Palier

— Qu’est-ce qu’on fait alors ?

— Je n’ai pas le choix… on ne peut pas annuler ton voyage… je vais devoir t’accompagner.
Dit-il en faisant mine d’être contraint.

— Tu plaisantes ?

— Non, à peine. Puis ça nous ferait du bien d’avoir un peu de temps, loin du travail. Que nous deux… ça fait je ne sais combien de temps.

— … Tu n’as pas tort… mais comment on va faire ?

— On ne part pas très longtemps, puis les enfants sont grands. Et ils ne seront pas seuls. Chris sera avec eux.

— … S’il est d’accord.

— Je pense que oui.

Ils regardèrent autour d’eux.
La pièce était sans dessus dessous.
Ils se mirent à ramasser les feuilles qui avaient fini par terre et partout dans le bureau, ainsi que les livres tombés.
À la fin du rangement, le coup qu’elle avait pris contre la bibliothèque avait marqué son visage. Elle s’était cognée et assez fortement. Un petit bleu commençait à faire son apparition et une petite plaie saignait.
Elle ne remarqua rien.

— Tu saignes un peu… et tu vas avoir une belle bosse.
Dit-il, en lui montrant sur son propre visage l’endroit.

— Mince… j’oublie qu’en étant demi-humaine, mon corps est plus fragile… C’est pas grave. Ça va cicatriser et j’aurai un beau bleu…
Soupira t-elle.

— Tu es sûre que tu ne veux pas passer par l’infirmerie avant… ? C’est de ma faute—
S’inquiéta t-il.

— Arrête, c’est la mienne de n’avoir pas évite ton revers, si j’avais été plus attentive. Je passerai à l infirmerie au cas où. Pour être sûre de ne pas m’être cassé autre chose…
Soupira t-elle.

Lorsqu’elle en resortit.
Le médecin l’avait rassurée et elle avait juste un petit pansement et une pommade pour la bosse.
Les regards étaient inquiétants et les rumeurs allaient vites.
Compte tenu de sa blessure et les gens ignorant sa condition de demi-humaine, ils étaient en train de se dire que la dispute avait été violente et qu’elle avait été blessée par Gabriel.
Elle savait que c’était faux, mais elle ne pouvait pas empêcher les gens de parler.

Elle rentra chez elle et Chris l’accueilla, et vérifia qu’elle allait bien.

— Tu peux pas savoir à quel point j’étais inquiet. J’ai eu vent des rumeurs…. et de ne pas pouvoir te voir avant la fin mes heures de travail… tu vas bien… ? Lorsque gabriel va rentrer… il va voir…

— Chris, ce n’est rien et Gabriel n’y est pour rien. J’ai pas fait attention et c’est moi qui l’ai provoqué…

— Ce n’est pas une raison pour te blesser !

— On se disputait… pour des broutilles. Je me suis emportée…

Il s’approcha d’elle et regarda son petit pansement sur l’arcade sourcilière.
Il leva ses mains mais n’osait pas la toucher.

— Tu n’as vraiment rien ? Tu n’as mal nulle part ?

— Oui… ! C’est vraiment qu’une égratinure. Tu sais à quel point je marque facilement.
Le rassura t-elle.

Il soupira.

— Bon, vous vous disputiez pour quoi ?
Demanda t-il finalement.

— … Tu te souviens du voyage organisé ? Je devais y aller seule…
Dit elle en craigant sa réaction.

— Hm… vaguement… j’avais oublié à vrai dire. Ça a été confirmé ?

— Oui… et Gabriel n’a pas trop apprécié…

Chris soupira à nouveau.

— Vous avez décidé quoi ?

— Il… va m’accompagner. Si tu es d’accord… ?

Un ange passa.

— Est-ce que j’ai vraiment le choix… ?
Dit il, résigné.

— Oui…
Elle baissa les yeux.

— Bien sûr que je suis d’accord.
Se pressa t-il de dire. Se baissant pour regarder Alexandra dans les yeux.

— C’est que quelques jours, n’est-ce pas ? Les enfants sont grands maintenant, et je serai aussi plus serein de savoir que tu n’es pas seule. Je t’aurais bien accompagné à sa place, mais j’ai des obligations ces prochains jours.

Il raconta tout cela en espérant la rassurer et qu’elle ne culpabilise pas de le laisser de côté durant quelques jours.
Elle fit une moue, pas convaicue par ses arguments, même solides.

*

Lorsque Gabriel rentra, Chris ne lui laissa pas le temps de se déchausser, qu’il l’avait attrapé par le col.

— Bonsoir— ?
Dit Gabriel, avec étonnement.

Les enfants étaient dans le salon et ils se figèrent à la vue de cette scène.
Alexandra dut se lever et intervenir, rassurant les enfants et leur ordonnant de retourner dans leur chambre.
Bien entendu, ils restèrent dans le couloir des chambres, derrière le mur, regardant l’issue de la scène et inquiets pour leur mère, et de sa manière de gérer cette situation.
Elle se précipita entre Chris et Gabriel et somma Chris de lâcher Gabriel, elle s’était mise entre les deux et essayait de calmer Chris tout en gardant une distance de sécurité entre lui et Gabriel.

