Glace

Installées à l’ombre, en plein été.
Elles avaient un tube de glace à l’eau à partager, Annabelle le cassa en deux pour le partager avec Marianne.
Elle avait des pensées qui allaient ailleurs en voyant Annabelle lécher et sucer ce petit tube en plastique.
Rougissant, gênée d’avoir des idées déplacées envers sa femme dans un lieu public, elle essaya de se concentrer sur autre chose, comme son propre tube qui fondait à vue d’oeil dans son emballage.

— Ah… je crois que je me suis coupée avec le plastique…

— Comment ça ? Où ça… ?
Demanda Marianne, inquiète.

— Sur la langue…
— Montre.

Et cela dérapa, elle embrassa Annabelle, sa bouche fraîche et sa langue presque gelée au contact de la sienne, au goût du parfum de la glace.
Elle fut surprise mais ne s’en plaint pas et fut comme ennivrée puisqu’elle demanda à demi-mot qu’elle en voulait plus.

2022.07.14

Gâteau

Ils se mirent en couple de manière assez naturelle.
Duncan n’osait pas et Annabelle non plus, puis, un soir, ils étaient assis sur le canapé de chez Marianne et il était sur le point de partir, quand Annabelle le retint.

Il était doux avec elle, il avait appris à l’être, et très attentionné. Depuis qu’ils étaient ensemble, Annabelle avait remarqué qu’il était plus inquiet et plus derrière elle.
Alors elle lui avait dit, et il s’était confus en excuse.

— Je ne sais pas trop comment me comporter en tant que… petit ami… à vrai dire… enfin, pas juste un plan cul, tu vois ?
— Comme ce que tu faisais avant, avec moi… ? Par exemple… ?
— Ah…
— Je ne dis pas que ça me dérange… c’est plutôt mignon, mais je me disais que tu avais l’air de te forcer…

Il l’embrassa, en guise de réponse.

— Et ça, c’est mignon… ?

— Hm… on dirait que tu te forces…
Répondit-elle pour le taquiner.

Ce qui eut pour effet qu’il l’embrasse de plus belle.

*

Annabelle ne voulait pas se remarier. Elle avait encore du mal à passer à autre chose même si elle était heureuse avec Duncan. Pour elle, Marianne était encore sa femme, et elle ne voulait pas oublier cela.
Duncan comprenait son raisonnement et il ne lui força pas la main. Ils décidèrent de se pacser et ils rédigèrent un testament.

Lorsqu’elle tomba enceinte, Annabelle se rendit chez les parents de Marianne pour leur annoncer la nouvelle.
Elle y était allée seule et appréhendait, elle leur expliqua la situation et qu’ils connaissaient Duncan. Qu’il reconnaitrait l’enfant mais que sur les papiers, il porterait le nom de famille de Marianne et celui de Duncan. Qu’elle ne comptait pas se remarier, du moins pas pour l’instant.
Les parents furent touchés, et un peu déçu que Duncan n’ait pas fait le déplacement.
Ce à quoi elle répondit avec honnêteté qu’il était plutôt contre sa venue. Elle garda pour elle la raison.
Il avait peur que sa visite soit interprêtée comme une demande de pension pour l’enfant.

En repartant, ils voulurent offrir une enveloppe de liquide mais Annabelle refusa, en explicant qu’elle n’était pas venue pour ça et qu’elle avait de quoi s’occuper de l’enfant.
Ils demandèrent s’ils pourraient voir l’enfant à sa naissance et elle accepta avec joie.

*

Duncan était un papa gâteux et il sur-protégeait Annabelle pendant sa grossesse.
Elle avait une santé de fer et elle eut aucun problème à l’accouchement.
Ils eurent un garçon, qu’ils appelèrent Brian.
Un bébé à la peau claire, aux cheveux blonds pâles et des yeux bleus cristalins.
Ce fut compliqué parce que l’appartement de Duncan ou celui de Marianne étaient tous les deux avec une seule chambre, dans un premier temps, Annabelle vit dans celui de Marianne et Duncan mit en vente son appartement pour financer l’achat d’un appartement plus grand et plus adéquat à la vie de famille.
Annabelle avait une attache émotionnelle à l’appartement de Marianne mais elle devait tourner la page. Elle le mit en location dans l’espoir qu’il revienne à Brian lorsqu’il sera en âge d’y habiter.

*

Brian grandit en partie dans la maison entreprise de Marianne. Chouchouté par les employés, il était devenu une sorte de mascotte.
C’était sa seconde maison, il y faisait bon vivre même si c’était mal vu d’un certain point de vue. Il n’y voyait pas de problème.
Il passa également un peu de temps avec ses grands-parents, du côté de Marianne mais également Duncan, qui n’arrêtait pas de leur demander d’en faire plein d’autres.

*

Sur la table du salon, une photo de Marianne et Annabelle, et une photo d’Annabelle Duncan et Brian.

2022.07.12

Pot

Ils avaient fini par se rapprocher.
Cela faisait des années qu’ils se connaissaient et après que chacun ait pu faire leur deuil de Marianne, à leur manière, la vie avait reprit son cours et Duncan avait commencé et continué à nourrir une certaine affection pour Annabelle.
Cette épreuve qu’ils avaient tous les deux traversés, ils avaient passé du temps ensemble et Duncan avait vu Annabelle mûrir, mais également découvrir la sincérité et sa véritable personnalité. Il comprenait pourquoi et comment Marianne s’était attachée à elle.

Il se rappelait du moment où Marianne avait discuté avec lui, sur son lit d’hôpital. Elle savait qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps, pourtant elle souriait, elle affichait un visage serein. Elle lui avait alors dit, sans tourner autour du pot.

— Prends soin d’Annabelle… je sais que c’est beaucoup te demander, je m’inquiète certainement pour rien, mais ça me ferait de la peine qu’on profite d’elle lorsque je ne serai plus là.
— Je crois qu’elle est assez grande pour se défendre, tu ne crois pas ?
— Si jamais vous vous mettez ensemble, sachez que vous avez toute ma bénédiction. Ça me rassurerait presque que ce soit toi qui me remplace.

Elle souriait, mais il savait qu’elle était sérieuse.
Il n’avait pas su quoi répondre.

— Je sais que tu as ta propre vie, bien entendu que je ne vais pas te demander de prendre en charge Annabelle. Ce n’est plus une humaine de compagnie, elle est autonome maintenant.
— Je le sais…
— Garde juste un oeil sur elle, comme tu gardais un oeil sur moi. S’il-te-plaît.
— Comment veux-tu que je refuse… ?
— Merci.

Quelques jours plus tard, comme si elle partait l’esprit plus léger, elle décéda.
Et Duncan respecta sa promesse, sans se forcer parce qu’il l’aurait fait même sans la demande de Marianne.
Il ne pouvait pas ignorer la tristesse d’Annabelle.

*

Même si elle savait que c’était inévitable, même si elle ne voulait pas y penser, vivre le moment présent avec Marianne, sourire, oublier qu’elle était à l’hôpital.
Lorsque Marianne s’endormit pour toujours, Annabelle réalisa qu’à ce moment là ce qui se passait.
Son monde s’effondra. Elle espérait au fond d’elle que ce soit une erreur médicale, qu’on lui dise qu’elle s’en sortirait et que tout allait s’arranger, jusqu’au dernier moment elle espérait un retournement de situation.
Elle se voilait la face et quand la mauvaise nouvelle tomba, elle perdit pieds.
Duncan fut présent pour la soutenir, elle ne se souvint de rien après. Elle avait tant pleuré qu’elle ne se souvenait plus du temps autour d’elle.
Il l’avait ramenée à la réalité en lui disant qu’il y avait des rendez-vous avec des notaires, des papiers à signer, des gens à rencontrer. Elle avait dû sécher ses larmes et faire le travail en temps et en heure.

2022.06.27

Rouleau

Après plusieurs années de bonheur et de joie.
Marianne finit par quitter ce monde.
Elle avait tout prévu, le testament avec son notaire, une lettre qu’elle avait rédigée pour Annabelle et une autre pour Duncan.

Annabelle était inconsolable et Duncan la soutint autant qu’il put.
Elle dut se reprendre rapidement, elle avait beaucoup de choses à gérer, comme les obsèques de Marianne, même si beaucoup de choses avaient été réglées en amont, il lui restait tout le reste.
Elle avait hérité de la totalité de ses biens parce qu’elles étaient mariées mais Annabelle avait le choix de reprendre le poste de Marianne ou plutôt le confier à quelqu’un d’autre. Elle demanda conseil à Duncan qui fut du même avis qu’elle, qu’elle pouvait faire confiance à la plus ancienne des employées en qui Marianne avait une entière confiance.

Elle fut convoquée au bureau.
Certains des autres employés se méfiaient d’Annabelle. Ceux qui ne la connaissait pas. D’un point de vue extérieur, elle avait profité de la situation et la mort de Marianne avait donné raison à leurs suppositions.

— Tu te rends compte, elles se sont mariées et pouf, Marianne est décédée… c’est vraiment le bon plan pour hériter de tout ça.
— Elle n’est pas comme ça, Annabelle, tu ne la connais pas.
— Pas besoin de la connaître, c’est une profiteuse. Je suis sûre qu’elle va reprendre le contrôle et nous virer, p’tre même tout revendre.
— Vu comment elle est devenue proche de Duncan juste après les obsèques, elle se remet vite. C’est une bonne comédienne quand même.

L’ancienne employée n’était pas du même avis, et même si les faits étaient ainsi, elle préférait laisser place à la confiance envers Annabelle.

— Ayez un minimum de respect, je comprends vos craintes au sujet de l’avenir mais je ne pense pas qu’elle va détruire tout ce que Marianne a construit.
— Tu nous diras ça, après votre entretien. Ça se trouve elle t’a convoquée pour te virer.
— Je comprends même pas pourquoi Marianne ne t’a pas légué quelque chose. T’es quand même la plus qualifiée pour reprendre sa suite…
— Ça se trouve, c’est Annabelle qui l’a manipulée pour hériter de tout.
— Stop. Arrêtez.

Elle était irritée d’entendre toutes ces complotations, et jalousies. Elle ne voulait pas y croire.
C’est avec une certaine appréhension qu’elle se rendit dans le bureau de Marianne, pour avoir cet entretien avec Annabelle, et Duncan.
Elle fut d’abord surprise et un peu intimidée de ne pas être seule avec l’intéressée.

— Excuse-moi, j’ai préféré que Duncan soit présent pour me conseiller… tout ça est assez nouveau pour moi…
— Ah… euh, oui bien sûr…

Elle n’était pas en position de dire quoi que ce soit.
Elle s’attendait au pire. Et si ses collègues avaient raison ? Qu’Annabelle manipulait maintenant Duncan pour tout s’approprier… ? L’angoisse naissait en elle mais elle essayait de ne rien montrer.
Annabelle l’invita à s’asseoir dans le fauteuil devant elle, Duncan occupait celui juste à côté.
Elle le salua poliment et se posa.

À cette distance, elle remarqua les yeux rouges et la figure encore plus pâle qu’à l’accoutumée d’Annabelle.
Elle faisait peine à voir. Elle avait certainement passé de courtes nuits à réfléchir à ses nouvelles responsabilités et la perte de sa femme.
Annabelle lui sourit timidement.

— Je ne vais pas tourner autour du pot et je vais essayer de ne pas te faire perdre trop de temps… j’en ai discuté avec Duncan, et je pense que tu devrais remplacer Marianne…
— P-pardon… ?
— Désolée si c’est soudain… Marianne m’a laissée tout un tas d’instructions… et même si on en a assez peu parlé de son vivant… je sais qu’elle t’accordait une grande confiance et elle avait une grande estime de tes compétences… je veux pas non plus te forcer la main mais… je ne me sens pas capable de faire ce qu’elle faisait. Actuellement… je n’ai ni les épaules ni ton expérience en la matière… Puis ça rassurerait tout le monde que ce soit toi… je me rends bien compte de la méfiance à mon sujet…
— Mais…
— Enfin, c’est une proposition, tu peux la refuser… je t’avoue que cela m’arrangerait que tu l’acceptes… je m’en sors pas trop avec tout ça, pour être tout à fait honnête avec toi…

Annabelle força un sourire, et des larmes montèrent à ses yeux. Un paquet de mouchoir à moitié entamé était sur son bureau.

— Désolée… c’est encore… tout me paraît compliqué sans elle…
Dit Annabelle, en ravalant ses sanglots.

Elle était touchée et émue, elle ne pensait pas qu’on lui accorderait cette confiance et ce poste.
Elle resta muette, ne sachant pas quoi répondre.

— Je suis du même avis qu’Annabelle.
Ajouta Duncan.

L’ancienne accepta la proposition et fut reconnaissante. Duncan lui tendit les papiers à signer, et lui expliqua les démarches que ça allait impliquer pour la suite.
Annabelle resterait propriétaire des lieux, mais elle donnait la présidence et toutes les responsabilités à l’ancienne, Anisa, qui avait la possibilité d’assigner les employés à d’autres postes et même créer des postes pour soulager ses tâches.

— Merci beaucoup. Je peux te confier tout ça l’esprit serein, je reste disponible si tu as besoin de quoi que ce soit, hésite pas à m’envoyer un message ou m’appeler. Tu as mon numéro.
— Tu peux également m’appeler, si jamais tu as des questions ou qu’Annabelle n’est pas joignable.
— Mais… tu n’es pas censé travailler ?
— Ahah… si, mais avec le décès de Marianne, j’ai pris quelques jours de congé pour aider Annabelle… quoiqu’il en soit, tu peux également m’envoyer des messages si tu as peur de me déranger avec un appel.
— Merci… merci pour tout ce que vous faites…
— C’est un peu condensé ces derniers temps, mais dès que ça sera réglé, on pourra souffler.
— Je vais m’absenter ces prochains jours, je dois passer chez le notaire et m’occuper d’autres rendez-vous, ne t’inquiète pas si tu ne me vois pas ici. Je te laisse les rennes, encore merci Anisa.
— Je t’en prie… si je peux aider…
— Tu m’ôtes une énorme épine du pied en acceptant, merci.

