Le médecin remarqua le réveil d’Hélène et s’approcha d’elle pour vérifier son état.
— Ne force pas, les effets de la drogue doivent être en train de se dissiper. Je vais prévenir tes parents que tu es réveillée.
Il avait effectué ses gestes tout en s’exprimant, une lampe stylo qu’il sortit de la poche de sa blouse et qu’il dirigea sur les yeux de la patiente qui n’avait pas vraiment son mot à dire, ni la force d’exprimer un quelconque rejet.
Ses paroles répondaient à une partie des questions qu’elle se posait.
Sa gorge était sèche et elle se la racla difficilement avant d’essayer de prononcer quelques mots.
Il lui apporta un verre à la bouche, l’aidant à se désaltérer.
— Je t’ai mis sous intraveineuse en attendant que tu ailles mieux pour te sustenter.
Elle connaissait ce médecin, c’était celui de famille, celui qui connaissait ses « antécédants médicaux » comme c’était indiqué sur sa fiche publique et officielle.
C’était un homme plutôt baraqué, sa blouse semblait presque trop petite, les manches remontées jusqu’au dessus des coudes, il était musclé et des poils longs et foncés recouvraient ses avant-bras.
Les cheveux courts et bruns foncés, une barbe taillée et entretenue qui lui donnait un air plutôt propre sur lui. Ce qui était rassurant pour un médecin.
— N’essaye pas de trop bouger, tu as quelques côtes brisées. Pour éviter de compliquer la resolidification des os, il vaut mieux que tu restes allongée quelques temps. Ça devrait être fini d’ici quelques jours, si tout va bien.
Il avait croisé ses bras, l’air de sermoner la blessée.
Il lâcha un soupir.
Elle essayait de traiter toutes ces informations, le cerveau encore embrumé.
De la drogue ?
— Si tu insistes pour retourner en cours, il faudra te déplacer en fauteuil roulant, pour que le maintient du dos soit bon, mais je te recommanderais de prolonger ta convalescence d’une bonne semaine de plus, après que tu seras déchargée et de retour chez toi.
Continua t-il.
Elle ne savait pas quoi répondre et resta silencieuse.
— Je te laisse réfléchir à tout ça, je reviendrai te voir un peu plus tard.
Finit-il par conclure et s’en aller.
Il n’était pas spécialement commode pour un médecin. Peut-être pour que les gens n’aient pas envie de revenir à l’infirmerie. Cela ne l’empêchait pas d’être très compétent. Il avait été recommandé par Chrystal qui était avant lui, l’infirmière en cheffe, avant de prendre congé et partir vivre avec Alexandre, l’oncle d’Hélène.
Les premières personnes à lui rendre visite furent ses parents. En fin d’après-midi, alors que le soleil commençait à se coucher et que la lumière qui se reflétait dans la pièce et sur les rideaux blancs commençait à virer au orange doux.
Sa mère lui serra sa main dans la sienne et elle l’embrassa sur le front, comme son père.
— Comment te sens-tu… ?
Demanda t-elle, par automatisme, sachant qu’elle ne devait pas se sentir en pleine forme. Elle souhaitait une réponse honnête.
— Ça va…
Sa voix était revenue mais restait un peu enraillée, sèche. Hélène se racla un peu la gorge.
— Ça n’a pas l’air d’être très grave, c’est ce que le docteur a dit. J’étais dans les vapes à mon réveil mais ça va beaucoup mieux maintenant. Tant que je ne bouge pas…trop… Par contre, il ne m’a rien expliqué… je ne me souviens pas pourquoi je suis ici… il a parlé de drogue… ? Est-ce que vous pouvez m’expliquer… ?
Chris serra le poing en se remémorant l’histoire.
Alexandra comprit d’un regard qu’elle allait devoir lui raconter.
— Il va y avoir un conseil de discipline très important concernant cette histoire. Une enquête a été lancée et on commence déjà à avoir tous les détails. Nous non plus, on ne sait pas encore exactement ce qu’il s’est passé.
Dit-elle en échangeant un regard avec Chris.
— Tout ce qu’on sait, enfin. Ce dont on est sûr, c’est que Ulysse t’a fait boire une drogue… qu’on appelle drogue du violeur. On ignore comment il s’en est procuré mais c’est très grave. Heureusement, Alain et Cean sont arrivés à temps. Et moi aussi…
Elle marqua une pause.
Chris continua.
— Ne t’inquiète pas, mis à part les lésions physiques, ils ne t’ont pas…
Il s’arrêta et n’arrivait pas à exprimer le mot, il reprit.
