— Maître, je suis rentrée.
Elle s’annonça à son bureau.
Elle toqua à la porte et entra sans attendre de réponse de sa part. Depuis les nombreuses décennies de service, elle avait ce privilège. Elle faisait partie de son cercle le plus proche, même plus proche que son propre majordome qui était son plus ancien fidèle.
Elle savait qu’elle pouvait s’autoriser certains écarts.
Et c’est ce pourquoi elle était sa favorite.
Elle sourit et s’inclina gracieusement alors qu’il était encore de dos. Il n’avait pas besoin de se retourner pour deviner son expression et son action.
Il souriait aussi, intérieurement.
Il s’était mis à attendre impatiemment son retour régulier. Ce qui le faisait sortir de sa routine.
Il avait besoin d’elle pour son moral mais aussi pour certaines tâches. Il lui arrivait parfois d’être débordé et il ne pouvait confier certaines actions qu’à elle ou des personnes de confiance qui étaient que trop peu nombreuses à ses côtés. Si seulement elles n’étaient pas occupées à d’autres tâches tout au moins aussi importantes.
Il huma l’air et s’approcha enfin d’elle pour l’observer.
Elle portait une robe qu’il n’avait pas l’habitude de voir. Une coupe contemporaine de là où elle vivait et il balada son regard sur cette forme et ce tissu inédit à ses yeux avant de poser ses pupilles sur son visage.
Il était très proche d’elle, presque trop proche. Il l’effleurait sans la toucher, il attrapa quelques mèches rebelles qui s’étaient échappées de son chignon tressé qui cachait sa longue chevelure.
— Est-ce que ma tenue vous plait, cher maître ?
Sourit-elle, satisfaite d’elle-même.
C’était une robe longue et sombre qui contrastait avec la blancheur surnaturelle de sa peau, qu’on pouvait apprécier dans la lumière de ce bureau.
Le tissu était léger, fluide et un peu plus ample au niveau des manches mais le tout était élegant.
Le bas retombait juste au niveau des pieds.
Il était intrigué qu’une tenue comme celle-ci soit considérée comme un habit alors que la matière et la coupe aurait laissé penser à un vêtement de nuit.
Puis elle amenait avec elle l’odeur de la ville. Une odeur différente d’ici. Une odeur riche en différents materiaux de construction, de la pollution, de parfums en tout genre, de chlore. Et ce nétait qu’une liste exhaustive.
Elle prenait soin à toujours porter une tenue différente lorsqu’elle venait lui rendre visite.
Il n’arrivait pas à savoir si c’était par pure coquetterie ou pour lui faire plaisir en lui apportant une brise de nouveauté. Ou peut-être bien les deux. Dans les deux cas. Son entreprise marchait assez bien pour qu’elle puisse s’offrir cette petite lubie.
— Ce n’est pas mal, en effet…
— Vous m’en voyez ravie. Cependant je crains que je ne vais devoir me changer pour accomplir mes tâches de manière officielle.
Il la dévorait des yeux mais il ne tenta rien de déplacé.
Même si l’envie était forte, il y avait une tension palpable entre les deux personnages.
Elle s’inclina une nouvelle fois et confia son sac à dos à son interlocteur, comme à son habitude.
Il contenait ses affaires personnelles qu’elle n’aurait pas pu laisser dans sa chambre de bonne, des effectifs précieux et d’une grande valeur comme son téléphone et un carnet de notes.
Il y avait également dans une sacoche en tissu qui contenait ses sous-vêtements de rechange, mais ces derniers étaient moins importants. Elle rentrait avec le stricte nécessaire.
Il accepta le sac et le posa dans un tiroir de son bureau qu’il referma aussitôt. Après qu’elle y est extirpé son téléphone qu’elle garda auprès d’elle.
Au cas où, on cherchait à la contacter pour une urgence.
— Puis-je savoir les tâches que j’aurais à effectuer ? Je pense m’y atteler sans perdre une minute, dès que je serai présentable.
Il lui tendit une feuille, où y était annoté les nombreuses missions.
— Cela m’aiderait grandement si tu peux te charger en partie de cela… bien entendu, dans la mesure du possible.
Elle lui jeta un regard de défi, l’air de lui demander s’il la sous-estimait mais il ne se prit pas à son jeu.
Il ne voulait pas trop lui en demander non plus.