Anisa observait, elle voyait Annabelle au bout du rouleau et Duncan, qui lui avait paru intimidant, était en réalité nécessaire pour la rassurer, mais également pour l’épauler dans cette épreuve. Sa présence était douce et protectrice vis à vis d’Annabelle. Il avait un regard triste et il la surveillait pour qu’elle ne s’épuise pas trop.

*

— Rentre chez toi.
Lui avait-il dit.

— J’ai encore des trucs à gérer.
S’obstinait Annabelle, avec des cernes marquées.

— Ça suffit, tu es épuisée, va te reposer. Ça ne sert à rien que tu te fatigues encore plus, tu risques de faire des erreurs. C’est contre-productif.
Répondit Duncan, exaspéré.

Il s’approcha d’elle pour la forcer à fermer ses dossiers, et la décolla de son bureau.

— Allez, soit raisonnable.

Annabelle avait fini par avouer à Duncan qu’elle dormait peu et mal. C’était dur de rentrer et se retrouver seule dans cet appartement sans Marianne.
Il lui avait proposé de passer chez lui, sans aucune mauvaises intentions, il voyait bien qu’elle était maussade rien qu’à l’idée de rentrer et elle ne refusa pas son offre.
Sur le trajet relativement court jusqu’à chez lui, elle s’était endormie sur le siege passager.
Il eut de la peine à la réveiller et, elle pleurait dans son sommeil, les larmes naissant au creux de ses yeux.
Il décida de la porter jusqu’à chez lui et la coucha dans son lit, avant de quitter la chambre et lui-même s’installer dans son canapé.

C’était également dur pour lui.
Il avait perdu sa plus grande amie et confidente, celle qu’il avait toujours considéré comme sa soeur. Elle n’était plus et elle lui avait laissé la mission d’épauler Annabelle dans cette épreuve.

*

Après quelques années, Annabelle avait retrouvé une vie presque normale. Passé la paperasse dont elle devait s’occuper après le départ de Marianne, elle avait pu retourner à son ancien poste, celui d’assistante de direction, de directrice adjointe.
Anisa était plus que ravie d’avoir Annabelle en support et les affaires se déroulaient comme sur des roulettes.

Duncan avait gardé contact avec elle et continuait de la croiser à certaines soirées professionnelles.
Elle ne les appréciait pas plus que ça, mais cela lui rappelait le bon vieux temps avec Marianne.
Elle s’y rendait par obligation professionnelle mais également parce qu’elle pouvait y revoir Duncan par la même occasion.
Cela lui faisait plaisir de voir Annabelle aller mieux. Elle dégageait une aura différente depuis, plus sûre d’elle, plus détendue. Anisa était également de la partie, et elle avait convié quelques uns de ses employés pour leur faire profiter de ce moment.

Annabelle avait aperçu Duncan dans la foule et lui faisait des signes, tout en se rapprochant de lui.

— Hé ! Bonsoir ! Toujours aussi ravissant…
Le salua t-elle, avec un verre à la main.

Elle aimait le taquiner gentiment, et il sourit.

— Qui vois-je ? Déjà en train de boire ?
— Tu devrais en faire autant.
— Laisse-moi le temps d’arriver…

Ils se retrouvaient comme de vieux amis.
Elle passait la majeure de la soirée en sa compagnie.
Depuis qu’elle avait eu des mésaventures avec des vautours qui en avaient après son héritage, Duncan s’était interposé pour les dissuader.
Les rumeurs allaient de bon train, et certains jasaient au sujet de Duncan intéressé par les biens d’Annabelle, ou encore d’Annabelle qui serait à la chasse d’une nouvelle proie depuis la mort de Marianne.
Ils n’en avaient que faire de ces commérages.
De temps en temps, certains saluaient et cherchaient à avoir des discussions avec elle pour des affaires, et Duncan était assez intimidant pour filtrer le sérieux et la volonté de ses interlocuteurs.

— Tu devrais venir à la salle avec moi, et suivre les cours de combat.
Avait suggéré Duncan.

— Je ne pense pas que je sois faite pour ça…
— Tu ne le sais pas encore, juste pour pouvoir te défendre au cas où, et qui sait, tu vas peut-être y prendre goût !
— Je ne sais pas…
— Tu n’as pas d’excuse. Je sais que depuis qu’Anisa s’occupe de la maison, tu as beaucoup de temps libre. Viens essayer au moins une fois, après je te laisse tranquille.
— … Ok… parce que c’est toi. Rien qu’une fois, hein !

Il affichait un sourire ravi.

*

Ils s’étaient retrouvés à la salle et Duncan avait prévenu son professeur de la présence d’Annabelle.
Elle était arrivée, un peu perdue, jetant encore une fois son regard sur sa montre, mais Duncan lui faisait signe, alors elle fut rassurée de ne s’être pas trompée de lieux ni d’heure. Son sac de sport à l’épaule, elle s’était changée pour l’occasion, un haut simple et un jogging sombre. Les cheveux réunis grossièrement en queue de cheval. Des bouclettes rebelles échappées de l’élastique.
Il lui avait donné quelques explications et exercices pour débutants et avait demandé à Duncan de l’épauler et lui expliquer plus en détails pendant qu’il s’occupait des autres.

2022.06.15

Panoramique

À son départ de l’hôpital, Annabelle et Duncan l’attendaient pour rentrer.
Il les raccompagna chez elles.
Il était rassuré que Marianne aille bien et se retira pour les laisser seule à seule.
Il pouvait se sentir rassuré de savoir que Marianne n’était pas seule. Et il savait qu’Annabelle prendrait soin d’elle. Il n’avait aucun doute là-dessus

Marianne était plus qu’heureuse d’enfin retrouver sa liberté, son chez soi, et Annabelle.
Lorsque Duncan partit, elle lui sauta au cou pour la serrer fort contre elle. Cette effusion d’affection lui avait manquée. L’odeur d’Annabelle, la douceur et sa chaleur. Ce n’était que quelques jours mais elle avait l’impression que c’était plusieurs semaines.
La maison était propre et sentait bon, Annabelle s’était occupée de tout pour que Marianne soit comblée.
Annabelle lui avait interdit de retourner sur les lieux de son travail le premier jour, alors Marianne ne pouvait que ronger son frein et essayer de penser à autre chose.
Elle profita des heures qui suivirent pour ranger ses affaires et juste se poser avec Annabelle.

*

Le lendemain aux premières heures, Marianne était prête pour aller au travail.
Annabelle soupira et consentit à l’y accompagner.
Arrivées, il y avait une petite fête de retour organisée pour Marianne. Les employés étaient heureux de la retrouver en meilleure forme.
Cela ne dura pas très longtemps avant que Marianne ne s’éclipse pour se rendre dans son bureau.
Annabelle l’y suivit.
Marianne fut surprise agréablement de ne pas être submergée de dossiers urgents.
Annabelle lui expliqua qu’elle et l’aînée des employés avaient réussi à régler la plupart du travail qu’il restait à faire. Elles avaient constitué un petit tas de ce que Marianne devait faire, parce que c’était de son ressort.

— Tu es sûre que tu ne veux pas profiter de la fête… ? Tu pourras boucler ce tas en quelques heures seulement…
Essaya de la convaincre Annabelle.

Marianne sourit et posa les dossiers empilés. Elle prit la main d’Annabelle et elles sortirent du bureau pour retourner à la petite fête en son honneur.
Marianne remercia tous ses employés avant de retourner travailler.
Elle ne devait pas forcer mais elle devait finir son travail avant toute chose. Cela lui trottait dans un coin de sa tête.
Annabelle resta à ses côtés pour lui demander de lui expliquer certaines choses, pour qu’elle puisse prendre en charge plus de responsabilités pour la décharger.
Marianne n’avait pas trop le choix, elle aurait préféré prendre le temps de lui déléguer peu à peu des tâches mais elle savait qu’elle n’avait pas tort. Il fallait qu’elle lâche du leste.

Les jours qui suivirent furent riches pour Annabelle, qui prit des notes et qui essaya d’emmagasiner le plus d’informations.
Marianne était vraiment reconnaissante pour le travail abattu et elle en profita pour s’avancer et préparer de vraies vacances.
Elle en discuta en privé avec la plus ancienne de ses employés en qui elle avait entièrement confiance. Elle savait tenir la boutique pour les affaires courantes.
Elle avait fait preuve de beaucoup de professionnalisme pendant sa convalescence et elle lui confia son idée de vacances préparées.
Elle approuva à cent pour cent et Marianne s’organisa pour choisir le lieux et la période, ainsi que la surprise qu’elle voulait préparer pour Annabelle.

Annabelle était maintenant collée à Marianne, trop inquiète puis voulant bien faire pour que Marianne travaille le moins possible.
Marianne eut un mal fou à la forcer à se reposer et se dégager au moins une journée sans elle à son bureau.
Ce jour de libre durement négocié, Duncan en profita pour passer la voir et discuter avec elle.
Elle lui exposa son plan et Il resta bouche bée.

— Tu vas quoi… ?
— La demander en mariage, tu as très bien entendu.
— Ah.
— Tu n’as rien d’autre à dire de plus… ? Je pensais que tu allais t’y opposer
— J’aurais pu, mais en fait, je n’ai pas de contre-argument. Tu as raison… je crois.
— T’es sérieux… ?
— Bah… je n’ai aucune raison de penser que c’est une mauvaise idée. Annabelle… j’ai vu de mes propres yeux à quel point elle tenait à toi. Puis, elle t’a beaucoup aidée pour ton travail, non ?
— Oui… le seul problème… c’est que je n’ai aucune idée de si elle acceptera… en plus du fait qu’on ne peut pas épouser un humain de compagnie.
— Ah. C’est vrai ça. Tu comptes faire comment.. ? À la base c’était juste pour lui léguer ton entreprise, non ?
— Oui et non. Je voudrais quelque chose de plus sexy qu’un simple testament…
— Effectivement.
— J’ai une solution mais il faut qu’elle accepte de retrouver son statut d’humain. Tu crois qu’elle serait capable de refuser… ?
— J’en ai aucune idée… je ne savais même pas que c’était possible.
— Moi non plus. Mais je me suis beaucoup fait chier à l’hôpital, j’ai lu beaucoup de paperasse à ce sujet et c’est une possibilité.
— Je vois ça. Du coup tu vas faire comment… ?
— D’abord… je dois lui faire ma demander en mariage… et si elle accepte, je lui présenterai les possibilités…
— Et, si elle refuse… ?
— Bah, ça sert à rien que je me prenne la tête avec les papiers à signer…
— Te connaissant, ils sont déjà prêts quelque part…
— Oui… au cas où, hein.
— Bien sûr… tu voulais me demander conseil sur quoi déjà ?
— Ah, oui ! Je suis en train d’organiser des vacances à la montagne, je me demandais si tu avais des stations de ski ou des endroits à me recommander ?
— Hm… pour faire ta demande en mariage.
— Entre autres.
— Je t’enverrai ça par mail, avec les photos à l’appuie, je pense que ça devrait te plaire.
— Super, ça serait parfait !

*

Marianne avait choisi un endroit qu’elle ne connaissait pas pour pouvoir le découvrir avec Annabelle.
Elle lui fit la surprise de ce voyage juste entre elles.
Mis à part des vêtements chauds qu’elle pu prêter à Annabelle, elles firent quelques achats pour qu’Annabelle soit équipée convenablement, et habillée assez chaudement pour faire du ski.

Annabelle avait à la fois hâte et appréhendait.
C’était la première fois qu’elle partait au ski mais également en vacances. Elle ne savait pas ce que c’était de se couper du monde pendant une durée déterminée.
Elles avaient une grosse valise pleine à craquer pour toutes les deux et elles prirent le train.
C’était une expédition.

Marianne avait loué un petit chalet isolé. Heureusement qu’il était possible de se faire aider par des locations de voiture électriques pour pouvoir charger leurs affaires dans leur logement isolé.
Une semaine entière avec très peu de réseau téléphonique.
Une cheminée, des balades dans la neige, une initiation de ski pour Annabelle.
Les soirées au coin du feu et dans les bras de chacune.
Marianne insista pour manger dans des établissements pour qu’Annabelle ne soit pas obligée de préparer les repas.
Elles se rendirent dans une tour panoramique se situant tout en haut d’une montagne. Il se trouvait un restaurant et Marianne avait prévu de rester dîner avec Annabelle.
Une table réservée à son nom.

Annabelle avait l’impression de vivre un rêve éveillé.
Elle passait les meilleurs moments de sa vie, elle rayonnait et ses yeux brillaient de voir ce que c’était la montagne, cette immensité et cette vue.
Marianne était heureuse par procuration.
Elle ne réussit pas à trouver le bon moment pour aborder le sujet et elles profitèrent tout simplement du repas.

*

À l’extérieur, elles avaient vue sur la vallée.
Tout semblait si petit et le paysage était magnifique.
Annabelle avait un sourire radieux, le soleil et la neige étaient éblouissants.
Ce fut Annabelle qui brisa le silence.

— M-merci Marianne. Merci de me faire découvrir la montagne… je suis si heureuse d’être avec toi…
Dit-elle, le vent frais soufflant sur son visage pâle. Ses cheveux maintenus sous son bonnet et sa tête enfouie dans son gros manteau d’hiver et une écharpe moelleuse.

— Merci à toi, Annabelle… ces vacances n’auraient pas la même saveur sans toi… merci de m’accompagner et de m’apporter tant de bonheur…

— Qu’est-ce que tu racontes… ?
Se moqua Annabelle, gentiment, gênée par les propos.

— Ma vie a radicalement changé depuis que je t’ai rencontrée… je suis beaucoup plus épanouie… je t’aime tant…
— Moi aussi, Marianne…

Elles se tenaient les mains et se faisaient face, émues et profitant de cet instant magique.
Ce fut le moment pour que Marianne s’exprime.

— Dis, Annabelle… est-ce que tu veux m’épouser ?
Annabelle resta silencieuse.

