Appel

— Hey salut, comment ça se passe ?
Demanda t-elle, avant même qu’il ne puisse dire le moindre mot.

Il l’imaginait très bien, décontractée, le combiné calé avec son épaule en train de toucher à ses documents sur le bureau.

— Salut… très bien… jusqu’à ce soir… Justement…

Le ton dans sa voix essayait de suivre celui enjoué de son interlocutrice mais il prononça ses derniers mots de manière plus posée et avec précaution.

— … Comment ça ? Elle a fait quelque chose ?
Demanda t-elle sur le qui-vive.

Elle posa sa main sur le bureau et il pu entendre le petit bruit sourd de l impact.

— Oui et non…
— Crache le morceau.
— Eh bien… il s’est passé quelque chose d’assez grave ce soir… elle est en train d’être emmenée à l’hôpital…
— Quoi ?! Explique-moi. Elle est malade ? Qu’est ce qu’elle a ?

Elle semblait impatiente de savoir et il pouvait l’imaginer piétiner.

— Pas exactement… on lui a tiré dessus… je t’expliquerai les détails.

2019.08.23

Peur

Elle était là, à attendre à la salle de repos.
Elle lui avait tapé dans l’oeil et il sauta sur l’occasion de l’aborder sans personne aux alentours.
Elle sursauta à moitié lorsqu’il s’approcha d’elle pour la saluer.
Tout dans son attitude semblait lui plaire. Sa petite voix discrète, sa gêne et sa timidité, elle ne semblait pas à l’aise.

— Bonsoir…
Répondit-elle, doucement.

Elle lui jeta un regard discret avant de retourner fixer la cafetière en train de préparer sa tasse.

— Tu fais des heures sup’ ?
Demanda t-il pour faire la discussion.

— On peut dire ça.
Répondit-elle, désintéressée.

Sans aucune émotion, elle ne s’intéressait pas aux autres personnes.
Irrité par son attitude, il se montra un peu plus insistant.

— On s’est vu ce midi, je veux t’inviter à diner ce soir après ton travail.

Cela eut l’effet escompté et elle se tourna vers lui avec le regard plein d’incompréhension.

— Je ne pense pas que ce soit possible…
Répondit-elle presque immédiatement.

— Je t’attendrai, on est sur le même bateau.
Dit-il en lui faisant un clin d oeil.

Elle ne semblait pas changer d’avis. Ce qui ne lui plaisait pas.

— Bon, en parlant travail, j’aurais besoin d’un petit coup de main dans la salle des archives, est-ce que tu peux me dépanner quelques minutes… ?
Demanda t-il, suppliant.

Elle hésita puis accepta. C’était pour le travail et elle ne négligeait pas ses tâches.
Il sourit et la remercia. Il lui ouvrit le chemin et elle le suivit jusqu’à un couloir qui menait vers une porte avec l’écriteau : salle des archives.

— C’est ici.

Il ouvrit la porte et l’invita à entrer.
Elle cherchait l’interrupteur de lumière lorsqu’elle entendit la porte claquer derrière elle.Elle se retourna mais il faisait maintenant noir complet et elle heurta quelque chose, ou plutôt quelqu’un qui l’attrapa par la taille.
Elle sentit que quelque chose ne tournait pas rond et se crispa.
Elle sentait les mains se refermer sur son corps et la repousser au fond de la pièce.
Elle tenta de résister et se débattre pour se libérer et rester près de la porte, mais la personne était beaucoup plus forte.
Elle ne connaissait pas la superficie ni ce qu’il y avait dans cette pièce. Elle n’avait aucune envie de s’enfoncer plus loin dans les rayons qu’elle avait aperçu une fraction de seconde.
Sentant qu’elle n’avait aucune chance de repousser la personne, elle réussit tout de même à se dégager en se résignant à aller plus au fond, elle ne voyait rien et s’aidait de ses mains pour deviner l’emplacement des obstacles. Essayant de faire le moins de bruit possible.
Elle n’osa pas parler et continua sa visite en espérant faire le tour et retourner à la porte de sortie.
Elle entendit une voix derrière elle, ce qui lui permettait de savoir à peu près à quelle distance elle était de lui.

— Tu as perdu ta langue ? Viens donc par ici, on va juste jouer un peu ensemble…
Disait-il, amusé par la situation.

Il ne devait pas voir plus qu’elle mais connaissait mieux cette pièce.
Elle n’avait aucune confiance en cet homme. Ces paroles n’inspiraient aucunement confiance. Elle avait été prise au piège.
Elle continua à s’éloigner de lui, du moins elle essaya.
Elle ne voulait pas créer des ennuies à Duncan et tentait de s’en sortir seule.

— Tu avais dit que tu me donnerais un petit coup de main…

Elle sentait ses battements de coeur s’accélérer et des sueurs froides, elle était en danger.

Duncan était dans son bureau, à remplir des documents.
Il releva sa tête un instant, se disant qu’il était étrange qu’Annabelle mette autant de temps pour revenir.
Elle était grande, peut-etre qu’elle était aux toilettes.
Il retourna sur ses papiers, puis quelques minutes après, il se leva.
Finalement, il était inquiet qu’elle ne se soit perdue dans les couloirs.
En effet, en sortant de son bureau, il n’y avait presque plus personne et l’étage était vide.
Pratiquement aucun bruit mis à part celui des machines, dont le distributeur.
Il remarqua la tasse de café pleine dans la cafetière.
Il la prit dans sa main et la tasse était encore tiède.
Jamais elle ne serait partie en laissant la tasse ici, sans une raison valable.
Il essaya de se convaincre qu’elle ne devait pas être loin.
Il voulut passer aux toilettes vérifier si tout allait bien.
Il passa devant la salle des archives qui était fermée.
Les autres bureaux semblaient innocupés également.
Rien aux toilettes.
Il se balada dans les couloirs en se demandant où ce qu’elle pouvait bien être.

Elle réussit a longer les murs et se retrouver non loin de la porte.
Le peu de lumière de l’extérieur pénétrait sur le pourtour de la porte. Elle réfléchit et se dit qu’elle allait trahir sa présence si elle se mettait devant la porte tout de suite.

— Où es-tu cachée… ? On va passer du bon temps ensemble, tu verras.

Il n’était pas très loin, elle l’entendait se rapprocher parce qu’il ne faisait pas spécialement attention et n’hésitait pas à se cogner sur les rayons ou donner des coups de pied dans les cartons qui trainaient.
Elle respira un bon coup et se précipita devant la porte et chercha la poignée pour ouvrir.
Lorsqu’elle enclencha la clanche, la porte ne s’ouvrit pas.
Elle retenta, une seconde fois, puis encore, sans succès.
Elle chercha la serrure de la poignée, sans succès.
Elle entendit les pas se rapprocher d’elle jusqu’à sentir la présence juste derrière elle.

