Remède

Elle descendait les marches pour aller chercher dans la pièce de laboratoire, de quoi préparer aux bonnes quantités le mélange curatif.
Elle avait l’air grave. Elle se dirigea vers son conjoint, les feuilles volantes à la main, comportant les informations précieuses.

— Il faut que je te dise quelque chose… je pense qu’elle nous a caché quelque chose de très important…

2018.12.20

 

Elle reprit doucement connaissance.
Les paupières s’ouvrirent lentement, la vision encore trouble. Elle se fit à son toucher et son ouïe, son odorat. C’étaient les draps de son lit, elle reconnaissait leur douce odeur et le tissu du bout de ses doigts.
Sa main se resserra sur un bout de la couverture. Une faible poigne mais elle réussit.
Elle entendait les voix et elle reconnut celle de son amie ainsi que celle de sa mère.

— J’aurais besoin de discuter avec elle lorsqu’elle se réveillera.
Disait sa mère, la voix tremblotante, d’une manière presque imperceptible mais elle connaissait trop bien sa génitrice.

Elle jeta un regard vers elle. Elle vit mais flou, le visage de sa mère se tourner vers elle.
Elle accourut à ses côtés.

— Comment tu te sens ?
— … Bien ?

— Est-ce que vous pouvez nous laisser, s’il vous plaît ?
Demanda t-elle aussitôt.

L’amie jeta un regard insistant au garçon qui observait la scène. Ils sortirent.
La jeune fille était encore dans les vapes et avait refermé ses yeux, imaginant la scène au bruit des pas.
Lorqu’elles furent enfin seules. Elle s’assit à côté de sa fille. En serrant fort sa main.

— J’ai trouvé dans tes notes… que tu prenais un traitement beaucoup plus fort actuellement…

Elle détourna la tête. Elle savait qu’elle allait être le sujet de conversation.

— Je comprends mieux pourquoi tu as insisté pour aller à la fête de saison cette année… je souhaite pas que tu me caches ce genre de détails. Je veux être au courant, me préparer psychologiquement à cette éventualité. Est-ce que tu comprends… ?

Elle n’osait pas ouvrir les yeux pour affronter le visage triste de sa mère. Encore moins ouvrir sa bouche pour prononcer le moindre mot.
Elle n’avait aucune excuse. Elle restait persuadée que l’ignorance protègerait ses parents de l’angoisse de la fragilité de sa santé.

— On peut encore réfléchir à une solution, ensemble. Nous n’allons pas te laisser affronter cela seule…

Elle marqua une pause, avant de continuer en baissant d’un ton.

— Tu ne lui as rien dit… n’est-ce pas… ?

Le manque de réponse confirma son inquiétude.

— Nous pouvons travailler ensemble sur une nouvelle formule du remède… l’améliorer pour qu’il soit moins lourd-

Elle réagit enfin.
Elle repoussa la main de sa mère.

— J’ai déjà fait au mieux, maman.
Dit-elle en contenant sa colère.

— Cela fait un moment que j’ai tourné dans tous les sens le problème…

Une quite de toux la stoppa. Plus forte en intensité, jusqu’à ce qu’elle se plie en deux dans son lit.
Du sang tacha ses mains, puis les draps.
Puis coula de ses narines.
Sa mère paniquée appela son époux qui se trouvait au rez-de-chaussée.
Il était encore en compagnie des deux amis.

— Je crois qu’il vaut mieux que vous rentrez chez vous pour aujourd’hui… excusez-nous.
Dit-il, avant de les raccompagner à la porte.

Ils s’en allèrent à contre-coeur. Après avoir entendu la toux de leur amie, ils n’étaient pas sereins.
Le père monta aussi vite qu’il put pour voir l’état de sa fille.
Sa quinte s’était calmée mais elle respirait avec difficulté.
Sa mère partit chercher un gant de toilette et une cuvette d’eau pour nettoyer le carnage.
Son père l’aida à se réinstaller en surélevant légèrement sa tête.

— Comment te sens-tu… ?
Demanda t-il, inquiet.

— … Mieux…
Sourit-elle.

— Je suis désolée de vous causer autant de souci.
Rajouta t-elle. En fermant les yeux.

Le coeur brisé, il lui embrassa le front.

— Je t’aime…
Dit-il, comme si c’étaient les derniers mots que sa fille risquait d’entendre.

— Papa…

Elle lui attrapa le poignet puis la main pour la serrer dans la sienne.

— Ne sois pas si triste…

Lorsque sa mère revint, elle s’était presque assoupie.
Elle lui passa rapidement un coup de gant sur son visage et ses mains.
La fraîcheur du gant humide la fit frissoner un peu.

— Ça ira mieux demain, ne vous inquiétez pas…
Les rassura t-elle, d’une voix rauque et faible.

