Pasta

Elle avait fait la surprise à son mari. Choisissant une tenue adéquate pour lui, il devait la suivre.
Elle s’assit du côté conducteur dans la voiture, ne lui laissant pas le choix. Il s’installa à contre-coeur, et observa le paysage pour ne pas avoir à faire de commentaires désagréables à sa chère et tendre.

Il n’était pas rassuré de devoir aller dans le monde des Humains. C’était sa première fois et il appréhendait cette découverte, tout en ayant hâte de découvrir dans quel univers sa femme avait grandi. Il ne pouvait s’empêcher d’être inquiet, qu’ils soient vulnérables en dehors de leur domaine.

Elle conduisit tranquillement, et passa par le tunnel des dimensions qui la téléporta directement dans son monde d’origine. Dans un autre tunnel où elle se fondit assez rapidement dans la masse pour prendre le chemin qu’elle désirait. Son smartphone était déjà préconfiguré et lorsqu’elle sortit du tunnel, elle pu avoir du réseau et le calcul d’itinéraire se fit automatiquement.
Elle jeta un regard dans le rétroviseur central, prit une grande inspiration avant d’expirer.
Elle était contente de retrouver son monde et en même temps elle resta concentrée pour ne pas avoir d’accident. Elle avait oublié à quel point la circulation en ville était chaotique. Cela ne rassura pas son époux, déjà qu’il craignait qu’ils se fassent attaquer ou prendre en embuscade.

— Tout compte fait, on risque de mourir avant d’atteindre notre destination.
Dit-il, en faisant mine de s’accrocher à son siège, les yeux ronds et jetant un regard mi-apeuré, mi-moqueur à sa femme, qui esquissa un sourire en coin.

Elle fit mine de bouder.
Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas reprit le volant mais elle avait confiance en ses capacités et elle savait qu’elle avait une conduite sécuritaire.
Puis, la voiture était loin d’être inconfortable.
De temps en temps, à un feu, elle posait son coude sur le rebord de la portière et jetait un coup d’oeil en biais sur le siège passager.
Il regardait avec intérêt le flot des passants et des autres véhicules. Il n’avait pas l’habitude d’être au milieu de toute cette agitation.
Il était à la fois serein, parce qu’au fond, il avait confiance en sa femme, mais anxieux de ces éléments perturbateurs.
Lui-même un coude sur la portière, le regard perdu dans ses propres pensées.
Elle profita de cette vision tant qu’elle le pouvait.
Ce n’était pas tous les jours qu’elle avait le loisir de l’observer dans ce contexte.

Ils arrivèrent enfin aux galeries.
Elle se gara dans le parking et ils sortirent enfin de la voiture.

— Le voyage n’a pas été trop désagréable, cher époux ?
Demanda t-elle, en verrouillant la voiture avec la clé, après que son homme referme la porte derrière lui.

— Ça peut aller…
Répondit-il moqueur.

— Heureusement que j’étais en très bonne compagnie.
Ajouta t-il en s’approchant d’elle et en posant un baiser sur le dessus de sa tête.

Elle était plus que joyeuse et l’attrapa par le bras pour l’emmener à la surface, aux boutiques.
Comment pouvait-il lui en vouloir avec ce visage rayonnant ?
Elle avait toujours rêvé de venir dans cette immense galerie marchande, sa fille Aurore qui passait énormément de temps dans le monde des humains, lui en avait parlé et cela avait attisé sa curiosité.

Alors qu’elle lui faisait essayer quelques tenues de costumes, chemise et pantalons, dans la cabine d’essayage. Elle en profita pour envoyer un petit message à sa fille.

Elle lui avait un peu forcé la main, lui qui n’avait pas l’habitude du prêt à porter.
Dans son domaine et son château, la plupart de ses tenues étaient faites sur-mesure et dans un tout autre style, d’un autre temps.
Il n’était pas convaincu des vêtements mais voyant que ça lui faisait plaisir, il fit un effort et voulut bien essayer.
Cela fut compliqué, d’abord de trouver sa taille, mais ce fut rapide.

Sortant de la cabine d’essayage, il ne savait pas trop quoi penser de son apparence, ni de sa dégaine.
Se regardant une dernière fois dans la glace et se tournant vers elle. L’air de lui demander des yeux si c’était bien comme cela que ça se portait.
Elle, sur le pouf, eut les yeux qui brillèrent. C’était si étrange de le voir dans ce genre de tenue mais cela lui allait tellement bien.
Depuis la première fois qu’elle l’avait rencontré, il avait tout de même pris quelques rides, tout comme elle, mais pour son âge, il était encore loin d’être désagréable à regarder.
La chemise bleue marine aux motifs discrets blancs, le serrait juste comme il faut. Mettant en valeur ses muscles saillants, preuve qu’il prennait encore soin de son corps.
Le pantalon noir lui moulait le fessier bien ferme, et retombait au niveau de ses chevilles, au dessus de ses chaussettes grises.
Il manquait peut-être une ceinture pour aller avec le tout, qui aurait cintré parfaitement le tissu au niveau de ses hanches.
Elle fit un cadre avec ses doigts, et ferma un oeil pour mieux profiter de cette vision.
Bien évidemment. Elle prit discrètement une photo pendant qu’il était en train de se regarder dans la glace et l’envoya à Aurore.

