Exaucer

Il n’est pas marié, sa fiancée est morte de maladie alors qu’il était encore infirmier et il n’avait rien pu faire pour la sauver.
Ils étaient jeunes et ils avaient profité du bon temps de la fin de semaine pour sortir et se balader dans les rues.
Ils vivaient déjà ensemble, heureux.
Elle travaillait dans une petite épicerie comme vendeuse. Elle était de constitution faible mais gardait le sourire et faisait comme de rien n’était.
Pour ne pas inquiéter Michel, elle ne lui parlait pas de ses petits problèmes de santé.

Ils marchaient côte à côte, il était content de passer du temps avec elle. Elle souriante, dans sa petite robe d’été. Ils n’avaient pas tellement d’argent mais ils économisaient pour un mariage prochain.
Ils se dirigèrent vers quelques magasins, ils rêvassaient à quoi acheter quand ils seraient mariés et quand ils auraient plus d’économies.
Il se retourna et ne vit plus Isabelle.
Elle ne le suivait plus.
Derrière une foule de passants, elle était debout, les genoux fléchis et la main entre sa poitrine.
Elle le regarda d’un air triste, elle grimaça de douleur et s’écroula au milieu des gens, sur la route.
Il courut vers elle, elle s’accrocha à lui.
Il lui tenait la main et la serrait fort contre lui.

— Isabelle…
Murmurait-il.

Les passants pouvaient penser qu’ils n’étaient qu’un couple qui se déclarait leur amour.
Elle le regarda dans les yeux et sourit tristement.

— Michel… Je suis désolée… Je ne pourrai pas vieillir à tes côtés… Merci pour tout…

Elle ferma les yeux, lentement et perdit connaissance. Les larmes au coin de l’oeil.

— ISABELLE…

Il serrait encore sa main entre ses doigts.
Il la porta telle une enfant, son corps frêle dans ses bras et courut vers l’hôpital le plus proche.
Il s’excusa auprès des gens qu’il bousculait.
Un homme baraqué qu’il avait soigné auparavant l’interpela.

— Hé, c’est pas Michel !?… Qu’est-ce qui se passe ?!

Il était sur un chariot attelé, c’était un chauffeur.
Il vit Michel essouflé une personne dans ses bras et pressé.

— Monsieur… Ma fiancée vient de s’évanouir, je dois aller à l’hôpital au plus vite…
Dit-il d’une traite en mangeant à moitié ses mots.

— Monte ! À l’hôpital tu dis ? Raconte-moi tout en chemin.
— Merci Monsieur !

Arrivés à l’hôpital, elle passa aux urgences mais il était déjà trop tard. Son coeur avait arrêté de battre.
En sortant, Jean, le chauffeur l’interpela. Lorsqu’il vit le visage blême de son ami, il n’osa pas dire un mot.
Il remercia Jean et resta un peu dans le jardin de l’hôpital.
Il retourna à la chambre d’Isabelle et s’assit à côté d’elle.
Elle semblait dormir à poings fermés.
Il prit sa main et l’embrassa.
Il ne finit pas de s’excuser et pleurer.
Une femme médecin entra dans la pièce au bout de quelques heures.
Elle s’adressa à lui comme si elle le connaissait et lui expliqua que c’était le souhait d’Isabelle de ne pas le mettre au courant de sa maladie.
Elle savait qu’elle n’avait plus beaucoup de temps à vivre.
Qu’elle s’excusait et qu’il ne devait pas s’en vouloir.
Elle lui dit de se ressaisir, qu’il devait continuer à vivre pour lui et pour elle.
Elle partit et le laissa seul avec Isabelle.
Il décida d’aller dans la forêt.
Il savait qu’Isabelle avait toujours rêvé d’y aller mais que c’était bien trop dangereux.
Elle aurait voulu approcher l’arbre géant qu’elle voyait de la fenêtre de leur appartement.
Il n’avait plus envie de vivre sans Isabelle.
Il prit une décision folle, se leva et la prit dans ses bras. Ils allaient y aller.
Peu importe s’il se faisait dévorer par les bêtes.
Les chasseurs étaient nombreux. Les gens qui s’y rendaient savaient ce qu’ils y faisaient. Ils étaient chasseurs ou chassés.
Le regard sans vie, les yeux rouges après avoir tant pleuré.
Il voulait au moins l’emmener dans l’endroit qu’elle voulait tant voir.

Un homme de grande carrure.
Il avait une veste avec une capuche en tissu. Dessous un T-shirt aux manches longues et évasées, une sorte de jupe longue ouverte sur le côté avec un pantalon en tissu léger en dessous et de petites bottes.
Il était derrière des buissons et vit Michel arriver, sans aucune arme sur lui, portant une jeune fille dans ses bras. Il se dirigea vers lui sans se faire remarquer.
Il dégaina son épée et la pointa sur le dos de Michel.

— Que faites-vous ici ?
Demanda t-il d’une voix glaciale.

Michel n’osa pas répondre et semblait se réveiller de sa folie.

— Donnez-moi une raison de ne pas vous tuer.

— … Isabelle… Ma fiancée… Je veux juste me rendre au pied de l’arbre…
Dit-il, les mots entrecoupés de sanglots ravalés.

L’homme armé sembla comprendre la situation.
Il analysa ses alentours pour savoir si aucun danger n’était présent.
Il baissa lentement son épée et poussa un soupir.

— Vous n’avez rien à faire ici. Il n’est pas possible d’aller aussi loin sans se faire tuer…

Son visage caché dans l’ombre de sa capuche.

— Tout ce que je peux faire c’est emmener votre… Isabelle jusqu’à l’arbre…

Il proposa cela en voyant la tristesse se dessiner sur le visage de Michel.

— Vous ne pouvez pas rester ici, vous mettez votre vie en danger. Je vais vous raccompagner jusqu’à la sortie. Rentrez chez vous.

Michel ne savait plus quoi faire.
Même cette dernière chose qu’il voulait accomplir, exaucer pour Isabelle, il en était incapable.
Il regarda l’homme, perdu dans ses pensées.

— Continuez tout droit à partir d’ici, la voie me semble dégagée. Dépêchez-vous de partir.
Dit-il en le jaugeant.

Il soupira de nouveau.

— Vous pouvez me faire confiance, je porterai votre fiancée jusqu’à l’arbre. Je vous le promets.

Michel hésita quelques secondes puis s’approcha lentement de l’inconnu et lui donna le corps de sa bien-aimée.

— Reprenez-vous. Vous devez continuer à vivre, c’est ce qu’elle aurait souhaité, je pense…
Dit-il en regardant Michel dans les yeux.

Michel ne put retenir ses dernières larmes.

— Je suis désolé, je ne peux pas vous laisser aller plus loin dans la forêt…

Lorsqu’ il rentra jusqu’à son appartement, sans se retourner.
Il ne put supporter la vue des affaires d’Isabelle, il ne put s’empêcher de repenser à quelques heures, quelques jours plus tôt. Sa présence était encore palpable. Son odeur.
Il ravala un sanglot et décida de tout mettre dans des cartons.
Dès la semaine prochaine, il demanderait à être interné à son travail.
Comme l’inconnu l’avait dit, il ne devait pas se laisser submerger par sa peine.
Il devait continuer à vivre, et ne se pardonnant pas de n’avoir pu sauver la personne qui comptait le plus pour lui, il se mit à étudier pour être médecin et aider le plus de personnes qu’il pourrait.
Il passa rapidement du statut de simple infirmier à assistant chirurgien puis lui-même médecin et chirurgien.
Les années s’écoulèrent sans qu’il ne s’en rende compte.
Sortant rarement de son lieu de travail.
Il ne s’intéressait plus à rien à part son métier.
À part ce détail, c’était un interne exemplaire qui faisait du boulot irréprochable.
Plusieurs jeunes filles s’étaient éprises de lui mais sans succès.
Il les rejetait toutes sans exception, en s’excusant de ne pouvoir leur rendre leurs sentiments.
Son coeur avait été donné à Isabelle et il ne trouvait personne à sa hauteur, ni ne se sentait pas d’aimer autant quelqu’un d’autre.

Il devait avoir la trentaine lorsqu’il rencontra Daisy.
Une petite fille d’environ 16-17 ans.
Elle était dans un état pitoyable. Elle avait des bleus sur le visage et sur ses bras.
Son corps frêle faisait peur à voir.
Ses vêtements étaient en lambeaux et crasses.
C’était une sans-abri ou une mendiante.

2013.7.10

Boisson

Il mit alors un extrait de mélange d’alcool et d’autres produits, dans sa boisson. Assez pour qu’elle ne s’en rende pas compte.
Il attendit qu’elle fut assoiffée pour lui proposer à boire.
Elle but plusieurs grandes gorgées de son verre. Accordant son entière confiance à son tuteur.
Lorsqu’elle reposa son verre, elle sentit le sol se dérober sous ses pieds.
Elle se tourna vers lui.
Le regard interrogateur.
Il l’observait, s’approcha d’elle à grands pas.
Elle recula mais le décor autour d’elle tremblait.
Son souffle était plus court et elle sentait sa poitrine se resserrer.
Il l’accula jusqu’au bureau.
Le dos à la table, les mains posées à plat pour tenter de garder l’équilibre.
Elle releva son visage pour observer celui de l’autre.

