Insomnie

Je n’arrivais absolument pas à dormir.
Impossible de trouver le sommeil.
J’étais inquiète pour mon père, j’avais besoin d’être avec quelqu’un.
Je ne pensais pas qu’être constamment dans le noir me rendrait aussi anxieuse.
Je me levais et décidais à monter les escaliers, à tâtons, marche par marche.
Je savais que j’étais à l’étage inférieur et que les dortoirs des hommes étaient au dessus.
Et encore au dessus, il y avait la chambre de mon père, et des autres employés de maison.
C’était lui qui avait décide de cette répartition. S’il subissait une attaque, il était préférable que les employés soient en sécurité, surtout ceux qui ne pourraient pas se défendre.

Alors que j’étais perdue dans mes pensées, je trébuchais et une bulle d’air chaude m’enveloppa.

— Vous allez bien ? Vous m’avez fait peur…

C’était la voix douce de Deniel. Elle était assez particulière pour que je m’en souvienne.
Il venait d’utiliser de la magie. Il était de plus en plus étrange.
Il me prit par la main et m’aida à me relever.

— Merci Deniel… Que faites-vous debout en pleine nuit… ?
— Je vous retourne la question : vous êtes en plus dans le dortoir des hommes.

J’entendis son ton mi-moqueur.

— Je cherchais à rejoindre l’étage au dessus, je… voulais voir mon père… À votre tour de répondre à la question.
— J’avais du mal à m’endormir et je m’apprêtais à faire un peu de marche quand je suis tombé sur vous. Alexandra.
— C’est plutôt moi qui ai failli tomber… Ahah…
— Vous tenez beaucoup à votre père à ce que je vois.
— Je… c’est ma seule famille qu’il me reste…

Je ne pouvais pas non pous lui avouer que j’étais à moitié humaine et que ma mère était sur la terre des humains…
Chris assista à la scène de loin et faisait de moins en moins confiance à Deniel.
Deniel enlaçait à moitié Alexandra et la tenait par la main. Il était vert de jalousie.

— Je comprends… Je vais vous accompagner dans ce cas. Cela ira plus vite.
— Je ne voudrais pas vous empêcher de dormir-

Il me souleva et me porta telle une princesse, c’est le cas de le dire, jusqu’à l’étage supérieur.
Il me reposa par terre et sembla chercher la bonne direction.
Chris apparut.

— Vous faites quoi tous les deux… ?! Si vous cherchez la chambre de Sephyl, c’est par là…

Il nous guida.
Il m’attrapa par la main et marcha à son rythme.
Je le suivais mais j’avais du mal à garder son rythme sans voir où je mettais les pieds.

— Chris, attendez un peu. Vous ne voyez pas qu’Alexandra ne peut pas vous suivre à votre vitesse… ?

Il s’arrêta net et me proposa de monter sur son dos.

— Merci Chris… Désolée..
— C’est à moi de m’excuser, je n’ai pas fait attention.

La fatigue me rattrapa et je m’assoupis sur son dos avant même d’arriver devant la chambre de mon père.

— Qu’est-ce que vous fichez devant ma chambre à cette heure-ci ?
— Alexandra semblait vouloir vous voir… Ah, elle s’est endormie…
— Je pense qu’elle n’est pas très rassurée malgré les airs qu’elle se donne.
— Quelle enfant elle fait… Demain les médecins l’auraient laissée retourner dans sa chambre…Merci d’avoir fait le chemin pour elle, je vais la prendre.

*

— Je t’ai vu faire de la magie tout à l’heure, pour aider Alexandra. Tu nous caches des choses et je n’aime pas ça.
— …
— Je garde un oeil sur toi.