Aurore était ce jour-là, dans la boutique d’Hélène et Alain.
Assise sur un banc du magasin, elle regardait Hélène travailler et discutait de temps en temps avec elle.
Elle reçut, tout d’abord le premier message de sa mère, et en fit part à sa demi-soeur.

— Tout va bien ?
Demanda Hélène.

— Oui oui, c’est maman. Elle est aux galeries avec papa.

Aurore jeta un rapide coup d’oeil sur l’écran sans même déverouiller son téléphone.

— Ha… c’est la première fois qu’elle y va, non ?
Répondit-elle en rangeant quelques piles de vêtements dans sa boutique.

— Hm, oui. Je lui en avais parlé. J’espère qu’elle en profite bien. Connaissant papa, il a dû l’accompagner à contre-coeur.

— Ahah ! Effectivement, je l’imagine bien faire la tête pendant que maman flâne dans les étages.

— Tu crois que ça plairait à Chris de faire du shopping avec maman ?

— Hm… laisse-moi réfléchir… le connaissant il serait plus inquiet qu’autre chose, il a toujours eu peur dans ce monde qu’il connait assez mal.

— Je te rassure, je pense que papa est au moins autant flippé. Tu connais maman, elle arrive toujours à le convaincre.
Sourit-elle.

— C’est bien vrai.
Elle lui rendit le sourire.

Un autre message arriva.

[Alors, il est comment papa ?]

— Oh… mince… !
S’exclama Aurore, ne sachant pas comment réagir à la pièce jointe.

— Qu’est-ce qu’il y a ? C’est ton petit copain ?
Demanda Hélène, curieuse.

— Non, pire. Maman m’a envoyé une photo de papa dans un costume…
Dit-elle, les yeux toujours rivés sur son écran.

— Non ? Fais voir !

Hélène posa ce qu’elle avait dans les mains et se rapprocha d’Aurore pour zieuter sur son téléphone.

— … T’en penses quoi ?
— Hm… c’est… il est pas mal en fait ton père.

— Arrête ça !
Dit-elle en repoussant Hélène.

— Roh, ça va, je plaisante… mais ça lui va plutôt bien, en vrai. Alain ! Viens voir un truc.
Cria t-elle pour que son frère l’entende depuis l’arrière boutique.

— Tu as raison, et je crois que c’est ça qui me dérange le plus dans cette photo…Regardant encore son écran, comme pour mettre le doigt sur ce qui la gênait.

— Qu’est-ce qu’il y a ?
Demanda Alain, passant sa tête dans l’encadrement de la porte, soulevant le noren qui servait à séparer les deux pièces, du revers de sa main.

Hélène lui fit signe d’approcher.
Aurore tourna son téléphone pour lui montrer.

— Hmm… c’est pas mal, en effet. Ça lui va plutôt bien, même.

Le téléphone vibra et Aurore regarda le nouveau message.

— … Maman m’a envoyée une autre photo.
Déclara t-elle.

Les trois regardèrent avec curiosité le nouveau cliché.

— … Ça le change mais, ça lui va bien aussi. Maman a l’oeil.
Dit Alain.

Les deux autres acquiessèrent.
Cette fois-ci, Gabriel était dans un T-shirt manches courtes blanc simple, en coton, col rond pas trop large.et on voyait bien ses muscles. Le tissu collait à sa chair comme une seconde peau. Un jogging gris clair qui lui donnait un air sportif. Ni trop grand, ni trop large. On pouvait deviner son fessier ferme mais le tissu restait ample.

Hélène eut une idée.

— Si ils sont dans le coin, proposent leur de passer nous voir !
Proposa t-elle.

— C’est vrai qu’ils ont rarement le temps de passer à la boutique. C’est pas une mauvaise idée.
Dit Alain, songeur.

— Je lui envoie un message.
S’exécuta Aurore.

— Si vous n avez plus besoin de moi, je retourne travailler.
Dit-il en s’éloignant, l’air blasé.

— Il a toujours été comme ça… ?
Demanda Aurore. Inquiète.

— Oui oui, t’en fais pas. Le travail c’est le travail pour lui.
— T’es sûre que je dérange pas… ?
— Tu me tiens compagnie ! Regarde, on attend juste des clients. En plus, t’es un peu notre mascotte !