Il savait qu’il devait déjà être reconnaissant qu’elle rentre le voir et l’aider aussi souvent. Rien ne l’obligeait de revenir jusqu’ici alors qu’elle avait pris son envol en choisissant sa propre voie et en s’entourant de ses propres « protégés ».
Il lui lança plutôt un regard désolé, qui ne passa pas inaperçu.
Elle baissa ses épaules légèrement et le rassura.
— Je ferai ce qui est en mon pouvoir pour vous satisfaire, maître.
Elle inclina son visage de manière très subtile, et reprit son air sérieux. Elle était sincère.
Elle retourna dans sa chambre pour changer de tenue, laissant sur le cintre la robe qu’elle portait auparavant.
Satisfaite, elle vérifia encore une fois si la tenue qu’elle portait était bien mise, et elle y rangea son téléphone portable dans la poche de la jupe.
Elle avait demandé à ce qu’on lui ajoute une poche de la taille de son téléphone au niveau des plis et cela avait été fait avec soin.
Elle reprit la feuille des tâches, le relut et analysa par lesquelles elle devait commencer.
Tout d’abord, elle devait saluer Bréto et lui demander si certaines de ces tâches avaient été déjà effectuées, puis si d’autres avaient été ajoutées sans que le maître ne soit encore au courant.
Elle ne l’avait pas encore croisé depuis qu’elle était arrivée, même s’ils avaient mutuellement senti leur présence au moment où elle avait pénétré la demeure.
Leur relation d’antant n’était pas à nier et ils avaient gardé une certaine sympathie l’un pour l’autre même si cela n’avait pas été plus loin, pour différentes raisons.
Ils s’étaient aimés et c’était tout ce qu’il y avait à savoir. Certains employés se doutaient de cette relation ou faisaient juste circuler des rumeurs sans savoir ce qu’il en était réellement. Ils étaient discrets.
D’autres aimaient imaginer qu’il se passait encore quelque chose entre ces deux personnages vraiment uniques en leur genre, fantasmer sans y croire.
Ce n’étaient que des suppositions et ils en étaient conscients et s’amusaient à laisser courir ces rumeurs.
Après tout, cela ne faisait de mal à personne, et ils en jouaient parfois parce qu’ils savaient qu’ils étaient observés, qu’on écoutait le moindre de leurs échanges pour confirmer ou écarter les hypothèses.
Alors elle se dirigea vers Bréto. Elle savait exactement où il était grâce à son odeur qu’elle connaissait plus que bien.
Il la sentit arriver et il ne feinta même pas la surprise.
Ils s’inclinèrent en même temps pour se saluer.
— Chloé.
— Bréto.
Il était en train de donner des ordres à d’autres petites mains, lorsqu’elle arriva vers lui.
Elle attendit patiemment qu’il ait fini.
Elle lui devait un certain respect, du moins en public, parce qu’il était techniquement son supérieur dans la hiérarchie des employés, même si son statut de favorite l’octroyait un statut au dessus.
Elle savait se tenir et quand reconnaitre son statut, elle n’avait rien à gagner à piétiner Bréto, après tout.
— Vous avez fait bon voyage ?
— Oui, merci de vous en enquérir. Veuillez me pardonner, je vais aller droit au but, le maître m’a confiée cette liste et j’aurai besoin de votre avis avant de commencer. D’après ses dires, il est possible que je ne puisse pas tout accomplir aujourd’hui… vous savez que notre but commun est de le satisfaire… puis-je vous demander de m’accorder quelques précieuses minutes de votre temps… ?
Il écouta ses paroles et il sourit. Il appréciait son professionnalisme. Elle avait fait du chemin depuis son arrivée et il était fier de ce qu’elle était devenue aujourd’hui. Quel dommage qu’elle ait préféré quitter le domaine, se disait-il intérieurement.
— Bien entendu. Laissez-moi y jeter un oeil. Si vous permettez ?
Il s’approcha d’elle et tendit sa main pour attraper le papier. Il se positionna près d’elle pour qu’elle puisse lire en même temps que lui, lorsqu’il pointa quelques lignes.
Il pouvait ainsi profiter de son odeur particulière et elle joua le jeu en se rapprochant également de lui, se penchant un peu plus pour lire.
Les autres employés les regardaient, et certains attendaient qu’ils aient fini pour recevoir la suite des ordres du majordome.
— Je vois que le maître a rédigé ici les dernières urgences. Je n’ai pas d’autres commentaires à faire. Je m’en vais bientôt dans la partie de cette mission pour un autre sujet.
Il acquiesça et pointa du doigt une ligne en particulier.