*

— Arrêtons de nous vouvoyer. Tu n’es pas vraiment un aventurier n’est-ce pas ?
— Qu’est-ce que tu racontes… ?
— Je le sens. Quand tu m’as aidée dans les escaliers… Cette chaleur… C’était la même quand on m’a prit ma vue. J’avais des doutes avec ta voix et la manière dont tu me parlais.
Exactement le même ton qu’avec le démon qui m’a proposée le pacte… Tu es ce démon n’est-ce pas ?
— …

2016.02.11

Rival

Je me réveillais en sursaut.
Le temps que je me remémore les évènements.
J’avais un bandage qui recouvrait ma vue.
Je le retirais.
J’avais beau me frotter les yeux, fermer mes paupières et les rouvrir.
Rien. Tout était noir.
Ce n’était pas un mauvais rêve, il fallait que je m’assure que mon père était vivant.
Je balaidais mes mains autour du lit pour en deviner les bords.
J’avais peur mais je devais normalement être chez moi.
Je me levais doucement, en posant prudemment mon pied par terre.
De la moquette. J’entendais des bruits mais dur de savoir d’où ils provenaient.
Je touchais le premier mur et je le longeais en faisant attention à ne rien faire tomber, ni à moi-même tomber.

La porte s’ouvrit.
Je me figeai et je regardais dans la direction du bruit, même si je ne pouvais rien voir.
J’entendis des pas se rapprocher de moi, rapidement.
Je restais sans bouger, j’étais effrayée, qui était-ce ?
Je ressentis l’étreinte, cette manière de me prendre dans ses bras.
C’était mon père.

— Qu’est-ce que je suis soulagé… Comment te sens-tu ?
— Papa ? Je-
— Je devrais te passer un savon pour ce que tu as fait… Mais ne t’inquiète pas, il m’a tout expliqué.

Je ressentais la présence d’une autre personne, j’entendis la porte se refermer alors que mon père était encore à mes côtés.

— « Il » ?
— Heureusement qu’il était là, il t’a sauvée.
— Comment ça ? Le démon t’a ramené à la vie. Je ne pense pas qu’il en avait après ma vie-
— Ne dis plus rien, c’est fini maintenant.
— Mais papa, tu vas mieux ?
— Comme tu le vois-
— …
— Oui, je vais bien, j’ai vite repris mes forces, grâce à toi… On va essayer de retrouver le démon pour qu’il te rende ta vue.
— Papa, écoute moi. C’était le pacte, ma vue contre ta vie. Ce n’était pas cher payé, alors laisse ce « démon » tranquille s’il-te-plaît, je vais bien. Regarde !
— Sandra…
— Je m’habituerai, t’inquiète pas !

*

— Monsieur, laissez-moi m’ocuper de Sand-… Votre fille ! Je sais me défendre, vous connaissez mes compétences, je serai en mesure de la protéger, en toutes circonstances.
— … Chris, j’ai confiance en toi… mais c’est également pour tes compétences que je ne peux pas te laisser t’occuper de ma fille. Elle serait un fardeau pour toi, même si tu n’en penses pas un mot… Je ne peux pas sacrifier un de mes meilleurs employés comme ça…
D’après l’examen. Elle ne voit plus rien… Sa vue a été dérobée et cela ne peut pas être soigné…
— Excusez-moi de participer à votre conversation. Je suis un étranger mais du peu que j’ai vu de votre charmant village, cela ne me dérangerait pas le moins du monde de m’y installer.
Je ne veux pas paraître rude, mais, je peux être son précepteur. Même en étant aveugle, il existe des techniques pour pouvoir se défendre et s’adapter au combat. Je ne fais que proposer mes services.
— On ne peut pas faire confiance à cet inconnu, Monsieur !
— Chris, reste poli. Cet inconnu était aux côtés de Sandra lorsqu’elle était inconsciente et que j’étais une proie facile. Merci pour votre proposition… Je n’ai pas demandé votre nom ?
— Deniel, Monsieur.
— Je ne me suis pas présenté, je suis l’hôte de ses lieux, Sephyl.
Veuillez excuser Chris, il n’est pas méchant, il pense à la sécurité de ma fille et je ne peux pas lui en vouloir.
— Je comprends très bien, monsieur.
— Merci beaucoup pour votre proposition, vous avez déjà fait beaucoup pour nous, ce n’est pas grand chose dans l’état des choses mais nous avons préparé une chambre. N’hésitez pas à vous y reposer.

*

— Bonjour mademoiselle.
Il avait une voix douce.

