Aigre doux [PC]

La lumière du jour la réveilla.
Elle ramena son avant-bras sur ses yeux pour les préserver autant que possible de ce halo lumineux.
Un rayon s’était engouffré entre ses deux rideaux et dessinait une démarcation nette dans sa chambre.
Elle se roula sur le côté, puis s’assit sur le rebord du lit.
Les mains posées sur le matelas, elle fixait le parquet, le regard dans le vide.

En face d’elle, son bureau.
Son uniforme était posé sur le dossier d’une chaise.

Elle se leva et se dirigea dans la pièce d’à côté, beaucoup moins éclairée.
Elle attrapa un thermos posé au sol et versa le contenu dans un bac qui était posé sur une table de travail.
De l’eau chaude. Assez chaude pour que de la vapeur s’en dégage.
Le bac à moitié rempli, elle prit une petite serviette qu’elle laissa tremper un instant avant de l’essorer et se débarbouiller avec.
Elle prit un gobelet en bois qu’elle remplit également d’eau.
La brosse à dents et le dentifrice solide étaient à portée de main.
Après ce rituel, elle déversa toute l’eau usée dans un évier, puis versa de nouveau une petite quantité d’eau pour rincer.
La serviette étendue, les objets rangés à leur place, elle retourna dans sa chambre pour enfiler son uniforme après avoir retiré sa tenue de nuit.

Elle chercha son peigne dans le tiroir de son bureau et tenta de démêler ses cheveux légèrement bouclées et sombres.
Ceci fait, elle rangea l’outil et jeta un oeil aux nombreuses feuilles annotées et éparpillées, puis elle se tourna vers l’armoire.
C’était une belle armoire à tiroirs de tailles différentes avec des étiquettes sur les poignées. Elle en ouvrit plusieurs pour en vérifier le contenu.
Des plantes séchées, de toutes sortes.
Certains étaient vides ou presque.
Elle les referma et se dirigea vers la porte.
Son regard s’arrêta un instant devant l’autre chambre.

Vide.
Depuis longtemps.
Quelques années s’étaient écoulées depuis que l’occupante avait quitté les lieux.
Tout était resté en l’état. Elle n’avait pas eu le courage d’y toucher.

Elle prit le panier posé près de la sortie, et poussa la porte.

Elle inspira l’air frais.
Une brise légère soufflait dans le feuillage aux alentours.
Elle marchait sans se presser.
Elle suivit le chemin pour descendre vers la place.

*

Une discussion animée se déroulait dans une pièce fermée.

— Comment on va faire… ?
— Tu es sûr de ce que tu dis ?!
— Ce sont des informations d’en Haut, ce ne sont pas juste des rumeurs.
— On ne peut pas la laisser seule…
— Qu’est-ce que tu proposes… ?
— Sans oublier qu’elle est prédisposée à avoir des problèmes de santé…
— Ce n’est encore qu’une enfant…

— Je vais le faire.

Une voix qui ne s’était pas encore fait entendre, s’éleva et laissa place au silence.

— Tu es sûre… ? Je sais qu’elle est dans ta classe mais-

— Je me propose. Je connais cette petite, je prends cette responsabilité.

La voix était assurée et coupa court à l’argumentation.
Des messes basses se firent entendre mais personne ne contesta sa décision.
Les autres instituteurs ne cachèrent pas leur soulagement.

L’un deux se dirigea vers la jeune femme décidée.

— C’est vraiment gentil de ta part, mais tu sais… rien ne t’y oblige. S’il n’y a personne qui se manifeste, elle sera confiée à des gens de la Haut. Cela ne veut pas dire qu’elle sera mal traitée—

Elle l’arrêta.

— Je ne me sens pas obligé. C’est une décision réfléchie. Je vis seule et il reste une chambre dans mon logement. Merci de t’en soucier.

Elle sourit poliment à son collègue et sortit de la salle.

Elle lâcha un soupir après avoir refermé la porte derrière elle.
Cette ambiance était pesante.
Elle n’avait pas été totalement honnête.
Elle était consciente de toutes les contraintes et de la difficulté à gérer un enfant, mais elle se mettait tout simplement à la place de cette orpheline qui devrait suivre des inconnus après avoir appris le décès de ses parents.
Elle n’avait rien contre les gens de la Haut. Elle ne pouvait juste pas s’empêcher de penser que sa présence la rassurerait, peut-être.
Elle devait maintenant réfléchir à comment annoncer cette triste nouvelle, ainsi que les prochains changements à venir.
Elle releva la tête et se dirigea vers sa salle de classe.

La journée était enfin terminée.
L’institutrice interpela l’élève pour qu’elle reste après qu’elle ait rangé ses affaires.
La classe se vida et il ne resta plus qu’elles.

L’adulte s’approcha et s’accroupit pour lui parler à hauteur égale.

— Papa et maman… ne sont pas à la maison. On va aller chez toi pour récupérer des affaires, et on ira chez moi après. D’accord… ?

Sa voix était douce et rassurante.
Elle cherchait des mots pas trop durs à attendre pour son âge, et en même temps.
La petite fille écouta attentivement sa maîtresse, mais du haut de ses 5 étés, elle ne comprit pas immédiatement la gravité de ses paroles.

— D’accord !
Répondit-elle enjouée.

Le logement était silencieux.
La petite brisa ce calme sans aucune gêne.
Elle alla dans sa chambre et faisait comme à son habitude.
Maintenant qu’elles avaient quitté l’établissement, l’institutrice prit le temps de réexpliquer la situation à l’enfant.

— Papa et maman ne reviendront pas… à partir d’aujourd’hui, c’est moi qui vais m’occuper de toi.
— Ici ? À la maison ?

Elle secoua doucement la tête.

— Non… ça sera dans ma maison, mais on prendra toutes tes affaires pour que tu t’y sentes comme chez toi.
— Ils sont où, papa et maman… ? Pourquoi ils rentrent pas… ?
— … Il s’est passé quelque chose de très très grave… ils ne pourront pas rentrer…

Sa voix était de moins en moins nette. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux. Elle n’arrivait pas à rester impassible devant cette petite qui ne comprenait pas que ses parents ne reviendront jamais.