Elle s’endormit.
Les parents s’échangèrent un regard, un soupir à l’égard de leur fille, et la laissèrent se reposer.
Après être descendus dans la salle, ils brisèrent le silence.
Elle lui tendit la feuille qu’elle avait trouvée sur le bureau avec les indications précises de son remède.

— Je comprends mieux… Qu’est-ce qu’on peut faire de plus… ?
Dit le père.

— Rien… j’en ai bien peur. Je lui ai proposé d’y réfléchir ensemble, mais je crois qu’elle a déjà retourné le problème dans tous les sens…

Elle dormit deux jours avant de s’en remettre.

2018.12.26

Canapé

Arrivés chez elle, ils entrèrent dans le salon et elle indiqua le canapé qui se trouvait sur leur droite.
Il posa la frêle jeune fille dessus, et retira sa longue veste pour la recouvrir jusqu’au cou.
Elle s’asseya sur un fauteuil à côté et l’incita à faire de même.

2018.11.30

 

Elle se mit à l’aise sur le fauteuil et invita le jeune homme à faire de même.
Encore inquiet pour l’état de santé de la jeune fille qu’il venait d’allonger en face de lui, il jeta des regards interrogateurs à l’autre fille.
Comprenant son désarroi, elle daigna lui répondre, après un soupir.

— Lorsqu’elle est dans cet état, on ne peut rien faire à part attendre qu’elle reprenne ses esprits. Expliqua t-elle.

— On ne peut rien faire d’autre… ?
— Non, on est impuissant, c’est comme ça. Elle devrait revenir à elle dans pas très longtemps. J’ai malheureusement… l’habitude.

— Je vois…
Répondit-il dépité.

— Profitons-en pour discuter. Tu voulais en savoir plus sur elle ? Voici sa demeure. Ses parents ont dû partir faire une balade. Tu peux t’en aller maintenant si tu ne souhaite pas t’impliquer plus. Elle ne t’en voudra pas de partir. Sache le.

— Je reste.
Dit-il, sans hésiter.

— Et toi ? Depuis combien de temps tu es à ses côtes ?
Demanda t-il.

— Ça… un petit moment. On se connait depuis qu’on est petites mais je l’ai retrouvée que récemment…

2018.12.10

Bien entourée

Le moment tant espéré finit par se créer.
Le jeune homme se retrouva seul avec la jeune fille aux cheveux noirs.
Elle semblait perdue dans ses pensées, souriante et observant les alentours, attendant que son amie revienne.
Lui, beaucoup plus nerveux. Maintenant qu’il avait une occasion de lui parler, les mots ne venaient pas et il ne savait pas quoi dire d’approprié pour faire bonne impression. Il savait que les deux filles étaient dans une relation particulière, mais il souhaitait tout de même en apprendre plus.
Les mains moites et la gorge sèche. Il prit son courage à deux mains pour tenter de dire des banalités.
Ils se firent interrompre par un groupe de jeunes filles qui l’abordèrent.

Un groupe de filles l’observait et il était le centre de leur discussion.

— C’est bien le garçon qui est à l’école d’arts martiaux ?
— Même si on a du mal à le reconnaître dans ces vêtements… c’est bien lui.
— Qu’est-ce qu’il fait avec cette fille… ?
— C’est une Ignorée, si je ne me trompe pas…
— Peu importe qui elle est, nous ne sommes pas obligées de lui parler. C’est l’occasion si tu veux l’aborder ! Je sais que tu en pinces pour lui depuis un moment.
— … Je ne sais pas si c’est une bonne idée…
— Allez, un peu de courage. On va venir avec toi. Tu n’as pas à être intimidée.

Ces trois jeunes filles avancèrent vers le jeune homme. L’une embarquée par ses deux amies.
Elles le saluèrent et le coupèrent dans son élan, sans y faire attention. Elles accordèrent un rapide regard à la jeune fille, qui leur sourit par politesse.
Lorsqu’elles commencèrent par entamer une discussion avec le garçon, la fillette brune décida d’elle-même, de se retirer pour les laisser tranquille.
Elle avait l’habitude de ce genre de comportement et cela ne lui fit rien ressentir.
Alors qu’elle était en train de se retourner pour partir, il s’en rendit compte.
Les trois jeunes filles ne l’intéressaient pas le moins du monde. Il y était totalement indifférent, et cherchait un moyen de couper court sans leur manquer de respect.
Lorsqu’il vit la brune se retirer, son coeur se resserra et il agit par panique. Il l’interpela et s’avança d’un grand pas vers elle, en manquant de pousser les autres filles, et lui attrapa le poignet.
Lorsqu’il reprit ses esprits, il se retourna pour s’excuser de son comportement auprès des arrivantes.

