Je l’ai recueillie alors qu’elle était en train de dormir sur un banc de l’église, le regard vide.
Je m’en souviens comme si c’était hier.
Il faisait froid. Il neigeait.
J’étais dans le hall de la bâtisse. Je regardais par les grandes fenêtres la tempête de neige qui se préparait.
En faisant ma ronde auprès des bancs pour vérifier que personne n’avait rien oublié lors de la dernière messe, je vis une personne allongée, recroquevillée sur elle-même. Tremblotante.
Sa longue chevelure noire laissait penser que c’était une fille.
Elle portait une robe sale et rapiécée.
Une fille des rues, en somme.
Lorsque je voulus la réveiller puisqu’elle ne répondait pas à mes appels.
— Hé, petite, tu ne peux pas rester dormir ici-
Je lui attrapai le bras pour qu’elle ouvre les yeux et qu’elle quitte les lieux.
Cet endroit était une église mais n’était pas un foyer pour les sans-abri.
Il n’y avait pas assez de chambre pour accueillir tous les démunis de la ville.
Son corps était gelé.
Je n’eus pas le coeur à la jeter dehors par ce temps.
Je regardai autour de moi, et j’enfreins la règle.
Je la portai jusqu’à ma chambre.
Elle semblait dormir profondément.
Je la posais dans mon lit, sous la couette qui allait réchauffer son petit corps frêle.
Je la réveillerai demain, et elle devra retourner d’où elle vient.
C’est ce que je m’étais dit.
Ne pouvant plus me coucher, j’en profitais pour revoir mes notes et travailler sur mes recherches.
À l’époque, je n’étais qu’un simple infirmer assistant qui étudiait pour être médecin.
Dans ma petite chambre, je travaillais pour l’église et l’hôpital qui y était rattaché.
Cette église existait pour donner de l’espoir aux gens.
Derrière, des groupes de gens travaillaient dans la recherche de nouveaux médicaments et soins, une autre partie était constituée de médecins et d’infirmiers pour s’occuper des blessés.
Ainsi le lendemain matin, elle ouvrit ses yeux.
Le regard vide, elle n’avait aucune idée de où elle se trouvait.
Je la rassurais du mieux que je le pouvais, en lui disant qu’elle ne craignait rien. Qu’on était dans les appartements de l’hôpital.
Bien entendu je lui rappelais qu’elle n’avait pas le droit de passer la nuit dans le hall de l’église.
Que cette fois-ci ça passerait mais que la prochaine fois, il ne faudra pas.
— Si je t’avais laissée sur le banc, quelqu’un d’autre t’aurais demandé de partir… Tu comprends ?
Ne sachant pas si elle comprenait ce que je lui disais ou non.
Elle semblait se cacher sous la couverture, réprimandée.
— S’il vous plaît… Je ferai tout ce que vous voudrez… Ne me renvoyez pas à l’extérieur…
Les larmes aux yeux, sanglotait-elle ?
« Ce que vous voudrez » ?
Est-ce qu’elle se rendait compte de l’ampleur de ses paroles… ?
Assis à mon bureau. Je me massais l’arc nasal, après une nuit blanche, je n’avais pas l’esprit clair.
— Est-ce que tu te rends compte de ta situation ? Cela ne dépend pas de moi… Ce n’est pas possible.
Je me levai pour aller me rincer le visage, de quoi me réveiller et me rafraîchir.
— Prends ton temps mais lorsque je reviendrai je te raccompagnerai jusqu’à la porte. C’est clair ?
Mes études étaient assez pénibles sans que je m’encombre d’une personne en plus à ma charge.
2013.8.15
Ah mais non, il va pas la jeter dehors qd même. Il fait trop froid dehors, et elle semble jeune.