— On peut aller les voir ? Je veux voir papa et maman.

L’enfant était désorientée, elle commençait à réaliser que quelque chose n’allait pas.
La vision de la maîtresse s’embua et elle sentit des gouttes rouler sur ses joues.
Elle s’était mise à pleurer et les flots s’écoulant de ses yeux ne semblaient pas vouloir cesser.
La petite se précipita dans une des chambres puis revint aussitôt avec des peluches dans ses bras.
L’enfant s’avança lentement et posa sa tête dans le creu de son épaule.

— Ça va aller… Ne pleure pas…

L’institutrice sanglota et la serra dans ses bras.

Remise de ses émotions, elles rentrèrent avec le nécessaire pour la petite.
La jeune femme prévoyait d’y retourner rapidement pour récupérer d’autres affaires avant que les lieux ne soient vidés et attribués à une autre famille.
Elle lui tenait fermement la main sur le trajet du retour.
Les nouvelles circulaient vite et elle dû affronter les regards et les murmures des passants.
Elle resserra son étreinte, craignant que l’enfant ne soit perturbée par cette rude attitude.
La petite tête brune leva les yeux vers elle et lui adressa un large sourire.
Elle ne semblait pas affectée par ce qui l’entourait.
Elle sautillait, contente d’aller chez sa maîtresse.
L’adulte envia son insouciance un instant, puis elle réfléchit.
Elle accordait beaucoup trop d’importance aux opinions externes.
Elle avait choisi d’être sa tutrice. C’était sa responsabilité à présent.
Toutes ces personnes qui s’appitoyaient sur sa décision étaient en train de la convaincre que c’était un mauvais choix.
Elle balaya ces influences négatives.
Elle souhaitait offrir une chance à cette orpheline perçue comme un fardeau.
Il lui était injuste qu’on condamne une personne au statut d’Ignorae.
Très peu pensaient comme elle, et il était mal vu de s’exprimer sur ce sujet.
Elle ferait de son mieux pour que cette enfant puisse s’épanouir.
Elle releva la tête, et un sourire timide se dessina sur son visage.
Son assurance était revenue.

Arrivées dans son logement, son regard oscilla entre la nouvelle habitante et la pièce vide.
Après réflexion, elle posa les affaires dans sa propre chambre.
Exceptionnellement, elles allaient dormir ensemble cette nuit.
La chambre destinée à être occupée n’était pas du tout prête à accueillir quelqu’un.
Le repas avalé et la toilette faite, la petite se coucha dans le lit de la jeune femme.
Une armée de peluches autour d’elle, et une poignée d’autres entre ses bras.
La journée avait été longue, elle s’endormit presque aussitôt.
Elle s’assit sur le rebord du lit et joua avec les mèches brunes de l’enfant.
De nombreuses questions se bousculaient dans sa tête, mais elle n’avait pas le temps d’y songer ni de douter.
Elle se releva et sortit sans faire de bruit.
Elle devait se dépêcher de retourner dans la maison de ses parents.
Elle accéléra le pas puis se mit à courir.
Elle pénétra pour la seconde fois dans la demeure, essoufflée.
Sa respiration reprit une allure normale au bout de quelques minutes.
Cette fois-ci, elle prit le temps d’observer les lieux.
Elle se balada entre les meubles tout en cherchant des objets personnels importants qu’elle pourrait ramener.
Elle imaginait cet endroit encore plein de vie et son coeur se resserra dans la poitrine.
La porte qu’elle venait de passer s’ouvrit subitement et deux personnes entrèrent.
Des gens de la Haut. Elle reconnaissait leurs habits.

— Ah— vous devez être la tutrice de la petite ? Essence, c’est ça ?

Une femme aux cheveux blonds attachés en queue de cheval prit la parole.
Elle acquiesça poliment, préférant garder le silence.
Elle n’était pas intimidée mais impressionnée.
Il n’était pas commun de les croiser, et encore plus rare de converser avec eux.
Malgré ça, ils connaissaient son prénom.

— Ne faites pas attention à nous, nous allons faire un tour rapide des lieux et commencer à réunir des affaires.

Elle se hâta à rechercher et réunir ce qui pouvait être important.
Une main se posa sur son épaule, ce qui la fit sursauter.

— Prenez votre temps. Nous allons vous aider.

La femme aux cheveux dorés lui adressa un sourire compatissant.
Leur aide fut précieuse. Ils trièrent devant elle ce qui pouvait l’intéresser.
Ils étaient efficaces. Ils avaient l’habitude.
Elle en profita pour observer l’homme. Il avait des cheveux roux et quelques taches de rousseur discrètes sous les yeux.

— Merci…

Sa voix était faible mais elle tenait à les remercier.
Elle leur adressa un dernier remerciement sur le pas de la porte, s’inclinant légèrement, et s’en alla pour ne pas les déranger plus longtemps.
Une pile de livres, quelques vêtements et autres objets sur les bras.
Il faisait maintenant nuit. Quelques lueurs éclairaient légèrement le chemin.
Elle marcha lentement jusqu’à chez elle, pensant à ces personnes qu’elle ne reverrait certainement pas.

Les jours, les semaines, les mois et les années passèrent.
L’enfant s’adapta rapidement et finit par comprendre que ses parents n’étaient plus.
Les journées étaient bien remplies et sa tutrice lui apportait tout l’amour d’une mère.

