie d’une certaine nostalgie.

Elle passa devant son école et le terrain d’entraînement de son père.
Cela raviva des souvenirs.
C’étaient à la fois des bons et mauvais moments.
Elle se rappela ces instants avec le sourire, lorsqu’elle s’entraînait avec ses frères, et quelques camarades.
Puis un pincement au coeur, lorsqu’elle se souvint des brimades. C’étaient des souvenirs avec une pointe d’amertume.
Cependant elle chérissait cet endroit, elle n’arrivait pas à le détester.
Avec l’âge et le temps. Les brimades avaient cessé et elle vivait presque une vie normale, insouciante.

Quelques têtes la reconnurent et vinrent la saluer.

— Qu’est-ce que tu deviens ?

Elle leur racontait rapidement son quotidien. Elle était épanouie.

Malgré l’amélioration de sa situation à la fin de sa scolarité, leur décision était déjà prise avec son frère. Ils avaient décidé de quitter le foyer familial pour se lancer dans leur projet professionnel.

— Tu viens échanger quelques coups avec nous ?

Elle se forçait à sourire et elle comptait refuser mais ils semblaient tellement se faire une joie de la revoir qu’elle accepta.

— Vous savez, je suis un peu rouillée…
Dit-elle, pour se dédouaner si jamais elle n’était pas à la hauteur.

C’est vrai qu’elle ne pratiquait presque plus, mais à l’époque elle avait un très bon niveau et cela ne s’oubliait pas du jour au lendemain.
Elle posa son sac dans un coin et s’échauffa rapidement avant de commencer.
Elle se défendit plutôt bien, mais elle s’épuisa vite.
La transpiration sur son visage la trahit.
Ils s’arrêtèrent là, et elle put reprendre son souffle.
Les mains sur ses cuisses, penchée en avant, elle respirait un peu plus fort.
Ses anciens camarades lui firent quelques tapes amicales dans son dos, en passant.

— Pour quelqu’un qui a arrêté de venir aux cours, tu as de bons restes !

Elle s’essuya avec le revers de sa main la transpiration qui était en train de goutter le long de sa mâchoire.
Elle se redressa et se mit à faire des étirements.

— N’exagère pas. Regardez dans quel état je suis !
Elle riait.

Cela lui avait manqué d’échanger quelques passes avec ses camarades. Elle pouvait se l’avouer.

Son père la vit et fit semblant d’être surpris.
Il s’approcha du groupe et avait dû assister à leur petit combat amical.
Il la salua d’un signe de la main, et elle lui rendit, timidement.
Elle avait honte qu’il ait assisté à cela.
Lui, professeur et entraîneur coach, et elle, sa fille ex-élève et faisant partie des meilleurs éléments.
Elle était réduite maintenant à ce niveau.
Les autres élèves adressèrent un mouvement de tête respectueux envers leur professeur et supérieur, et ils s’échangèrent quelques regards entre eux avant de décider d’un seul bloc de s’éloigner et laisser père et fille, seul à seule.

— Ne me dis pas que tu as vu ça…

Elle détourna son regard, n’osant pas affronter la réaction de son père. Elle savait le lire et elle saurait deviner ses émotions, et elle s’attendait à de la déception de sa part.

— Bien sûr que si.

Il se tint à ses côtés. Regardant sa grande fille s’étirer.
Elle faisait la taille de sa mère, un peu plus grande mais de pas grand chose.
Il réfléchissait à quel point elle avait grandit et combien de temps il ne l’avait pas vue. Quelques semaines ?
Elle finit par affronter son regard.

— Quoi… ?
Demanda t-elle, sur la défensive. Attendant un commentaire de sa part.

— Comment ça, quoi ?
Répéta t-il, ne comprenant pas la réaction de sa fille.

— Tu ne me fais pas un câlin ? Je ne t’ai pas manquée ?
Ajouta t-il, les poings sur ses hanches, et tendant les bras vers son enfant.

— Arrête papa… tout le monde nous regarde…
Repondit-elle, embarrassée.

— Et alors ?