Elle connaissait assez Marianne pour savoir qu’elle était sérieuse et qu’elle ne pouvait pas répondre à la légère. Etait-ce même possible ?
Elle doutait de la faisabilité de la question mais pas de ses sentiments.
Marianne attendait patiemment une réponse.

— Marianne…
— Si tu écoutes ton coeur, Annabelle… sans te soucier de ce qu’il y a autour… est-ce que tu m’épouserais… ?
— Bien sûr… là n’est pas la question…
— Si je te disais que c’est possible… à une seule condition ?
— Laquelle… ?
— Que tu récupères ton statut d’humaine. Tout ce que tu dois faire, c’est signer un document pour recouvrer ton humanité…
— Mais… ça veut dire…
— Je te rends ta liberté.
— Tu ne veux plus de moi… ?
— Au contraire. Je te veux mon égale. Je veux que tu sois ma compagne, officiellement, que tu ne te préoccupes plus de ce contrat d’adoption.
— Marianne…

Annabelle n’avait pas les mots.
Elle l’aimait de tout son coeur et ses mots la comblait comme jamais, mais le fait de redevenir une humaine la terrorisait. Elle avait envie de dire oui, de faire confiance à Marianne, même si sa peur était forte et présente.
Emue au plus profond d’elle, elle avait réunit ses mains sur sa bouche. Et elle acquiesça, d’un mouvement de tête. Et si elle faisait confiance à Marianne ?
Oui, cette idée de mariage la faisait rêver.

— C’est un « oui » ?
Demanda Marianne, pour confirmer. Elle n’arrivait pas à cacher sa joie.

Elle se doutait qu’Annabelle accepterait mais il restait une faible probabilité qu’elle refuse.
Annabelle acquiesça une nouvelle fois, de manière plus marquée et elles se prirent dans les bras.
Elles rayonnaient toutes les deux de bonheur.

*

Lovées ensemble dans le canapé, en face de la cheminée allumée, où le feu de bois faisait craqueler et chanter les bûches.
Elles étaient emmitouflées dans une couverture, observant les flammes danser comme hypnotisées par ce spectacle aléatoire.
Elles se réchauffaient et se câlinaient tout simplement, dans les bras l’une de l’autre.

— À quoi tu penses… ?
Demanda Marianne. Elle sentait Annabelle songeuse, inquiète.

— … Tu sais que ça m’angoisse… de perdre mon statut d’humain de compagnie… ?
Hésita Annabelle.

— Pourquoi… ? Je ne vais pas changer la manière dont je vais me comporter avec toi après.
Essaya de comprendre Marianne, maladroitement

— Je… c’était rassurant de ne pas avoir à m’occuper de… tout ça… ces responsabilités d’humain… j’ai peur… ça me fait si peur…
— Tu te rends même pas compte que tu fais déjà beaucoup plus que ce simple statut… et si ça peut te rassurer, je ne te demanderai pas plus que ce que tu ne fais déjà à présent.
— Si cela ne change pas grand chose… pourquoi m’épouser… ?
— J’aurais envie de dire « pour que tu sois à moi » mais ce n’est pas vraiment ça… je veux qu’on s’appartienne d’égale à égale… que tu sois ma femme tout comme je serai la tienne… est-ce que je suis trop niaise… ?
— Non… ça me parait juste… irréel…

— Je te signale que tu as déjà accepté… est-ce que tu vas revenir sur ta décision… ?
S’inquiéta Marianne.

— Non… ! Non, pas du tout ! …
— Tu me rassures… mon coeur n’aurait pas survécu à cet ascenseur émotionnel…
— Pas de chantage affectif avec moi !

— Je n’oserai pas…
Blagua Marianne.

— Pourquoi tu penses que c’est irréel… ?
Questionna Marianne, curieuse.

— Comment… pourquoi moi… ? Comment une personne aussi formidable que toi… voudrait de moi… ? Je ne te mérite pas…
— Moi je sais ce que tu vaux. Tu m’apportes beaucoup plus que tu ne le penses. Moi, je sais ce que tu vaux et tu mérites d’être heureuse. Si cela fait ton bonheur d’être à mes côtés… bien entendu.

Annabelle resta silencieuse. Acceptant les mots de Marianne et digérant lentement ses paroles.
Elle se serrait un peu plus fort dans les bras de Marianne. Elle voulait être assez bien pour que Marianne ne regrette pas son choix.

— Qu’est ce qu’on va faire… ?
Demanda finalement Annabelle.

— Moi je sais. Est-ce que tu veux que je te dise les prochaines étapes… ?
— Oui… j’ai envie de savoir ce que tu as manigancé…

*

Marianne avait prévu le rendez-vous avec la directrice de l’établissement où elle avait rencontré Annabelle.
La directrice avait bien voulu la recevoir malgré l’objet incongru de son mail. Marianne était reconnaissante qu’elle accepte.

La directrice avait un bon fond, elle s’était réjouit que ce soit Marianne qui adopte Annabelle, pensant qu’elle était une personne assez saine pour ne pas abuser de la jeune fille. Qu’elle soit de nouveau contactée par un propriétaire n’était pas rare, mais c’était généralement pour des nouvelles plus funèbres.
Lorsqu’il y avait un décès d’humain de compagnie, il était nécessaire de le signaler pour qu’elle puisse clôturer le dossier, avec le justificatif confirmant la mort. C’était la première fois qu’elle avait un cas aussi complexe, et surtout inédit que le propriétaire cherche à rendre sa liberté à son humain de compagnie.
De manière générale, il arrivait que le propriétaire ne soit pas satisfait ou se lasse de son humain de compagnie, et finisse par retourner dans l’établissement d’adoption pour le rendre et qu’il soit de nouveau possible d’être adopté par un nouveau propriétaire.
Mais le cas de Marianne était différent. Elle ne rendait pas Annabelle. Elle voulait lui rendre sa liberté en lui rendant son humanité.

*

La directrice les convoqua pour essayer de comprendre ce qu’il se passait et si Annabelle allait signer de sa propre volonté. Qu’elle n’était pas forcée ou qu’on ne lui faisait pas du chantage pour qu’elle soit libre, et qu’elle soit ensuite abusée sans aucune impunité pour Marianne. Elle cherchait à comprendre la démarche.
Lorsqu’elle les vit, elle comprit que leur relation était toute autre. Marianne était changée mais Annabelle également. Elles étaient toutes les deux différentes de leur première rencontre.

Annabelle était anxieuse mais elle prit son courage à deux mains pour signer le document, attestant qu’elle acceptait la décision de sa propriétaire de lui rendre sa liberté, en toute connaissance de cause et de sa propre volonté. Elle était consentante.
Marianne dut également signer.
La directrice était bouche bée de voir ce développement de situation.
Marianne était honnête et lui expliqua sa démarche, et qu’elle souhaitait épouser Annabelle.
La directrice dut s’asseoir pour digérer l’information.
Annabelle avait proposé de lui demander d’être témoin de leur union, ce qui la laissa sans voix.
Elle pouvait voir l’amour et l’affection qu’il y avait entre ces deux femmes.
Elle mit un certain temps avant de tout intégrer et elle accepta avec joie d’être leur témoin. Elle signa également un papier attestant de l’intégrité des papiers précédents, qu’elle avait pu voir qu’aucun des deux partis n’était menacé ou autre.
Elle leur assura que les documents officiels seraient réglés dans la semaine, le dossier d’Annabelle allait être classé et qu’elle ne devait s’inquiéter de rien.

Marianne avait déjà les documents d’identité d’Annabelle et elle avait préparé les papiers à remplir pour qu’Annabelle soit de nouveau considérée comme une humaine normale dans la base de données.

*

Il eut le choix des alliances, de la robe d’Annabelle.
Marianne ne se sentait pas à l’aise dans une robe et elle opta pour un costume.
Marianne souhaitait que ce soit parfait et qu’elles n’aient pratiquement rien à gérer le jour J.
Elles s’occupèrent des détails ensemble et Marianne s’occupa de contacter une entreprise qui s’occuperait de la mise en place jusqu’à la fin des festivités.
Elles avaient décidé que cette journée devait être un jour spécial pour l’ensemble des invités, et il n’y en avait pas beaucoup.
Cela s’arrêtait aux amis proches de Marianne qui étaient principalement ses employés. Elle s’entendait à merveille avec eux et elle les considérait comme faisant partie entière de sa famille.
Ceux qui étaient partis pour choisir une autre vie avaient tenus à faire un cadeau, ils avaient été invités au vin d’honneur.
Annabelle n’avait pas de famille ni d’amis à inviter, et elle le vivait bien.
La directrice de l’établissement fut invitée au vin d’honneur.
Duncan fut évidemment de la partie.

Le plus difficile, fut d’annoncer la nouvelle aux parents de Marianne.
Elle reprit contact avec eux et elle y dîna.
Ce fut après tout le repas qu’elle prit son courage à deux mains pour aborder le principal sujet.

— Je sais que ça fait longtemps que je ne prends plus le temps de venir vous voir…
— On sait que tu es occupée avec ton travail… quoi qu’on puisse en dire, tu gères ta vie professionnelle avec brio.
— Merci… si je suis rentrée… c’est pour vous annoncer quelque chose… je vais me marier…

Ses parents restèrent bouche bée. Ils ne savaient pas comment réagir à cette nouvelle. Si c’était une blague ou si c’était un miracle qu’ils ne pensaient plus possible.

— V-vraiment… ?
— Oui, c’est sérieux.
— Est-ce qu’on peut savoir avec qui… ? Tu peux nous en dire plus… ?
— Vous vous doutez que je ne suis pas restée célibataire pendant tout ce temps pour une raison…
— Ton travail… ?
— Pas que… elle s’appelle Annabelle.
— Pardon ?

Son père faillit s’étouffer avec sa salive.

— Je préfère que vous soyez au courant de mon mariage, même si vous ne l’approuvez pas. Ca m’a paru plus honnête que de vous le cacher et que vous finissiez par l’apprendre d’une manière ou d’une autre.

— Qu’est-ce que ça veut dire, Marianne… ?
Reprit sa mère, qui laissa son père digérer l’information.

— Je l’aime, et elle me rend heureuse. Je sais que je pourrais compter sur elle pour le restant de mes jours.
— Tu ne comptes pas nous la présenter… ? Tu aurais pu l’amener avec toi… pour qu’on puisse la voir.
— Je ne savais pas comment vous aurez pu réagir et je ne souhaite pas que vous l’intimidiez ou que vous l’insultiez.
— V-voilà une bonne image que tu te fais de nous.
— Je vois bien que vous avez du mal à avaler mon annonce…
— C’est que… on avait fini par tirer un trait sur tes enfants… et c’est un peu inattendu que tu te décides à enfin te marier à ton âge…
— Merci pour le repas, je vais rentrer.
— Laisse-nous digérer la nouvelle… et d’ici là… songe à revenir en compagnie de ton… amie. Nous aimerions bien la rencontrer…
— … Je vais y réfléchir…

Marianne lâcha un gros soupir de soulagement.
C’était fait et ses parents avaient presque bien pris la nouvelle. Ils ne s’étaient pas mis à crier ni à l’insulter. Ils avaient été plutôt calme.

— Remets-toi.
Avait dit sa mère, après que Marianne soit partie.

— Mais… elle…
— On s’en doutait. Jamais un petit copain, c’était évident…
— Et sa… copine ? Qui c’est ?
— Qu’est-ce que j’en sais ?!

Marianne était sereine, elle voulait juste leur faire part de cette nouvelle, elle n’attendait rien en retour, elle n’avait pas besoin qu’ils approuvent sa décision.
Elle se sentait plus légère, comme libérée d’un poids. Elle venait en quelque sorte de faire son coming out.
Elle ne les avait pas conviés à l’événement, elle voulait que cela reste en petit comité et surtout dans la bonne humeur. Elle ne voulait surtout pas s’imposer ses parents qui seraient venus juste pour faire acte de présence.
Le visage serein, elle inspira un grand coup, ses cheveux ramenés en arrière par un vent léger, comme son cœur. Libéré d’un poids.
Elle avait hâte de rentrer pour retrouver Annabelle et la serrer dans ses bras.

*

Duncan fut choisi comme témoin.
L’établissement fut fermé pour le week-end, exceptionnellement.
Un photographe leur fut conseillé, qui prit des photos sur le vif et réussit à capturer le bonheur de cette journée.
Il eut le passage à la mairie, l’ambiance était joyeuse.
Le lieu réservé pour le vin d’honneur et le repas du soir.
Une liste de chansons calmes diffusée en fond durant le repas, puis la possibilité de danser et même chanter.
Ils étaient vraiment en petit comité, Marianne, Annabelle, Duncan, et les employés de l’établissement avec qui Marianne était le plus proche.
La liste complète des invités ne dépassait pas 25 personnes.
Les tables étaient agencées de manière à ce que tout le monde pouvait pratiquement discuter ensemble.
La musique était assez basse pour que ce ne soit qu’une ambiance et les gens pouvaient s’entendre sans crier.
C’était une petite salle privatisée dans un restaurant réputé.

Annabelle avait trop bu, elle était beaucoup trop joyeuse et Marianne l’avait laissée boire sans la freiner, pour une fois.
Duncan était ému et à la fois heureux pour elles.
Dans d’autres circonstances, s’il n’avait pas appris à connaître Annabelle, il aurait tout fait pour éviter que cela arrive, mais il savait maintenant que Marianne était entre de bonnes mains.

Annabelle s’était assise à côté de lui, elle était saoule.

— Je t’aime bien, tu sais ? Même si t’as joué au méchant… t’es un gentil en fait, hein… !
Dit Annabelle, en se collant un peu trop à Duncan.

Duncan ne savait pas comment réagir, il comprenait mieux pourquoi Marianne surveillait Annabelle concernant la boisson. C’était une toute autre personne.