— Je pense que je peux me charger de ce que le maître désire sans aucun problème. Cela devrait vous enlever une écharde du pied.
Il lui sourit.
— Je lui ferai mon rapport en même temps que pour le reste. Soyez sans crainte.
— Merci infiniment. Sur ce… au plaisir de converser bientôt avec vous, lorsque nous aurons moins de pain sur le plancher.
Elle s’inclina rapidement et s’en alla sans demander son reste. Elle était pressée. Il ne lui en tint pas rigueur mais regarda sa silhouette s’éloigner un court instant avant de retourner à ses petites mains.
Elle regroupa les actions par secteur et elle s’enquit des différentes situations, tout en guidant les tâches qui devaient être réalisées.
Dans certains cas c’était à elle de dialoguer avec certains invités spéciaux voire dangereux sans les froisser et il savait qu’elle était qualifiée pour cette tâche ou corvée.
Il avait moins la patience de traiter avec ces derniers et Bréto était trop intimidant pour faire une bonne impression.
*
— Bonsoir…
Dit-elle en s’inclinant.
Il était déjà le début de la nuit, le temps s’était écoulé si vite.
— Oh, quelle charmante surprise…
Il se retourna alors qu’il était assis oisivement dans un divan.
Il lui fit signe d’approcher.
— Vous me flattez… que puis-je faire pour vous satisfaire, cher invité ? Avez-vous des requêtes ?
Elle ne tourna pas autour du pot et elle essaya d’écourter son moment avec cet étrange personnage. Parfois elle ne comprenait pas pourquoi son maître acceptait d’offrir l’hospitalité à certaines personnes.
C’est ce qu’elle se disait jusqu’à ce qu’elle se rappelle de sa propre arrivée et de sa générosité envers sa petite personne.
Il l’observa à la lumière du foyer qui crépitait et se redressa.
— Eh bien. Vous êtes une délicieuse créature, à croquer.
À ces mots il découvrit ses dents beaucoup trop aiguisées et nombreuses.
Pas étonnant que personne n’ose venir lui parler.
Elle attendit qu’il daigné aborder sa question, patiemment, sans lui montrer une once de peur.
Voyant qu’elle n’était pas intimidée, il adapta son attitude et reprit un comportement à peu près normal.
Du moins, il la laissa croire, et il se leva nonchalamment pour se mettre à son niveau et s’avança vers elle, se rapprocha dangereusement.
Elle ne recula pas, et attendit patiemment.
Son attitude commençait un peu à l’agacer. N’avait-elle pas peur qu’il la blesse ?
Alors il la poussa, avec force et vitesse, tout en la soulevant par le cou et la plaqua contre le mur.
Etonnemment le bruit fut étouffé. Il s’arrêta à quelques centimètres avant que son dos ne touche la surface dure.
Elle ne réagit pas plus.
Elle n’était pas encore blessée, juste secouée.
Elle fut surprise mais elle ne réagit pas.
Il cherchait à la pousser à réagir, il s’amusait de savoir qu’elles étaient ses limites et son sourire malicieux était plus que révélateur.
Il passa sa main entre ses cuisses, soulevant le drapé de sa robe et elle ouvrit sa bouche.
— Je ne vous conseille pas de continuer.
Sa voix était neutre.
C’était un avertissement et il le savait mais il était trop imbue de lui même pour craindre quoi que ce soit. Jusqu’ici, il n’avait pas posé sa main sur d’autres serviteurs, mais celle-ci était particulière, il le sentait.
Elle avait une prestance et elle imposait quelque chose qu’il n’arrivait pas à définir avec des mots.
Cela l’arrêta un seconde, curieux il demanda.
— Ah bon… ? Qu’est-ce que je risque ?
Dit-il en penchant légèrement sa tête, comme pour s’étirer.
— Je doute que mon maître apprécie.
Sa voix était détachée, comme si ses actions ne la concernaient pas alors qu’il avait sa main contre sa chair. Elle ne frissonnait même pas.
Sa peau était lisse, douce et fraîche.
Il réfléchit un instant.
Que risquait-il s’il s’attirait les foudres du comte, après tout ? Il ne serait plus le bienvenue ici.
Et cela pourrait être un inconvénient parce que jusqu’ici, il était bien reçu et on ne lui avait rien demandé.
Peut-être que s’il commettait une erreur, cela leur serait bénéfique de ne plus l’accueillir de cette manière.