— C’est moi qui ait la clé.
Murmura t-il en posant sa main sur les siennes.

Elle ne bougea plus.

— Tu es une petite joueuse à ce que je vois.

Duncan entendit un bruit puis d’autres dans le couloir et cela l’intrigua dans ce silence.
Il retourna voir et s’arrêta non loin de la salle des archives.
Cherchant d’où pouvait venir le son, il entendit une voix étouffée derrière une porte.

Elle n’osait pas crier, de peur de la réaction.
Il balada ses mains sur ses fesses et ses hanches, puis dans son entre-jambes.
Il la plaqua contre la porte, son corps écrasant le sien.
Elle pouvait sentir son érection contre ses fesses et elle n’arrivait pas à le repousser. Elle était immobilisée.
Des larmes commencèrent à mouiller ses yeux, tout en essayant de chercher un échappatoire à cette situation.
Elle réussit à dégager ses mains pour l’empêcher de la toucher dans son intimité, mais il utilisa une de ses mains pour la plaquer contre la porte, dans un bruit sourd.

— Bouge pas et laisse-toi faire.
Lui dit-il dans l’oreille.

De son autre main, elle essayait de l’empêcher de faire plus.

– A…arrêtez !
Dit-elle, désemparée.

Ignorant ses mots, il plaqua son autre main sur la porte et frottait son sexe sur elle.

— P-pourquoi… ?
Demanda t-elle, en sanglots.

*

Duncan entendit de nouveau les bruits, et devant la salle des archives, il entendit distinctement la voix d’un de ses collègues.

— Bouge pas et laisse-toi faire.
— A…arrêtez !

Il reconnut celle d’Annabelle et il sentit la colère monter en lui.
Il tourna la poignée pour ouvrir la porte. Sans succès.

En entendant la clanche tourner, l’homme se figea.
Il arrêta de bouger et attendit sans faire de bruit.

— OUVREZ TOUT DE SUITE.

La voix de Duncan résonna jusqu’à l’intérieur de la pièce.
L’agresseur relâcha son emprise sur elle et recula pour remettre en vitesse son pantalon.
Annabelle, encore sous le choc, resta devant la porte.

Duncan prit de l’élan et enfonça la porte. Elle s’ouvrit après avoir explosé le loquet.
Annabelle qui était encore derrière, se prit la porte de plein fouet et tomba par terre.

Il sentit qu’il avait percuté quelque chose et alluma immédiatement la lumière pour voir, hébété, son collègue la ceinture et la braguette ouverte, et son assistante au sol.

— Ce n’est pas ce que tu crois-
Dit l’homme.

Duncan, s’avança vers lui et lui donna un énorme coup de poing dans le nez, puis un coup de genou entre ses jambes avant d’ajouter.

— Je n’en ai pas fini avec toi.

L’homme finit plié en deux et le nez en sang.
Duncan s’agenouilla près d’Annabelle qui était sonnée.

— Pardon, comment ça va… ?

Elle reprit rapidement ses esprits et se releva comme si de rien n’était.
Les yeux encore humides, elle sortit de la salle et marcha jusqu’à retourner dans la salle de repos pour récupérer la tasse de café, et alla la poser dans le bureau.
Duncan la suivit, sans un mot.

Après avoir refermé la porte derrière lui, elle se tourna vers lui.

— M.. merci.
Dit-elle la voix tremblante.

Les larmes coulèrent à flots de ses yeux, qu’elle essaya de contrôler et d’arrêter sans y arriver.
La voyant dans cet état, il s’avança vers elle pour la serrer dans ses bras et la réconforter comme il pouvait.

— Je… je suis désolé. Je suis tellement désolé.

Elle éclata en sanglots. Elle avait eu tellement peur.

— Est-ce qu’il t’a…
Demanda t-il, timidement.

Après qu’elle ait pu se calmer.
Elle hocha négativement la tête, en essuyant ses larmes. Il soupira de soulagement.
Il sortit son téléphone et composa un numéro.

— Ça va aller.
Dit-elle souriante, encore tremblante.

Il posa son long et lourd manteau sur ses épaules et l’asseya dans un fanteuil avant de sortir pour passer son coup de fil. Il avait un contact dans la police et signala l’agression.
Lorsqu’il retourna dans son bureau, elle était encore tremblante mais gardait sa consistance en persistant à dire qu’elle allait bien.
Il vint se poser devant elle et s’agenouilla, pour prendre ses mains dans les siennes, en la regardant dans les yeux.

— On va rentrer, on a bien avancé aujourd’hui grâce à toi. Je comprendrais si tu ne souhaites plus m’accompagner demain, tu as besoin de repos…

Elle déclina sa proposition, et elle insista pour continuer à l’aider.

— C’est mon rôle de vous assister dans votre travail. Je ferai plus attention à l’avenir…
Dit-elle, en essayant de retrouver son sang froid et son professionnalisme.

— Ce n’est pas à toi de faire plus attention, mais aux gens de son espèce à ne pas se comporter ainsi… !
Dit-il un peu énervé.

— On en rediscutera demain. Tu as besoin de repos…
Ajouta t-il en se calmant.

Il pouvait sentir les tremblements dans sa main et cela lui brisait le coeur d’avoir sa part de responsabilité dans ce traumatisme.
Il referma la porte de son bureau.
Ils descendirent dans le parking, son manteau toujours sur les épaules d’Annabelle.
Arrivés à quelques mètres de la voiture, ils virent une silhouette, en s’approchant ils reconnurent le collègue harceleur qui semblait les attendre.
En les voyant arriver, il sortit quelque chose de sa veste qu’il pointa sur Duncan.
Elle sentait le danger et par réflexe, elle marcha un peu plus vite pour s’interposer et se mettre juste devant lui.
On entendit un coup de feu, puis un deuxième.
Il avait posé le flingue sur sa tempe pour le second tir et son corps tomba au sol dans un bruit sourd puis une flaque rouge commença à s’étendre au pied de la voiture de Duncan, qui restait encore deconnecté de la réalité.

— Annabelle… ? Tu n’as rien ?
Demanda t-il.

N’entendant pas de réponse, il se déplaça devant elle.
Elle avait une tache rubis sombre sur ses vêtements qui ne faisait que s’étaler et les imbiber de plus en plus.
Elle baissa la tête pour constater l’état de ses vêtement et de son corps, comme si elle n’y croyait pas, elle toucha de ses doigts qui se tintèrent de ce rouge bien vif.
Duncan observait également, encore plus choqué de la tournure des évènements.
Son regard allait du visage d’Annabelle et de son torse maintenant rouge.