— Je te présente Deniel. Il était là lorsque tu as perdu connaissance et il a veillé sur nous jusqu’à ce que je me réveille.
— Je suis desolé pour votre vue, mademoiselle.
— Ce n’est rien, j’étais en connaissance de cause, je m’appelle Alexandra. Vous pouvez m’appeler Sandra, c’est plus court.
— Si cela ne vous dérange pas, je souhaiterai vous appeler Alexandra. De là où je viens, le prénom dans son entièreté a une certaine importance, j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur.
— Pas du tout, Deniel.
— Deniel nous propose d’être ton précepteur et ton guardien pendant un moment, le temps que nous retrouvons notre forme d’antan. Tu sais comme Chris a insisté mais j’aurais besoin de lui ailleurs…
— D’accord papa, je suis désolée de te causer du soucis…
— Qu’est-ce que tu racontes encore. Tu m’as sauvé la vie, non ?
Allez, repose-toi. Je vais te laisser faire connaissance avec Deniel, appelle-moi si tu as besoin de quelque chose…

*

— Si vous voulez bien me donner votre bras, je vais vous guider vers votre lit.
— Merci. Vous avez l’air d’avoir l’habitude…
— J’ai fait une formation d’aide-soignant à l’époque…
— Merci.
— Comment vous sentez-vous ?

*bruit de porte qui s’ouvre*

— Sandra !
— Chris… ? Ah, tu m’étrangles…
— Je suis désolé… J’étais tellement inquiet-
— Je vais aller chercher quelque chose à boire.
— Merci Deniel…

— Ton visage était recouvert de sang… Ton père était également mal en point. Je suis arrivé trop tard…
— Mais non, je suis sûre que tu as fait du bon boulot.
— Que s’est-il passé ?
— On a été pris par surprise et papa s’est jeté sur moi… Il a prit l’attaque de plein fouet à ma place… Il a tué l’attaquant mais il ne bougeait plus… Et c’est là qu’un démon est apparu et m’a proposée le pacte. J’ai donné ma vue, et plus rien, ahaha…
— Je voi-… enfin. Désolé. Je ne fais pas confiance à ce Deniel.
— Tu dis ça parce que t’es jaloux ?
— N-Non ! Sois pas ridicule… Ton père lui fait pour l’instant confiance… Il était là quand tu étais inconsciente et il parait qu’il vous a protégé en montant la garde, le temps qu’on arrive… Mais sa tête ne me revient pas.
— Je verrai quand il s’occupera de moi. En tout cas il a l’air expérimenté avec les patients.
— Si seulement on pouvait te retrouver la vue.
— Arrête. Papa a dit la même chose mais ce n’est pas juste. J’accepte mon sort alors arrêtez de vouloir faire la peau à ce démon. C’est grâce à lui si papa est en vie…
— J’ai ramené des fruits et du jus.
— Merci beaucoup Deniel.
— Je peux vous laisser si vous préférez, je ne voudrais pas…
— Non non, nous avons fini, mais c’est gentil de votre part.

2016.02.11

Acteur

Totalement paniquée, elle s’était réveillée et tapotait tout ce qu’il y avait autour d’elle pour tenter de savoir où elle se trouvait.
Elle toucha également son visage et le contour de ses yeux. Elle était aveugle, mais ses yeux étaient encore présents, elle n’avait pas été défigurée et il n’avait pas arraché ses globes occulaires comme elle l’avait imaginé lorsqu’elle avait ressenti cette douleur insoutenable.

*

Il était là, à guetter la moindre chance qu’il pourrait avoir pour l’approcher.
Il voulait la tester, il éprouvait des sentiments pour elle mais il savait également qu’elle ne se serrait jamais intéressée à lui sous sa vraie forme.
Il était un démon. Son physique était repoussant pour n’importe qui de normalement constitué.
Les démons se reproduisaient généralement avec la personne de leur choix, sans aucun consentement, et perpétuaient ainsi leur lignée.
Les garçons devenaient à leur tour des démons. Ils gardaient une forme humaine jusqu’à leur maturité, et développaient leur forme bestiale peu à peu par la suite.
Les filles suivaient la même croissance mais devenaient des succubes.
Les hommes ne pouvaient pas leur résister.
Ils pouvaientt reprendre leur forme humaine à volonté.
Les progénitures issues d’un démon et d’une succube n’avaient pas de forme humaine.
Les gènes humains étant faibles.
Ils étaient certes plus forts mais leur forme bestiale permanante était un inconvénient.
Les démons ainsi que les succubes ne pouvaient se reproduire que sous leur forme bestiale, ce qui peut également poser des soucis si leurs partenaires n’y sont pas préparés.