— Excusez-moi, j’ai quelque chose à lui dire…

Il utilisa cette excuse pour s’extirper de cette situation gênante.
C’est pour cela qu’il n’appréciait pas vraiment ces fêtes de rencontres. Il se faisait souvent aborder par des groupes et cela le mettait extrêmement mal à l’aise d’avoir un intérêt proche du néant pour ces choses là.
Les filles voyant l’intérêt qu’il avait pour cette autre personne, n’insistèrent pas et s’en allèrent bredouille.
Celle qui était partie s’absenter quelques minutes observait la scène de loin.
Elle était curieuse d’en connaître un peu plus sur les intentions de son camarade d’école.
Son poignet encore dans la main grande et chaude du jeune homme, elle n’osa même pas se retourner vers lui, elle était comme figée.
Il s’excusa sur le champ et la relâcha.

— Est-ce que tu as quelque chose d’important à me dire… ?
Demanda t-elle, déconcertée.

Elle lui faisait maintenant face et essayait de le sonder.
Gêné par la situation, il évitait son regard, jusqu’à ce qu ils se croisent et il resta à la dévorer des yeux.

— J’aimerais en apprendre un peu plus sur toi…
Dit-il, avec tout son courage.

Elle ne savait pas quoi répondre, et comme sauvée, son amie revenait et les interpela.
Elle en profita pour à son tour faire un tour, et les laisser seuls.
Ce qui arrangeait son amie qui voulait discuter avec lui. Il voulut la suivre mais elle l’en empêcha et lui fit comprendre de la laisser.

— Qu’est-ce que tu lui veux ?
— Pardon ?
— Je vous ai vu. Si c’est pour la blesser, tu auras affaire avec moi, même si tu es mon aîné.
Dit-elle, menaçante.

— Il y a méprise. Je souhaite juste la connaître plus amplement.

Il avait repris son assurance.

— Tu es amoureux ?
Demanda t-elle, directe.

Cela le prit au dépourvu mais il répondit avec le même aplomb.

— Je crois que oui.

— Tu la connais à peine et tu crois l’aimer ?
Répondit-elle agacée.

— Justement, c’est pour cela que je souhaiterais en apprendre plus sur elle.

Elle soupira.

— Fais ce que tu veux, tant que tu ne lui fais pas de mal… allons la rejoindre.

Au loin, un groupe de plusieurs adultes descendait d’une branche peu empruntée et marchait joyeusement.

— Je m’excuse que nous n’ayons pu partir que maintenant.
Disait une femme qui avait les vêtements avec le tissu le moins riche.

— Tu n’as pas à t’excuser ! C’est tout à fait normal de finir le travail de la journée. C’est déjà aimable de ta part de nous autoriser à nous rendre à cette fête.
— Je ne sais pas si c’est un cadeau que je vous fais en vous mettant dans une situation délicate lorsque vous rencontrerez quelqu’un qui vous plaît, ici…
— Ne t’en fais pas. C’est à nous de gérer !

La plupart partirent devant et laissèrent la femme accompagnée de son amie.

— Ce sont vraiment des enfants !
Dit l’accompagnatrice.

— Laisse-les donc s’amuser. Nous avons également peu d’occasion d’être toutes les deux ensemble, tout simplement.

— C’est bien vrai.
Dit-elle en attrapant le bras de la femme.

Elles marchèrent les bras l’un dessous l’autre, en prenant leur temps et profiter de ce moment rien qu’à elles.
Elles aperçurent une jeune fille accroupit à côté d’un buisson. Elles s’échangèrent un regard et décidèrent d’aller voir.

— Est-ce que tout va bien ?
Demanda la femme aux longs cheveux rouges et bouclés.

Ils étaient légèrement attachés dans son dos.
Elle s’accroupit auprès d’elle et lui prit la main.
La jeune fille aux cheveux ébènes, releva lentement le visage pour les voir, et sa vision un peu trouble ne s’améliora pas, et elle perdit connaissance.
L’autre femme, qui avait les cheveux bruns foncés lisses, attachés grâce à une barrette en bois, l’aida à l’allonger sur le sol.

— C’est celle que j’avais repérée… je ne pensais pas qu’elle serait autant affaiblie…
Dit-elle songeuse et inquiète.

— Il va falloir que j’accélère les choses.

La main sur son pouls, elle examinait soigneusement sa condition.

— Qu’est-ce qu’on fait ?
— Rien. Regarde, ça doit être ses amis.

Ils la virent à terre et accoururent.

— Que s’est-il passé ?
— Elle n’avait pas l air de se sentir bien, et elle vient de perdre connaissance.
Expliqua la brune.

— Merci de vous être occupées d’elle… nous allons la ramener chez elle. Merci encore… désolée du dérangement.

