Alcôve [R-18]

Elle avait accepté de visiter ce lieu qui l’intriguait.
Elle lui faisait confiance, étrangement.
Quelque chose en lui l’attirait, et elle n’avait pas encore mis le doigt dessus.
Après le repas, ils sortirent du restaurant et elle se sentit observée. Elle eut un frisson dans le dos.
Elle essaya de ne rien laisser paraître et elle se laissa tenter par sa proposition.
Il avait également ressentit quelque chose, faisant comme si de rien n’était, il s’approcha d’elle en prétextant qu’il avait peur qu’elle ne fasse un malaise.

— Mais non, je t’assure !
Avait-elle répondu, mais elle se sentait rassurée par la proximité de sa présence.

Elle ne savait pas si c’était une bonne idée de l’impliquer dans ses problèmes.
Elle le suivit sans trop rien dire, plus ils se dirigèrent vers des ruelles moins empruntées, et l’ambiance devint oppressante.
Vlad remarqua également cette situation anormale et la rassura.

— On sera en sécurité dans mon établissement.
Dit-il en pressant le pas.

Il la tenait par le bras puis lui attrapa la main pour courir sur les derniers mètres.
Il ouvrit la porte et la referma tout de suite derrière eux.

— Bonjour Vlad. Tu avais l’air bien pressé.
Dit une voix.

Il faisait noir et elle mit du temps à s’habituer à la luminosité basse de l’endroit.

— Bonjour, j’amène une amie.
— Je vois. Enchantée. Je suis la gérante. Mets-toi à ton aise.

Et elle les laissa.

— Bienvenue. On va monter à l’étage pour se déshabiller. On aura des paréos pour l’intérieur. Ça va aller ?

— Oui..
Répondit-elle encore haletante.

— Désolé de t’avoir fait courir. Tu sais qui ils étaient ? Pourquoi ils t’en veulent ?
— … Non. Je vais prévenir mes parents que je suis ici, ils risquent de s’inquiéter si je ne rentre pas.
— Ils auraient raison. Je te laisse quelques minutes, je reviens.

 

[J’ai été poursuivie en plein jour, je suis en sécurité pour l’instant. Je suis dans l’établissement où travaille Vlad : LunaVilla. Je rentrerai plus tard, ne vous inquiétez pas.]

 

[Papa insiste pour venir te chercher si besoin, n’hésite pas à me contacter dès qu’il y a du changement, ok ?]

 

[C’est compris. Je te tiens au courant.]

 

Ils se changèrent et se dirigèrent vers les installations. Il présenta les différents coins et lui demanda ce qu’elle préférait.
Ils entrèrent dans le hamman et il s’assirent côte à côte.
Une odeur de menthe était présente dans les goutelettes d’eau.
Il y avait peu de personnes et ils se mirent à chuchoter.
Ils n’étaient pas spécialement gênés par leur accoutrement.

— Qu’est-ce que tu en penses ?
— C’est sympa comme endroit. J’imagine que la nuit c’est une autre ambiance…
— Exactement. Je m’occupe généralement de la maintenance, de ramasser ce que les gens font tomber, ce genre de choses. En journée c’est plutôt calme, le matin ça l’est encore plus.
— Ça doit être reposant le matin.
— Je m’ennuierais presque, haha.

— Au fait, j’ai rencontré pas mal de membres de ta famille. La gérante que tu as vue, c’est ma tutrice. On peut dire que c’est comme une mère adoptive. Je ne me souviens pas de mes parents biologiques.
— Ah… je suis désolée…
— Tu n’as pas à être désolée, je le vis plutôt bien, ma tutrice Chloé, s’est bien occupée de moi, j’ai manqué de rien.
— C’est vrai que c’était un peu abrupt que tu rencontres ma famille de cette manière, excuse-moi…
— C’était plutôt drôle.
— Ma famille est drôle… ?
— En quelque sorte. Ça se voit que vous vous inquiétez pour les uns et les autres.
— Ah ça, oui… Je suis la cadette de la famille. J’ai un grand frère et le reste ce sont des cousins. Tu as presque rencontré tous mes cousins. Hélène a un frère jumeaux. Tu peux le croiser si tu passes la voir à sa boutique.
— En effet, c’est une grande famille. Rien à voir de mon côté haha !
— C’est un peu compliqué si on entre dans les détails. Techniquement Hélène est ma demi-soeur parce que nous avons la même mère.
— Ta mère est divorcée ?
— Non, c’est ce qui est complexe, haha. Elle est mariée à mon père mais a également un second conjoint : le père d’Hélène et Alain.
— Ok, je comprends mieux. Comment ça se passe dans la vie de tous les jours… ?
— Bien. Normal je dirais. C’est pas commun mais chez nous ça fonctionne.
— Ça explique pourquoi tu es tordue.
— Comment ca ?!

Et ils rirent ensemble.

— C’est vrai ? Je suis tordue… ?
— Non, tu es ouverte d’esprit je trouve. C’est une qualité. Et personnellement je te trouve très mignonne… Murmura t-il dans un souffle.

Elle rougit et voulut ajouter quelque chose mais le bruit que faisait le couple dans le hamman détruisit un peu l’ambiance.

— Si tu veux, on peut sortir prendre un peu l’air.

Elle accepta. Cela faisait un bon moment qu’ils étaient dans cette humidité.
L’endroit s’était un peu plus remplit et l’éclairage était tamisé, un peu sombre par endroit, créant une atmosphère propice au rapprochement corporel.
Certains étaient déjà en train de s’adonner au plaisir de la chair sur des canapés et divans.

— Il y a des alcoves où on peut être un peu plus tranquille si tu veux parler.
Ajouta t-il un peu gêné.

Elle regarda les différents couples d’un coin de l’oeil et suivit Vlad.
Il trouva une pièce encore vide dont la porte fermait et l’incita à entrer.
Elle n’avait pas peur. L’idée même de faire des choses ne lui avait même pas traversé l’esprit.
Il referma derrière elle, d’un bruit de clapet.
Puis se posa sur le matelas un peu froid.

— On ne sera pas dérangé comme ça.
Soupira t-il.

— Que penses-tu de l’endroit ? Pas trop étrange ?

— Ça va. C’est bien pensé… avec tout ce que vous mettez à disposition.
Dit-elle songeuse.

— Ce genre d’alcove, c’est pour être un peu plus à l aise, mais on peut également se donner en spectacle si on laisse la porte ouverte et les fenêtres. Certains aiment bien ça, ça ajoute un peu de piments.

Elle le fixait et il ajouta gêné.

— C’est pas ce que tu crois ! Je- je songeais pas à faire quelque chose avec toi ! Enfin c’est pas que j’ai pas envie- Enfin, si toi tu n’as pas envie ?

Elle pouffa de rire.

— Ah, mais pas du tout, en fait j’étais perdue dans mes pensées…
— Ah… ahaha… tu pensais à quoi ?
— Tes yeux. Ils sont beaux. Je peux m’approcher ?

— Euh, oui…
Répondit-il, pris au dépourvu.

