Rouleau

Après plusieurs années de bonheur et de joie.
Marianne finit par quitter ce monde.
Elle avait tout prévu, le testament avec son notaire, une lettre qu’elle avait rédigée pour Annabelle et une autre pour Duncan.

Annabelle était inconsolable et Duncan la soutint autant qu’il put.
Elle dut se reprendre rapidement, elle avait beaucoup de choses à gérer, comme les obsèques de Marianne, même si beaucoup de choses avaient été réglées en amont, il lui restait tout le reste.
Elle avait hérité de la totalité de ses biens parce qu’elles étaient mariées mais Annabelle avait le choix de reprendre le poste de Marianne ou plutôt le confier à quelqu’un d’autre. Elle demanda conseil à Duncan qui fut du même avis qu’elle, qu’elle pouvait faire confiance à la plus ancienne des employées en qui Marianne avait une entière confiance.

Elle fut convoquée au bureau.
Certains des autres employés se méfiaient d’Annabelle. Ceux qui ne la connaissait pas. D’un point de vue extérieur, elle avait profité de la situation et la mort de Marianne avait donné raison à leurs suppositions.

— Tu te rends compte, elles se sont mariées et pouf, Marianne est décédée… c’est vraiment le bon plan pour hériter de tout ça.
— Elle n’est pas comme ça, Annabelle, tu ne la connais pas.
— Pas besoin de la connaître, c’est une profiteuse. Je suis sûre qu’elle va reprendre le contrôle et nous virer, p’tre même tout revendre.
— Vu comment elle est devenue proche de Duncan juste après les obsèques, elle se remet vite. C’est une bonne comédienne quand même.

L’ancienne employée n’était pas du même avis, et même si les faits étaient ainsi, elle préférait laisser place à la confiance envers Annabelle.

— Ayez un minimum de respect, je comprends vos craintes au sujet de l’avenir mais je ne pense pas qu’elle va détruire tout ce que Marianne a construit.
— Tu nous diras ça, après votre entretien. Ça se trouve elle t’a convoquée pour te virer.
— Je comprends même pas pourquoi Marianne ne t’a pas légué quelque chose. T’es quand même la plus qualifiée pour reprendre sa suite…
— Ça se trouve, c’est Annabelle qui l’a manipulée pour hériter de tout.
— Stop. Arrêtez.

Elle était irritée d’entendre toutes ces complotations, et jalousies. Elle ne voulait pas y croire.
C’est avec une certaine appréhension qu’elle se rendit dans le bureau de Marianne, pour avoir cet entretien avec Annabelle, et Duncan.
Elle fut d’abord surprise et un peu intimidée de ne pas être seule avec l’intéressée.

— Excuse-moi, j’ai préféré que Duncan soit présent pour me conseiller… tout ça est assez nouveau pour moi…
— Ah… euh, oui bien sûr…

Elle n’était pas en position de dire quoi que ce soit.
Elle s’attendait au pire. Et si ses collègues avaient raison ? Qu’Annabelle manipulait maintenant Duncan pour tout s’approprier… ? L’angoisse naissait en elle mais elle essayait de ne rien montrer.
Annabelle l’invita à s’asseoir dans le fauteuil devant elle, Duncan occupait celui juste à côté.
Elle le salua poliment et se posa.

À cette distance, elle remarqua les yeux rouges et la figure encore plus pâle qu’à l’accoutumée d’Annabelle.
Elle faisait peine à voir. Elle avait certainement passé de courtes nuits à réfléchir à ses nouvelles responsabilités et la perte de sa femme.
Annabelle lui sourit timidement.