— Le docteur a fait une analyse de tes vêtements qu’on a dû découper pour te les retirer… les traces dessus serviront de preuve. Dernière chose : Cean et Alain nous ont tout raconté… au sujet des brimades…
Il s’approcha d’elle et la serra dans ses bras.
— Pardon papa…
— Pourquoi tu t’excuses… ?!
— … On voulait pas vous embêter avec ça… on voulait pas vous causer de problèmes….
Répondit-elle en rendant l’étreinte à son père.
— Jamais vous nous embêtez ou vous nous causez de problèmes ! C’est également notre rôle de vous aider, de vous protéger si besoin.
Il l’embrassa sur le front pour ne pas lui faire mal en la serrant trop fort dans ses bras.
Sa mère fit de même.
— Promets-nous de nous en parler, la prochaine fois que quelque chose de similaire vous arrive.
— … D’accord. Promis… maman… papa…
— On va te laisser te reposer.
Ils partirent, la laissant avec ses pensées.
La fatigue et la douleur persistante sur son torse et dans ses membres. Elle finit tout de même par s’endormir, malgré elle, tout en réfléchissant aux évènements.
Elle se réveilla doucement lors qu’elle entendit quelques voix et quelqu’un approcher.
Elle reconnaissait cette silhouette.
Alain tira le rideau et se faufilla à l’intérieur, pour enfin voir sa soeur.
Vu son expression, il se doutait de l’avoir réveillée.
— Excuse-moi, tu dormais… ?
— J’étais en train de me réveiller.
Dit-elle, en lui souriant, immobile. Allongée sur le dos.
— Comment… te sens-tu ?
Demanda t-il.
— Endormie… j’arrête pas de m’endormir. Mais sinon ça va.
Elle se doutait que son frère devait culpabiliser et elle préféra ne pas parler des douleurs qu’elle ressentait en permanence.
Il s’assit sur le rebord du lit et attrapa sa main dans la sienne sans la regarder.
Elle serra un peu plus fort ses doigts sur les siens.
— Tu sais, ce n’est pas de ta faute.
Dit-elle.
— Mais… si j-
— Ce qui est fait est fait. On ne peut pas changer le passé. Puis je ne vais pas si mal.
Elle essaya de sourire, mais elle grimaça en faisant un faux mouvement.
La réaction fut immédiate, il s’inquiéta.
— Ça va ?!
— Oui oui, j’ai juste essayé de bouger mon bassin comme une idiote…
— … Tu n’as pas trop mal ?
— … Ça va.
Mentit-elle.
— En realité, je ne suis pas si blessée que ça…
Sourit-elle, pour le rassurer.
Elle savait qu’elle était en peignoir fin, mais elle n’avait pas eu l’occasion de voir l’ampleur des dégâts.
Mis à part les pansements et bandages sur ses bras et ceux sur son visage qu’elle devinait facilement.
Alain ne put s’empêcher de pleurer. Les larmes coulèrent d’elles-même, malgré lui et il tenta d’essuyer ça rapidement mais Hélène le remarqua, ce qui le fit éclater en sanglots.
— Je… je suis tellement désolé… c’est moi qui aurait dû me retrouver à ta place…
— Ne dis pas ça. Je n’aurais pas supporté que tu sois dans cet état, non plus… je vais bien, regarde. Encore quelques jours et ça sera du passé.
Elle ressera ses doigts sur la main de son frère et esquissa un autre sourire.
Le voir pleurer, montrer ses émotions, n’était pas courant.
Et elle en eut le coeur chamboulé.
Durant les jours suivants, tout le monde de sa famille passa la voir. Aurore, Cean. Les cousins étant trop loin, et pas concernés par leur monde, on leur épargna le déplacement, surtout qu’Hélène n’était pas mourante.
*
Cean rentra chez lui et dut expliquer à Aurore ce qu’il venait de se passer. Elle était horrifiée.
Elle, la petite dernière chouchoutée par ses camarades parce qu’elle était la fille du directeur, ses yeux vairons la rendant d’autant plus spéciale.
Même son caractère était bon, doux et chaleureux. Elle parlait à tout le monde et était avenante avec ses camarades. Elle était populaire et imaginer des brimades aussi violentes sur sa soeur et son frère, cela la mettait hors d’elle. Alors qu’elle était de nature calme et posée.
Son frère expliqua l’état dans lequel se trouvait Hélène et Aurore eut peur.
Cean, également touché par cet évènement ne pouvait pas s’empêcher d’imaginer Aurore dans une situation similaire et il la serra fort dans ses bras, pour se rassurer et la rassurer.
— Je ne te laisserai jamais subir ce genre d’actes. Je serai toujours là pour te protéger.
Dit-il comme une incantation, en lui caressant ses cheveux fins et blonds.
2020.04.17