Effectivement, il n’avait qu’à y perdre.
Est-ce que cette servante vallait le prix de son désir ?
Il ne savait pas à quel point le maître des lieux tenait à elle, et s’il le savait, il ignorait s’il serait de taille à se battre pour défendre sa vie.
Pour l’instant, ses manières étaient questionnables mais il n’avait pas encore commis l’irréparable.
Il pesa le pour et le contre et finit par relâcher sa proie, en reculant d’un petit pas et l’observant, immobile mais gracieuse, comme si de rien n’était.
Elle lui sourit.
— Si vous en avez fini avec ma personne. Je vous prierai de ne pas intimider le reste du personnel.
Elle s’inclina et baissa légèrement la tête mais ses yeux se posèrent un instant sur son visage pour en observer son expression.
Il la vit.
Il vit le danger dans son regard.
Elle était docile jusqu’à présent mais son comportement et son aura laissa deviner qu’elle était dangereuse. Cela lui glaça le sang.
Elle se serait peut-être laissée faire mais au moindre ordre de son maître, elle aurait pu lui ôter la vie.
Il ne dit rien et elle se retira, disparaissant dans l’ombre de la pièce jusqu’à ne plus laisser aucune trace de présence.
Il put reprendre sa respiration.
Ses lèvres formèrent un sourire crispé et il se jeta assis sur le divan. Soulagé d’avoir pris la bonne décision.
*
[Mauvais choix] La vie se devait d’être vécue pour les désirs et il laissa sa soif de chair le guider. Ignorant l’avertissement plutôt clair de la servante.Il remonta sa main et utilisa même son autre main pour dégager les épaules de la femme devant lui.
Il appuya son corps contre le sien et son visage s’était enfoui dans la nuque de sa proie. Il humait et léchait la parcelle de sa peau à cet endroit découvert.
Quel délice, cela confirmait sa supposition.
Il ne se posa pas plus de questions. Emporté par sa fougue, il se débarassa de son pantalon et il retira la culotte de la servante qui ne broncha pas.
Elle ne fit aucun bruit ni aucun mouvement.
Ce qui n’eut pas l’air de le déranger.
Au moins, elle ne criait pas, se dit-il.
Et il la pénétra, tout en la caressant.
— Avez-vous fini ?
Demanda t-elle, alors qu’il venait de jouir en elle.
Ce qui le surprit.
Sa voix était aussi neutre qu’au départ.
Il venait de faire son affaire et il était encore essoufflé de son effort. Contrairement à elle. Maintenant que son désir s’était consummé, il pouvait faire un peu plus attention à ses expressions.
Elle semblait légèrement ennuyée ou exaspérée.
Il ne lui répondit pas tout de suite et elle ne le pressa pas. C’était une bonne servante.
Il finit par se retirer et se rhabiller, la laissant décoiffée et sa robe froissée et salie.
Un sein était visible et son chignon n’était plus qu’une tresse défaite qui lui arrivait jusqu’à la taille.
Malgré son apparence débraillée, elle arborait une expression neutre et elle lui sourit comme si de rien n’était.
Un sourire qui lui fit froid dans le dos.
— C’est bon. Tu peux partir.
Dit-il enfin, en lui faisant un signe de la main pour qu’elle débarrasse le plancher.
— Si tel sont vos derniers mots…
Prononça t-elle.
Et il ne se doutait pas de la portée de ces paroles.
De l’autre côté de la porte.
Elle put lâcher un soupir d’exaspèrement.
Elle essaya de remettre rapidement les manches de sa tenue sur ses épaules, cachant sa poitrine modeste.
Elle avait remis sa culotte maintenant souillée et elle sentait encore la substance qui était en train de couler sur le long de sa cuisse intérieure.
— Je crois que je vais être bonne pour tout mettre à laver…
Elle pouvait laisser cours à son humeur lorsqu’elle était seule.
Il fallait maintenant qu’elle fasse son rapport, et elle espérait du fond de son coeur que personne d’autre n’avait été victime de cet invité bien imprudent.
C’était la règle ici. Tant qu’on ne commettait pas d’action répréhensible, il n’y avait pas d’action prise pour mettre un invité hors d’état de nuir.
En agissant ainsi avec un témoin, il signait peut-être son arrêt de mort.
Elle n’eut pas le temps d’aller se laver ni de se changer. Il fallait qu’elle aille faire son rapport au maître, pour qu’il puisse agir en conséquence où lui ordonner une action.
