Déclaration

Il faisait parti des gardes du château et il s’entraînait régulièrement dans la cour intérieure avec ses collègues.
Son moment favori : lorsqu’une des petites mains venait lui apporter une serviette humide après l’effort.
Ce n’était pas qu’à lui. Les employés qui s’occupaient du bien-être des lieux venaient encourager ces soldats après leur entraînement : cela leur faisait une pause puis cela leur permettait de faire plus amples connaissances.
Des petites serviettes humides et fraîches leur était apportés ainsi qu’un plateau de verres et des carafes d’eau.

Il n’était pas le seul à apprécier ce moment, mais c’était particulier pour lui.
Il y avait cette jeune fille qui le faisait se sentir spécial.
La première fois que leurs regards se croisèrent, ses yeux ne purent la quittter.
Elle était timide, les joues légèrement rosées et un sourire gêné.
Il avait eu le coup de foudre.

À chaque fois qu’il finissait son entraînement.
Il attendait ce moment avec impatience.
Ses collègues avaient remarqué son béguin pour cette fille et se moquait gentiment de lui.
Le poussant à se déclarer.
Tout comme elle.
Cela se voyait sur le milieu de sa figure qu’elle ressentait quelque chose pour ce jeune soldat, et ses collègues la poussaient tout autant à être plus explicite.

*

Leur entraînement était fini et les soldats étaient de bonne humeur, se chamaillant gentiment et en riant.
Ils attendaient ce moment d’échange avec les petites mains du château.
Lorsqu’ils virent les employés s’approcher avec des serviettes et des boissons rafraîchissantes, leurs visages s’éclaircirent.

Ils étaient dans leur uniforme qui était constitué de vêtements sobres mais surtout d’un tablier.
Cétait aussi leur moment privilégié de pouvoir mixer leurs classes, sortir de leur quotidien de tâches d’entretien du château et du bien-être global des lieux.

Il souriait et était un peu plus retenu, il avait de l’intérêt pour une seule personne qui semblait rayonner à ses yeux. Elle était agréable, chaleureuse, et son petit rire timide illuminait sa journée.
Elle lui tendit une serviette et il l’accepta avec gratitude. Il faisait en sorte que ce soit elle qui lui donne cette serviette.
Les autres employés étaient loin d’être aveugles et ils avaient tout de suite compris qu’il se passait quelque chose entre ces deux protagonistes, et ils faisaient en sorte de ne pas les gêner.
Ils n’avaient pas l’occasion de se croiser ni de se parler en dehors de ces moments, alors ils en profitaient réciproquement.

Il y avait des soldats femmes, très peu mais il y en avait. Tout comme les employés d’entretien, il y avait des hommes mais très peu.
Il était alors intéressant de mettre en contact ces deux groupes de mixité de genre différents.
Des couples se formaient inévitablement : des femmes avec des hommes, des femmes avec des femmes, ou bien des hommes avec des hommes.

Un homme musclé avec une femme soldat, une femme soldat avec une femme frêle, un homme soldat avec un homme d’entretien. Il y avait de tout.
Et il y avait ce soldat qui était tombé amoureux de cette jeune employée populaire.
Elle était connue de tous par son charisme. Elle était joyeuse, souriante, positive mais également attentionnée, dévouée à son travail.
Le soldat se doutait qu’il y aurait des concurrents et ne se trouvant pas assez bien pour elle, était resté à l’état d’observateur. Attendant et en acceptant de la voir avec quelqu’un d’autre, la voir s’épanouir sans lui et être heureuse.
Cependant, elle n’avait pas de prétendants officiels, et elle ne s’était jamais intéressée à avoir un compagnon, ni une compagne.
Elle savait juste qu’elle se sentait à l’aise à côté de ce soldat en particulier, elle avait du mal à expliquer ce qu’elle ressentait mais elle profitait du court temps qu’ils partageaient.

*

— Ca se voit qu’il y a quelque chose entre vous deux. Tu attends quoi ?
Ses collègues lui avaient dit.

— Mais non… vous vous faites des idées, il est sympathique avec tout le monde… !
Avait-elle répondu, se persuadant qu’elle n’était pas spéciale à ses yeux.

Ce jour-ci, un de ses collègues fit exprès de la bousculer pour qu’elle se rapproche un peu plus de ce soldat. Il n’y était pas allé de main morte et elle trébucha et manqua de tomber.
Le soldat la rattrapa avant, tendant ses bras pour la soutenir, et ainsi, ils se retrouvèrent dans les bras l’un de l’autre.

— Ah… pardon, je ne t’avais pas vue… !
S’excusa son collègue, qui jouait plutôt bien la comédie.

Ils ne relevèrent pas, étant trop gênés par cette situation. Tous les deux les joues rouges, ils n’osaient pas se regarder.

— Est-ce que ça va… ?
Demanda t-il, bégueyant à moitié, et ne sachant comment réagir en la voyant encore plus maladroite.

— Je… euh… oui… ça m’a juste un peu surprise…
Répondit-elle sans relever sa tête, elle sentait ses joues chaudes et ne voulait pas qu’il remarque à quel point cette proximité la chamboulait.

— Ca va, les tourtereaux ?
Une voix s’éleva autour d’eux.

Ils relevèrent la tête pour savoir qui avait pu dire cela.
Le groupe de personnes les fixait et lorsqu’elle remarqua cela, elle fut encore plus embarrassée d’être le centre d’intéret de la foule.
Il remarqua qu’il la serait encore de ses mains et il relâcha son emprise en s’excusant.
Elle ne put supporter plus longtemps les regards et elle s’enfuit, de honte, se réfugiant dans un endroit plus calme.
Il fut pris de panique lorsqu’il la vit partir en se précipitant, à peine qu’il la relâcha.
Se retrouvant penaud, au milieu de ses pairs et des collègues de la jeune fille.

