Elle avait fourni les documents nécessaires, signé tous les papiers officiels après les avoir relus.
Elle connaissait les termes, les conditions et tout ce à quoi elle renonçait. Son libre arbitre, sa propriété intellectuelle. Elle savait tout ça.
La gérante lui expliqua tout de même tout cela, pour être sure qu’elle était consciente de son choix, de sa décision.
Qu’elle ne pourrait pas revenir en arrière.
Puis, on lui demanda de retirer ses affaires, tous ses biens personnels furent confisqués et rangés soigneusement. On lui donna une tenue, un haut et un bas, et elle fut accompagnée dans une chambre libre.
Cela ressemblait à une cellule psychiatrique, mais le stricte nécessaire était là.
Une pièce avec un lit, un lavabo et des toilettes.
On lui expliqua que les repas lui seraient apportés et qu’on l’appellerait pour l’emmener à la douche lorsqu’ils jugeraient que ce soit nécessaire.
Elle serait convoquée pour passer des examens médicaux et psychologiques pour compléter son dossier dans les jours à venir.
Elle était là, assise sur ce lit presque trop dur, le matelas fin lui rappelait celui de chez elle, ainsi que la taille. Cela ne la dépaysait pas trop, et à cette pensée, elle esquissa un sourire. Les murs étaient mous.
Elle s’y adossa et réfléchit à tout ce qu’on venait de lui dire.
C’était si simple. Si simple de s’abandonner.
Pour l’instant, elle ne pensait pas aux conséquences.
Son compte en banque, son appartement, son travail.
La maison s’occupait de tout.
De fermer son compte bancaire : pour le peu qu’il contenait, l’argent dessus serait retiré et ajouté à sa valise d’adoption.
On s’occupait de rendre son appartement, contacter le propriétaire, mettre fin à la location, contacter son emploi actuel pour mettre fin à son contrat.
Résilier tous les contrats la concernant.
C’était un système bien organisé.
Elle ferma les yeux.
Ses parents avaient peut-être raison, elle était bonne à rien, mais qu’est-ce que c’était bon de ne devoir penser à rien. S’abandonner.
Un sourire timide se dessina sur son visage d’ange.
Elle se laissa tomber sur l’oreiller et s’endormie ainsi, dans une émotion de béatitude.
*
Cela faisait déjà presque une semaine qu’elle était là.
Elle s’était vite habituée au rythme de son nouvel emploi du temps.
Rien faire à part méditer, en attendant d’être adoptée, en attendant une nouvelle vie aux ordres ou sous la domination d’un inconnu. Peut-être qu’elle donnerait un sens à sa vie, elle l’espérait.
Elle avait fait ses visites médicales, les résultats ne devraient pas tarder. Elle avait été surprise qu’on lui demande si elle se droguait ou autres médications illicites. Elle avait répondu à la négative. Le médecin l’avait regardée en souriant, en lui disant que beaucoup mentaient mais que la prise de sang tirerait ça au
clair.
Elle avait été pesée et mesurée, de haut en bas, en largeur. Il ne fallait pas être pudique.
On lui posa également des questions sur ses menstruations. Si elle était encore fertile.
Des scanners et des échographies pour savoir si elle n’avait rien de sous-jacent. Même le dentiste.
Elle avait été étonnée de la batterie d’examens qu’elle avait dû passer. Elle même, elle n’avait jamais fait tout cela pour elle, lorsqu’elle était encore humaine.
Cela expliquait en partie le prix exorbitant des humains de compagnie, en tout cas, lorsqu’on passait par une entreprise réputée.
La gérante était bavarde, peut-être était-ce parce qu’elle n’avait pas beaucoup de personnes avec qui discuter, en tout cas, elle avait trouvé Annabelle plutôt normale et une interlocutrice convenable.
Elle lui avait expliquée que certaines maisons ne s’embêtaient pas avec ça, et qu’elles vendaient des mineurs désespérés à bas prix, sous le manteau. Pas de certificat, pas d’examens, rien. Qui sait ce que les acheteurs faisaient d’eux, c’étaient des bouts de viande qui disparaissaient dans la nature.
Cela faisait froid dans le dos.
Annabelle avait émis l’idée que peut-être, certains en achetaient pour les sortir de cette pauvreté, de ce désespoir.
La gérante lui avait ri au nez en lui disant qu’elle était bien naïve, bien candide pour son âge.
— Tu vas me manquer quand tu seras adoptée. Tu es presque normale et je n’aurais personne avec qui discuter.
Avait blagué la gérante.
Elle n’était pas qu’un monstre cupide. Elle espérait au fond d’elle que Marianne soit acquise par quelqu’un de pas trop détraqué.
Quoi qu’il en soit, il restait encore quelques jours de répit avant qu’Annabelle soit mise sur le marché de manière officielle.
Elle savait que son profil ne resterait pas longtemps dans son établissement.
*
Annabelle entendait les pas dans le couloir, les voix étouffées par la pièce.
Elle se demandait si elle en viendrait à espérer qu’on l’adopte comme les autres personnes dans les autres cellules. Ceux qui étaient là depuis longtemps, un certain temps.
Elle était comme un animal en cage, en vitrine dans une animalerie. Peut-être qu’avec un peu de chance elle mourrait ici.
Elle appréhendait tout de même son futur acquéreur.
Elle pouvait se rassurer que son tour n’était pas encore venu, alors les bruits qu’elle pouvait entendre autour de sa chambre n’étaient pas trop inquiétants, pour l’instant, parce qu’ils n’étaient pas adressés à elle. Elle ne risquait rien pour le moment. Elle profitait du calme actuel.
*
Elle sursauta. Était-ce le moment d’aller manger ou d’aller à la douche ? La notion du temps était différente lorsqu’on avait pas d’horloge ni de montre.
On venait de frapper à sa porte et la gérante lui dit de se préparer. Qu’exceptionnellement, elle allait partir plus tôt.
Annabelle était prise au dépourvu.
— Bon courage pour la suite.
Lui souhaita-t-elle.
Elle s’attendait à voir un vieil homme, et elle fut assez surprise de voir une femme, propre sur elle, clairement d’un milieu social différent.
Ce qui était assez logique.
Elle se retourna vers la gérante, les yeux plein de questions et d’incompréhension. Elle attendait des réponses mais c’était trop tard, elle était vendue et elle allait devoir suivre sa nouvelle propriétaire.
Elle s’avança avec sa valise, ne sachant pas quoi dire, ni comment se comporter.
Elle n’avait pas été assez préparée psychologiquement. Il ne fallait pas qu’elle baisse sa garde, ce n’était pas parce que c’était une femme qu’elle était moins perverse ou moins méchante. On ne savait pas.
Marianne s’avança vers elle, et lui prit sa valise.
Puis elle retira son manteau pour lui poser sur ses épaules.
— Il ne fait pas très chaud dehors, n’attrape pas froid.
Dit-elle, d’un souffle.
Peut-être était elle aussi déroutée par cette situation.
Annabelle fut touchée par ce geste. Il y avait encore la chaleur de sa propriétaire dedans, et cela réchauffa un peu son cœur. Même si elle restait méfiante.
En sortant, l’air frais de la nuit la fit frissonner, et elle remercia la dame intérieurement.
Elle ne savait pas quoi dire sans paraitre plus bête qu’elle ne l’était.
— La voiture n’est pas loin, il y fera meilleur.
Elle s’avança pour lui montrer le chemin.
Activant la clé pour ouvrir le coffre et y poser la valise.
Annabelle restait ébahie par la luxure de cette voiture.
Quelle marque ? On faisait des voitures aussi belles et sophistiquées de nos jours ? Elles ne vivaient décidément pas dans le même monde.
Obnubilée par ce qu’elle voyait, elle resta plantée là et Marianne la fit revenir sur terre en lui demandant de s’installer sur le siège passager.
Les joues un peu rosies par la honte d’être restée plantée là, comme une idiote, elle ouvrit la portière pour s’installer sans tarder.
Elle cacha en partie son visage dans le manteau chaud et préféra se taire.
L’intérieur de la voiture était encore plus classe.
Ce n’était pas possible que l’intérieur soit aussi propre. On aurait dit qu’elle était neuve. Elle attacha sa ceinture et attendit.
Marianne mit la voiture en route et alluma le chauffage, puis une petite musique de fond envahit l’espace.
— Tu t’appelles Annabelle, c’est ça… ?
— O-oui.
— Ah, moi c’est Marianne. Tu peux m’appeler Marianne.