Elle s’accroupit puis se mit à quatre pattes pour le rejoindre et se mettre au niveau de ses yeux.

— Leur couleur est si jolie…
— La couleur des tiens est beaucoup plus originale.
Trouva t-il à répliquer.

En effet elle avait un oeil bleu et marron.
Alors qu’ils se regardaient dans les blanc des yeux, à quelques centimètres l’un de l’autre.
Ils se jaugeaient du regard à se demander si c’était le bon moment pour s’embrasser.
Elle osa avancer ses lèvres et il répondit positivement à cette avance.
Il lui rendit avec plus de passion le baiser et glissa ses mains dans ses cheveux et l’allongea délicatement à ses côtés.

— T’es sûre ça va ?

Elle hocha la tête.

— Je préfère demander : est-ce que c’est ta première fois ?
— Non, ne t’inquiète pas. Et toi ?
— … Si. Même si j’ai vu faire de nombreuses fois…

Elle prit alors les devants.
Elle l’attrapa et lui montra ce qu’elle savait et son expérience en la matière.

— Tu hésites pas à me dire si tu aimes ou pas. Si ça te fait mal ou si au contraire tu veux que je fasses plutôt d’une autre manière, d’accord ?
— Je… d’accord.

Il ferma les yeux et profita du moment présent.
Il gémissait doucement et elle le trouvait extrêmement mignon.
Lorsqu’elle arrêta, il soupira.

— Ça allait… ?
S’enquit-elle.

— C’était extrêmement agréable.
Lâcha t-il.

— Tant mieux.
Sourit-elle.

Elle remonta et se positionna juste au dessus de lui.
Elle lui attrapa la hampe d’une main et la fit glisser en elle.
Il poussa un autre gémissement plus long.

— Hmmm… C’est trop agréable… !

Il avait l’air d’agoniser.

*

Après les efforts, ils s’allongèrent l’un à côté de l’autre.
Puis il la serra dans ses bras.

— Je peux te faire un câlin… ?
— Oui, bien sûr.

Elle attrapa ses mains et l’étreignit également à son tour.

— Où est-ce que tu as appris à faire ça aussi bien ?

— C’est un secret.
Répondit-elle espièglement.

Il avait la tête dans ses doux cheveux et respirait son odeur. Elle était alléchante.
Sa bouche près de sa nuque.
L’espace d’un instant, il eut envie de la croquer toute entière. Planter ses crocs dans sa gorge et goûter son sang, mais il prit sur lui.
Elle n’était pas une simple proie pour lui. Elle était spéciale et il avait envie de plus avec elle.
D’apprendre à la connaître mieux.
Elle se tourna vers lui, puis ils se fixèrent dans le blanc des yeux, une nouvelle fois.
Son regard s’arrêta sur sa nuque à lui, puis elle fit quelque chose d’incensé.
Elle se releva à moitié et l’embrassa à l’endroit où il l’avait mordue dans son rêve.
Puis elle fit mine de le croquer.

— Qu- qu’est-ce que tu fais ?!
Dit-il surpris.

— L’autre jour j’ai rêvé que tu me mordais à cet endroit. Bizarre n’est-ce pas ?

Il eut un silence puis il répondit.

— Et si je te disais que j’suis un vampire ?

Elle rit doucement.

— Et ? Est-ce que tu vas boire mon sang ?
Plaisanta t-elle.

— Pourquoi pas.

Il entra dans son jeu.

— Est-ce que ça te donnera des supers pouvoirs ?
— Non, ca sera juste pour te goûter.
— Je risque rien alors ?

Elle le cherchait.

— Je n’oserai pas, tu fais trop bien l’amour.

Elle explosa de rire.

— Tu me laisserais goûter ?
Demanda t-il.

— Pourquoi pas, monsieur le vampire.

Il la plaqua contre le matelas.

— Tu ne devrais pas rigoler avec ça. Je peux être dangereux.

Elle pensait qu’il continuait à jouer un rôle et restait encore souriante.
Il commença par s’approcher de sa nuque.
Ses lèvres se posèrent sur sa peau.
Elle frissonna au contact très léger et au souffle de sa respiration.
Lorsqu’il ouvrit la bouche, il lécha d’abord.
Elle ressentit un picotement, puis plus rien.
Comme s’il venait de lui anesthésier cette petite parcelle de peau.
Puis il vint planter ses canines pointues.
Elle n’avait pas le souvenir qu’il ait des dents aussi longues et pointues.
En effet, elles prenaient cette forme que dans certaines conditions.
Il lui couvrit la bouche avec sa main, l’empêchant de crier si elle l’avait voulu.
Elle poussa un gémissement de surprise, elle ne s’attendait pas à ce qu’il la morde vraiment, puis elle se rendit compte que ce n’était pas une morsure normale.
Elle sentit la pointe de sa canine s’enfoncer dans sa chair, sans aucune douleur.
Puis lorsqu’il retira ses dents, le flot de sang chaud s’écoula de la plaie. Elle eut le temps de ressentir l’écoulement le long de sa nuque un instant, avant qu’il ne boive une gorgée sans en gâcher une goutte.
Puis il lécha une seconde fois, qui cicatrisa les deux trous qu’il venait de faire.
Elle n’avait pas crié. Ses yeux écarquillés, elle le fixait et ne savait que penser.
Il lui restait une teinte rougeâtre sur ses lèvres.
Il se lécha les babines, laissant apparaître ses canines spéciales.

— As-tu peur ?

Elle fit non de la tête.

— Excuse-moi, ça aurait été embêtant si tu avais crié.

Il retira sa main.

— Qu’est-ce que tu m’as fait… ?
— J’ai juste goûté ton sang. Pas mauvais d’ailleurs.

Elle se releva et approcha sa main de son visage.

— Je peux toucher tes dents ?
— Tu n’as vraiment pas peur de moi ?

— Pourquoi j’aurais peur ?
Dit-elle en caressant ses dents une à une, puis arrêta son doigt sur une des canines encore pointue et aiguisée.

Elle voulut tester à quel point elle était coupante et son doigt commença à saigner.
Elle fit une grimace de douleur.
Il lui attrapa la main et suça son doigt.

— Tu joues avec le feu.
— Ta salive est anesthésiante ?
— Bien observé, petite curieuse.
— Qu’est-ce que tu vas faire de moi… ? Tu es vraiment dangereux ?
— Ça dépend. Je n’y ai pas encore réfléchi. Et toi, tu vas faire quoi ?
— Je ne sais pas… t’es un vampire ?
— En quelque sorte, on a des traits similaires à cette créature mythique mais pas totalement. On peut nous appeler comme ça.
— Est-ce que mon sang a un gout spécial ?
— Maintenant que tu le dis…
— Est-ce que vous vivez dans un autre monde parallèle ?

2018.07.08

Restaurant

Il la rejoignit devant un restaurant.

— Salut. T’es sûr que ça va ? T’es pas censée te reposer ?
Demanda t-il inquiet.