— Pourquoi ?
Pensait-elle.

Pourquoi avait-il mit de l’alcool dans sa boisson.
Il la prit par la taille et de l’autre main il prit son visage dans sa main.
Il approcha ses yeux de ceux de la jeune fille et respira son odeur en partant du creux de son cou.

2013.9.8

Vingt-cinq

En cette nuit d’hiver, je m’étais baladé un peu partout dans l’hôpital, ma tasse de café chaud à la main.
Dans la salle d’accueil, je sentis la présence d’une personne sur les sièges.
Elle était allongée sur plusieurs places, dormant profondément.
Je m’approchais d’elle.
Elle était habillée en souillonne, une enfant de la rue, en soit.

— Hey, gamine ! C’est interdit de coucher ici.

Ne se réveillant pas à mes appels.
Je la secouais un peu.
Elle ne réagit presque pas.
Le corps gelé.
Si elle restait ici, elle finirait par mourir de froid. Certainement.
Je regardais autour de moi.
Personne aux alentours.
Je la portais jusqu’à ma chambre.
Elle ne se réveilla pas jusqu’au lendemain.

— Suis-je morte ?

Ce fut ses premières paroles.

— Comment te sens-tu ?
— … Froid…
— As-tu faim ?
— Oui…
— Attends quelques minutes, je vais te chercher quelque chose.

En partant chercher un morceau de pain de la veille ou quelques restes. Je me demandais ce que j’allais faire d’elle et dans quels problèmes je m’étais jeté…

— Comment t’appelles-tu ?
— … Numéro 25…

Un numéro. C’était certainement une esclave ou un lien avec des trafics d’humains…

— Tu sais, tu n’as pas le droit de t’endormir sur les sièges de l’hôpital… Ce n’est pas un dortoir. Tu comprends ? Je suis désolé mais tu vas devoir t’en aller.

Elle sortit lentement du lit.

— Tu peux emporter avec toi le morceau de pain.
Lui dis-je en tendant le pain rassit d’hier.

— Tu vas retrouver le chemin vers la sortie… ?

Elle prit la nourriture en gardant la tête baissée.
Serrant la miche dans ses mains comme si c’était de l’or.
J’avais un peu de peine à la jeter dehors mais je ne pouvais pas faire autrement.
Elle releva lentement son visage vers moi.

— Je… je ne peux retourner d’où je viens… S’il vous plaît… Laissez-moi rester ! Je dormirai par terre ! Je mangerai les restes de la veille ! Je ferai tout ce que vous voulez ! Ne me renvoyez pas là-bas… !
Me dit-elle, suppliante.

— « Je ferai tout ce que vous voulez » ?

Je m’approchais d’elle.
Elle recula par réflexe.
Elle fut acculée au mur.
Elle leva les yeux vers moi.
Si petite, si vulnérable.
Je plaquai ma main gauche sur le mur, près de ses hanches.
Ma main droite sur son visage.

— Ce que je veux ?
Répétais-je en lui souriant.

Je voyais la peur dans ses yeux. Ou bien était-ce de l’incompréhension ?
Au bout de quelques secondes de silence. Elle baissa les yeux et détourna son visage.
Je m’éloignais.

— Fais attention à ce que tu pourrais dire… File.

Je me retournai vers mon bureau.
Je sentis qu’on me tirait par le bout de ma veste.

— … Faites ce que vous voulez de moi… Mais laissez moi rester ici…

Je lui attrapais le bras d’une main et de l’autre je soulevais son visage vers le mien.

— Vraiment… ?

Elle détourna le regard.

— … Oui…

Je l’attrapais alors par ses hanches et je la portais jusqu’au lit.
Mes mains de chaque côté de sa tête, sur le lit.

2013.8.19

Banc

Je l’ai recueillie alors qu’elle était en train de dormir sur un banc de l’église, le regard vide.
Je m’en souviens comme si c’était hier.

Il faisait froid. Il neigeait.
J’étais dans le hall de la bâtisse. Je regardais par les grandes fenêtres la tempête de neige qui se préparait.
En faisant ma ronde auprès des bancs pour vérifier que personne n’avait rien oublié lors de la dernière messe, je vis une personne allongée, recroquevillée sur elle-même. Tremblotante.
Sa longue chevelure noire laissait penser que c’était une fille.
Elle portait une robe sale et rapiécée.
Une fille des rues, en somme.
Lorsque je voulus la réveiller puisqu’elle ne répondait pas à mes appels.

— Hé, petite, tu ne peux pas rester dormir ici-

Je lui attrapai le bras pour qu’elle ouvre les yeux et qu’elle quitte les lieux.
Cet endroit était une église mais n’était pas un foyer pour les sans-abri.
Il n’y avait pas assez de chambre pour accueillir tous les démunis de la ville.
Son corps était gelé.
Je n’eus pas le coeur à la jeter dehors par ce temps.
Je regardai autour de moi, et j’enfreins la règle.
Je la portai jusqu’à ma chambre.
Elle semblait dormir profondément.
Je la posais dans mon lit, sous la couette qui allait réchauffer son petit corps frêle.
Je la réveillerai demain, et elle devra retourner d’où elle vient.
C’est ce que je m’étais dit.
Ne pouvant plus me coucher, j’en profitais pour revoir mes notes et travailler sur mes recherches.
À l’époque, je n’étais qu’un simple infirmer assistant qui étudiait pour être médecin.
Dans ma petite chambre, je travaillais pour l’église et l’hôpital qui y était rattaché.
Cette église existait pour donner de l’espoir aux gens.
Derrière, des groupes de gens travaillaient dans la recherche de nouveaux médicaments et soins, une autre partie était constituée de médecins et d’infirmiers pour s’occuper des blessés.
Ainsi le lendemain matin, elle ouvrit ses yeux.
Le regard vide, elle n’avait aucune idée de où elle se trouvait.
Je la rassurais du mieux que je le pouvais, en lui disant qu’elle ne craignait rien. Qu’on était dans les appartements de l’hôpital.
Bien entendu je lui rappelais qu’elle n’avait pas le droit de passer la nuit dans le hall de l’église.
Que cette fois-ci ça passerait mais que la prochaine fois, il ne faudra pas.

— Si je t’avais laissée sur le banc, quelqu’un d’autre t’aurais demandé de partir… Tu comprends ?

Ne sachant pas si elle comprenait ce que je lui disais ou non.
Elle semblait se cacher sous la couverture, réprimandée.

— S’il vous plaît… Je ferai tout ce que vous voudrez… Ne me renvoyez pas à l’extérieur…

Les larmes aux yeux, sanglotait-elle ?
« Ce que vous voudrez » ?
Est-ce qu’elle se rendait compte de l’ampleur de ses paroles… ?
Assis à mon bureau. Je me massais l’arc nasal, après une nuit blanche, je n’avais pas l’esprit clair.

— Est-ce que tu te rends compte de ta situation ? Cela ne dépend pas de moi… Ce n’est pas possible.

Je me levai pour aller me rincer le visage, de quoi me réveiller et me rafraîchir.

— Prends ton temps mais lorsque je reviendrai je te raccompagnerai jusqu’à la porte. C’est clair ?

Mes études étaient assez pénibles sans que je m’encombre d’une personne en plus à ma charge.

2013.8.15

Maillon [Fanfic] Etrian Odyssey

Elle sut dès son plus jeune âge qu’elle serait moine.
Aventurière comme le fut son père.
Bien qu’elle vivait seule depuis quelques années déjà, après la disparition de son père dans le labyrinthe, puis la mort de sa mere, de maladie.
Elle n’apprit que trop tard la raison de la mort de son père, il était parti chercher un remède pour soigner sa femme.
Chacun avait ses raisons de devenir aventurier : la gloire, la recherche, gagner sa vie, et bien d’autres.
Elle était curieuse des secrets du labyrinthe, toute l’économie ou presque de la ville reposait sur ce donjon.
Les études et la recherche étant trop contraignantes, elle avait décidé de s’engager en tant qu’aventurière et mener ses propres recherches lorsqu’elle en aurait le temps.
Il fallait bien qu’elle vive.
Le premier jour où elle décida de s’engager, elle se rendit à l’entrée du labyrinthe. Préparée, la tenue, les provisions.
Il ne manquait plus que rejoindre un groupe, trouver un ou plusieurs partenaires pour une expédition.
Il était bien entendu hors de question de s’y aventurer seul. Sauf exception des vétérans, et encore.
Il y avait un petit paquet de monde sur la place.
Elle était venue au petit matin.
Un peu intimidée par tant d’aventuriers. Les habitués se connaissaient tous et se saluaient chaleureusement.
Certains groupes étaient déjà formés et n’attendaient que le dernier membre de leur équipe.
Elle se fit bousculer, justement, par un retardataire.
Il arriva à toute allure, il s’excusa et repartit vers ses amis.

— Désolé ! Mon réveil n’a pas sonné !
— On n’attendait plus que toi…

La place commençait à se vider peu à peu.
Les groupes entrant un à un dans le donjon.
Il ne restait presque plus personne, à part elle.
Elle était nouvelle, personne n’avait besoin d’un novice, et les personnes qu’elle avait interrogé pour lui proposer ses services n’avaient pas besoin d’un moine.