— Je… ne me sens pas très bien…
Dit-elle avant de s’écrouler sur lui.

Il la rattrapa et l’allongea un peu plus loin.
Il repositionna le manteau sur son corps pour qu’elle ne perde pas trop de sa chaleur et appela immédiatement une ambulance et la police dans la foulée.
Il continua à lui parler pour qu’elle reste éveillée.

— Qu’est-ce qui t’as pris ?!

— J’aurais fait pareil… pour mademoiselle Marianne…
Repondit-elle avec mal.

— En parlant d’elle, elle va m’étriper…

Elle avait les yeux fermés et elle entendit sa voix s’éloigner et de plus en plus étouffée.
Comme si elle s’enfonçait dans la pénombre d’un rêve.
Elle entendit les bruits autour d’elle comme si elle était spectatrice de son propre corps.
Elle pouvait deviner la présence des gens arriver, lui parler et la porter sur un brancard.

— Monsieur, éloignez-vous, laissez-nous faire notre travail…
Expliquaient les ambulanciers, en soupirant.

Il s’éloigna à contre-coeur et les policiers arrivés sur le terrain ne tardèrent pas à lui poser des questions.
Il se renseigna sur l’adresse de l’hôpital et dut laisser sa voiture sur le parking pendant que les policiers et inspecteurs analysaient les moindres preuves de la scène. Il put enfin partir et prit sa respiration pour appeler et prévenir Marianne.

2019.08.22

Porte-document

Elle prit ses marques rapidement.
Le premier jour, elle observa les alentours et fit attention aux interactions avec ses collègues.
Il la présenta comme une stagière, une connaissance d’une bonne amie, et elle joua le rôle.
Il était en effet occupé lorsqu’il était au bureau.
Il la laissa vaquer à ses occupations pendant qu’il était noyé sous ses dossiers et autres tâches.
Il ne savait pas quoi lui ordonner de faire et ce n’était pas ce qu’il voulait.
Elle prit les devants et en l’observant un moment elle se positionna derrière lui pour mieux comprendre en quoi son travail consistait.
Il s’arrêta et la dévisagea, en se retournant vers elle.
Sans un mot, il se demandait ce qu’elle était en train de faire.
Elle l’ignora simplement et il fit comme si de rien n’était en retournant à son occupation.
Elle se mit à feuilleter les autres dossiers sur la pile de son bureau et à les trier.

— Wow wow wow, qu’est-ce que tu fais ?!
Demanda t-il paniqué.

— J’ai lu vos dossiers, je les trie par catégorie.
Répondit-elle comme si c’était une évidence.

Il se leva et vérifia, il fut interloqué qu’elle ait eu cette initiative.

— D’accord… merci. Je risque d’en avoir pour encore un moment mais en effet ça va me faire gagner un peu de temps…

— Je peux faire autre chose si vous m’y autorisez.

— Je…
Prit au dépourvu, il réfléchi à ce qui pourrait l’aider d’avantage.

Il se souvint que son amie l’avait prévenu sur l’efficacité de son employée et il voulut en attester de ses propres yeux.
Il lui confia une tâche un peu plus complexe qui normalement devait lui incomber, et il fut impressionné qu’elle s’en sorte sans rechigner, cela lui mâcha son propre travail.
Il dut la réfréner de lui servir le café ou le thé.

— Tu n’es pas ici pour me servir à boire, tu m’aides déjà énormément. Je pense qu’on a bien avancé, merci.
Viens, il y a un distributeur dans la salle de pause, on peut aller se prendre quelque chose.

La voyant en retrait il l’interpela.

— Tu veux quelque chose à boire ?
Demanda t-il alors qu’il se prenait une canette de café chaud.

Elle déclina et il dut insister jusqu’à ce qu’elle se décide à choisir une bouteille de thé.

— Tu n’es pas facile, tu le sais ça ?
Dit-il en blaguant.

Elle rougit et s’excusa platement, la bouteille à la main et le visage baissé.
Ils retournèrent au bureau et ses collègues n’hésitèrent pas à le harceler de questions. Il les ignorait en prétexant avoir trop de travail.
Alors qu’elle était en train de ranger certains dossiers en hauteur dans sa bibliothèque, elle était sur la pointe des pieds et tentait de le déposer.
Il vit la scène et s’approcha d’elle pour l’aider à pousser le porte-document.
Il était légèrement derrière elle, sa carrure enveloppant la sienne.
Elle ne s’y attendait pas et elle sursauta un peu, en perdant l’équilibre, il posa sa main sur son épaule pour la stabiliser.

— Je vais m’occuper de ces dossiers là, merci.
Dit-il simplement.

Ils mangèrent à la cantine de l’entreprise.
Elle ne parla pas beaucoup et les collègues curieux les noyèrent de questions qu’il ignora.

— Bon, vous allez la laisser manger tranquillement ?
Finit-il par dire, sèchement.

Elle se contentait de sourire sans rien dire, en observant les réactions. C’était dans son caractère de ne rien laisser paraître.

2019.08.19

Bureau

Quelques jours au bureau.
Ils étaient allés essayer les vêtements retouchés dès le lendemain matin.
Tout était parfait et il régla la note.

— Choisis la tenue que tu préfères porter aujourd’hui.
Dit-il, pendant qu’il était au comptoir avec la tenancière du magasin.

Le reste fut emballé et il la remercia avant de quitter la boutique.
Il était relativement tôt et la boutique fut ouverte exprès pour le recevoir et finir le travail de la veille.
Il conduit jusqu’à son travail.
Annabelle ne dit pas un mot, le regard perdu dans la fenêtre du côté passager.
Il jetait de temps en temps un regard sur elle pour jauger son ressenti. Elle restait de marbre, toujours aussi professionnelle. Il tenta de briser la glace en engageant la conversation.

— Je ne sais pas encore ce que tu pourras faire sur place… je n’ai pas l’habitude d’avoir une assistante…

Il semblait être dans l’embarras.
Elle ne dit rien et but ses paroles.
Arrivés au parking.
Ils prirent l »ascenseur pour arriver à l’étage du bureau.
Ils croisèrent les collègues, qui furent plus que surpris de le voir accompagné.

— Bonjour… elle m’accompagnera pendant quelques jours…
Expliqua t-il, gêné.

Elle salua ses collègues d’un hochement de tête.
Elle resta à ses côtés, mais montrait qu’elle n’était pas intimidée.
Enfin dans le bureau.
Il referma la porte derrière eux et il lâcha un énorme soupir.

— Bon, je vais t’expliquer mon planning de la journée.