— Tu dis rien… t’es jaloux… ? Moi qui pensais que vous finiriez par vous marier… tout compte fait, c’est moi qu’elle a choisit ! Sois pas trop triste… d’accord ? Je prendrai soin d’elle… !
— Oui oui… je te fais confiance, Annabelle… prends bien soin de Marianne pour moi…

2022.04.02

Démarche

Marianne avait eu le temps de réfléchir durant son séjour à l’hôpital.
Elle avait fait une liste de choses à faire avant… avant qu’elle ne soit plus de ce monde et dans les priorités, elle voulait épouser Annabelle.
C’était maintenant une certitude, elle ne voulait pas mourir et laisser Annabelle sans rien, c’était comme l’abandonner deux fois.
Elle avait tourné le problème dans tous les sens, il y avait un obstacle. Elle ne pouvait pas épouser un humain de compagnie. Il n’y avait rien dans la loi qui autorisait cela.
Elle ne pouvait pas la contourner et la seule solution possible, c’était encore de redonner ses droits d’humanité à Annabelle, et cela, elle n’était pas sûre qu’elle accepte. La connaissant, il était possible qu’elle refuse. Elle avait tout de même prit la décision de l’abandonner.

La démarche pour redevenir humain était complexe.
Tout d’abord, il fallait que ce soit le propriétaire de l’animal de compagnie qui prenne cette décision, et ensuite, il fallait que la personne concernée accepte de redevenir humain.
Les documents administratifs à remplir par plusieurs partis : l’établissement dans laquelle elle avait adopté Annabelle devait signer et s’occuper de classer le dossier d’Annabelle pour qu’il n’y ait pas de problèmes et que tout soit en ordre. Ensuite, Marianne devait s’occuper d’autres documents à signer et recréer des documents officiels attestant qu’Annabelle était de nouveau humaine, qu’elle avait des papiers. Mais le plus simple et aussi le plus complexe, c’était qu’Annabelle donne son accord et signe les papiers.
Il fallait l’accord des trois partis.
L’établissement pouvait également refuser. Cette situation était très rare voire inédite.

Il arrivait que des propriétaires en ait marre de leur humain de compagnie. La marchandise pouvait être reprise mais pas échangée ni remboursée.
Avant de signer ou faire signer quoi que ce soit, Marianne devait préparer et réunir tous les documents nécessaires. Et surtout, avoir l’accord d’Annabelle.

*

Le séjour à l’hôpital fut moins pénible à partir du moment où Marianne avait pu avoir son téléphone portable et la prise de recharge.
Elle n’était pas du genre à rester immobile et laisser le temps passer. Mais elle n’eut pas trop le choix et elle en profita pour faire ses recherches sur sa potentielle demande en mariage et le statut d’Annabelle.
Puis. Elle devait réfléchir à quand et dans quel cadre elle voulait faire sa demande. Elle voulait que ce moment soit parfait.
Rien que d’imaginer Annabelle en robe de mariée, elle en avait le coeur qui battait plus fort.

*

Annabelle se sentait seule dans l’appartement sans Marianne. Elle était inquiète mais elle ne pouvait pas rester à l’hôpital, les visites n’étaient pas tout le temps autorisées et il fallait qu’elle laisse les médecins faire leur travail, et Marianne se reposer.
Elle était allongée dans ce lit trop grand pour elle. La chaleur, la présence de Marianne lui manquait.
Elle prit son téléphone et lui envoya un message.
Elle n’arrivait pas à dormir et elle espérait qu’elle ne soit pas la seule à avoir du mal à trouver le sommeil.

[Tu dors… ?] [Non, et toi ?]

La réponse ne se fit pas attendre.
Elles s’échangèrent des banalités, des photos selfies.
Des sourires, des mots doux.

Marianne avait hâte de rentrer.
Les examens complémentaires n’avaient rien donné et les médecins ne savaient pas expliquer son hospitalisation, à part la garder encore 24h de plus pour écarter toutes les pistes.
Quoi qu’il en soit, il fallait qu’elle continue de faire attention à sa santé, ce qu’elle faisait déjà.
Ils lui conseillèrent de se reposer.
Elle eut un sourire en coin puis elle y réfléchit.
Ils n’avaient pas tort, elle avait rarement des vacances, et si jamais elle devait en prendre, elle devait les préparer. Ca pourrait être une bonne occasion pour couper avec le quotidien en compagnie d’Annabelle.
Lorsque sa date de sortie fut décidée, Duncan et Annabelle furent présents pour la récupérer.

2022.03.16

Flot

Marianne était plus âgée de beaucoup et elle ne pouvait pas échapper à ce qui l’attendait : des problèmes de santé.

C’était une journée comme les autres. Elle était à son bureau pour gérer des documents comme à son habitude, traiter des mails, s’occuper des dossiers administratifs urgents concernant son entreprise.
La matinée venait de passer en un rien de temps, elle jetait un regard sur l’heure. Il était presque midi.
Pas étonnant que son estomac commence à lui signifier sa faim. Elle s’étira de tout son long, s’éloignant légèrement de son bureau. Elle lâcha un soupir satisfait. C’était du bon travail abattu, elle s’autorisait cette pause pour se restaurer.
Elle prit soin de sauvegarder le nécessaire sur son ordinateur et de fermer sa session. On était jamais trop prudent concernant son poste de travail.
Elle se leva de son siège pour se diriger vers la sortie de son bureau.

Cela arriva d’un coup. Une douleur dans sa poitrine, vive, extrêmement forte, comme si quelqu’un lui avait tiré une balle invisible dans le corps.
Elle s’arrêta net. Elle porta sa main sur son torse, cherchant l’endroit exact où cela lui faisait tant mal, sans y parvenir. Elle arrêta de respirer, espérant atténuer la douleur, mais rien n’y faisait.
Ses jambes fléchirent et elle se retrouva à genoux, au sol, comme si l’énergie en elle venait de disparaître, elle avait trop mal pour rester debout.
Elle aurait pu appeler quelqu’un, mais en cet instant, elle espérait encore que la douleur s’estompe et s’en aille, aussi rapidement qu’elle était venue se loger dans sa poitrine. Elle essaya de retrouver une respiration normale et adéquate, puis, le vide.
Elle s’écroula sur le sol.

Elle était là, au sol, pendant plusieurs minutes, sans que personne ne se rende compte de son état. Elle était dans son bureau.
À l’extérieur, ses employés ne se doutaient de rien.
Ne la voyant pas sortir passé midi, puis midi trente.
Certains commencèrent par se demander si elle était partie déjeuner. Ils la connaissaient assez bien pour savoir qu’elle appréciait ses horaires et que la pause de midi était importante.

— Marianne est déjà partie manger ?
— Je ne l’ai pas vue depuis ce matin, elle est pas encore dans son bureau ?
— Je ne l’ai pas vue en sortir, elle doit encore y être, non ?
— Encore en train de bosser… elle a dû oublier l’heure ou elle saute le repas…
— Même quand elle a trop de travail, elle prend toujours le temps de manger le midi…
— Ca se trouve elle est sortie sans que vous vous en rendiez compte !
— On l’aurait vu passer, on est dans l’entrée !
— En vrai, on s’en fiche, non ? Elle a le droit de faire ce qu’elle veut de sa pause déjeuner.
— Oui, mais je voulais la voir pour lui demander quelque chose…
— Ben, va frapper à sa porte.

Il se dirigea vers son bureau et la porte était close.
Elle avait l’habitude de la laisser ouverte lorsqu’elle n’y était pas, pour éviter qu’on frappe inutilement à la porte si on la cherchait.
Alors ça le rassura de savoir qu’elle était close, elle devait encore être à l’intérieur et il n’aurait pas à chercher ailleurs.
Il frappa. Une fois. Puis deux fois. En attendant qu’elle lui réponde d’entrer.
Rien.
Il frappa une troisième fois, au cas où elle n’aurait pas entendu. Il avait le doute qu’elle soit tellement occupée qu’elle n’ait pas prêté attention au bruit à sa porte.
Il colla son oreille sur le bois et essaya de percevoir le moindre son. Rien.
C’était étrange. Elle n’avait pas l’air d’être là, peut-être qu’elle était partie aux toilettes ou qu’elle avait refermé la porte derrière elle sans faire attention, en partant.
C’était probable et il soupira, agacé de devoir trouver un autre moment pour s’entretenir avec elle.
Il ouvrit la porte pour que la prochaine personne ne frappe pas en vain tout comme il venait de faire.

Il ne s’attendait pas à voir le corps de Marianne étalé sur le sol.
Son sang se glaça et il ne sut pas tout de suite quoi faire.
Il se figea, la poignée encore dans sa main, il étouffa un cri, puis il recula.
Il courut au rez-de-chaussée en panique, le coeur battant à toute allure, et il prévint les autres de ce qu’il avait vu.

Une ambulance fut appelée et Marianne fut emmenée à l’hôpital où elle fut prise en charge.
Les employés étaient choqués, certains étaient inquiets et d’autres sensibles, pleuraient en ayant la crainte que la vie de leur patronne soit en danger.
On appela Duncan pour le prévenir de la situation

— Je t’appelle parce que je ne sais pas comment annoncer ça à Annabelle…
— Elle n’est pas au courant ?!
— Non… pas encore. Ca fait qu’une demi-heure que Marianne est partie avec l’ambulance…
— Ok. Merci de m’avoir prévenu.
— De rien… je ne sais pas ce qu’on va faire…
— Tout va bien se passer, faites comme d’habitude, connaissant Marianne, même si elle est absente pendant quelques semaines, vous n’avez pas à vous inquiéter. Elle a dû tout prévoir.

— Je me doute… c’est juste qu’on est inquiet pour elle… et puis si vraiment… enfin…
Sa voix s’étrangla. Elle préférait ne pas penser au pire.

—Je sais. Fais comme d’habitude. J’appelle Annabelle et on va s’occuper du reste. D’accord ?
— Oui… merci…

Duncan raccrocha et soupira.
Il était super inquiet. Marianne avait une santé de fer.
Il devait se ressaisir et ne pas laisser la panique l’envahir. Tout d’abord. Il devait prévenir Annabelle.
Si une personne devait être mise au courant, c’était elle. Par la suite, il voulait absolument aller voir Marianne et s’enquérir de son état. Annabelle souhaiterait certainement faire la même chose.
Il chercha la fiche de contact dans son téléphone et hésitait à l’appeler.
Non, le mieux était qu’il se rende directement chez elle. Ils iraient voir Marianne ensemble après qu’il lui annonce la mauvaise nouvelle.

Il sonna chez elles.
Annabelle fut surprise qu’on sonne à l’interphone.
Elle n’attendait personne et Marianne oubliait rarement ses clés.
Elle s’étonna de voir Duncan, mais elle lui ouvrit. Ce n’était pas commun qu’il vienne leur rendre visite, mais soit.
Lorsqu’il entra dans l’appartement, le temps qu’il prenne l’ascenseur et qu’il arrive à leur étage.
Elle l’accueillit normalement, en lui demandant ce qu’il faisait ici, sans aucune animosité mais surtout de la curiosité. Quel bon vent l’amenait chez elle ?
Son attitude l’intrigua.
Elle essaya de deviner mais il semblait blême et hésitant. Cherchant ses mots.

— Marianne… elle est à l’hôpital…
Duncan la regarda, sans réussir à trouver plus adéquat.

Il ne savait pas quoi ajouter de plus.
Annabelle se décomposa devant lui.
Duncan n’avait pas l’air de blaguer, il était sérieux et semblait tout autant affecté qu’elle.

— Comment ça… ? Que s’est-il passé ?

Annabelle avait le souffle court, son coeur lui faisait mal dans sa poitrine, elle avait beaucoup trop de questions à poser. Pourquoi.
Duncan prit les devants pour qu’elle se calme.

— Prends le stricte minimum, je sais dans quel hôpital elle est, on y va, maintenant.

Annabelle acquiesça et se dépêcha d’enfiler des chaussures, elle attrapa un manteau et pensa à prendre ses clés.
Elle avait une boule dans la gorge, les larmes aux yeux, mais les instructions de Duncan lui avait permis de ne pas céder à la panique, pas trop.
En moins de 5 minutes, elle était prête et ils se rendirent dans la voiture de Duncan qui était garée en bas de leur immeuble
Annabelle resta silencieuse, les mains crispées sur ses genoux, elle regardait Duncan du coin de l’oeil, et regardait dehors pour se changer les idées. Il fallait qu’elle arrête le flot d’émotions négatives au fond d’elle.
Comment Duncan arrivait à garder son calme.

— On la retrouvée évanouie dans son bureau. Je n’en sais pas plus que toi. On en saura plus quand on sera sur place, on pourra demander aux médecins.
Finit par dire Duncan, pour briser le silence pesant.

Sa voix tremblait, il était également inquiet mais il ne laissait pas transparaître son émotion sur son visage.
Annabelle ne savait pas quoi répondre.
Elle acquiesça et resta silencieuse jusqu’à l’arrivée.

À l’accueil, il fut assez simple de leur demander la chambre de Marianne, et ils purent s’y rendre sans problème.
Lorsqu’ils frappèrent et entendirent la voix de Marianne leur répondre d’entrer, ils furent tellement rassurés.

*

Marianne était assise, adossée à un oreiller et le regard perdu, elle observait par la fenêtre.
La douleur était enfin passée. Elle s’était réveillée entourée de personnel qui s’étaient chargé de son cas.
Quelle frayeur. Elle crut que c’était la fin et la panique l’avait envahie. Cela aurait pu être la fin et il restait tant de choses à faire.
Cela ne pouvait pas se terminer ainsi. Pas avant qu’elle se soit occupée de certaines choses.
Elle observa ses mains, qu’elle resserra et desserra.
C’était le cours naturel des choses, elle se faisait vieille et même avec son alimentation équilibrée, ses séances de sport régulières, elle ne pouvait pas échapper à la maladie. Elle eut un rictus.
Elle posa sa main sur sa poitrine. La douleur qu’elle avait ressentie quelques heures auparavant n’était plus, mais elle se rappelait la sensation très désagréable d’une aiguille plantée dans son coeur.
Elle respira un grand coup.
Quelle situation.
Elle n’avait rien pour prévenir ses proches.
Elle s’affala sur l’oreiller, détendue, exaspérée. Un soupir. Elle n’avait pas d’autre choix que d’attendre et elle sentait que le temps allait être long.