Il, l’avait remarquée mais l’ignora et entra sans s’attarder sur la nouvelle arrivante.
Lorsqu’il finit sa quête, il était déjà tard et il se rendit au bar.
Il s’assit à sa table habituelle.
Il s’installa et commanda la même chose que les jours d’avant.
Son sac de butin amassé pas loin, à ses pieds.
Lorsqu’il releva sa tête pour observer la salle, il entendit d’abord une voix familière. Il regarda dans la direction de la provenance du son.
C’était la fille de ce matin. Elle était en train de faire toutes les tables pour demander aux aventuriers s’ils ne voulaient pas la prendre dans leur équipe pour débuter.
Bien entendu, chacun refusait, ils ne connaissaient rien d’elle et une novice ne les intéressait pas.
Il était dur de faire confiance à quelqu’un, de plus une personne de plus c’était aussi partager le butin.
Si le maillon était mauvais, c’était la vie du groupe en jeu.
Il entendit des commentaires à quelques tables de lui.
Deux femmes, une magicienne et une guerrière discutaient.

— Elle va bien finir par se lasser…
— Personne ne va la prendre. Elle est là depuis le début de soirée…
— C’est pas un jeu d’être aventurier.
— Qu’elle retourne chez elle jouer à la poupee…

Ce qu’elles disaient était dur mais il était du même avis que ces femmes.
Ses débuts n’avaient pas été faciles non plus.
Bien que le profit était proportionnel au danger encouru, beaucoup se ravisaient lorsque leur vie était en danger.
Il s’apprétait à détourner le regard et l’ignorer comme ce matin lorsque de nouveaux clients entrèrent.
C’était un groupe de guerriers baraqués. Ils riaient et semblaient de fort bonne humeur.
Ils s’installèrent à une table sans trop de discrétion.
Ils discutèrent bruyament.
Un des hommes, s’arrêta de parler, fit un signe à son camarade en désignant la jeune fille.
Le propriétaire du bar se fichait pas mal de la fille. Du moment qu’elle ne dérangeait pas les clients, il n’y avait pas de problèmes.
Celui qui semblait être le chef de groupe interpella la fillette lorsqu’elle se fit rejeter par la dernière table qu’elle venait de faire.

— Hey, petite ! Viens par ici.

Ses amis riaient intérieurement.

— Oui ?!

Elle releva la tête et ses yeux brillèrent d’un espoir.

— Tu cherches un groupe à rejoindre ?
— … O- oui !
— Tu peux rejoindre le notre si tu veux, on pourra t’apprendre plein de choses.

Le regard vitreux, il n’avait certainement pas de bonnes intentions.
La petite, aveuglée par la joie d’enfin pouvoir être dans un groupe était sur le point d’accepter.
Au fond de la salle, les deux femmes commençaient à s’agiter.
Elles voyaient ce qui était en train de se passer et étaient sur le point de se lever pour donner une leçon à ces messieurs malintentionnés.
Quand tout d’un coup, à quelques tables d’elle, il se leva.
Surprises par cette intervention, venant d’un homme, elles restèrent à le fixer et se rassirent.
Il se dirigea vers les hommes, attrapa la fillette par le bras et la tira derrière lui.

— Je peux savoir ce que vous êtes en train de proposer.
Sur une voix plutôt mençante et froide.

Son regard n’inspirait pas confiance.
Le leader prit peur et ne voulut pas se risquer à des explications dans ce lieu public.

2013.8.7

Marcel

La porte s’ouvrit et prise au dépourvu, la pluie battante à l’extérieur, elle s’affala sur le sol, trempée jusqu’aux os.
L’homme baraqué et chauve s’apprétait à la frapper en pensant que ce n’était qu’un voyou. Il se ravisa au dernier moment. Il referma la porte aussi vite qu’il put pour éviter de tremper son carrelage inutilement.

Il s’accroupit vers elle.
C’était une jeune adolescente plutôt maigre.
Elle se releva avec un peu de mal, elle se tourna vers l’homme.
Elle prit peur à la vue de l’inconnu comme si elle avait vu un fantôme.
Elle fit un bond en arrière.

— J…je suis désolée !
Dit-elle d’une voix paniquée.

Elle était sur son postérieur, les mains en guise de bouclier.
Elle recula comme elle le put.
Elle se cogna contre la table de travail.
Le choc faillit faire tomber un bol sur elle.

Il ne sut pas comment interpréter sa réaction.
Il ne pensait pas qu’il était aussi effrayant.
Il n’était pas du genre à s’occuper d’autrui, il préférait s’occuper de ses affaires.
Il cherchait déjà un moyen de se débarrasser de l’intrus qui venait de débarquer chez lui.
Il resta accroupi pour ne pas l’effrayer plus.
Il chercha les bons mots pour la mettre en confiance et comprendre ce qu’il se passait.

— … Tu n’as rien à craindre ici. Je ne te ferai aucun mal. Que s’est-il passé… ?

Elle était encore perdue dans ses pensées.
Elle semblait chercher du regard quelque chose. Un repère.
Le souffle encore court.
Elle pensait qu’elle était peut-être en lieu sûr mais pas pour longtemps.
Elle devait partir d’ici et ne pas déranger plus.

— Je…
Commença t-elle.

Elle tenta de se lever mais prise d’un vertige après avoir tant couru, elle s’évanouit sur le sol.
L’homme se précipita pour l’attraper avant qu’elle ne percute le carrelage.
Il l’examina un peu plus.
Elle était extrêmement légère et maigre.
Ses vêtements étaient trempés et sales.
Il se demanda combien de temps elle était restée à l’extérieur, sous la pluie.
Elle avait un peu de fièvre.
Il soupira.
Cela lui rappelait de mauvais souvenirs.
Il décida de la porter jusqu’à l’étage.
Il la déshabilla, elle allait attraper froid s’il la laissait dans des vêtements complètement trempés.
Il lui mit un marcel propre lui appartenant et un short.
Elle flottait dedans mais c’était mieux que rien.
Il se dirigea vers une chambre libre, ce n’était qu’une modeste petite chambred’ami, plutôt sombre. Tout l’étage était sombre.
Il tira la couverture et la posa dedans.
Il se rendit compte qu’elle était vraiment gelée.
Il se renseignerait à son sujet demain.
Il jeta les vêtements mouillés dans la corbeille à linge sale.
Il jeta un dernier regard dans la chambre d’ami et s’en alla vers sa propre chambre.
Il alla chercher son caleçon de nuit et se rendit dans la salle de bain pour prendre une douche, se changer et aller se coucher.

Il dormait qu’avec un caleçon de nuit.
Il se réveilla au petit matin.
Il se demanda si tout ce qui s’était passé hier était un rêve.
Il se rendit dans la chambre d’ami, il y avait toujours quelqu’un dans le lit.
Il poussa un soupir.
Il se demanda ce qu’elle, ferait à sa place.
Il se changea et mis un pantalon.
Il s’approcha du lit de la fille et toucha son front pour savoir si elle allait mieux.
La fièvre semblait être retombée.
Il alla s’occuper du linge sale, le laver et l’étendre.
Après la pluie torrentielle d’hier soir, il faisait un soleil radieux aujourd’hui.
Il descendit ouvrir à son cuisinier.

2013.7.29

Cuisine

Vivant dans un petit appartement dans un immeuble de moyenne classe.
Sa mère faisait le métier de fille de joie et elle lui avait donné naissance sans savoir qui était le père.
Son père biologique était parti sans demander son reste.
Actuellement, sa mère avait un autre conjoint.
Sa mère ne prennait pas soin de Daisy. Elle avait fait le minimum pour qu’elle grandisse.
Pour elle, un enfant devait servir à quelque chose. Elle était dure.
C’était sa manière d’élever sa fille.
Elle continuait à faire son travail qui permettait de faire vivre la petite famille. Elle avait appris à Daisy les tâches ménagères. Ainsi, Daisy s’occupait du bien-être de la maison et de celui de sa mère.
Elle devait rester cachée pour ne pas se faire voir des clients.
Le conjoint de sa mère était son proxénète.
Depuis quelques temps, Daisy avait atteint sa puberté et ressemblait de plus en plus à une jeune femme.
Elle voyait le conjoint et sa mère faire leurs choses d’adulte, à travers l’ouverture de la porte. Elle les entendait.
Elle les évitait.
Une fois, le conjoint l’avait surprise en train de regarder à travers la porte, par accident.
Elle était partie aussitôt.
Honteuse.
Bien qu’elle évitait la chambre de sa mère, elle les entendait.
Anya et Rupert.
Rupert avait des mauvaises semaines et rentrait de très mauvaise humeur. Il se défoulait sur Daisy pour ne pas le faire sur sa conjointe avec qui il faisait l’amour.
Les jours où il rentrait alors qu’Anya n’était pas là, il prenait Daisy à part et la violentait pour le moindre détail et reproche au sujet de la maison.

— DAISY ! Qu’est-ce que c’est que ça ?! VIENS ICI ! TOUT DE SUITE. Tu n’as pas passé le balai dans cette pièce ! Regarde cette poussière !
Disait-il en criant dans tout l’appartement.