Elle resta concentrée sur la route et conduisit jusqu’à chez elle. Empruntant une voie rapide avant de prendre une sortie et rejoindre le centre-ville.
Le silence dans la voiture était pesant, s’il n’y avait pas eu cette bande son qui faisait agréablement passer le temps.
Annabelle regardait les lumières de la nuit par la fenêtre, perdue dans ses pensées, elle ne savait toujours pas comment elle devait se comporter. Rien ne l’avait préparée à la suite. Elle savait juste qu’elle devait obéir à son maitre, et dans son cas c’était une femme.
Allait-elle lui demander de faire des choses… sexuelles ? Elle était troublée.
Ou alors allait-elle devenir une employée ? Cette Marianne avait la tête d’une cheffe d’entreprise. C’était cher payé pour juste avoir une simple employée. Quoi qu’elle n’y connaissait rien, peut-être qu’il était moins cher d’acheter un humain et ne pas avoir à le payer à vie.
Dans son fil d’hypothèses, elle ne remarqua pas qu’elles étaient déjà arrivées.
Garée dans un parking souterrain, elle sortit et elles empruntèrent un ascenseur qui les amena dans un couloir d’immeuble.
Cela ressemblait à un hôtel de luxe, aux yeux d’Annabelle.
Tout compte fait, peut-être qu’elles allaient avoir des relations sexuelles, et cela la paniquait, une goutte de sueur froide dans le dos, elle n’avait jamais fait ça avec une femme, et elle n’avait jamais fait ça tout court.
Elle essayait de se calmer intérieurement pour ne pas montrer qu’elle était effrayée à cette idée.
Puis Marianne ouvrit la porte, et entra en première, poussant quelque chose de son pied et invita Annabelle à entrer.
— Je suis vraiment désolée… je ne reçois littéralement personne chez moi… ne fais pas attention au désordre.
Annabelle resta bouche bée.
La porte fut fermée derrière elle et elle resta sans voix devant ce qu’elle voyait. Elle ne savait pas si elle était plus subjuguée par la taille de l’appartement, la décoration, l’ameublement et les équipements sortis d’un magazine ou d’une publicité.
Ce n’était pas un désordre. C’était un capharnaüm. Il y avait des affaires partout, par terre, sur les meubles, la vaisselle accumulée qui n’était pas faite, des vêtements propres ou sales empilés dans un coin, jetés sur un meuble, des paquets de nourriture vides, la poubelle pleine qui débordait.
Comment une femme aussi bien habillée pouvait elle vivre ici ? Cela devait être une blague.
Elle resta là, à regarder ce paysage irréel, pendant que Marianne essayait d’arranger les lieux en attrapant ou poussant des pieds ce qui pouvait gêner le passage.
— Est-ce que tu as faim… ? Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? Ma salle de bain est par ici, si tu veux prendre une douche, ou un bain. Je vais te sortir quelques vêtements de rechange, je peux pas te laisser avec ça…
Elle accepta la proposition de la douche avec grand plaisir. Surtout si elles devaient coucher ensemble.
Elle essaya de réunir son courage à deux mains. Il fallait bien qu’elle franchisse le pas un jour. Ce n’était pas de sa faute, elle n’avait jamais eu l’occasion de le faire, et cela ne l’avait jamais vraiment intéressée.
Ou du moins, elle n’en ressentait pas le besoin, elle pensait qu’elle pourrait s’en passer. Maintenant, elle le regrettait.
La salle de bain était à peu près praticable.
Marianne y passa quelques minutes à ramasser ses affaires grossièrement et s’en alla pour laisser Annabelle seule. Fermant la porte derrière elle.
Marianne s’assit sur le canapé qu’elle avait désencombré et plongea son visage dans ses mains.
— Putain, qu’est-ce que j’ai fait.
Soupira-t-elle.
Lorsque Annabelle sortit de la salle de bain, elle était nue, avec ses vêtements et le manteau de Marianne dans les bras.
Marianne ne le remarqua pas tout de suite, elle avait la tête dans son dressing, cherchant quelques vêtements.
Elle entendit la porte de la salle de bain s’ouvrir.
— Je suis désolée, je n’ai pas de pyjama… j’essaye de te trouver quelque chose d’assez confortable pour dormir mais je crois que je n’ai rien d’autre à part des t-shirts. Ils sont à ma taille mais ça devrait faire l’affaire.
Elle prit un t-shirt gris simple et se dirigea vers Annabelle et à sa vue, elle resta bloquée. Sa mâchoire tomba virtuellement par terre.
— Euh… je ne sais pas où je dois poser ces affaires… merci pour le manteau…
Dit Annabelle, un peu gênée.
— Je- de rien, laisse-moi te débarrasser…
Marianne essaya de rester de marbre. Elle lui tendit le t-shirt et la débarrassa des vêtements, empilant le tout sur un autre tas. Et posa son manteau sur le porte manteau à l’entrée. Au moins une chose à sa place.
Marianne était perturbée. Une chose était certaine, Annabelle ne la laissait pas indifférente.
Les joues plus chaude que la normale, lorsqu’elle revint, elle crut faire une syncope.
Elle était plus grande et avait les épaules plus larges qu’Annabelle, mais elle n’avait pas pris en compte la poitrine généreuse de cette dernière, qui se retrouvait presque à l’étroit dans son t-shirt. Et elle n’avait
pas de culotte. Le bas du t-shirt arrivait pile poil au-dessus de son pubis qui était au naturel, d’un blond bouclé.
Elle essaya de ne pas la fixer trop intensément, mais elle la trouvait terriblement craquante.
Elle avait cet air de jeune fille un peu perdue, innocente, telle une poupée.
Elle essaya de penser à autre chose.
— Un bas, j’ai oublié de t’en sortir un. J’espère que la taille ira…
Se précipita-t-elle de nouveau dans son dressing.
Elle n’avait que de la lingerie.
— Je suis désolée, je n’ai que ça à te proposer…
S’excusa-t-elle, les oreilles rouges.
Annabelle l’enfila sans broncher.
— Je n’ai pas de chambre d’ami… mais tu peux dormir dans mon lit. Je risque de ne pas dormir beaucoup de toute façon.
Elle jeta un œil à l’heure et soupira.
Annabelle interpréta ses paroles autrement.
Elle la suivit jusqu’à la chambre, et elle n’osa pas s’y installer.
Marianne dut lui dire explicitement pour qu’elle daigne se glisser sous la couverture.
Elle ressemblait à un animal apeuré.
Marianne baissa la lumière et s’installa sur la couverture, encore toute habillée.
Voyant Annabelle toute tremblotante et roulée en boule dans le lit, elle s’inquiéta.
— Tu as froid… ?
— N-non…
— Mais tu trembles… tu es sûre que ça va… ?
— O-oui.
Puis Marianne réalisa qu’elle avait peut-être peur.
Elle s’approcha d’elle, doucement, elle n’osa pas la toucher, ni même effleurer ses cheveux.
Cette situation était nouvelle pour elles deux, et elle n’avait aucune expérience en la matière. Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle allait faire d’elle. Elle savait qu’elle était maintenant à elle, mais elle n’avait aucune vocation à la forcer à faire des choses, ni la maltraiter.
Espérer qu’elle l’apprécie et que cela se passe bien entre elles. C’est tout ce qu’elle pouvait faire.
Elle vit la réaction d Annabelle lorsqu’elle s’approcha. Elle avait peur. Et cette réaction lui fit mal au cœur.
— Hey… je ne te veux aucun mal. Tu es en sécurité ici. Tu ne risques rien.
Dit-elle d’une voix douce.
Est-ce qu’elle avait peur de Marianne ? Est-ce qu’elle craignait pour sa vie maintenant ?
Elle s’éloigna avec précaution et préféra quitta la pièce. La laissant dormir et se reposer.
Il était presque 6h, et elle n’avait pas trouvé le sommeil.
Elle avait pire, elle avait fait l’acquisition de quelqu’un et elle ne savait pas du tout comment faire pour gérer cette nouvelle personne.
Elle s’assit sur son canapé et elle réussit à s’endormir une petite heure, avant que son réveil ne sonne.
Elle paniqua et l’éteint aussitôt pour éviter de réveiller Annabelle.
Elle jeta un coup d’œil dans sa chambre.
Il y avait une petite tête blonde qui dormait à poings fermés. Elle éteignit la lumière et tira les rideaux pour la protéger des rayons du soleil.
Ce n’était malheureusement pas un rêve.
Elle retourna dans son salon et se prépara à partir.
Claquant la porte derrière elle.
Annabelle s’était endormie comme une masse après que Marianne ait quitté la pièce.