*

Marianne ne pensait pas les voir.
Depuis qu’elle s’était réveillée, les médecins et les infirmiers et infirmières lui avaient posé beaucoup de questions et elle était raccordée à certaines machines. Elle pensait que c’était encore un médecin qui allait lui faire un examen de contrôle. Elle était déjà fatiguée de cette batterie de tests de santé à passer.

Quelle fut sa surprise quand elle vit Duncan, puis Annabelle

— Vous tombez à point nommé. Je me demandais comment j’allais faire pour vous prévenir… mon téléphone est resté au bureau.
Sourit Marianne.

— Tes employés m’ont appelé, t’en fais pas. Comment tu te sens ? Tu nous racontes ?

Annabelle accourut, les yeux mouillés, elle avait envie de la serrer dans ses bras, trop émue de voir Marianne éveillée, elle s’avança jusqu’à son lit et prit ses mains dans les siennes.

— Oh, ma douce Annabelle, ne fais pas cette tête. Regarde, je vais bien !
Dit Marianne, touchée de son attitude.

Elle fit une pause.

— Un petit problème au coeur… je vais beaucoup mieux maintenant. La mauvaise nouvelle c’est qu’ils vont me garder quelques jours pour faire des tests complémentaires…
— Tu as besoin que je te ramène quelque chose ?
— Mes affaires ? Ca serait top ! Merci !
— Ton téléphone, je veux bien, mais repos. Tu ne vas pas travailler à l’hôpital.
— Mais—
— Non.
— … D’accord. Mon téléphone, au moins… et quelques affaires de change… si c’est possible ?
— Ca devrait le faire, j’y vais alors.

Duncan voyait comment était Annabelle et Marianne, et il se sentait de trop dans la pièce.
Il voulait les laisser seule à seule.

— J’arrive.
Dit Annabelle, contre toute attente

— Tu peux rester ici… je reviendrai te chercher à mon retour.
— Comment tu vas faire pour choisir les affaires de Marianne… ?
— … C’est vrai.

*

Ils retournèrent chercher le téléphone de Marianne, en profitèrent pour rassurer ses employés sur son état, et ils passèrent à l’appartement pour qu’Annabelle prépare un sac avec des affaires.
Duncan attendit dans le salon pendant qu’Annabelle s’activait.
Il observa l’appartement.
Ca avait bien changé depuis qu’Annabelle était là. Il ne pouvait qu’imaginer son état avant son arrivée parce que Marianne ne lui avait jamais autorisé à venir, et la connaissant, elle n’avait pas le temps de se préoccuper de l’entretien des lieux.
C’était touchant de voir à quel point Annabelle était impliquée et s’occupait de Marianne.
En moins d’un quart d’heure, elle avait rempli un sac de sport avec tout ce qu’il fallait. Il était plutôt impressionné.

En réalité, il était un peu jaloux que Marianne ait quelqu’un qui soit à ses côtés. C’était donc ça, avoir quelqu’un avec qui partager son quotidien.

2022.03.15

Canapés

Il ne connaissait pas Annabelle et il l’avait mal jugée.
Depuis l’histoire avec Marianne, depuis son erreur, il avait essayé de se faire pardonner.

Contre toute attente, c’était grâce à Annabelle qu’il avait pu se réconcilier avec Marianne.
Elle aurait pu la conforter dans l’idée de couper court à leur amitié, mais elle avait fait le choix, pour le bien de Marianne, de la convaincre de discuter avec lui.
Et pour cela, il lui en était reconnaissante.

C’était la première fois qu’il commençait à vraiment connaître Annabelle.
Cette crainte qu’elle profite de la situation et qu’elle abuse de Marianne était dû à un traumatisme qu’il avait lui-même vécu avec d’autres femmes.
Et il avait encore du mal à accorder sa confiance à de nouvelles personnes.
Marianne était l’exception parce qu’il l’avait rencontrée bien avant et ils avaient grandi et mûri comme des frères et soeurs de coeur.
Leur caractère respectif faisaient qu’ils ne pouvaient pas se faire intentionnellement du mal.
Même si lui, avait par erreur, profondément blessé Marianne.

Il s’était fait violence pour ne pas mal juger Annabelle et son geste l’avait fait réaliser à quel point il s’était trompé à son sujet.
Cela leur arrivait de se voir, lorsqu’il passait voir Marianne à son travail, mais Annabelle quittait la pièce aussitôt, les laissant seuls.
Il comprenait sa réaction, elle n’était pas à l’aise lorsqu’il était dans les parages et il ne pouvait pas lui en vouloir, mais au fond de lui, cela lui faisait de la peine.
Il n’arrivait pas à savoir ce qu’il pouvait bien faire pour qu’elle ne le craigne plus.
Marianne remarqua qu’il était affecté et n’était pas tendre avec lui, comme à son habitude.

— Les conséquences des actes…
— Oui bon, ça va. Je sais que j’ai merdé !

— Comment ça va, sinon ?
Demanda t-elle, pour changer de sujet.

— La routine, et toi ? Comment ça va avec Annabelle ?
— Parfait, nous sommes sur notre petit nuage, enfin surtout moi.
— Maintenant je t’envie…
— Tu songes à adopter un humain, aussi ?
— Hors de question ! T’as eu une chance de cocu, ce n’est pas pour ça que je vais tenter le diable… !
— J’ai dû faire quelque chose dans mon ancienne vie pour avoir le droit à accéder à ce bonheur dans cette vie là.
— Ouais, ouais, c’est ça. Tu saurais pas plutôt ce que je pourrais faire pour me racheter auprès d’Annabelle ? Elle m’en veut encore ?

— Pour être sincère… je crois qu’elle a fini par passer à autre chose. Après tout, notre relation est encore plus solide maintenant, elle te fait la tête plus pour la forme, un peu pour te faire payer ce que tu lui as fait.
Sourit malicieusement Marianne.

— Je sais pas si ça doit me rassurer.
— C’est peu cher payé, tu ne trouves pas ?
— Si… tu as raison…
— Tu voudrais faire quoi ? Apprendre réellement à vous connaître ? Tu sais qu’elle est adorable.
— Je le sais parce que tu ne manques pas d’éloges à son égard. Moi je ne sais pas… je me doute.
— Elle sait pas qui tu es réellement non plus. La dernière fois t’as joué les gros connards, tu te souviens ? Normal qu’elle te fuit comme la peste. Moi aussi je le ferai si je ne te connaissais pas aussi bien.
— Je sais pas… je voudrais l’inviter au resto…
— Et l’insulter ?
— Non ! Justement… l’inviter pour de vrai et me comporter de manière normale, correcte.
— Je sais pas si elle accepterait… tu l’as quand même traumatisée la dernière fois.
— Et si je vous invitais toutes les deux, comme ça, elle serait rassurée… ?
— T’as intérêt à choisir un restaurant qui en jette pour marquer le coup.
— Tu viendrais ? Tu m’aiderais ?
— Je te promets rien, ça se trouve ça ne marchera pas, mais je veux bien t’aider à organiser ça. Je… je m’arrangerais avec Annabelle pour qu’elle vienne aussi. Et puis au moins, on mangera à un très bon restaurant !
— Ok ok… j’ai compris pour le très bon restaurant, je ne te décevrai pas.
— J’ai hâte alors.

*

— Ah au fait, depuis quand Annabelle à une montre… ? C’est nouveau ça ?
— Ah ! Tu l’as remarquée ! C’est mon cadeau pour nos un an de rencontre !
— Je comprends mieux…
— C’était trop mignon quand elle a découvert la surprise, quand elle a ouvert la boîte, et puis je l’ai mise à son petit poignet tout doux, ah… !

Marianne partait souvent en mode super gaga et amoureuse d’Annabelle.

— Arrête, je vais vomir.
Rétorqua Duncan, pour l’embêter.

*

— Ah, j’avais pris cette photo de vous deux au dernier gala, vous étiez ravissantes, je te l’envoi.

— Hm… ? Tu t’amuses à nous espionner maintenant ?
Dit Marianne dubitative.

Lorsqu’elle reçut la photo, elle se figea.

— Quelque chose ne va pas… ?
Demanda Duncan, inquiet d’avoir fait une bêtise.

— Non, enfin si…. mais elle est trop bien cette photo. Merci ! Je vais l’envoyer à Annabelle ! Elle va adorer ! On a très peu de photos toutes les deux ensemble. Tu sais que je ne suis pas fan de selfie.
— Ah, ça me rassure qu’elle te plaise.
— T’en as d’autres ?
— Ca va pas ? J’ai pas passé la soirée à vous espionner comme un paparazzi non plus.
— Hm… c’est vrai. En tout cas, merci pour celle-ci !
— Elle est un peu floue mais on vous reconnait bien dessus.
— Hop, sur mon fond d’écran.
— Je n’ai pas les mots, Marianne.
— Bah quoi, on est trop belles dessus ! Surtout Annabelle !

*

Annabelle reçut la photo et elle était en admiration devant Marianne. Elle était dans sa superbe robe noire et Annabelle devait reconnaître qu’elle n’était pas mal non plus dans cette robe blanche. Elle ne se reconnaissait pas mais la photo était vraiment sympa.
Sans un mot, elle l’enregistra pour la mettre sur son fond d’écran de portable.

*

Marianne lui glissa par la suite que la photo avait été prise par Duncan.
Annabelle ne réagit pas.
Depuis qu’elle était avec Marianne, elle arrivait à intégrer que Duncan n’était pas le personnage odieux qu’elle s’était fait à cause de lui-même.
Marianne enchaîna en lui proposant d’aller au restaurant.
Ce n’était pas rare qu’elles aillent toutes les deux au restaurant, mais cette fois-ci, elle lui proposa de remettre les fameuses robes dans lesquelles elles étaient très bien. Elle prévint Annabelle que c’était réservé pour une date ultérieure mais Marianne avait l’air joyeuse et semblait avoir hâte de pouvoir reporter cette tenue.
Cette bonne humeur était communicative.
Ce qu elle omit de dire, c’était qu’il y aurait Duncan.

*

Le jour J arriva.
Annabelle et Marianne se rendirent à l’adresse.
Le sourire sur le visage d’Annabelle disparu lorsqu’elles arrivèrent à leur table et que Duncan y était assis.
Elle se figea et fixa Marianne dans les yeux.
Il se leva pour les saluer et prit la main d’Annabelle pour l’embrasser avant de retourner s’asseoir.
Annabelle resta fixe.
Elle ne savait pas si elle devait prendre ses jambes à son cou, vomir l’estomac vide, ou… non, elle ne savait pas ce qu’elle devait faire.
Marianne était encore à ses côtés, et la rassurait.
Annabelle ne savait pas quoi penser. Est-ce que c’était une trahison ? Oh, elle comprenait enfin. Marianne voulait l’aider à se réconcilier avec Duncan. Chose qu’elle ne lui avait jamais demandé pour une très bonne raison. Qu’elle n’en avait aucune envie.

— C’est lui qui a réservé dans ce restaurant… ce n’est pas facile d’avoir une table ici, je ne pouvais pas refuser… puis tu verras, ça sera super bon.
Lui chuchota Marianne en messe basse, en essayant de lui faire avaler la pilule.

Il était trop tard de toute façon. Elles avaient déjà fait tout le trajet et elles étaient habillées pour l’occasion.
C’était une table ronde, Annabelle éloigna sa chaise au maximum de Duncan pour se coller à Marianne.
Duncan évita de faire des remarques et se comporta de manière remarquable tout le reste du repas.
Annabelle n’était pas à l’aise, mais au cours du repas, elle réussit à se détendre et oublier Duncan.
Sa crainte qu’il se mette à prononcer des mots désagréables, qu’il commence à l’insulter, était encore présente, mais lorsqu’elle se rendit compte qu’il s’exprimait de manière normale, qu’il était une toute autre personne.
Elle réussit à estomper cette mauvaise image qu’elle avait de lui.

Il avait choisi un très bon vin et Annabelle avait déjà fini son verre.
Il était sur le point de la resservir lorsque Marianne posa sa main sur le dessus du verre pour l’en empêcher.
Elle regarda Duncan dans les yeux.
Annabelle avait déjà les joues rosies, et était un peu plus joyeuse que d’habitude.
Elle ne comprit pas la réaction de Marianne et se tourna vers elle, comme un enfant qui réclamerait plus.

— Non, Annabelle. Tu as déjà assez bu…

Duncan reposa la bouteille.
Annabelle boudait pour la forme, mais au fond d’elle, elle savait que Marianne avait raison. Elle ne se rendait parfois pas compte qu’elle avait déjà trop bu.
Si elle pouvait éviter d’être malade, c’était toujours ça de pris.
Duncan voyait que Marianne avait changé.
Elle qui était de nature festive et à boire au delà du raisonnable, elle était devenue plus responsable.
Ils ne buvaient jamais trop au point de se mettre en danger, surtout qu’ils conduisaient tous les deux, mais cela lui faisait quelque chose de la voir si attentionnée avec Annabelle.
Marianne jouait le rôle de mentor, de maman, mais également d’amante.
Il la voyait expliquer à Annabelle l’utilisation des nombreux couverts autour de l’assiette.
Elles avaient choisi des plats différents et elle faisait goûter à Annabelle ceux qu elle avait prit, et Annabelle lui faisait également goûter les siens.

Il se sentait effectivement de trop à cette table.
Il serait bien parti mais il découvrait Annabelle et la personne qu’elle était.
Un peu maladroite, réservée, mais elle avait quelque chose d’attendrissant, elle rayonnait aux côtés de Marianne.
Cela lui ouvrit les yeux sur ce qu’étaient des sentiments profonds et sincères. Il voyait à quel point Annabelle aimait Marianne, et à quel point elle lui faisait confiance.
Rien n’aurait laissé deviner qu’elle était une humaine de compagnie. Elle ne jouait pas de rôle, elle était vraie et naturelle.
Il se méprenait sur la relation que pouvait avoir un humain de compagnie. Il se doutait que tous n’avaient pas la chance d’être dans une relation aussi agréable.