2019.08.10

Résistance

Souvenirs désagreables.
Elle était dans la salle de pause, devant le distributeur de boissons, elle attendait que le café coule.
Un employé s’arrêta et l’approcha.
Elle l’avait vu à la cafétéria, au repas du midi. Il faisait parti des collègues ou collaborateurs de son supposé supérieur.
Elle fut un peu surprise qu’il vienne l’aborder et essaya de prendre la température de la conversation pour ne rien dire de travers.
Elle tenta de ne pas trop changer d’attitude à son arrivée mais son caractère étant plutôt discret et timide, elle ne put se contrôler totalement et elle se crispa.
Il était tard et la plupart des employés étaient déjà rentrés chez eux.

*

— Salut, tu es la petite nouvelle ! Comment ça se passe ?
Demanda t-il en s’approchant encore plus d’elle.

— Ç-ça va…
Répondit-elle timidement, en ne s’attendant pas à se faire aborder.

Elle resta devant la cafétière en ayant l’air pressé que le café finisse de couler pour repartir.
Il l’observa attentivement, et lorsqu’elle voulut tendre la main pour attraper la petite tasse, il s’interposa.

— On peut discuter un peu ? Tu n’es pas si pressée, non ?

Il s’approcha d’elle et par son imposante carrure, elle recula malgré elle jusqu’à être dos à un mur.

— Ça ne te dit pas d’aller boire un verre avec moi ?

Elle, intimidée, n’osait pas le regarder dans les yeux, ni ne savait comment réagir pour ne pas le froisser.
Elle n’était pas à l aise et cela réveilla en elle de vieux souvenirs qu’elle aurait préféré garder enfouis à jamais.
Elle se sentait de moins en moins bien et n’osait pas répondre de peur de vexer son interlocuteur.

— Tu pourrais me répondre, non ?
Dit-il d’un ton un peu agacé.

Ce qui la crispa encore plus.
Elle n’était pas dans son élément et elle ne savait plus ce qu’elle devait faire dans cette situation.
Elle ne lui devait rien parce qu’il n’était pas son supérieur mais cela pouvait nuire à son travail.

— Regarde-moi quand je te parle !

Voyant qu’elle ne réagissait pas, il la força à le regarder en attrapant son menton.
Elle tremblait et son regard était humide, elle avait peur et il n’avait pas l’air de le prendre en compte. Comme si cette réaction lui plaisait, il ne changea pas son attitude envers elle et pensa pouvoir lui forcer la main sans difficulté. Il lui attrapa le poignet et voulut l’entraîner avec lui quelque part.
Elle ne voulut pas se débattre mais opposa une résistance.

2019.08.10

Shopping

Il roulait prudemment, elle oublia d’avoir peur et son regard se perdit dans le paysage.
Il jeta un coup d’oeil de temps en temps vers elle, tout en faisant attention à la circulation.
Elle finit par s’endormir, la tête contre la portière, bercée par les roulements de la voiture.

Lorsqu’ils arrivèrent, il dut la réveiller.

— Hé… on est arrivé…
Dit-il, en faisant attention à ne pas la brusquer.

Elle se réveilla doucement et embarrassée, elle s’excusa de s’être endormie.

— Hé, tu as le droit de dormir, il parait que j’ai une conduite qui berce, pas de problème… !

Il était garé dans un parking sous-terrain et ils empruntèrent un ascenseur pour arriver sur son palier.
L’immeuble semblait récent et de la moquette au sol pour étouffait les pas.
Il ouvrit la porte et l’invita à entrer avant lui.
Puis il la claqua derrière lui sans la refermer.
Il déposa ses clés sur une petite étagère dans l’entrée et se mit à l’aise, à commencer par enlever ses chaussures puis son manteau qu’il accrocha sur un crochet.
Elle retira ses petites chaussures qu’elle rangea, alignées, dans un coin de l’entrée.
Elle put observer rapidement l’appartement et voir qu’il était d’une simplicité et d’une propreté.

— Tu n’auras pas grand chose à faire, je suis assez maniaque…
Dit-il en voyant son regard balayer l’appartement de l’entrée.

Elle ne dit rien et attendit.
Il improvisa une visite.

— La cuisine est là, ici c’est le bureau, il y a un canapé dans lequel il m’arrive de dormir lorsque je reçois des invités. Le salon, la salle d’eau et la chambre.
Ce n’est pas grand chose mais cela me suffit. Est-ce que tu veux boire quelque chose ?

Elle refusa poliment.
Il s’installa dans la salle, sur un canapé 3 places, et lui fit signe de venir s’asseoir à côté de lui.

— Bon, je sais que tu es ici contre ta volonté, ce n’est pas la mienne non plus. Tu n’es pas obligé de faire ce que tu fais pour Marianne. Prends ça comme des vacances, si tu le souhaite. Il soupira.
Je peux te laisser mon lit pour la semaine, je vais juste changer les draps pour que tu dormes dans des draps propres.
Il se leva et alla dans la chambre pour prendre des nouveaux draps.
Elle l’arrêta en attrapant la manche de sa chemise.

— Ca ne sera pas la peine, je ne vais pas dormir dans votre lit. Je peux tout aussi bien dormir dans un canapé. Ou si vous le souhaitez, avec vous.
Dit-elle sans aucune arrière pensée.

Il resta figé, en se demandant si elle blaguait.

— Pardon ?
Dit-il en clignant des yeux.

— Est-ce que c’est de l’humour… ?
Demanda t-il pour être sûr.

— Non monsieur. Je dors avec mademoiselle Marianne, elle préfère me savoir à ses côtés. Cela ne me dérange pas de dormir avec une autre personne.

— Non mais c’est pas le problème… je suis un homme, Marianne est une femme.
Un homme ne dort pas avec une femme, voyons ! Est-ce que tu vois le problème… ?Tenta t-il d expliquer.

Elle le regarda en essayant de comprendre ce qu’il disait.

— Non… ?

Il se frotta le coin des yeux avec ses doigts et semblait déjà fatigué de la situation.

— Fais comme tu veux, finit-il par lâcher.

Il se rendit dans la salle de bain pour se changer.

— Est-ce que vous désirez manger quelque chose en particulier ce soir ?
Demanda t-elle alors qu’il était en train de se déshabiller.

Il sursauta.

— Euh, non pas spécialement… je mangerai des restes du frigo, ne t’inquiète pas pour moi. Qu’est-ce qui te ferait envie, toi ?
Demanda t-il, curieux.

— Est-ce que vous avez des allergies ?
Ignora t-elle.

— … Non, pas que je sache.
Dit-il vexé.

*

Après avoir dîné, le repas qu’elle avait préparé avec les restes du frigo était plus que correct. Ils mangèrent tous les deux sur la même table dans la salle.

— Je pourrais faire des courses selon ce que vous apppréciez manger.
Dit-elle.