Elle ne comprenait pas ce qui se passait.
Elle pensait qu’elle allait la forcer à avoir une relation intime avec elle, et elle était partie. Elle l’avait laissée.
Puis ses mots l’avaient touchée en plein cœur.
Cela l’avait rassurée, même si elle restait craintive.
Et si elle mentait ?
Elle s’était réveillée presque en sursaut, après avoir fait une nuit réparatrice.
C’est que le lit était plus que confortable. Comment était-il possible de dormir aussi bien dans un matelas aussi moelleux, dans des draps aussi doux. Elle était peut-être morte et elle se retrouvait au paradis.
Elle se leva et se retrouva dans le salon.
La vue qu’elle avait la fit redescendre dans la dure réalité. Ce n’était décidément pas le paradis, ou alors c’était un paradis dépotoir.
Elle vit l’heure. Il était déjà 14h et personne ne l’avait réveillée. L’appartement semblait vide.
Elle visita les autres pièces. Personne.
Elle était seule.
Qu’allait-elle faire en attendant que Marianne rentre.
Elle ne lui avait rien donné comme instructions.
Que devait-elle faire ?
Elle n’osa pas retirer les vêtements qu’elle portait. C’était Marianne qui lui avait donné. Peut-être qu’elle préférait qu’elle les garde sur elle.
Elle avait peur de faire une bêtise.
Par contre. Elle ne pouvait pas laisser son appartement dans cet état. C’était sûr.
Vu la tête qu’elle tirait lorsqu’elle arriva, l’état actuel n’était pas une direction artistique voulue.
Alors elle se mit à ranger. À réunir les vêtements, jeter les emballages à la poubelle.
Au bout de plusieurs heures de dur labeur, elle réussit à voir le sol de l’appartement.
Elle essaya de deviner ou étaient rangés les outils et autres sans trop fouiller ni déplacer les choses qui étaient à leur place.
Ne sachant pas quel programme elle utilisait sur sa machine à laver, elle empila les vêtements sur un même tas, qu’elle réunit dans la buanderie. Le panier à linge sale était plein et débordait au sol.
Elle put faire la vaisselle, faire un peu la poussière.
Lorsqu’elle eut fini, elle retourna dans la chambre pour y faire le lit, et comme elle avait un peu froid dans cette tenue, elle se glissa à nouveau dans ce lit douillet et se rendormit.
*
Marianne avait l’habitude d’aller travailler à pieds. L’appartement n’était pas très loin de l’établissement qu’elle tenait et aujourd’hui, elle avait en plus besoin de réfléchir.
Elle imaginait déjà Duncan se payer sa tête lorsqu’elle lui dirait qu’elle avait acheté un humain.
Elle était tombée bien bas.
Le seul côté positif, c’était qu’elle était passée par une maison qui semblait sérieuse. Elle avait tous les papiers nécessaires pour prouver qu’elle était en ordre.
En parlant de papiers, elle avait oublié la valise dans le coffre de sa voiture. Elle avait la tête à autre chose hier soir, enfin, il y a quelques heures, et cela lui était sorti de la tête.
Elle déjeunait avec Duncan qui s’inquiéta du teint pâle de son amie. Elle lui raconta sa nuit.
— Tu te fous de moi ?
— Non non… je suis sérieuse… tu peux te moquer… je devais vraiment être au fond du gouffre hier soir…
— J’y crois pas… t’es sûre que c’est un établissement clean, hein ? Et elle est comment la fille ?
— Bah… timide ? Pas très bavarde ? Effrayée ?
— Tu l’as laissée chez toi ?
— Bah oui. Je n’allais pas l’emmener avec moi, elle aurait paniqué si elle avait vu dans quoi je travaille. Vu sa réaction hier soir…
— Elle est toute seule chez toi ?
— Oui… et ?
— T’as pas peur qu’elle te vole des trucs… ?
— Euh… non. Vu à quoi ressemble mon appartement actuellement, sauf si elle veut revendre mes vêtements sales, et si elle arrive à porter mes meubles. Elle est plus petite que moi et je ne pense pas qu’elle fasse beaucoup d’exercices. Sauf si elle cache bien ses muscles.
— Et si jamais elle s’enfuit ? T’as fermé la porte avant de partir ?
— … Putain, c’est vrai ça. Rien ne l’empêcherait de s’en aller.
— Ça serait con, vu le prix que t’as payé !
— Merde, imagine elle sort et elle a des problèmes… si elle se met en danger…
— Non mais, imagine c’est elle qui va causer des problèmes. Elle est sous ta
responsabilité, ça va te retomber dessus.
— Je l’imagine pas faire du mal à d’autres.
— C’est ce qu’on dit, les gens cachent bien leur jeu. Ça se trouve elle t’a berné avec son jeu d’actrice.
Marianne était inquiète pour d’autres raisons, et elle ne pouvait pas non plus s’absenter à son travail pour rentrer chez elle juste pour vérifier qu’Annabelle était encore là.
Si elle était partie, c’était de toute manière trop tard.
Si elle était encore là, elle ne voulait pas non plus l’enfermer et la séquestrer.
Quoi qu’il en soit, elle avait trop de travail aujourd’hui pour pouvoir s’éclipser même un court instant.
C’est après 16h qu’elle put enfin se poser.
Assise dans son bureau, elle s’étira et vérifia qu’elle n’avait plus rien sur le feu.
Elle regarda l’heure et prévint ses employés qu’elle s’en allait. Qu’elle restait joignable si besoin, mais qu’elle avait une autre urgence à gérer chez elle.
Cette fois ci, elle se rappela de la valise et elle passa par le parking la récupérer.
Devant la porte de son appartement, elle appréhendait. Est-ce qu’il y avait encore quelqu’un à l’intérieur?
Elle inspira un grand coup et ouvrit.
Et ce fut la surprise. Elle se demanda si elle ne s’était pas trompée d’appartement.
Elle recula et vérifia qu’elle ne s’était pas trompée de porte, puis en retournant à l’intérieur, elle reconnut ses meubles, mais les lieux étaient méconnaissables comparé au moment de son départ.
Où étaient ses affaires ?
Duncan avait peut-être raison, Annabelle était partie avec toutes ses affaires pour les revendre.
Elle ne remarqua pas la vaisselle faite. La seule chose qui la frappa de plein fouet, fut que son appartement paraissait vide.
Elle soupira et ouvrit la valise sur le comptoir.
Si Annabelle était partie, elle devait lancer les démarches pour la retrouver, et pour cela elle aurait besoin des documents officiels attestant qu’elle était bien sa propriété. Rien qu’à l’idée de devoir aller au poste de police faire une déclaration d’humain perdu, elle était déjà fatiguée d’avance.
La malle n’était pas très lourde et en l’ouvrant, elle remarqua des vêtements à l’intérieur. Cela devait être les anciens habits qu’elle avait.
Ils n’étaient pas sales, mais ils étaient abîmés, vieux et surtout, beaucoup trop grands pour elle.
Il y avait un pantalon avec une ceinture, une chemise, un pull et une veste. À vue de nez, ce n’étaient pas des vêtements très féminins, et plus elle les regardait, plus elle se disait qu’ils étaient de seconde main.
Quelque chose traversa son esprit : Annabelle n’était pas riche. Au contraire.
Elle reposa les vêtements et elle prit le porte document contenant les dossiers à son sujet.
En l’ouvrant, une enveloppe contenant quelques billets. Une lettre l’accompagnant qui expliquait que c’était ce qu’il restait de son compte bancaire. Le total n’était pas tres élevé et lui confirma qu’elle n’était pas aisée.
Cependant, elle avait de quoi survivre. C’était le mot. « Survivre »
Elle n’était pas non plus sans toit dans sa vie d’avant, et elle avait ses papiers.
C’était bien fait pour sa pomme, se dit-elle. Elle n’aurait jamais dû faire cet achat irréfléchi. Et maintenant elle en payait le prix fort. Elle essayait de rester positive.
Peut-être qu’Annabelle arriverait à tirer quelque chose de la vente de ses biens et qu’elle mènerait une vie moins pauvre.
Elle se dirigea vers sa chambre, dépitée, et qu’elle fut sa surprise de constater que boucle d’or était encore dans son lit.
En y regardant de plus près, l’appartement n’avait pas été cambriolé, il semblait plus vide parce que plus rien ne trainait par terre.
Elle vérifia les autres pièces, elle retrouva le tas de ses vêtements devant la machine à laver, et elle sursauta lorsqu’elle vit Annabelle debout, dans le couloir.