Il s’était éprit de cette humaine, et pas n’importe laquelle.
La fille d’un seigneur puissant.
Il n’était pas à cet endroit par hasard. Lorsqu’il vit son père à terre, et la jeune fille en pleurs, il ne put s’empêcher d’intervenir et de proposer un pacte.
Il allait profiter de son statut de démon pour se créer une brèche vers son souhait. Si elle perdait la vue, elle pourrait peut-être l’apprécier pour ce qu’il était dans son coeur, et ne pas être influencée par son physique repoussant. Il lui fallait cela pour qu’elle puisse le rejeter et qu’il passe à autre chose. Cela faisait trop longtemps qu’il pensait à elle.

Elle ne fut même pas surprise de le voir apparaitre.
Elle était tellement désespérée qu’elle aurait accepté de donner sa vie pour sauver son père.
Son coeur se ressera, et il l’empoigna par son crâne, sa main énorme, veineuse et brûlante, il la posa sur ses yeux.
Elle ne résista même pas. Ses larmes s’évaporaient au contact de sa peau.
Lorsqu’elle commença à souffrir et crier, il se força à l’ignorer.
Elle perdit connaissance et il la prit dans ses bras.
Il s’agenouilla et l’allongea doucement dans ses bras.
Dans sa main qu’il retira, il tenait sa vue précieuse.
C’était contenu dans une sorte de bulle invisible et le contenu ressemblait à plusieurs liquides filaires qui s’entrecroisaient à l’infini.
Il referma sa main et le tout disparu.
Il avait rangé ça précieusement.
Il rouvrit sa main après quelques secondes de concentration.
Puis il leva sa main au ciel et sembla tirer quelque chose.
Il se concentra sur le corps de son père et un trait lumineux descendit jusqu’à son coeur.
Quelques secondes plus tard, il remua et se réveilla petit à petit, comme s’il venait de faire un mauvais cauchemar.
Lorsqu’il ouvrit les yeux, le temps qu’il se remémore les évènements, il regarda en direction de sa fille.
Elle était inconsciente dans les bras d’un inconnu.
Bien entendu le jeune démon avait prit sa forme humaine et allait commencer son plan.

Son père paniqua, il se leva lentement et faillit frapper l’inconnu.

— Que s’est-il passé ?!

À peine avait-il eu le temps de poser sa question, que le jeune homme commençait à répondre.
Il jouait très bien son rôle qu’il avait préparé dans sa tête depuis des années.
Il prenait soin de la jeune fille inconsciente, il l’avait allongée dans ses bras de manière qu’elle ne soit pas mal installée.

— Ne vous inquiétez pas, elle est juste inconsiente.

Il le regarda avec de gros yeux.

— Vous ne devriez pas vous agiter, vous revenez d’entre les morts…
— Comment- ?!
— Votre fille a fait un pacte avec un démon pour vous ramener à la vie.

Il se figea. Le temps qu’il avale et comprenne la situation.

— Oh non… Qu’a t-elle fait… Cette idiote…
— Je l’ai vu pleurer à chaudes larmes… Et ce démon a profité de son désespoir et de sa peine… Je suis arrivé trop tard…

Il baissa son regard. Il était bon acteur.