— Je ne vais pas tourner autour du pot et je vais essayer de ne pas te faire perdre trop de temps… j’en ai discuté avec Duncan, et je pense que tu devrais remplacer Marianne…
— P-pardon… ?
— Désolée si c’est soudain… Marianne m’a laissée tout un tas d’instructions… et même si on en a assez peu parlé de son vivant… je sais qu’elle t’accordait une grande confiance et elle avait une grande estime de tes compétences… je veux pas non plus te forcer la main mais… je ne me sens pas capable de faire ce qu’elle faisait. Actuellement… je n’ai ni les épaules ni ton expérience en la matière… Puis ça rassurerait tout le monde que ce soit toi… je me rends bien compte de la méfiance à mon sujet…
— Mais…
— Enfin, c’est une proposition, tu peux la refuser… je t’avoue que cela m’arrangerait que tu l’acceptes… je m’en sors pas trop avec tout ça, pour être tout à fait honnête avec toi…

Annabelle força un sourire, et des larmes montèrent à ses yeux. Un paquet de mouchoir à moitié entamé était sur son bureau.

— Désolée… c’est encore… tout me paraît compliqué sans elle…
Dit Annabelle, en ravalant ses sanglots.

Elle était touchée et émue, elle ne pensait pas qu’on lui accorderait cette confiance et ce poste.
Elle resta muette, ne sachant pas quoi répondre.

— Je suis du même avis qu’Annabelle.
Ajouta Duncan.

L’ancienne accepta la proposition et fut reconnaissante. Duncan lui tendit les papiers à signer, et lui expliqua les démarches que ça allait impliquer pour la suite.
Annabelle resterait propriétaire des lieux, mais elle donnait la présidence et toutes les responsabilités à l’ancienne, Anisa, qui avait la possibilité d’assigner les employés à d’autres postes et même créer des postes pour soulager ses tâches.

— Merci beaucoup. Je peux te confier tout ça l’esprit serein, je reste disponible si tu as besoin de quoi que ce soit, hésite pas à m’envoyer un message ou m’appeler. Tu as mon numéro.
— Tu peux également m’appeler, si jamais tu as des questions ou qu’Annabelle n’est pas joignable.
— Mais… tu n’es pas censé travailler ?
— Ahah… si, mais avec le décès de Marianne, j’ai pris quelques jours de congé pour aider Annabelle… quoiqu’il en soit, tu peux également m’envoyer des messages si tu as peur de me déranger avec un appel.
— Merci… merci pour tout ce que vous faites…
— C’est un peu condensé ces derniers temps, mais dès que ça sera réglé, on pourra souffler.
— Je vais m’absenter ces prochains jours, je dois passer chez le notaire et m’occuper d’autres rendez-vous, ne t’inquiète pas si tu ne me vois pas ici. Je te laisse les rennes, encore merci Anisa.
— Je t’en prie… si je peux aider…
— Tu m’ôtes une énorme épine du pied en acceptant, merci.

Anisa observait, elle voyait Annabelle au bout du rouleau et Duncan, qui lui avait paru intimidant, était en réalité nécessaire pour la rassurer, mais également pour l’épauler dans cette épreuve. Sa présence était douce et protectrice vis à vis d’Annabelle. Il avait un regard triste et il la surveillait pour qu’elle ne s’épuise pas trop.

*

— Rentre chez toi.
Lui avait-il dit.

— J’ai encore des trucs à gérer.
S’obstinait Annabelle, avec des cernes marquées.

— Ça suffit, tu es épuisée, va te reposer. Ça ne sert à rien que tu te fatigues encore plus, tu risques de faire des erreurs. C’est contre-productif.
Répondit Duncan, exaspéré.

Il s’approcha d’elle pour la forcer à fermer ses dossiers, et la décolla de son bureau.

— Allez, soit raisonnable.

Annabelle avait fini par avouer à Duncan qu’elle dormait peu et mal. C’était dur de rentrer et se retrouver seule dans cet appartement sans Marianne.
Il lui avait proposé de passer chez lui, sans aucune mauvaises intentions, il voyait bien qu’elle était maussade rien qu’à l’idée de rentrer et elle ne refusa pas son offre.
Sur le trajet relativement court jusqu’à chez lui, elle s’était endormie sur le siege passager.
Il eut de la peine à la réveiller et, elle pleurait dans son sommeil, les larmes naissant au creux de ses yeux.
Il décida de la porter jusqu’à chez lui et la coucha dans son lit, avant de quitter la chambre et lui-même s’installer dans son canapé.