— Tu m’as fait peur… !
Souffla-t-elle, la main sur sa poitrine.
— P-pardon… je ne voulais pas-
— C’est moi, je ne voulais pas te réveiller… tu as bien dormi… ?
— O-oui. Merci… votre lit est très confortable…
— Je suis contente que tu aies pu te reposer… mais… tu n’aurais pas dû t’occuper du ménage…
— Je suis désolée… je pensais vous aider…
— Ne sois pas désolée, je… ça m’aide beaucoup. C’est juste que je ne veux pas te forcer à faire des tâches ingrates comme celles-ci… je devrais m’occuper de mon propre bazar…
— Ça m’a fait plaisir de vous aider… je vous appartiens… vous pouvez me demander de faire tout ce que vous voulez…
— Il ne faut pas dire des choses comme ça… tu ne devrais pas dire ça…
Elle proposa à Annabelle de s’installer dans le canapé du salon et de discuter.
Elle devait lui avouer qu’elle était perturbée par cette nouvelle situation. Qu’elle avait pris cette décision sur un coup de tête et qu’elle ne savait pas encore comment elle devait se comporter vis à vis d’elle.
Annabelle n’était pas contrariante mais elle n’avait pas non plus d’initiatives, et Marianne se retrouva fort embêtée de devoir prendre des décisions.
Elle savait qu’elle était obligée de laisser Annabelle chez elle en semaine.
Elle réfléchit à ce qu’elle pourrait faire pour ne pas s’ennuyer et sans abuser de sa personne.
— … Tu es sûre que ça ne te dérange pas de t’occuper de mon appartement… ? Ça me gêne de l’avouer… mais je n’ai pas le courage de le faire moi-même et je sais que j’ai besoin d’aide là-dessus…
Annabelle acquiesça sans un mot.
Marianne soupira encore une fois et se résigna.
— D’accord, dans ce cas je dois commencer par retrouver la notice de ma machine à laver le linge… je vais également te montrer où se trouve les outils, comme l’étendoir…
Annabelle suivit Marianne et écouta consciencieusement les instructions.
Marianne regarda l’état de sa poubelle et en conclu qu’il était temps de la sortir.
Elle regarda Annabelle qui était encore en t-shirt et culotte.
Il fallait qu’elle enfile au moins un pantalon, si elle voulait lui montrer le local des poubelles qui se trouvait au rez-de-chaussée.
— J’avais oublié la valise dans mon coffre. Tu vas pouvoir récupérer tes vêtements. Tu sais que tu aurais pu te changer en te servant dans ma garde-robe… ?
— Je… je pensais que ça vous ferait plaisir que je reste habillée comme ça…
— Oui… enfin, c’est vrai… mais tu risques d’attraper froid, je voulais te montrer un peu les alentours.
Annabelle enfila son pantalon et ajusta sa ceinture pour qu’il ne tombe pas de ses hanches.
Elle avait gardé le t-shirt de Marianne. Sa poitrine étirant légèrement le tissu sur le devant. Elle n’avait pas de soutien-gorge, ses mamelons étaient en relief trahissant qu’elle avait un peu froid.
Elle attrapa son gilet et le mit par-dessus.
Marianne lui fit faire le tour du propriétaire, en lui montrant l’emplacement du local poubelle.
Elle en profita pour lui laisser un double de ses clés.
Elles croisèrent des voisins qui s’étonnèrent de voir Marianne accompagnée.
Elle la présenta comme sa colocataire, un peu gênée, elle préféra ne pas s’attarder sur les détails, et prétexta qu’elle était occupée pour s’éclipser sans paraitre trop impolie.
En retournant à l’appartement, elle s’excusa de n’avoir pas dit la vérité, mais elle souhaitait que leur relation commence ainsi, comme une bonne collocation. Elle l’espérait.
Lors de leur discussion, le ventre d’Annabelle grogna et Marianne lui demanda si elle avait mangé.
Annabelle n’avait pas osé se servir dans le frigo, et elle avait faim. Très faim. Mais elle n’avait pas osé à le signaler non plus. Craignant la réaction de Marianne, elle avait peur qu’elle ne la prive intentionnellement de se nourrir.
— À quand remonte ton dernier repas… ?
S’inquiéta-t-elle.
Annabelle réfléchit. Cela faisait-il plus de 24h ?
Marianne se leva pour ouvrir son frigo, mais il était presque vide. Rien qui ne pouvait permettre de préparer quoi que ce soit.
Au vue de l’état de sa cuisine, même bien équipée, elle avait abandonné l’idée de se préparer à manger et elle passait la majeure partie de ses repas dans des restaurants. Elle n’avait pas le temps ni la patience de se préparer quoi que ce soit.
Cela lui convenait lorsqu’elle vivait seule, mais maintenant qu’Annabelle était là, elle ne pouvait pas la laisser sans nourriture.
Il restait une cannette de soda, une de bière, une bouteille d’eau pétillante au frais, et un pot de compote de pommes.
Le congélateur ne contenait pas mieux. Des légumes surgelés qui étaient là depuis beaucoup trop longtemps.
Elle se rappela de les avoir préparé lorsqu’elle était arrivée dans son appartement et qu’elle avait utilisé la cuisine pour la première fois. Ils étaient là depuis tout ce temps et elle en avait même oublie leur existence.
Elle referma son frigo avec honte et jeta un coup d’œil dans ses tiroirs. Elle trouva un sachet de riz et de pâtes. Heureusement que ces denrées là ne périmaient pas.
Elle referma la porte du placard.
Elle ne pouvait pas lui proposer un repas descent.
Elle se retourna vers Annabelle, et lui demanda ce qu’elle aimait comme nourriture.
Annabelle n’était pas difficile et à la fois, c’était déroutant et pénible pour Marianne parce qu’elle n’exprimait pas ses préférences.
— Tout me va.
Répondit Annabelle.
Marianne n’était pas plus avancée. Elle se gratta la tête.
D’habitude elle serait sortie dîner dehors, mais elle ne pouvait pas sortir avec Annabelle qui n’avait pas encore de vêtements adéquats à se mettre.
Pour Marianne, il était hors de question qu’elle remettre ses anciens vêtements.
Elle décida de se faire livrer un repas simple, pour continuer à faire connaissance avec sa nouvelle colocataire, et organiser les jours à venir en sa compagnie.
— Pizza, ça te va… ?
— O-oui…
Annabelle s’attendait à une pizza surgelée, elle avait déjà mangé des plats surgelés parce qu’ils étaient moins chers, mais ils étaient également moins bons. Elle n’avait pas de four et le micro-ondes ne réchauffait pas efficacement, rendant la pâte de la pizza trop molle et presque liquide.
Quoi qu’il en soit, elle aurait dit oui à n’importe quelle nourriture, même la plus mauvaise des pizzas.
Marianne prit son téléphone pour chercher une bonne adresse de pizzeria et appela.
En attendant leur livraison, elles purent discuter un peu plus.
Annabelle était assise sagement, timide, sur le canapé du salon.
Marianne s’était posée au niveau du sol, pour pouvoir regarder Annabelle et essayer de lire ses expressions de visage.
Elle était assise sur un tapis moelleux, juste à côté de sa table basse qui était devant la télévision écran plat d’une taille impressionnante pour Annabelle.
Marianne était curieuse. Elle voulait savoir pourquoi une jolie fille comme Annabelle était venue à se vendre.
Mais elle savait que c’était peut-être impoli. Elle devinait maintenant qu’Annabelle n’était pas riche, elle n’était peut-être pas dans la moyenne des gens, mais qu’elle était peut-être pauvre. Peut-être qu’elle avait des raisons difficiles qui l’ont poussée à abandonner son statut d’humain, de citoyen de la société.
Elle ne voulait pas la juger, elle cherchait juste à comprendre, mais sa question était indiscrète.
Et puis, Annabelle pourrait lui retourner la question.
Marianne ne saurait pas quoi répondre.
Elle avait eu pitié d Annabelle ? Non, ça sonnait vraiment moche. Elle aurait voulu la sauver des griffes d’un pervers, et de manière plus égoïste, elle se sentait seule et elle avait été attirée par le physique d’Annabelle. C’était la pire chose à dire.
Marianne était en train de se torturer mentalement et Annabelle était restée silencieuse sur le canapé.
Un silence assez pesant s’était installé, jusqu’à l’arrivée des pizzas.
Marianne s’était levée pour aller chercher la commande, elle avait pris deux pizzas en ne sachant pas la quantité qu’Annabelle pourrait manger, et ayant peur qu’il n’y ait pas assez.