— J’suis costaud, j’suis presque guérie !
Dit-elle en faisant attention à ce qu’elle allait dire.

Elle était déjà guérie mais une humaine ne guérissait pas aussi rapidement.

— On va manger ? Je meurs de faim, sourit-elle à pleines dents.

Après s’être installés à une table elle commença la conversation pour détendre l’atmosphère.

— Prends ce que tu veux, c’est moi qui régale. Pour te remercier de m’avoir sauvée la vie !
— T’es encore là dessus… ?

— Bah oui, j’ai pas encore eu l’occasion de te remercier comme il se doit.
Dit-elle en lisant le menu.

— Au fait, comment ça se passe à ton travail ? C’est pas rare que tu sortes en journée ?

— Mes parents m’ont demandée d’arrêter pour l’instant, ils sont trop inquiets… mais d’un autre côté je ne peux pas leur en vouloir. Mon supérieur a été compréhensif. Mais je peux sortir en journée ! Je vais pouvoir aller dans ton établissement.
Enchaîna t-elle pour ne pas plomber l’ambiance.

Après avoir discuté de tout et de rien.
Elle insista pour payer et ils se baladèrent dans les rues.
Il remarqua qu’ils étaient suivis mais ne laissa rien paraître et proposa innocemment d’aller à son lieu de travail.

— Ça te dit de venir visiter ? À cette heure-ci il risque d’y avoir du monde mais si ça ne te gêne pas, je peux t’accompagner à l’intérieur.

Elle avait également senti quelque chose de pas normal et accepta son offre.

— Je reste pas trop longtemps, mes parents vont s’inquiéter sinon. Je leur envoie un message pour les prévenir…
Dit-elle en pianotant sur son écran.

*

— Mince, elle est entrée dans ce bâtiment…
— Ce n’est pas bon de s’embrouiller avec les vampires. On va juste attendre qu’elle ressorte.

2018.06.29

Famille

Vlad était gêné d’être dans cette ambiance qu’il n’avait jamais vécu auparavant.
Aurore le ressentit dans son attitude et profita que Jasper retourne discuter avec Hélène pour lui parler.

— Je suis désolée, ma famille est un peu bruyante…

— Non non, ne t’en fais pas, ça ne me dérange pas.
Dit-il pour la rassurer.

Voyant le regard d’Aurore, il lui expliqua.

— Je n’ai pas vraiment de famille, comment dire… je ne suis pas très habitué à ça.. haha…
Dit-il gêné.

— Ah, excuse-moi, je-
— Non non, c’est rien, vraiment, ça va.

Encore épuisée de l’opération, sa blessure la lança et elle eut le vertige pendant un court instant.

— C’est toi qui va pas bien, allonge-toi, tu devrais te reposer.

Il l’aida à s’installer.
Cela inquiéta tout le monde.
Chrystal frappa dans ses mains.

— Allez les enfants, l’heure de la visite est finie, laissez la patiente se reposer maintenant.

— Désolée Aurore, rétablie-toi bien, si jamais t’as besoin de quelque chose, t’as mon numéro, ok ?
Dit Hélène en déposant un bisou sur son front.

Jasper embrassa le dos de la main d’Aurore.
Il avait déjà l’idée d’enquêter sur son agresseur.
Célestin lui fit un geste de la main pour dire au revoir.
Ne restait plus que Vlad.

— Vu que ta famille sait que tu vas bien, je vais y aller aussi. Prends soin de toi, je t’ai laissé tes affaires là. À plus.
Dit-il en lui faisant un signe de la main avant de sortir de la chambre.

Alexandre ferma la porte et Chrystal put tirer les rideaux légèrement pour qu’il y ait un peu moins de lumière et osculter Aurore.

— Maintenant qu’ils sont enfin partis, je vais jeter un oeil à ta blessure, d’accord ?

Aurore fit un hochement de tête. Sa blessure était en cours de cicatrisation, elle sentait ses cellules réparer la plaie.
Chrystal souleva la couverture pour observer.

— Hm, ça va, les coutures sont propres.

Elle tâta le pouls et regarda le compte rendu de l’opération.

— Tu as perdu pas mal de sang, malgré ta constitution, ça va prendre un tout petit peu de temps. On va attendre un ou deux jours, selon la guérison, tu pourras rentrer. Tu seras mieux à la maison, ici tu vas juste t’ennuyer. Ok ?

— Oui… merci tata Chrystal…
Dit-elle épuisée.

— Allez, dors, ça ira mieux après.

Alexandre et Chrystal se mirent à part et discutèrent à voix basse.

— C’est quand même curieux qu’elle se fasse attaquer maintenant alors que ça fait plusieurs mois qu’elle travaille de nuit…
Réfléchissait Alexandre.

— Je sais, Jasper m’a dit qu’il enquêterait de son côté. On a eu de la chance que son ami ait appelé les secours. Je vais quand même prévenir Gabriel, mieux vaut être plus prudent.

2018.06.21

Sociable

Jasper apprécie particulièrement Aurore et veut la protéger, être là pour elle parce ce qu’elle lui a apporté un soutien lorsqu’il n’allait pas bien.

Lorsqu’ils étaient plus jeunes, Aurore passait beaucoup de temps à lire à la bibliothèque et Jasper de même, mais pour étudier.
De 6 ans son aîné, il avait pas mal de doutes en lui concernant son complexe d’infériorité par rapport à son frère et, plus tard, sa sexualité.
Il ne passait pas beaucoup de temps avec ses cousins vu que ses parents s’étaient installés en ville mais il appréciait la maison de son oncle et sa tante dans l’autre monde.
Alors qu’il était perdu dans ses pensées dehors, sur un banc, Aurore alla le voir.

— Dis, ça va ?

Avec son air innocent et son visage d’ange. Elle avait 6 ans et lui 12.
Il fut un peu surpris.

— Hmm, je sais pas…
Dit-il songeur.

— Tu veux parler ? J’ai lu un livre qui disait que c’était important de parler.
Répondit-elle avec le sourire.

— Je sais pas si tu vas comprendre… Je me sens nul parce que mon frère fait plein de choses mieux que moi… je me demande si je suis bon à quelque chose…
— Je comprends un peu, moi aussi je me sens nulle parce qu’Ilyan il est bon en sport, Hélène et Alain aussi, moi j’sais pas faire…

— Mais toi, tu es encore jeune.
Répondit-il en souriant et lui tapotant la tête.

— Toi aussi tu es encore jeune !
Dit-elle en boudant.

— Mais moi je sais plein de choses sur les fleurs ! Tu veux que je te montre ?

En retrouvant le sourire.

— … Okay, allons-y.
— Alors tu vois, cette fleur dans le jardin…

Son entrain et sa joie naturelle lui redonna un peu le sourire et après réflexion il se dit que ce n’était pas grand chose. Lui aussi il savait des choses que son frère ne savait pas.
Après cet épisode, chaque fois qu’il rentrait passer du temps dans la maison, il allait voir Aurore et discutait avec elle.
Ils avaient une relation spéciale parce qu’étant la dernière de la famille, elle était un peu délaissée par ses frères et soeurs qui étaient occupés par leurs projets et leur vie. Elle avait d’autres centres d’intérêt et cela ne la dérangeait pas d’être un peu plus solitaire.
Hélène passait beaucoup de temps avec elle, mais plus elle grandissait et moins elles étaient proches.
C’était normal.
Jasper avait 17 ans lorsqu’il se confia à Aurore sur son orientation sexuelle.