— Non non, je ramènerai de quoi remplir le frigo demain après mon travail. En parlant de travail, je serai absent une grosse partie de la journée. Tu pourras faire ce que tu veux de ce temps libre.
— Est-ce que je peux venir avec vous ?
— Pardon ? À mon travail ? C’est que ce n’est pas très intéressant… tu es sûre de vouloir m’accompagner… ? Je ne vois pas d’inconvénient mais tu pourrais également te reposer ici. Comme tu veux.

Le premier soir.
Alors qu’il se préparait à aller se coucher, elle avait posé sa valise dans sa chambre, et il ne fut pas au bout de ses surprises lorsqu’elle commença à se déshabiller et qu’elle se retrouva toute nue au pied de son lit.
Elle rangea soigneusement son uniforme et s’apprêta à se glisser sous la couverture.

— Attends ! Tu fais quoi là ?

Il était en pyjama blanc et gris.

— Je me couche… ?

Il lui jeta un de ses T-shirts en détournant son regard, plus que gêné. Sa main sur le visage il bafouilla.

— Tu peux dormir avec moi mais enfile-moi quelque chose… !
— Mademoiselle Marianne ne m-
— Je ne veux pas le savoir !!!
Cria t-il, exaspéré.

Il se jeta sous la couverture et se tourna du côté opposé.

— Bonne nuit !
Lâcha t-il avant de devenir muet comme une tombe jusqu’au lendemain matin.

*

Elle réussissait à anticiper pour l’assister dans sa routine du matin ce qui le surprit au premier abord et les jours qui suivèrent, il s’y habitua et trouva ça plutôt agréable.
Elle n’était pas très bavarde mais il devait reconnaître qu’elle était compétente.
Il fut surpris lorsqu’il découvrit qu’elle avait préparé ses vêtements propres ainsi que sa serviette dans la salle de bain, alors qu’il comptait y aller.
Lorsqu’il se réveilla et que le petit déjeuner était déjà sur la table du salon.
La poussière de la maison avait disparu et le linge était plié et repassé, rangé au bon endroit.
Il ne dit rien mais c’est vrai que cela le sortait un peu de sa routiNe, elle en était l’élément perturbateur.

Elle avait lu une partie de sa bibliothèque pour s’ocuper les premiers jours. Il préférait qu’elle reste ici pour l’instant.

Un soir, il était rentré beaucoup plus tard que d’habitude à cause d’un repas d’affaire et il n’avait pas eu le temps, ni pensé à la prévenir.
Il la retrouva endormie encore habillée sur le canapé tandis que le repas était sous un couvercle, sur la table, préparé.
Il avait un peu bu et le fait de la voir ainsi, il s’en voulut terriblement. Il avait complètement oublié.
Il lui apporta une petite couverture tandis qu’il alla dans la salle de bain se débarbouiller.
Il desserra sa cravatte devant le miroir et se regarda dedans.
Il était décoiffé et rincé.

— T’es vraiment un trou de balle, hein ?!
Se dit-il à lui-même.

Il rangea la nourriture au frigo et alla se coucher.
Le lendemain matin il se doucha et prit le petit déjeuner.
Elle était déjà levée et elle s’excusa.

— Pardonnez-moi de m’être endormie avant votre retour, Duncan…
Dit-elle d’une petite voix et la tête baissée.

Il se contrôla pour ne pas perdre son sang froid.

— … C’est à moi de m’excuser… ! Je ne t’ai pas prévenue et tu n’avais pas à m’attendre aussi longtemps, d’accord ?!

Elle entendait dans sa voix qu’il était agacé et elle baissa sa tête de quelques degrés en plus, comme si elle craignait autre chose.

— … Je suis énervé contre moi-même, ce n’est pas contre toi. Rassure-toi. J’ai agi comme un crétin hier soir, j’aurais dû appeler pour te prévenir de pas m’attendre, ni de me préparer le repas.

— Vous étiez occupé, c’est normal-
— Ne me cherche pas d’excuse, je suis profondément désolé. Bref. Après le petit déjeuner, on sort.
— … « On » ?
— Oui. Je t’avais dit que tu pourrais m’accompagner à mon travail. Mais pas dans ton uniforme. On va aller faire rapidement les magasins.
— Mais-
— C’est moi qui décide. Point.

*

— J’ai pris ma journée, ne t’en fais pas.

Il prit la voiture et l’emmena dans un gigantesque centre commercial.
Il y avait enormément d’enseignes.
Elle eut l’air égaré lorsqu’elle leva les yeux et regarda autour d’elle.
Il lui attrapa la main et l’entraîna avec lui, à l’étage supérieur via l’escalator.
Il ne lui lâcha pas la main comme s’il craignait de la perdre de vue, telle une enfant.
Elle ne réagit pas et ne sembla pas être plus gênée de ce geste. Durant la montée de l’escalator elle en profita pour admirer le lieu. Elle avait rarement l’occasion de sortir et Marianne n’avait pas beucoup de temps pour s’autoriser ce genre de sorties.
Ils furent vite arrivés devant une vitrine éclatante et presque vide. Il poussa la porte d’entrée.

— Bonjour monsieur, que puis-je faire pour vous ?

Une femme aux cheveux attachés en un chigon et habillée en chemisier à motif discret avec une veste et un pantalon s’adressa à lui. Elle jeta rapidement un coup d’oeil à Annabelle en lui adressant un mouvement de tête pour la saluer.
Il avait lâché enfin sa main et la présenta à la vendeuse.

— Bonjour, je souhaiterai quelque chose de classe et à la fois décontracté pour cette demoiselle, s’il vous plaît. Ça serait pour le travail, et que la tenue soit également adéquate pour la vie de tous les jours.

— Bien, je vous invite à me suivre, je vais la mesurer dans la cabine et vous proposer plusieurs tenues.
Dit-elle en indiquant une pièce au fond, et elle referma le pas.

Il y avait un banc à côté et il s’assit en attendant.
Elle sortit un mètre ruban qu’elle posa autour de sa nuque et qui tombait devant elle, puis ferma les rideaux de la cabine sur elle et la jeune femme.

— Vous devez enlever votre robe pour que je puisse prendre vos mensurations… mademoiselle.
Expliqua t-elle.

Un peu embarrassée, elle s’exécuta.
Elle resta en sous-vêtements et l’employée prit le ruban pour le passer sous ses bras, autour de sa poitrine, ses hanches et la hauteur, tout en notant sur un bout de papier les chiffres.

— Je reviens tout de suite.
Dit-elle en la laissant en sous-vêtements, dans la cabine d’essayage.

