Majorité

Elle tomba, elle vit quelqu’un sauter vers elle pour tenter de la rattraper.
C’était trop tard.
Alors elle se dit avec ironie que ça ne pouvait pas être comme dans les histoires qui se finissent bien, où il y a toujours quelqu’un pour rattraper et sauver la personne en détresse.
Elle sourit malgré elle, et accepta son destin. Elle ferma les yeux.
La vitesse à laquelle elle tombait lui fit perdre connaissance.
C’était mieux ainsi. Elle n’allait pas trop souffrir. Du moins c’est ce qu’elle espérait.
L’homme qui sauta dans le vide pour tenter de la rattraper réagit trop tard.
Elle était déjà trop loin.
Il la vit disparaître dans les feuillages des arbres qui formaient la forêt tout en bas.
Paniqué et les larmes plein les yeux, il descendit sur terre à une vitesse plus lente en déployant ses ailes.
Elle s’écrasa dans les branches de plusieurs arbres.
À la vitesse à laquelle elle était arrivée, elle avait dû se briser plusieurs côtes et avoir une fracture du crâne.
Elle était arrivée tête la première, s’était prise une multitude de branches.
Ne sachant plus trop bien si c’était sa tête qui brisait les branches ou l’inverse.
Elle prit d’autres branches dans le dos, ce qui amortit sa chute jusqu’au sol.
Sans parler des égratinures sur ses bras et jambes.
Elle avait sûrement tous les os de son corps brisés, et n’avait sûrement plus beaucoup de temps à vivre.
Elle saignait du nez et du coin de la bouche.
Elle avait eu mal sur le coup, la douleur étant telle que son cerveau avait coupé tout contact. Elle était dans le coma le plus total.
Un homme dans la trentaine, cheveux bouclés roux mi-longs, yeux noirs sombres, s’approcha du corps ensanglanté de la jeune fille.
Il se hâta auprès d’elle et tâta son pouls.
Elle était encore en vie.
Il regarda autour de lui.
Il leva la tête et aperçut l’impact et d’où venait la blessée. Elle était entourée de feuilles et de branches brisées.
Cela aurait pu être une très belle scène si le personnage n’était pas en train de se vider de son sang et quitter ce monde.
Il tenta de la porter, il passa sa main gauche sous son cou, la souleva.
Il y avait une bonne flaque de sang qui s’était formée à partir de l’écoulement de son crâne ouvert.
Il la porta jusqu’à son repère en espérant qu’elle ne lâche pas son dernier soupir dans ses bras.
Il disparut d’une simple distorsion.
À l’instant d’après, ils étaient dans une chambre luxueuse, il la posa sur un grand lit à baldaquin deux places.
Son corps s’enfonça dans le moelleux du matelas et de la parure de lit en diffusant et teintant une couleur rouge rubis.
Il avait lui-même ses vêtements recouverts de sang.
Il appela dans la minute qui suivit un médecin.
On frappa à la porte, elle s’ouvrit d’elle-même sans que personne n’y aille.
Un homme en blouse blanche poussa un cri en voyant l’état de son ami.

— Ce n’est rien. Occupe-toi de la personne qui est en train de changer la couleur de mes draps. S’il-te-plaît.
Répondit-il simplement.

Il se dirigea vers le corps de la fille.
Il pensait qu’elle était déjà morte. Qu’on ne pouvait plus rien faire pour elle, jusqu’au moment où il tâta son pouls et se rendit compte qu’elle respirait encore. Les battements de son coeur étaient faibles.
Il partit en courant et revint avec des bandages, une bassine d’eau chaude et des pommades et herbes de toutes sortes.
Il revint accompagné d’une jolie jeune femme.

— Ce n’est pas le meilleur endroit pour lui apporter des soins mais dans son état, mieux vaut ne pas la déplacer.
Dit l’homme qui semblait avoir des compétences en tant que guérisseur.

Il l’examina de plus près. Plusieurs côtes brisées et fractures.
Il dut replacer à la main certains os et utiliser des bandages pour stabiliser le tout. L’assistante appliqua les différentes pommades.

— Nous allons la déshabiller…

Il comprit qu’il devait sortir de la pièce. Il prit des vêtements de rechange et décida d’aller prendre une douche.
L’assistante prit une paire de ciseaux et découpa sur toute la longueur, en partant du buste, le vêtement teinté de rouge de la blessée. C’était une sorte de robe à motifs étranges qu’elle n’avait jamais vu auparavant. Elle ne s’y attarda pas trop et le découpa au niveau des bras pour pouvoir lui appliquer des soins sans être gêné.
La patiente ne réagissait pas. Le médecin vérifiait de temps en temps qu’elle respirait et que son coeur battait toujours.
Ils lui appliquèrent des bandages sur tout le torse, jusqu’au niveau de la poitrine. Autour de sa tête, après avoir délicatement mis de la pommade sur tout son corps.
Après tout cela, elle ressemblait à une momie.
Ils ne purent rien faire de plus à part attendre.
Ils récupérèrent les lambeaux des vêtements de la jeune fille imbibés de sang et décidèrent de se retirer.
Il sortit de sa douche habillé avec des vêtements propres et les cheveux à moitié trempés.

