Téléphone

Elle reprit le travail comme si rien ne s’était passé.
Ce soir là, elle reconnut quelqu’un dans la salle. Elle venait de finir sa danse sur la scène principale, et des yeux l’interpelèrent.
C’étaient ceux de celui qui l’avait raccompagnée.
N’ayant aucune autre obligation dans l’immédiat.
Elle fit comme si de rien n’était et s’installa sur la banquette. Elle avait le droit de discuter avec des clients.

— Bonsoir, Angie.
Dit-il.

Il avait retenu la voix qui avait annoncé sa danse.

— Bonsoir, que me vaut le plaisir de vot-… ta visite ?
Demanda t-elle de manière neutre.

Tout en s’asseyant à ses côtés, elle observa son interlocuteur. Il était habillé d’une chemise à motifs discrets, et d’un pantalon de costume simple. Assit de manière très décontractée, il regardait sans réel intérêt la danse suivante.

— La curiosité. J’avais jamais osé entrer ici. Comment ça se passe ?

Il détourna son regard de la scène pour se tourner vers elle, tout en prenant soin de ne pas la déshabiller des yeux. Ce fut bref, il se remit en face de la table basse pour attraper son verre, puis but une gorgée.

— Plutôt bien, merci. Et toi ?

Un peu déstabilisée par son attitude. Elle pensait qu’il avait l’habitude de ce genre de lieu, pourtant ses gestes laissaient transparaître qu’il était quelque peu gêné.

— Bien, le lieu est chic. Je m’inspire de la déco pour notre établissement.

Son regard évitait intentionnellement Aurore.
Plus elle l’observait, plus elle avait envie de rire.
Elle finit par laisser échapper un gloussement.

— … ? Qu’est-ce qu’il y a de drôle… ?
Demanda t-il, rouge.

— Pardon… mais ça te gêne à ce point de me voir en petite tenue ? Tu n’as pas l’habitude de voir des gens nus sur ton lieu de travail ?

Elle avait détendu l’atmosphère mais il restait un peu de timidité.

— C’est que… la dernière fois qu’on s’est rencontré, tu étais plus que couverte, et que… enfin… je suis un peu intimidé… t’étais classe sur la scène…

— Ah.. merci… ça te dit une petite danse ? Pour te remercier pour la dernière fois. Je vais demander à mon supérieur par principe, mais il ne devrait pas y avoir de souci. Je reviens.
Dit-elle en se levant, et se dirigeant vers un homme en costume et très propre sur lui.

Il en profita pour reprendre une gorgée d’alcool et pour la regarder sans qu’elle ne le regarde en retour.
Était-ce l’alcool qui le rendait nerveux, ou alors elle ? Dans tous les cas, il devait se reprendre en main et retrouver ses esprits.
Perdu dans son monologue intérieur, il fut surpris du retour de la jeune fille.

— C’est ok !
Dit-elle enjouée.

— Je ne fais pas les meilleurs lapdance mais j’espère que tu apprécieras.
— Hein ?

— Pose tes mains sur la banquette, tu n’as pas le droit de me toucher.
Dit-elle d’un air espiègle.

Il obéit, prit au dépourvu.
La danse fut courte mais intense.
Elle se frotta à lui, dans tous les sens, il sentit son odeur et son souffle sur sa nuque.
Elle approcha son visage vers le sien pour l’embrasser sur la joue pour finir.

— Et voilà. Comment c’était ?
Demanda t-elle en se rasseyant à côté de lui.

— Je… euh… très bien ? Je suis censé répondre quoi.. ?
Bégaya t-il, encore sur son nuage.

— Ce qui te passe par la tête ! Haha ! Désolée, je ne vais pas pouvoir rester trop longtemps avec toi, merci d’être passé !
Dit-elle pour s’esquiver, le sentant mal à l’aise, et aussi qu’elle devait s’occuper d’autres clients.

— Ah… merci à toi !

Il lui fit quelques signes de la main. Il n’allait pas rester non plus. Sa curiosité était plus qu’assouvie et il devait rentrer également.

*

Elle avait fini sa soirée et elle rentrait chez elle.
Sur le chemin, elle se remémora l’inconnu tout intimidé et se mit à sourire malgré elle.
Comment s’appelait-il déjà ?
Pendant que son esprit était ailleurs, elle ne remarqua pas tout de suite qu’elle etait suivie.
C’étaient des pas similaires à la dernière fois, et elle se prépara à se défendre.
Elle avait peur mais elle savait qu’elle connaissait les bases, Hélène lui avait appris. Elle respirait et expirait pour se calmer et affronter le poursuiveur.
Les pas se rapprochaient et lorsque plus que quelques mètres les séparaient, elle se retourna.
Elle put apercevoir et reconnaître la silhouette.
C’était un ancien client du Carré Secret qui avait été mis sur liste noire à cause de harcèlement envers les danseuses. Elle était encore nouvelle lorsqu’elle avait assisté à cet évènement, mais elle avait mémorisé son visage et sa morphologie.