Elle n’avait pas encore 10 étés lorsque son état de santé se dégrada.
Essence lui avait parlé de ses parents et surtout de son père qui était malade.
Un mal incurable et dont elle avait hérité.
Elle savait que cela arriverait un jour.
Elle ne pensait pas que cela serait si soudain.
Elle était en plein cours lorsqu’elle sentit une vive douleur dans sa poitrine.
Respirer était devenu pénible.
Elle se recroquevilla, encore assise à son bureau, n’osant plus bouger, espérant que la douleur s’en aille d’elle-même.
Elle bloqua sa respiration.
L’épine invisible était encore présente.
Elle ne pouvait pas rester indéfiniment ainsi.
Ses poumons demandaient de l’air, et elle dû inspirer une grande bouchée d’air qui accentua cette terrible sensation.
Peu à peu, ses camarades posèrent leur regard sur elle.
Le professeur ne remarqua pas tout de suite le problème.
Les élèves restaient silencieux. Ils étaient spectateurs de cette scène étrange.
Elle se sentait beaucoup trop mal.
Les larmes glissèrent sur sa joue et s’écrasèrent sur son cahier.
Ses poings serraient le tissu de ses vêtements. Si elle en avait eu la force, elle les aurait certainement déchirés.
Sa vue se troubla.
Un bruit sourd se fit entendre. Elle venait de s’effondrer sur sa table.

Le professeur soupira puis arrêta son cours.
Il sortit de la salle pour revenir avec une femme aux cheveux d’un brun clair et aux belles boucles retombant au dessus de ses épaules.
L’inquiétude se lisait sur son visage.
Elle avança calmement jusqu’au corps de la jeune fille.
Elle la porta dans ses bras et s’en alla sans rien dire.
La classe reprit.

Elle se réveilla dans sa chambre.
Le souvenir du mal qu’elle avait ressenti dans son corps était encore présent.
Elle n’osait pas bouger.

2020.06.07

Interpeler

Je sortais de chez moi, prévenant mes parents que je m’absentais rapidement.
Je ne craignais rien mais ils étaient toujours trop inquiets à mon sujet, surtout pour mon état de santé qui était une bombe à retardement.

Cela faisait quelques semaines que j’étais en formation chez la mère supérieure, déjà.
J’avais le droit de sortir me balader sans trop m’éloigner de la zone des Protecteurs.
Malgré sa magie guérisseuse pour tenter de stabiliser mon état, je n’étais pas au meilleur de ma forme mais cela suffisait pour que je puisse être indépendante, du moins pour l’instant. J’étais consciente de la chance d’être encore en vie et de ne pas être dans un état de mourante.

Je me rendais à mon endroit préféré. Une petite passerelle qui surplombait une partie de l’Arbre. J’adorais me pencher légèrement sur le rebord et respirer l’air frais.
Mes cheveux virevoltaient alors dans le vent.

Cet endroit me rappelait quand je profitais du paysage un peu plus bas.
J’étais toujours aussi myope, cela n’avait pas changé.
Je voyais toute cette masse de verdure bouger au gré du vent, ainsi que des mouvements des passants en aval.
Quelqu’un m’interpela.

2019.06.22

Arbre

Accroupie au pied de l’arbre, je remettais quelques mèches qui me retombaient devant le visage, en passant mes doigts derrière mes oreilles.

— Tu as oublié quelque chose ?
Demandais-je en sentant une présence derrière moi.

Rose ne répondant pas, je me retournais et constatait avec effroi que c’était un inconnu.
Je fus tellement surprise que j’en perdis l’équilibre et me retrouvais fesses à terre.
J’étais dos à l’arbre et je cherchais à me relever le plus rapidement possible.
L’attitude de la personne ne me rassurait pas du tout.
De ses habits je pouvais deviner qu’il venait de l’extérieur.
Il s’approcha de moi en sachant que je n’étais pas en mesure d’aller bien loin.
Je n’avais pas l’habitude de gérer ce genre de situation. Je n’étais qu’une simple Ignorée et mis à part encaisser, je ne savais absolument pas me défendre et encore moins attaquer.
La peur me paralysait totalement, je tentais de ne pas laisser paraître mes tremblements tant bien que mal.
L’homme en face de moi continuait à avancer vers moi de manière menaçante.

*

Il la plaqua contre l’arbre et de sa carurre imposante, la surplombant, il s’adressa à elle.

— On est intimidée ? Qu’est-ce que tu fais par ici, hein ?

Son ton et son sourire ne présageaient rien de bon.
Elle ne savait pas quoi répondre et préféra garder le silence.

— Tu es une étrangère ? Je reconnais pas tes vêtements. Peut-être ne sais-tu pas que cet endroit n’est pas très fréquentable… tu comprends ce que je te dis, au moins ?

Elle hocha la tête en guise de réponse.

— Juste timide, je présume…

2019.06.11

Étranger

Rose l’avait accompagnée pour cette sortie spéciale.
Il fallait récupérer des herbes médicinales et autres plantes aromatiques qu’on ne trouvait que dans ces parages.
Elles ne risquaient pas grand chose, mais il valait mieux être plusieurs par mesure de sécurité.
Surtout qu’Alys n’était pas de consitution à savoir se défendre seule.
La balade n’était que plus agréable à deux.
Alys se pencha au pied d’un arbre pour récupérer quelques champignons et prendre des notes dans son petit carnet.
Rose s’éclipsa un instant se rafraîchir près du point d’eau.

Alys sentit une présence s’approcher d’elle, et ne s’inquiéta pas pensant que c’était Rose. Elle avait peut-être oublié quelque chose.
La présence resta derrière elle sans rien dire.
Alys finit par se retourner et eut un sursaut en s’apercevant que ce n’était pas son amie mais un étranger.

Il n’avait pas l’air commode et l’observait de manière insistante sans rien dire.
Elle tenta de s’éloigner de lui mais elle était sur les fesses, par terre.
Plus elle reculait et plus il s’approchait d’elle.
Il s’accroupit à son niveau et s’approcha de manière menaçante.

— T’es toute seule, ma jolie ?
Susurra t-il.

Elle ne savait pas quoi répondre et elle ne voulait pas lui répondre. Aucune réponse n’était bonne.

— On m’a vraiment dit n’importe quoi sur cette forêt.

*

Il l’attrapa par le poignet et la souleva à sa hauteur et la jaugea de son regard lubrique.
Elle essaya de ne pas montrer sa panique intérieure.
Après quelques instants, il lui asséna un coup de poing dans le ventre.
Elle se plia en deux de douleur.
Il lui lâcha le bras et pendant qu’elle se tenait le ventre en essayant de reprendre une consistence, il lui donna un coup derrière la nuque pour lui faire perdre connaissance.
Il la rattrapa avant qu’elle ne touche le sol et la jeta par dessus son épaule tel un vulgaire sac à viandes.
Il repartit sans demander son reste.

