Songe

Aurore avait réussi à dévier l’attaque de justesse, mais Ten’ avait été projeté contre un tronc d’arbre et avait été sonné.
Elle était effrayée mais essayait de ne pas paniquer, malgré tout son corps qui tremblait.
La présence ennemie se rapprochait d’elle, dangereusement et elle, elle reculait, petit à petit, essayant de garder une distance.
Elle avait envoyé un message pour prévenir de sa position mais elle ne savait plus à qui exactement et elle n’avait pas le temps de vérifier.
Elle essayait d’invoquer des barrières de racines et de terre pour se protéger mais l’ennemi les balayait d’un seul geste.
Elle se retrouva vite acculée, et en reculant en marche arrière, sans pouvoir regarder où elle mettait les pieds, elle finit par trébucher et tomber, évitant une attaque lui étant destinée.
Elle entendit l’ennemi claquer de la langue.
Elle se releva aussi vite qu’elle le put pour courir et s’enfuir.

Vladislaw arriva au bon moment, il attrapa Aurore et l’emporta en courrant.
Il n’eut pas le temps de lui expliquer.
Chloé apparut juste après et s’interposa.

—Mets la en sécurité, je m’occupe du reste.

Vladislaw acquiesça sans dire un mot.
Il l’éloigna et lorsqu’ils furent au calme, il la déposa et lui demanda si elle n’avait rien.
Le coeur encore battant, elle reprenait sa respiration.

— Mais Chloé-
— Ne t’inquiète pas pour elle, il n’est pas de taille contre elle.
— Je… ma mère… elle…
— Respire, calme toi. Tu peux faire confiance à Chloé. Est-ce que ta famille est au courant ?

Aurore chercha son téléphone dans sa poche pour vérifier, et elle appela son père dans la foulée.
Il entendit dans sa voix la panique et il resta calme pour ne pas aggraver la situation.
Il eut Vladislaw à l »appareil qui lui expliqua ce qu’il en était et il raccrocha.
Aurore sauta dans les bras de son sauveur, encore tremblotante.

— Merci… merci d’être venu…
— Ce n’est rien… je ne suis pas d’une grande aide, mais Chloé elle, oui.
— Comment as-tu su… ?
— C’est Chloé. Elle a compris ce que c’était lorsque je lui en ai parlé et elle m’a dit de la suivre aussitôt.

*

Gabriel fit au plus vite pour arriver sur les lieux.
Chloé avait déjà réduit en poussière l’ennemi et s’était approchée d’Alexandra pour vérifier son état.
Gabriel paniqua.
Chloé le rassura.

— Elle respire encore, c’est faible mais elle n’est plus en danger. Par contre, il faut la mettre sous perfusion, elle a été très affaiblie.
— Merci… je ne sais comment vous remercier…

Gabriel la porta et l’emmena en soin.
Le médecin les conseilla de l’ammener dans l’hopital de son frère, pour qu’il puisse faire des examens plus poussés sur son état humain.

*

Elle allait mieux, elle avait retrouvé le sourire.
Après avoir rassuré toute la famille, son frère vint la voir pour lui parler de ses résultats médicaux.
Il attendit de pouvoir lui en parler en privé, et il ne semblait pas spécialement joyeux.

— Qu’il y a t-il, Alexandre ? Tu en fais une de ces têtes !
Se moqua t-elle, gentiment.

Il s’asseya.

— … Tu es en train de reprendre des forces grâce à la perfusion. Tu manges correctement… tu dors bien ?
Dit-il en tournant les pages de son dossier.

— Hm… oui ? Tu as autre chose à me dire… ? Ne tourne pas autour du pot avec moi…
— Je sais… mais… on a trouvé des cellules cancérigènes dans ta prise de sang… tu…
— C’est mauvais à ce point… ?
— Oui… je…
— Je n’en ai plus pour très longtemps… ?
— Je ne sais pas… ça peut-être des semaines, des mois… peut-être encore un an ?
— Tu sais ce que je pense de l’acharnement médical. C’est trop tard pour soigner, n’est-ce pas ?
— Oui… je suis tellement désolé…

— Tu n’y es pour rien. Et je suis pas encore morte.
Essaya t-elle d’adoucir l’atmosphère.

