Risques

Alors qu’elle était de constitution faible, il avait insisté pour rester auprès d’elle, jusqu’à devoir abandonner sa carrière de combatant.
Il avait alors décidé d’emménager avec elle dans une plus grand demeure où il avait pu reprendre l’avant boutique.
Elle vivait ainsi près de son lieu de travail et il pouvait profiter de sa compagnie lorsqu’elle n’était pas dans la bibliothèque centrale.

Elle se sentait plus mal que d’habitude mais cela lui était déjà arrivée.
Elle ne s’alarma pas, mais les symptômes étaient trop particuliers pour qu’elle les ignore. Elle alla voir un spécialiste pour tout de même contrôler son état de santé, dans le doute.
Il lui confirma qu’elle était enceinte de quelques semaines et qu’elle devait faire très attention. Elle n’était pas censée pouvoir porter un enfant. Elle connaissait les risques mais elle en parla à son conjoint.
Elle lui annonça cela très solonellement.
Il la regarda avec plein de tendresse, tandis qu’elle était emplie d’inquiétude.

— Comment on va faire… ? Est-ce qu’on doit le garder… ?
Demanda t-elle.

Elle savait qu’il y avait de forts risques qu’elle ne survive pas ou que l’enfant ne voie pas le jour. Elle devait lui en parler.
Il réfléchit et se décida à parler.

— Si tu souhaites le garder, je te soutiendrai jusqu’au bout. Je resterai à tes côtés jusqu’à la fin.
Lui répondit-il, avec toute son assurance.

— Je sais que tu risques d’avoir des complications, c’est pour cela que je ne veux pas que tu te sentes obligée de le garder à cause de moi…

Elle ne put s’empêcher de pleurer et il la prit dans ses bras.
Il l’aimait de tout son coeur.

Les semaines s’écoulèrent, elle limita ses soins servant de tests sur elle-même, et fit très attention aux herbes qu’elle ingérait pour ses recherches. Elle dut supporter les douleurs et les fatigues dont elle souffrait en temps normal, lorsqu’elle ne se soignait pas.
Elle réussit à ne pas perdre trop de poids et maintenir une courbe à peu près constante, voire croissante.
Il faisait plus attention à elle et tentait d’être le plus souvent présent pour l’aider dans ses tâches de tous les jours.

2016.04.30

Vitre brisée

Enlevée puis séquestrée dans une maison abandonnée.
Elle avait perdu toute notion du temps.
Elle les avait supliés de la tuer mais ils l’ignoraient.
Elle avait fini par abandonner toute forme de négociation.
Personne n’allait venir la sauver et elle savait que si elle voulait quelque chose, il allait falloir qu’elle s’en donne les moyens.
Elle était nue et blessée de toutes parts : égratinures, bleus, elle avait été de nombreuses fois violée, et battue.
Un soir, parce qu’ils buvaient généralement à la tombée de la nuit, ils s’étaient un peu trop emportés et étaient complètement saouls.
Ils s’étaient endormis chacun dans une pièce différente.
Il faisait froid et tout ce qu’elle avait était un drap de lit en coton.
Elle remarqua le silence entrecoupé de ronflements.
Elle se dit que c’était sa chance ou jamais.
Elle se leva, tant bien que mal, et pria pour ne croiser personne encore debout. Elle marcha sur la pointe des pieds, malgré les grincements du vieux parquet, personne ne sembla se réveiller.
Une fenêtre cassée au rez-de-chaussée lui épargna l’ouverture de la porte et le risque de réveiller tous les hommes.
Elle se faufila par la vitre brisée. Elle était pieds nus, et son drap ne la protégea pas des quelques débris de verre restés sur la fenêtre et qui lui entaillèrent le dos.
Elle serra les dents, la douleur était infime comparée à tout ce qu’elle avait déjà subi.

Elle était enfin libre.