— Ça fera l’affaire.

Entre temps, Rose revint voir Alys et ne retrouva que son panier renversé et quelques champignons écrasés au sol.
Elle ramassa le panier et pensa qu’elle était peut-être rentrée. Elle tenta de l’appeler en vain.
À son retour à l’Arbre, elle demanda si Alys était chez elle.
La mère supérieure finit par sonder les lieux et aucune trace d’Alys.
Tout le monde pensa qu’elle avait fini par quitter d’elle-même l’Arbre.
La mère supérieure mena tout de même l’enquête.

2019.06.09

Ronds de fer

La forêt, le bois.
Pénétrer dans cet endroit était dangereux.
Pas seulement pour les bêtes sauvages qu’on pouvait y croiser, mais également pour s’y orienter.
Il n’y avait aucun sentier, les arbustes, les arbres et la végétation, rendaient l’endroit peu praticable.
On pouvait voir qu’au centre de cette forêt il y avait un arbre imposant qui dépassait et semblait percer le ciel, mais personne n’avait pu raconter à quoi il ressemblait de près.
Certains disaient que des assassins s’y cachaient et beaucoup qui s’y aventuraient avec de mauvaises intentions, finissaient par ne jamais revenir.
Cette forêt fut déclarée comme interdite, voir maudite.
Beaucoup trop dangereuse pour le commun des mortels.
Cependant certaines rumeurs disaient qu’elle abritait des remèdes miracles.

Lorsque l’état de la jeune fille empira, le jeune homme qui l’avait prise sous son aile, n’avait plus aucune solution, ni lui ni le médecin de la ville n’avaient de moyens pour l’aider. Alors le médecin lui parla d’un secret.
Il lui raconta la fois où il était allé dans la forêt pour sa défunte femme.

— Peut-être qu’Ils pourront faire quelque chose pour elle… Mais pénétrer la forêt est plus que dangereux… je ne peux rien vous promettre, vous risquez peut-être votre vie.

— Je ne la laisserai pas seule. Peu importe ce que je risque.

Il était aveuglé par ses sentiments.
La jeune fille pouvait encore marcher mais était beaucoup affaiblie.
Elle voulut insister pour y aller seule.
Étrangement elle ressentait quelque chose à l’évocation de cet endroit.
Comme si ses souvenirs lui revenaient.
Ils pénétrèrent dans cette forêt.
Les abords étaient engageants.
Dès quelques mètres, la végétation se fit dense.

— Si nous continuons tout droit, nous devrions tomber sur le tronc de l’arbre millénaire…

Il dégagea le passage pour qu’elle puisse suivre.
Les épines et ronces accrochaient légèrement ses vêtements et sa cape.
Elle reconnaissait cet endroit.
Plus ils approchaient, et plus ils entendaient des bruissements de feuilles et de bois qui craquelaient autour d’eux. Ils sentaient la présence de quelque chose.
De temps à autres, elle jetait un regard derrière elle.
Il était impossible de retrouver son chemin si elle devait retourner sur ses pas.
Son souffle était de plus en plus faible, elle sentait qu’elle n’allait de toute manière pas faire long feu.

— Tu devrais me laisser ici… je… il ne me reste plus longtemps à vivre… merci d’avoir fait autant pour moi alors qu’on se connaissait à peine…

Elle était à quelques mètres de lui, et elle sentit ses jambes fléchir et lentement son corps se rapprocher du sol.
Il se précipita vers elle mais quelque chose le retint.
Quelqu’un venait de sortir des feuillages et de le restreindre par derrière.
Il le força à se mettre à genoux, à terre.
Une autre personne s’approcha de la jeune fille qui était encore consciente mais allongée au sol, le regard perdut.
Elle venait de voir la scène et la force la quittant, elle ne pouvait presque plus bouger.
Elle sentit la présence de plusieurs personnes autour d’elle.
Elle luttait pour ne pas perdre connaissance.

— Que faites-vous ici ?

La voix n’était pas commode et semblait plus qu’irrité de leur présence ici.

— … je… cette jeune fille ne va pas bien et… on m’a dit que je pourrais peut-être trouver un remède dans la forêt…
Essaya d’expliquer le jeune homme, qui tentait de mesurer le poids de ses mots pour ne pas contrarier ces personnes.

— On s’est bien moqué de vous. Le seul remède que vous pouvez trouver dans la forêt, c’est la mort qui mettra fin à toutes vos souffrances.

— Elle est déjà mourante…
Dit-il en désignant la jeune fille d’un signe de la tête.

Sa voix n’était pas aussi sure qu’auparavant. Il baissa la tête.
Son agresseur prit en considération ses explications un peu plus sérieusement.

— Il dit qu’elle est mourante.
Dit-il haut et fort, s’adressant aux autres personnes qui étaient également sorties des feuillages.

L’une d’elle s’avança vers le corps de la fillette, s’accroupit et ota sa capuche pour mieux voir son visage.
Elle contrôla son pouls et hocha la tête d’affirmation vers ce qui semblait être le leader de la bande.
Ce dernier se figea lorsqu’il vit à découvert le visage.

— Alys…. ?
Souffla t-il.

Il attrapa son prisonnier par le col et s’emporta.

— Qu’est-ce que vous lui avez fait ?!

— R-rien du tout… ! Je l’ai rencontrée amnésique… vous la connaissez… ?Bégayait-il, craignant pour sa vie.

Il jeta le garçon après l’avoir jaugé de haut en bas, pour savoir s’il mentait. Puis se dirigea d’un pas sûr vers la supposée « Alys ».
Il lui releva la tête tendrement pour la porter au creux de son coude.
Il retira minutieusement les lunettes.
Il esquissa un sourire se rappelant qu’elle avait une mauvaise vue.
Leur regard se croisèrent mais elle ne le reconnut pas tout de suite.
Sans ses ronds de fer sur le nez, il la reconnaissait encore mieux. Cependant elle, voyait un peu moins bien.