— Je sais pas où j’en suis, mais je crois que je n’aime pas les filles.
Dit-il maladroitement.

— Ah bon ?… Ça veut dire que tu ne m’aimes pas… ?
Dit-elle tristement, du haut de ses 11 ans.

— Non non ! Je voulais dire… je crois que je n’arrive pas à être amoureux d’une fille…

— Est-ce que c’est mal ?
Demanda t-elle tout innocemment.

— Je ne sais pas… un garçon est censé tomber amoureux d’une fille, non… ?
— Je sais pas… j’ai lu dans un livre que c’était pas grave. Maman, elle me dit toujours que ça change pas grand chose si je tombe amoureuse d’une fille ou d’un garcon. L’important c’est d’être heureux, elle m’a dit.

— Tu crois… ?

Un peu surpris de la maturité de ses propos.

— Moi, je sais pas parce que je suis pas encore tombée amoureuse.
— Haha, tu auras le temps de connaitre ça.
— Tu es amoureux, toi ?
— Je crois… je suis pas sûr…
— Je suis un peu jalouse mais maman m’a dit qu’aimer quelqu’un et la famille c’est pas pareil…
— Ahahahahaha ! Tu n’as pas à être jalouse, tu auras toujours une place spéciale dans mon coeur.

*

Jasper n’osa pas faire son coming out à sa famille et ne se confiait qu’à Aurore à ce sujet.
Chez qui il avait du soutien et aucun jugement.
Il osa en parler un peu avec Alexandra qui avait l’esprit très ouvert sur ce sujet, mais pas à son père, ayant trop peur de sa réaction. Même son frère n’était pas au courant.

— Tu ne me déranges pas du tout, au contraire, je suis flattée que tu te confies à moi, mais je pense que tu n’as pas à avoir peur de la réaction de tes parents. Et même s’ils réagiraient mal, je serai de ton côté et j’essaierai de les raisonner.
— Merci tata Alexandra… mais je ne suis pas encore prêt, je crois…
— Je ne te presse pas, prends le temps qu’il te faudra. Tu viens discuter quand tu veux.

Alain ne le criait pas sur les toits mais il était bisexuel et ses proches étaient au courant.
Il avait eu plusieurs relations plus ou moins sérieuses, et taquinait sa soeur sur son amoureux.
Quant à Aurore, étant assez solitaire et terre à terre, elle n’avait encore jamais expérimenté l’amour.

*

Ils étaient en dernière année de lycée.
Célestin était assez populaire avec les filles et avait déjà eu quelques copines. Jasper préférait rester dans l’ombre et se concentrer sur ses études.
À cette époque, Célestin était déjà assez sociable tandis que Jasper était plutôt réservé.
Un jour, quelqu’un voulut embêter Jasper en pointant le fait qu’il n’avait jamais eu de copine contrairement à son frère, et qu’il préférait peut-être les garçons.
Il ne réagit pas et ignora la remarque mais son frère, agacé, se leva et répliqua.

— ET ALORS ? Qu’est-ce que ça peut te faire qu’il ne soit pas en couple ?!

Il lui avait attrapé le col et était prêt à se battre.

— Ne t’avise pas d’emmerder mon frère, toi.

Il le relâcha, laissant le garçon tremblottant.
Célestin était rarement en colère mais lorsqu’il l’était, il réagissait au quart de tour.
Il ressentait que son frère complexait vis à vis de lui mais ne savait pas trop comment en discuter. Étant lui-même bisexuel, il ne supportait pas qu’on puisse discriminer des gens à cause de leur sexualité. Il ne savait pas encore pour l’homosexualité de son frère.

Après cet épisode, Jasper remercia Célestin et en profita pour lui avouer.

— Tu sais, moi je pense que je suis bisexuel, alors bon. Tu restes mon frère, quelque soit ta sexualité.

— Merci de me l’avoir dit, ça me fait plaisir.

2018.06.21

Opération

Hélène ouvrit boutique comme d’habitude.
Son frère, Alain arriva peu de temps après.
La première cliente de la journée, une personne âgée amicale, lui adressa la parole.

— Bonjour, vous avez vu le boucan qu’il y a eu ce matin dans la rue ?
— Bonjour. Il s’est passé quelque chose, ce matin ?
— Oui, juste à quelques mètres d’ici. Il y avait la police et une ambulance. Une pauvre petite s’est fait agresser au couteau il paraît. Heureusement ils ont pu arrêter le coupable… les rues ne sont plus aussi sûres qu’avant par ici. Quel drame…
— Une petite ?
— Une jeunette, sûrement une étudiante, je n’ai vu que sa chevelure blonde sur le trottoir, avant que les ambulanciers l’emmènent.

Hélène songeuse et inquiète, appela sa mère.

— Allô maman ? C’est moi, Hélène. Tu sais si Aurore est rentrée ce matin… ?

— Hm… d’habitude elle se réveille à peu près à cette heure-ci, je vais voir. Pourquoi ?
Dit-elle en marchant en direction de sa chambre.

— Une histoire par ici, je veux juste m’assurer qu’elle est avec vous.
— … Je suis dans sa chambre mais elle n’a pas l’air d’être rentrée, tout est en place et je ne vois pas ses affaires.

— … Je te rappelle.
Dit Hélène avant de couper.

Elle chercha le contact de sa soeur sur son téléphone et appela.
Ça sonna, et les secondes furent interminables.
Ça décrocha.

— AH ! Aurore ? T’es où ?
— … Allô ?

La voix masculine surpris Hélène.

— Allô… ? Excusez-moi, je me suis trompée de numéro-
— Non, attendez ! Je, euh, elle est à l’hôpital. Est-ce que vous êtes quelqu’un de sa famille ?
— …
— Allô ? Il y a quelqu’un ?…
— Ah pardon, je… Ma soeur est avec vous ?
— Oui, elle n’est pas encore réveillée, elle a été opérée.
— À quel hôpital êtes-vous ?
— Celui de la ville.
— Merci beaucoup, je vous rappelerai. Elle raccrocha avant même qu’il n’ait eu le temps de répondre.

Elle regarda de nouveau son téléphone pour appeler sa mère.

— Allô maman ? Tu as le numéro de téléphone de tonton Alexandre… ?
— Oui… ?
— Apparemment Aurore a été emmenée dans son hôpital. Je t’expliquerai les détails quand j’en saurai d’avantage, je vais aller la voir. Tu pourrais juste appeler pour confirmer qu’elle est bien là-bas, s’il te plaît ? Merci.

Telle une tornade, elle raccrocha de nouveau.
Elle se tourna vers son frère.