Il lui montrait le tas de poussière qui s’était accumulé dans un coin.
Il l’attrapait par le bras et lui donnait alors une énorme claque.

— Excusez-moi… Cela ne se reproduira plus… Je vous le promets. Je suis désolée…
Repondait-elle en pleurant, effrayée de la réaction de Rupert et surprise de la frappe sur sa joue.

Il la relâchait et repartait à ses occupations comme si de rien n’était.
Se sentant plus serein après avoir extériorisé sa frustration.
Jusqu’au jour où il avait entrevu Daisy dans l’ouverture de la porte.
Il avait sourit.
Il avait remarqué qu’elle avait changé physiquement. À travers son T-shirt trop grand de souillonne et sa jupe crasseuse. Il imaginait ses formes.
Il s’intéressait à son corps vierge.
Quelques jours après, il la prit à part, toujours quand il pouvait être seul avec elle, c’était son petit secret, il battait Daisy, et elle n’osait rien dire à sa mère.
Il la chercha dans tout l’appartement. Elle se reposait. Ne mangeant pas grand chose elle était tout le temps fatiguée.
Elle dormait dans un tas de couvertures dans un recoin de la cuisine.
Il s’approcha d’elle et s’accroupit juste devant elle.
Il remit une de ses mèches de cheveux à sa place.
Elle se réveilla en sursaut et voulut s’éloigner de lui.

— Je t’ai vue l’autre jour… Tu nous regardais, n’est-ce pas ? Ça t’interesse ce que ta mère et moi nous faisons ?
Dit-il avec un large sourire.

Elle secoua machinalement la tête pour lui signifier que non.

— Je suis désolée ! Je ne voulais pas regarder ! Je ne l’ai pas fait exprès ! Je ne le referai plus ! Je vous le promets !

La peur et les sanglots dans sa voix.

— Tu peux regarder autant que tu veux tu sais… Tant que tu le fais discrètement…

Le sourire jusqu’aux oreilles.

— Non ! Je ne voulais pas ! Je suis désolée !
— Tu préfères peut-être essayer… ? Je peux te montrer, tu sais…

Il s’approchait de plus en plus, en touchant l’épaule de Daisy.

— Non… Je… Non… !

Elle reculait mais était prise au piège dans le coin de la pièce.
Il avait bien trop de force comparé à elle.
Elle pouvait crier autant qu’elle le voulait, personne n’allait venir.
Il lui mit la main sur sa bouche pour l’empêcher de faire trop de bruit, il tenta de l’étrangler pour qu’elle finisse par se taire.
Elle perdit connaissance.
Il la viola.
Ceci se produisit à de nombreuses reprises.
Jusqu’au jour où sa mère rentra plus tôt et le surprit en pleine action.

— Rupert… Qu’est-ce que tu fais… ?

Elle se tenait à la porte de la cuisine.
Il se retourna lentement alors qu’il venait de finir.
Il remit son pantalon rapidement et tenta de s’expliquer.

— Anya… ? Ce n’est pas ce que tu crois ! Je peux tout t’expliquer.

Il se leva et prit Anya avec lui et l’emmena dans sa propre chambre.

— Qu’est-ce que tu faisais… avec Daisy… ma fille !

Elle commençait à élever le ton.

— Je vais tout t’expliquer ! Calme toi ! C’est elle qui me fait du charme ! Je ne voulais pas te le dire pour pas te faire de peine… Depuis qu’elle comprend notre relation… Elle me saute dessus quand tu n’es pas là… Je l’ai repoussée plusieurs fois… Mais tu sais que nous les hommes… Nous pensons avec ce qu’il y a en dessous de notre ceinture… Pardonne-moi…

Elle était sans voix et ne savait pas comment interpréter cette révélation…

— Depuis combien de temps… ?
Finit-elle par demander.

— … Plusieurs mois.

Il était assis sur le lit, les coudes sur ses genoux, le visage baissé dans ses mains.

— … C’est vrai ce que tu me racontes… ?

Les mains sur sa bouche, debout, elle ne savait pas quelles mesures prendre.

— Bien sûr !!! Tu doutes de moi ? … Je n’aime que toi… Anya…

Il releva la tête et la regarda avec les larmes aux yeux.

— Pardon… Rupert… Mon chéri… Je suis perdue avec cette situation. Tu comprends.. C’est ma fille…

Elle s’approcha de lui et s’agenouilla et prit son visage dans ses mains.

— Anya…

Pendant tout ce temps. Daisy était restée dans la cuisine, encore brisée du viol même si elle avait commencé à en avoir l’habitude.
Le temps qu’elle reprenne ses esprits.
Sa mère était maintenant au courant. Qu’allait-il se passer ?
Elle entendait des voix venir de la chambre.
Est-ce qu’elle allait être libérée de son suplice ?

Elle s’avança jusqu’à Daisy, l’aida à se relever.
Elle la regarda dans les yeux, elle avait du mal à contrôler ses émotions.
De sa main libre, elle leva son bras et donna une giffle à Daisy.
Daisy ne s’y attendait vraiment pas.
Elle était encore sous le choc. Elle ne comprenait pas ce qui se passait.
Pourquoi sa mère l’avait gifflée.
Même si elle ne lui montrait pas de l’affection, elle ne l’avait jamais frappée. Elle avait toujours tout fait pour qu’elle soit satisfaite de ce qu’elle faisait.
Les larmes coulèrent sur son visage sans qu’elle ne s’en rende compte.
Elle ne savait pas ce qu’elle avait fait de mal.
Sa mère la tira par le bras droit et l’emmena dans l’entrée.
Elle ouvrit la porte et la jeta sur le palier.

— … Ne remets plus jamais les pieds ici… !
Dit Anya, la voix tremblante entre la colère et la tristesse.

Derrière elle, Rupert était sorti de la chambre et regardait la scène. Il affichait un visage satisfait et victorieux. Anya était de dos et ne pouvait pas voir ses véritables intentions.

— … Maman… ?
Dit Daisy d’une petite voix et le regard paniqué.

— … Tu n’es plus ma fille à partir d’aujourd’hui… !
Lui répondit-elle en lui claquant la porte au nez.

Anya se retourna et vit Rupert, dans le couloir.
Il la regardait avec ses yeux doux et feignait la tristesse.
Elle s’avança dans ses bras et pleura.
Il la consola et la serra dans ses bras.

— Peut-être que tu as été un peu trop dure…
— … Tu crois… ?
— Tu ne veux pas lui donner une dernière chance… ? Je sais que c’est ta fille… Ce n’est pas facile…

— … Tu… as peut-être… raison.
Dit-elle entre ses sanglots.

— Elle est encore jeune et n’a pas notion de ce qui est bien ou non…
— … Je… qu’ai-je fait… ?
— Je vais aller la chercher… D’accord ?
Dit-il de sa douce voix.

Tout ce qu’il voulait c’était coucher avec Daisy. Ce qu’il ne pouvait pas dire à sa compagne c’est qu’il préférait Daisy parce qu’elle était plus jeune, et qu’il pouvait être violent avec elle. Le fait qu’Anya la jette dehors n’était pas prévu, cela l’embêtait plus qu’autre chose. Il ne pourrait plus avoir Daisy à portée de main.
En allant la chercher il pourrait la récupérer et l’enfermer quelque part en attendant. La séquestrer sans que cela ne se sache. Il pourrait toujours dire que Daisy ne voulait plus rentrer et reniait sa propre mère, ou bien qu’il n’avait pas réussi à la retrouver.
Il laissa Anya se remettre de ses émotions et sortit de l’appartement.
Cela ne faisait pas longtemps que Daisy n’était plus là. Elle ne devait pas être très loin.