— Qui êtes… vous… ?
Demanda t-elle avec le reste de ses forces.

Le coeur de l’homme se resserra de plus belle.
Elle avait en effet aucun souvenir de lui.
Il reprit ses esprits et se releva presque immédiatement avec elle dans ses bras.

— On rentre. Tuez-le.
Dit-il s’adressant à ses compagnons, désignant l’intrus.

La jeune fille puisa dans ses forces pour réagir.
Elle tira sur un bout de tissu du vêtement de la personne qui la portait.

— Pitié… ne le tuez pas… ! Des larmes coulèrent sur ses joues. Il a tellement fait… pour moi… !
Suppliait-elle.

— … Gardez-le en vie pour l’instant. On va le ramener, et on avisera.
Soupira t-il.

Les mots d’Alys le touchèrent et il ne put se résoudre à achever celui grâce à qui elle était retournée auprès d’eux. La mère supérieure saurait quoi faire de lui.
Les compagnons l’assomèrent et l’embarquèrent par dessus leur épaule.

— Il pèse son poids, le bougre…

— Qui est-ce… ?
Demanda l’autre compagnon désignant la captive.

Alys luttait encore pour garder ses yeux ouverts, malgré sa myopie, elle scrutait son porteur. Il dégageait quelque chose de chaleureux qui lui rappelait son passé. Elle reconnaissait ce sentiment qui emplissait sa poitrine.

— C’est une Ignorée. Elle a été choisie pour succéder à la mère supérieure.
Dit-il sans ajouter plus de détails.

— Quoi… ? Rien que ça… ? Mais comment… ?

— C’est une longue histoire, mais elle s’est faite enlever il y a plusieurs mois et on a rien pu faire…
Raconta t-il.

Ces mots furent écho avec sa mémoire.
Cet enlèvement, elle s’en souvenait.

*

Elle était avec son amie dans la forêt.
L’air avait changé.
Elles avaient décidé d’aller chercher quelques herbes médicinales et elle l’accompagnait toujours pour plus de sécurité. Elles ne risquaient pas grand chose mais quelque chose ne présageait rien de bon.

— Il y a eu des passage d’humains par ici… je peux encore sentir leur présence. Partons. Vite. Il n’y a pas de patrouilles par ici actuellement.

Elle prit sa main et prirent le chemin du retour.
Elle marcha dans quelque chose.
Elle connaissait la forêt comme sa poche, ce n’était pas dans ses habitudes de se prendre les pieds dans une racine. Ce n’en était pas une.
C’était un piège à loup.
Elle s’arrêta un instant et se figea.
Le piège avait été bien camouflé et elle aurait dû être plus prudente.

2019.06.09

Protecteurs

Son accompagnateur n’était pas très bavard et ne semblait pas ému par ces séparations.
Elle essaya de rester forte et de ne laisser rien paraître.
On lui donnait une seconde chance, sa vie ne s’arrêterait pas là. Elle devait être reconnaissante.
Après que la supérieure lui ai insufflé son souffle, elle avait retrouvé de l’énergie, plus qu’auparavent mais pas autant qu’une personne normalement constituée.
Ne voulant pas l’inquiéter, elle fit mine que tout allait bien pour terminer le trajet jusque chez les Protecteurs.
Il n’était pas dupe et il l’attrapa pour la porter sur son dos.

— Mon rôle est de t’escorter. Si ça ne va pas, il faut me le dire.
Dit-il d’un ton neutre, presque ennuyé par cette situation.

Elle préféra garder le silence.
Bercée sur son dos et par ses pas, elle finit par s’assoupir.
Elle se réveilla dans un lit, et une chambre inconnue.
Elle se demanda si cela n’était qu’un rêve, encore une fois.
Il y avait une table basse au milieu de la pièce et la mère supérieure était assise au sol. Elle se tourna vers elle et se leva pour s’approcher.

— Cela a dû être éprouvant. Excuse le Protecteur, il peut être froid mais il n’a pas un mauvais fond. Reste assise dans le lit. Je vais t’expliquer plus en détails ce qu’il va se passer.

Elle avait une voix douce et dégageait une chaleur agréable.
Elle s’assit sur le coin du lit et continua.

— Ici, c’est ma chambre. Je suis la mère supérieure actuelle. Comme je souhaite te former pour que tu prennes ma place, cette chambre t’appartiendra également.
Tu dois te demander ce qu’implique d’avoir ce rôle.
Notre rôle principal est de protéger l’Arbre et ses habitants. Pour cela, il faut certaines qualités, que j’ai vu en toi. La passation ne se fait pas souvent, c’est pour cela que tu es là… j’aurais dû être plus prévenante et m’y prendre plus tôt…
enfin soit, je vais aussi t’expliquer les enjeux.
Si je souhaite te passer le flambeau c’est que je suis fatiguée… je vais être honnête avec toi, c’est un statut très éprouvant. Lorsqu’on devient Supérieur, on ne vieillit plus, l’Arbre nous confère sa mémoire ainsi que sa vitalité. Nous entrons en symbiose avec lui.
Cela doit faire plus de 300 ans que je suis Supérieure. Ça veut aussi dire que j’ai vu mes proches vieillir et partir avant moi.
Je vais t’enseigner les bases, tout le reste te sera transmis lors de la cérémonie de passation. Tu auras accès à ma mémoire, ainsi que tous les prédécesseurs.
Si tu acceptes, bien entendu.
Tu as le droit de refuser. C’est une grande responsabilité et je le sais. Une fois la décision prise, tu ne pourras pas revenir en arrière.

— Et si je ne conviens pas au rôle… ?

— Tu seras très bien. J’en suis certaine. Et je ne dis pas ça pour me débarrasser de ce statut.
Dit-elle en lui faisant un large sourire pour détendre l’atmosphère.

— C’est à toi de choisir.
— Je… je veux bien essayer.

Elle partagèrent la chambre pour qu’elle puisse lui montrer les différents documents et où se trouvaient les vêtements.

*

Les cheveux longs et bouclés, clairs, rayonnants.
Les cheveux longs noirs, raides.
Elle, lui tressant les cheveux.
Elles, dormant dans le même lit, en boule.
Telle une mère et son enfant.