— Aurore est à l’hôpital, je te confie la boutique.

Il savait à quel point elles étaient proches et ne dit rien.
Elle attrapa son manteau et partit en coup de vent.

— Allô ? Alexandra ?
— Excuse-moi de te déranger, il paraît qu’Aurore est transférée à ton hôpital, est-ce que tu peux vérifier… ?

Sa voix était tremblante même si elle faisait tout pour la contrôler.

— Hm… Elle ne devait pas avoir sa carte d’identité j’imagine. Je vais aller voir.

Il se balada dans les couloirs et regarda les nouveaux arrivants section urgences.
Sur la liste il vit un descriptif qui l’intrigua.
Il alla vérifier sur place.
Il vit un homme à son chevet, et reconnut aussitôt la jeune fille dans le lit.

— Ok, elle est là. Je m’en occupe, t’en fais pas.

— … Merci. J’arrive dès que je peux.
Dit-elle rassurée.

*

Vlad était assis à ses côtés, il avait posé les affaires d’Aurore quelque part : son manteau et ses vêtements.
Il avait gardé son portable à portée de main, au cas où Hélène le rappelerai.
Il vit le médecin qui jeta un regard dans leur pièce et le suivit du regard.
L’homme en blouse blanche finit par entrer.

— Bonjour.
Dit Alexandre.

— Bonjour… ?
— Je m’appelle Alexandre. Je suis l’oncle d’Aurore.
— Je… suis Vlad. Juste une connaissance.
— Est-ce que tu peux me raconter ce qu’il s’est passé ? S’il te plaît.
— Je n’en sais pas beaucoup plus, monsieur. Lorsque je suis arrivé, elle était déjà blessée et son agresseur était inconscient. Je n’ai fait qu’appeler les secours…
— Je vois… merci à toi d’avoir été là pour elle.

Il s’approcha du lit puis se mit de l’autre côté pour soulever légèrement la couverture et examiner Aurore.
Il vit les bandages et tâta son pouls.
Il jeta un coup d’oeil sur la plaquette en face du lit, pour voir qui s’était occupé de l’opération.
Puis se retourna vers Vlad.

— Est-ce que tu peux rester avec elle jusqu’à l’arrivée de sa famille, s’il te plaît ? Je dois aller parler à un confrère.
— Euh… oui, bien sûr.

— Merci.
Dit-il tout simplement.

Il partit comme il était venu. Laissant Vlad presque aussi perdu qu’à son arrivée.

*

— Bonjour, est-ce que vous avez quelques minutes à m’accorder ?
Dit-il en interceptant son confrère.

— Bonjour, monsieur le directeur. Oui, bien sûr.
Répondit-il sur la défensive.

— Vous vous êtes occupés de la patiente de la chambre ?
— Euh oui, c’est bien moi, est-ce qu’il y a un problème… ?
— Non, pas du tout, est-ce que vous pouvez me raconter en détails l’état de la patiente à son arrivée, s’il vous plaît.
— Oui monsieur, elle était poignardée sur le flanc gauche, l’arme blanche était enfoncée assez profondément mais heureusement les organes vitaux n’ont pas été trop endommagés. Elle avait juste perdu connaissance à cause de l’hémorragie, qui n’était pas si importante, puisque l’arme était encore dans son corps à son arrivée. On a pu la prendre en charge rapidement.
— Merci beaucoup.

Alors qu’il était sur le point de repartir, l’autre médecin l’arrêta.

— Est-ce qu’il y a une raison derrière ces questions, monsieur ?
Osa t-il demander.

— Rien de très important, je connais l’identité de la patiente.

*

Hélène arriva le souffle coupé après avoir couru.
Elle demanda à l’accueil s’ils avaient une patiente du nom d’Aurore. La pauvre hôtesse ne pouvait pas lui répondre.
Hélène étant de sang chaud, commençait à perdre patience, lorsqu’Alexandre passa dans le hall d’entrée et s’interposa.

— On ne harcèle pas mes employés, mademoiselle.
Dit-il en se posant sur le bar d’accueil.

Hélène se calma sur le champ.

— E-… excusez-moi, mademoiselle… je n’aurais pas dû vous parler sur ce ton…
Dit-elle gênée.

— Ça ira pour cette fois… il rassura son employée qu’ils se chargeait du reste, en lui donnant une petite tape amicale sur son épaule.

Il passa de l’autre côté du guichet et s’adressa à Hélène.

— Bonjour, chère nièce.
— B-bonjour… cher oncle…

Elle gardait la tête baissée, peu fière de son comportement et de la réprimande qui a suivi.

— Suis-moi, je sais où est Aurore. L’hôtesse n’aurait pas pu te répondre parce qu’elle n’a pas été enregistrée sous son nom lorsqu’elle est arrivée.
Expliqua t-il.

2018.06.10

Téléphone

Elle reprit le travail comme si rien ne s’était passé.
Ce soir là, elle reconnut quelqu’un dans la salle. Elle venait de finir sa danse sur la scène principale, et des yeux l’interpelèrent.
C’étaient ceux de celui qui l’avait raccompagnée.
N’ayant aucune autre obligation dans l’immédiat.
Elle fit comme si de rien n’était et s’installa sur la banquette. Elle avait le droit de discuter avec des clients.

— Bonsoir, Angie.
Dit-il.

Il avait retenu la voix qui avait annoncé sa danse.

— Bonsoir, que me vaut le plaisir de vot-… ta visite ?
Demanda t-elle de manière neutre.

Tout en s’asseyant à ses côtés, elle observa son interlocuteur. Il était habillé d’une chemise à motifs discrets, et d’un pantalon de costume simple. Assit de manière très décontractée, il regardait sans réel intérêt la danse suivante.

— La curiosité. J’avais jamais osé entrer ici. Comment ça se passe ?

Il détourna son regard de la scène pour se tourner vers elle, tout en prenant soin de ne pas la déshabiller des yeux. Ce fut bref, il se remit en face de la table basse pour attraper son verre, puis but une gorgée.

— Plutôt bien, merci. Et toi ?

Un peu déstabilisée par son attitude. Elle pensait qu’il avait l’habitude de ce genre de lieu, pourtant ses gestes laissaient transparaître qu’il était quelque peu gêné.

— Bien, le lieu est chic. Je m’inspire de la déco pour notre établissement.

Son regard évitait intentionnellement Aurore.
Plus elle l’observait, plus elle avait envie de rire.
Elle finit par laisser échapper un gloussement.

— … ? Qu’est-ce qu’il y a de drôle… ?
Demanda t-il, rouge.

— Pardon… mais ça te gêne à ce point de me voir en petite tenue ? Tu n’as pas l’habitude de voir des gens nus sur ton lieu de travail ?

Elle avait détendu l’atmosphère mais il restait un peu de timidité.

— C’est que… la dernière fois qu’on s’est rencontré, tu étais plus que couverte, et que… enfin… je suis un peu intimidé… t’étais classe sur la scène…

— Ah.. merci… ça te dit une petite danse ? Pour te remercier pour la dernière fois. Je vais demander à mon supérieur par principe, mais il ne devrait pas y avoir de souci. Je reviens.
Dit-elle en se levant, et se dirigeant vers un homme en costume et très propre sur lui.