Elle les posa sur la table basse, ramena les deux cannettes de bière qui restaient dans le frigo.
— Tu bois un peu ? J’ai ça qui traine depuis des mois dans mon frigo…
— D’accord.
Marianne était presque agacée qu’Annabelle soit si docile. Elle se retrouvait à faire la conversation toute seule. Au moins, elle avait quelqu’un à qui parler, même si elle avait très peu de répondant.
Elle ouvrit la première boite et invita Annabelle à se servir.
Annabelle en avait l’eau à la bouche, l’odeur de la nourriture lui parvenant.
Et lorsqu’elle l’apporta à sa bouche, elle pleura presque d’émotion. Elle avait l’impression de manger de la pizza pour la première fois de sa vie.
C’était délicieux. La pâte était croustillante, pas brûlante, pas trop chaude ni trop tiède.
Marianne remarqua son changement d’expression.
— Est-ce que tout va bien… ? Tu n’es pas obligée de finir si tu n’aimes pas…
S’inquiétait-elle
— C-c’est trop bon !
Réussit à dire Annabelle, après avoir avalé ce qu’il lui restait dans la bouche.
Cette fois-ci, elle était expressive et Marianne explosa de rire.
Elle ne s’attendait pas à une telle réaction.
— C’est qu’une pizza, tu sais ? Si ça te plaît autant, la prochaine fois on ira au restaurant. Elles sont meilleures sur place. Tu n’en avais jamais mangé avant… ?
— Si… mais surgelées.
— C’est pas de la pizza, ça.
Grimaça Marianne.
Puis elle se rendit compte qu’Annabelle n’avait peut-être pas les moyens de manger une vraie pizza, et elle n’insista pas plus.
Le silence revint. Annabelle dégustait sa nourriture.
Elle ne buvait pas souvent mais trouva que la bière accompagnait parfaitement ce repas.
Les bulles dans sa boisson la firent rôter et elle fut elle-même surprise puis gênée, elle s’excusa les joues rouges. La main devant sa bouche.
— Ne t’en fais pas, c’est tout à fait normal avec la bière. Ne te prive pas, je veux que tu te sentes à l’aise. On risque de passer un certain temps ensemble.
Sourit Marianne, qui ne se retint pas de rôter de manière ostentatoire, pour montrer l’exemple.
Annabelle écarquilla les yeux.
Marianne qui donnait l’impression d’être quelqu’un de distingué, venait de rôter.
— Ah, je suis désolée, c’est le genre de choses que je ne peux pas me permettre dans la vie de tous les jours… celui la venait de loin.
Annabelle se mit à rire et elles partagèrent ce petit moment ensemble.
Elles avaient bien mangé et la seconde pizza était de trop. Elle partit rejoindre le frigo et Marianne revint avec son pot de compote qu’elles partagèrent avec une cuillère.
Marianne avait cette capacité à mettre les gens à l’aise, elle avait proposé le pot et la cuillère à Annabelle.
Elle n’osait pas encore s’asseoir trop près d’Annabelle parce qu’elle ne voulait pas qu’elle se sente menacée par sa proximité, elle se souvenait de sa peur la veille.
Alors elle était restée sur le tapis, à observer Annabelle, un peu comme un animal. Un chat qu’on vient de recueillir et qu’on apprend à connaitre en observant ses réactions.
Elle la nourrissait et elle ne savait pas trop pourquoi mais elle se sentait bien en sa compagnie.
Certainement parce que l’appartement ne faisait plus vide, parce qu’il y avait un peu plus de vie.
Cette simple soirée autour d’une pizza lui rappelait sa jeunesse, lorsqu’elle était encore étudiante et qu’elle passait ses soirées à boire, rire, refaire le monde avec ses amis. Cette insouciante. Elle l’avait presque oublié.
Annabelle s’était détendue. Marianne était amicale, bienveillante et elle avait cette chaleur humaine.
Elle l’avait accueillie chez elle et la traitait comme une amie de longue date. C’était étrange.
Ce n’était pas du tout ce qu’elle imaginait en se faisant adopter. Elle pensait qu’on la soumettrait, qu’on la traiterait comme un animal en cage, avec des chaînes et un collier au cou. Ok, elle avait peut-être trop imaginé le pire des scénarios, mais même avec ce scenario terrible, elle n’avait pas peur. Elle était tellement au fond du gouffre que même devenir une sorte d’esclave à recevoir des ordres, lui convenait. Mais Marianne n’était rien de tout ça.
C’est vrai qu’elle la nourrissait comme un animal abandonné mais, les intéractions qu’elle avait avec elle.
C’était nouveau.
Si elle l’avait rencontrée avant, si elles étaient devenues amies avant qu’elle fasse ce choix, est-ce que sa vie aurait été plus douce ? Avec une amie comme elle, peut-être qu’elle ne se serait pas sentie aussi seule, peut-être que sa vie aurait eu plus de sens.
Non, elle savait qu’elle n’aurait jamais pu croiser Marianne dans sa vie d’avant. Elles ne vivaient pas dans le même monde. Elle ne se serait jamais intéressée à une pauvre fille comme elle.
Annabelle n’avait jamais eu d’amie comme Marianne, et elle se disait que Marianne était trop gentille et trop bonne avec elle.
La bière lui faisait tourner légèrement la tête.
Elle était perturbée, elle avait l’impression d’être avec une amie qu’elle n’avait jamais connue, elle se sentait à l’aise. Une amie très bordelière, mais qui l’avait accueillie sans méfiance.
C’était trop beau pour être vrai. Même dans ses rêves les plus fous, elle ne pensait pas tomber sur une propriétaire de la classe haute et qui s’occuperait aussi bien d’elle.
Mais ce qui lui faisait perdre pieds, c’est qu’elle ne lui donnait pas d’ordres explicites. Elle ne savait pas quoi faire pour elle.
Il commençait à se faire tard.
Marianne lui expliqua ce qu’elle avait prévu pour les prochains jours, pour qu’elle sache ce qui allait se passer, et qu’elle ne soit pas surprise.
— J’ai encore une journée de travail demain, mais je devrais avoir mon week-end de libre. Fais comme chez toi, hésite pas à te servir dans le frigo… pour le peu qui reste dedans.
Marianne était en train de planifier le programme du week-end avec Annabelle.
En priorité, elle voulait lui acheter des vêtements à sa taille et qui lui aillent. Elle ne pouvait pas la laisser dans ces fripes. Puis, la seconde priorité était de remplir ce pauvre frigo, de bonnes nourritures.
Elle réfléchit également au fait qu’elle ne pouvait pas la contacter si jamais elle avait un souci. Elle allait devoir ouvrir une ligne téléphonique pour Annabelle. Elle savait qu’elle avait un ancien modèle de téléphone encore en état de marche qui pourrait faire l’affaire.
Personnellement, elle utilisait le dernier modèle parce que c’était également une question d’être bien vu et de montrer qu’elle en avait les moyens, même si elle n’utilisait pas toutes les fonctionnalités.
Il commençait à se faire tard, Annabelle était en train de s’assoupir avec les effets de l’alcool.
Marianne se leva et partit chercher une brosse à dent neuve qu’elle tendit à Annabelle.
— Excuse-moi, j’aurais dû te sortir ça hier soir…
Dit-elle gênée.
Par chance, il lui en restait une.
Annabelle se sentait bien.
La tête lui tournait juste un peu, elle avait les joues légèrement roses et chaudes, il faisait bon et elle avait bien mangé.
Le canapé était confortable et elle se serait endormie dessus si Marianne n’était pas revenue.
C’était étrange qu’elle se sente aussi bien chez quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Il s’y dégageait une sorte de chaleur.
Marianne, voyant qu’Annabelle n’était pas là psychiquement, elle s’approcha d’elle pour lui demander si tout allait bien.
Elle se leva un peu rapidement, et eut un petit vertige.
Marianne s’inquiéta et la prit dans ses bras.
— Tu n’as pas l’habitude de boire… ?
Demanda Marianne.
Ce n’était qu’une bière.
Annabelle acquiesça un peu gênée.
Marianne l’accompagna à la salle de bain.
Annabelle se brossa les dents et se rafraichit le visage avant de s’allonger sur le lit, de tout son long.
Elle s’assoupit et lorsque Marianne vint voir si tout se passait bien, elle tenta de la réveiller avec délicatesse parce qu’elle s’était endormie toute habillée sur le lit.
Elle l’aida à se déshabiller, Annabelle n’opposa que très peu de résistance. Et elle la coucha sous la couverture.