Elle lui avait prêté un vêtement de la garde-robe des Supérieurs.
Ce n’était pas exactement le même que le sien, mais il était assez différent de celui des Protecteurs pour être différencié.
C’était devenue la petite protégée.

Elle se sentait beaucoup mieux depuis que la supérieure lui avait insufflé un peu de son essence de vie en elle.

— C’est l’essence de vie de l’Arbre que j’ai insufflé en toi. Ce n’est qu’une infime quantité mais cela devrait suffire durant la période d’apprentissage.

Elle pouvait ressentir l’amour d’une mère en elle.

— Tu peux m’appeler par mon prénom. Alexia.

— Je te présente mon amie et ma garde rapprochée : Anna. Elle est très compétente, il y a aussi Olivier que tu as vu la dernière fois, celui qui t’a accompagné.
Ce sont actuellement les délégués du recrutement. Il y a peu de volontaires et c’est souvent eux qui repèrent sur le terrain les meilleurs éléments, sans leur forcer la main.

2019.05.19

Parquet

Rose l’enlaça de toute sa fougue.
Elle ne voulait pas qu’elle parte, et son étreinte était douloureuse. Après avoir bien voulu relâcher Alys, elle l’embrassa d’un baiser tout aussi long et emplit de passion, mais également de tristesse.
Ses larmes glissaient sur ses joues et finissaient par se diriger vers ses lèvres, donnant à ce baiser un goût légèrement salé.

— Sois heureuse Rose, vis ta vie.
Répondit Alys d’un sourire.

Ce sourire habituel qu’elle arborait lorsque qu’elle savait qu’il n’y avait pas d’autres moyens pour améliorer les choses.

— Merci pour tout, je ne t’oublierai pas…

Elle partit en laissant Rose sur le palier de sa maison.

Il lui restait une dernière personne à aller voir.
Elle se rendit au bâtiment des entraînements.
Le lieu dégageait une autre ambiance de nuit. Il n’y avait plus personne et aucune lumière à part celle du clair de lune qui éclairait la cour. Les quelques rayons qui pénétraient à l’intérieur, se reflétaient sur le parquet ciré.
Elle marcha lentement jusqu’à la porte de l’instructeur.
Une faible lumière était visible sous la porte fermée.
Elle frappa timidement, toujours accompagnée de l’homme qui lui servait d’escorte.
Cendre ouvrit dans la minute, surprit de la voir ici, et pas seule.

— Bonsoir, en quoi puis-je t’aider… ? N’étais-tu pas censée te reposer chez toi… ?
Dit-il, déconcerté.

— Si… les circonstances sont un peu particulières… je suis venue te dire au revoir.

— Comment ça ?

Il esquissait un sourire gêné, le regard questionnant l’accompagnant et revenant vers elle.
Il reconnu l’uniforme qu’il portait et son sourire disparut.

— Je ne pense pas qu’on se reverra… merci pour tout.

Cela se passait de longs discours.
Quelque chose en lui s’effondrait mais il ne pouvait pas le laisser paraître. Il avait l’impression que c’était encore plus dur pour elle. Ignorant l’homme à côté d’elle, il respira un grand coup et s’avança vers elle pour l’enlacer.
Elle n’avait pas besoin de s’attarder en explications.
Prise de court, elle resta un instant sans bouger avant de se laisser aller et lui rendre son étreinte.

— Est-ce que je peux t’embrasser une dernière fois ?
Demanda t-il d’un murmure, et avec une tristesse profonde.

Cette fois-ci, ce fut elle qui fit le premier pas.
Elle leva ses mains vers son visage comme pour le cueillir et déposa ses lèvres sur les siennes.

— Rencontrons-nous dans une autre vie.
Dit-il, avant de se reculer et la laisser partir.

Il referma la porte et resta adossé à celle ci, tentant de contenir la peine qu’il éprouvait au fond de lui.

2019.05.16

Au revoir

La mère supérieure se releva lentement.
Elle se pencha sur le visage d’Alys, prit sa tête entre ses deux mains et abaissa son front jusqu’à leur contact.
Elle murmura quelques mots et une lumière chaude apparut autour d’elles. Tout d’abord un halo qui provenait de la mère supérieure, puis il se déplaça pour rejoindre le corps d’Alys jusqu’à diminuer et se dissiper.
Alys put rouvrir progressivement ses paupières pour s’assurer que cela ne faisait pas partie d’un rêve.
La mère supérieure semblait un peu épuisée par cette magie. La garde l’aida à se relever et se maintenir correctement debout.

— Ça va mieux, merci Anne.
Chuchota t-elle.

Ses parents n’en croyaient pas leurs yeux.
Alys fut aidée par le garde qui se tint à ses côtés pour l’aider à se relever.
Elle se sentait mieux mais sa condition était encore fragile.

— Je vais rentrer. Je te laisse avec Olivier pour dire au revoir à tes amis et ta famille. Il te racompagnera vers nous ensuite.
Expliqua la supérieure.

*

Alys se força à sourire et marcha jusqu’à ses parents.
Ils vinrent vers elle pour la serrer dans leurs bras.

— Tu vas nous manquer…
Dit son père.

Sa mère resta silencieuse, ne trouvant pas les mots.

Elle se rendit chez Rose qui habitait pas très loin.
Son père ouvrit et proposa à Alys de rentrer. Elle dut décliner l’invitation. Elle préférait discuter avec Rose sur le palier de porte.
Elle remarqua le garde et reconnut son uniforme.
Elle ne comprit pas ce que son amie faisait avec lui.
Alys lui sourit et fut directe.

— Je viens te dire au revoir…

2019.04.30

Proposition

La mère supérieure avait eu vent de l’état critique d’Alys. Elle avait sondé son esprit et elle était la potentielle personne parfaite à lui succéder, cependant le temps n’était pas en sa faveur.
Elle était dans un corps encore trop jeune et trop fragile.
Cependant elle était tiraillée entre laisser passer cette héritière et peut-être attendre encore une centaine d’années avant de tomber sur la prochaine personne compatible, ou bien presser le pas.
Cela faisait déjà des centaines d’années qu’elle était à la tête de l’A.
Elle était fatiguée de voir les gens qu’elle appréciait partir un à un.