C’était également dur pour lui.
Il avait perdu sa plus grande amie et confidente, celle qu’il avait toujours considéré comme sa soeur. Elle n’était plus et elle lui avait laissé la mission d’épauler Annabelle dans cette épreuve.

*

Après quelques années, Annabelle avait retrouvé une vie presque normale. Passé la paperasse dont elle devait s’occuper après le départ de Marianne, elle avait pu retourner à son ancien poste, celui d’assistante de direction, de directrice adjointe.
Anisa était plus que ravie d’avoir Annabelle en support et les affaires se déroulaient comme sur des roulettes.

Duncan avait gardé contact avec elle et continuait de la croiser à certaines soirées professionnelles.
Elle ne les appréciait pas plus que ça, mais cela lui rappelait le bon vieux temps avec Marianne.
Elle s’y rendait par obligation professionnelle mais également parce qu’elle pouvait y revoir Duncan par la même occasion.
Cela lui faisait plaisir de voir Annabelle aller mieux. Elle dégageait une aura différente depuis, plus sûre d’elle, plus détendue. Anisa était également de la partie, et elle avait convié quelques uns de ses employés pour leur faire profiter de ce moment.

Annabelle avait aperçu Duncan dans la foule et lui faisait des signes, tout en se rapprochant de lui.

— Hé ! Bonsoir ! Toujours aussi ravissant…
Le salua t-elle, avec un verre à la main.

Elle aimait le taquiner gentiment, et il sourit.

— Qui vois-je ? Déjà en train de boire ?
— Tu devrais en faire autant.
— Laisse-moi le temps d’arriver…

Ils se retrouvaient comme de vieux amis.
Elle passait la majeure de la soirée en sa compagnie.
Depuis qu’elle avait eu des mésaventures avec des vautours qui en avaient après son héritage, Duncan s’était interposé pour les dissuader.
Les rumeurs allaient de bon train, et certains jasaient au sujet de Duncan intéressé par les biens d’Annabelle, ou encore d’Annabelle qui serait à la chasse d’une nouvelle proie depuis la mort de Marianne.
Ils n’en avaient que faire de ces commérages.
De temps en temps, certains saluaient et cherchaient à avoir des discussions avec elle pour des affaires, et Duncan était assez intimidant pour filtrer le sérieux et la volonté de ses interlocuteurs.

— Tu devrais venir à la salle avec moi, et suivre les cours de combat.
Avait suggéré Duncan.

— Je ne pense pas que je sois faite pour ça…
— Tu ne le sais pas encore, juste pour pouvoir te défendre au cas où, et qui sait, tu vas peut-être y prendre goût !
— Je ne sais pas…
— Tu n’as pas d’excuse. Je sais que depuis qu’Anisa s’occupe de la maison, tu as beaucoup de temps libre. Viens essayer au moins une fois, après je te laisse tranquille.
— … Ok… parce que c’est toi. Rien qu’une fois, hein !

Il affichait un sourire ravi.

*

Ils s’étaient retrouvés à la salle et Duncan avait prévenu son professeur de la présence d’Annabelle.
Elle était arrivée, un peu perdue, jetant encore une fois son regard sur sa montre, mais Duncan lui faisait signe, alors elle fut rassurée de ne s’être pas trompée de lieux ni d’heure. Son sac de sport à l’épaule, elle s’était changée pour l’occasion, un haut simple et un jogging sombre. Les cheveux réunis grossièrement en queue de cheval. Des bouclettes rebelles échappées de l’élastique.
Il lui avait donné quelques explications et exercices pour débutants et avait demandé à Duncan de l’épauler et lui expliquer plus en détails pendant qu’il s’occupait des autres.

2022.06.15

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