La maison était en plein milieu de la forêt, totalement perdue, rien aux alentours à part des arbres et le froid.
Il fallait qu’elle bouge d’ici et rapidement.
Elle choisit une direction au hasard et décida de courir dans cette voie.
Elle s’essoufla rapidement et elle commençait à avoir très froid.
Elle s’enroula dans son drap abîmé et sale.
Elle continua sa route.

2016.01.26

Lacets

— J’y vais !
Criais-je dans l’entrée.

Ma mère était encore à moitié endormie dans le salon, et mon père n’était pas très bavard en général. Ils me souhaitèrent tous les deux une bonne journée, elle avec sa petite voix du matin, et lui avec son grognement d’ours.
Je finis de nouer mes lacets et je trottinais vers la sortie.

Il faisait beau aujourd’hui, et j’allais retrouver mon amie, ma seule amie.
Mes longs cheveux virevoltaient dans le vent, ils étaient peut-être même un peu trop longs. Ils s’emmêlaient à longueur de temps.
Je descendais la côte tellement vite que je faillis perdre mon équilibre en trébuchant sur une racine.
Un homme passait également par là, dans le sens inverse, et je crus lui rentrer dedans.
Il me rattrapa d’un bras en se décalant.
J’étais totalement confuse. Il l’était presque tout autant.
Il me reposa et s’excusa d’avoir été aussi familier en me portant d’un tour de bras. On finit par s’excuser à tour de rôle. Cette situation embarassante finit par nous faire rire et on se quitta de bonne humeur.

Elle m’attendait à quelques mètres de là. Elle assista à toute la scène et piqua presque une crise de jalousie.

— C’était qui ce gars là ? Il se croit tout permis ?
— J’ai failli lui rentrer dedans…
— Il n’avait qu’à regarder devant lui. N’importe quoi les gens aujourd’hui.

2015.09.26

Liquides

Elle testait des mélanges en tous genres sur sa propre personne et partageait ainsi les résultats de ses recherches.

Un soir, son compagnon s’était rendu jusqu’à son lieu de travail pour la chercher.
Elle était déjà rentrée.
Il était tombé sur son supérieur qui en profita pour échanger quelques mots.

— À votre place, je ne la laisserais pas continuer ses tests sur les breuvages…

Il n’avait pas bien compris ses propos et lui demanda de s’expliquer.

— Elle va finir par y laisser sa vie, un jour…

Il était reparti, tout chamboulé d’apprendre que ses recherches menées étaient un danger pour sa propre vie.

Lorsqu’il rentra, il la retrouva à son bureau, sur le point d’ingurgiter une concoction étrange.
Elle s’arrêta lorsqu’elle le vit sur le palier de la porte.
Il avait repensé aux paroles de son supérieur.
Il s’avança jusqu’à la table, et jeta la fiole ainsi que son contenu à l’autre bout de la pièce.

C’était la première fois qu’elle le voyait dans une telle colère.
Elle le fixa sans rien pouvoir dire.

— Tu comptais m’en parler quand ?!
Cria t-il à moitié. Sa voix vibrait.

Elle ne comprenait pas le sens de sa question.

— Ces merdes, là. Elles peuvent te tuer !

Elle s’était levée et se dirigeait vers les débris de verre pour les ramasser.

2015.03.26

Cristal

Elle était aussi belle et fragile qu’un cristal.
On pouvait se méprendre sur la lumière qu’elle apportait aux gens.
Elle ne faisait que renvoyer la chaleur et le bonheur qu’on lui apportait, tel un miroir.
Il n’y avait qu’une personne qui se rendait compte de sa fragilité.
Il ne suffisait que d’une ombre pour que sa clarté disparaisse.
Elle était si éphémère qu’un rien aurait pu la briser.

Et c’est pour cette raison, qu’elle comptait la protéger plus que tout.
Elle lui avait tendu la main alors qu’elle touchait le fond.
Sans rien demander en retour.