Elle avait l’habitude de gérer ce genre de situation depuis, et expédia l’échange le plus rapidement possible.
Elles s’en allèrent sans rien demander de plus, mais la rousse se retourna vers eux pour leur jeter un dernier regard.

— Elle a l’air d’être bien entourée.
Songeait-elle.

— Tu sais ce qu’elle a… ?
Demanda le garçon.

— Je crois que j’ai un peu trop abusé de sa présence ce soir. J’aurais dû la raccompagner plus tôt…
Disait-elle sous le poids de la culpabilité.

— Je vais la porter, je vous accompagne.
Dit-il sans tarder en la prenant dans ses bras, prenant bien soin de caler sa tête dans le creu de son épaule et son cou.

Il saurait où elle habite par la même occasion.
Il ne put cacher sa surprise lorsqu’il la soupesa. Elle était extrêmement légère.

— Elle est aussi fragile que tu le penses.
Dit-elle en devinant le fond de sa pensée.

— Ne t’avise même pas d’en profiter pour la toucher de manière inapropriée, ou je t’arrache tes bijoux de famille.
Rétorqua t-elle agacée, mais elle lui montra le chemin.

— Je ne risque pas.
Répondit-il naturellement.

Essayant de cacher son coeur battant à vive allure.
Il sentait l’odeur du shampoing et de sa chair lui arriver aux narines.

2018.11.27

Fête

À chaque changement de saison, une fête se déroulait sur la grande place.
C’était l’occasion de réunir les habitants des différentes branches.
Pour les jeunes célibataires, une occasion en or de faire des rencontres.

Elle avait invité son amie de toujours, la jeune fille aux cheveux ébène.
Lorsqu’elle se présenta devant chez elle. Elle était plus que nerveuse.
Ses parents avaient insisté pour qu’elle mette les habits adéquats : une longue robe au bustier haut.
Un joli noeud était présent sur le haut de sa poitrine.
Le bas était fluide avec de nombreux volants.
La tenue appropriée pour cette fête dansante.
Un large cardigan sur les épaules qui descendait jusqu’au sol et aux longues manches.
De quoi mettre en valeur n’importe quelle personne durant la danse.
Les cheveux attachés en arrière, laissant quelques mèches trop courtes et frisées de part et d’autre de son visage.
Elle souriait nerveusement, à l’idée de voir son amie dans la même tenue. Puis se rendant compte qu’elle esquissait un sourire inconsciemment, elle essayait de reprendre une expression neutre.

Elle ne se fit pas trop attendre.
Elle se tournait vers sa maison, prévenant ses parents qu’elle était enfin prête pour sortir.
Ses longs cheveux noirs virevoltant autour d’elle lorsqu’elle se retourna vers elle, le sourire aux lèvres.
Quelques mèches étaient tressées et réunies en arrière. C’était une occasion rare pour arborer une coupe de cheveux plus sophistiquée que d’habitude.

Lorsqu’elle croisa le regard de son amie qui l’attendait devant chez elle, elle sourit de plus belle.
Elles se retrouvèrent à se sourire mutuellement.
La tenue était la même, mais les couleurs étaient différentes et selon les goûts de chacuns.
Les hommes tout comme les femmes, avaient le droit de porter ce costume et réciproquement.
Même s’il avait été conçu pour mettre en valeur des formes féminines, rien ne l’interdissait.

Les bras l’un par dessus et l’autre par dessous, elles se rendirent à la fête pour profiter de l’ambiance joyeuse plus que pour les rencontres.
Des petites échoppes étaient ouvertes la nuit spécialement pour cette date.
La fête battait son plein en soirée : un petit feu était allumé en plein milieu, donnant une source de lumière légère sans mettre en danger les lieux.
Des musiciens étaient assis non loin sur des gros coussins, et jouaient des airs rapides ou lents selon leur envie et ce qui se prêtait le mieux à l’atmosphère. Il y avait des instruments à cordes et des percutions, qui entraînaient les plus joyeux ou permettait un moment plus doux et romantique, pour les jeunes couples.

Elles s’étaient assises dans un coin tranquille et observaient les nombreuses petites lumières dans les branches au dessus d’elles.
Sur un banc pas très large, leur permettant d’être assises serrées l’une contre l’autre.
Cette période de l’année n’était pas très fraîche, c’était le passage à l’automne.
Il faisait encore bon pour porter cette tenue légère.
Discutant de banalités, elles parlaient également des autres passants qui dansaient ou ceux qui regardaient juste les moins timides.