— Oh non, regardez ce que vous avez fait… Vous n’avez pas honte ?!
S’exclama une autre voix, provenant d’un de ses pairs.

— Qu’est ce que tu attends ? Rattrape-la !
Une autre voix des employés du château, le sermona.

— Sauf si tu n’épprouves rien pour elle.
Un autre de ses pairs s’exprima, souhaitant presque prendre sa place s’il avouait qu’il ne ressentait rien.

Il n’attendit pas bien longtemps avant de se mettre en chemin et se précipita pour essayer de la retrouver.
Elle avait quitté la cour intérieure, et il ne la voyait plus.

— Vous êtes vraiment vaches.
— C’est leur donner un petit coup de pouce.
— Il va réussir à se déclarer, vous croyez ?
— Elle est partie où ? On l’a rarement vue dans cet état, quand même. J’espère qu’elle va bien.

Il entendit un petit bruit d’halètement et de respiration plus prononcé.
Elle était derrière un pillier du château, à l’ombre.
Il se rapprocha et l’aperçut le visage en larmes et son coeur s’arrêta.

— Est-ce que… ça va ? Je suis désolé, c’était nul comme question…
Il essaya de se rattraper et sortit un mouchoir en tissu à lui tendre.

Elle sursauta lorsqu’elle le vit.
Elle ne s’attendait pas à croiser quelqu’un et encore moins que ce soit lui en personne.
Elle sanglottait et tentait d’essuyer ses larmes chaudes du revers de sa main, sur son tablier.

— Je… oui, je… ça va… merci…
Répondit-elle en reniflant.

Elle n’osait pas se moucher dedans alors elle essaya d’essuyer ses larmes et tenter de garder une certaine composition en essuyant ce qui s’écoulait de son nez, sans succès.
Elle s’excusa finalement et détourna son visage pour se moucher une bonne fois pour toute dans le précieux mouchoir.

Elle ne pensait pas qu’elle éprouverait de tels sentiments pour lui, mais l’attention des regards posés sur eux, sur elle, et sa réalisation que cette situation la gênait bien plus que ce qu’elle imaginait, elle n’avait pu supporter cette pression, elle avait senti ses joues devenir brûlante et qu’il remarque son état dans ces conditions, elle paniqua et préféra s’enfuir d’embarras. Elle avait trop honte de s’avoir qu’elle l’aimait.

*

Ils n’osaient pas parler. Elle savait qu’elle devait dire quelque chose mais elle ne savait pas quoi.
Et il savait qu’il devait saisir cette chance de pouvoir parler avec elle en tête à tête, pour lui avouer ses sentiments. Le plus dur était de savoir si elle partageait ce qu’il ressentait. La voyant pleurer ainsi, il en doutait, et son coeur s’était resserré dans sa poitrine.
Etait-ce lui qui la rendait si triste ?
Il devait se lancer. Au pire, c’était dit et il pourrait penser à autre chose et tourner la page.

— Je… j’ai quelque chose à te dire… à t’avouer. À vrai dire, j’ai toujours repoussé ce moment parce que je me contentais du peu de temps qu’on passait ensemble, mais… je ne peux plus me voiler la face.

*

Après sa déclaration, dans la peur de se faire rejeter, il fut agréablement surpris lorsqu’elle lui adressa un sourire sincère, s’essuyant ses dernières larmes au coin de ses yeux.

— je crois que… je suis amoureux… de toi.
Avoua t-il, ne réussissant pas à trouver de meilleurs mots pour exprimer ce qu’il avait sur le coeur, et la nature de ses sentiments.

Il ne savait pas à quoi s’attendre mais il craignait sa réaction et il appréhendait un rejet, même s’il avait imaginé cette probabilité.

— Je crois… que moi aussi.
Avait-elle répondu, timidement, en le regardant dans les yeux. Le coeur battant à tout rompre.

Il avait du mal à réaliser ce qu’elle venait de dire, et cela semblait trop beau pour être vrai.
Elle qui était si populaire et qui avait plusieurs admirateurs, elle venait de lui dire qu’elle était peut-être amoureuse de lui. Cela semblait incroyable.
Les joues encore humides, elle lui souriait.
Il s’approcha et de sa main droite, il la passa dans les cheveux de la jeune femme, puis ses lèvres se posèrent sur les siennes.
Il avait hésité une seconde avant de se lancer, mais elle ne l’avait pas repoussé, elle n’avait pas fui.
Elle l’avait aggripé sur ses vêtements et s’était approchée de lui pour coller sa bouche sur la sienne.
Ils étaient tous les deux derrière un pillier, à l’ombre, à l’abri des regards indiscrets.
Cet instant magique sembla durer une éternité mais ils durent revenir à la réalité.

— Qu’est-ce qu’on fait maintenant… ?
— … Je leur en veux un peu… j’aimerai me venger gentiment en leur faisant croire que ça n’a pas marché comme ils le pensaient. Qu’en dis-tu ?

Elle sourit timidement et acquiesça.
Ils retournèrent sur le terrain mais séparément.
D’abord lui, bredouille, puis elle, quelques minutes après.

— Bah alors… ? Que s’est-il passé… ?
Demanda l’un d’entre eux, en le voyant revenir la tête baissée.

Il secoua la tête et ne préfera pas répondre.

*

Un chevalier serrant dans ses bras et en portant une jeune femme, tous les deux souriants.

2021.06.04

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