Prenant soin de la seule chose qui lui appartenait vraiment, tant bien que mal dans sa situation.
Sa tenue d’employée, de son premier travail, limée par le temps et la vie dans la rue.
La seconde chose dont elle prenait soin, était sa chevelure.
Longue, lisse et de couleur sombre, tout comme sa propre histoire.
Préservant cette seule part de féminité qu’il lui restait.
Elle enterra sa fausse couche dans les bois.
Lors de sa première fois, elle ne sut pas tout de suite ce qui lui arrivait.
Elle était en train de dépoussiérer la bibliothèque lorsqu’il entra dans la pièce.
Elle continua sa tâche sans même se retourner.
Elle sentit sa présence, son regard sur elle. Elle se sentait observée.
Elle entendit le verrou de la porte.
Elle continua de secouer son plumeau, montrant qu’elle n’avait rien à se reprocher et qu’elle faisait bien son travail.
Il s’approcha lentement, jusqu’à être juste derrière elle, et sa main se posa sur son épaule.
Doucement, il posa sa paume et la massa.
Sa seconde main se posa sur sa hanche.
Elle se figea et tourna son visage vers lui.
C’était son patron.
Comme pour éviter toute question, il posa ses lèvres sur sa bouche.
Elle ne sut pas ce qu’il lui arrivait.
Elle avait déjà pu apercevoir ou entendre les ébats amoureux de la patronne avec son époux, mais elle n’avait jamais expérimenté ça personnellement.
Ils n’étaient pas particulièrement discrets et peut-être aimaient-ils savoir qu’un ou plusieurs potentiels voyeurs étaient présents.
Il le savait et profitait de l’innocence de la fillette.
Est-ce que cela faisait partie de son travail ?
Elle restait stoïque et à la fois effrayée de désobéir.
Elle se laissa faire, telle une poupée, elle ne cria pas, elle ne gémit pas.
Malgré la douleur, malgré les grandes mains gantées de l’homme sur sa bouche, de peur qu’elle n’alerte sa femme.
Pas même une larme.
Lorsqu’il eut fini son affaire, il lui laissa le temps de se rhabiller et de se recoiffer de manière présentable avant de déverrouiller la porte.
Quoi qu’il en soit, elle était prisonnière.
Ce manège dura un bon moment.
Ce qui devait arriver, arriva.
Elle tomba enceinte.
De panique, le maître de maison la poussa dans les escaliers pour qu’elle perde le foetus.
En tentative de sauver son couple, il rejeta toute la faute sur elle et ils prirent la décision de la licencier.
Elle qui n’avait rien, elle se retrouva à la rue.
Elle ne chercha même pas à se défendre. Elle s’en alla sans demander son reste.
Le stratagème de l’escalier ne fonctionna pas, mais elle finit par perdre le bébe tout de même.
Pour que la réputation de la maison ne soit pas entachée, des fausses rumeurs sur elle circulèrent et elle eut du mal à retrouver du travail, et d’avoir de quoi survivre.
Pour elle, cela dura une éternité.
Entre la recherche de travail, la recherche d’un endroit où dormir, la faim…
Elle se fit même agresser par des jeunes ou, moins jeunes hommes. Cette fois-ci, elle était libre de faire ce qu’elle voulait, la fois où elle s’était laissée faire ne l’avait pas réussit. Et lorsque l’ homme en face d’elle, essaya de la prendre, elle n’hésita pas à lui donner un coup de genou bien placé. Malheureusement, ce genre d’individus ne se baladaient pas seuls, et même si c’était le cas, il se releva et lui en colla une, jusqu’à ce qu’elle finisse au sol.
Il l’asséna de coups de pieds, avant de partir avec son groupe d’amis, qui n’étaient plus aussi enthousiastes de tirer leur coup après avoir vu leur copain se prendre un coup dans les bijoux de famille.
Le goût du sang dans la bouche et les côtes douloureuses, allongée en boule au sol, un sourire se dessina sur ses lèvres et un rire nerveux sortit de sa bouche.
Est-ce que c’était si simple ? Est-ce qu’elle aurait dû faire cela dès le début ?
Elle trouva refuge dans une petite bibliothèque, dont le vieux gérant prit pitié d’elle, assez pour la laisser dormir dans un coin de la salle.
Il était tout de même réticent à l aider, cette inconnue pas très propre et qui avait l’air de s’être battue.
Elle ne savait plus pour quelle raison elle était encore en vie. Fouillant, honteusement, dans les poubelles pour trouver par chance de quoi manger.
Elle trouva un point d’eau dans la forêt pour se laver. Par chance, il n’y avait pas beaucoup de passages.
Dans les ruelles, elle entendit les rumeurs au sujet du château, et n’ayant pas d’autre but, elle s’y rendit.
Esperant qu’elle puisse commencer un nouveau départ.
Même la possibilité de se faire dévorer par les bêtes sauvages au cours de son trajet, était une finalité salvatrice pour elle.
Malheureusement, le destin fut moins clément et une force surnaturelle la guida jusqu’à bon port, et elle réussit à trouver la force et l’énergie de continuer jusqu’à l’arrivée, devant les portes du domaine.
Une aura particulière sembla la protéger des attaques, tout le long du chemin.
2020.01.24
une variante encore plus sinistre du texte précédent, parfait 🙂
Ah, je me disais bien que t’allais kiffer ! 😀