Il s’était rendu à cette fête à contre-coeur, ses parents le lui avaient un peu forcé la main.
Il n’avait pas spécialement d’ami proche ni de personne en vue pour mener une vie de couple.
Cela préoccupait un peu ses parents. Plus au sujet d’avoir des amis à qui se confier que pour être en couple.
Il avait fini par céder, n’ayant pas mieux à faire.
Il avait fait l’effort de porter la tenue pour cette occasion. Une tenue similaire à celle des femmes, mais avec un col fermé.
Le par-dessus était également léger et aux longues manches.
Ses cheveux avaient été réunis en arrière et étaient attachés de manière lâche avec un petit ornement solide, sous lequel on pouvait voir le ruban blanc qui avait servi à serrer et maintenir les longues mèches rebelles.
Il avait pris une petite sucrerie à grignoter, sur le stand devant lequel il s’était arrêté. Une brochette de boulettes à base de riz et de sucre.
Remerciant gentiment la tenancière, il se tourna un peu pour observer les autres personnes danser autour du feux, ou encore discuter joyeusement à proximité.
Des boissons plus au moins fermentées étaient également proposées, à consommation modérée, elles désinhibaient certaines personnes sans non plus les pousser à l’excès et les rendre incontrôlables.
Les proches surveillaient et encadraient leurs amis pour que la fête reste un moment agréable.
Il reconnut au loin la jeune fille qu’il avait déjà croisé quelques fois, non loin du lieu où il s’entraînait.
Son apparence actuelle le fit ressentir quelque chose au plus profond de lui. Quelque chose qu’il n’avait pas encore ressenti.
Alors qu’il était perdu dans ses pensées à analyser la nature de cette émotion, il l’observait de loin.

Elle s’était levée du banc, et voulait danser.
Son amie n’osant pas la rejoindre, refusa de l’accompagner et lui fit signe de danser pour elle.
Elle lui tenait les mains et souhaitait qu’elle se lève avec elle, mais elle finit par les lui lâcher.
Elle appréciait particulièrement cet air et se résolut à faire une danse rien que pour son amie.
Toujours souriante, mais tout de même un peu gênée. Elle se mit à tournoyer et appliquer les quelques mouvements que sa mère lui avait appris.
Le sourire de son amie s’effaça pour laisser place à un visage surpris et admiratif.
On pouvait voir l’émotion gagner ses pupilles.
Elle assistait à un magnifique spectacle.

Il assista également à ce spectacle de loin.
Il était resté figé devant cette scène.
Il aurait souhaité se rapprocher pour mieux pouvoir l’admirer mais il ne la connaissait pas, et c’était bien la première fois qu’il éprouvait ce genre d’attirance.
Ne se reconnaissant plus lui-même, il sortit de sa torpeur. Il songeait à un moyen de lui parler, même s’il ne savait pas quoi lui dire. Ce n’était pas dans son caractère de ne rien faire lorsque son coeur désirait quelque chose.

Figée sur le banc, lorsqu’elle finit de danser.
Un large sourire sur son visage, les cheveux légèrement emmêlés, elle se tourna vers son amie et lui demanda ce qu’elle en pensait, sachant qu’elle n’était pas douée pour ce genre d’activités.
Elle se leva et s’approcha d’elle avec un visage dur.
Elle lui remit ses mèches en place, d’un geste très délicat, s’approchant de son visage plus qu’à l’accoutumée. Elle en profita pour l’embrasser sur la joue. Puis doucement, elle décala son visage pour l’embrasser sur le coin des lèvres, et finalement, sur la bouche.

L’observateur au loin ne s’attendait pas à ce dénouement. Il faillit avaler de travers sa boulette qu’il était en train de mâcher.
Cette fois-ci, il se sentit envahi d’un autre sentiment, différent. Il ne savait pas mettre le doigt dessus, si c’était de la tristesse ou de la colère.
Il se revoyait la scène, et s’imaginait à la place de l’autre fille qui lui avait donné ce baiser, et se sentit bizarre. Une chaleur vint à ses joues.
La tenancière, le voyant ainsi lui demanda s’il ne serait pas amoureux. Ce à quoi il ne sut pas quoi répondre.

— Amoureux… ?
Répéta t-il, découvrant ce sentiment.

Il se tourna vers la tenancière lui demandant s’il pouvait reprendre une brochette.
Elle lui tendit volontiers.
Perdu à nouveau dans ses réflexions, il ne se rendit pas compte de la présence qui arriva à côté de lui.
C’étaient les deux jeunes filles qui s’étaient rapprochées du même stand et souhaitaient également déguster ces brochettes.
La tenancière souriante leur en distribua.
La jeune fille aux cheveux noirs salua par politesse l’homme qui était là avant elles, sans savoir qui cela pouvait être.
L’autre fille, le reconnut et ne cacha pas sa surprise de le voir. Elle savait qu’il n’était pas du genre à se rendre à ce genre d’évènements.
Elle le salua également et fit les présentations lorsque son amie se tourna vers elle pour en apprendre plus sur cette connaissance.
Il ne pensait pas qu’il aurait la chance de faire sa connaissance et d’être présenté à celle pour qui il avait des sentiments.
Un peu pataud, il fut avare en mots et ne fut que spectateur de ces échanges.
Il savait maintenant comment s’appelait cette jeune fille si spéciale pour lui.
Le voyant si silencieux, la fille aux bouclettes lui proposa de se joindre à elles s’il le désirait, par politesse.
Politesse qu’il ne refusa pour rien au monde.
Malgré la relation particulière qu’elles avaient, il ne put qu’être heureux de pouvoir être aux côtés de cette jeune fille mystérieuse, pour en apprendre un peu plus sur elle, et sur lui-même.