Il y avait quelques chose d’adorable, Annabelle ressemblait à un enfant dans son comportement et Marianne en avait le cœur attendri. Elle observait et contemplait les longs cils blonds de cette jeune fille, ses cheveux bouclés, fins et doux.
Elle n’abusa pas plus de cette proximité et décida de la laisser se reposer.
Refermant doucement la porte derrière elle.
Elle lâcha un long soupir.
Elle avait le cœur qui battait un peu plus vite.
Annabelle ne la laissait pas indifférente, mais elle essayait de se raisonner. Elle ne pouvait pas forcer ses désirs sur cette personne, même si c’était son acquisition. Elle ne voulait pas tomber dans ce piège. Elle restait humaine, et elle voulait que cela se passe bien entre elles. Déjà en tant qu’amies, et si jamais
cela devait être plus, cela se ferait. Mais c’était un rêve un peu lointain.
Marianne se ressaisit et retourna dans le salon pour débarrasser leur repas. Elle fit le stricte minimum pour que la table basse soit libérée, posant le bocal de compote vide dans l’évier, le carton de pizza vide sur la table de travail de la cuisine, et rangeant celle avec la pizza dans le frigo. Elle n’était pas sûre que
le carton rentre entièrement dedans.
Les cannettes de bière vides furent posées à côté du carton vide, et elle se rendit dans la salle de bain pour se préparer à dormir.
Elle attrapa un plaid et s’allongea sur son canapé, avec ses vêtements.
Cela lui rappela l’époque où elle dormait sur le divan de son bureau, un petit sourire apparut sur ses lèvres.
Elle avait passé une excellente soirée. Elle ne savait pas où ça allait la mener, mais pour l’instant elle était plutôt satisfaite. Ce n’était pas trop mal.
Elle réussit à trouver le sommeil assez facilement. Etrangement. Le canapé était confortable. Elle avait bien fait de choisir cette marque.
Elle s’endormit d’une traite et le réveil sonna.
Elle se réveilla en sursaut. Il était déjà l’heure.
Elle passa légèrement la tête dans sa chambre, Annabelle dormait encore.
Elle essaya de ne pas faire de bruit en rentrant dans la pièce pour récupérer des vêtements propres.
*
Annabelle se réveilla doucement.
Elle entendit Marianne dans la salle de bain
Elle essaya de se souvenir de la veille.
C’était flou, elle ne se rappelait pas d’avoir retiré ses vêtements. Ni d’avoir fait autre chose. Elle s’inquiéta, mais le lit n’était pas défait de l’autre côté. Cela supposait que Marianne n’avait pas dormi avec elle.
Elle se leva, tout de même, pour voir ce qu’elle pouvait faire pour aider Marianne.
Elle était en train de se recoiffer devant la glace du lavabo, et elle jeta un regard amusé à Annabelle, la saluant.
— Ah, bonjour. Je t’ai réveillée ? Pardon.
— B-bonjour… non, j’ai assez dormi…
Répondit-elle, timidement.
Marianne semblait pressée, ses gestes étaient réfléchis et lorsqu’elle finit d’attacher ses longs cheveux sombres et lisses en queue de cheval, elle vérifia qu’aucune mèche ne dépassait.
Quelques cheveux blancs éclatants qui ressortaient de sa chevelure noire, parsemaient sa coiffure comme des fils d’argent dans la pénombre.
— Je dois y aller, je te laisse la salle de bain. Fais comme chez toi, d’accord ? Je vais essayer de rentrer tôt.
Elle lui sourit et marcha d’un pas rapide dans le salon pour récupérer ses affaires et emprunter la porte.
Annabelle était de nouveau seule dans l’appartement.
C’était étrange comme elle avait l’impression d’être abandonnée, alors qu’elle savait que Marianne se souciait d’elle, et qu’elle reviendrait.
Elle voulait faire quelque chose pour Marianne, pour la remercier de l’avoir recueillie ainsi, et la considérer plus qu’un animal de compagnie.
À commencer, par s’occuper de la pile de vêtements sales et de linge qui s’était accumulée dans un coin de la buanderie.
C’était dans ses cordes et maintenant que Marianne lui avait montré où se trouvait la plupart des objets, et que la notice d’utilisation était sortie.
En attendant que la machine tourne. Elle avait réussi à la faire marcher. C’était différent que les machines à laver dans les lavomatiques, Marianne avait certainement un modèle dernier cri qui devait faire également le café, mais Annabelle s’en sortit.
Elle retourna dans le salon et elle débarrassa correctement la table de travail, faisant le peu de vaisselle laissée dans l’évier.
Les sacs de poubelle étaient en train de se multiplier près de la poubelle et elle enfila un pantalon pour pouvoir sortir le tout dans le local de l’immeuble, dans une tenue adéquate.
L’appartement commençait tout juste à ressembler à quelque chose. Si on oubliait la couche de poussière et des moutons et boules de poussière qui s’étaient réfugiés au bords des pièces.
Elle chercha un balai et une pelle, et elle fut agréablement surprise de découvrir un aspirateur flambant neuf. Il était encore sous emballage, à côté de sa boite. Il n’avait jamais été utilisé.
Annabelle commençait à dresser le portrait de Marianne. Trop occupée par son travail ou son quotidien pour prendre le temps pour elle et son chez elle. Elle ne savait pas dans quel milieu elle travaillait mais elle devait avoir un emploi bien payé pour pouvoir s’offrir des appareils électroménagers de ce genre.
C’était au tour d’Annabelle de se mettre au travail.
La matinée passa plutôt rapidement et lorsqu’elle eut fini de passer l’aspirateur, faire rapidement les poussières, étendre la machine finie. Il était déjà midi et son estomac lui rappela qu’elle avait faim.
Elle put réchauffer une part de pizza dans le micro-ondes et elle le savoura sur le canapé.
C’était fatiguant mais elle se sentait bien.
Elle se sentait utile et surtout elle avait cette satisfaction de travail bien fait.
L’appartement était propre et sentait la lessive.
Elle ne s’était jamais sentie ainsi chez elle. Elle avait un appartement miteux, le bâtiment était vétuste et elle avait très peu de meubles et d’affaires.
C’était rangé chez elle mais surtout parce qu’il y avait peu de choses à ranger.
Même lorsqu’elle prenait le temps d’y faire le ménage, les murs et le sol étaient dans un tel état délabré qu’il s’y dégageait toujours une ambiance sale.
Elle avait fini par s’y habituer et ne connaissant pas mieux, elle avait fini par apprécier son chez elle pour ce qu’il était : juste un endroit où elle se reposait avant de retourner travailler.
C’est pour cela qu’elle passait pas mal de temps à se balader et flâner dans les ruelles, les parcs, les expositions.
Elle faisait rarement, presque jamais, de lèche-vitrine, elle évitait les magasins. C’était beaucoup trop déprimant de voir toutes les choses qu’elle ne serait jamais capable de de s’offrir.
Chez Marianne c’était diffèrent.
Son appartement était agréable. Neuf, il avait été conçu pour que les habitants se sentent bien et l’agencement était fonctionnel.
À condition qu’on ne laisse pas s’accumuler ses affaires en immondices à différents endroits.
Annabelle avait l’impression d’être dans un hôtel luxueux plus que chez quelqu’un.
Elle s’était posée. Elle espérait qu’elle n’avait pas fait de bêtise en prenant l’initiative de s’occuper des lieux.
Elle comprenait qu’on puisse se sentir seul quand on occupait un espace aussi grand.
Il y avait cette sensation de vide et de froid.
Peut-être que Marianne se sentait seule ainsi.
Après avoir mangé la moitié de la part de pizza, elle débarrassa.
Puis, elle ne savait pas quoi faire de plus, à part nettoyer l’appartement de fond en comble.
*
Marianne était partie au travail.
Elle culpabilisait d’être partie aussi rapidement et de manière pressée, mais les horaires étaient les horaires.
Elle aurait voulu rester plus longtemps auprès d’Annabelle et apprendre à la connaitre.
Finalement, tous ses congés qu’elle n’avait jamais pris, elle avait maintenant une raison et une envie de les prendre.
Sur le chemin, elle put réfléchir et se calmer.
Elle se remettait de ses émotions. Elle avait cru qu’Annabelle était partie et était malhonnête. Elle se sentait idiote. Plus le temps passait et plus elle se confirmait d’avoir un crush sur elle. Elle avait eu envie de l’embrasser hier soir.