Elle revint avec différents cintres et vêtements, qu’elle lui fit essayer.
Les vêtements étant un peu plus grands, elle utilisa des pinces pour voir le résultat final dans le miroir.
La première tenue fut une chemise à rayures bleues claires et blanches verticales, un peu ample et légère, avec une longue robe foncée qui était cintrée à la taille.
Elle ouvrit le rideau lorsque les ajustements furent faits.
L’homme sur le banc avait l’air satisfait.
Il hochait la tête d’approuvement de la tenue.
La jeune fille ne savait pas trop quoi en penser. C’était la première fois qu’elle avait l’occasion d’essayer d’autres vêtements d’aussi bonne facture et jolis.
Le rideau se referma et la petite main la déshabilla pour lui refaire essayer une autre tenue.
Cette fois-ci, c’était un haut en coton piqué clair avec un pantalon paperbag qui remontait à la taille, de couleur marron clair qui avait un petit noeud sur le devant.
Les deux allaient bien avec les ballerines noires qu’elle portait.
Le rideau s’ouvrit à nouveau et il ne dit rien, mais avait l’air surpris de ce style qui lui allait pas trop mal. Il acquiesça d’un autre signe de tête.
Elle la déshabilla de nouveau pour lui faire essayer la troisième tenue. Un haut en manches trois quart, cache-coeur, de couleur sombre avec un pantalon simple mais moulant en jeans qui accentuait ses courbes et ses jambes fines.
Le haut enveloppait parfaitement sa petite taille en laissant dévoiler discrètement sa modeste poitrine.
Le jeans de couleur bleue claire contrastait très bien avec le cache-coeur foncé.

— Ajustez-les moi à la bonne taille pour demain, s’il vous plaît.
— Quelles tenues, monsieur ?
— Toutes.
— Très bien.

Annabelle resta sans voix et voulut contester mais il répondit avant même qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit.

— C’est pour le travail.
Expliqua t-il.

Il secoua sa main comme pour dire à l’employée de vite s’en occuper.
Elle laissa les pinces pour garder la bonne taille pour les retouches et déshabilla de nouveau la cliente pour qu’elle puisse se rhabiller.
Elle ressortit totalement gênée.

— Mais…
Essaya t-elle d’argumenter.

— Il n’y a pas de « mais », j’ai pris ma décision. On s’en va. Merci Hélène, je repasserai régler et chercher la commande demain matin.
Dit-il avant de sortir du magasin.

De retour dans la voiture, sur le chemin jusqu’au parking, ils ne dirent pas un mot.
Elle se contenta de le suivre tête baissée, comme si elle avait été réprimandée.

– Ne fais pas cette tête, tu pourras venir m’assister à mon travail mais tu auras besoin de tenues, pour chaque jour. Tu seras beaucoup plus à l’aise dans ces vêtements.

2019.08.08

Prêt

Prêt provisoire.
Elle entra dans le bureau.
Elle apporta le thé ainsi que quelques biscuits sur un plateau.
Elle déposa la tasse et sa coupelle en face de l’invité, en premier lieu. Tout en se plaçant sur le côté pour ne pas gêner leur conversation. Ses gestes étaient discrets et d’une légèreté. Elle savait se faire oublier.
Elle fit ensuite le tour pour poser la tasse et la coupelle sur le bureau, mais en face de la directrice.
Elle la remercia d’un coup d’oeil.
Des petits biscuits sur une autre assiette furent posés entre eux.

— Tu ne me rends pas souvent visite, qu’est-ce qui t’amène ? Mets-toi à l’aise.
— Pas grand chose, je passais dans le coin et je me demandais comment tu allais. Tu sais bien que je suis pas mal pris avec mon travail… j’aimerai passer plus souvent te voir.

— Exagère pas, non plus.
Elle le coupa net.

— C’est la stricte vérité, j’ai bien compris que nos trains de vie n’étaient pas compatibles… toujours aussi dure avec ton vieil ami, hein ?
Dit-il en esquissant un sourire triste.

— Quoi de neuf, cher viel ami ?
Elle posa sa question avec beaucoup de tendresse, ils devaient se connaître depuis longue date.

— Pas grand chose, les affaires… et toujours le vide dans ma vie sentimentale. J’ai tellement de mal à trouver quelqu’un avec qui je me sens bien… puis regarde-moi, je commence à me faire vieux. Je me sens si seul. Et toi, tu ne te sens pas seule ? On est un peu pareil tous les deux, des solitaires…

— Comment ça ? Tu as tout pour plaire !
S’exclama t-elle outrée.

— À vrai dire, j’ai pu me sentir un peu seule mais de toute manière, je n’ai pas de place pour quelqu’un dans ma vie. C’est la triste réalité. Mais je le vis beaucoup mieux maintenant, si tu veux savoir.

— Je sais bien que j’ai enchaîné les conquêtes plus jeune, mais je recherche une relation sérieuse et saine… pas quelqu’un qui en aurait après mes biens matériels.
Repondit-il las.

Assis sur son fauteuil les jambes croisées, et une main sur l’accoudoir.

— Tu n’es pas venu jusque ici pour te plaindre, n’est-ce pas ?

— Pour te voir, aussi.
Dit-il d’un large sourire qui accentuait ses rides aux coins des lèvres.

— Arrête ton char, sur le champ.
Dit-elle de sa voix autoritaire.

— Dis-moi ce qui a changé pour toi, pour que tu le vives mieux ?
Demanda t-il plus sérieusement.

Elle semblait songeuse, se caressant le menton.

Elle était sur le point de se retirer lorsque la directrice lui fit signe de rester avec sa main.

— Que penses-tu d’elle ?
Dit-elle en la désignant.

Il se retourna comme s’il découvrait sa présence.
Elle était debout contre le mur, près de la porte, le plateau entre ses bras. Elle semblait aussi surprise que lui des paroles de la directrice.

Son uniforme était une robe longue noire et sobre avec un simple tablier blanc par dessus. Un col claudine blanc habillait son cou et elle avait les cheveux courts, quelques mèches réunies en arrière pour ne pas lui gêner la vue.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?
Dit-il perplexe.

— Je veux bien te la prêter une semaine. Elle te rendra moins malheureux pendant au moins cette courte période. Ça te fera du bien.

Après qu’elle se rendit compte de ses mots, elle se corrigea.

— Interdiction de la toucher, qu’on soit clair, je t’offre son service pour que tu sois moins déprimé et tu me la rends après. C’est compris ? Si jamais il lui arrive quoi que ce soit. Tu auras affaire avec moi !
— Mais… tu veux que j’en fasse quoi… ? Je comprends pas.

Il avait l’air perdu.
La jeune femme avait l’air également perdue et ne comprenait pas cette situation où elle était considérée comme un objet.