Elle se décida et convoqua sa garde rapprochée pour aller rendre visite à la famille d’Alys.
Elle était composée de son amie la plus proche et d’un autre garde en qui elle avait entièrement confiance.
C’était une petite escorte mais suffisante.
Ils décidèrent de sortir la nuit.
Elle avait sa toge particulière, avec une capuche très large.
Il y avait moins de monde le soir mais cela ne les empêcha pas d’êtres reconnus.
Arrivés devant la maison, ils frappèrent.
Le père fut frappé de stupeur.
On voit la garde d’aussi près assez rarement.

— Pouvons-nous entrer ?
Demanda le garde.

— O-oui… bien sûr.

— Excusez-nous de vous déranger à une heure aussi tardive.

La mère supérieure retira sa capuche lorsqu’elle fut à l’intérieur.
Elle dégageait une aura bienveillante.
Elle leur sourit puis prit un air plus que sérieux.

— Nous n’allons pas perdre de temps. Nous sommes ici pour parler de votre fille Alys. Vous êtes ses parents, vous avez le droit de savoir, mais le choix sera celui d’Alys.
Je souhaiterai qu’elle me succède.

Elle s’arrêta pour qu’ils puissent digérer l’information.

— Je suis au courant de son état de santé, je peux exceptionnellement faire quelque chose, mais seulement si elle accepte ma proposition.
Dans ce seul cas, elle viendrait avec moi, j’ai énormement de choses à lui enseigner avant de pouvoir me retirer. Vous comprenez ce que cela signifie ? Elle ne pourra plus vivre dans cette maison. Elle devra dire adieu à ses amis.

Les parents se regardèrent sans pouvoir répondre.

— Où se trouve t-elle ?
Demanda le garde.

Les parents lui montrèrent l’escalier qui menait à sa chambre.

— Merci.

Et ils montèrent ensemble.
En effet, son état était critique.
La mère supérieure s’accroupit au pied du lit et lui prit la main pour communiquer avec elle.
Elles discutèrent par télépathie pour ne pas l’épuiser plus.

— Bonsoir Alys.
— Bonsoir… ? Qui êtes vous ?
— Je suis la mère supérieure. Je suis la personne à la tête de l’Arbre.
— Que puis-je pour vous… ?
— Je t’ai désignée comme mon successeur.
— Pardon ? Je suis en train de rêver ?
— Non, c’est bien la réalité. Tu n’y es pas obligée, mais si tu acceptes, tu viendras avec moi pour que je puisse assurer ta formation.
— Mais… en quoi suis-je… ? Je veux dire, je pense que vous vous êtes trompée de personne.
— Je suis certaine que tu feras une excellente supérieure.
— Si j’accepte…
— Je te laisserai le temps de faire tes adieux à tes proches.
— J’imagine que je n’ai pas vraiment le temps de réfléchir à une réponse…
— Je suis navrée que cela précipite les choses. Je ne t’en avais pas parlé plus tôt parce qu’en temps normal, on laisse les successeurs profiter de leur vie avant d’entamer leur formation… ton cas est particulier…
— Et si je ne suis pas faite pour vous succéder… ?
— Tu le seras, je te rassure, on se trompe rarement pour ces choses là. Si cela te rassure, si jamais tu ne conviens pas, tu pourras retourner à ta vie, cependant, tu retrouveras ta santé actuelle.
— Je crois que je n’ai pas vraiment le choix. Si vous êtes ici c’est qu’il ne doit plus me rester longtemps à vivre…
— C’est exact.
— J’accepte.

2019.04.24

Désirs

Assise en boule sur le canapé du salon.
Elle était perdue dans ses pensées.
Elle se passait en boucle la courte scène qu’elle venait de vivre avec cet homme.

Ils se promenaient. Il lui avait proposé de l’accompagner faire une balade.Étrangement son amie n’était pas présente. Pensant qu’elle n’était peut-être pas disponible, elle ne se posa pas plus de questions et lui tint compagnie.
Elle se sentait bien, il lui inspirait confiance.
Alors qu’elle le suivait, il la guida vers une partie de branche qu’elle ne connaissait pas.
Il la rassura et lui expliqua qu’il vivait dans ces embranchements là, à l’époque, et qu’il avait une petite course à faire de ce côté là.
Son pas assuré, la manière qu’il avait de vérifier si elle le suivait bien. Malgré son visage impassible, il était attentionné à sa façon.
Quelque chose en lui, lui rappelait le caractère de son amie qu’elle appréciait tant.
Déjà perdue dans ses pensées, en train d’analyser pourquoi il lui inspirait tant confiance, il la ramena à la réalité.

— C’est juste ici.
Dit-il avec son attitude neutre habituelle.

— C’est une petite boutique qui vend des gâteaux délicieux.

En effet, il y avait une petite devanture mignonne à quelques mètres. Les propriétaires avaient l’air adorables. Ils reconnurent tout de suite le jeune homme qui leur faisait un signe timide de la main.
Ils se rapprochèrent et il passa commande.
Il prit deux gourmandises différentes.

— Je te fais un paquet ?
Demanda la tenancière.

— Pas besoin, on va consommer sur place.
Répondit-il, en se tournant vers son accompagnatrice.

Elle le regarda les yeux tous ronds. Elle ne s’attendait pas du tout à cette issue.
Elle était plus que surprise.
Il prit les deux gâteaux et l’invita à s’assoir à côté de lui, sur un banc à l’écart du passage.

— Ne fais pas cette tête, c’est pour te remercier d’avoir bien voulu m’accompagner. Dit-il en esquissant un petit sourire.

Elle ne savait pas quoi dire.
Il ne se laissa pas abattre par la soudaine perte de voix de la jeune fille. Il fit comme si de rien n’était et continua.

— J’ai pris deux sortes de gâteaux différents mais ils sont tous les deux délicieux. Si tu n’aimes pas, on peut échanger ou je peux tous les manger.
Dit-il, en lui tendant les deux pâtisseries.