Daisy descendit les escaliers un à un. Elle avait toujours été enfermée dans l’appartement et avait rarement vu à quoi ressemblait la vie à l’extérieur.
Elle marchait, nonchalante, les yeux sans vie.
Sa mère l’avait rejetée et elle ne savait pas pourquoi.
Elle se remémorait tout ce qu’elle avait fait et essayait de comprendre où était son erreur, sa faute.
Elle sortit de l’immeuble. Il faisait nuit et il pleuvait des cordes.
Elle était en T-shirt un peu trop grand pour elle, sous lequel elle portait une jupe mi-longue sale.
Ses cheveux bruns et longs étaient en tresse à moitié en pagaille.
Elle resta sous l’abri au dessus de la porte de l’immeuble, ne sachant pas trop où aller ni que faire.
Elle entendit des pas derrière elle, et la porte s’ouvrit et laissa apparaître Rupert qui ne cacha pas sa joie.
Daisy prit peur.
Elle avait toujours eu peur de Rupert et elle comprit que c’était à cause de lui si sa mère l’avait jetée dehors. Il lui avait rapporté des mauvaises choses.
Elle sentit que s’il l’attrapait, sa vie était en péril.
Il tendit le bras pour l’attraper et la faire taire, au cas où.
Daisy eut le réflexe de descendre les escaliers et partir en courant.
Il n’y avait plus les murs de la cuisine qui l’empêchaient de s’enfuir. Le monde extérieur était vaste.
Avec la pluie, elle glissa sur une marche et s’affala par terre. Elle était pieds nus.
Rupert sourit et s’approcha doucement de Daisy.
Elle se leva précipitemment et courut dans n’importe quelle direction. Elle devait partir. Et loin.
Rupert souriait de plus en plus. Cette situation lui plaisait. Si elle s’enfuyait loin il pourrait alors la maltraiter sans qu’Anya soit au courant. Si cela se passait en bas de l’immeuble, cela serait beaucoup plus dangereux pour lui, il devrait faire beaucoup plus attention à ce qu’il pourrait dire et faire.
Elle ne savait pas quelle heure il était mais les rues étaient vides. Elle n’avait croisé personne. Aussi parce qu’il pleuvait averse et que personne ne voulait sortir par un temps pareil. Les rideaux d’eau ne permettaient pas de bien voir ce qu’il se passait au loin. On devinait les enseignes de restaurants et autres lieux animés par la lumière qui était diffusée.
Elle emprunta une petite ruelle en pensant qu’elle pourrait couper et semer Rupert.
C’était un cul-de-sac.
Elle arriva devant une grande facade d’immeuble. Elle chercha à frapper aux portes aux alentours pour demander de l’aide mais personne ne répondit.
Ils devaient penser que c’était quelqu’un de saoul ou de louche.
Personne n’allait ouvrir à un inconnu.
Il était trop tard pour elle de faire demi-tour et de revenir sur la grande avenue. Elle se cacha derrière une caisse en bois. En priant qu’il ne la retrouve pas.
Elle avait froid et claquait des dents.
Elle mit ses mains sur sa bouche et essayait d’étouffer le bruit comme elle le pouvait. Elle avait à la fois peur et froid.
Son nez la picotait et elle avait aussi envie d’éternuer.
Elle essayait de se retenir en coupant sa respiration et à la fois cammoufler le bruit de ses dents.
Elle finit par lâcher un petit éternuement.
Rupert vit la caisse trembler et avait vu Daisy emprunter cette ruelle. Il s’approcha tout doucement et la surprit.

— Viens ici… Tu vas voir… Je vais être gentil…
Dit-il avec son sourire dérangeant. Il avait tout sauf des bonnes intentions envers Daisy.

Elle se débattit et fit du bruit en tapant dans les caisses autour d’elle.

— Arrête ça !
Dit-il, en essayant de la maîtriser et la frappa dans le ventre.

— Tu vas me suivre sagement et être une gentille fille n’est-ce pas… ?

Il avait perdu son sourire et la regardait avec mépris.
À ce moment là, un homme d’une trentaine d’année ouvrit la porte et sortit dans la ruelle. Le bruit l’avait intrigué et il était sortit voir.
Il vit alors une jeune fille en train de se faire embêter par un homme d’une vingtaine d’années, les cheveux longs et avec une chemise. Il la frappa au ventre.
L’homme de 30 ans réagit tout de suite au coup de poing. Il s’avança rapidement vers Rupert et lui donna une leçon.
L’homme était plutôt grand et baraqué, à la peau un peu hâlée, il était chauve.
Rupert ne comprit pas ce qu’il lui arrivait. L’homme était arrivé par derrière et lui avait donné un coup qui l’avait assomé. Il était à terre. Le baraqué l’enjamba et alla auprès de la fillette, qui se tenait le ventre à moitié pliée en deux. Elle leva la tête pour voir la scène et tourna de l’oeil.
Elle n’avait plus assez de force après avoir courut autant et tenir debout face à la douleur.
Rupert reprit ses esprits et se releva.
Il vit le baraqué chauve et voulut lui donner à son tour une petite leçon. Il tenta de le frapper.

2013.6.13

Plumes

Depuis ce jour, elle était enfermée dans les appartements de Sylvain.

— Ne sors pas sans mon autorisation. Ne laisse personne entrer non plus.

Elle obéissait. Cet homme n’était pas méchant. Il lui avait certainement sauvé la vie.
Elle aurait dû rentrer chez elle, mais elle ne pouvait pas lui indiquer exactement d’où elle venait. Elle ne pouvait pas non plus rentrer d’elle-même. Elle n’avait pas encore d’ailes.
De plus, son corps était largement plus faible et limité depuis l’accident. Elle récupérait assez rapidement mais pour elle. Ce n’était pas assez. Elle savait qu’elle avait été à un fil de ne plus se réveiller.
Le moindre faux mouvement ou action physique l’épuisait.
Elle finissait par avoir le vertige et était essoufflée.
Comment pouvait-elle prétendre au poste de grande prêtresse avec une telle constitution dorénavant ?

Sylvain était un homme assez grand, il semblait avoir plus de la trentaine. Il était occupé la plus grande partie de sa journee à faire des rondes ou s’occuper de certaines affaires importantes à sa société.
Il semblait qu’il travaillait dans une grande entreprise et était le chef de tout cela.
Il ne lui avait pas dit de quoi cela s’agissait réellement. Il évitait constamment le sujet.
Il prenait soin d’elle pour qu’elle soit vite sur pieds.
Elle était restée inconsciente 3 jours, dans son lit.
À son réveil il était assis dans un fauteuil, à côté du lit et semblait veiller sur elle.
Il était intrigué par une telle beauté et le mystère de cette jeune fille.
Il s’enticha dès les premiers jours de la douceur dans sa voix, de ses manières, de sa politesse. Et cette faiblesse lui donnait envie de la protéger.
Le coeur de cette jeune fille était pur. Au moment où elle ouvrit les yeux, il le sut.
Elle ne savait pas qui il était, ni où elle était et n’avait aucune arrière pensée.
Ce monde n’était pas fait pour elle.

Le matin il faisait en sorte de déjeuner avec elle.
Il partait ensuite, la laissant seule dans son appartement.
Elle s’occupait comme elle le pouvait. Elle lui souhaitait une bonne journée.
Elle restait dans le lit, trop affaiblie pour bouger.
Elle se rapellait les premiers jours où il était obligé de la nourrir puisque ses bras étaient inutilisables.
Depuis, ils mangeaient toujours au lit, elle prenait son repas et se reposait jusqu’à son retour.
L’assistante et le médecin passaient alors changer les bandelettes et réappliquaient de la pommade et autres remèdes.
Il revenait pour le repas de midi. Elle l’acceuillait alors avec un sourire. Comme si elle l’attendait. Lui demandant comment s’était passé la matinée.
Il repartait juste après. Comme un homme très occupé.
C’était l’assistante du médecin qui préparait à manger.
Il avait expliqué que personne n’était au courant de sa présence, mis à part lui et ces deux personnes. Qu’elles étaient de confiance.

Ils semblaient qu’ils vivaient tous au même étage.
Aucune lumière de l’extérieur ne pénétrait la pièce.
Au bout d’une semaine elle était guérie. Bien que sa condition physique ne lui permettait pas de faire grand chose.

On devait s’inquiéter pour elle.
On était sûrement en train de la chercher mais Sylvain ne pouvait pas la laisser toute seule dans la forêt.
À partir du moment où elle put marcher sans trop s’épuiser.
Elle insista à un tel point qu’il lui fit visiter l’étage.
Elle apprit quelques bases de la médecine. C’étaient des gens bien.
À cet étage, vivaient dans un autre appartement, le couple de l’assistante et le médecin. Ils vivaient tranquillement. On ne demandait leur aide que rarement, et ils continuaient à faire des recherches même pendant leurs congés.
Ils s’entendaient vraiment bien avec Sylvain. C’était plus qu’une simple relation de patron à employés.
Il n’a jamais voulu lui faire visiter les autres étages.

Un mois passa.
Elle commença à avoir des picotements dans son dos.
Une allergie ? Des insectes ?
Ce n’était pas ça.
Elle sentit quelque chose en elle qui poussait au niveau des omoplates.
Elle sentit sa peau se déchirer. S’ouvrir. Une brûlure.
Quelques plumes couleur rubis sortirent de son dos. Elle saignait.
La douleur la fit s’écrouler par terre, au pied du lit.
Elle gémissait. Elle souffrait.
L’assistante alertée par le bruit entra dans la pièce. Elle accourut vers elle en lui demandant ce qui n’allait pas.
Elle était en boule et se tenait les bras.
Elle vit sa chemise se teinter de rouge au niveau du dos.
C’était mauvais.
Elle l’aida à enlever le haut.
Elle n’en croyait pas ses yeux.
Son compagnon accourut aussi.
Il la porta et l’allongea sur le ventre, dans le lit.
Elle cria toute la nuit. Durant tout le processus où ses ailes poussaient.

Elle se rappela des ailes de son frère.
Il n’avait pas tellement crié, mais il avait beaucoup transpiré. Elle était restée à ses côtés, laver ses ailes de sang et le soutenir.
Il gémissait de douleur.
Il se retenait, c’est ce qu’elle se disait maintenant avec le recul. Il se retenait parce qu’elle avait été là. Pour ne pas l’inquiéter. Il avait fini par s’endormir et elle était restée à ses côtés jusqu’à son réveil.