Perdu dans ses pensées, Marianne s’arrêta pour l’observer et lui fit remarquer qu’il avait une tâche sur la joue, dû à de la sauce, en lui montrant sur son propre visage.
Il ne comprit vraiment pas.
Annabelle prépara sa serviette.
Il fut encore plus surpris.

*

Le repas se déroula mieux que prévu.
Duncan prit la parole à quelques reprises pour raconter quelques annecdotes, l’ambiance était agréable, douce. Annabelle avait du mal à y croire, du mal à croire que Duncan soit si différent de ce qu’elle pensait de lui.
Il recommanda quelques plats, et également les desserts. Plutôt à l’aise dans cet environnement, il prenait les devants. Accompagnant Annabelle et Marianne dans leurs choix.
Annabelle restait collée à Marianne, n’osant pas croiser le regard de Duncan.

*

Après cet épisode, Marianne avait plaidé pour Duncan auprès d’Annabelle, elle avait fini par lui dire que ça allait mieux. Qu’effectivement, il pouvait se comporter normalement et c’est ce qui la choquait à présent.
Elle avait promis à Marianne de faire un effort et ne pas l’éviter de manière aussi évidente, et qu’elle serait moins désagréable ou froide avec lui.
Les occasions étaient juste rares.

Une fois, Marianne demanda service à Duncan d’aller chercher Annabelle et de l’emmener à une soirée. Elle avait une réunion importante et elle les rejoindrait plus tard.
Annabelle avait voulu rejoindre Marianne et l’attendre, mais elle avait insisté qu’ils profitent de la soirée, et qu’elle ne tarderait pas.
Annabelle savait que c’était une excuse et une occasion qu’ils se retrouvent tous les deux, même si le prétexte de Marianne tenait la route.

Ils se retrouvèrent tous les deux dans la voiture de Duncan.
Annabelle garda le silence. Ce n’était pas facile de ne pas faire la tête, constata t-elle.

— Ecoute… je suis vraiment désolé-

— Je sais… je le sais…
Répondit-elle, agacée. Elle avait déjà entendu ses excuses des dizaines de fois, voire plus. Cela lui rappelait qu’elle était rancunière et elle avait promit à Marianne de laisser une chance à Duncan de se racheter.

Duncan s’arrêta net. Il voyait et comprenait la réaction d’Annabelle, et son but n’était pas de la brusquer.
Il inspira et expira.

— Je sais que nous n’avons pas très bien débuté… est-ce qu’on peut recommencer sur des bases saines ? Je suis Duncan, un vieux de plus de 40 ans, qui se méfie un peu trop des gens mais qui tient énormément à ses amis. Notamment à Marianne, parce qu’il n’en a pas beaucoup, des vrais amis…

Il tendit sa main vers Annabelle, en guise de salutation.
Annabelle soupira et se tourna vers lui.
Il esquissait un sourire gêné.
Oui, cela serait gênant si elle refusait cette poignée de main.

— Annabelle… une gamine de 25 ans qui a vendu son humanité mais qui a reprit goût à la vie grâce à Marianne…

Elle tendit timidement sa main, en se forçant à regarder dans les yeux Duncan.
C’était une symbolique importante. Ils se considéraient d’égal à égal, et elle savait qu’il avait raison. Ils devaient repartir de zéro et apprendre à se connaître vraiment.

— Enchanté, Annabelle. Marianne m’a confié la mission de t’accompagner à la soirée, je suis également invité. Nous pouvons l’y attendre là-bas.

Duncan s’installa un peu plus confortablement dans son siège, rassuré que sa démarche n’ait pas été un total échec, et il démarra la voiture.
Annabelle acquiesça sans un mot.

Arrivés, Annabelle le suivit et ils entrèrent dans l’hôtel où se tenait la réception.

— Au fait… si tu pouvais laisser tomber le vouvoiement pour moi… ça me file un coup de vieux… puis tu tutoies Marianne avec qui je partage le même âge.
— Ah…
— Je te tutoie aussi… ça me met un peu mal à l’aise d’avoir une sorte de supériorité vis à vis de toi. Je ne suis pas ton patron.

— Encore heureux…
Lâcha Annabelle, sans faire attention à ce qu’elle disait.

— P-pardon !
S’excusa t-elle immédiatement. Sa pensée avait dépassé son esprit et elle avait prononcé ces mots.

— Haha, pas de problème, je préfère que tu sois à l’aise pour me dire ce que tu penses. Marianne a toujours fait ainsi, et ça me convient parfaitement.

Duncan réussit à se détendre et la rassura.

— B-bien…
Bafouilla Annabelle, un peu surprise de sa réaction.

Il commençait à avoir beaucoup de monde, les invités arrivants à peu près tous en même temps.
Duncan et Annabelle se retrouvèrent rapidement encerclés et les déplacements se firent plus difficiles avec les nouveaux arrivants, dans la pièce près de l’entrée.
Duncan dut s’interposer pour qu’Annabelle ne se fasse pas bousculer et il la rapprocha légèrement de lui, pour éviter qu’elle ne percute quelqu’un par mégarde.

— On va aller un peu plus loin, ça devient trop dense par ici.
Dit-il, en l’invitant à le suivre. Il attrapa deux verres de cocktail au passage et s’installa sur un bout de banc capitonné au fond de la seconde pièce, qui était beaucoup moins remplie.

— Tu sais, je traite plutôt bien mes employés… contrairement à ce que tu pourrais penser.
S’exprima Duncan, qui essayait de rétablir la vérité. Un peu gêné de devoir se justifier.

— Ca me rassure que Marianne n’ait pas un tyran parmi ses amis proches…

Annabelle avait des mots acérés qui se plantaient profondément dans la poitrine de Duncan.

— Es-tu aussi intransigeante avec Marianne ?
— Non… pas autant… mais Marianne est parfaite.
— Ah ah ah. Tu ne la connais pas aussi bien que moi. Si tu savais comment elle était quand elle avait ton âge… même plus jeune que ça.
— Je veux bien plus de détails.
— Elle ne t’a jamais raconté son passé… ? Comment elle en est arrivée là… ?

Annabelle dut répondre à la négative, un peu plus sur la réserve.
Duncan se fit alors une joie de lui raconter quelques anecdotes.

*

— Pourquoi autant de méfiance… ? Il s’est passé quelque chose… ?
Finit par demander Annabelle, à Duncan.

Elle avait réussi à se sentir plus à l’aise depuis qu’il avait prit la parole en racontant son passé avec Marianne. Elle le découvrait sous un nouveau jour. Il était plus sympathique et agréable.
Elle pouvait enfin se décrisper et avoir une conversation presque normale avec lui.
Cette question lui taraudait depuis le début. Depuis qu’il avait dit qu’il était méfiant, et sa méfiance l’avait poussé à traiter Annabelle comme un vulgaire insecte. Cela dévoilait quelque chose.

Duncan inspira un grand coup, observa Annabelle qui semblait curieuse de savoir pourquoi, et il lui devait bien ça, au moins. Alors il lui raconta dans les grandes lignes.

*

Duncan avait été jeune et il avait été amoureux.
Lors d’une soirée organisée par son école, il avait rencontré une jeune fille qui était étudiante dans un autre cursus, et ça avait été le coup de foudre.
Ils avaient rapidement commencé à sortir ensemble.
Ce n’était pas étonnant ni étrange, les couples se faisaient et se défaisaient dans ses milieux là
Ils étaient tous des fils et des filles de gens qui avaient plus ou moins réussis dans la vie, de quoi permettre à leurs enfants de fréquenter ces établissements qui demandaient des frais de scolarité hallucinants pour un employé moyen.
La jeunesse faisant que chaque personne profitaient surtout de l’instant présent, des sentiments amoureux, des plaisirs de la chair, etc.

Duncan découvrait sa première relation amoureuse et il était fou de sa copine. Il la trouvait ravissante, son coeur s’emballait à chaque fois qu’il la voyait où qu’il pensait à elle. Elle était parfaite à ses yeux.
Ses sentiments ne l’avaient pas fait quitter la terre ferme lorsqu’elle lui avait suggéré d’arrêter d’utiliser des préservatifs lors de leurs relations intimes.
Duncan était encore un jeune étudiant et il ne se voyait pas devoir assumer des responsabilités de parents si jamais il mettait par erreur sa copine enceinte.
Il l’aimait mais c’était trop risqué, sans oublier les maladies sexuellement transmissibles, même s’il avait confiance en elle. Il se souvenait avoir eu une discussion sérieuse avec elle à ce sujet. Il lui avait expliqué calmement qu’il l’aimait de tout son coeur, mais qu’il préférait jouer la carte de la sécurité et d’attendre la fin de ses études pour peut-être, envisager des projets plus sérieux comme un engagement, des fiançailles.
Cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille mais sa copine n’avait pas eu d’argument pour s’y opposer et elle avait accepté sa décision sans broncher.
Ils étaient jeunes et il avait mis ça sur le fait qu’elle n’avait peut-être pas réfléchi à cette éventualité.
Elle lui assurait de prendre la pilule.
Quoi qu’il en soit, Duncan préférait assumer sa part de responsabilité en terme de contraception, et suggérait même à sa copine d’arrêter la pilule.
Elle n’avait pas remis le sujet sur le tapis.

Quelques mois plus tard, elle avait déjà rencontré ses parents et elle avait été parfaite. Ses parents l’adoraient.
Un jour, Duncan remarqua des relevés sur son compte bancaire un peu inhabituels. Il n’avait jamais fais plus attention parce qu’il n’avait pas besoin de vérifier son solde régulièrement. Cependant il trouvait étrange que le total baissait et que son relevé lui affichait des retraits et de dépenses qu’il n’avait jamais effectué.
En remontant les informations, il remarqua que cela faisait plusieurs semaines que c’était ainsi.
En vérifiant dans son porte-feuilles, sa carte bleue était manquante. En premier lieu, il pensa qu’il avait dû se faire voler ou faire tomber sa carte quelque part.
Puis il se fit la remarque que c’était étrange, parce qu’il fallait connaître le code. Puis en second lieu, il savait qu’il était possible de payer sur des sites internet sans connaître le code de sa carte.
Il téléphona à sa banque pour faire opposition et bloquer tout de suite sa carte bancaire et n’y prêta pas plus attention.
Plusieurs jours plus tard, il aperçut sa copine fouiller dans la poche de son manteau, et lorsqu’il lui fit remarquer, elle sursauta.
Il était dans le déni, une petite voix lui disait que quelque chose clochait mais il préférait ne pas y croire.
Lorsqu’il lui demanda ce qu’elle faisait, elle n’arriva pas à le justifier d’une manière naturelle.
Alors il dut accepter la vérité.

C’était elle qui lui avait volé sa carte bleue.
Il essaya de croire qu’elle avait des problèmes d’argent , qu’il lui fallait juste demander, parce qu’en réalité, ces sommes d’argent étaient insignifiantes pour lui. Il lui aurait juste fallu qu’elle lui en parle en amont, et il lui aurait fait un virement sans se poser de questions. Il était amoureux à ce point.
Prise en flagrant délit, elle n’arrivait plus à maintenir le rôle qu’elle jouait.
Il ne l’avait pas venue venir, et elle mit fin à leur relation.
Il n’en revenait pas. Tout se passait si bien à ses yeux, il pensait que ses sentiments étaient réciproques, qu’ils vivaient le grand amour, mais tout se brisa en l’espace de quelques minutes, à peine une heure.
Elle était partie en lui disant que c’était fini.
Il n’avait rien pu faire pour la retenir.
Il était dévasté.
Il pensait qu’en patientant quelques jours, cela aurait eu le temps de décanter et qu’il aurait pu rediscuter avec elle, mais à peine une semaine plus tard, il apprit qu’elle était déjà en couple avec quelqu’un d’autre.
C’était une seconde déception.
Il dut voir la vérité en face et accepter que c’était bel et bien fini. Alors qu’il se remettait de cette séparation abrupte. Il avait dû garder la face devant ses amis et ses camarades de classes. Paraître impassible et juste leur dire que c’était fini. Que c’était ainsi.

Marianne était sa confidente et il lui avait raconté toute l’histoire avec les détails et ses soupçons.
Elle était également allée enquêter en posant des questions à ses connaissances à propos de cette fille. Ils avaient découvert qu’elle n’était pas d’une école affiliée aux soirées, que c’était une amie d’une amie qui avait été conviée et que son visage d’ange l’avait aidée à passer inaperçu dans leur milieu. Ainsi que ses belles robes. Elle savait se mettre en valeur.
Ils apprirent peu de temps après qu’elle était engagée avec son nouveau copain et qu’elle était potentiellement enceinte.
Duncan avait eu du mal à digérer cette information.
Il était encore amoureux d’elle mais il voyait maintenant plus clair dans son jeu.
Il avait été assez responsable pour ne pas devoir s’engager avec elle mais une partie de lui-même regrettait que cela se soit terminé ainsi.
Il se sentait également désabusé. Elle avait joué avec lui et ses sentiments. Elle n’avait rien ressenti pour lui. Elle ne s’intéressait qu’aux choses matérielles.
Il se disait que le garçon qui était son nouveau copain et qui l’avait vraisemblablement mis enceinte, était qu’un idiot, qu’il se faisait berner.
Cependant, ils avaient l’air de former un couple heureux et épanoui.
Il avait fait tourner le scénario dans tous les sens dans sa tête, il s’était torturé jour et nuit, pour finalement se dire qu’il n’enviait pas cet homme.
Il n’avait aucune envie de devenir père à un si jeune âge, et surtout pas avec une femme qui n’avait pas été honnête avec lui.
Si elle avait besoin d’argent pour une quelconque raison, il lui aurait donné volontiers. Mais elle n’avait même pas abordé le sujet avec lui.

Marianne lui avait tenu compagnie de nombreuses soirées chez lui, pour éviter qu’il ne fasse une bêtise.
Elle avait du le supporter, dans tous les sens du terme, et elle l’avait raisonné.
Les peines de coeur pouvaient être très douloureuses.