Il en profita pour reprendre une gorgée d’alcool et pour la regarder sans qu’elle ne le regarde en retour.
Était-ce l’alcool qui le rendait nerveux, ou alors elle ? Dans tous les cas, il devait se reprendre en main et retrouver ses esprits.
Perdu dans son monologue intérieur, il fut surpris du retour de la jeune fille.

— C’est ok !
Dit-elle enjouée.

— Je ne fais pas les meilleurs lapdance mais j’espère que tu apprécieras.
— Hein ?

— Pose tes mains sur la banquette, tu n’as pas le droit de me toucher.
Dit-elle d’un air espiègle.

Il obéit, prit au dépourvu.
La danse fut courte mais intense.
Elle se frotta à lui, dans tous les sens, il sentit son odeur et son souffle sur sa nuque.
Elle approcha son visage vers le sien pour l’embrasser sur la joue pour finir.

— Et voilà. Comment c’était ?
Demanda t-elle en se rasseyant à côté de lui.

— Je… euh… très bien ? Je suis censé répondre quoi.. ?
Bégaya t-il, encore sur son nuage.

— Ce qui te passe par la tête ! Haha ! Désolée, je ne vais pas pouvoir rester trop longtemps avec toi, merci d’être passé !
Dit-elle pour s’esquiver, le sentant mal à l’aise, et aussi qu’elle devait s’occuper d’autres clients.

— Ah… merci à toi !

Il lui fit quelques signes de la main. Il n’allait pas rester non plus. Sa curiosité était plus qu’assouvie et il devait rentrer également.

*

Elle avait fini sa soirée et elle rentrait chez elle.
Sur le chemin, elle se remémora l’inconnu tout intimidé et se mit à sourire malgré elle.
Comment s’appelait-il déjà ?
Pendant que son esprit était ailleurs, elle ne remarqua pas tout de suite qu’elle etait suivie.
C’étaient des pas similaires à la dernière fois, et elle se prépara à se défendre.
Elle avait peur mais elle savait qu’elle connaissait les bases, Hélène lui avait appris. Elle respirait et expirait pour se calmer et affronter le poursuiveur.
Les pas se rapprochaient et lorsque plus que quelques mètres les séparaient, elle se retourna.
Elle put apercevoir et reconnaître la silhouette.
C’était un ancien client du Carré Secret qui avait été mis sur liste noire à cause de harcèlement envers les danseuses. Elle était encore nouvelle lorsqu’elle avait assisté à cet évènement, mais elle avait mémorisé son visage et sa morphologie.

— Monsieur, est-ce que je peux vous aider ?
Demanda t-elle, pour tâter le terrain.

Il continua de se rapprocher d’elle. Ne semblant pas vouloir entendre quoi que ce soit.

— Ne m’approchez pas, je vous avertis, monsieur !

Elle essayait de garder une distance mais celle-ci s’amenuisait et elle devait se préparer à se défendre.
Elle adopta une position adéquate et l’attendit de pied ferme.
Il sortit une arme blanche, une petite dague de sa poche.
Elle paniqua. Elle devait prendre encore plus de précautions. Elle essaya encore une fois de le raisonner.

— Monsieur, arrêtez-vous !

Il accéléra et fonça sur elle avec la dague en avant.
Elle réussit à éviter le premier coup et vit le pas chancelant de l’homme, elle en profita pour le déstabiliser. Il se retourna avec vivacité en remuant la dague dans les airs.
Prise au dépourvu, elle essaya de repousser le bras de l’homme sur le côté et chercha à l’assommer en lui portant un coup au niveau de sa nuque.
Il s’écroula à ses pieds.
Elle reprit sa respiration et sentit une douleur vive dans sa côte gauche.
L’homme avait réussi à lui planter le couteau sur son flanc avant de tomber au sol.
La douleur n’était pas si insoutenable, mais voyant l’objet planté dans son corps, elle s’affola.
Elle se forçait à reprendre sa respiration et se calmer.
Elle s’appuya contre un mur.
Le sang commençait à se voir, il teintait progressivement son pull.
Elle savait qu’il ne fallait pas retirer le couteau.
Cherchant à ne pas faire de mauvais mouvements, elle attrapa son téléphone en fouillant dans ses poches.
Elle se rappela des paroles de Vlad et l’appela.
Elle ne se sentait pas bien, mais luttait pour garder conscience.
Quelques bips avant que quelqu’un ne décroche.

— Allô… ?

C’était la voix de Vlad.
Elle se sentit rassurée de tomber sur quelqu’un.

— Allô… est-ce que t’es dans le coin… ?

Son souffle court l’alerta.

— Ah, t’es la fille du club ? Euh oui, j’suis pas loin, pourquoi ?
Reconnu t-il.

— Je… je suis vers la boutique, est-ce que tu peux venir me chercher… ? Je…

Sa voix était de plus en plus faible.

— Hé, ça va ?! J’arrive tout de suite !
Dit-il inquiet.

Il se mit à courir en gardant le combiné à l’oreille.
Il n’était en effet pas loin, en même pas 5 minutes il la vit au coin de la rue, contre le mur, assise, le regard dans le vide.
Lorsqu’elle le vit, elle lui sourit.

— Hé ! Qu’est-ce qui s’est passé ?! Il accourut à ses côtés, vit le corps de l’homme au sol, et la tache bordeaux sur le pull clair de la jeune fille, et le couteau planté en elle.

— Ok, ok. Ne dis rien, je vais appeler les secours.

— … Je l’ai juste assomé… fais attention…
Dit-elle dans un dernier souffle, à bout de force, elle se sentit partir.

Elle ferma les yeux et son corps pencha vers le sol.
Il la rattrapa en faisant attention à l’arme, et l’allongea correctement à côté de lui.
Il tâta le pouls de l’homme et commença à appeler la police.
Elle arriva aussi vite qu’elle put, et dans la foulée, il avait également appelé une ambulance.
Il tenta d’expliquer ce qu’il savait, elle fut emmenée aux urgences et il la suivit.
La police prit son numéro de téléphone pour le recontacter plus tard lorsqu’elle irait mieux.
Le quartier fut bouclé pendant une petite demi-heure, le temps d’évacuer la fille en ambulance et l’homme par la police.

Vlad ne pouvait appeler personne pour elle, son téléphone était verouillé par un mot de passe.
Il décida de prévenir son travail qu’il avait une urgence, et resta auprès d’elle.
Ne connaissant pas son vrai prénom, et elle, n’ayant pas de carte d’identité sur elle, elle fut enregistrée comme anonyme.

2018.06.08

Danse

La petite dernière de la famille, ne sachant pas que faire de son avenir, elle se passionnait de lecture et décida de prendre un travail à mi-temps.
Celui de danseuse dans un club de strip-tease l’intrigait. Elle eut la chance de tomber sur un établissement propre et respectueux.
Ils recrutaient et son visage plut à l’employeur.
Elle apprit les bases et se fit une petite réputation.