— Chris, calme-toi. On en a discuté…

— Laisse-moi m’expliquer avec lui. Il n’a pas à lever la main sur toi !

Elle tendait ses mains pour l’empêcher d’approcher.

— Je t’ai dit que c’était un accident ! Tu vas rester dessus longtemps ?
Elle commençait à s’impatienter.

— Je veux entendre ce qu’il a à dire pour sa défense.

Chris l’ignorait et s’était rapproché de Gabriel. Elle se retrouva coincée entre les deux hommes.

— Comme elle a dit… je ne l’ai pas fait exprès, je m’en veux déjà assez. Après si tu cherches à te battre, on peut régler ça immédiatement.
Répondit Gabriel calmement.

Il prit Alexandra par les épaules et la décala loin d’eux.
Ce fut à son tour d’hausser le ton.
De sa petite taille, elle poussa violemment les deux hommes.

— Personne ne se bat dans cette maison. Si vous voulez vous mettre dessus, faites le dehors !

Elle les tira jusqu’à l’extérieur et referma la porte derrière eux, les laissant pantois sur le paillasson.

— Les enfants, si vous ne faites rien, venez m’aider à faire à manger.
Dit-elle en reprenant une voix normale.

Elle savait qu’ils étaient dans le couloir et qu’ils avaient assisté à la scène.
Ils sortirent de leur cachette et firent un câlin à leur mère.

Dehors, Gabriel et Chris se trouvèrent bien idiots.

— On fait quoi maintenant… ?
Demanda Gabriel.

Ils s’étaient calmés et étaient punis comme des enfants.

— … Tu crois qu’on va devoir rester là longtemps ?

Gabriel se déplaça pour s’asseoir sur un rebord en pierres, et soupira.

— Le temps qu’elle ne nous en veuille plus. Au moins.

Chris le rejoignit et s’assit également.

— Bon, tu m’expliques ?

— Je te l’ai déjà dit. Je n’ai pas fait exprès. Nous étions tous les deux en colère et lorsqu’elle m’a foncé dessus pour me frapper. Genre vraiment violemment. J’ai paniqué et je l’ai repoussée. Sauf qu’elle n’a pas eu le temps d’éviter mon coup. Elle était tellement en colère… enfin bref. Je l’ai projetée contre la bibliothèque du bureau.

Il racontait ce dernier détail tout en se remémorant la scène, le visage dans ses mains, il n’en était pas fier.
Chris voyant la sincérité de son récit, et sa réaction, se mit à sa place et ne dit rien. Accepta tout simplement de lui pardonner. Sa colère n’était plus.

— On est censé la chérir et la protéger…
Dit-il sans arrière pensée.

— Je sais. Je le sais… tu te doutes bien que ça m’a vite refroidi. Et j’avais oublié qu’elle marquait aussi facilement. Je te raconte pas la honte quand on est allé à l’infirmerie. Ils ont cru que je la frappais.

Chris s’est mis à pouffer de rire.

— Tu peux rire… ils m’ont mis à l’ecart et lui ont posé plusieurs fois la question. Si ça allait et qu’elle voulait en parler. Je ne savais plus où me mettre quand elle me l’a rapporté.

Voyant son comparse rire de vive voix, il arrêta son récit et se mit également à sourire, puis rire doucement, se rendant compte du ridicule de la situation.

— Surtout qu’on a tous les deux crié et avec le boucan qu’on a fait dans le bureau… les témoins ont dû s’inquiéter.
Ajouta Gabriel, en reprenant sa respiration après avoir rit aux éclats.

— Les nouvelles, ou plutôt les rumeurs, ont vite circulé. J’ai des collègues qui sont venus en courant dans la salle des prof’ pour en parler, paniqués… certains avaient oublié que j’étais dans la même pièce. Je te dis pas comment j’avais hâte que la journée soit finie pour pouvoir avoir la vraie version des faits… la boule au ventre.
Excuse-moi… Je te dois aussi des excuses. De la voir blessée, ça a ravivé des souvenirs et j’ai vu rouge…

— Bon, puisque nous sommes reconciliés et calmes. On rentre ?

2020.05.28

— Si elle nous l’autorise…

2 réflexions sur “Palier

  1. James dit :

    J’ai bien rigolé qd Gabriel et Chris se sont retrouvés dehors tout penauds.
    Je trouve que tu sais bien décrire une scène de manière à susciter de l’empathie pour les personnages. et ce qui m’étonne, c’est que je m’ennuie d’habitude facilement quand je lis un livre. j’aimerais bien savoir comment tu fais.

    • Je ne sais pas… je décris ce que j’imagine et ce que je vois dans ma tête… et des scènes qui suscitent aussi en moi des émotions, je crois ?

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