Sa générosité ne devait pas être exploitée par autrui.
Il ne suffisait que d’une personne mal attentionnée pour qu’elle vole en éclats.
C’est pour cette raison qu’elle la chérissait plus que tout.

2015.03.26

Bousculade

Elles se baladaient tranquillement.
Les branches étaient loin d’être vides et un jeune homme percuta par mégarde Alicia.
Rose se retourna et était prête à l’insulter mais Alicia l’arrêta et lui dit que ça allait.
Ils s’excusèrent mutuellement et elles continuèrent leur chemin.
L’homme resta fixé sur les longs cheveux ébènes d’Alicia.
L’ami qui l’accompagnait le sortit de sa torpeur.
Il ne l’avait jamais vue par ici et questionna son compagnon.

2015.03.26

Saisons

Les années se comptaient en saisons vécues.
Ainsi, selon la période où on naissait, les gens comptaient en hiver, printemps, été ou automne.

Il n’y avait pas de ruelles ou d’avenues, tout était fait de branches.
Les habitants se référaient à des points d’intérêts : place du marché, bains publics, boutiques, etc.
Des lianes et des cordes reliaient les différents branchages et permettaient de gagner du temps pour se déplacer d’un endroit à un autre.
Quelques structures étaient crées pour empêcher des accidents comme les chutes mais la plupart du temps, les habitants étaient habitués et avaient l’équilibre.
Les grandes branches étaient assez grosses pour supporter le déplacement de foules.

2015.03.26

Toux

Elle commença à tousser doucement.
Rose lui demanda si cela allait.
Alicia lui répondit en souriant que ce n’était rien.
Quelques secondes après, elle se remit à tousser, plus fort, plus longtemps.
Rose se tourna vers elle.
Alicia avait du mal à reprendre son souffle.
Rose commençait à paniquer.
La toux se calma mais Alicia était plus pâle que d’habitude.
Rose s’approcha d’Alicia.

Alicia s’accroupit et toussa de nouveau, sans pouvoir s’arrêter.
Elle était maintenant à genoux. Elle réussit à reprendre son souffle comme elle le pouvait.
Les mains au sol et la tête baissée, des larmes coulaient de ses yeux malgré elle.
La toux avait été beaucoup plus violente que prévu.

Rose était à ses côtés et etait aux aguets du moindre signe.
Alicia se releva comme si de rien n’était, avec l’aide de Rose.
Elle s’excusa de ce moment pas très joyeux, et eut encore la force de sourire pour la rassurer.
Rose lui caressa la joue et essuya les petites larmes au coin de ses yeux.
Elle insista pour la raccompagner jusqu’à chez elle.

Les passants s’étaient arrêtés quelques secondes avant de les ignorer complètement.
Alicia était affaiblie et s’était accrochée au bras de Rose, à moitié chancelante.
En plusieurs mois, c’était la première fois que Rose assistait à un moment de faiblesse d’Alicia.

— Je comprendrai si tu ne veux plus me parler après aujourd’hui…
Dit Alicia en souriant.

— Qu’est-ce que tu racontes ? Tu devras encore me supporter un moment !
Répondit Rose.

Alicia avait insisté pour marcher mais Rose l’avait porté, à mi-chemin.

— Vous avez un problème ?
Grogna Rose en direction des passants qui observaient la scène, curieux.
Ils continuèrent leur chemin comme si de rien n’était.

Arrivées devant chez ses parents, la forge de son père.
Il faisait déjà un peu nuit.
Ferdinand, surprit, remercia Rose et emmena aussitôt Alicia au lit.

— Je t’assure que ça va, c’est Rose qui exagère tout.
Avait tenté d’expliquer Alicia.