Cette première histoire l’avait vacciné des relations amoureuses. Pour oublier et ne plus y penser, il s’était donne coeur et âme dans son cursus scolaire.
Marianne avait quitté l’année d’après, leur école.
Même s’il lui avait fait réfléchir à deux fois, parce qu’il craignait qu’elle fasse une erreur en partant.

La seconde fois qu’il fit confiance à une femme, c’était des années plus tard.
Il avait obtenu son diplôme, et il avait pu se faire embaucher dans une grande entreprise pour faire ses preuves et voir de quoi était fait le monde du travail.
Etant le petit nouveau, beaucoup d’employés vinrent le saluer, lui souhaiter la bienvenue.
En peu de temps, il avait gravi quelques échelons et il avait une bonne réputation. Il était sérieux et travaillait efficacement et bien.
Cela ne passa pas inaperçu.
Une employée d’un autre service le remarqua.
Elle s’était hissée à son poste actuel mais elle sentait qu’elle ne pourrait pas monter plus haut.
Elle avait sentit que ce jeune avait du potentiel et elle fit en sorte de le croiser « par hasard » à de nombreuses reprises. Que ce soit à la cafétéria, le soir après la fin des heures de bureau.
Tout prétexte était bon pour faire connaissance.
Duncan ne vit rien arriver. Il tomba dans le panneau.
Il s’était aussi promis de laisser une chance aux femmes sans forcément penser qu’elles étaient intéressées.
Au tout début, il se laissa porter par cette relation sans se poser de questions. Il continuait d’être méfiant et ne voulait pas aller plus loin qu’une simple aventure.
Sa collègue semblait être du même avis et ils restèrent discrets sur leur relation charnelle au bureau.
Le temps passa et il finit par s’attacher à elle.
Contrairement à sa première copine, celle-ci ne mentait pas sur son identité. Elle avait une bonne réputation à son travail.
Il décida de lui faire confiance
Il lui proposa même d’emménager chez lui, pour essayer. Elle accepta avec joie.
Leur quotidien se passait à merveilles. Aucune dispute. Tout semblait parfait et il était finalement tombé amoureux d’elle. Elle ne fouillait pas dans ses affaires, et elle ne lui demandait pas de la couvrir de cadeaux.
Ce qui ne l’empêchait pas de lui offrir des présents qu’elle n’aurait pas osé s’offrir.
Puis, au bout d’un peu plus d’un an, il songea à l’épouser. Elle avait déjà rencontré sa famille et le courant était bien passé.
Tout se passait à merveilles mais il surprit une conversation où elle fit tomber le masque.
Elle jouait la comédie pour pouvoir profiter du salaire de Duncan et démissionner. Elle dévoila son plan et avoua qu’elle ne ressentait rien pour lui mais qu’il était le mari parfait pour avoir une vie douce et sans problème. Elle se vantait auprès de sa collègue qu’elle avait parié sur le bon cheval.
Ces mots blessèrent Duncan au plus profond de lui.
Il avait cru à la sincérité et l’honnêteté de leur relation.
Il n’avait rien contre le fait que sa compagne décide de quitter son poste, mais il aurait préféré qu’elle lui en parle, qu’elle se confie à lui.
Ce qui lui fit le plus de peine ce sont les mots qu’elle eut à son égard. Il pensait que ses sentiments étaient réciproques mais cette dure réalité lui tomba dessus.
Il voulait lui faire la surprise en allant la chercher après ses horaires de bureau, pour une fois qu’il finissait plus tôt. Il s’était rendu dans l’aile de son service et il avait surprit cette conversation.
Il fit demi-tour le coeur brisé.
Il eut une discussion sérieuse avec elle, quelques jours après. Il mettait fin à leur relation.
Depuis, il n’avait pas réussi à se lancer dans des relations sérieuses. Il eut des aventures d’un soir, des amourettes, mais il ne s’engagea pas, et les jeunes femmes qui lui tournaient autour n’insistèrent pas en voyant qu’il était hermétique à leurs avances.

Annabelle ne savait pas quoi dire après avoir entendu ces anecdotes au sujet de Duncan.
Elle se sentait terriblement désolée, attristée qu’il ait eu ce genre de mésaventures. Elle comprenait mieux sa réaction lorsqu’elle rencontra Marianne et qu’elle commença à vivre avec.
Mais elle n’était pas comme les ex de Duncan.

Il vit qu’elle était dépitée, cela se voyait clairement sur son visage qu’elle n’arrivait pas à trouver les mots pour le consoler.
Cela le fit sourire. Elle était effectivement adorable, comme Marianne lui rabâchait régulièrement.

— Ne t’inquiète pas, c’est du passé, je vais beaucoup mieux maintenant !
Rit-il, pour détendre l’ambiance maussade qu’il avait installé à cause de ses histoires.

— Je… je ne ferai jamais de mal à Marianne… en tout cas pas intentionnellement…

— Je le sais, maintenant.
Sourit-il, en la rassurant.

C’était nouveau pour lui de discuter avec quelqu’un de désintéressé par lui, qui ne cherchait pas à lui plaire ou qui ne pensait pas à mal.
Il comprenait de mieux en mieux pourquoi Marianne s’était tant attachée à Annabelle.
Elle avait une aura bienveillante, reposante.

— Et toi… ? Ca ne te pose pas problème que… Marianne…
Demanda Duncan, ne sachant pas comment aborder le sujet.

Il espérait qu’Annabelle comprenne sans qu’il ait à prononcer la question complète, mais elle ne comprit pas le sens ni où il voulait en venir.

— Marianne… ?
— Et bien… Qu’elle t’apprécie autant… ? … Qu’elle aime les femmes…

— … Ah bon… ?
S’étonna Annabelle.

Elle ne s’était jamais réellement posée la question. Elle aimait Marianne de tout son coeur, mais elle n’avait pas réfléchi à la nature de ses sentiments, ni ceux de Marianne. Elle était un peu candide et elle pensait qu’elles étaient juste des amies très proches.

— Tu es sérieuse… ? Attends… vous dormez dans le même lit, non… ? Ca ne t’a jamais effleuré l’esprit… ? Vous n’avez pas encore… ?

Duncan en tombait des nues. Il n’arrivait pas à croire Annabelle. Il se demandait si elle se moquait de lui.

— Oui… enfin, on dort ensemble… mais c’est tout… on a pas encore quoi… ?

Annabelle avait du mal à suivre les sous-entendus de Duncan et il dut la croire sur parole. Elle ne comprenait pas ce qu’il lui disait.
Il se mit à rire aux éclats.
Annabelle le regardait les yeux écarquillés.
Elle attendit qu’il reprenne son souffle et que son fou rire passe.

— Qu’est-ce qu’il y a de si drôle… ?
Demanda t-elle, vexée.

— Votre relation… ! Marianne… ! C’est la meilleure… !

Duncan essayait de respirer correctement, à moitié encore plié en deux.

— Vous n’avez pas encore couche ensemble… ?
— On dort ensemble… oui ?
— Non non, je veux dire, faire l’amour !

— Q-quoi… ?!
Bafouilla Annabelle, les joues rouges.

Duncan se remit à rire, il essayait de se retenir.

— Ok, d’accord. Excuse-moi, je ne vais pas te poser d’autres questions indiscrètes. Ca ne me regarde pas. J’étais juste certain que vous étiez amantes. Ca me surprend juste un peu que ce soit simplement platonique entre vous…
Dit-il en essuyant les larmes au coin de ses yeux.

Annabelle ne savait plus où se mettre.
Elle n’avait jamais songé à être plus intime avec Marianne.
Marianne n’avait jamais fait un geste dans ce sens là, peut-être parce qu’elle n’en avait pas envie elle-même. Ou alors elle attendait un pas de la part d’Annabelle.
Elle était en train de se torturer l’esprit.
Marianne était trop gentille et elle n’aurait pas forcé Annabelle ni cherché à la mettre mal à l’aise concernant ce sujet.
Elle ne s’était jamais demandée si Marianne aimait les femmes. Elle n’avait rien vu venir.
Et puis, finalement, est-ce que cela changeait quelque chose par rapport à ce qu’elle ressentait ? Non, elle n’allait pas changer son comportement juste avec ce détail. N’empêche que cela lui trottait dans un coin de la tête.

*

Duncan et Annabelle avaient fini par sympathiser, et discutaient gaiement dans leur coin.
Marianne était finalement arrivée, une bonne heure après.
Elle avait pu s’apprêter et elle les cherchait du regard.
Quelle fut sa surprise lorsqu’elle les vit assis l’un à côté de l’autre. Plus proches physiquement que ce qu’elle aurait cru.
Duncan faisait attention à garder une certaine distance pour ne pas toucher Annabelle, pour éviter de lui rappeler de mauvais souvenirs, mais elle semblait avoir déjà fait table rase de leurs différends.
L’alcool aidant à la rendre un peu plus joyeuse que d’habitude.
Lorsqu’elle vit Marianne, elle lui fit de larges signes, un sourire radieux sur son visage. Son monde semblait s’être illuminé à la vue de cette personne.
Marianne vint s’asseoir à côté d’Annabelle, qui se blottit dans ses bras.
L’alcool lui faisait cet effet, elle avait envie de se coller contre la personne chère à son coeur, la prendre dans ses bras et lui dire à quel point elle était heureuse à ses côtés. C’était embarrassant.
Marianne se pencha pour lui rappeler gentiment à voix basse qu’elles étaient en public.
Annabelle se redressa, gênée, et s’excusant à demi-mot.
Duncan eut un sourire moqueur.

Annabelle n’avait pas l’habitude de boire et la dernière fois, il se souvenait qu’elles étaient rentrées sous l’injonction de Marianne.
Annabelle resta silencieuse.

— Depuis quand vous êtes les meilleurs amis du monde ?
Demanda Marianne, taquine et un peu jalouse.

Elle ne cacha pas cette pointe dans sa poitrine lorsqu’elle les vit échanger des sourires, assis comme un couple en train de flirter sur un banc.

— On faisait juste connaissance, rien de plus. Tu sais bien que c’est toi dans le top de mes amis.
Se justifia Duncan, sur ses gardes.

— Flatteur. Vous avez pu faire un tour ? Il y a des canapés dans les salles un peu plus loin.

— Pour s’asseoir… ?
Demanda Annabelle, incertaine. Ils étaient déjà assis.

— Pour manger.
Sourit Marianne, en mimant un amuse-bouche invisible qu’elle tenait au bout de ses doigts, pour le mettre dans sa bouche.

Annabelle baissa la tête une seconde fois, les oreilles chaudes. Elle se sentait bête.
Duncan n’osa pas se moquer. C’était mignon.
Marianne n’y prêta pas attention et invita Annabelle à se lever, en lui tendant son bras pour qu’elle puisse s’y accrocher.

— Tu n’es pas obligé de nous suivre, Duncan. Va donc aborder quelqu’un. Ce n’est pas comme ça que tu vas trouver l’amour !
Dit Marianne, sans aucun scrupule.

— Dis tout de suite que je vous gêne… et j’ai tiré un trait sur l’amour. Un petit vieux comme moi, je ne me fais pas de faux espoirs.
Soupira t-il.

— Ne sois pas aussi négatif, tu ne fais pas si vieux. T’es encore un jeune vieux. Et moi, regarde, la chance m’est bien tombée dessus. Il suffit juste de lui donner un petit coup de pouce.

*

La soirée se déroula à merveilles et Annabelle salua Duncan avec un grand sourire joyeux, avant qu’ils ne se séparent.

Le lendemain, Marianne lui rappela cela, elle se remémora ces instants un peu gênant.
Finalement, Duncan n’était pas si méchant.
Et elle avait peut-être un peu trop bu.

2022.03.06

Savon [R-18]

Annabelle avait réfléchi aux paroles de Duncan au sujet de la nature de sa relation avec Marianne.
Elles étaient très proches.
C’était indéniable, et Marianne était attentionnée, douce, gentille, tout ce dont Annabelle n’avait jamais rêvé et elle essayait de lui rendre toute cette gentillesse chaleureuse qu’elle lui donnait chaque jour, sans trop comprendre si c’était de l’amour.
Quand elle retournait cette question dans sa tête, cela devait être de l’amour mais était-ce l’amour charnel que Duncan pensait ?
Elle n’avait jamais eu de relation amoureuse avant et elle se demandait si ce qu’elle ressentait était vraiment ça.

Elle avait plus de 25 ans et elle ne savait pas ce que c’était, elle était encore vierge et elle avait l’impression d’être qu’une simple enfant, c’était ridicule.
L’alcool consommé durant la soirée n’aidant pas, elle se sentait bizarre.
Sur le chemin du retour, elle observait le dos de Marianne, puis la main dans la sienne, elle avait le coeur qui battait plus fort, elle avait du mal à respirer.
Les mains douces et chaudes de Marianne qui serraient ses doigts juste assez pour la faire sentir vivante, la faire sentir qu’elle tenait à elle.
Elles arrivèrent enfin chez elles, et Marianne se retourna pour voir Annabelle.

— Tout va bien.. ?

Elle avait remarqué que quelque chose n’allait pas.
Elle s’approcha de sa protégée, beaucoup trop proche pour Annabelle dont le coeur s’emballa et les joues s’empourprèrent.
Marianne lui releva avec douceur son petit menton pour mieux observer son visage.
Annabelle en avait les larmes aux yeux, elle n’osait pas regarder Marianne mais elle fixait ses lèvres, des lèvres qui ne demandaient qu’à être embrassées, peut-être était-ce ce que Marianne attendait depuis si longtemps.
Elle n’avait jamais brusqué Annabelle mais peut-être qu’elle espérait un signe de sa part.
Et Annabelle n’avait jamais fait ca, et si elle faisait mal ?
Ses yeux croisèrent ceux de Marianne qui la regardait sans comprendre.
Il fallait qu’elle se lance.
Elle se hissa sur la pointe de ses pieds pour lui poser un baiser timide, qu’elle fit à moitié sur sa bouche.
Marianne se figea, elle resta sans bouger, interloquée.

— Tu… tu as trop bu… ?
Demanda Marianne, qui n’y croyait pas.

— Non… !
S’exclama Annabelle, vexée.