Bréto avait senti ce qui s’était passé mais ne pouvait pas agir sans l’ordre officiel du maître.
Il n’était qu’un majordome.
Ses sentiments et son respect pour Chloé l’aurait fait étriper cet homme, cependant elle avait eu raison de le laisser se mettre en porte à faux.
C’était une preuve de son comportement.
Mais sa rage bouillonnait et il serra son poing assez fort pour que les marques saignent dans sa paume, lorsqu’il la croisa dans les couloirs, sur le chemin du bureau du maître.
Elle lui sourit de manière professionnelle. Débraillée comme elle l’était.
Des marques de crocs sur la chair de son cou.
Elle ne fit pas de remarques et lui non plus, et elle continua son chemin.
Elle jouait un rôle nécessaire.
N’importe qui aurait pu l’accuser de menteuse, et qui aurait accordé une quelconque importance aux paroles d’une servante ?
Elle ne s’était pas lavée et elle constituait un preuve indéniable.
Elle frappa à la porte et entra dans le bureau.
Le comte sentit l’odeur et se doutait de quelque chose, mais lorsqu’il la vit, son coeur se resserra dans sa poitrine et il apparut devant elle, en colère.
En colère contre lui-même d’avoir imposé ce rôle à sa protégée, et contre cet énergumène qui n’allait pas rester longtemps dans son domaine.
Il avait un mauvais pressentiment lorsqu’il était arrivé mais il ne pouvait rien faire tant qu’il n’avait pas mal agi. Il jouait avec son autorité et profitait de son hospitalité. Il savait que s’il retournait ses propres règles contre lui, il porterait le mauvais rôle et cela pouvait porter préjudice au domaine. Alors il ne pouvait qu’attendre.
Chloé était toute désignée mais il souffrait de la voir ainsi.
— Maître, je viens faire mon rapport.
— … Ma précieuse Chloé… comment a t-il pu…
Sa voix tremblait et il n’osait pas la toucher, de peur de la briser. Alors que rien en elle ne laissait penser qu’elle était affectée par ce qu’elle venait de vivre.
— Je vous confirme que cet invité a-
— N’en dis pas plus. Tu es recouverte de preuves. Il ne pourra nier et j’emporte une partie de lui avec moi. Excuse-moi…
Il leva sa robe délicatement pour récupérer avec le bout de ses doigts le reste de liquide seminal qu’il y avait encore à l’intérieur d’elle.
Contrairement à auparavant, elle réagit et eut un petit spasme.
Le contact de sa peau sur la sienne lui donnait toujours cette sensation de courant électrique qui lui parcourait le corps.
Elle se contrôla pour ne pas broncher.
Il s’approcha d’elle pour que son visage puisse s’enfouir dans ses larges épaules, et la stabiliser.
Son geste l’avait surprise.
— Je t’en demande toujours trop…
Murmura t-il.
— … Ce n’est rien, je vous assure.
Répondit-elle, décontenancée mais rassurée de sa présence si proche.
Son contact même léger.
Mais ses mots la touchaient au fond de son être et elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Qu’elle réprima aussitôt.
— Attends-moi, je reviens tout de suite.
Dit-il avant de sortir de son bureau. La laissant seule.
Elle reprit sa respiration.
Bréto ne tarda pas à frapper à la porte et entrer la rejoindre.
Il la serra dans ses bras aussitôt la porte refermée.
Il connaissait son histoire et il était affecté par ce qui venait de se passer.
— Ca va, Bréto, je t’assure. Ne t’inquiète pas comme ça… tu vas me briser les côtes si tu continues…
Ce fut elle qui dut le rassurer et le consoler.
Il s’agenouilla à cause de sa différence de taille et il la regarda dans les yeux, compatissant.
— Je… tu es sûre ? Je…
Il n’arrivait pas à trouver les mots mais elle lui sourit chaleureusement, ce qui était étrange vu à quoi elle ressemblait.
— Oui. Ne t’en fais pas, vraiment. Tu devrais peut-être aller voir comment le maître s’en sort… je suis un peu inquiète mais il m’a demandée d’attendre ici…. puis s’il a finit, peut-être qu’il aura besoin de toi.
— Je sais. Je comptais le suivre mais j’avais besoin de passer te voir avant.
Il ferma les yeux et se releva.
— Je vais y aller alors…
— Oui. Tu me raconteras ?
Il lui sourit et sortit du bureau.
*
Le comte arriva devant la suite de l’invité et il frappa quand même avant d’entrer.