— Elle va s’occuper de ton chez toi, tu verras, tu auras rien à faire. Si tu as besoin de quelque chose en particulier elle s’en chargera. Par contre si tu abuses d’elle, je peux t’assurer que je t’émascule. Je te fais cette fleur parce que tu es mon ami, sache que je ne prête pas ma petite Annabelle à n’importe qui. Je vois bien que tu es déprimé en ce moment…

Elle fit signe à sa protégée d’avancer et de venir la voir.
Elle se pencha vers son employée pour écouter ce qu’elle avait à dire.

— Ne t’inquiète pas, je te récupèrerai à la fin de la semaine prochaine. Je tiens beaucoup trop à toi pour te céder. Je te fais confiance pour t’occuper de mon ami comme pour moi.

Elle la renvoya d’un geste.

— Prépare ta valise avec le stricte minimum et attends-nous dans l’entrée. Tu pars maintenant.

Elle s’exécuta sur le champ sans demander son reste.

— T’es sérieuse là ?
Dit son ami dès qu’Annabelle quitta la pièce.

— Oui, vraiment, je pense que tu en as plus besoin que moi en ce moment. Je sais qu’on ne se voit pas souvent mais je vois bien que tu es pas bien là. Et si jamais tu n’es pas satisfait de ses services, hésite pas à m’en faire part. Les retours sont toujours bons à prendre.
Sourit-elle.

— Tu me mets dans l’embarras, tu le sais ça ?…
Dit-il gêné.

— Je te garantis que c’est mon meilleur élément, elle est très compétente même s’il lui manque encore un peu d’expérience. Prends-en soin. J’insiste là dessus.
Bon, si tu as fini de broyer du noir, je te raccompagne jusqu’en bas ? Je ne voudrais pas la faire attendre. Elle a dû se dépêcher pour ne pas qu’on l’attende.

Pendant qu’il se levait pour remettre sa veste et prendre la porte, elle continua à lui donner des consignes.

— Je pense qu’elle te le demandera mais n’hésite pas à lui expliquer comment tu veux que les choses soient faites chez toi.

La sentant un peu frileuse à laisser Annabelle partir, il se moqua d’elle.

— Tu sais, tu peux encore changer d’avis et me laisser rentrer seul.
Dit-il d’un sourire narquois.

— Non, ma décision est prise, ça lui fera de l’expérience et ce n’est qu’une petite semaine.
Dit-elle pour se convaincre elle-même.

Il rit à gorge déployée.

— Ça crève les yeux que tu tiens à elle. C’est trop chou. Je pensais pas que tu t’attacherais à une employée de la sorte.

— Moi non plus, ok ?! Allez, oust, j’ai encore du travail après.
Dit-elle pour couper court à la conversation et à sa gêne.

Et elle le poussa jusqu’à la sortie.
Arrivés en bas, en effet Annabelle était déjà prête, elle attendait au comptoir d’accueil en discutant.

— Tu crois que mademoiselle à quelque chose à me reprocher… ?
Demanda t-elle à l’hôte d’accueil.

— Mais non, tu te fais des idées. Tu reviens dans une semaine n’est-ce pas ? Ça va vite passer tu verras. Ça se trouve c’est qu’un test. Tu n’as jamais servi quelqu’un d’autre, non ?

— C’est vrai…
— Tu vois, alors ne pense pas à n’importe quoi.
Dit-il pour la rassurer.

Ils virent mademoiselle et son invité descendre de l’escalier et avancer jusqu’à eux.

— Excuse-nous de t’avoir fait attendre, Annabelle.
Dit-elle tout de suite.

— Bon, je vous laisse, tu me la ramènes la semaine prochaine, à l’heure qui t’arrange.
Dit-elle en s’adressant à son ami.

— Compris, je t’enverrai un message, dès que je saurais mon emploi du temps. Je sais pas si je dois te remercier, Marianne…

— Je t’en prie, Duncan. Tout le plaisir est pour moi. Prends soin de toi. Merci d’avoir pris la peine de passer me voir.
Dit-elle en leur faisant au revoir de la main.

Duncan sortit sans se retourner et Annabelle le suivit sans un bruit avec sa petite valise à la main.
En arrivant sur le parking, il s’arrêta et se tourna vers la jeune femme qui avait l’air tout aussi perdu que lui.
Elle s’arrêta net et attendit un ordre.
Il soupira et marcha jusqu’à sa voiture.
C’était une voiture plutôt modeste mais bien entretenue propre.
Après avoir ouvert le coffre pour qu’elle puisse poser sa valise.
Il l’invita à s’assoir sur le siège passager, à ses côtés.
Enfin tous les deux dans la voiture et les portières fermées, il se mit à parler.

— Bon. D’abord tu peux m’appeler Duncan. Pas de « monsieur » ça me fait sentir vieux et je n’aime pas ça. Et toi, c’est Annabelle, c’est ça ?
Demanda t-il un peu tendu.

Elle ne put s’empêcher de rire. D’un petit rire discret qu’elle cacha avec son poing serré.
Il la regarda les joues un peu rose de gêne.

— C’est que vous avez l’air plus stressé que moi.
Dit-elle, en riant.

— Je n’y peux rien ! C’est ma première fois, d’accord !?

Elle trouva qu’il y avait quelque chose qui lui rappelait sa Marianne. Et elle fut moins angoissée.

— Moi aussi, c’est la première fois que je vais servir quelqu’un qui n’est pas Marianne.
Expliqua t-elle.

— Tout va bien se passer, tu n’as qu’à faire tout comme si j’étais elle.
Dit-il pour la rassurer.

Il y avait quelque chose de doux dans son regard.

— Est-ce que ca implique que je dorme avec vous ?
Demanda t-elle innocemment.

— P-pardon ?! Quel genre de relation as-tu avec Marianne ?!
S’écria t-il.

Heureusement que les vitres de la portière étaient fermées.
Annabelle riait de plus belle.

— Tu te moques de moi, c’est ça… ?
Demanda t-il sur ses gardes.

— Absolument pas, je n’oserai pas Mons-… Duncan.
Se corrigea t-elle.

— Bon, on va rouler…

Cela faisait un moment qu’ils étaient en train de discuter sur le parking.

2019.07.31

Entretien

Cet établissement était prestigieux.
N’importe qui ne pouvait pas y travailler en tant qu’employé.
Pourtant, elle avait pris son courage à deux mains pour quitter son travail et repartir de zéro.
Elle voulait faire partie de cet endroit, c’était comme un rêve d’enfant.
Elle portait une chemise claire aux manches longues et une longue jupe de couleur plus foncée, tout aussi simple.
Ses cheveux courts et fraichement lavés, elle voulait faire bonne figure.
Elle avait un petit cartable en bandoulière dans lequel elle avait ses documents pour l’entretien.
Ses mains étaient moites.