Ce jour là, Sylvain était rentré plus tard que prévu. Des affaires à régler.
Lorsqu’il arriva à l’étage, il ne vit pas ses deux amis, c’était étrange.
Il se dit qu’ils étaient peut-être déjà allés se coucher.
Il ouvrit la porte de sa chambre.
Il vit alors les deux médecins.
Elle se retourna vers lui et lui fit signe de ne pas faire trop de bruit.
Il s’inquiéta de voir une bassine remplie d’un liquide bizarrement sombre, ainsi que des bandages imbibés.
Il s’approcha.

— Que se pa…

Il avait à peine finit sa phrase qu’il se figea à la vue de la jeune fille dans le lit.
Elle semblait endormie bien qu’on pouvait voir des goutelettes de sueur sur son visage et son corps.
De son dos, une armature avait percé sa peau. Les plumes ressemblaient à des feuilles d’un rouge profond. Le sang avait finit par sécher aux extrémités.
Elle semblait avoir muté et un monstre avait l’impression de vouloir sortir de son dos.
Comment quelque chose d’aussi grand pouvait être contenu dans un corps aussi petit.
Son amie le regarda.

— Elle a fini par s’endormir, nous lui avons injecté quelques anesthésiants.

Ce n’était pas ce qu’il voulait entendre.
Il voulait qu’on l’éclaire sur la signification de tout ceci.
Il ne savait pas par quoi commencer.
Il finit par bouger et approcha doucement sa main tremblante vers le visage de l’endormie.
Il avait peur que tout cela ne soit qu’un rêve et qu’elle finisse par disparaître s’il la touchait.
Il sentit sa peau froide et légèrement humide au bout de ses doigts.
Les ailes n’étaient qu’à la moitié de leur croissance complète.
Ils arrivaient au bas du dos.
Sa langue se délia peu à peu.

— Merci de vous être occupés d’elle, je vais prendre le reste en main, allez vous reposer.

— Bien.
Répondirent-ils en choeur. Après avoir échangé un regard complice.

Après qu’ils furent sortis.
Il changea la bassine d’eau et alla chercher une éponge et une brosse.
Il se demanda si c’était bien avec une brosse qu’on pouvait sécher des plumes.
Il prit une chaise et s’assit auprès d’elle.
Il commença à éponger son sang et à nettoyer celui séché sur ses plumes.
Beaucoup de questions se bousculèrent dans sa tête.
Est-elle un ange ?
Qu’allait-il se passer ensuite ?
Est-ce qu’elle lui raconterait tout ce qu’elle savait ?
Allait-elle partir ?
Il voyait la souffrance se dessiner sur ce visage.
Elle remua les lèvres et sembla vouloir dire quelque chose.

— … A… lex… andre…

Il se crispa. Il pensait qu’elle allait appeler son prénom. Il était troublé. C’était le nom d’un autre homme. Une pointe de jalousie apparut dans son coeur.
Lorsqu’il finit de nettoyer ses ailes il alla reposer la bassine, le chiffon et la brosse avant de s’affaler dans son canapé, à côté du lit.
Il était épuisé de sa journee mais il ne pouvait se résoudre à aller se coucher en sachant la jeune fille dans cet état.
Sans compter qu’elle était elle-même allongée dans son propre lit. Il avait fini par s’y habituer, il se reposait la plupart du temps dans le canapé à l’autre bout de la pièce, de temps en temps il ne rentrait pas dormir de la nuit et ce n’était qu’au petit matin qu’il venait s’échouer sur le rebord du lit, alors elle se levait et l’aidait à se coucher.
Elle se demandait toujours ce qu’il pouvait bien faire comme métier pour être aussi épuisé.

En pleine nuit, alors qu’il s’était allongé dans son canapé, en gardant en vue la jeune fille, il s’était endormi.
Elle se réveilla à moitié, une douleur aigue l’avait arrachée de son sommeil bien qu’elle avait finit par s’atténuer. Elle ouvrit les yeux et se rendit compte qu’il devait être très tard. Tout était silencieux. Elle avait envie de crier tellement la douleur était forte mais elle se remémora la fois, quand c’était son frère qui vivait cet évènement. Tout le monde devait dormir. Elle ne devait pas déranger leur sommeil.
Elle finit par se retenir du mieux qu’elle le put. Elle gémissait. Elle tentait d’étouffer ses gémissements avec l’oreiller qui était à sa portée.
Elle se demandait comment son frère avait fait pour se retenir à ce point. Elle devait être forte.

Il se réveilla à son tour, un peu paniqué, il venait de se rendre compte qu’il s’était endormi. Il regarda l’heure et se tourna vers le lit.
Elle semblait bouger. Il entendait quelques bruits.
Il se leva, encore un peu dans les vapes et s’approcha d’elle.
Il ne rêvait pas, elle s’était réveillée.
Il se précipita à ses côtés et voulut l’interroger.

— Alice ? Est-ce que…

Il vit ses omoplates saigner de plus belle et la continuité de ses ailes s’extirper de son dos.
Il regarda son visage, elle n’était pas bien. Il voyait qu’elle se retenait.
Il ne savait pas quoi faire pour la soulager, pour l’aider. Totalement paniqué.
Elle entrouvit ses paupières après avoir senti sa présence auprès d’elle, il lui avait pris la main.
Il la regardait d’un air désespéré et triste.
Elle se contenta de sourire du mieux qu’elle put.

— Ça va aller…

Au bout de quelques minutes, les ailes avaient fini de pousser.
Il était allé retourner chercher la bassine et la remplir d’eau chaude, ainsi que la brosse.

— Pardon…
Dit-elle, avant de fermer les yeux.

Il alla chercher aussi une serviette pour éponger la sueur sur son visage et une partie de son corps.
Elle se réveilla le lendemain matin.
Sa main était dans celle de Sylvain. Il s’était endormi, la tête sur le rebord du lit et tenait fermement la main d’Alice.
Elle se sentait tellement désolée de l’avoir empêché de dormir correctement.
Elle restait dans la même position en l’observant. Il était mignon.
Réfléchissant à une manière de se lever sans le réveiller.
Elle entendit du bruit à l’extérieur de la pièce.
On frappa doucement à la porte.
Elle n’osa pas dire quoi que ce soit de peur de le réveiller. Elle ouvrit la bouche et la referma sans en faire sortir aucun bruit.
La porte finit par s’ouvrir d’elle-même et une jeune femme entra silencieusement en lui souriant, lorsqu’elle la vit éveillée. Elle referma la porte doucement derrière elle.

2012.9.25

Veille

Mon grand frère me prit par la main et m’emmena à l’extérieur de notre demeure, on passa par la porte de derrière, il accéléra le pas. Ma mère m’embrassa, me mit un petit chaperon. Notre ville était attaquée et les attaquants étaient bientôt aux portes du château. Mon père se préparait déjà, ma mère était paniquée et inquiète de mon sort.
Je n’étais jamais sortie de notre demeure et peu de personnes connaissaient mon visage à part certains domestiques de confiance.
Ma mère quitta rejoindre notre père pour défendre ce qui nous appartenait. Elle confia à mon frère de prendre soin de moi et de m’emmener dans un lieu sûr.
On courait dans les bois, il aperçut une charrette de marchand qui s’était arrêtée non-loin devant.
Il sourit. C’était notre chance pour s’enfuir mais je ne pouvais oublier ce qu’on avait laissé derrière nous et à quel point j’étais inutile. Si notre château devait tomber, personne ne se douterait de mon existence, c’est ce que mes parents devaient penser. Mon frère mit la capuche de mon chaperon sur ma tête, m’embrassa sur le front et me remit un petit couteau orné de notre emblème familial.

— Garde le précieusement, il te servira sûrement.