— Bonsoir cher comte.
Dit-il, allongé dans le divan.
— Bonsoir. La moindre des choses serait de montrer un minimum de respect pour votre hôte.
Dit-il, la voix neutre mais avec une certaine force, qui fit se redresser l’homme désinvolte.
Il se leva et vint le saluer avec une révérence, qui était peut-être trop exagérée.
Le comte ne releva pas.
— Que me vaut votre présence, monsieur le comte ? D’habitude je ne reçois la visite que de vos serviteurs.
— Justement, je viens vous parler d’une de mes servantes que vous avez… violé.
— Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je ne fais qu’offrir du bon tempsà ces belles fleurs.
— Peut-être que c’est le cas avec d’autres de mes employées mais l’une d’entre elles n’était pas du même avis.
— Cela m’étonnerait que j’eusse bafoué son consentement. Avez-vous la moindre preuve ?
Il tendit ses doigts qui étaient encore imprégnés de son sperme et il utilisa la magie pour le soumettre.
Il se retrouva à genoux. Plié en deux par une faiblesse extrême.
— Qu’avez-vous à dire pour me convaincre ?
— Attendez, je peux tout vous expliquer. Elle m’a séduite-
À son mensonge, sa gorge brûla et il mit ses mains à son cou comme si cela pouvait soulager ce mal.
— J’ai peut-être omis de vous dire que les mensonges se retournent contre vous. Vous disiez ? Ma servante vous a séduit… ? Cela peut arriver et si cela était vrai, je n’aurais pas à intervenir…
— Non… arrêtez… je ne savais pas qu’elle était sous vos ordres directs…
Il se mit à tousser et cracher du sang, ainsi que saigner du nez.
— Vous êtes certain ? Ne vous a t-elle pas mis en garde… ?
Il regardait le corps se tortiller de douleur comme si c’était un ver de terre. Le fluide rouge était en train de tinter le tapis mais c’était le dernier de ses soucis.
— Si… si… je… je suis désolé… pardonnez-moi…
Sa voix était rauque, tel un dernier souffle. La douleur devait être un tel supplice que cela lui avait coupé l’envie de mentir.
Contrairement à ce qu’il pouvait penser, cela n’arrêta pas son martyre, mais sa peine ne s’intensifia pas, ce qui était déjà une bénédiction pour lui.
Ils se réjouissait trop vite.
— Ce n’est pas à moi que tu dois des excuses. Misérable être que tu es…
Dit-il avec mépris.
À cet instant, une sensation d’épines vint lui transpercer le gland de son membre reproducteur, puis des aiguilles invisibles remontèrent dans son urètre pour se loger dans ses testicules.
Il hurla.
Ses cris résonnèrent dans cette pièce.
Il essuya ses doigts dans un mouchoir fin et le jeta sur son interlocuteur.
Et le comte quitta la pièce, laissant le corps recroquevillé sur lui-même hurler jusqu’à sa mort lente et douloureuse.
Bréto était dehors et l’attendait dans le couloir.
— Débarrasse-moi de ça, lorsqu’il aura finit de bouger. Fais-en ce que tu veux. Qu’il se fasse dévorer, peu m’importe.
Dit-il à son majordome qui acquiesça sans un mot.
Il s’inclina et attendit devant la porte, réfléchissant à une utilité du futur tas de chair qu’il aurait à disposition.
Le maître retourna aussi vite que possible à son bureau.
— Pourquoi pas. On peut s’en occuper.
Répondit une servante, parmi d’autres, en face de Bréto.
— Dans ce cas, je vous le laisse, faites-en ce que vous souhaitez tant qu’il ne reste plus rien et que la pièce soit nettoyée après votre passage.
— Très bien.
*
— Le pauvre. On avait quand même eut du bon temps avec lui…
— Quel idiot de s’en être pris à Chloé.
— On ne lui suffisait plus ?
— Trop gourmand. Il n’a pas su s’arrêter.
— Il s’est attaqué à un trop gros poisson.
— On en fait quoi, du coup ?
— On peut en profiter encore une dernière fois, avant de faire le ménage…
Elles sourirent et s’amusèrent toutes les trois avec son corps avant de le dévorer littéralement jusqu’à ronger ses os.
*
Il passa par la petite chambre de Chloé et récupéra sa robe sous son bras et retourna à son bureau.
— Je t’ai fait attendre…
Elle devina que c’était lui. Il n’avait pas frappé pour entrer dans son propre bureau.