Il lui fit une accolade et il l’attrapa pour l’enlacer.
Elle leva les bras pour les passer autour de son cou.
Elle avait oublié que son père était aussi grand.

— Tu n’as pas à rougir de ton niveau. Si tu as si honte, reviens plus souvent t’entraîner avec nous.
Lui dit-il dans le creu de son oreille, pendant qu’ils étaient en train de s’étreindre.

Sa voix était rassurante et elle pouvait entendre un peu de tristesse.
Elle en rougit.
Il n’abusa pas des effusions et la relâcha.

— Tu restes dîner avec nous ?
Demanda t-il, avec de l’espoir.

— Oui, je pense. Maman est encore au travail ?

Elle ramassa son sac qu’elle jeta sur son dos pour le remettre sur ses épaules avec les sangles du bon côté.

— Oui, je pense. Dans le bureau avec Gabriel, certainement.

— À ce soir.
Dit-elle en partant, d’un geste de la main, sans se retourner.

Elle savait que son père était encore en train de travailler et elle ne voulait pas s’attarder et le déranger plus longtemps.

Si sa mère était également occupée, elle décida d’aller embêter son grand-frère, demi-frère mais quand même son frère. Il était lui aussi devenu enseignant.
Elle se rendit à sa salle de cours.
Elle était en retrait, l’observant de loin.
Elle avait rarement l’occasion de le voir à son travail.
Ses cheveux bouclés courts, blonds et fins.
Son visage carré comme celui de son père mais ses yeux noisettes comme ceux de sa mère.
Lorsqu’il remarqua sa présence, il lui sourit brièvement sans perturber son cours.
Il avait des lunettes rectangulaires aux montures un peu épaises qui lui donnaient un air plus sévère qu’il ne l’était. Ses traits étaient doux à la base.
C’était un cours en amphithéâtre et il les avait porté pour mieux distinguer les différents élèves.
Il n’avait pas spécialement de problème de vue mais ces paires là, l’aidaient à reposer ses yeux.

Lorsqu’il finit, les étudiants quittaient déjà les lieux, quelques uns le saluèrent avant de partir.
Lui, était en train de réunir ses affaires.
Elle approcha. Il retira ses lunettes.

— Quoi de neuf ?
— La routine, t’as fini ta journée ?
— Ouaip, on peut rentrer ensemble.
— Alain dîne avec nous ce soir ?
— Je vais lui envoyer un message. Aurore est à la maison ?
— Certainement, elle doit être en train de bouquiner ou dormir.
— Cool. J’avais peur de pas la croiser aujourd’hui.
— T’en fais pas, d’habitude elle dîne à la maison avant de partir travailler.

Ils se dirigèrent vers la maison familiale tout en discutant.

— Comment va William depuis qu’ils se sont séparés ?
— Ah… ça a l’air d’aller. Il m’avait expliqué que c’était convenu comme ça. Ils se sont quittés en bons termes tu sais. Ils continuent de se voir, c’est juste qu’Aurore a préféré la séparation parce qu’elle a décidé de travailler et qu’elle savait qu’ils n’auraient plus le temps comme avant. Ou quelque chose comme ça.
— Je t’avoue que je n’ai pas trop compris non plus, ils étaient tellement biens ensemble.
— Pareil. Je pense que William est plus affecté qu’Aurore. Il m’a dit qu’il ne comptait pas se remettre avec quelqu’un d’autre. Il aimait vraiment trop Aurore, enfin il l’aime encore.
— Je vois…
— Et toi ? Tu n’as personne ?
— Haha, mon travail me suffit ! Et toi, alors ? Comment ça se passe avec Mathilde ? Elle dîne avec nous ce soir ?
— Ça va, on songe à emmenager ensemble…
— Mais c’est super ! Ah, on devrait peut-être prévenir les parents, si on est aussi nombreux à dîner…
— J’envoie un message à mon père.

Aurore était allongée sur le côté, sur son lit, un livre à la main.
Ten’ était lové contre elle, dans le creux de son ventre.
De son autre main de libre, elle le caressait de temps en temps.

2020.07.14

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