Je le rangeais dans ma petite sacoche.
Il s’approcha du marchand qui prenait sa pause, et lui demanda d’une voix calme et polie s’il pouvait m’emmener à sa prochaine destination. Voyant que je n’étais qu’une petite fille. Il accepta. Mon frère ne partait pas avec moi, il me dit de prendre soin de moi, et courut rejoindre nos parents.
Il ne pouvait pas se résoudre à les abandonner, il pouvait combattre, mon père lui avait appris les bases.
Le monsieur à côté ne me posa aucune question. Il se contenta de diriger le chariot en silence. Arrivée à la ville, il me déposa et me renseigna un peu, sur certaines choses que je devais savoir. De faire attention aux gens louches qui pourraient vouloir profiter de moi. Je bus ses paroles de sage. Les portes de la ville fermaient en fin d’après-midi, les auberges étaient chères et je n’avais rien sur moi.
Je le remerciais et je suis partie dans une grande ruelle.
Je remarquais un bâtiment qui ressemblait à une bibliothèque. Je m’en approchais et je décidais d’abord d’y entrer.
J’avais l’habitude de lire à la maison dans notre bibliothèque. Je saluais poliment le bibliothécaire qui était un homme un peu âgé avec des cheveux blancs. J’aperçus dans son regard un soupçon d’étonnement, c’était la première fois qu’il me voyait. J’arpentais les rayons jusqu’à m’arrêter sur un livre traitant des remèdes médicinaux et de soins. Le livre était bien trop haut, hors de mon atteinte à cause de ma taille.
Je me mis sur la pointe des pieds, essayant de l’attraper. Un jeune homme apparut derrière moi et attrapa ma cible pour me la tendre. Il avait un air de famille avec l’homme de l’accueil. Il portait des lunettes de forme ronde et avait de longs cheveux réunis en arrière à l’aide d’un ruban.
Il me fixa et lit le titre de l’oeuvre.
Je m’assis à la première place libre que j’eusse trouvé dans la salle de lecture. Il me suivit du regard. Se demandant si je comprennais vraiment ce que je lisais vu mon jeune âge.
La bibliothèque était peu fréquentée. Les gens venaient surtout pour emprunter et restaient rarement lire.
Le vieux monsieur me prévint qu’ils allaient fermer, j’allais reposer le livre quand je me suis rappelée que j’étais trop petite pour le reposer. Il me sourit et me dit que je pouvais le laisser sur la table.
Je suis partie avec la tête plein d’informations. La ville allait aussi fermer ses portes. Je sortai.
Devant moi, la route par laquelle j’étais arrivée et de part et d’autre des arbres, et la profonde forêt.
Je fis attention à ne pas perdre chemin, et je m’arrêtais à un arbre avec un petit creux à ses pieds, formé par ses racines.
Que devenaient mes parents, mon frère. Est-ce qu’ils allaient bien ? Est-ce que je les reverrai un jour ?
J’étais seule, la journée était passée si vite. Je n’avais pas vraiment réfléchi à la situation. J’étais entrée dans la bibliothèque par instinct, par habitude de la lecture.
Je me suis réveillée par la fraîcheur matinale et la faim.
Je ne sais combien de temps s’est écoulé.
Une semaine ou deux, chaque jour au matin je retournais en ville et j’allais à la bibliothèque. Le peu de nourriture dans ma sacoche était écoulée et j’avais réellement faim. Le son que produisait mon estomac dans la salle silencieuse m’embarrassait.
Je ne me nourrissais que d’herbes ou de fruits et champignons comestibles ramassés dans la forêt que j’appris à reconnaître grâce aux livres.
J’ai commencé à tenter de réunir certains ingrédients pour fabriquer des boissons nourrissantes à base de peu de choses dans la forêt. J’ai aussi trouvé un endroit où dormir couvert près d’une source d’eau. Commencé à construire une petite demeure avec quelques morceaux de bois ramassés.
Le bibliothécaire curieux, m’interrogea.
Plus les jours passaient plus il me voyait fatiguée, épuisée et salie par la terre dans la forêt.

— Comment t’appelles-tu ?
— Alice
— Notre bibliotheque te plaît ?
— Oui. Beaucoup !
— Veux tu t’y inscrire pour pouvoir emprunter nos livres ? Il faut juste payer une petite somme et résider dans la ville.

Je détournais le regard.

— Où habites-tu, petite ?

Je restais silencieuse.
Il comprit que ma situation était complexe.
Il me proposa de passer plus tôt, avant l’ouverture de l’endroit si je voulais faire un petit travail. En échange duquel il pourrait m’aider, me nourrir un peu. Il n’avait pas vraiment les moyens de payer un employé.
J’acceptais avec plaisir, les larmes aux yeux.
Des semaines étaient maintenant passées et aucune nouvelle de mon frère.
Je ne devais pas me laisser abattre, je suis sûre qu’il va bien et qu’il me cherche activement. Je dois continuer à faire de mon mieux.
Ma petite demeure commençait à prendre forme, un petit toit fait en brindilles, une paillasse faite de morceaux de bois pour ne pas dormir mouillée.
Le bibliothécaire me donnait quelques morceaux de pain, de quoi me nourrir.
J’appris à reconnaître la plupart des aliments comestibles dans la nature, du moins du coin.
Je commençais aussi à me mettre à apprendre la médecine et les bases d’une guérisseuse. Je ne voulais plus être un poids pour ma famille et me rendre utile.
Je rendrai mon frère fier de moi.
Je passais inaperçue aux vues des villageois. Seuls les gardiens à la porte me voyaient au petit matin et repartir à la nuit tombée.
Je n’avais pas de vêtements de rechange et ma robe commençait à se faire sale dès la première semaine.
Je n’avais pas d’autres choix que de me laver au point d’eau le plus proche.
Je profitais du climat et de la chaleur du midi pour me plonger entière dans l’eau et nettoyer ma robe, puis l’étendre sur les branches basses d’un arbre.
Le problème restait de me sécher nue sans me faire voir.

Il me sembla entendre du bruit sur la route principale.
Je m’en approchais mais discrètement en prenant soin de me cacher derrière un arbre.
J’arrivais trop tard, tout ce qui restait était le corps d’un jeune homme, à terre, blessé, du sang commençait à s’écouler de sa blessure.
Je fus pétrifiée d’horreur à cette vision.
Il fallait faire quelque chose.
Je regardais autour de moi et autour de lui s’il ne restait personne.
J’accourus vers lui, paniquée, il semblait avoir perdu connaissance.
Je tentais de le réveiller, je le soulevais avec le peu de force que je possédais. Il revint à moitié conscient, je l’aidais à se déplacer jusqu’en dehors de la route principale, pour éviter d’être vus.
Il reperdit conscience, trop lourd pour moi, il me mit à terre. Du mieux que j’ai pu, je m’extirpais et l’adossa à un mur, je déchirais un pans de ma robe et tenta d’arrêter l’hémorragie et, tenta de me remémorer les formules du livre.
Je réussis mon incantation. Ma vue sembla se troubler et tout devint sombre devant moi.
Je rouvrais les yeux, une couverture sur moi. Je me rendis compte que c’était la cape du jeune homme.
Il me fixait du regard. Adossé à un arbre non loin. Il se leva avec peine, se tenant à l’endroit où il était blessé. Il marcha vers moi.
Je restais au sol en le suivant du regard.
Il avait une épée de laquelle il s’aidait pour s’appuyer dessus et tenir debout. Certainement son épée qu’il avait laissé sur la route. Il l’avait récupérée.
Il abaissa son épée à la hauteur de ma nuque.

— Qui es-tu ? Quelles sont tes intentions ?

Que devais-je répondre ?
Quelque chose en moi me disait qu’il valait mieux ne rien dire.
Je l’ai aidé par réflexe et en croyant bien faire.
Par peur je fermais les yeux, en gardant la tête haute. Je n’avais rien à me reprocher.
Combien de temps s’était-il écoulé depuis ma perte de connaissance ?
J’entendis un petit gémissement.
Je rouvrais les yeux. La blessure du jeune homme semblait le faire souffrir, il chancela, se tenant les côtes de ses deux bras et lâchant son épée, il s’écroula vers ma direction.
Mon soin n’avait pas suffit à fermer sa blessure.
Paniquée, je m’approchais de lui et tenta de le rattraper. Je l’aidais à l’allonger sur le sol, le haut de son corps reposant sur mes genoux. Je tendis ma main vers la cible de sa douleur en songeant à renouveler ma magie de guérison. Il m’empoigna le poignet de sa main droite, en me signifiant qu’il ne fallait mieux pas.

— Es… tu.. un ange… ?
Dit-il d’une voix flaible. Sa respiration était saccadée.

Je fouillais dans mon sac. J’en sortis une des fioles que j’avais concotée à l’aide de flacons vides récupérés en ville, d’herbes et d’un feu de bois près de ce qui me servait de demeure.
J’ouvris le flacon et vida peu à peu le contenu dans sa bouche en prenant soin de garder sa tête droite.
Il ne semblait plus lutter. Je retentais de le guérir avec mon incantation.
Je posais ma main sur sa hanche, d’où le sang avait coulé. Je fermais les yeux en le concentrant sur la formule.
Une lumière chaleureuse s’appliqua sur sa blessure.
Son visage sembla être plus serein.
Il s’était endormi.
Je restais dans cette position, en veillant et attendant son réveil.
Un lapin s’approcha de moi.
Je cherchais dans mon sac un petit bout de pain que le bibliothécaire m’avait offert. J’en dispersais quelques miettes. Il en mangea.
Quelques petits moineaux firent aussi leur apparition.
Ils picorèrent les petites miettes qui restaient.
La nuit commençait à tomber.
La personne sur mes genoux commença à se réveiller.
Il ouvrit lentement les yeux et me fixa.
Il voulut se lever brusquement mais je l’en empêchais. Sa blessure risquait de se rouvrir.
En comprenant que c’était une situation gênante, je l’aidais à s’adosser à un mur et lui tendit de mon sac, ce qui me restait de pain.
Il ne refusa pas.
Il me remercia.

— Je n’ai rien à t’offrir.

Pensait-il que j’attendais quelque chose en retour ? Je me doutais bien qu’il ne devait plus lui rester grand chose après l’agression sur la route.
Je me levais pour me dégourdir les jambes. Marchant un peu, et tentant de m’orienter vers l’endroit où j’allais dormir.
Je m’appuyais dos à un arbre et le regardais.
Cet homme attisait ma curiosité.
Que faisait-il de sa vie ?
Pourquoi avait-il une épée, mis à part pour se défendre ?
Pourquoi l’avait-on attaqué ?
Il finit de manger, s’apercevant du regard interrogateur que je lui adressais, il se mit à parler.