— Qui êtes-vous ? Que faisiez-vous là ?
— Je suis un simple aventurier, j’ai vu de la fumée et je me suis précipité dans l’enceinte du château, des gens avaient besoin d’aide, je ne pouvais pas les laisser mourir…

2016.02.08

Contrat

Elle tâtonait, du bout des doigts, dans l’espoir de ne pas se prendre un mur en plein visage, baladant ses mains devant elle.
Il lui attrapa sa main, et la serra tout contre lui.
L’effet fut immédiat
Elle chercha son visage de son autre main libre.
Il la laissa essayer de deviner son identité, puis il colla sa main contre sa joue.

— C’est moi.

Il lui souriait, bêtement, plus qu’heureux d’être en sa compagnie, même s’il savait qu’elle ne le voyait pas.
Son coeur battait dans un rythme irrégulier et sa respiration était étrange.
Elle se colla contre lui et ne voulut plus le lâcher.

— Tout va bien, je ne te laisserai plus jamais toute seule.

*

Elle avait sacrifié ses yeux pour sauver la vie de son père.
Le démon lui avait proposé un pacte et elle avait accepté sans hésiter.
Elle était aux côtés du corps de son paternel, au sol, il s’était interposé pour la sauver et il n’avait pas pu s’en sortir indemne.
Le démon s’approcha d’elle.
Elle le regardait avec ses yeux rouges emplies de larmes.
Il s’adressa à elle.

— Es-tu prête à te sacrifier pour récupérer la vie de ton père ?
— Oui, tout ce que vous voulez.
— Dans ce cas, je prendrai tes yeux.

Il posa ses mains sur son visage de manière à recouvrir ses yeux et une lumière rouge et chaude jaillit de sa paume.
Ça commença à la brûler de plus en plus, et elle finit par crier de douleur.
Il l’avait soulevée, la laissant debout sur la pointe des pieds.
Lorsqu’il finit, il la relâcha, elle s’écroula, ayant perdu connaissance avec la douleur et le contract qu’elle avait scellé.

Dans la minute qui suivit, le corps de son père reprit sa respiration et il se réveilla en sursaut, cherchant sa fille des yeux.
Elle était à quelques mètres de là, il se précipita sur elle, il eut peur quelle soit morte et que sa tentative n’ait servi à rien.

2016.02.08

Vitre brisée

Enlevée puis séquestrée dans une maison abandonnée.
Elle avait perdu toute notion du temps.
Elle les avait supliés de la tuer mais ils l’ignoraient.
Elle avait fini par abandonner toute forme de négociation.
Personne n’allait venir la sauver et elle savait que si elle voulait quelque chose, il allait falloir qu’elle s’en donne les moyens.
Elle était nue et blessée de toutes parts : égratinures, bleus, elle avait été de nombreuses fois violée, et battue.
Un soir, parce qu’ils buvaient généralement à la tombée de la nuit, ils s’étaient un peu trop emportés et étaient complètement saouls.
Ils s’étaient endormis chacun dans une pièce différente.
Il faisait froid et tout ce qu’elle avait était un drap de lit en coton.
Elle remarqua le silence entrecoupé de ronflements.
Elle se dit que c’était sa chance ou jamais.
Elle se leva, tant bien que mal, et pria pour ne croiser personne encore debout. Elle marcha sur la pointe des pieds, malgré les grincements du vieux parquet, personne ne sembla se réveiller.
Une fenêtre cassée au rez-de-chaussée lui épargna l’ouverture de la porte et le risque de réveiller tous les hommes.
Elle se faufila par la vitre brisée. Elle était pieds nus, et son drap ne la protégea pas des quelques débris de verre restés sur la fenêtre et qui lui entaillèrent le dos.
Elle serra les dents, la douleur était infime comparée à tout ce qu’elle avait déjà subi.

Elle était enfin libre.

La maison était en plein milieu de la forêt, totalement perdue, rien aux alentours à part des arbres et le froid.
Il fallait qu’elle bouge d’ici et rapidement.
Elle choisit une direction au hasard et décida de courir dans cette voie.
Elle s’essoufla rapidement et elle commençait à avoir très froid.
Elle s’enroula dans son drap abîmé et sale.
Elle continua sa route.

2016.01.26

Cheville

Elle était en train de courir, elle le poursuivait, tandis qu’il lui montrait la voie.
Il s’essouflait et il finit par trébucher et se foula la cheville.
Elle l’entendit jurer.