L’hôte d’accueil la reçut et lui indiqua le bureau de la directrice.
Elle put apercevoir quelques employés.
Le lieu était d’un simple contemporain et très bien entretenue. C’était la moindre des choses pour un tel endroit.
Les étoiles plein les yeux, de l’élégance des uniformes que les employés portaient aux détails de décoration.
Cela lui fit presque oublier le stress qu’elle ressentait.
La directrice était plutôt jeune, la petite trentaine.
Les cheveux rejoint en un chignon, un costume qui lui allait comme un gant. Une petite chemise rouge bordeau avec des boutons nacrés, cintrée dans un pantalon bleu marine, orné d’une petite ceinture très simple en corde, à la taille, de la même couleur que ses boutons.
Les manches étaient légèrement remontées et elle invita l’arrivante à s’assoir.

— Détends-toi, on va regarder ensemble ton dossier et tes motivations.
Lui dit-elle avec un sourire chaleureux.

Elle s’installa et sortit le porte-document qui regroupait tous les papiers nécessaires.
La directrice fut quelque peu surprise de la tenue de ce porte-document. Les feuilles étaient rangées dans l’ordre de la liste demandée.
Tout le monde ne présentait pas ainsi leurs papiers.
Elle ne s’assit pas tout de suite, elle s’appuya sur son bureau d’une de ses fesses, et elle feuilleta minutieusement chaque information.

— Je me suis également un peu renseignée à ton sujet.

Les informations correspondent au premier abord.

— Décris-moi tes motivations.
Demanda t-elle intéressée.

— … J’ai une énorme admiration pour le service que délivre cet établissement, je souhaiterais apporter ma pierre à l’édifice, voire consacrer ma vie à cette maison qui correspond à mes valeurs.

L’angoisse qui la paralysait s’est rapidement envolée lorsqu’elle commença à parler de sa passion.
La directrice réprima un éclat de rire et pouffa.

— Pardon, c’est plutôt intéressant, mais il faudra faire ses preuves. Si cela te convient, je peux d’abord te proposer un essai de deux semaines pour voir.

2019.07.27

Achat

Vente effectuée.
Il l’emmena chez lui.
Il habitait dans un petit appartement mais relativement propre et bien rangé.
Il était un peu gênée.

— Ça fait longtemps que je n’ai pas reçu de personnes chez moi… fais pas attention au bazar…

Cela faisait maintenant plusieurs semaines qu’elle était chez lui.
Elle s’occupait de ses tâches ménagères et lisait sa collection de livres dans ses étagères.
Elle n’avait pas le droit de sortir et s’occupait comme elle le pouvait.
Elle avait été achetée pour lui tenir compagnie.
Le soir même de son achat, il la jeta sur son lit et tomba sur elle, les bras pour soutenir son poids et le visage à quelques centimètres du sien. Il la regarda et s’arrêta. Il semblait lutter avec lui-même.

— … Je ne peux pas… excuse-moi, je sais que je t’ai achetée pour avoir des relations sexuelles avec toi, mais c’est au dessus de mes forces de te l’imposer.

Il se releva et sortit de la chambre.

— Tu peux dormir ici ce soir, je vais dormir dans le canapé.

La laissant sur le lit, le regard dans le vide.
Il réfléchit la nuit et le lendemain matin, elle était réveillée de bonne heure, comme à ses habitudes.
Elle en profita pour mieux observer les lieux et jeta quelques regards dans le salon.
Il se réveilla et passa la voir.
Elle s’assit sur le lit après l’avoir fait.

— Tu es réveillée depuis longtemps… ?
Demanda t-il gêné.

— Désolé, je suis pas du tout du matin.
Dit-il en se grattant la barbe.

— Tu dois avoir faim, on petit-déjeune ?
Invita t-il.

Elle se leva et le suivit.

— Oublie ce que je t’ai dit hier soir. Tu seras mon humain de compagnie, d’accord ?

Il y avait réfléchi toute la nuit.

— Je suis un peu solitaire et j’ai besoin d’une présence, discuter de temps en temps.
On va commencer comme ça.
Dit-il comme à lui-même.

Après tout, il l’avait achetée.

2019.07.27

Abandon

Partie terminée.
Elle s’abandonna à cette maison.
Elle savait qu’elle n’aurait plus aucune décision sur sa vie et c’est ce qu’elle recherchait.
Elle en avait marre de cette vie.

— Lorsque votre décision sera prise, vous devez amener ces documents sur la liste, et signer ce papier. Lisez-le bien avant de signer.
Lui avait dit la personne de l’accueil.

Elle était entrée dans cet établissement après une grosse pluie et elle avait été trempée jusqu’aux os.
Plus rien ne lui importait dans sa vie.
Elle avait alors vu un panneau publicitaire.

Marre de la vie que vous menez ?
Venez vous abandonner à CimVie !
Votre vie ne sera pas vaine !

Elle n’hésita pas longtemps.
Lorsqu’elle revint, tout était signé et la directrice de l’établissement la reçue.
Elle lui rappela les conditions et elle fut amenée à sa chambre, en attendant la suite des instructions.
Elle signait sa mort socialement.
Elle disparaissait du système.
Quelqu’un arriva pour lui donner un vêtement qui ressemblait à un uniforme et lui expliqua les règles qui s’appliquaient ici.
À partir de ce jour, elle n’avait plus de prénom.
Plus le droit de décision de sa personne.
Ses vêtements actuels devaient être enlevés et donnés. Ils seraient débarrassés et elle ne les reverrait pas jusqu’à nouvel ordre.
Les sous-vêtements étaient fournis par l’établissement.
Le planning indiquait qu’elle aurait des tâches à faire selon les jours.
Le reste du temps c’était quartier libre.

Mama vendait aux enchères les humains.
Le traffic était plutôt lucratif.
Elle se chargeait de gérer l’entretient de l’établissement, la marchandise devait être bien traitée.
Sur un fichier, il y avait une photo de profil, l’année de naissance, la taille et le poids. Le stricte minimum.

Certaines marchandises partaient moins bien mais en général les profils tournaient beaucoup, la population n’était jamais la même.

Les acheteurs avaient leur motivation, parfois c’était pour de la revente d’organes, parfois de l’esclavagisme, des partenaires sexuelles, et dans de meilleurs cas, juste pour leur tenir compagnie.
L’humain était difficile à comprendre et dans certains mauvais cas, la marchandise se donnait la mort peu de temps après sa vente.
Mama déclinait toute responsabilité. Les papiers signés étaient en sa faveur.
Au moment de la vente, la responsabilité revenait à l’acheteur.

2019.07.26