— Tu viens… de m’embrasser… ?

Marianne toucha ses lèvres du bout de ses doigts, comme pour attester de la véracité de ce geste.

— Oui… je ne devais pas… ?
Se questionna Annabelle, maintenant inquiète d’avoir fait une bêtise.

Marianne sourit et s’approcha d’Annabelle pour la rassurer.
Elle fléchit les genoux pour se mettre à sa taille et lui sourit avec tendresse.

— Je vais te montrer comment on fait.
Dit-elle, amusée.

Elle s’approcha alors jusqu’à ce que ses lèvres touchent celles d’Annabelle.
Puis elle entrouvrit les siennes, l’embrassa plusieurs fois et celles d’Annabelle finirent par naturellement s’ouvrir, laissant place à Marianne d’y engouffrer lentement sa langue pour y chercher celle de sa compagne.

C’était nouveau pour Annabelle.
La sensation humide, douce et tiède de la langue de Marianne dans sa bouche, contre ses lèvres, cela lui faisait comme une boule chaude au creux de son ventre, comme si elle allait imploser de bonheur.
Quelle étrange émotion.
Après ces quelques minutes de moment très agréable, elle était essoufflée et Marianne avait le sourire jusqu’aux oreilles.

— Alors… comment c’était… ?
Demanda Marianne, curieuse.

— Je… plus… ?
Sembla supplier Annabelle.

Marianne éclata de rire.

— Si ça ne te dérange pas, et si on allait se brosser les dents et se doucher, avant de continuer… ?

Annabelle acquiesça et Marianne lui tendit la main pour qu’elle la suive jusqu’à la salle de bain.
Les vêtements et les sous-vêtements étaient par terre.
Les dents propres et l’odeur de dentifrice dans leur bouche, elles se glissèrent dans la douche, toutes les deux.
Marianne arrosa les pieds d’Annabelle avec l’eau pas encore assez chaude, ce qui la fit rire et en même temps Annabelle bouda.
Elles se rincèrent de la tête jusqu’aux pieds et elles se savonnèrent. Marianne ne résista pas à toucher la peau d’Annabelle qui était si blanche.

Après s’être rincée, Annabelle osa enlacer Marianne de tout son corps, collant sa peau tiède et propre contre celle de Marianne.
La poitrine d’Annabelle était douce et moelleuse et Marianne était électrisée.
Elle balada ses doigts sur les contours de ses formes, la faisant frissonner, et elle posa ses mains sur ses hanches, descendant jusqu’à ses cuisses puis elle regarda les réactions d’Annabelle.
Elle jaugea ses réactions et elle approcha ses mains de son entre-jambe.
Annabelle écarquilla les yeux.

— Je peux… ? Je vais y aller doucement, je te le promets.
Dit Marianne, les joues un peu plus roses.

Annabelle prit une grande inspiration et décida de lui faire confiance.
C’était la première fois qu’on la touchait à cet endroit.
Marianne s’approcha pour enlacer Annabelle, et l’embrassa tout en pénétrant tout doucement, lentement, le bout de ses doigts, qui avaient caressé avec précaution ses petites lèvres inférieures avant de trouver l’entrée, et de s’introduire dans son intimité.
C’était terriblement doux, humide et chaud à l’intérieur.

Annabelle lâcha un petit gémissement de surprise puis de plaisir, elle ne pouvait s’empêcher de bouger légèrement des hanches, tout en se tenant à Marianne de peur de tomber à cause de ses genoux qui semblaient s’affaiblir à mesure que Marianne continuait son exploration, ses caresses internes.

Marianne profitait du spectacle, Annabelle respirait de manière étrange, elle réagissait et elle s’agrippait à elle. C’était délicieux à sa manière.
Elle finit par se retirer.
Laissant Annabelle haletante et presque déçue.

— On va se rincer une dernière fois, et se sécher avant d’attraper froid.

Annabelle n’avait pas d’autre choix que d’acquiescer.
Elles se séchèrent et elles se rendirent sur le lit de la chambre, toutes les deux nues.
Marianne baissa l’intensité de la lumière pour qu’il ne reste qu’un halo simple.
Elles s’allongèrent sur la couverture et Annabelle se colla contre Marianne comme pour lui supplier de continuer ce qu’elle avait commencé.
Marianne gloussa. Annabelle était trop timide pour le formuler.
Pendant que Marianne s’attelait à caresser et satisfaire Annabelle qui découvrait cette sensation de bien-être, Annabelle l’embrassait, puis elle finit par balader ses propres mains sur le corps de Marianne.
Timidement.
Marianne frissonna, ses mamelons se dressèrent et un courant électrique lui parcouru le long de son dos.
Lorsque Annabelle finit par arriver sur ses hanches, ses mains se posèrent entre ses cuisses, ses doigts fins étaient encore hésitants, elles cherchaient l’entrée, n’osant pas complètement.
Alors Marianne ne dit rien, et la laissa prendre son temps, le temps de découvrir le corps de Marianne et son intimité.
La curiosité la fit caresser chaque parcelle de sa vulve, jusqu’à ses lèvres, le clitoris. Elle avait la même chose mais en même temps c’était tellement différent.
Puis elle trouva l’origine de cette substance liquide qui s’écoulait de sa fente.
Elle y introduit avec une telle lenteur un premier doigt.
Marianne se contracta et s’arrêta un instant, pour savourer cet instant.
Annabelle ouvrit les yeux pour observer le visage de Marianne. Elle semblait apprécier ce qu’elle lui faisait.

2022.02.18

Réputation

Marianne avait emmené Annabelle avec elle à cette soirée professionnelle.
Elle voulait lui montrer et lui faire découvrir le monde dans lequel elle vivait, mais également montrer aux autres à quel point elle était épanouie d’être avec Annabelle. Elle n’avait aucune raison d’avoir honte d’elle. Elles avait passé un certain temps pour choisir une tenue adéquate.

Marianne portait une robe à grand décolté noire et longue, qui laissait apparaître ses épaules larges et son dos musclé. Des boucles d’oreilles longues et fines et un collier un peu plus large au ras du cou.
Elle avait coiffé ses cheveux en une queue de cheval haute, fluide et sombre qui retombait derrière elle.

Annabelle était dans une robe blanc cassé qui accentuait son teint pâle et la blondeur de ses cheveux.
Ceintrée comme il fallait à la taille, elle mettait en valeur sa poitrine généreuse sans trop en faire, la coupe de la robe était en col V, et des boutons en tissu descendaient jusqu’en bas.
Ses longs cheveux blonds étaient coiffés dans un style bohémien très léger.

Annabelle s’était accrochée au bras de Marianne et n’osait pas regarder les autres. Elle ne se sentait pas à sa place. Marianne la rassurait et lui rappelait qu’elle était très belle et qu’elle n’avait aucune raison de se cacher ni baisser la tête.
Tout était trop lumineux pour elle, les lustres, la moquette trop propre, les meubles vernis et brillants, les bijoux des invités qui scintillaient à la lumière, tout.
C’était trop luxueux que c’en était gênant.
Alors elle resta accrochée au bras de Marianne, de peur de se faire engloutir par cette foule qui semblait la juger.

Duncan faisait partie des convives, et il remarqua l’arrivée de ces deux femmes. Il sortit discrètement son téléphone pour prendre une photo d’elles.
Elles étaient toutes les deux sublimes et il savait que cela ferait plaisir à Marianne d’avoir une photo souvenir de cette soirée.
Depuis le dernier épisode où il avait merdé, il savait que Marianne était un peu en froid avec lui.
Surtout Annabelle qui faisait tout pour l’éviter et il ne pouvait pas lui en vouloir. Il savait qu’elle ne le portait pas dans son coeur et il resta à l’écart pour respecter cela. Il espérait au fond de lui qu’elle lui pardonne un jour. Il devait réfléchir à un moyen de se faire pardonner. Il s’éloigna en les laissant profiter de cette soirée sans lui.

*

Marianne avait dû s’éloigner et aller aux toilettes.
Laissant Annabelle seule sur le comptoir du bar.
Au bout de quelques minutes à peine, quelques hommes étaient venus l’aborder.
Ils connaissaient Marianne de loin, de réputation et ils n’auraient jamais osé s’approcher en sachant qu’elle était dans les parages, mais la petite perle qu’elle protégeait était maintenant seule et ils ne se gênèrent pas pour aller faire connaissance avec la jeune femme.
Annabelle paniqua. Elle ne savait pas comment réagir ni quoi dire sans la crainte de mal faire.
Les hommes étaient déjà un peu alcoolisés par la soirée et joyeux, ils lui forcèrent un peu la main pour la décoincer et qu’elle accepte de les suivre pour s’amuser plus.
Annabelle ne savait pas refuser sans paraître impolie.

Duncan avait repéré ces hommes et il cherchait des yeux Marianne en espérant qu’elle intervienne.
Malheureusement elle n’était pas à côté et il soupira.
Il devait faire quelque chose.
Il s’approcha d’Annabelle et jeta un regard noir aux hommes qui essayaient de l’emmener ailleurs.

— Est-ce que je peux vous aider, messieurs ?

Ils blêmirent et décidèrent de s’en aller.
Annabelle ne savait pas qui elle devait craindre le plus.
À la vision de Duncan, elle se crispa et n’osa pas le regarder. Cela lui rappelait trop de mauvais souvenirs.

— Bonsoir Annabelle… je ne vais pas t’importuner longtemps… où est Marianne ?
— Elle… elle est partie aux toilettes.
— Ah… l’appel de la nature… bon, je m’en vais dès qu’elle reviendra. Est-ce que je peux te commander quelque chose en attendant ? Je vois que tu n’as rien à boire.
— …
— J’imagine que tu n’as pas osé demander au barman ? Ou alors tu ne sais pas quoi choisir… ?
— Si c’est pour vous moquer de moi, je crois que je préfère encore la compagnie des autres hommes.

Elle n’y pouvait rien, ses poils se hérissaient à sa vue et à sa proximité. Cela lui rappelait les mauvais moments comme s’ils s’étaient déroulés la veille.

— Ecoute… je suis vraiment désolé pour ce que j’ai fait…
— Vous comprenez que je ne peux pas juste vous pardonner et oublier….

Elle savait et ce n’était pas la première fois qu’il essayait d’acheter son pardon, mais elle ne contrôlait pas ce qu’elle pouvait ressentir à son égard.

Marianne revint enfin et elle ne reconnut pas immédiatement Duncan de dos.

— Je peux vous aider ?
— Marianne.
— Duncan.
— Je vous laisse, bonne soirée.

Duncan s’éclipsa.

— Est-ce qu’il s’est passé quelque chose… ? Est-ce qu’il a fait quelque chose… ?
Demanda Marianne, inquiète.

— Non, enfin si… je me suis fait aborder par des hommes peu de temps après que tu sois partie… Duncan les a fait fuir…
— Je suis désolée, j’aurais dû-
— Non, ce n’est pas grave. Tu es là maintenant.

Annabelle sourit à Marianne, lui attrapa le bras à nouveau, et se colla à elle.
Elle ne voulait pas gâcher cette soirée.
Marianne serra la main d’Annabelle autour de son bras, et l’emmena ailleurs pour profiter de la soirée.

Elles burent quelques cocktails, grignotèrent quelques amuse-bouches.
Marianne présentait les invités les plus importants à Annabelle, de loin, racontant ce qu’ils faisaient et une partie de leur parcours.
Elles durent également saluer d’autres personnes importantes.
Annabelle était timide, elle avait l’impression que son statut était marqué au fer rouge sur son front.
Marianne la présentait pourtant comme sa compagne, sans entrer dans les détails.
Les interlocuteurs semblaient accepter cette présentation sans broncher, et ils la saluaient avec le même respect que pour Marianne, avant de s’éclipser retrouver d’autres personnes.

La soirée passa relativement vite.
Il y eut un discours, des verres à trinquer, une partie dansante avec de la musique classique, pour l’ouverture de la piste, puis progressivement la musique fut plus électronique et dans un rythme plus rapide.
L’acoustique avait été pensée pour que les salles adjacentes ne soient pas affectées par le bruit.

Elles s’étaient posées dans un fauteuil, profitant que la plupart des invités s’étaient orientés vers la salle dansante.
Annabelle était un peu fatiguée, c’était beaucoup d’émotions pour elle, et surtout beaucoup trop d’alcool, elle qui n’était pas tellement habituée à boire.
Le peu qu’elle avait grignoté n’avait pas réussi à éponger ce qu’elle avait ingéré en cocktails sucrés et alcoolisés.
Elle ne s’était pas rendue compte du taux d’alcool dans ses boissons.
Elle avait la tête qui tournait légèrement et elle commençait à s’assoupir.

— Annabelle… ?
Marianne l’interpellait pour la troisième fois.

— Hm… ?
Finit-elle par répondre, la tête posée sur l’épaule de Marianne, les yeux fermés.

L’effet inhibiteur décuplait sa sensation de bien-être et de bonheur aux côtés de Marianne. Elle se sentait comme dans du coton.
Elle était dans un état second.

— Tu es sûre que ça va… ?
S’inquiétait Marianne.

— Hm… oui… je me repose encore quelques secondes et on va aller danser…
— Je ne crois pas… On va rentrer… il commence à se faire tard.

— Oh non… pas maintenant…
Chouinait Annabelle, comme une enfant.

— Si si… tu n’es pas en état de danser de toute façon…

Annabelle essayait de tenir tête en insistant le contraire. Mollement.
Elle se releva et faillit perdre l’équilibre.
Marianne la rattrapa.

— Ca suffit maintenant… sois raisonnable.
Lui chuchota Marianne.

Essayant de ne pas la brusquer. Elle craignait qu’Annabelle fasse une scène mais elle se résigna et suivit Marianne en boudant.
Ce qui était une réaction plutôt attendrissante du point de vue de Marianne.

Dans la voiture, Annabelle s’endormit presque aussitôt, avec un sourire aux lèvres.
Marianne l’observait de temps en temps.
Elle espérait qu’Annabelle ait passé une bonne soirée et qu’elle en garde de bons souvenirs.

2022.02.08