Elle approcha son amie par derrière et croqua une de ses boulettes à même la brochette, par surprise.
Elle feint d’être indignée de son comportement puis ria.
Elle attrapa la seconde boulette avec ses petites dents pour la déguster.
Voyant que le jeune homme la fixait, elle se demanda s’il voulait également goûter.
Même s’il avait déjà mangé deux brochettes, il ne refusa pas sa proposition.
Ils se rapprochèrent et sa main frôla la sienne lorsqu’elle lui tendit la brochette en bois.
Son coeur battait à toute allure. Il fut le seul à y prêter attention.
Les deux filles étaient déjà parties à un autre stand pour déguster les divers et autres mets.

2018.11.16

Banquet

Assis autour d’une grande table rectangulaire, toute la famille était réunie.
Aurore, la plus jeune.
Les jumeaux Jasper et Celes, Hélène et Alain.
Cean l’aîné.
Ainsi que les parents : Alexandra, Gabriel, Chris.
Alexandre et Chrystal.
Puis les grands-parents : Sephyl et Alicia.

Les enfants étaient assis dans le même carré et discutaient joyeusement.
Les parents, oncles et tantes étaient au milieu de la tablée, et les grands-parents, face à face, étaient sur la dernière partie de la table.

Une fois par an au minimum, ils se réunissaient.
C’était l’occasion d’avoir la famille au complet, et à Jasper et Celes de venir de l’autre côté de la barrière qui séparait le monde où ils avaient grandi, et celui de leurs cousins.

— Sérieux ? Haha !
Riait joyeusement Aurore.

— Plus sérieusement… Je ferai bien un shooting avec des membres de la famille en tant que modèle…
Disait Hélène.

— On pourrait pas oublier le boulot à table ?
Répliqua Alain exaspéré.

— Ça pourrait être intéressant.
Coupa Celes.

— N’est-ce pas ! C’est grave une bonne idée !
Répliqua Hélène.

— Je vois bien Cean avec ses cheveux blonds.
Songeait Celes.

— Totalement !
Hélène était à fond.

— Hé oh, je pourrais avoir mon mot à dire, non ?
Dit Cean.

— Tant que vous n’oubliez pas Aurore, je n’ai pas d’inconvénient.
Ajouta Jasper.

— Ah non, moi je pose que nue.
Dit Aurore avec un ton sérieux.

Tout le monde éclata de rire.

— Ok, comme ça je pourrais revendre les photos une petite fortune à Jasper.
Dit Celes.

— Personne ne prendra des photos d’Aurore nue, ou je vous poursuis en justice !
Dit Jasper.

Les rires reprirent.
Les parents discutaient également.

— Tout va bien en ce moment par chez vous ?
Demanda Chrystal.

— La routine. On s’entraîne, on gère les affaires.
Répondit Gabryel.

— Et vous ?
Demanda Alexandra.

— Pareil, le travail, l’administratif, mais ça va.
Répondit Alexandre.

— Comment ça se passe pour la boutique d’Hélène et Alain, Chris ?
Demanda Alicia.

— Ils sont heureux d’avoir leur boutique et travaillent d’arrache pied. Je dois souvent rappeler à Hélène de se reposer… elle est têtue et fonce tête baissée, je me demande bien de qui elle tient ce trait de caractère…
Répondit Chris.

— Je plaide coupable…
Dit Alexandra.

— Ah, je confirme. Je me rappelle quand on était au collège, je devais la rappeler à l’ordre à chaque fois qu’elle voulait se bagarrer…
Soupira Alexandre.

— Ça t’a tant traumatisé que ça pour que tu t’en souviennes encore maintenant… ?
Dit Alexandra d’une petite voix.

— Maintenant que tu le dis, la première fois que je l’ai vue, elle s’apprêtait à casser une de mes fenêtres avec une chaise.
Ajouta Gabryel.

Ils rièrent tous, sauf Alexandra, rouge de honte.

— Tu nous avais pas raconté ça.
Dit Sephyl.

— Hm… si je me rappelle bien, c’était après que je t’ai enlevée… du coup on va peut-être éviter ce sujet…
Se ravisa Gabryel.

