Je n’ai pas été souvent là pour elle. Je ne me suis pas rendu compte à quel point elle la traitait mal.
Elle dormait dans le grenier, en hiver elle devait être gelée. Je ne me suis jamais posée la question, ni intéressée à elle. Elle ne m’a jamais détesté pour la condition dans laquelle je vivais comparé à elle. Je vivais dans le luxe.
Ma mère avait placé tous ses espoirs en moi et dans mes capacités pour que je devienne médecin. Je n’avais aucune difficulté dans les études et je ne me préoccupais que de moi-même. Quant à ma soeur, elle restait à la maison et s’occupait des tâches ménagères, me semble t-il.
À vrai dire je ne lui accordais pas d’importance. À mes yeux il n’y avait que mes études. Du moins c’est ce que je croyais.
Il m’arrivait de la croiser dans les couloirs de la maison lorsqu’elle s’occupait du ménage ou de la lessive. Elle s’arrêtait alors, me souriait et fixait le sol, mais je sais que le dos tourné, elle me regardait.
Rien que son sourire me réchauffait le coeur. Il était chaleureux. Entre mon université et la maison, personne d’autre ne m’apportait autant de réconfort.
Il m’arrivait de pleurer sous la pression de mes parents, alors elle était là, pour moi. Elle me tendait son épaule et me consolait. Alors que la personne qui avait le plus besoin de soutien, c’était elle. Je me suis toujours demandé comment elle faisait pour sourire après tout ce que ma mère lui faisait faire.
Un jour, ma mère, de mauvaise humeur s’acharna sur elle et la fit tomber des escaliers et la prit par ses longs cheveux noirs. Elle ne réagit pas plus que d’habitude, quelques larmes de douleur. Lorsque je vis son visage, assistant à la scène. Elle fixa le sol à ma vue. Ma mère s’excusa de m’avoir dérangé.
À partir de ce moment là, je sus que dès que j’aurai fini mes études, je partirai de chez moi. Dès que je le pourrais.
Quelques mois plus tard, ma soeur tomba gravement malade.
Ma mère ne m’en toucha pas un mot.
Je l’entendais, le son étouffé de sa toux de temps en temps, et ma mère lui répondait de se taire.
Mon père était la plupart du temps saoûl et dormait.
Ma mère devait s’occuper de toute l’auberge à elle seule.
Je passais discrètement voir ma soeur la nuit, pour lui tenir compagnie et m’assurer de son état de santé. Ma mère lui apportait des restes mais la plupart du temps elle n’en mangeait qu’une infime partie.
Nous n’avions aucune médecine, l’état de ma soeur me préoccupait au plus haut point mais je ne pouvais rien faire.
Elle était fiévreuse et dormait mal. Je ne restais que très peu de temps auprès d’elle. Lui tenant la main, remplaçant la serviette humide sur son front.
Elle reprit le travail de maison quelques jours plus tard, bien qu’étant encore malade.
Je crois que son corps ne s’en est jamais vraiment remis de tout ce surmenage.
Aujourd’hui je vis dans un appartement près de mon lieu de travail. Je suis médecin. Cela doit faire quelques années déjà, que je suis parti sans rien dire à personne avec ma soeur.
Je me rappelle de ce jour comme si c’était hier.
Dès que j’ai eu mes concours et qu’on m’accepta dans cet hôpital. Je cherchai un logement non loin. La veille de mon aménagement, je me rappelle être allé dans la chambre de ma soeur, qu’elle prépare ses affaires, cette nuit nous allions partir. Mes valises étaient déjà prêtes et nous sommes sortis par la fenêtre de ma chambre qui se trouve au rez-de-chaussée. La neige effaça les pas derrière nous.
J’ai toujours peur que ma mère retrouve notre trace.
Elle s’est endormie sur le canapé en m’attendant pour le dîner.
Je lui mets mon manteau comme couverture. Qu’elle n’attrape pas froid.
N’ayant pas pu continuer ses études, elle a réussi à avoir un poste dans le même hôpital en tant qu’infirmière.
Sa bonté rend le sourire à tous ses patients.
Travaillant, j’ai fait faire des examens à ma soeur de santé fragile. Son corps est faible mais ça peut encore aller.
Je veux la protéger, elle m’est plus précieuse que tout. Toutes ces années où je n’ai rien pu faire.
2010.1.19
L’histoire est dure. J’ai espéré tout le long que le frère allat l’aider, bien qu’à plusieurs reprises j’ai cru qu’il allait partir seul, en ayant peur de contrarier sa mère.
Mais la toute fin est prenante. Il y’a d’une part le ‘je veux la protéger, elle m’est plus préciseuse que tout’, qui fait echo à « Il savait qu’il s’engageait dans une situation complexe, elle avait un traumatisme et il devait faire attention à ne pas la blesser ni la brusquer. » du texte Traumatisme. Je ressens presque la même sensation. Exception faite que dans ce cas, je sais que le frère va bien s’en occuper, donc j’ai moins peur pour la fille. En revanche, les derniers mots, me font réagir. J’ai envie de lui dire de plus y penser, et que cela aurait pû être bien pire s’il n’avait pas eu le courage d’enlever sa soeur.
« 2010 » !!!
C’est un thème redondant… celui de protéger quelqu’un qui est cher.
C’est presque trop facile, haha !