— Angie, c’est à ton tour.

Elle avait choisi ce pseudonyme, trouvant celui d’Angel ou Angélique un peu trop prétentieux pour sa personne.
Ses longs cheveux blonds et ondulés lui donnaient vraiment un air d’ange. Sa tenue légère en dentelle blanche accentuait sa peau claire.
La lumière lui donnait un air éblouissant.
Sa danse était lente mais majestueusement érotique. C’était son style.
Le dehanché au rythme de la musique, elle faisait fi des yeux rivés sur elle.
Son moment fut fini en un rien de temps.
Il arrivait de temps en temps qu’on l’appelle pour une danse voire une danse privée. Mais ce soir, elle avait fini.

Elle retourna au vestiaire et se changea.
Elle attrapa un élastique qui traînait et regroupa grossièrement ses cheveux emmêlés pour les attacher en chignon vite fait.
Elle avait un pull un peu trop large pour elle, un jeans slim et un parka bien épais pour lui tenir chaud.
Plutôt frileuse, et sachant qu’elle rentrerait de nuit, elle avait prévu sa tenue.
Elle fit un signe rapide à ses collègues et à son employeur pour signifier qu’elle rentrait.

*

Elle marchait tranquillement lorsqu’elle sentit une présence la suivre. Les pas étaient légèrement calés sur les siens.
Elle n’était pas aussi douée en self-défense que ses frères et soeur mais elle ne voulait pas se laisser faire.
Elle se força à garder son calme et ne pas laisser paraître qu’elle s’en était rendue compte, mais plus elle réfléchissait à un moyen de semer la personne, plus les pas se rapprochaient.
Elle paniqua et finit par se mettre à marcher plus vite et à courir.
Elle voulait voir à quelle distance était l’autre personne, et par curiosité, elle se retourna pour jeter un coup d’oeil.
À ce moment là, elle bouscula de plein fouet un homme.
Il la rattrapa alors qu’elle allait chuter en arrière.

— P-pardon !
Bafouilla t-elle encore sonnée.

— Est-ce que ça va ?
Dit-il, en jetant un regard derrière elle.

Il avait aperçut la silhouette qui la poursuivait.
Elle reprit ses esprits et se remit sur ses gardes, peut-être qu’il était de mèche avec l’autre poursuivant.
Elle le fixa pour essayer de jauger si elle devait le craindre également.
La voyant le dévisager de la sorte, il ne put s’empêcher de sourire et la rassura sur le champ.

— J’ai l’air si louche… ?

Il avait les cheveux ébouriffés, noirs, et les yeux d’un gris clair. Son regard s’arrêta sur ses magnifiques yeux clairs qui brillaient dans la nuit. Il avait la peau foncée.
Son manteau long noir était ouvert. Il portait un simple pull et un jeans droit.
Voyant qu’elle ne répondait toujours pas, il continua de lui parler.

— C’est pas très sûr de se balader seule à cette heure-ci. Je suis du quartier, je te raccompagne chez toi ?

— J-je travaille pas loin, ca m’était jamais arrivée avant… euh, merci…
Expliqua t-elle brièvement.

Après quelques minutes de marche, il brisa le silence gênant.

— Moi aussi je bosse de nuit. Tu fais quoi, toi ?

— Je… danse…
Dit-elle embarrassée.

— Oh, t’es au Carré Secret ?

— Oui… et vous, vous faites quoi ?
Elle esquiva le sujet.

— Tu peux me tutoyer, t’sais. Vu que je te tutoie aussi… je ne suis pas si vieux.
Dit-il en la regardant.

— Moi, je bosse à LunaVilla, je sais pas si ça te parle ?

Elle fit « non » de la tête.

— C’est un sauna, hamman et jacuzzi pour les couples libertins. Je m’assure que tout se passe bien et qu’il n’y a pas d’abus ou d’harcèlement. Si ça te dit de juste venir te détendre, hésite pas à passer, c’est gratuit pour les filles selon les jours, mais je peux te faire entrer.
Il lui sourit.

Elle lui fit signe de tourner à un carrefour.

— J’habite plus très loin, merci de m’avoir accompagnée…
— Je t’en prie. Ça m’a fait faire une petite balade. T’as pas quelqu’un qui peut venir te chercher le soir, après ton taf’ ? Si tu veux, je te file mon numéro, j’suis à même pas 10 minutes, mais rentre pas seule, tu sais pas ce qu’il peut arriver…
— Je.. d’accord…

Elle sortit son téléphone pour noter. Il se rapprocha d’elle pour vérifier que le numéro était le bon.

— Bipe-moi, comme ça j’aurais aussi ton numéro.
Sourit-il.

— T’es sûre que c’est pas loin ? Je veux pas te forcer mais ça ne me dérange pas de faire quelques mètres de plus.
Dit-il vraiment inquiet.

— Oui, c’est la boutique juste dans la rue.
— Ok. Bonne nuit alors.
— Merci encore. Bonne nuit.

Elle marcha jusqu’à la devanture de la boutique Laine&Lin et sortit sa clé pour ouvrir et refermer derrière elle. Elle fit attention à ne rien déranger et pénétra dans l’arrière boutique.
Elle emprunta la petite porte derrière un rideau.
C’était le portail qui menait à sa maison.
Elle souffla.

Le portail était dans une petite pièce.
Le jour était en train de se lever.
Elle se dirigea vers sa chambre, en traversant l’immense couloir.
C’était calme.
Elle retira ses vêtements en les laissant par terre, près de son lit, et se jeta sous sa couverture pour dormir.
Les rideaux étaient fermés, comme d’habitude.
Son esprit vagabonda sur les derniers évènements.
Elle savait que ses parents étaient inquiets quand elle allait dans le monde des humains, mais elle les avait rassurés en les assurant qu’elle savait se défendre un minimum.
Elle ne savait pas si elle devait leur parler de cette mésaventure.
Elle s’endormit en ayant le visage de cet étrange inconnu en mémoire.

*

Il faisait nuit.
Elle était dans la ruelle de la boutique d’Hélène et Alain. Elle marchait tranquillement pour rentrer, elle ouvrit la porte et la referma derrière elle.
Une ombre s’écrasa devant la porte vitrée, elle sursauta. L’ombre grossière se transforma en la silhouette qui la poursuivait et se collait devant la vitre. La fixant. Elle eut un mouvement de recul.
Elle hurta quelque chose, ou quelqu’un.
Il y avait quelqu’un derrière elle.
Elle n’osa pas se retourner.
Une main se posa sur son épaule.
Elle sentit la respiration dans son cou, lorsqu’elle tourna la tête pour savoir qui c’était, elle reconnut la chevelure de l’inconnu. Il se pencha vers elle et elle sentit ses dents pointues s’enfoncer dans la chair de son cou.

*

Elle se réveilla en sursaut. Le coeur battant.
Ce n’était qu’un cauchemar.