2015.03.26

Vie

Malgré l’état de santé de Camélia, ils avaient décidé de donner vie à un enfant. Ils ne pensaient pas qu’elle était en mesure de procréer et lorsque les premiers symptômes se manifestèrent, ils étaient partagés entre le bonheur et l’appréhension de l’inconnu.
Ferdinand se demanda s’il n’avait pas fait une bêtise.
Dans un premier temps, rien n’était à signaler, ils continuaient leur petite vie.
Elle, travaillant à la bibliothèque en tant que chercheuse.
Lui, ayant abandonné son poste de soldat pour rester auprès de son aimée. Ils avaient également déménagé.
Il avait repris une forge inoccupée et il avait été formé assez rapidement par un ancien maître forgeron.
Une demeure plus grande se situait derrière la boutique. Il pouvait alors travailler et rester auprès de Camelia.

La demeure était sur deux étages.
Une petite chambre à l’étage, et le reste des pièces au rez-de-chaussée.
Cette petite pièce fut tout de suite préparée pour le futur bébé, et servit également de grenier provisoire.

La grossesse de Camélia fut très compliquée.
Son état de santé instable se dégradait de temps à autre, personne ne savait ce qu’allait devenir l’enfant, ni la mère.
Ferdinand dut prendre soin de la maison et de sa compagne pendant plusieurs semaines.
Il regretta à plusieurs reprises sa décision, il avait peur de perdre et sa femme, et son enfant.

2015.03.26

Différences

Elle était joyeuse malgré son état de santé et l’ignorance du reste de la population.
Son amie l’appréciait à sa juste valeur et lui faisait oublier sa condition d’Ignorée. Tout comme elle lui donnait l’amour et la reconnaissance qu’elle n’avait pas reçu de ses camarades de classe.
Elles ne se ressemblaient pas et se complétaient.
L’une aux cheveux noir ébène, longs et lisses.
L’autre aux cheveux rouges feux longs et bouclés.
Elle avait la peau très claire et son amie était plutôt bronzée à force de s’entraîner en plein soleil.
Elle était calme et son amie était plutôt à sang chaud.
La rousse avait eu envie de se couper les cheveux très courts, peut-être pour paraître plus masculine qu’elle ne l’était, mais elle lui avait dit qu’elle appréciait ses beaux cheveux, et elle avait alors changé d’avis.

Lorsqu’elle était mal à l’aise à cause des regards, son amie lui serrait la main et l’emmenait dans un autre endroit.
Elle savait qu’elle faisait la forte devant les autres mais qu’elle était fragile au fond d’elle et doutait constamment.

Elles étaient encore trop jeunes pour se rendre compte que leur amitié était plus forte et qu’elle se transformait en amour profond.

Elles se sont retrouvées des années plus tard.
Elle était déjà assignée à la bibliothèque depuis quelques temps.
Un terrain d’entraînement de combats se trouvait à quelques mètres de l’endroit.
La chevelure de feux venait de terminer son cycle et avait été asignée sur ce terrain. Elle faisait partie des meilleurs élèves.
Elle vit Alicia arriver aux alentours de midi, vers la bibliothèque.
Son regard s’arrêta un instant sur l’uniforme de la jeune fille qu’elle trouvait joli.
La pause déjeuner était proche.
Elle recroisa rapidement Alicia, perdue dans ses pensées, elles se sont rentrées dedans.
Elles s’excusèrent, et se fixèrent un instant.
Elles se pointèrent mutuellement du doigt avant de s’écrier.
Elles se connaissaient. Elles étaient dans la même école.
Comme des amies qui se retrouvaient, elles s’entendirent comme des meilleures amies en quelques instants.
Elles se racontèrent leur petit parcours et elles continuèrent à manger ensemble chaque midi ou elle était présente.

Rose se fit juger dès les premiers jours, de traîner avec une Ignorée.
Certains la trouvaient mignonne mais n’osaient pas lui parler.
Elle avait un caractère fort et elle passait son temps avec une Ignorée.
Elle était donc également Ignorée.
Elle avait rarement assisté à un malaise d’Alicia parce qu’elle faisait des efforts pour éviter d’en faire en public. Cependant cela lui est arrivé une fois.

2015.03.23