Il alla récupérer le sac dans son tiroir.
— Je n’ai pas encore eu l’occasion de faire mon compte rendu-
Elle s’inclina et se tenait prête à lui faire son rapport mais il l’arrêta d’un geste.
— Tout d’abord, je ne peux pas te laisser dans cet état. Je t’ai rapporté ta robe pour que tu puisses te changer pendant que ton uniforme soit nettoyé. Ma suite est à ta disposition. Tu pourras me raconter le reste après. Cela peut attendre.
D’un pas pressé, il emporta ses affaires et l’invita à le suivre.
Les yeux écarquillés, elle accepta et le suivit sans trop avoir de choix.
— Permettez-moi de porter mes affaires… quelle servante je fais si c’est à mon maître de faire une telle tâche…
Elle posa sa main sur sa robe et ainsi sur son bras et le regarda dans les yeux sans sourciller. Elle savait être convaicante et surtout, elle n’avait pas tort.
Il lui tendit ses effectifs et ouvrit la marche.
Elle avait sa démarche gracieuse habituelle et sa prestance malgré l’état de sa coiffure et des marques sur son corps ainsi que son uniforme mais personne n’osa faire de remarque en sa présence et encore moins en celle du maître.
Le peu de personnel qu’ils croisèrent leur fit une révérence respectueuse comme à l’accoutumée.
Il se rendait dans sa chambre privée et personne n’aurait osé le déranger sauf urgence ou nécessité de premier ordre. Sa journée ou plutôt soirée était enfin terminée après tant de péripéties. Il avait droit à son moment de repos.
Arrivés à destination, dans la salle de bain.
Elle accrocha ses affaires et il s’approcha d’elle pour mieux l’observer.
Son regard et ses doigts frolant son visage à sa nuque.
Il n’osait toujours pas la toucher malgré leur attirance mutuelle.
Elle baissa les yeux, honteuse. Elle était souillée. Elle se mordilla les lèvres et il le remarqua.
Il attrapa son menton entre ses doigts et le releva pour qu’elle le regarde dans les yeux.
— Tu n’as pas à te blâmer. Laisse-moi t’aider à te nettoyer pour me faire pardonner l’affront qu’on t’a fait subir…
C’était à son tour d’afficher une expression maussade, coupable.
— Je suis prête à tout subir pour vous, maître.
— Ne dis pas ça… tu ne mérites pas de subir quoi que ce soit.
Elle s’apprêtait à rétorquer autre chose mais il l’en en empêcha en posant ses lèvres sur les siennes, la surprenant et elle ferma ses paupières pour savourer cet instant. Elle était faible lorsqu’il la traitait ainsi et il le savait.
Il trichait.
Il fit glisser avec ses mains les manches de sa robe et le tissu tout entier jusqu’à ce qu’elle finisse sans rien au milieu de la pièce.
Il fit couler l’eau dans la baignoire et la dirigea vers la cabine de douche.
Il failli oublier de lui-même se déshabiller.
Il la lava avec douceur et délicatesse, dans les moindres recoins, s’arrêtant sur les endroits ou elle avait été touchée. Elle se laissa faire. Il prenait soin d’elle. C’était assez rare pour le signaler.
Lorsqu’il eut fini, ce fut à elle de lui proposer de le laver.
Ils se glissèrent ensuite dans la baignoire. Lui d’abord puis elle qui se retrouva entre ses bras et ses jambes.
Ils étaient presque à l’étroit.
Il passa ses doigts entre les siens.
— Tu peux me délivrer ton rapport, maintenant…
Dit-il détendu, jouant avec sa main.
Alors elle se détendit aussi. Et lui raconta la conclusion de ses missions de manière informelle. Pour finir avec l’invité.
Ce qui rejetta un froid dans la baignoire. Ou peut-être était-ce dû au temps déjà passé dedans.
— Hm… d’ailleurs… quelle a été l’issue de…
Demanda t-elle curieuse.
Il soupira et finit par lui répondre.
— Il a été confronté à ses mensonges… puis Bréto s’est occupé du reste.
— Ah… quel genre de mensonges… ?
— Il a dit que tu l’avais séduite.
Elle se retourna aussitôt vers lui, l’air outré et légèrement rose.
— Et… vous l’avez cru ?
— Bien entendu. Une aussi belle créature que tu es…
Il sourit, taquin.
Ce qui eut l’effet qu’elle se mette à bouder.