— Choisis.

Elle en accepta un, et le remercia.
Il attendait qu’elle goûte pour lui faire part de son avis.
Elle ne se fit pas prier et croqua une bouchée.
C’était croquant et fondant à l’intérieur, sans être trop sucré. Sa réaction le fit sourire. Chose qui devait être rare.

— Alors ? Est-ce que tu es d’accord avec moi ?

Elle rit et acquiesça de la tête.
Il sentit quelque chose dans sa poitrine se resserrer.
Cet éclat de rire lui était adressé.
Elle avait un peu perdu pied à cause de cette situation, elle n’avait pas l’habitude qu’on la surprenne de cette manière. Elle reprit son attitude normale et légère.

— Est-ce que je peux goûter le tien… ?
Demanda t-elle, timidement en pointant du doigt ce qu’il y avait dans sa main.

Il lui tendit, mais ne s’attendait pas à ce qu’elle morde dans le gâteau avec sa bouche en attrapant sa main, pour stabiliser le tout.
Son coeur fit un second bond.
Elle avait déjà repris sa position initiale, c’était quelque chose de normal pour elle.
La bouche à moitié pleine, elle le regarda pour lui signifier que c’était aussi très bon, en approuvant de sa petite tête et ses yeux souriants.
Elle lui proposa alors de goûter au sien, tout naturellement, en lui tendant sa main avec le gâteau.
Ils avaient totalement l’air d’un petit couple et il souhaitait un environnement neutre pour elle, qu’elle ne se fasse pas reconnaître en tant qu’Ignorée, ni tomber sur des connaissances à eux.
Il lui tint la main pour prendre une bouchée du sien.
Il tenta de garder son calme et juste profiter du moment.
Lorsqu’ils finirent. Elle se leva et enleva les quelques miettes rescapées de sa bouche, d’un revers de la main, et observa les alentours.

— C’est vrai que c’est sympa comme embranchement… d’ailleurs, pour quelles raisons tu es parti d’ici… ?

Il pensait intérieurement « pour te rencontrer » sans vouloir le formuler parce que la réelle raison était toute autre.

— J’ai été sélectionné par l’école qui est juste à côté de la bibliothèque centrale. Mes parents sont encore dans le coin, mais je suis principalement dans l’école. Le poste que j’occupe me permet d’avoir une petite chambre là-bas.

Il se leva aussi du banc et s’approcha d’elle.

— Il te reste une miette dans les cheveux…

Il tendit la main pour lui retirer la petite chose prise dans ses longs cheveux, au niveau du cou.
Elle ressentit quelque chose lorsqu’il s’approcha d’elle, et qu’elle fut face à lui.
Il était plus grand que son amie.
Elle lisait une once de tristesse dans ses yeux.
Il avait le regard fixé sur la miette qu’il retira.
Pendant qu’elle était perdue dans ses yeux sombres, cherchant à deviner ou comprendre ce qu’il avait au fond de lui.
Lorsqu’il se rendit compte qu’elle le regardait, leurs regards se croisèrent.
Il ne put s’empêcher de tenter quelque chose.
Il passa ses mains dans ses cheveux, s’avança plus près, se baissa jusqu’à sa taille et l’embrassa sur la bouche.
Elle ne bougea pas, surprise de cette initiative.
Elle fut également surprise de ressentir quelque chose de nouveau et de très fort dans son ventre.
Elle eut envie de lui rendre ce baiser.
Alors qu’il était en train de se reculer, elle approcha son visage pour reduire l’écart et l’embrassa de sa propre initiative.
Il l’enlaça passionnément et caressa sa langue avec la sienne, son désir prenait le dessus.
Elle sentait le désir monter en elle, mais elle pensa à son amie et après quelques minutes intenses, elle s’arrêta et recula.
Prenant la main du jeune homme dans la sienne. Elle évita son regard.

— Je suis désolée… je crois qu’on devrait s’arrêter là.

Il recula également.

— Non, c’est à moi de m’excuser. Je sais que tu as des sentiments pour quelqu’un d’autre… et j’ai quand meme tenté… pardonne-moi.

Elle releva les yeux vers lui. Était-ce peut-être la raison de sa tristesse.
Elle voulut le consoler mais elle commença à se sentir mal. Elle se maudit que cela arrive à ce moment-là.
Sa respiration était de plus en plus saccadée, une douleur intense l’envahit à la poitrine.
À chaque respiration, cette douleur était plus forte.
Il la vit blanchir d’un coup et s’inquiéta immédiatement.
Elle lui fit signe d’attendre un moment, avec ses mains.
Elle se recroquevilla un peu sur elle-même et se tint la poitrine comme si cela pouvait la soulager.
Il ne put la laisser dans cet état et s’approcha d’elle.

— Dis-moi ce que je dois faire.
Murmura t-il calmement.

Elle n’avait pas assez de souffle pour s’exprimer.
Elle souffrait tellement.
Elle s’accrocha au devant de son vêtement avec ses doigts qui se resserrèrent.

— Ça va… passer…
Réussit-elle à épeler avant de perdre connaissance dans ses bras.

Lorsqu’elle se réveilla, elle était chez elle.
Ses parents étaient inquiets mais ne la questionnèrent pas plus que ça.
Ils étaient au courant que ses crises étaient de plus en plus rapprochées et qu’elle finirait par ne plus être de ce monde.
Elle était cependant dans un état second.
Cela faisait plusieurs minutes qu’elle méditait sur le canapé et sa mère finit par s’asseoir à côté d’elle pour discuter.

— Est-ce que ça va… ? Tu es différente aujourd’hui…
— Je crois…
— Je veux pas m’immiscer dans ta vie… mais le garçon qui t’a ramenée à la maison… il a l’air de beaucoup tenir à toi… ton père l’a remarqué aussi… si tu veux en parler, n’hésite pas. Je ne suis pas forcément de bon conseil mais je peux t’écouter.

— Merci maman…
Dit-elle en enlaçant sa mère dans ses bras.

2019.02.10