— Il fallait que ça arrive maintenant… !

Elle voulut l’aider et s’accroupit à ses côtés pour le soutenir et le relever.

— Ne te soucie pas de moi et cours, va t-en !
Lui cria t-il.

Il lui sourit et ajouta.
— Ça va aller pour moi, de toute facon je ne peux plus marcher et je ne ferai que te ralentir…

Elle ne pouvait pas se résoudre à le laisser.
Elle se retourna pour jeter un regard derrière eux, et elle le vit, le patron des lieux, une arme à feu dans la main, la pointant droit sur son employé, qui était de dos.
Elle se plaça rapidement entre eux et déploya ses ailes, les refermant sur celui qui était à terre.
Il ne comprit pas immédiatement la situation.
Elle entendit les coups de feu, suivis d’une douleur au niveau de ses ailes. Quelques unes des balles venaient de lui transpercer les ailes et son dos.
Elle le relâcha, en prenant sur elle-même.
Il semblait aller bien, mis à part la tache rouge en train de s’étendre au niveau de ses côtes.
Une des nombreuses balles avait réussi à passer à travers son bouclier et s’était logée dans le dos de l’homme.
Malheureusement il n’était pas de la même constitution qu’elle. Ce n’était qu’un humain fragile.
Elle ne savait pas quoi faire pour l’aider et des larmes commencèrent à brouiller sa vue et coulaient sur sa joue.

Il apparut là, elle reconnut tout de suite sa silouhette.
Il s’approcha d’elle sans dire un mot et elle leva ses yeux.
Il la vit pleurer et cela lui fit un pincement au coeur. Plus que la vue de l’humain dans ses bras.
Il comprit sa demande et fit signe à ses hommes d’emmener l’humain et de s’en occuper.
Elle resta assise par terre, les larmes aux yeux, épuisée.
Il s’approcha d’elle et s’accroupit, il voulait la prendre dans ses bras.
Elle lui rendit son étreinte puis il sentit le poids de son amie sur lui. Elle ne répondait plus.
Lorsqu’il l’examina de plus près, il se rendit compte qu’elle avait plusieurs balles dans son corps, le sang qui s’écoulait et sortait de son corps s’évaporait immédiatement dès lors qu’il touchait l’herbe et la terre.
Il paniqua et la porta dans ses bras et donna l’ordre de rentrer dès que leur tâche serait terminée.
Ses hommes s’étaient occupés de nettoyer toute trace de leur passage.

Elle se réveilla dans la chambre de son compagnon.
Elle avait encore une légère douleur dans le dos et les ailes, mais rien d’insupportable.
Elle voulut tout de suite se lever mais la porte s’ouvrit et il la forca à se recoucher.
Il colla son front sur le sien et l’embrassa.
Ses longs cheveux noirs, légèrement réunis en arrière et attachés par un discret ruban.
Elle, ses cheveux blonds aux pointes bouclées, décoiffés. Elle lui rendit son baiser.

— Merci…
— Chut. Repose-toi encore un peu.

Il était rassuré et heureux de la retrouver et cela s’entendait légèrement dans sa voix.

— Et l’humain… ?
Osa t-elle demander.

— … Il était vraiment mal en point… On a essayé de le sauver mais on a dû le passer en forme d’ange… avec l’accord de l’ancêtre.

2016.01.25

Frères

J’avais 33 ans et je tombais amoureux pour la première fois de ma vie.
C’était une amie de mon frère, il ne la connaissait pas depuis très longtemps mais ils étaient étrangement proches.
Il m’en avait parlé de long et en travers et cela s’entendait dans sa voix qu’il en était amoureux.
Ce soir là, il l’avait emmenée avec lui jusqu’à notre bar préféré.
C’était la première fois que je la rencontrais et que j’ai pu la juger de mes propres yeux.
Un peu épuisée par son week-end, qu’elle avait passé en compagnie de mon frère, elle me sourit et me fit un signe de la main.
Comme il l’avait décrite, elle était rayonnante.
J’ai pu l’approcher et lui adresser quelques mots au cours de la soirée, sans plus.
Je la voyais proche de mon frère, et cela me fit un pincement au coeur, de manière inexpliquée.
Je ne pouvais être jaloux de mon jumeau qui la connaissait depuis plus longtemps que moi, alors que je n’étais qu’un inconnu pour elle.
Et pourtant, elle me plut dès le premier regard, à travers les mots de mon frère, j’en était tombé amoureux.