— Je suis un mercenaire, je me baladais tout seul, là était mon erreur, pour me rendre à la ville la plus proche lorsqu’on me tendit une embuscade, ces brigants là, ils profitent qu’on soit seul pour nous avoir. Ils m’ont tout pris.

Il fit une pause.

— Merci petite. Comment appelles-tu ?

— Alice.

Ça au moins, je pouvais lui dire.

— Que puis-je faire pour toi ?

Je m’arrêtais devant lui, et tendit ma main en guise de serrage de main. J’avais vu faire plusieurs fois des adultes pour se saluer ou se présenter.

— Ami ?
Lui demandais-je.

Il me sourit, prit ma main et s’en aida pour se lever. Il faisait au moins une tête de plus que moi.

— Moi, c’est Pierre.

Il reprit son épée et sembla se remettre en route.

— Où habites-tu ? Que je remercie tes parents.

Je ne répondis rien.
Je me dirigeais vers la petite tente en bois que j’avais construite de mes propres mains.
Un sentiment de honte m’envahit.

— Ta demeure est plus luxueuse que la mienne.
Me lâcha t-il, sur un ton de plaisanterie.

— Ce n’est pas une mauvaise idée de se bâtir une demeure, bien qu’en dehors de la ville…
Ajouta t-il, songeur.

Après cela il me dit.

— Je te dois la vie. Si tu n’étais pas intervenue je serais sûrement à l’heure actuelle encore en train de me vider de mon sang sur le chemin. Je t’offrirai mes services jusqu’à ce que ma dette soit acquitée.

Il dirigea ses yeux vers moi en semblant attendre une réponse.
Hors de question qu’il se sente redevable. Je refusais, hochant la tête.

— J’ai fait ce que je devais faire. Soyons tout d’abord amis… ?
Dis-je génée.

Il rit.

— Tu es étrange. Mais soit, j’accepte.
— … Je viens de me réveiller, si… vous l’acceptez vous pouvez dormir ici… je veillerai…

Il me regarda d’un ton bienveillant et me remercia.
Il ne se fit pas prier. Il devait être épuisé et il ne s’était pas encore remis de ses blessures.
Il s’apprêta à s’allonger en gardant à portée son épée.

— N’hésite surtout pas à me réveiller au moindre bruit suspect. Ah. Et puis fais attention à toi, n’attrape pas froid et mets ma cape.

Il n’était pas méchant.
J’hochais la tête.
Il s’endormit dans les minutes qui suivirent.

Je m’étais sentie étrangement faible après avoir tenté de le soigner.
Je ne m’étais pas renseignée sur l’energie vitale que j’allais utiliser lors d’une incantation. Je devais y faire dorénavent très attention.
Je n’avais pas assez récupéré et je me sentais faible. C’était un principe d’équivalence. Je transferais mon énergie en lui.
Le lendemain, j’étais à la limite de l’assoupissement lorsqu’il se réveilla.
Il me sortit de ma torpeur.

— Tu m’as veillée toute nuit ?!

2012.8.23

Louche

Il eut vent qu’un individu dangereux était en fuite dans la forêt.

— Tu as entendu les dernières nouvelles ? Il parait qu’un démon super dangereux se balade dans la forêt. Des gens sont en train de le chercher et de le pourchasser.

— Sérieux ?!
— Ouais. Même qu’ils ont indiqué que toute personne devait rester éloignée de la forêt pour l’instant.

— Vous avez dit quoi ?! Un démon dans la forêt ?!
Demanda Alexandre, qui passait par là et entendit la conversation en cours.

— O-oui…
Répondit le jeune homme, surprit de l’interevntion de cet inonnu, et qui avait un air grave.

— Merci pour l’information mon brave.

Et il repartit comme il était venu.

— Bon sang, qu’elle idée de partir se balader seule dans la forêt. Lys. J’espère que tu n’as rien.
Se dit-il, inquiet.

Il courut en direction de la forêt.
Il faisait déjà nuit.

— LYS, OÙ ES-TU ? LYS!
Criait-il.

Il était déjà cette heure, ce n’était pas normal qu’elle ne soit pas encore rentrée.
Il aperçut une lumière au loin et s’approcha de celle-ci.
Un groupe de gens avec des torches. Ils virent Alexandre.

— Hé, toi là-bas. Tu fais quoi ici ? Il y a un démon par là. Rentre chez toi.

— Bonsoir, je suis au courant. Vous n’auriez pas vu une jeune fille avec une capeline passer par là ?
Dit-il en jaugeant la taille avec sa main, essouflé.

Ils se regardèrent et hochèrent la tête de gauche à droite.

— Merci quand même…

Il continua son chemin essouflé, en cherchant des yeux sa précieuse soeur.

— Hé, attends. Si tu vois quelqu’un de suspicieux, préviens nous.
Dit un des hommes en le hélant, avant qu’il ne s’éloigne trop.

Alexandre continua son chemin linéaire vers le sud-est, tandis que le groupe de personnes se dirigeait vers le sud-ouest.
Au loin, l’inconnu qui était resté aux chevets de la jeune fille.
Il ne voulait pas qu’elle tombe entre de mauvaises mains, et que dans le pire des cas. Ces gens la trouvent et eurent idée de faire du chantage sur cette vie.
Il vit la scène de sa place, derrière un arbre.
Alexandre s’approchait de là où ils se trouvaient. Sa description qu’il avait donné correspondait à celle de la jeune fille qui était à ses côtés, inconsciente.
Cet homme lui avait en quelque sorte sauvé la vie. Grâce à son intervention et sa directive de prendre ce chemin, les hommes qui le cherchaient on prit une direction autre. La fillette était en sécurité.
Si les hommes l’avaient trouvée avant lui, cela aurait été fort problématique.
Il déplaca la demoiselle de manière à la mettre en évidence et que l’homme la voit tout de suite lorsqu’il passerait près de l’endroit.
Il regarda autour de lui, et se cacha à quelques arbres de la fille pour observer le bon déroulement de la scène.

— LYS !
Criait Alexandre.

Il baladait son regard sur toute l’étendue devant lui.
Il commençait à désespérer.
À se demander ce qu’elle était devenue. Et si le démon l’avait trouvée avant lui… ?
Il vit au pied d’un arbre des vêtements dépasser.
Il s’en approcha, accourut. C’étaient des vêtements d’Alice.
C’était bien elle, allongée, adossée à l’arbre, inconsciente.
Il était maintenant à ses côtés, il regarda autour de lui. Il ne vit personne.

— Lys… Lys… Tu m’entends ?…

Il prit le visage de Lys dans ses mains, tâta son pouls.
Elle n’était pas gelée, elle était ici que depuis peu. Son pouls était plus faible qu’à l’accoutumée mais elle était en vie.
Il remarqua sur sa main droite, du sang.
Il vérifia qu’elle n’avait pas de blessure. Ce n’était pas son sang.
Il sentit l’odeur.
Le sang puait. Du sang de démon.
Il regarda à nouveau autour de lui. Personne.
Le sang n’était pas tout à fait sec.
Qu’avait-il fait à sa soeur ?!
Il porta sa soeur dans ses bras et rebroussa chemin.
Il recroisa le groupe d’hommes qui se montrèrent indifférent à la soeur.
Ces hommes semblaient louches.
Ils virent la jeune fille inconsciente et l’un deux fit signe à ses camarades de se séparer pour chercher dans la direction d’où, elle et son frère venaient.
Alexandre ramena Alice chez eux.
Ils passèrent dans une fente, un entrée dans un rocher et arrivèrent dans un tout autre lieu.
C’était leur village.
Des gardes se trouvaient à l’autre bout du chemin au cas où des intrus passeraient par là.

— Mon prince !
Interpela l’un des gardes.

Il se précipita en direction d’Alexandre.

— Shhh… Ne parlez pas si fort, on risque de vous entendre !
Siffla Alexandre.

— Excusez-moi… mais… C’est la Princesse… ! Que vous est-il arrivé ?!
— Ne vous inquiétez pas. Je prends la situation en main. Elle semble juste épuisée. Je vais la ramener au château. Retournez à vos postes.
— Bien, monsieur !

Alexandre passa par la porte de derrière pour passer inaperçu.
Il gravit les différents étages. Le corps de sa soeur était léger, et lui-même avait une musculature assez solide.
Il entra dans sa propre chambre et décida de la poser sur son lit.
Il la déshabilla : lui ôta sa longue cape et ses bottes. Il déboutonna son gros gilet en laine. Il posa ses vêtements sur un fauteuil non-loin du lit.
Il la souleva, et la reposa dans le lit, sous la couette.
Il observa la tache de sang, maintenant séchée, sur la main droite d’Alice. Qu’avait-il bien pu se passer ?
Avait-elle été attaquée et avait-elle repoussé son adverse en lui mettant sa main sur sa blessure ?
Il resta à son chevet.

La reine mère était de santé fragile et sa fille en avait hérité. Elle et toutes les personnes vivant dans le château étaient privilégiés.
Tout d’abord, son titre de reine n’était su que des résidents du château. Elle était à l’extérieur qu’une simple enseignante de magie blanche.
Dans le château, les élites étaient formés. Des salles d’études étaient à disposition des résidents et chacun avait sa spécialité.
À partir du moment où on était accepté dans le château, il fallait savoir.

2012.5.19