Voyant que cela la minait, Hélène ajouta :

— Il est pas très doué pour s’exprimer mais il est content que tu sois là. Je t’assure. Aussi, surtout parce que tu augmentes nos ventes avec tes fans.
Dit-elle en aparté, à moitié sérieuse.

— Bon, je retourne travailler aussi. Sinon je vais me faire rouspéter.

Hélène se releva et reprit ce qu’elle avait délaissé tantôt.

— Au fait, Célestin t’a recontactée ?
— Oui, on est en train de planifier la prochaine séance photo. Il a posté quelques une de la précédante sur son compte Pastagram, il m’a dit qu’il t’avait taguée dessus aussi.

— Ouep, il fait bien les choses. De mon côté aussi je le mentionne. Ça te dit toujours pas de te créer ton propre compte Pasta ?

— Non, toujours pas.
Sourit-elle.

— Je préfère ne pas mettre mon doigt dans l’engrenage des réseaux sociaux.
Affirma t-elle.

Malgré son jeune âge, elle avait les idées claires et la tête sur les épaules.

— Puis ça laisse planer un certain mystère.
Ajouta t-elle.

Hélène était fière de sa petite soeur. Sa question était réthorique mais cela la rassurait encore un peu plus sur l’amour qu’elle portait à Aurore.

— Ça tu peux le dire. Des clients et clientes sont déjà venues me demander qui était la modèle sur nos photos. Ils savent juste que tu t’appelles Aurore et que tu fais partie de la famille. J’imagine que Céles’ doit dire la même chose.

— Tu sais que certains ont fait le lien avec mon boulot ? L’autre jour, un client m’a demandé si c’était moi sur les photos de Céles’ et de ta boutique.

— Ça pose pas de problème… ?
Demanda Hélène, inquiète.

— Non, au contraire, je lui ai dit la vérité et qu’il n’hésite pas à passer voir ce que tu fais, à l’occasion. J’espère juste que je ne vais pas t’envoyer des détraqués…

— Ah ça, je les attends de pied ferme, s’il y en a.

— En parlant de ça, ma boîte a demandé à Céles’ s’il était disponible pour faire des photos du lieu et des filles. Ça servira certainement de vitrine sur leur site.

— C’est super cool !

— Oui, il faut juste qu’il trouve le temps dans son planning.
Rit-elle.

Des clientes ne tardèrent pas à arriver.
Elles virent Aurore et la reconnurent tout de suite. N’osant pas lui parler, Hélène brisa la glace et, après les avoir accueillies dans sa boutique. Présenta la star.

— Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir Aurore, notre modèle phare, qui passait par là.
Aurore salua timidement les filles et se leva pour les approcher.
Elles étaient à la fois intimidées et sautaient sur place d’excitation.

— B-bonjour. Nous sommes trop fans de tes photos !

— Merci beaucoup.
Sourit-elle.

— C’est surtout le travail du photographe et de la styliste.
Ajouta t-elle, gênée.

— Mais non ! T’es trop mignonne, est-ce qu’on peut faire une selfie avec toi… ?
Demandèrent-elles.

— Oui, bien sûr. Est-ce que je peux juste, vous demander quelque chose ?

— Euh… oui ?
Répondirent-elles curieuses.

— Juste de mentionner le compte de la boutique, si jamais c’est posté sur Pastagram…
Dit-elle en joignant ses deux mains pour faire sa demande.

— Oui bien sûr !
Répondirent-elles, toutes excitées.

Aurore proposa de faire une photo avec les deux filles puis une avec chacune d’entre elles.
Elle avait le contact facile avec les gens et cela se voyait.
Hélène l’observait de loin, avec un soupçon d’admiration.
Elle alla donner un coup de main pour les prendre en photo et retourna à ses tâches.
La blondinette avait les cheveux lâchés aujourd’hui, et un pull grande taille en coton avec des grosses mailles en chevrons dessus. Un legging gris clair bien épais et des baskets imposantes aux pieds.
Elle était habillée simplement mais il y avait quelque chose qui faisait qu’elle dégageait un certain charme.
Après la petite séance photo selfie, Aurore en profita pour présenter les produits de la boutique.
Les jeunes fans ont finalement pris quelque chose dans la boutique pour ne pas repartir les mains vides.

*

Pendant ce temps là.
Alexandra et Gabriel avaient fini leur petit tour aux galeries. Elle portait les sacs qui contenaient les vêtements neufs de son époux.
Lui, regardait aux alentours et son regard s’arrêtait de temps en temps sur des robes d’un genre qu’il n’avait jamais vu et imaginait si elles iraient bien à sa femme.

— Hélène nous invite à passer les voir a la boutique. Aurore y est en ce moment.
Dit-elle.

— Pourquoi pas.
Répondit-il, tout aussi neutre.

2020.03.26

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