Elle cacha son visage à moitié dans l’eau et s’apprêtait ensuite à sortir de sa marinade.
Il lui attrapa le bras.
— Ne te vexe pas. Je plaisantais. Bien sûr qu’il mentait. J’avais déjà jeté un sort sur lui avant qu’il puisse raconter sa version des faits.
Elle se retourna vers lui encore un peu boudeuse.
Il la regardait d’un air suppliant de lui pardonner.
Elle força un sourire rapide.
— Je vais finir par me dissoudre si je continue à rester dans cette baignoire.
Et elle s’en extirpa pour se sécher et porter sa robe sombre et longue aux manches fluides.
Elle sentit son regard sur elle.
— Je ne vais pas avoir le choix…
Il se releva également et vida la baignoire tout en se séchant et se rhabillant d’une simple chemise bouffante et d’un pantalon.
Il n’avait pas à remettre sa tenue complète.
Elle vérifia que tout était en ordre dans la pièce avant d’en sortir avec ses affaires.
Son uniforme sale était déjà dans un bac à linge sale qui serait relevé par des employés plus tard.
Elle lui jeta un dernier regard et se rendit dans la chambre du maître.
*
— Je suis plutôt ravi de pouvoir profiter à nouveau de cette tenue sur toi.
Dit-il en sortant de la salle d’eau et en l’observant d’un air satisfait.
Elle s’inclina en faisant une révérence avec un large sourire.
Il fut à côté d’elle en un instant et passa ses mains sur le tissu et ses formes.
Elle releva son visage pour pouvoir l’observer.
Elle était ensorcelée par ses gestes et son aura.
En un mouvement il l’attrapa par dessous ses genoux et la porta jusqu’à dans son lit. L’allongeant sur le dos et lui la surplombant.
Il était pris d’une pulsion mais il ne voulait pas brûler les étapes.
Dans les bras l’un de l’autre, dans le lit sous les draps.
Il lâcha un soupir de soulagement et de bien-être.
Il était heureux qu’elle soit rentrée.
Le lendemain, elle était assise devant la coiffeuse et il l’aida à brosser sa chevelure, soigneusement.
— Mon séjour ici est déjà terminé, je dois rentrer.
Annonca t-elle.
— Je vois…
Il ne cacha pas sa tristesse.
— Sauf si vous avez d’autres tâches à me confier, maintenant ?
— Non… tu as traité toutes mes urgences. Merci à toi. Reviens quand tu veux.
— Je ne peux rien vous promettre mais j’essaierai de revenir lorsque mon emploi du temps le permettra.
— Je comprends… est-ce que tes protégés prennent bien soin de toi ?
Demanda t-il réellement inquiet.
— Ils sont grands, vous savez. Mais oui, ne vous en faites pas. Si je ne pouvais pas leur faire confiance, je ne serai pas ici aussi souvent.
— D’accord…
Répondit-il, songeur.
— Si nous prenons quelques jours de repos, il est possible que nous rentrons tous pour vous rendre visite.
— Ah. Je sais qu’ils ne me portent pas tous dans leur coeur…
— … Vous dîtes tous cela !
Soupira t-elle.
— À la limite, Flora a l’air d’être la plus sympathique à mon égard mais Nao… je sens clairement de l’hostilité dans son aura. Quant à Vladislaw… c’est juste qu’on ne se connait pas assez, je dirais… ?
— Je peux en discuter avec Nao, mais comment lui en vouloir… ? Vous vouliez le tuer à l’époque !
— C’est de l’histoire ancienne, je vois bien qu’il n’est plus un danger pour toi.
— Peut-être serait-il sage de le lui rappeler, vous-même. Qu’en pensez vous ?
— … Bien, j’y songerai.
— Je… j’aimerais qu’ils vous apprécie à votre juste valeur. Pas simplement parce que vous êtes mon maître.
Dit-elle d’un souffle, tel un souhait qu’elle ne répètera pas. Elle s’en alla.
Elle croisa Bréto dans les couloirs.
Elle s’inclina et ils se saluèrent rapidement.
— Vous partez déjà ?
— Oui, on m’attend ailleurs.
— Je vois. Prenez soin de vous.
— Merci, vous aussi. J’espère que nous aurons plus de temps à nous consacrer la prochaine fois.
Sourit-elle, désolée qu’elle n’ait pu lui libérer un moment durant son séjour.
Il accepta ses mots sans rien ajouter et regarda sa silhouette élégante s’éloigner.
2021.02.24