— Monsieur, est-ce que je peux vous aider ?
Demanda t-elle, pour tâter le terrain.

Il continua de se rapprocher d’elle. Ne semblant pas vouloir entendre quoi que ce soit.

— Ne m’approchez pas, je vous avertis, monsieur !

Elle essayait de garder une distance mais celle-ci s’amenuisait et elle devait se préparer à se défendre.
Elle adopta une position adéquate et l’attendit de pied ferme.
Il sortit une arme blanche, une petite dague de sa poche.
Elle paniqua. Elle devait prendre encore plus de précautions. Elle essaya encore une fois de le raisonner.

— Monsieur, arrêtez-vous !

Il accéléra et fonça sur elle avec la dague en avant.
Elle réussit à éviter le premier coup et vit le pas chancelant de l’homme, elle en profita pour le déstabiliser. Il se retourna avec vivacité en remuant la dague dans les airs.
Prise au dépourvu, elle essaya de repousser le bras de l’homme sur le côté et chercha à l’assommer en lui portant un coup au niveau de sa nuque.
Il s’écroula à ses pieds.
Elle reprit sa respiration et sentit une douleur vive dans sa côte gauche.
L’homme avait réussi à lui planter le couteau sur son flanc avant de tomber au sol.
La douleur n’était pas si insoutenable, mais voyant l’objet planté dans son corps, elle s’affola.
Elle se forçait à reprendre sa respiration et se calmer.
Elle s’appuya contre un mur.
Le sang commençait à se voir, il teintait progressivement son pull.
Elle savait qu’il ne fallait pas retirer le couteau.
Cherchant à ne pas faire de mauvais mouvements, elle attrapa son téléphone en fouillant dans ses poches.
Elle se rappela des paroles de Vlad et l’appela.
Elle ne se sentait pas bien, mais luttait pour garder conscience.
Quelques bips avant que quelqu’un ne décroche.

— Allô… ?

C’était la voix de Vlad.
Elle se sentit rassurée de tomber sur quelqu’un.

— Allô… est-ce que t’es dans le coin… ?

Son souffle court l’alerta.

— Ah, t’es la fille du club ? Euh oui, j’suis pas loin, pourquoi ?
Reconnu t-il.

— Je… je suis vers la boutique, est-ce que tu peux venir me chercher… ? Je…

Sa voix était de plus en plus faible.

— Hé, ça va ?! J’arrive tout de suite !
Dit-il inquiet.

Il se mit à courir en gardant le combiné à l’oreille.
Il n’était en effet pas loin, en même pas 5 minutes il la vit au coin de la rue, contre le mur, assise, le regard dans le vide.
Lorsqu’elle le vit, elle lui sourit.

— Hé ! Qu’est-ce qui s’est passé ?! Il accourut à ses côtés, vit le corps de l’homme au sol, et la tache bordeaux sur le pull clair de la jeune fille, et le couteau planté en elle.

— Ok, ok. Ne dis rien, je vais appeler les secours.

— … Je l’ai juste assomé… fais attention…
Dit-elle dans un dernier souffle, à bout de force, elle se sentit partir.

Elle ferma les yeux et son corps pencha vers le sol.
Il la rattrapa en faisant attention à l’arme, et l’allongea correctement à côté de lui.
Il tâta le pouls de l’homme et commença à appeler la police.
Elle arriva aussi vite qu’elle put, et dans la foulée, il avait également appelé une ambulance.
Il tenta d’expliquer ce qu’il savait, elle fut emmenée aux urgences et il la suivit.
La police prit son numéro de téléphone pour le recontacter plus tard lorsqu’elle irait mieux.
Le quartier fut bouclé pendant une petite demi-heure, le temps d’évacuer la fille en ambulance et l’homme par la police.

Vlad ne pouvait appeler personne pour elle, son téléphone était verouillé par un mot de passe.
Il décida de prévenir son travail qu’il avait une urgence, et resta auprès d’elle.
Ne connaissant pas son vrai prénom, et elle, n’ayant pas de carte d’identité sur elle, elle fut enregistrée comme anonyme.

2018.06.08

2 réflexions sur “Téléphone

  1. james dit :

    « Assit de manière très décontracté »: décontractée avec l’accord ?

    et encore un cliffhanger où je sais pas si elle va s’en sortir… mais bon ça devrait aller j’espère

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