— C’est vrai…
— Je ne me sens pas mourante, pas encore.
— Chrystal m’a dit que ta partie magique doit compenser, mais la partie humaine risque de lâcher d’un moment à un autre…

— Je… je dois en parler à Gabriel et Chris…
Elle baissa les yeux, songeuse, grave.

Son frère la laissa seule., pour réfléchir.

— Je suis là, si tu as besoin de quoi que ce soit.
Dit-il, avant de partir et refermer la porte derrière lui.

Il se sentait impuissant, il l’était.
Elle, sa soeur jumelle, allait mourir, et il ne pouvait rien y faire. Il avait déjà annoncé ce genre de nouvelle lugubre à des patients, mais cette fois-ci, cela le touchait personnellement.
Il n’était pas très démonstratif mais il tenait à sa soeur.
Chrystal voyait sa peine et elle le consola de son mieux.

*

Elle regarda ses mains, ne sachant pas quoi penser, quoi dire. Elle allait mourir.
Elle rit nerveusement.
Elle avait échappe à la mort tant de fois, mais cette fois-ci, c’était une mort lente, presque douce, qui l’attendait.
Elle essayait de voir le côté positif : elle avait le temps de dire aurevoir, de préparer son départ.
Un départ vers un long voyage, seule.
Elle réfléchissait à la manière dont elle allait annoncer cela à ses époux. Comment allaient-ils réagir ?
Quelle question : mal, certainement.
Une chose était sure, elle ne voulait pas être mourante, ni qu’elle se dégrade peu à peu, perdant ses fonctions vitales minimales. Elle ne voulait imposer cela à personne. Elle allait devoir en discuter sérieusement avec eux.
Sans parler de l’annoncer à ses enfants.
Elle ne pouvait pas leur cacher.

*

Gabriel et Chris vinrent la voir à l’hopital.
C’était assez inhabituel qu’elle demande à les voir tous les deux, ils auraient fini par passer la voir chacun à leur tour à cause de leur emploi du temps, mais qu’elle demande explicitement de les voir ensemble était étrange.
Lorsqu’elle leur annonça la nouvelle, ils restèrent sans voix. Sans réaction.

À l’intérieur de lui, quelque chose s’était brisé.
Il aurait voulu croire qu’elle leur faisait une très mauvaise blague mais elle n’avait pas l’expression qui allait avec.
Gabriel l’approcha le premier et s’assit dans la chaise qui était à côté d’elle, prenant sa main dans la sienne.
Il n’avait pas les mots.
Plusieurs questions se bousculaient dans sa tête. Combien de temps leur restait-il. Y avait-il des solutions ?
Chris s’assit à côté d’elle et prit son autre main et ils restèrent silencieux un moment, à la serrer dans leurs bras, la soutenir sans un mot.

Elle avait déjà consulté Chloé qui lui avait exposé les risques et les inconvénients si jamais elle tentait une transformation. C’était trop d’incertitudes et Alexandra ne voulait pas prendre ce risque.
Elle ne voulait pas non plus vivre une éternité. Elle imaginait la douleur de voir ses enfants mourir avant elle et cela lui était insupportable. Elle préférait accepter son sort.
Son corps allait lâcher, comme une sorte de bombe à retardements.

*

Le jour J.

Cela faisait des semaines qu’elle avait quitté l’hopital.
De premiers abords, elle avait l’air totalement en bonne santé mais elle savait que son organisme ne tenait plus à grand chose. Par chance, son organisme magique compensait mais elle sentait ses aptitudes diminuer drastiquement et elle savait que la fin devait être proche. Elle voulait partir en pleine conscience.
Ses enfants étaient prévenus et même s’ils ne voulaient pas que cela se termine ainsi, c’était son choix et ils devaient la respecter.

Elle avait préparé la seringue contenant la dose mortelle. Elle savait que cela serait une fin douce, elle s’endormirait pour toujours.
Gabriel l’attendait et Chris n’était pas loin.
Ils l’accompagnèrent en pleine forêt, au calme, loin de tout.
Une dernière balade, rien que tous les trois.