Même dans ses habits de Cendrillon, elle la trouvait mignonne et plus elle en apprenait plus sur elle, et plus elle avait le cœur qui chavirait. Ce n’était pas bon.
Elle savait qu’elle s’emportait, et il fallait qu’elle se reprenne.
D’abord, elle avait des urgences à s’occuper : lui donner un téléphone, comme ça elles pourraient communiquer quand elle serait au travail.
Secondo : lui acheter de vrais vêtements et un nécessaire de toilettes, si besoin.
En arrivant à son travail, elle était de bonne humeur, de meilleure humeur que d’habitude et les employées le remarquèrent aussitôt.
Elle évita la question, seul Duncan était pour l’instant au courant.
Elle reçut un courrier recommandé, elle avait totalement oublié les résultats médicaux d’Annabelle.
Elle avait une petite appréhension qui s’évapora lorsqu’elle lu les documents. Elle avait une santé normale.
Elle devait garder précieusement ce document avec ceux du dossier.
Elle s’installa à son bureau et commença par fouiller dans ses tiroirs. Elle savait qu’elle avait rangé son ancien téléphone quelque part et elle n’eut pas à chercher très longtemps avant de tomber dessus.
La prise de recharge était au même endroit et elle le brancha pour vérifier qu’il marchait et le configurer si besoin.
Pendant que l’appareil se rechargeait, elle put se mettre au travail et penser à autre chose.
*
La journée passa lentement mais Marianne était d’humeur joyeuse. Elle dut rester un peu plus tard pour terminer un dernier détail relatif à son travail. Elle s’étira de tout son long et se leva pour rentrer.
Sur l’horaire du midi, elle avait pu configurer rapidement son ancien téléphone pour le formater et le restaurer dans la configuration d’usine, puis elle y installa une application de communication en s’y ajoutant.
De cette manière, Annabelle pourrait la contacter.
Il ne restait plus qu’elle le configure sur le réseau wi-fi de son appartement en attendant de recevoir la carte SIM pour qu’elle ait son propre numéro.
*
En rentrant chez elle, Marianne en tomba des nues.
Elle ne reconnut pas son appartement une nouvelle fois. Elle vérifia de nouveau si elle ne s’était pas trompée de porte.
Elle avait l’impression de le visiter comme la première fois.
Aucune trace d’Annabelle, mais cette fois-ci, elle ne s’inquiéta pas.
Elle prit le temps d’enlever son manteau et poser ses affaires.
Puis elle chercha Annabelle, elle était allongée sur le lit fait, en boule avec le plaid sur elle. Elle semblait faire une petite sieste.
Marianne était impressionnée de l’état de son appartement. Il sentait bon et il était brillant comme neuf.
Elle ne savait pas si elle devait la réveiller ou la laisser dormir. Il n’était pas encore l’heure de dîner.
Elle opta pour laisser Annabelle se reposer.
En parlant de dîner, elle vérifia l’état de son frigo. Il ne restait qu’une demi part de pizza et des légumes congelés.
Elle soupira et se décida à préparer le reste de légumes pour enfin les consommer.
Du riz sauté aux légumes, cela irait très bien pour accompagner le reste de pizza. Quelque chose d’un peu plus sain.
Elle avait dû annuler ses séances de sport ces derniers jours, d’habitude elle y allait après le travail et rentrait chez elle après le diner.
*
Annabelle fut réveillée par l’odeur de la nourriture.
Elle émergea et se leva aussitôt.
Marianne était rentrée alors qu’elle s’était assoupie.
Tel un petit chat, elle se rendit timidement dans le salon avec la cuisine ouverte.
— Bien dormi ? J’ai bientôt fini de préparer le repas. J’en ai pour quelques minutes.
Annabelle acquiesça sans répondre et s’approcha pour voir ce que Marianne préparait.
— Ah, ça sera riz et légumes, il ne reste pas assez de pizza pour ce soir. Ça te va ?
Annabelle continua d’acquiescer en silence.
Marianne sourit.
— Au fait, regarde sur la table, ce n’est pas grand-chose mais tu peux utiliser mon ancien téléphone. Ça sera plus pratique pour me joindre lorsque je suis au bureau. Je devrais recevoir la carte SIM dans quelques jours, comme ça même en dehors de l’appartement, on pourra rester en contact.
Annabelle vit cela et n’osa pas le toucher.
Pour elle ce n’était pas un ancien modèle de téléphoné, c’était un très récent. Il était a peine différent de celui de Marianne.
Marianne mit a réserver la nourriture et vint voir Annabelle.
— Prends-le, je ne m’en sers plus. Il est à toi.
— Je…
Marianne prit le téléphone et le posa dans les mains d’Annabelle.
La voyant hésitante.
— Hésite pas à le configurer comme tu le souhaites. Je me suis permise de m’ajouter dans les contacts.
— M-merci, merci beaucoup…
— Je t’en prie, c’est normal et puis ça sera beaucoup plus pratique. D’ailleurs, demain c’est shopping ! On essayera d’y aller en matinée pour avoir le temps et la journée.
Annabelle resta sans voix.
— Je ne peux pas te laisser dans tes anciens vêtements, ils sont beaucoup trop grands pour toi et ils ne te mettent pas en valeur. On va te trouver quelque chose de mieux. Puis des sous-vêtements… même si ça me dérange pas que tu empruntes les miens, ils ne doivent pas être si confortable que ça. On ira acheter tout ça pour toi. D’ailleurs, si tu as besoin de quelque chose en particulier, ça sera l’occasion.
Annabelle secoua de la tête.
C’était trop, beaucoup trop pour elle.
Marianne était toute enjouée et semblait se faire une joie de pouvoir faire les boutiques alors Annabelle ne dit rien de plus.
*
Cette nuit-là, Annabelle arrêta Marianne lorsqu’elle sortit de sa chambre pour la lui laisser.
Elle trouvait cela injuste qu’elle dorme dans son lit et qu’elle doive occuper le canapé.
Marianne fut assez surprise et touchée de cette attention.
Annabelle attrapa le bras de Marianne.
— Je peux dormir dans le canapé…
— Oh… non, je ne peux pas te laisser dormir dans le canapé, tu es mon invitée.
— Mais-
— C’est vraiment gentil de t’en soucier, mais ne t’inquiète pas, le canapé est très
confortable.
Sourit Marianne.
Annabelle ne lâchait toujours pas le bras de Marianne
— Oui… ? Il y a autre chose… ?
Demanda Marianne.
— On ne peut partager le lit… ?
Formula timidement Annabelle.
Marianne écarquilla les yeux.
— Oui, mais… Je me disais que tu préfèrerais dormir seule…
Annabelle secoua la tête en guise de réponse.
— Ok d’accord, on peut effectivement dormir ensemble. Juste dormir, promis.
Rassura-t-elle Annabelle, en levant sa main droite comme une promesse.
*
Apres s’être apprêtées pour se coucher, elles s’allongèrent sous la couverture et se couchèrent dos à dos.
Marianne avait l’habitude de dormir nue mais elle ne se voyait pas imposer sa nudité à Annabelle et elle avait peur que cela soit mal interprèté.
Elle enfila un débardeur et garda sa culotte. Elle allait peut-être devoir s’acheter un pyjama, aussi.
La lumière éteinte, le rideau occultant tiré, il y avait un petit filet de lumière provenant des lampadaires de la ville qui éclairait légèrement la pièce autour des rideaux.
— Tu dors… ?
Chuchota Marianne.
— Non…
Marianne se tourna dans l’autre sens pour mieux l’entendre, et Annabelle fit de même.
— Est-ce que tu veux discuter un peu… ?
Demanda Marianne
*
— J’espère que tu te sens à l’aise ici… merci encore pour l’appartement. Je suis vraiment gênée que tu aies du t’en occuper, encore plus de t’avoir accueillie dans cet état…
— Merci… ça m’a fait plaisir de m’en occuper… si ça vous fait plaisir… si je peux vous être utile…
— Alors, tu peux me tutoyer, je préfèrerai. Je sais que je suis beaucoup plus vieille que toi, mais si on pouvait être sur un certain pied d’égalité…
Blagua Marianne.
— Pardon… je ne voulais pas-
— Je plaisante, je sais que je suis âgée, je le vis plutôt bien, mais ça me ferait plaisir qu’on se tutoie et tu peux m’appeler par mon prénom.
— D’accord…
— Et oui, ça m’a fait très plaisir de voir mon appartement dans un état de propreté inédit. Merci. Tu étais une fée du logis, avant ?
— …
— Ah, excuse-moi, peut-être que tu ne veux pas en parler… j’ai été indiscrète.