2018.06.8

Fontaine

Alors qu’elle attendait assise sur le banc, sous l’ombre d’un arbre. Elle entendit un bruit suspect et se releva au quart de tour, se mettant sur la défensive.
Un vieux réflexe.
Une ombre humaine sortit de sa cachette et l’attaqua.
Elle para le premier coup et en profita pour se positionner en face de son adversaire pour pouvoir contrer.
Dans l’action de ses gestes brusques, son chapeau de paille virevolta et se laissa tomber doucement quelques mètres plus loin.
Elle était en talons courts et sa robe blanche tournoyait autour d’elle au fur et à mesure qu’elle se battait.
Sa chevelure collait peu à peu contre sa nuque et son visage couvert de sueur.
Son adversaire portait un masque mais son style de combat en disait déjà trop sur son identité.
En quelques minutes, après leurs échanges, elle le mit à terre et lui retira son masque d’un coup de pied.

Il était coudes à terre, haletant et au moins aussi transpirant qu’elle.

— Très drôle.
Dit-elle, pince sans rire.

— Je vois que tu n’as pas perdu la main…
Répondit-il, le souffle à moitié court.

— Qu’est-ce que me vaut ta visite ?
Dit-elle en relâchant sa garde et retournant chercher son chapeau.

— Avoir de tes nouvelles.

— Tu aurais juste pu passer à ma boutique. Ça m’aurait évité d’être en sueurs par ce temps. Répondit-elle sèchement.

— Tu ne comptes pas revenir aux entraînements ?
Enchaîna t-il, pour entrer dans le vif du sujet.

— Non.
Répondit-elle pour couper court à la conversation, en secouant son chapeau pour enlever le sable.

Son ami était de retour et il avait vu la fin du combat.
Lorsqu’elle remarqua sa présence, elle remit son chapeau sur sa tête et elle tapota sa robe rapidement pour la remettre en place.

— … Tout va bien… ?
Demanda t-il inquiet.

— … Oui. On y va ?

Son timbre de voix s’était adouçit et elle courut à moitié pour le rejoindre.
Laissant sa vieille connaissance au sol.

*

— Tu es sûre que ça va… ? C’était qui… ?
Osa t-il demander.

— Une connaissance… t’inquiète pas, ça va. C’est sa manière de me saluer… ahah…
Se forca t-elle à rire.

Elle était gênée qu’il l’ait vu se battre.

— Ça te dérange si je vais me rafraîchir vite fait… ?
Demanda t-elle pour éviter le sujet et se débarbouiller le visage.

— Non non, vas-y.
Lui sourit-elle. Il lui attrapa le chapeau avant qu’elle s’éloigne.

— Je te le garde, tu seras plus à l’aise.

Elle le remercia et utilisa la fontaine pour se rincer le visage à deux mains.
Elle lui tourna le dos pour prendre un pans de sa robe devant pour s’essuyer le visage.
Puis elle tapa sa robe vers le bas pour la défroisser.

— T’as rien vu, d’accord !?
Lui dit-elle, rouge de honte.

Il s’empêchait de rire.
En voulant lui remettre son chapeau, il arrêta son geste à mi-chemin, au niveau de son visage.

— Je peux ?
Demanda t-il.

Elle ne comprit pas immédiatement sa demande, le regardant dans les yeux, dans l’incompréhension.
Son visage s’approcha du sien, doucement, puis ses lèvres touchèrent les siennes, tendrement.
Le tout, derrière son chapeau, à l’abri des regards indiscrets.

2018.05.14

Gâchis

Il partit chercher quelque chose à grignoter, la laissant sur le banc. Elle semblait égarée, dans ses pensées.
Bien à l’ombre des arbres, une brise légère caressait son visage faisant voler légèrement ses mèches de cheveux et le tissu de sa robe blanche.
Il faisait bon.

Elle entendit des pas sur le sol sablé du parc, se rapprocher, ce qui la fit sortir un instant de sa méditation. Elle releva la tête, son chapeau de paille blanc diminuant son champ de vision.
La personne se rapprocha et lui fit un signe de la main.

— Hey, salut ! Qu’est-ce que tu fais là ?

Elle ne cacha pas sa surprise de le voir ici.
C’était une vieille connaissance.
Il s’assit à côté d’elle.

— Salut, et toi, qu’est-ce que tu fais là ?
Retourna t-elle.

— Oh rien, je passais dans le coin… qu’est-ce que tu deviens ? Ça fait longtemps que je ne t’ai pas revu, tu ne viens plus aux entraînements, hein ?
— Rien de spécial, j’ai ouvert une boutique avec mon frère, les journées sont bien remplies.
— Tu bosses pas aujourd hui ?
— Si, mais j’ai négocié une petite pause. J’attends quelqu’un puis j’y retourne.
— Ah. Je vais pas tarder alors…

Il prit une pause puis se lança.

— Tu arrêtes vraiment les entraînements et le combat ?
— Je… oui… ?
— Tu avais un excellent niveau, est-ce que tu ne penses pas que c’est du gâchis ? Qu’est-ce qu’en pense ta mère ?

Elle soupira, reprit sa respiration et lui répondit d’un ton sec.

— Je fais ce que je veux de ma vie, non ? Qu’est-ce que ma mère vient faire là-dedans ?
Si tu es venu jusqu’ici pour me dire ça, tu peux rentrer chez toi. Je n’ai pas à justifier mes choix.

Elle le connaissait depuis assez longtemps pour savoir qu’il n’était pas indifférent à elle, mais elle l’avait toujours évité. Sa question confirma l’impression qu’elle avait de lui.
Elle se leva et était prête à partir quand il se leva également et la rattrapa par le bras.
Elle réagit au quart de tour et lui fit une prise pour le mettre à terre.

Il était gêné et son regard en disait long.

— Excuse-moi… je ne voulais pas te vexer… tu me… manques… je… j’ai toujours eu des sentiments pour toi…

2018.05.14

Boutique

— À tout à l’heure !
Dit-elle avant de sortir de la boutique, en faisant un signe de main à son frère encore à l’intérieur.

Elle portait un chapeau de paille avec un ruban simple et bleu foncé sur la base, une robe blanche semi-longue et légère, ainsi que des petites chaussures d’été à talons bas.
Ses longs cheveux ondulés étaient réunis derrière sa nuque avec un ruban ocre, et quelques mèches rebelles se baladaient de chaque côté de son visage.
Sa couleur de peau légèrement basanée était mise en valeur par la blancheur de sa robe et de ses accesoires.

Le soleil haut éblouissait et la rendait rayonnante.
Elle marchait d’un pas rapide, en se dirigeant vers le parc.
Elle le vit tout de suite, elle n’était pas en retard mais il était déjà là, à l’attendre.
Il se retourna vers elle et lui fit un sourire.
Ses cheveux blonds foncés brillaient subtilement avec les rayons du soleil qui passaient à travers le feuillage de l’arbre sous lequel il était.
Ses lunettes rondes le rajeunissaient et allaient assez bien à son visage.

2018.02.25