J’étais moins doux et attentionné que mon frère.
Elle apprit à me connaitre et à me considérer comme une personne différente. Elle sut me différencier rapidement de mon jumeau et je l’en remerciais. Ce qui ne l’empêcha pas d’être aussi familière avec moi qu’avec lui. C’était dans sa nature.

Puis, elle perdit la vue.
Ce fut un choc pour nous deux.
Il savait ce que j’épprouvais pour elle. Il savait que j’avais beaucoup moins de scrupules que lui.
Elle d’habitude enjouée, ne sortait plus et passait son temps enfermée chez elle.
Mon frère s’inquiétait et lui rendait visite de temps à autres.
Jusqu’au jour ou elle fit une tentative de suicide.
Elle lui avait parlé du fait qu’elle ne voulait pas être un poids pour quiconque. Il n’avait pas compris l’ampleur de sa peine.
Heureusement, il arriva à temps.
Elle était allongée sur son lit, immobile, le pot de médicaments dans sa main, une lettre à son chevet.
Il comprit tout de suite.
Il tâta son pouls et appela les urgences.
Il m’appela ensuite, la panique dans sa voix, et je le rejoignis à l’hôpital pour l’épauler. Il était effrondré.
J’étais également mort d’inquiétude mais je me forçais à garder mon sang froid.

Elle était maintenant hors de danger.
Elle resta quelques jours à l’hôpital avant qu’on décide de la prendre sous notre aile, et qu’elle vienne habiter avec nous.

Nous avions un accord.
Mon frère et moi devenions ses tuteurs.
Nous lui fîmes promettre de ne plus jamais faire de tentative de ce genre.

2016.01.20

Double

Assis sur leur canapé.
Elle au milieu.
L’un à sa droite, et l’autre à sa gauche.
Elle avait les yeux fermés et ne semblait pas vouloir les ouvrir.
Elle donnait la main à ses deux amis.
Ils la protégeaient comme la prunelle de leurs yeux.
Ironique, lorsqu’on savait qu’elle était aveugle.
Elle leur accordait entière confiance, et les aimait autant l’un que l’autre.
Ils étaient jumeaux, et malgré sa déficience, elle était capable de les reconnaître sans souci, grâce au toucher et à l’ouïe.
Il avait une voix et un ton plus doux tandis que l’autre était un peu plus discret et moins bavard.

2016.01.15

Malchance

Elle était au mauvais endroit, au mauvais moment.
Elle sentit une douleur vive, elle voulut être sure et toucha, puis regarda sa main.
Du sang. Beaucoup trop de sang.
Elle tituba jusqu’à un mur pour s’y appuyer.

Une silouhette apparut devant elle.
Comme par magie, instantanément.
Il la rattrapa avant qu’elle ne tombe et l’aida à s’adoser.

— Tout ira bien. Tout va bien se passer.

Sa vue se troubla.
Il la rassura, la main posée sur sa joue.

2016.01.07

Bain public

Elle toussa, une fois, puis plusieurs fois.
Elle cracha du sang avant de s’écrouler au sol.
Combien de temps s’était-il écoulé ?
Quelqu’un d’autre entra dans le bain, et vit son corps affalé par terre.
C’était une fille d’une autre classe, une sportive. Elle ressortit aussitôt paniquée et prévint le personnel.

— Il y a quelqu’un qui n’est pas bien, là !

Le personnel appela son frère qui était dans le bain opposé pour lui dire que sa soeur était mal au point.
La jeune fille aida à rhabiller rapidement l’autre fille qui saignait du nez.
Son frère sortit avec précipitation, en laissant ses deux amis, il se rhabilla également et alla voir l’état de sa soeur.

2016.01.07