— Non non… il n’y a pas de souci… je. J’étais une simple secrétaire.
— Quelque chose s’est passée pour que tu…
— Non, pas spécialement…
— Ne te sens pas obligée de me raconter si tu n’en as pas envie… je suis juste trop curieuse… oublie ma question.
— C’est que, ce n’est pas très intéressant…
— Ça m’intéresse. J’aimerais te connaitre un peu plus. Comment ça se fait qu’une jeune femme aussi mignonne que toi se retrouve là-bas… enfin… tu peux me retourner cette question. Comment ça se fait qu’une vieille femme comme moi se retrouve à chercher un humain de compagnie…
Annabelle sourit.
— Vou- tu n’es pas si vieille.
— Tu me donnes quel âge ?
— Hm… 35… ? Plus… ?
— Ah, presque. 40. Mes origines me sauvent la peau. Je suis à moitie asiatique.
— Ma vie était ennuyante…
— Ennuyante au point de t’abandonner… ?
— Oui…
— Pardon, je ne voulais pas te juger… je… je vais t’avouer quelque chose. J’étais inquiète lorsque je t’ai vue là-bas. La manière dont la vendeuse m’a présenté ton profil… j’avais une telle crainte que tu te retrouves chez un vieux pervers lubrique qui abuserait de toi… puis je ne sais pas pourquoi, j’ai flashé sur ton profil… je ne sais pas si tu gagnes au change. Tu as atterri chez une vieille lesbienne lubrique.
— Je trouve que je m’en sors plutôt bien, pour l’instant.
Annabelle rit timidement.
— Et tes parents… ?
Demanda Marianne.
— Je n’étais pas vraiment proche de mes parents… je suis partie de la maison assez tôt.
— Ah… la famille… ce n’est jamais évident. Moi aussi je suis partie de chez moi… enfin, j’imagine que les circonstances sont assez différentes.
Annabelle se sentait en confiance avec Marianne.
C’était une sensation nouvelle de pouvoir se confier à quelqu’un, de s’ouvrir et d’échanger sur soi-même.
Marianne s’intéressait à elle, elle lui posait des questions et elle essayait de ne pas être trop indiscrète mais elle était curieuse. Elle souhaitait lire en elle.
Annabelle était prise au dépourvu, mais ce n’était pas désagréable. Alors elle s’ouvrit et elle lui raconta ce qu’elle n’avait jamais raconté à personne. Elle se confia sur ses craintes, sur les mots pesants et blessants de ses parents qui la marquaient encore aujourd’hui.
Qui la faisait douter sur sa propre existence.
Et Marianne fut touchée en plein cœur.
Annabelle était une petite chose fragile. Une poupée de porcelaine. Elle n’avait pas eu la chance de grandir dans une famille aisée ni bienveillante, mais elle avait réussi à s’en sortir de manière indépendante.
Les blessures du passé nous rattrapent toujours et c’est ce que Marianne avait compris.
— Je peux te prendre dans mes bras… ?
Demanda Marianne.
Annabelle s’avança timidement, et Marianne l’enlaça dans ses bras, et la câlina.
— Tu n’es pas inutile. Je ne te connais pas encore assez bien pour te jeter plein de fleurs, mais je te trouve adorable, touchante, et bienveillante. Je pense que j’ai eu de la chance de te rencontrer ce soir-là.
Annabelle sanglota dans les bras chaleureux de Marianne. Cette chaleur humaine qu’elle n’avait jamais connue, ce réconfort… elle était submergée et elle se sentait bien dans ses bras. Comme une mère qu’elle n’avait jamais eue.
C’était elle qui se sentait chanceuse d’avoir été adoptée par une personne telle que Marianne.
Elle s endormit ainsi.
*
Le lendemain matin, le réveil sonna et elles émergèrent doucement.
— Bien dormie… ?
— Oui…
Bailla Annabelle.
Marianne essaya de trouver des vêtements qui pourraient aller à Annabelle.
Malheureusement elles n’avaient pas la même morphologie.
Annabelle était un peu ronde, avec une poitrine genreuse et des hanches plus larges que Marianne.
Plus petite en taille, Marianne dut accepter à regret qu’elle remette ses anciens vêtements.
Annabelle ne voyait pas le problème.
Elles se rendirent dans le parking pour prendre la voiture et conduire jusqu’au centre commercial.
Marianne avait choisi un grand complexe de magasins de vêtements. Elle savait qu’il y aurait beaucoup de choix et de la qualité. Elle avait ses habitudes et ses préférences.
Elles commencèrent par une boutique de sous-vêtements et elle en profita pour regarder les pyjamas pendant qu’Annabelle était sous les mains d’une vendeuse qui prenait ses mensurations.
Marianne ne trouvait pas le genre de pyjama qu’elle cherchait et finalement, elle en conclut qu’un simple t-shirt large devrait suffire.
Elle avait horreur de dormir avec un bas, et si le t-shirt était assez long, elle n’aurait peut-être pas besoin de bas.
Elle retourna voir Annabelle qui était plus que gênée.
La vendeuse lui avait fait essayer un soutien-gorge à dentelles rouge qui ressortait sur sa peau blanche et claire, englobant parfaitement sa poitrine et la remontant assez. Marianne rougit également en voyant cela.
Voyant le visage embarrassé d’Annabelle, elle en discuta avec elle.
— Cela te va super bien, après si tu préfères ne pas en porter, je comprends.
— Tu n’en portes pas… ?
— Moi ? Je suis plate comme une limande.
Dit-elle en mimant une planche à pain sur sa poitrine.
Annabelle réussit à se détendre et sourit.
— Mais le prix…
— Ne regarde pas le prix. Si ça te plaît, on le prend. D’ailleurs on pourrait en profiter pour connaitre ta taille pour le bas, on va acheter quelques culottes. À moins que tu préfères des strings… ?
— Des culottes ! Ça sera très bien !
Marianne esquissa un sourire taquin.
La vendeuse revint avec le bas assorti au soutien-gorge rouge, et elles purent connaitre la taille d’Annabelle.
Elles hésitèrent et Annabelle ne sachant pas faire de choix, ce fut Marianne qui trancha.
— Tu n’aimes pas ? Est-ce qu’ils sont confortables ?
— Si, mais…
Il y avait plusieurs modèles que la vendeuse avait amené qui convenaient à la taille d’Annabelle.
— Dans ce cas-là, on prend ces deux là.
Décida Marianne.
Elle avait choisi un modèle simple, sans trop de fioriture mais très joli et discret en noir, et un second en blanc. Elle avait pris l’ensemble.
Elle demanda ensuite à Annabelle de choisir des culottes mais elle était en train de regarder les prix et Marianne se fâcha.
— Ne regarde pas les étiquettes de prix ! Choisis ceux que tu préfères !
Annabelle obéit et fini par choisir ceux qu’elle préférait.
Elles sortirent enfin de la boutique.
Marianne se promena dans les galeries de boutique et demanda à Annabelle de s’arrêter si elle voyait une boutique qui lui plaisait.
Malheureusement elle ne put pas trop compter dessus.
Elle dut observer attentivement ce qu’elle regardait et la pousser à entrer dans le magasin.
— On peut juste regarder si ça te plait, d’accord ?
Essaya-t-elle de la rassurer.
Annabelle n’était pas très coopérative.
Marianne réussit à lui trouver des vêtements de tous les jours : un jean, des t-shirts à sa taille, un pull, un manteau, et des chaussures.
Le principal c’était que Marianne avait pu noter la taille d’Annabelle et qu’elle pourrait lui offrir d’autres vêtements plus tard.
Annabelle n’appréciait pas spécialement faire du shopping et Marianne l’avait bien compris.
Elles réussirent à trouver une boutique qui vendait des t-shirts oversize et Annabelle ne comprit pas tout de suite.
— Pyjama !
S’écria Marianne.
— Qu’est-ce que tu en penses ?
Ajouta-t-elle, en sachant que c’était peine perdue.
Annabelle n’était pas tres expressive sur ses gouts.
— C’est pour moi.
Précisa Marianne.
— Ah. Euh… c’est joli… ?
Répondit Annabelle. Elle n’avait pas d’avis.
Marianne essaya les tailles par-dessus Annabelle et sur elle pour comparer. Puis elle se décida à en prendre deux différents. Un pour elle et un pour Annabelle. En faisant attention à la taille.
Il y avait moins de risque si cela était de l’oversize mais tout de même.
Il était déjà 13h et elles se posèrent dans un restaurant pour déjeuner.
2022.01.18