— Ahem…
Chris se racla la gorge.

— En parlant de couples, Cean a une petite amie ?
Demanda Alicia.

— Elle travaille au château, très charmante et humble. Elle a préféré ne pas venir au repas aujourd hui.
Cean ? Parle nous de Mathilda.
Dit Gabryel.

— Tu vas l’embarrasser !
Dit Alexandra en frappant gentiment Gabryel.

— Mathilda… ? Elle… préfère vous rencontrer un à un pour faire les présentations avant de participer à notre banquet de réunion familiale…

— Elle est comment ?
Demanda Alain.

— Mignonne. Très mignonne.
Dit Cean en rougissant.

— Attends, c’est la petite aux lunettes qui travaille à la blanchisserie ?
Demanda Hélène.

— Exact.

2018.11.06

Chiffon

Un sac à dos bien chargé sur les épaules, un manteau à capuche épais pour l’hiver. Sam était préparé pour affronter le froid.
Encore adolescent naïf mais plein de bonne volonté. Armé de son courage, après avoir franchi la fenêtre du salon, il marchait tranquillement dans les ruelles. Le coeur battant d’excitation.
L’appel de l’inconnu, d’une nouvelle vie.
Perdu dans ses pensées et sa projection de son propre futur fastasmé, il ne vit pas cet étranger louche l’approcher.
Lorsqu’il se rendit compte de sa présence il était déjà trop tard.
L’individu l’attrapa et lui couvrit la bouche pour l’empêcher de crier.

Tout se passa très vite. Il perdit l’équilibre et sentit un chiffon lui obstruer la vue.
Lorsqu’il put à nouveau voir, le décor avait totalement changé. Il pouvait deviner qu’il était au milieu de la nature, d’arbres et de buissons.
Il faisait nuit et seule la lumière de la lune éclairait un peu la terre à ses pieds, lorsqu’elle arrivait à se frayer un chemin à travers les nuages.
Il était tombé sur les fesses, par terre. Et lorsque la lueur éclaira son agresseur, il se mit à paniquer et perdre ses moyens. Cherchant à s’en éloigner mais à reculons, les mains posées au sol également.
Il avait aussi une capuche mais semblait porter une sorte de cape et son regard luisant à la lumière lunaire ne présageait rien de bon.

Il ne le fit pas attendre et sauta sur lui, cherchant à le déshabiller.

2018.10.26

Nuit

Sam partit de chez ses parents en pleine nuit, en prenant soin de faire le moins de bruit possible.
Cela faisait des mois que le voyage vers l’inconnu était organisé dans sa jeune tête.
La destination, le sac de randonnée, la lettre pour ses parents.

Je me souviens être sorti.e par la fenêtre laissée ouverte en plein été pour rafraîchir la maison.
C’était celle du salon que mes parents laissaient ouverts pour aérer la nuit.
Nous vivions dans un quartier très calme et avec le recul que j’ai aujourd’hui, nous n’avions aucune raison de nous inquiéter d’un cambriolage.
J’avais lâché doucement le sac par dessus la fenêtre ouverte pour que cela fasse le moins de bruit possible. Puis c’était à mon tour de passer par dessus bord.
Ma lettre était posée sur la table de la cuisine.
Je jetais un dernier regard derrière moi et je partais sans me retourner vers une toute nouvelle vie.
C’est ce que je croyais.
Le plan d’adolescent.e que j’étais, était loin d’être parfait.
Je m’étais renseigné.e sur les horaires de bus de nuit. Les gens me dévisageaient. J’étais jeune et j’avais ma capuche. Je ne voulais pas qu’on sache qui je suis. Je sentais les regards sur moi.

2018.10.20

Monstre

— Ne me touchez pas ! Je suis un monstre… !
Dit-iel en se réfugiant dans sa chambre, laissant ses parents dépourvus.

Sa mère frappa à la porte de sa chambre et finit par entrer.
Iel était recroquevillé sur son lit, les larmes aux yeux.
Elle s’approcha et s’asseya sur le bord du lit.

— Dis moi, parle moi, qu’est-ce qui ne va pas ?

2018.10.19

Cordes

Il se pencha près d’elle, ses longs cheveux retombèrent légèrement en boucles sur la couverture.
Une mèche rebelle échoua sur son bras droit.
Elle lâcha de sa main droite le verre qu’elle tenait, et le recula lentement, de manière à ce que la mèche se retrouve dans sa paume.
Il frissonna.
Il semblait qu’il était sensible et elle le remarqua.
Cependant cela ne l’empêcha pas de continuer à assouvir sa curiosité.
Lorsqu’elle commença à caresser de ses doigts, les pointes de ces mèches, elle remarqua à quel point ils étaient doux et fins.
Elle jeta un regard à son expression de visage.
Il semblait à la fois gêné, et apprécier. N’osant pas trop s’exprimer sur ce qu’il ressentait.