Ils s’arrêtèrent pour faire une pause, assis sur le tronc d’un arbre qui était tombé, elle sortit la seringue qu’elle positionna sur son bras.
La main de Chris et de Gabriel l’aidèrent à la maintenir et effectuer la pression nécessaire.
Tout ce qu’elle avait à dire avait déjà été dit.
Il ne fallut que quelques minutes avant qu’elle ne ferme les yeux et qu’elle tombe.
Les bras des hommes l’empêchèrent de basculer, et ils la posèrent delicatement dans les bras de Gabriel.
Chris se tenant à ses genoux, serrant sa main dans la sienne.
Elle semblait simplement s’être endormie, un sourire léger sur ses lèvres, en train de faire un doux songe, la vie avait quitté son corps.

Ils rentrèrent et Gabriel l’allongea sur le lit de leur chambre.
Elle avait choisi de ne pas faire des adieux larmoyants avec ses enfants, que ses derniers instants soient avec Gabriel et Chris.
Cela ne les empêcha pas de pleurer après.
Ils étaient réunis autour d’elle, l’embrassant une dernière fois sur le front.
Elle était encore tiède, ses joues encore roses.

*

Chris décida de retourner au domaine de Sephyl.
Maintenant qu’Alexandra n’était plus là, que ses enfants étaient grands et autonomes, vivant leur propre vie, il n’avait aucune bonne raison de rester.
Cela lui était également douloureux de ressentir le vide laissé par la mort d’Alexandra. Il avait besoin de temps seul. À faire le deuil.
Puis, il ne se voyait pas dormir avec Gabriel, sans Alexandra.

Hélène était très émotive et avait du mal à s’en remettre. Elle tenta de se plonger dans son travail et ses créations mais elle voyait sa mère dans ses projets.
Alain était plus discret mais il était également affecté. Il voyait à quel point leur père était triste, comment sa soeur extériorisait, mais lui, il gardait tout en lui.

Céan ne voulait pas accepter sa mort.
Mathilde, sa compagne, fit tout pour lui remonter le moral et l’aider à faire le deuil. Elle tenta de le réconforter avec les bons mots et elle fut d’un grand soutien.
Il décica de l’épouser peu de temps après, et ils eurent une fille qu’ils appelèrent Sylvia.

Aurore était également dans le déni, elle était en colère. Elle aurait préféré que sa mère accepte de se transformer pour rester en vie. Vladislaw lui expliqua à de nombreuses reprises à quel point c’était risqué et que cela était plus une malédiction qu’autre chose.
Elle n’arrivait pas à oublier sa mère, et elle vit son père seul et elle décida de l’aider en acceptant sa formation et en remplaçant en quelque sorte le vide de sa mère, en s’occupant des affaires avec son père. Cela lui permettait également de passer du temps avec lui.

Gabriel était méconnaissable. Il était atteint d’une profonde tristesse et sa santé se dégrada subitement.
Aurore prit soin de lui et dut appeler sa soeur Hélène pour venir l’aider à lui remonter le moral et le secouer pour le réveiller.
Elles en profitèrent pour faire un tri dans les vêtements de leur mère et elles en récupérèrent certains pour elles.
Alain était allé discuter avec Céan.

— Elle me manque… je sais que je n’étais pas très présent ni proche… mais sa présence… sa maniere de prendre de nos nouvelles… de recadrer Gabriel… qui sera capable de gérer les humeurs de Gabriel maintenant qu’elle n’est plus là… ?
— Oh, ne t’inquiète pas pour ça… Aurore a reprit un peu les rennes depuis… elle a tellement grandi… et tu sais… moi aussi elle me manque… on doit avancer. Elle nous surveille, je suis certain, et elle n’aurait pas voulu qu’on se morfonde sur son sort.
— Je le sais… d’ailleurs, tu vas être papa, j’ai eu la nouvelle. Félicitations.
— Merci… oui, Mathilde est enceinte… je…
— Tout va bien se passer, je t’imagine très bien totalement gâteux.
— Oh… t’es pas le seul à me dire ça…

2021.12.16

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