— On a fait tout ce qu’on pouvait faire, il ne reste plus qu’à attendre…

— Merci bien. Je vais m’occuper de la suite. Vous pouvez disposer.

Elle avait un petit visage rond, les cheveux longs et noirs, sa corpulence était plutôt fine et elle disposait d’une poitrine assez généreuse. Sa respiration faible et les battements de son coeur la trahissaient, sans cela on aurait pu croire qu’elle ne vivait plus.

*

Il arriva à peu près à l’endroit où elle était tombée, il se posa délicatement sur le sommet de l’arbre et chercha l’impact qu’avait laissé sa soeur. Il trouva enfin. Il s’en rapprocha hâtivement et chercha activement son corps.
Personne. Tout ce qu’il voyait était plusieurs branches cassées et des feuilles au sol, à l’endroit où était censé se trouver sa soeur. Ce n’était pas possible. Elle avait disparu.
Il s’approcha et toucha la terre. Il restait quelques traces de sang et la chaleur infime indiquait qu’elle avait bien été là.
Quelqu’un avait dû venir. Il ne pouvait pas croire qu’elle était morte et s’était évaporée dans l’air.
Il chercha minutieusement dans toute la zone pendant plusieurs minutes. Rien.
Il dut se résigner et rebrousser chemin. Repartir sur l’île.
Il était dépité.

Pendant tout ce temps là.
Il était resté à moitié conscient, à terre.
Il se souvenait de la dispute entre lui et Alexandre au sujet d’Alice. Il l’avait empoigné et plaqué au sol.
Il avait fermé les yeux l’espace d’un instant avant de s’apercevoir qu’ils avaient tous deux disparus.
Où étaient-ils bien passés ?

— LYS ! NON !
Criait Alexandre.

Il se tourna vers la source de ce cri.
Il le vit plonger dans le vide.
Où était Alice ?
Non, elle n’était tout de même pas tombée…
Il ne pouvait pas attendre sans rien faire. Il sauta aussi à son tour dans le vide et déploya ses ailes.
Il vit Alexandre refaire surface de la forêt, seul.
Il volait lentement et ne semblait pas dans sa grande forme.
Il l’intercepta sur le chemin.

— Où est Alice ?

Il resta silencieux, ne sachant pas de quelle manière il devait aborder le sujet.

— … Elle est tombée… Disparue…

Il l’empoigna à son tour.

— Tu te fiches de moi ?!

— Tu n’as qu’à aller voir de tes propres yeux !
Dit-il les larmes aux yeux.

Il l’attrapa et l’emmena avec lui vérifier ses dires dans la forêt.
Son corps était réellement absent.
Ils ne réussirent pas à la retrouver.
Florent s’arrêta. Il baissa la tête et serrait les poings. Il était en colère contre lui-même et Alexandre.
Il ne dit rien. Il reprit son envol et rentra chez lui.
Elle était certainement morte.
Il espérait que quelqu’un l’avait enlevée et qu’elle continuait à vivre quelque part. Mais ce n’était que fuir la réalite.
Alexandre dut annoncer la mauvaise nouvelle à ses parents.
Il reçut une claque de sa mère. Elle était aux bords des larmes.
Son père dut l’arrêter. Elle était complètement bouleversée. Son époux fit tout pour la réconforter.

— Vous n’avez pas retrouvé son corps ? … Dans ce cas il est possible qu’elle soit encore en vie. Quelque part. On peut espérer. Si c’est le cas. Nous devons la retrouver le plus tôt possible.
Elle a déjà atteint la majorité mais ses ailes n’ont pas encore poussées. Si ils venaient à sortir… Je n’ose imaginer la souffrance qu’elle devra endurer si elle devait affronter cette épreuve seule.

2012.11.23

2 réflexions sur “Majorité

  1. james dit :

    il s’avre que « pomade » s’écrit « pommade » en français, et « pomade » en anglais.
    « des soins sans être gèné. »: « gêné »

    Je m’étonne toujours du nombre de détails apportés à la souffrance physique. Là où quelqu’un d’autre aurait écrit « elle s’est blessée en tombant au sol », tu décris la mare de sang et le crâne felé. Mais je commence à prendre l’habitude en lisant tes textes 🙂
    Ce qui m’interpelle aussi, c’est que je suis moins attaché au personnage dans le contexte d’une bribe que d’une histoire complète. Je comprends donc l’intérêt d’avoir une histoire qui couvre la vie de personnages durant de longues périodes, comme c’est le cas pour « Étrange famille ».

    • Sans aucune surprise, j’ai quelque chose pour la souffrance physique… du coup je m’excuse si ça a pu te mettre mal à l’aise.
      C’est intéressant que tu t’attaches plus à mes personnages qui ont une vraie histoire, et à la fois logique. Dans les bribes, il n’y a que moi qui sait de quels personnages ça parle, hé.

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