Elle fut surprise lorsque les cheveux se mirent à bouger d’eux-mêmes, s’enroulant tendrement autour de ses doigts. En un instant, il se transformèrent en une sorte de corde tentaculaire.
Elle ne fut pas effrayée plus que cela.
Ces cordes mouvantes par une volonté propre continuaient de lui caresser les doigts d’une manière tendre. Elle était amusée et fascinée par cette magie.

Il la regardait, l’observait lorsque ses cheveux se transformèrent. Il redoutait qu’elle prenne peur et le rejette complètement.
Voyant qu’elle restait calme, il fut rassuré. Il était content de l’avoir choisie.
Un peu surpris, tout de même.

— Est-ce que c’est toi qui les contrôles ?
Dit-elle, brisant le long silence.

Pris au dépourvu par une telle question, il bafouillait.

— Je, euh, hein, pardon ?
— Hm… je veux dire… tes cheveux… c’est toi qui les controles… ?

Elle semblait embarrassée d’avoir posé une question qu’il ne fallait pas.

— En effet. Je peux décider de leurs mouvements…

Et sous ses yeux, les cordes se déplacèrent et s’enroulèrent de manière plus vives autour du poignet.
Elle fit une grimace, l’étreinte était un peu forte.
Il réagit aussitôt en la relâchant.

— Excuse-moi, je ne voulais pas t’effrayer.
Dit-il, s’excusant sincèrement, il ne savait plus où se mettre.

— Ça va, ca m’a juste surpris.
Dit-elle pour le rassurer.

Elle ne savait pas comment il pouvait réagir et faisait extrêmement attention à ses gestes et ses paroles.
Il se calma, elle se sentit rassurée.

— Tu n’as pas peur ?
Demanda t-il.

— De quoi… ?

— Ahah… de moi ? De mes cheveux ?
Dit-il amusé. Il se sentait bête.

— Pas vraiment… mis à part que tu me séquestres.
— Je me suis donné tellement de mal pour t’avoir, je ne vais pas te laisser t’enfuir.
— Pourquoi… ?

Elle restait calme.

— J’avais des questions qui demandaient des réponses…
— Lesquelles…. ?
— Tu me plais et je veux que tu restes à mes côés.
— C’est pas comme ça que les choses fonctionnent…
— Ah ?

Il eut un autre silence.

— Tu vis tout seul depuis combien de temps ?
— Laisse moi réfléchir… bien longtemps, en fait.

*

Les personnes autour de lui le mettaient à l’écart à cause de son étrange pouvoir.
Ses cheveux bougeaient tout seul et les gens commencèrent à lae traiter de monstre.
Cela commença aux alentours de l’adolescence lorsque son corps prit des formes.
Iel ne contrôlait pas encore très bien ce pouvoir.
Iel avait parfois une petite poitrine de jeune fille, et le jour suivant avoir une carrure plus forte et être plat au niveau de la poitrine.
Cela effrayait les gens.
Les plus méchants voulurent le bizuter.
Un jour iel fut encerclé, dos au mur sans échappatoire.
Pris au piège, les enfants lae poussèrent et cherchèrent à lae déshabiller pour vérifier et voir de leur propres yeux.
C’est à ce moment que ses cheveux mi-longs se transformèrent et attrapèrent les poignets de ses attaquants.
Aussitôt qu’ils virent ça, ils prirent peur et s’enfuirent.
Lui-même ne s’était pas rendu compte de ce qu’il venait de se passer.
Ses cheveux reprirent lentement leur forme habituelle. Iel avait été laissé là, seul, par terre.
Iel était orphelin et ses parents adoptifs ne comprenaient pas trop ce qu’il se passait non plus.

2018.10.15

Insistance

Elle se souvenait de ce visage d’homme. Elle avait une mémoire visuelle plutôt bonne et ce personnage l’avait interpelée aux premiers abords par son calme et son côté décontracté.

*

Il était seul, ce qui était plutôt rare parmi les clients. La plupart des gens préféraient venir en groupe pour se sentir moins intimidés dans ce cadre.
Lui, était relativement à l’aise.
Il s’installa de manière confortable et observa autour de lui sans aucun doute dans son regard.
Ce détachement était presque effrayant, et lorsque leurs regards se croisèrent, elle le salua poliment d’un hochement de tête et retourna à ses occupations, gênée par la situation. Elle se sentait impolie de l’avoir regardé avec insistance.

*

Était-ce à cause de ce malheureux regard qu’elle se trouvait actuellement dans cette situation… ?

— Qu’est-ce que me voulez vous ?
Finit-elle par demander. La voix très légèrement tremblante.

— Discuter ? En apprendre un peu plus sur toi.

2018.10.12