Je ne me souviens plus très bien depuis combien de temps ni depuis quand nous nous connaissons.
Aussi loin que remontent mes souvenirs, je crois que nous étions à la petite école.
Nous étions dans la même classe.
J’avais très peu de contact avec mes autres camarades, je ne pouvais pas leur en vouloir.
Telle était la règle ici haut.
Ma famille faisait partie des Ignorés. Toutes les personnes de santé fragile et donc, qualifiés de faibles, étaient des cas perdus. Rien ni personne ne pouvait les aider, la sélection naturelle se faisait.
Ma mère en faisait partie. Mon père avait abandonné les privilèges de son statut pour rester auprès d’elle. Ainsi toute notre famille et sa descendance faisaient partie des Ignorés. J’aurais pu en réchapper si seulement je n’avais pas hérité des gènes de ma chère mère. Malheureusement, ce ne fut pas le cas et mon cas était assez inquiétant. Il s’aggravait de jours en jours.
J’avais à peine 12 ans que je vivais avec une épée de damoclès pointée sur moi chaque jour.
Je ne pouvais haïr ma mère de m’avoir donné un corps si faible.
Elle s’excusait en pleurs à chaque fois que j’étais clouée au lit à cause de ma maladie.
Tout ce que je pouvais faire c’était profiter de ma courte mais précieuse vie.
Ainsi, le peu de temps que je passais à l’école, mes camarades m’ignoraient.
Je me suis rendue compte que je n’étais pas la seule personne exclue du groupe.
Une autre fille était également mise à l’écart.
Elle avait les cheveux courts et était un peu garçon manqué. Elle était plus grande que la plupart des filles et même de certains garçons.
Elle n’avait pas l’air très commode. Les garcons se moquaient d’elle et les filles n’osaient pas l’approcher, intimidées par son caractère et sa carrure.
J’avais croisé son regard un instant, ses yeux étaient d’un bleu profond, et ses bouclettes blondes vénitiennes retombaient de part et d’autre de son visage légèrement carré.
À cette époque j’étais déjà plus petite et chétive que les autres, mes cheveux mi-longs s’arrêtaient au dessus de mes épaules.
J’étais bien évidemment dispensée des cours d’éducation physique, je passais mon temps à observer les autres élèves faire ce que je ne pouvais pas.
L’école servait à définir dans quels domaines nous étions doués pour choisir dans quelle branche nous irions pour notre avenir. Il était déjà clair que les postes physiques étaient incompatibles avec ma constitution. Si je restais en vie jusque là.
Ce jour là, j’étais comme d’habitude sur le banc à les observer.
J’étais étrangement intriguée par la jeune fille aux bouclettes.
Peut-être parce qu’elle était physiquement tout l’inverse de ce que j’étais.
J’avais une envie irrationnelle de lui parler, parce qu’elle était plus accessible que les autres, parce qu’elle était seule tout comme moi.
Elle était en train de se battre avec les autres, de manière assez violente. Je ne discernais pas très bien ce qu’il se passait.
Ils étaient en train discuter ou de se disputer, puis la fillette sauta sur une des personnes en face d’elle. Le garçon fut pris au dépourvu et se retrouva vite submergé par la force de son adversaire.
Elle lui avait collé une droite, bien placée.
L’institutrice avait dû intervenir et les avait séparés.
Quelques minutes plus tard, la turbulente était venue s’asseoir à côté de moi.
Elle ne dit rien.
Je réfléchissais à un moyen de commencer la conversation puis je me ravisais.
Elle risquait d’être encore plus mise à l’écart par ma faute.
Je me vis imaginer un dialogue avec elle, où je commençais à lui parler du beau temps.
Puis je ris de ma stupidité. Du ridicule de la situation.
Je réprimais un sourire.
Elle se tourna vers moi, et remarqua mon petit rire.
— Tu te moques de moi ?!
Elle avait une voix très douce et pourtant je devinais son énervement face à ma réaction.
Je me tournais à mon tour vers elle et je pus l’observer de plus près.
Elle était couverte de terre et de sable sur quelques parties de son visage, ainsi que sur ses vêtements.
Elle n’en restait pas mignonne, ses cheveux mi-courts ondulés, ses petits bouclettes s’étaient collées à sa nuque à cause de sa transpiration.
Les reflets de ses boucles dorées étaient magnifiques.
Je restais là, à l’observer, avec mon air idiot.
— T’es muette ou quoi… ?
Ses mots m’extirpèrent de ma contemplation et je dus m’excuser.
— Ça te fait rire que je sois punie ?!
Elle était agacée, cela s’entendait dans sa voix. Elle se détourna de moi et observa les autres élèves sur le terrain.
— C’est que… je ne vois pas bien de loin…
— Tu veux dire que tu ne m’as pas vu donner une leçon au gars là-bas… ?
Elle riait, à son tour.
— Tu as raté quelque chose ! … Pourquoi tu rigoles toute seule alors… ?
Elle me regardait avec un air d’incompréhension.
— Je… me parlais toute seule…
Repondais-je, à moitié dans la barbe que je n’avais pas.
Elle entendit très bien ma réponse et éclata de rire.
J’étais tellement embarassée, j’avais baissé la tête et observait intensément le bout de mes pieds.
— T’es vraiment bizarre !
Dit-elle en reprenant son souffle.
Je commençais à me dire que les gens ne m’approchaient pas, pas parce que j’étais faible, mais à cause de ma bizarrerie…
— T’es drôle…
Lâcha t-elle en essuyant ses larmes de rire.
Nous n’étions pas censées nous parler pourtant je ressentais quelque chose au fond de moi. J’étais heureuse d’avoir pu lui parler. Je me sentais étrangement bien.
— Je ne comprends pas trop pourquoi les autres t’ignorent… Je sais que c’est la règle… mais… Ça te dérange si je continue à t’adresser la parole ?
Elle m’avait demandé cela de but en blanc.
2015.03.08
» Mon père avait bandonné les privilèges » → » Mon père avait abandonné les privilèges »
« Une autre fille était également mise à l’acart. » → « Une autre fille était également mise à l’écart. »
« Ils étaient en train discuter ou de se disputer » → « Ils étaient en train de discuter ou de se disputer »
J’aime bien l’intro, qui explique bien le contexte. Avec la première phrase qui reprend le thème, et ensuite t’as l’historique de la famille et les règles qui régissent le monde (les Ignorés, ce qu’ils sont, et ce que ça implique). J’ai donc eu plaisir à lire perso.
Merci beaucoup pour tes commentaires !!! Je corrige ça !
Et encore merci de continuer à me lire et d’y prendre plaisir. Le « moi » de 2015 est ému !